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LES ENJEUX STRUCTURELS
POUR LA FRANCE
NOVEMBRE 2021
ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LE RÉSEAU FERROVIAIRE
FRANÇAIS : DES ÉVOLUTIONS
SIGNIFICATIVES MAIS DES
CHOIX NÉCESSAIRES
À VENIR
COUR DES COMPTES
3
SOMMAIRE
5
AVERTISSEMENT
7
SYNTHÈSE
9
INTRODUCTION
11
1 - UN EFFORT DE RÉNOVATION DU RÉSEAU
À AMPLIFIER
11
1.1. Une infrastructure qui reste fragilisée faute
d’investissements suffisants de renouvellement
13
1.2. Une qualité de service qui pâtit toujours
de l’insuffisante performance du réseau
14
2 - UN RÉSEAU QUI RESTE INSUFFISAMMENT
FINANCÉ
14
2.1. L’amélioration de la performance
de SNCF Réseau : un impératif premier
15
2.2. La taille du réseau ferroviaire :
un sujet jusqu’à présent différé
17
2.3. L’espoir peu réaliste d’un autofinancement
du système
23
RÉFÉRENCES AUX TRAVAUX DE LA COUR
DES COMPTES
COUR DES COMPTES
5
La présente note fait partie d’un ensemble de travaux destinés à présenter,
sur plusieurs grandes politiques publiques, les principaux défis auxquels
seront confrontés les décideurs publics au cours des prochaines années
et les leviers qui pourraient permettre de les relever. Cette série de
publications, qui s’étale d’octobre à décembre 2021, s’inscrit dans le
prolongement du rapport remis en juin 2021 au Président de la République,
Une stratégie des finances publiques pour la sortie de crise.
Ce travail de
synthèse vise à développer, sur quelques enjeux structurels essentiels,
des éléments de diagnostic issus de précédents travaux de la Cour et des
pistes d’action à même de conforter la croissance dans la durée tout en
renforçant l’équité, l’efficacité et l’efficience des politiques publiques.
La Cour, conformément à sa mission constitutionnelle d’information des
citoyens, a souhaité développer une approche nouvelle, qui se différencie
de ses travaux habituels, et ainsi apporter, par cette série de notes
volontairement très synthétiques et ciblées, sa contribution au débat
public, tout en veillant à laisser ouvertes les différentes voies de réformes
envisageables.
Cette note a été délibérée par la 2
e
chambre et approuvée par le comité du
rapport public et des programmes de la Cour des comptes.
Les publications de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur le site
internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes :
www.ccomptes.fr
.
AVERTISSEMENT
COUR DES COMPTES
7
SYNTHÈSE
Les réformes ferroviaires ont apporté par touches successives des améliorations
substantielles au réseau ferroviaire français. Elles ne sont néanmoins pas parvenues
à surmonter plusieurs faiblesses structurelles, que la crise sanitaire a fortement
aggravées. Le réseau ferré national peine à sortir de son état de dégradation. Le
financement de sa gestion et de sa rénovation n’est toujours pas assuré. Des choix
restent nécessaires pour sécuriser un réseau auquel sont fixées de fortes ambitions
environnementales et sociétales.
Chiffres clés
Réseau ferroviaire français :
28 100 km
, dont un tiers de lignes locales
Âge moyen du réseau :
29 ans
et
37 ans
sur le réseau local
Objectif annuel d’investissement de renouvellement  :
3 Md€
, pour un
besoin estimé à
3,5 Md€
et une réalisation à
2,7 Md€
en 2019
Dette ferroviaire reprise par l’État en 2020 et 2022 :
35 Md€
Améliorer la performance
de SNCF Réseau
Réévaluer le soutien de l’État
et des collectivités territoriales
Réexaminer la taille
du réseau ferroviaire
FAVORISER UN MODÈLE D’EXPLOITATION
ÉQUILIBRÉ DU RÉSEAU FERROVIAIRE
FAVORISER UN MODÈLE D’EXPLOITATION
ÉQUILIBRÉ DU RÉSEAU FERROVIAIRE
COUR DES COMPTES
9
INTRODUCTION
Le transport ferroviaire répond à une demande sociale forte, celle d’un mode de
transport performant et à un prix abordable, et se voit actuellement reconnaître un
rôle majeur dans la stratégie française de transport décarboné, stratégie réaffirmée
par la loi d’orientation sur les mobilités du 24 décembre 2019.
Ses principales caractéristiques ont cependant été définies au milieu du XIX
e
 siècle
autour de trois activités principales : le transport de voyageurs de longue distance
entre agglomérations, le transport de voyageurs de courte et moyenne distance
pour la desserte des territoires et des zones urbaines denses et le transport de
marchandises sur de longues distances. Le transport de voyageurs, en déclin dans
l’après-guerre, a connu depuis une trentaine d’années un regain notable grâce au
développement du réseau à grande vitesse et, depuis le début des années 2000,
grâce à la redynamisation du réseau express régional. Le transport de fret, en
revanche, ouvert à la concurrence depuis 2006, reste en France peu compétitif,
handicapé par la géographie d’un réseau qui, dans les grands nœuds ferroviaires,
donne la priorité au transport de passagers et le relègue au trafic de nuit, lui-même
contrarié par les chantiers de rénovation du réseau.
