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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE
DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE
PENDANT LA CRISE
SANITAIRE
Exercice 2020 – 1
er
semestre 2021
AUDIT FLASH
Septembre 2021
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES
3
SOMMAIRE
4
PROCÉDURES ET MÉTHODES
6
SYNTHÈSE
9
INTRODUCTION
10
I - LA RÉPONSE BUDGÉTAIRE SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT
10
A - Le calendrier et les montants
des soutiens budgétaires
11
B - Les crédits d’urgence 2020 du ministère
de la culture
12
C - Des crédits ordinaires plus élevés en 2021
afin de soutenir l’investissement
13
D - D’autres ministères contribuent également
à l’effort en faveur des monuments historiques
en projet de loi de finance (PLF) 2021
14
E - Le plan France Relance
17
II - DES SOUTIENS DÉTERMINANTS POUR
LES ÉTABLISSEMENTS RECEVANT DU PUBLIC
19
A - Le soutien apporté par le plan de relance
aux grands musées et monuments
23
B - La réponse du Centre des Monuments
Nationaux à la crise
26
C - L’exploitation des monuments privés soutenue
par des dispositifs transversaux
28
III - LE PLAN DE RELANCE SOLLICITÉ POUR
LA RESTAURATION DES MONUMENTS HISTORIQUES
28
A - L’impact financier de la pandémie
sur les grands chantiers
29
B - La priorité donnée aux travaux de restauration
des monuments historiques
33
C - Faute d’analyse sectorielle préalable, les mesures
incitatives ont provoqué un effet de « surchauffe »
39
CONCLUSION
42
LISTE DES ABRÉVIATIONS
43
ANNEXES
48
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET ORGANISMES
CONCERNÉS
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
PROCÉDURES ET MÉTHODES
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des sept
chambres que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs
chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la
Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes, donc
aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics qui en résultent : l’indépendance, la contradiction et
la collégialité.
L’
indépendance institutionnelle
des juridictions financières et l’indépen-
dance statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles effectués
et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique que toutes les constatations et appréciations
faites lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les obser-
vations et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement
soumises aux responsables des administrations ou organismes concernés ;
elles ne peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des
réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des responsables concernés.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, la publication d’un rapport est nécessairement précédée
par la communication du projet de texte, que la Cour se propose de publier,
aux ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux
autres personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le
rapport publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est
confié à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les
projets ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et
définitives, sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation
comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de
contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
ù
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5
Notifié le 15 mars 2021, le présent audit a donné lieu à un envoi de
questionnaires à partir du 22 mars à la direction générale des patrimoines
et de l’architecture (DGPA), au contrôleur budgétaire et comptable
ministériel (CBCM), à la direction du budget, aux directions régionales des
affaires culturelles (DRAC) et au centre des monuments nationaux (CMN).
Les réponses des administrations et établissements se sont échelonnées
jusqu’au début juin.
Des entretiens se sont tenus avec la DGPA, la direction du budget, le
CBCM, onze des treize DRAC métropolitaines, la direction de l’immobilier
de l’État, l’agence publique pour l’immobilier de la Justice, le Groupement
des entreprises des Monuments Historiques, l’association La Demeure
Historique et la Fondation du patrimoine.
L’instruction s’est également appuyée sur les travaux d’une enquête
sectorielle sur le patrimoine monumental en cours de réalisation. Une
cinquantaine d’entretiens au total ont ainsi été réalisés.
ù
Le projet de rapport a été délibéré, le 7 juillet 2021 par la troisième
chambre présidée par M. Gautier, et composée de MM. Barbé, Mousson,
Glimet, Samaran, conseillers maîtres, Mme Prost, conseillère maître en
service extraordinaire, ainsi que, en tant que rapporteure, Mme Le Lagadec,
rapporteure extérieure, et, en tant que contre-rapporteur, M. Tournier,
conseiller maître, président de section.
Il a été examiné et approuvé, le 15 juillet 2021, par le comité du rapport
public et des programmes de la Cour des comptes, composé de
M. Moscovici, Premier président, Mme Camby, rapporteure générale du
comité, M. Andréani, Mme Podeur, MM. Charpy et Gautier, présidents
de chambre de la Cour, MM. Martin, Meddah, Lejeune, Advielle et Mme
Bergogne, présidents de chambres régionales des comptes, M. Viola et
Mme Soussia, présidents de section, Mme Hirsch, Procureure générale,
entendue en ses avis.