Le bon fonctionnement au meilleur coût du transport ferroviaire suppose l’usage
d’un réseau à la fois sûr et performant, en mesure d’assurer conjointement ces trois
types de trafics dans des conditions économiques acceptables pour la collectivité.
Le modèle économique du transport ferroviaire est en effet caractérisé par des
coûts élevés tenant, notamment, à l’importance des investissements à consentir
pour développer, entretenir et exploiter le réseau, supérieurs à ceux que nécessitent
les transports routier, aérien ou maritime. Il est par ailleurs handicapé, en particulier
face au réseau routier, par la rigidité structurelle des circulations ferroviaires,
nécessitant une délicate répartition des sillons de circulation entre les différents
utilisateurs.
La question du financement de ce réseau et des choix à faire en ce domaine,
traverse toute l’histoire du ferroviaire et revient de manière récurrente. Déjà, la
création de la SNCF en 1938 était la conséquence d’une crise de financement qui
avait abouti à la fusion, sous la responsabilité d’un gestionnaire unique, des réseaux
privés et publics qui coexistaient jusque-là.
Cette question constitue ainsi l’arrière-plan des grandes réformes qui se sont
succédé depuis bientôt un quart de siècle : création de Réseau ferré de France
(RFF) en 1997, établissement public qui, devenant propriétaire du réseau
ferroviaire, libère la SNCF de la dette d’infrastructure ; création en 2014 d’un
gestionnaire d’infrastructure unique, SNCF Réseau ; réforme de 2018 créant, à
partir du 1
er  
janvier 2020, un nouveau groupe ferroviaire constitué de sociétés
10
LE RÉSEAU FERROVIAIRE FRANÇAIS : DES ÉVOLUTIONS SIGNIFICATIVES MAIS DES CHOIX NÉCESSAIRES À VENIR
anonymes (dont le gestionnaire d’infrastructure SNCF Réseau et sa filiale Gares &
Connexions) autour d’une société mère SNCF et mettant un terme au recrutement
au statut à compter de cette date ; assainissement de la structure financière du
nouveau groupe grâce à la reprise par l’État de 35 Md€ de dette ferroviaire, dont
25 Md€ en 2020 et 10 Md€ en 2022.
Ces réformes ont apporté par touches successives des améliorations substantielles
au modèle économique du réseau ferroviaire français. Pourtant, elles ne sont pas
parvenues à surmonter les faiblesses structurelles du système ferroviaire, que la
crise sanitaire a fortement aggravées :
• la question de la rénovation du réseau reste posée : le réseau ferré national,
encore insuffisamment entretenu et modernisé, peine à sortir de son état de
dégradation ; cette faiblesse fragilise la qualité de service du transport ferroviaire
français, voire l’expose au risque d’accidents graves ;
• le financement de la gestion et de la rénovation du réseau n’est toujours
pas assuré : des gains de productivité restent à réaliser mais l’espoir d’un
autofinancement du système, en filigrane de toutes les réformes depuis 1997,
était déjà fragile avant la crise sanitaire et devient un pari risqué ;
• ce constat appelle des choix nécessaires pour sécuriser les investissements
indispensables de renouvellement et de modernisation de ce réseau, à la mesure
des ambitions environnementales et sociétales qu’il porte désormais mais aussi
de la réalité des moyens disponibles.
COUR DES COMPTES
11
1 - UN EFFORT DE RÉNOVATION DU RÉSEAU À AMPLIFIER
Le système ferroviaire français souffre d’une
trop faible qualité de service du transport,
le plus souvent liée au mauvais état des
infrastructures.
1.1. Une infrastructure qui reste
fragilisée faute d’investissements
suffisants de renouvellement
Le constat d’un sous-investissement dans
la maintenance du réseau ferré national a
été régulièrement posé depuis qu’un audit
international l’a révélé en 2005. Ce constat a
amené l’État à accroitre l’effort de renouvelle-
ment des voies et appareils de voies. On
observe certes une relative stabilisation de
l’usure du réseau, mais dans des proportions
ne permettant pas jusqu’à présent de combler
le retard accumulé depuis des décennies. Dans
son rapport de 2018, la Cour des comptes
constatait ainsi que l’effort de renouvellement
et de modernisation était loin d’être arrivé
à son terme. Si la sécurité est devenue
une priorité absolue pour le groupe public
ferroviaire après les accidents de Brétigny-
sur-Orge et de Denguin, les incidents liés
aux défaillances d’infrastructures restent à
un niveau très élevé. Les dernières données
disponibles confirment ce constat.
Tableau n° 1 : indicateurs sur l’état du réseau
Source : bilan ferroviaire 2019 ART
Âge du réseau ferré
29,2 ans en moyenne, 36,7 sur le réseau local
Proportion de voies hors d’âge
23 % du réseau ferré national hors lignes à grande
vitesse à fin 2019
Ralentissements dus à l’état du réseau
4 500 km de voies du réseau (sur 49 500 km de voies)
subissent des ralentissements ou l’arrêt des circulations
pour cause de mauvais état du patrimoine. 22 %
du réseau des «petites lignes» est concerné par ces
restrictions
Au-delà de la rénovation du réseau, SNCF
Réseau n’a pas encore réussi à rendre
plus performante la gestion de ce dernier.
C’est notamment le cas de la gestion des
circulations, essentielle pour la compétitivité
du transport ferroviaire face à son concurrent
routier, avec le retard pris dans les projets de
commande centralisée du réseau, permettant
le pilotage à distance des aiguillages, et de
modernisation de l’outil informatique,
projets essentiels pour obtenir des résultats
significatifs en termes de qualité de service.
Fin 2019, SNCF Réseau ne disposait que
de huit centres opérationnels sur les seize
prévus à cette date, et commençait seulement
à mener des tests opérationnels du nouvel
outil informatique en Bourgogne-Franche-
Comté. Le retard français dans l’automatisation
de ses aiguillages contraste avec l’avance
de ses voisins européens, qui avaient pour la
plupart initié beaucoup plus précocement ces
programmes lourds en termes d’investissement
12
LE RÉSEAU FERROVIAIRE FRANÇAIS : DES ÉVOLUTIONS SIGNIFICATIVES MAIS DES CHOIX NÉCESSAIRES À VENIR
Graphique n° 1 : effort de renouvellement des infrastructures
Source : Cour des comptes d’après les données du contrat de performance 2017–2026
3 200
3 000
2 800
2 600
2 400
2 200
2 000
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
2024
2025
2026
investissements de renouvellement en euros courants
investissements de renouvellement en euros constants
et complexes en termes d’acceptabilité sociale :
ainsi l’Allemagne avait déjà déployé en 2015
plus de 90 % de son système de commande
centralisée.
La relance des investissements était annoncée
par la loi du 4 août 2014 portant réforme
ferroviaire
via
la signature d’un contrat de
performance entre l’État et SNCF Réseau
permettant notamment de fixer une trajectoire
de financement sur dix ans. Ce contrat, qui
n’a été signé que le 20 avril 2017, fixe un
objectif annuel de 3 Md€ d’investissements
de renouvellement du réseau à compter de
2020. Mais, fixé en euros courants, cet objectif
conduit en pratique à une réduction de
l’effort en euros constants, alors que le besoin
d’investissement annuel avait été estimé à
3,5 Md€ en euros constants par le dernier audit
international, effectué en 2018.
Ainsi, pour l’année 2019, SNCF Réseau
indiquait n’avoir réalisé que 2,7 Md€
d’investissements de renouvellement et
de performance correspondant à 942 km
de voies, soit un rythme moindre que celui
des années 2013-2015. Une augmentation
de 200 M€ par an des investissements de
renouvellement et de modernisation à
compter de 2022 a été annoncée en mai 2018,
mais ne s’est néanmoins pas concrétisée dans
le contexte de la crise sanitaire. Le plan de
relance de 2020, en consacrant 2,3 Md€ à la
compensation des pertes de SNCF Réseau,
ne cible qu’à 2,9 Md€ le niveau annuel des
investissements de renouvellement.
COUR DES COMPTES
13
Source : bilan ferroviaire 2019 ART
Graphique n° 2 : taux de ponctualité du transport ferroviaire de voyageurs en 2019
50 %
60 %
70 %
80 %
90 %
TER
Transilien
Intercités
International
Total
TAGV
domestique
2017 2018 2019
2017 2018 2019
2017 2018 2019
2017 2018 2019
2017 2018 2019
2017 2018 2019
88 %
88 %
88 %
89 %
90 %
90 %
76 %
72 %
76 %
76 %
74 %
78 %
76 %
69 %
73 %
87 %
87 %
89 %
1.2. Une qualité de service qui
pâtit toujours de l’insuffisante
performance du réseau
Le mauvais état du réseau reste la cause
principale de la faible qualité de service du
transport ferroviaire en France. La Cour a
insisté sur ce point tout au long des contrôles
successifs qu’elle a menés. Ainsi, en 2017, elle
faisait le constat de la réduction de la part
modale du fret ferroviaire français, réduction
qui s’est confirmée ensuite, cette part passant
de 17 % en 2000 à 9 % en 2019, évolution
qu’elle expliquait
« par le mauvais état du
réseau, dont les travaux de rénovation ont
fortement dégradé la fiabilité des sillons alloués
pour la circulation des convois de fret et donc
la qualité de service jugée indispensable par
les chargeurs, qui ont, de ce fait, reporté leurs
trafics vers d’autres modes, en particulier le
mode routier ».
S’agissant du transport de voyageurs, la Cour
a également pu constater l’impact de l’état du
réseau sur la ponctualité des trains express
régionaux (TER), imputable dans 23 % des cas
à SNCF Réseau, ainsi que sur celle des trains
Intercités. Les dernières données disponibles
montrent une légère amélioration mais aussi la
persistance de cette fragilité.
Ainsi, la dégradation du réseau entraine
aujourd’hui un cercle vicieux pour le transport
ferroviaire : les incidents ou les ralentissements
sur le réseau entrainent des suppressions
ou retards des trains ; mais pour remédier à
cette situation, SNCF Réseau doit engager
d’importants travaux qui peuvent conduire à
déprogrammer des circulations, phénomène
qui affecte plus particulièrement le fret avec
les chantiers de nuit. Dans ces conditions, il
n’est pas surprenant que le transport routier
bénéficie encore d’un avantage significatif sur
le transport ferroviaire.