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LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
SYNTHÈSE
Dans le contexte de la crise sanitaire, la Cour des comptes a conduit un audit flash
sur le soutien de l’État en faveur du patrimoine. Cet audit, tout en respectant les
normes professionnelles, se caractérise par une instruction rapide. L’objectif est
de dresser un premier bilan de l’effort financier consenti en 2020 et au premier
semestre 2021 pour aider le secteur du patrimoine et la reprise de ses activités.
Le recensement des soutiens budgétaires exceptionnels en faveur du patrimoine
conduit à agréger les crédits déployés par le ministère de la culture et ceux provenant
d’autres ministères affectataires de monuments historiques ou obtenus
via
le plan
France Relance.
Le montant total des ressources supplémentaires mobilisées par
le ministère de la culture en 2020 et 2021 est de l’ordre de 710 M€ de crédits (en
autorisation d’engagement - AE), ou de 870 M€
d’AE si on y ajoute la contribution
exceptionnelle d’autres ministères
via
leurs crédits ordinaires ou
via
le plan
de relance.
Les concours directs de l’État se sont principalement concentrés sur de très
grands opérateurs culturels dont il importait de préserver les capacités
d’autofinancement, tandis que les propriétaires privés de monuments ont été
aidés
via
des dispositifs transversaux.
En revanche les dispositifs d’aide d’urgence
spécifiques ou généraux ont très inégalement bénéficié aux professionnels liés aux
activités des établissements patrimoniaux, tels les guides-conférenciers qui, en
raison de leur statut, se sont trouvés en difficulté.
Dans le contexte des mesures de redressement économique décidées durant
la crise sanitaire, un très important effort a en outre été engagé en faveur de
la restauration du patrimoine protégé et non protégé.
Cette relance concerne
tant les grands travaux (Villers-Cotterêts notamment) que les cathédrales, les
monuments historiques n’appartenant pas à l’État ou les patrimoines confiés au
Centre des Monuments Nationaux (CMN). La reprise des chantiers est indéniable,
mais
l’afflux de financements semble être générateur de goulets d’étranglement
et de tensions sur les prix
. Il faudra probablement admettre de détendre les
calendriers de réalisation des chantiers pour parvenir à absorber ce choc de
commande publique à des prix raisonnables. La crise sanitaire met en lumière la
médiocre connaissance que possède le ministère de la culture de ses filières métiers
et de l’évolution prévisionnelle des emplois dans le domaine de la restauration des
monuments historiques.
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Plus fondamentalement, les perspectives de sortie de crise obligent les grands
opérateurs à faire évoluer leur modèle économique,
notamment en raison de la
baisse de la fréquentation des touristes étrangers mais aussi des nouvelles attentes
des visiteurs lors de leurs parcours physiques ou en ligne.
Il convient enfin de relever les enjeux que représentent pour les finances de
l’État le besoin en crédits de paiement induits par la relance patrimoniale sur
l’exécution des crédits des années 2023-2024,
du fait du caractère très ambitieux
du plan pluriannuel de grands travaux qui a été engagé. Ce plan se situe en effet
à un niveau inégalé, avec un calendrier très resserré et 438 M€ de crédits de
paiements hors surcoûts restant à mobiliser avant 2026 en plus du chantier de
Notre-Dame de Paris. Ce sont autant d’éléments de contexte qui pèsent sur la
soutenabilité du volet « monuments historiques » du plan de relance.
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LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Conclusions principales de l’audit
1. Les crédits d’urgence du ministère de la culture en faveur du patrimoine en
2020 sont restés limités pour l’essentiel à cinq grands opérateurs culturels
dont les recettes propres ont drastiquement chuté. En 2021, le soutien du
ministère de la culture au patrimoine s’est déployé
via
le plan de relance
et le vote de crédits ordinaires supplémentaires dédiés à l’investissement.
L’exécution des crédits 2020 pour le programme 175
Patrimoines
, votés en loi
de finances initiale (LFI) à hauteur de 972 M€, s’élève à 1 108 M€
1
, tandis qu’en
2021 l’effort en faveur du patrimoine a été porté à un total de 1 465 M€
2
.
2. Le modèle économique des plus grands musées et monuments, Le Louvre,
le Château de Versailles, le Centre des Monuments Nationaux, la RMN-Grand
Palais, le musée d’Orsay a été mis à mal par la désertion de la fréquentation
touristique étrangère. Alors qu’ils parvenaient dans les années récentes à s’au-
tofinancer à hauteur de 50 %, la pandémie les contraint à reconsidérer leur
niveau de dépenses, leur politique des publics et à développer d’autres formes
de ressources, notamment
via
les outils numériques. Poursuivi et même ampli-
fié par le plan de relance en 2021/2023 (327,5 M€), l’accompagnement de ces
opérateurs est particulièrement coûteux et pourra difficilement être pérennisé.
3. Fondée sur l’idée selon laquelle les travaux concourent à la reprise de
l’économie, dans un contexte de forte incertitude sur la durée de la crise, la
« mobilisation exceptionnelle pour la restauration du patrimoine » constitue,
pour le ministère de la culture, l’axe principal de la relance. Le ministère a vu
ainsi doubler en 2021 ses crédits consacrés aux travaux sur des monuments
historiques (664 M€ de crédits de paiement (CP) mobilisés au lieu de 327 M€
exécutés en 2018), tandis que d’autres ministères participent également à
cette politique
via
des crédits ordinaires ou des crédits « relance » consacrés
à la rénovation énergétique de monuments historiques et d’équipements
patrimoniaux. Lancée sans prospective réelle sur les capacités d’absorption
des filières de la restauration, cette mobilisation exceptionnelle devrait être
source de retards et de tensions sur les prix.
4. Les services des conservations régionales des monuments historiques
(CRMH) et des unités départementales de l’architecture et du patrimoine
(UDAP) sont très fortement sollicités : l’ensemble des travaux, quelles qu’en
soient l’envergure et l’origine, nécessitant leur autorisation, leur contrôle
scientifique et technique ou leur maîtrise d’ouvrage. Ce constat constitue
un point de vigilance pour la direction générale des patrimoines et de
l’architecture et le secrétariat général du ministère.
1
Y compris les fonds de concours de Notre-Dame de Paris.
2
Total des crédits du programme 175 en LFI 2021 (1 015 M€) + volet patrimoine de l’action 5 du
programme 363 (351 M€) + reports (94 M€) + soutien exceptionnel au domaine de Chantilly (4,5 M€).
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9
INTRODUCTION
En 2019, le secteur du patrimoine employait près de 60 000 salariés et non-salariés
à titre principal et représentait une valeur ajoutée de 4,8 Md€
3
. Les activités non
marchandes contribuaient cependant à la réalisation d’environ 90 % de la valeur
ajoutée
4
. La pandémie aurait eu un effet, après intervention publique, de -10 % sur
le chiffre d’affaires d’un secteur
5
qui connaissait jusqu’alors une forte croissance.
Via
le programme 175
Patrimoines
principalement, le ministère de la culture a
dépensé en 2019, 946,7 M€ en crédits de paiement (CP) – dont 385,4 M€ pour
les monuments historiques et 336,7 M€ pour les musées labellisés musées de
France
6
–, le reste des contributions publiques étant apporté par le programme
ministériel 224
Soutien aux politiques du ministère de la culture
pour les dépenses
de personnel, par les autres ministères pour les monuments historiques qui leur
sont confiés, et bien entendu par les collectivités territoriales.
Consacré aux soutiens spécifiques apportés par l’État au secteur du patrimoine
pendant la crise sanitaire, le présent audit identifie les principales conséquences
de la pandémie sur l’activité des musées, des sites et monuments historiques, des
guides-conférenciers et de l’archéologie préventive.
Les établissements culturels patrimoniaux, musées et monuments recevant
du public, ont été les plus affectés par la première fermeture administrative et
par les mesures de jauge mises en place au moment de leur réouverture entre
le 12 mai et la fin juin 2020, jusqu’à la seconde fermeture administrative du
30 octobre 2020 au 19 mai 2021.
Les chantiers d’entretien et de restauration de monuments historiques ainsi
que les fouilles archéologiques ont également été interrompus lors du premier
confinement. Ils ont dès lors fait face à des frais supplémentaires occasionnés par
des prolongations et par le respect de mesures sanitaires.