14
LE RÉSEAU FERROVIAIRE FRANÇAIS : DES ÉVOLUTIONS SIGNIFICATIVES MAIS DES CHOIX NÉCESSAIRES À VENIR
2 - UN RÉSEAU QUI RESTE INSUFFISAMMENT FINANCÉ
La fragilité des infrastructures ferroviaires,
et le retard mis à y remédier s’expliquent
par la conjonction de plusieurs facteurs qui
n’ont pas permis, jusqu’à présent, d’assurer un
financement pérenne des importants besoins
d’investissements.
2.1. L’amélioration de la performance
de SNCF Réseau : un impératif premier
Si le gestionnaire d’infrastructure se trouve en
déséquilibre pour financer ses besoins élevés
en investissements, force est de constater
que les objectifs qui lui ont été assignés
depuis de nombreuses années en matière
de performance industrielle et de gains de
productivité, pourtant peu ambitieux, ne sont
jusqu’à présent pas atteints. Dans son rapport
sur SNCF Réseau de 2018, la Cour a mis en
évidence le coût élevé de la maintenance
du réseau comparé à certains de ses voisins
européens : elle relevait ainsi que la France
comptait 1,73 agent du gestionnaire de réseau
pour 1 km de réseau alors que ce ratio n’était
que de 0,99 en Allemagne.
Dans les deux récents contrats pluriannuels de
performance signés avec l’État sur les périodes
2008-2014 puis 2017-2026, des engagements
en matière de gains de productivité et
de maitrise des coûts ont certes été pris.
Le contrat de performance 2017-2026 fixe
ainsi un objectif d’économie de 1,2 Md€ sur
la période du contrat, correspondant à une
croissance annuelle de la productivité de 1,4 %
en moyenne. La Cour a souligné en 2018 que
ces objectifs n’étaient pas très ambitieux et
restaient peu documentés. La proposition
initiale de l’État de porter l’effort à 1,6 Md€,
jugée difficilement réalisable par SNCF Réseau,
aurait permis d’afficher une trajectoire plus
exigeante, mettant l’accent sur l’impérieuse
nécessité de mettre en œuvre les projets de
modernisation de la gestion de la circulation et
de la maintenance trop lentement développés
par l’entreprise.
Le bilan de ces contrats parait de fait décevant
à ce stade, d’autant que les gains réalisés ont
surtout été obtenus par une politique d’achat
ambitieuse, permettant incontestablement
à l’entreprise d’acheter à meilleur coût, mais
non par une diminution de ses coûts de
production propres. La Cour a souligné ainsi
qu’entre 2013 et 2016, les dépenses d’entretien
et de renouvellement ont fortement augmenté
(environ + 17 %) alors que la production
physique paraît stable, l’entreprise renouvelant
annuellement environ 1 000 km de voies par
an. L’examen des derniers comptes financiers
montre que SNCF Réseau n’a toujours pas
amélioré sa performance. S’agissant du coût
de l’entretien, l’entreprise n’a pas élaboré
d’indicateur de productivité, pourtant exigé
dans le contrat de performance, ce qui
conduit à s’interroger sur la réalité des gains
avancés régulièrement par SNCF Réseau.
Quant au coût moyen du renouvellement d’un
kilomètre de voie du réseau
« 
structurant
 »
(dénomination qui regroupe les lignes à grande
vitesse, le réseau francilien et les lignes inter-
agglomérations), il a augmenté de 20 % entre
2015 et 2020, pour un objectif fixé à 6 % (entre
2015 et 2021).
L’amélioration de la performance de SNCF
Réseau et la diminution de son coût de
production se heurtent ainsi à deux écueils :
• la gestion du réseau et des circulations pâtit
d’une insuffisante modernisation et d’une
faible industrialisation des processus. Le cas
COUR DES COMPTES
15
le plus flagrant est le retard évoqué plus
haut concernant le projet de commande
centralisée du réseau. La centralisation et
l’automatisation des commandes d’aiguillage
devaient permettre de fortement réduire les
effectifs du personnel affecté à la circulation
(environ 13 000 agents). Le retard pris sur ces
projets s’explique à la fois par une difficile
acceptation sociale et par l’insuffisance des
financements nécessaires pour mener à bien
ce grand projet industriel ;
• en outre, l’organisation du travail est une
source de surcoût, constat effectué par la
Cour pour l’ensemble des entités du groupe
SNCF. La rigidité de cette organisation, la
faiblesse du temps de travail pour certains
métiers et l’insuffisante polyvalence des
agents conduisent à une productivité bien
inférieure à celle des principales entreprises
du secteur des travaux publics. Si l’on ajoute
à cela un coût salarial dopé par des grilles de
rémunération inflationnistes, on comprend
que SNCF Réseau réalise ses missions avec
des coûts particulièrement élevés.
Par ailleurs, les réformes ferroviaires n’ont que
très récemment fourni aux deux gestionnaires
d’infrastructure le cadre nécessaire à
l’amélioration de sa performance. En effet,
ce n’est de fait qu’à compter de 2020 que
ces réformes successives ont permis à SNCF
Réseau et Gares & Connexions, qui lui est
dorénavant rattachée comme filiale, de disposer
de l’autonomie de gestion et de l’ensemble
des leviers pour réaliser leurs missions, et de
bénéficier de la fin du recrutement sous statut,
réforme qui ne pourra néanmoins produire ses
effets qu’à longue échéance.
L’amélioration de la per formance du
gestionnaire d’infrastructure sera l’une des
conditions indispensables à l’amélioration
de la soutenabilité financière du réseau
ferroviaire. L’objectif initialement envisagé
par l’État d’un effort de productivité de
1,6 Md€ sur la période du nouveau contrat
de performance gagnerait à être réaffirmé à
l’avenir. D’un point de vue opérationnel, cela
nécessite, comme la Cour l’a déjà souligné
en 2018, d’une part, une amélioration de la
performance industrielle en accélérant la mise
en place des programmes « système industriel
de production des horaires » et « commande
centralisée du réseau » et, d’autre part, de
renégocier l’accord sur le temps de travail afin
que l’entreprise puisse prendre en compte les
contraintes spécifiques de son organisation
industrielle.
2.2. La taille du réseau ferroviaire :
un sujet jusqu’à présent différé
Le déséquilibre financier du gestionnaire
d’infrastructure met également en évidence
la difficulté à aborder le sujet récurrent du
dimensionnement du réseau. Avec 28 100 km
de lignes ferroviaires exploitées, la France
dispose du deuxième réseau ferré européen
derrière l’Allemagne, mais 29 % des lignes sont
constituées de voies très peu fréquentées, de
catégories « UIC 7 à 9 », parfois dénommées
« petites lignes » ou « lignes de dessertes fines »
(en référence à la classification de l’Union
internationale des chemins de fer – UIC –, la
SNCF distingue les lignes ferroviaires selon
l’importance du trafic, les lignes UIC 1 étant
les plus fréquentées, les lignes UIC 9 les moins
fréquentées). En raison de leur faible circulation,
les péages générés par ces lignes sont très
insuffisants pour financer leur maintien en
état. Ainsi, en 2018, la Cour soulignait que le
taux d’utilisation du réseau français n’était
en moyenne que de 15,7 milliers de train-km
par lignes-km (chiffres 2014) contre 26,4 pour
l’Allemagne.
16
LE RÉSEAU FERROVIAIRE FRANÇAIS : DES ÉVOLUTIONS SIGNIFICATIVES MAIS DES CHOIX NÉCESSAIRES À VENIR
La question du maintien et de la rénovation
de ce réseau local, dont une partie est en
mauvais état et qui requiert, du fait de sa
faible électrification, des matériels roulants à
motorisation thermique, est un sujet sensible.
Elle obéit à des impératifs contradictoires :
d’une part, celui de la soutenabilité financière
globale des missions d’entretien et de gestion
du réseau et, d’autre part, celui, ligne par ligne,
du maintien d’un service de transport collectif
de proximité par crainte d’un délaissement de
territoires isolés ou mal desservis.
Les régions, soucieuses de conserver des
lignes d’aménagement du territoire, n’ont
que peu tenté jusqu’à présent d’objectiver les
termes du choix qui se posent à elles. La Cour
a pourtant souligné en 2019 la nécessité de
conduire des expertises économiques, sociales
et environnementales de leurs réseaux afin
de déterminer les options possibles, selon
une approche multimodale : développer la
ligne, la maintenir en la gérant de façon plus
économique, privilégier un autre mode de
transport que le transport ferroviaire, ou
supprimer cette ligne de desserte.
L’État, enclin à rationaliser le réseau, n’a pas
voulu affronter les régions mais a
de facto
décidé, dans le contrat de performance 2017-
2026, de se désengager du financement de ces
lignes. La priorité accordée à la rénovation du
réseau structurant amenait de fait à confier
majoritairement la charge des infrastructures
régionales aux régions, l’État, par l’intermédiaire
de SNCF Réseau et de Gares & Connexions, se
chargeant du réseau structurant et des grandes
gares, dites de « catégorie A ».
Une telle décision a conduit les collectivités
territoriales à accroitre leurs interventions. En
2019, la Cour avait évalué leurs investissements
durant la période 2012-2017 sur le réseau
express régional à environ 1,6 Md€, et sur
les gares de voyageurs à environ 0,5 Md€. Ce
niveau d’intervention a permis de compenser
le désengagement progressif de SNCF Réseau
dans les investissements de renouvellement
pour les lignes les moins fréquentées, de niveau
UIC 7 à 9.
Face à la critique de son désengagement et
à la sensibilité politique pour les lignes fines
du territoire, dans le contexte d’une demande
sociale de maintien de services publics de
proximité, l’État tente dorénavant une
répartition de 9 000 km de ces lignes en trois
catégories : celles qui seront reclassées dans le
réseau structurant à la charge de SNCF Réseau,
celles qui seront cofinancées par l’État et les
régions, et celles qui resteront totalement à la
charge des régions. Pour les premières (environ
1 500 km de voies), le plan France Relance
prévoit une prise en charge financière par SNCF
Réseau. Pour les deuxièmes (environ 6 500 km),
les contrats de plan État-régions en seraient
l’outil de financement. Enfin, pour les 1 000 km
restants, un transfert aux régions de la gestion
de lignes ferroviaires d’intérêt local ou régional
à faible trafic est devenu possible depuis la loi
d’orientation des mobilités de 2019.
Cette répartition des rôles entre l’État
et les régions ne va pas jusqu’au bout
du raisonnement et s’arrête aux seules
considérations financières, aussi importantes
soient-elles. Les compétences en matière
de transports doivent aussi être prises en
compte. Ainsi, les régions, devenues « autorités
organisatrices de mobilités », disposent de
plusieurs leviers pour mettre en place leur
politique (offre de transport, politique tarifaire).
Ce constat a déjà conduit la Cour à inviter
l’État à envisager le transfert non seulement
de la gestion mais aussi de la propriété du
réseau régional au profit des régions. Ce
transfert offrirait aux régions la maitrise de
COUR DES COMPTES
17
leurs priorités d’investissement, du maintien
ou non des lignes existantes et du choix du
gestionnaire d’infrastructure, y compris dans
le cadre d’un appel d’offre pour un exploitant.
Le même raisonnement vaut pour les gares
régionales et locales, ce qui permettrait
aux régions de développer une politique de
valorisation patrimoniale de ces installations.
Pour sa part, l’État pourrait conserver la
propriété du réseau structurant et des gares
« multitransporteurs » en s’appuyant sur les
gestionnaires d’infrastructure que sont SNCF
Réseau et Gares & Connexions.
La répartition des compétences suivantes
pourrait ainsi être envisagée :
Tableau n° 2 : nouvelle répartition possible de la propriété et du financement
du réseau ferroviaire et des gares
Source : Cour des comptes
Réseau
Gares
National
Régional
Nationales
Régionales
et locales
Propriétaire
SNCF Réseau
Régions
Gares &
Connexions
Régions
Financeurs
SNCF Réseau,
État
Régions
Gares &
Connexions, État
Régions
2.3. L’espoir peu réaliste d’un
autofinancement du système
Le financement du système ferroviaire français
fait largement appel à des concours publics,
en provenance de l’État ou des collectivités
territoriales. Hors le financement de la
caisse de retraite des cheminots (3,2 Md€ en
2019) qu’impose la situation de déséquilibre
démographique, le groupe SNCF perçoit
chaque année plus de 12 Md€ de financements
publics, prioritairement au profit des activités
de transport et beaucoup moins au profit des
infrastructures.
Les activités de transport conventionnées, où
la collectivité organisatrice s’engage à verser
au transporteur une subvention d’équilibre
pour le fonctionnement du service, sont
subventionnées pour 7 Md€ par les régions
(exploitation et investissements dans les
rames) et 1 Md€ par l’État (en tant qu’autorité
organisatrice des trains Intercités). Les
activités de transport de voyageurs s’avèrent
ainsi fortement subventionnées : alors que
l’activité « Voyages » (transports par TGV),
qui n’est pas conventionnée, se finance
exclusivement sur les recettes tarifaires, les
transports conventionnés (TER, Transilien,
trains Intercités) reposent majoritairement sur
des crédits publics, d’autant que les régions ont
fait le choix, pour des raisons sociales, d’offrir
une gamme tarifaire incitative, notamment
pour les abonnés et les jeunes. La Cour
a attiré l’attention sur le niveau élevé de ce
subventionnement, à hauteur de 75 % du
coût d’exploitation des TER, qui conduit à
transférer la charge du transport ferroviaire
de l’usager vers le contribuable. Un effort plus
important des usagers serait souhaitable, ce qui
supposerait, comme condition préalable, que
l’offre et la qualité de service soient améliorées.
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LE RÉSEAU FERROVIAIRE FRANÇAIS : DES ÉVOLUTIONS SIGNIFICATIVES MAIS DES CHOIX NÉCESSAIRES À VENIR
À l’inverse, la gestion et la maintenance
du réseau ferroviaire s’avèrent nettement
moins subventionnées. Le gestionnaire
d’infrastructure perçoit environ 2,5 Md€ de
subventions d’investissement auxquelles
s’ajoute le versement par l’État de 1,9 Md€
de redevances d’accès pour les TER. L’objectif,
fixé par la loi portant réforme ferroviaire
de 2014 et rappelé par l’actuel contrat de
performance entre l’État et SNCF Réseau,
est d’initier un cycle vertueux permettant au
gestionnaire d’infrastructure de couvrir, d’ici
2026, le « coût complet » du réseau ferroviaire,
sous l’effet conjugué du dynamisme de ses
recettes commerciales et d’efforts amplifiés de
réduction des coûts et de gains de productivité,
et ainsi de maîtriser la croissance de sa dette.
Or, pour SNCF Réseau, l’équilibre n’a jamais été
atteint depuis sa création en 2014. L’entreprise
perçoit les péages des transporteurs, ainsi
que la redevance d’accès pour les TER que
l’État verse au nom des régions. La Cour a
d’ailleurs plusieurs fois insisté sur la
nécessité de transférer cette somme aux
régions, à charge pour elles de rémunérer le
gestionnaire d’infrastructure en fonction du
dimensionnement du réseau. Mais la marge
opérationnelle que dégage le gestionnaire
de réseau par les péages et les subventions
d’investissement reçues n’a jamais jusqu’à
présent été suffisante pour couvrir les besoins
d’investissements. Ceux-ci sont liés au poids
des grands projets d’infrastructure des années
2000, au retard accumulé dans la rénovation du
réseau et à l’inflation des coûts de production
du gestionnaire de réseau. La charge de
financement du système ferroviaire a de ce
fait reposé sur un endettement sans cesse
croissant et non maîtrisé, induisant une hausse
des frais financiers.
Tableau n° 3 : flux de trésorerie et endettement net de SNCF Réseau
en 2017 et 2019 (en Md€)
Source : Cour des comptes
SNCF Réseau
2017
2019
Flux de trésorerie liés à l’exploitation
+ 1,8
+ 2,3
Intérêts financiers
- 1,2
- 1,3
Investissements
- 5,1
- 5,6
Subventions d’investissements
+ 2,4
+ 2,6
Cash-flow libre (endettement net)
- 2,1
- 2,0
La politique de transport française n’a en
effet jamais tranché le débat sur les modalités
de financement de SNCF Réseau, qui voit
deux positions s’affronter régulièrement :
celle qui considère que les infrastructures
ferroviaires, à l’image des aéroports, doivent
être financées par les utilisateurs ; celle qui
estime au contraire que le coût d’usage des
infrastructures doit être limité pour les usagers
afin que le report modal puisse s’effectuer
en faveur du train. La première position est
défendue par le ministère des finances qui,
confronté au poids considérable des concours
financiers publics au système ferroviaire,
entend prévenir une nouvelle augmentation
incontrôlée de ceux-ci. La seconde est soutenue
par l’autorité de régulation des transports
(ART) qui s’appuie sur l’esprit des textes
COUR DES COMPTES
19
européens pour demander la modération des
péages afin d’inciter les entreprises ferroviaires
à faire circuler des trains, notamment dans
le cadre de l’ouverture à la concurrence.
Cette politique est également défendue par
le ministère délégué chargés des transports,
notamment pour favoriser le fret ferroviaire.
Dans ce contexte, le contrat de performance
2017-2026 entre l’État et SNCF Réseau
a été construit sur une double logique : la
protection, affirmée depuis la réforme de
2014, du gestionnaire d’infrastructure par une
« règle d’or », qui lui interdit dorénavant de
contribuer à des projets de développement dès
lors que le ratio de son endettement net sur
sa marge opérationnelle dépasse un seuil fixé
par décret ; une trajectoire financière visant
un autofinancement de la gestion et de la
maintenance du réseau à échéance de 2026.
Cet autofinancement serait atteint par trois
voies : l’amélioration des gains de productivité
de SNCF Réseau, une croissance soutenue
des péages ferroviaires acquittés par les
transporteurs et une forme de subvention
conditionnelle de l’État, celui-ci s’engageant
à reverser au gestionnaire du réseau les
dividendes qu’il serait amené à percevoir de
SNCF Voyageurs, c’est-à-dire essentiellement
grâce aux performances commerciales du
transport à grande vitesse.
Néanmoins, dès les premières années de
mise en œuvre du contrat de performance,
aucun indice ne permettait de relever l’amorce
d’une mise en place de ce cercle vertueux
de financement, avec des péages dont la
progression était cadrée par les décisions
de l’ART, des subventions d’investissement
fortement limitées conformément au contrat
et un gestionnaire d’infrastructure en peine de
dégager des gains de performance significatifs.
La Cour a ainsi mis en évidence dès 2018 que
l’équilibre financier ne pourrait pas être atteint
dans les années qui viennent par la seule
capacité d’autofinancement de l’entreprise.
À la veille de la crise sanitaire, la situation
n’avait ainsi pas montré d’amélioration
significative, le gestionnaire d’infrastructure
étant condamné à s’endetter, à hauteur déjà
52 Md€ fin 2019. La reprise par l’État des deux
tiers de cette dette (25 Md€ en 2020 et 10 Md€
en 2022) est ainsi devenue incontournable pour
alléger la charge d’intérêts de SNCF Réseau et
restructurer le capital de la nouvelle société
anonyme créée par la réforme de 2018. Cette
reprise de la dette est revenue de fait pour
l’État à accorder
a posteriori
les subventions
d’investissement qui auraient dû être versées
depuis 15 ans.
La crise pandémique survenue depuis 2020
a agi sur ce modèle comme un amplificateur,
ou un révélateur, de fragilités. Elle a
fortement atteint les activités de transport
du groupe SNCF, dégradant son excédent
d’exploitation de 5 Md€ en 2020. Les pertes
les plus significatives proviennent de l’activité
SNCF Voyageurs, correspondant à une chute
d’activité dont on peut craindre, au-delà du
choc initial des mesures de confinement, qu’elle
se prolonge en cas de changement durable de
comportement des usagers, particulièrement
de la clientèle « affaires ».
Une telle évolution pourrait réduire
durablement les ressources que SNCF Réseau
devait tirer des péages, faisant disparaître pour
longtemps la perspective de dividendes en
provenance de l’activité de SNCF Voyageurs et
compromettant l’espoir d’un autofinancement
du système. Une recapitalisation du groupe
SNCF de 4 Md€, alimentée par un prélèvement
dans les capitaux propres de l’entreprise, a été
annoncée mais n’était pas encore effective
fin 2020. Elle doit permettre de compenser
20
LE RÉSEAU FERROVIAIRE FRANÇAIS : DES ÉVOLUTIONS SIGNIFICATIVES MAIS DES CHOIX NÉCESSAIRES À VENIR
les pertes de dividendes de SNCF Voyageurs
et de nouvelles charges, non financées
antérieurement, imposées par l’État à SNCF
Réseau (fin du glyphosate, sécurisation des
passages à niveau, mise en accessibilité des
gares), mais elle ne permettra pas de renforcer
la capacité d’investissement du gestionnaire
d’infrastructure.
Le cadre de la gestion du réseau ferroviaire
français a connu des avancées significatives
depuis 2014, créant progressivement deux
véritables gestionnaire d’infrastructure, SNCF
Réseau et Gares & Connexions, et reconnaissant
la priorité à accorder au financement de la
rénovation de ce réseau. Mais celui-ci demeure
dans un état médiocre, peu en phase avec la
place, régulièrement rappelée, que doit tenir le
transport ferroviaire en matière de transition
environnementale, tandis que les termes de son
financement paraissent toujours aussi aléatoires.
Jusqu’à présent, l’État n’a pas choisi un modèle
de financement solide et un partage clair des
responsabilités. La confusion qui s’en est suivie
jusqu’à présent n’a pas permis de remettre en
état et de moderniser le réseau ferré national
et a conduit à un endettement structurel du
gestionnaire d’infrastructure. Alors que l’État
consent une reprise massive, à hauteur de
35 Md€, d’une partie de la dette d’infrastructure
qu’avait accumulée ce dernier, il lui faut éviter
que, confronté à la même impasse financière,
il soit à terme contraint de procéder à une
nouvelle opération de même nature.
Quels que soient les leviers utilisés –
amélioration de la performance de SNCF
Réseau, réexamen de la pertinence de la
composition actuelle du réseau ferroviaire,
réforme du partage des responsabilités entre
l’État et les collectivités territoriales – l’État
ne pourra pas s’exonérer de définir un modèle
d’exploitation équilibré. Cet équilibre peut
être recherché par deux voies, qui ne sont pas
exclusives l’une de l’autre :
• la première est de faire peser sur l’utilisateur
du réseau une part plus importante du
coût des infrastructures. C’est le modèle de
couverture du coût complet appliqué par
les aéroports, qui a l’avantage de limiter le
recours aux financements publics. Mais cette
option a ses limites, le coût des infrastructures
ferroviaires, plus important que pour un
aéroport, pouvant conduire à des redevances
très élevées, susceptibles de peser trop
fortement dans les comptes des entreprises
ferroviaires et de les dissuader de l’utiliser.
Dans le cas des TGV, on a pu constater que les
péages représentaient un tiers des charges de
fonctionnement, obligeant à fixer le prix des
billets à un niveau relativement élevé. Pour
les transports du quotidien, l’augmentation
du prix des abonnements serait difficilement
acceptable du fait d’une trop faible qualité
de service et pourrait favoriser le recours à
l’automobile. Dans le cas du transport de
marchandises, cette formule de paiement du
coût complet par les transporteurs aboutirait
à renoncer aux ambitions de développement
du fret ferroviaire, le niveau des péages
ne permettant pas de proposer des prix
concurrentiels par rapport à la route ;
• la seconde voie est pour l’État d’assumer,
avec les régions en cas de transfert des lignes
régionales, le coût de renouvellement et
de modernisation des infrastructures en
tant que propriétaire et actionnaire unique
(via la holding SNCF) du gestionnaire
d’infrastructures. C’est le modèle le
plus répandu en Europe : les entreprises
ferroviaires financent l’exploitation du réseau
et l’État les investissements. Ce modèle
privilégie un niveau limité des péages au
COUR DES COMPTES
21
coût marginal, principe défendu par l’Union
européenne, afin d’inciter les entreprises
ferroviaires à utiliser le réseau et à atteindre
la rentabilité, y compris pour le secteur du
fret. Une plus grande fréquentation du réseau
accroit les recettes tirées des péages et donc
les revenus du gestionnaire d’infrastructure.
Ce cercle vertueux pour l’attractivité
du transport ferroviaire a néanmoins
l’inconvénient d’une mobilisation durable de
moyens financiers de l’État et des régions, et
donc
in fine
du contribuable.
Il suppose donc, pour limiter cette charge pour
les finances publiques, de calibrer au plus juste
cette intervention de la collectivité. Ceci signifie
que doivent être abordées et débattues les
questions de la performance du gestionnaire
d’infrastructure, du maintien d’un réseau ferré
national surdimensionné, et des modalités de
financement des nouvelles lignes ferroviaires
actuellement envisagées.
COUR DES COMPTES
23
RÉFÉRENCES AUX TRAVAUX
DE LA COUR DES COMPTES
La Cour s’est appuyée sur plusieurs de ses travaux menés ces dernières années :
l
Les gares ferroviaires de voyageurs,
rapport public thématique, avril 2021 ;
l
La SNCF face à la crise sanitaire : une mobilisation réussie, un modèle économique
fragilisé,
chapitre du rapport public annuel 2020, mars 2021 ;
l
La gestion des ressources humaines du groupe public SNCF,
observations
définitives, novembre 2019 ;
l
Les transports express régionaux à l’heure de l’ouverture à la concurrence,
rapport public thématique, octobre 2019 ;
l
Les trains Intercités,
chapitre du rapport public annuel 2018, février 2019 ;
l
SNCF Réseau, des réformes à approfondir,
rapport public thématique, décembre
2018
;
l
La situation du transport de marchandises par le groupe SNCF Mobilités,
référé,
septembre 2017.
Les publications de la Cour des comptes sont consultables sur le site Internet :
www. ccomptes.fr
Le présent rapport
est disponible sur le site internet
de la Cour des comptes :
www.ccomptes.fr
LES ENJEUX STRUCTURELS
POUR LA FRANCE
NOVEMBRE 2021