Une fois ces difficultés
surmontées, la reprise des activités a été rapide et soutenue. Les administrations,
écoles et services d’archives ont dû adopter des schémas d’organisation en
confinement et généraliser le télétravail.
Au printemps 2021, le secteur semble connaître des évolutions contrastées. Les
premiers soutiens de l’État se sont portés vers les grands opérateurs de façon à
leur éviter de trop graves tensions sur leur situation financière. Mais, avec le plan
de relance 2021-2023, l’effort public s’est ensuite davantage centré sur les travaux
d’entretien et de restauration des monuments historiques. La multiplication des
chantiers patrimoniaux qui en a résulté porte en soi un risque de soutenabilité et de
surcoûts, alimenté par une reprise forte du secteur du BTP, sur fond de pénurie des
matériaux et produits qui leur sont nécessaires.
3
Insee,
Comptes nationaux
, 2019. L’Insee estime la part du non-marchand à 92 %, le département
des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture (DEPS) à 88 %.
4
Le DEPS estimait en mai 2020 que le secteur aurait dû connaitre une croissance de + 11 % en 2020
selon les prévisions contrefactuelles de début d’année hors pandémie. (
Analyse de l’impact de la
crise de la covid 19 sur les secteurs culturels
- secteur du patrimoine, DEPS, mai 2020)
5
DEPS,
Note de conjoncture
, décembre 2020. Ce chiffrage comptabilise les soutiens exceptionnels
de l’État.
6
Rapport annuel de performance (RAP) 2020.
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LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
I - LA RÉPONSE BUDGÉTAIRE SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT
La crise sanitaire a eu pour effet immédiat
une diminution massive de la fréquentation
des lieux patrimoniaux emportant pour leurs
opérateurs une baisse significative de leur
capacité d’autofinancement. Aussi, en 2020, la
concertation entre le ministère de la culture
et la direction du budget s’est-elle focalisée
sur le soutien en fonctionnement à apporter à
ces opérateurs. Calibré au « juste nécessaire »,
ce soutien a été financé par redéploiement
des crédits initiaux et des crédits votés en
loi de finances rectificative (LFR). Les effets
persistants de la crise sur ces opérateurs
et, par ailleurs, le choix d’investir dans les
travaux d’entretien et de restauration du
patrimoine pour soutenir l’économie se sont
ensuite traduits par une mobilisation très
importante de crédits nouveaux, pour partie
en LFI 2021, et, surtout,
via
le plan de relance
de 2021/2023.
A - Le calendrier et les montants des soutiens budgétaires
Graphique n°1 : soutiens exceptionnels au Patrimoine délégués au ministère de la culture (CP, en M€)
Source : LFR2020 et PLF2021 – retraitement Cour des comptes
27,4
15
4,5
43,7
351,7
227,3
42
400
350
300
250
200
150
100
50
0
LFR3 2020
dégel
de la
réserve
progression
P 175
LFI 2021
plan de
relance
CP 2021
annonce
décret
d’avance
plan de
relance
CP 2022
plan de
relance
CP 2023
juil-20
juil-20
déc-20
déc-20
mars-21
déc-21
déc-22
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B - Les crédits d’urgence 2020
du ministère de la culture
Le ministère a jugé qu’il importait de limiter
au maximum les soutiens d’urgence votés
en loi de finances rectificative en juillet 2020
(LFR3
7
) à quelques grands opérateurs dont le
modèle économique est très dépendant de la
fréquentation, ce soutien devant leur permettre
d’achever l’exercice en conservant le fond de
roulement minimal requis pour la poursuite
de leur activité. Le dialogue budgétaire s’est
cristallisé sur les pertes de ressources propres
et sur le niveau de la compensation, la direction
du budget souhaitant connaître les économies
de charges suite à la mise à l’arrêt des
activités. Au terme de cet exercice,
via
la loi de
finances rectificative et le dégel de la réserve
de précaution, quatre grands monuments
et musées ont été aidés, auxquels est venu
s’ajouter l’Institut national de recherches
archéologiques préventives (INRAP) avec un
effet bénéfique très manifeste. (cf. tableau n° 1).
Tableau n° 1 : soutiens exceptionnels à des grands établissements patrimoniaux en 2020
(LFR3 + dégel de la réserve de précaution) en AE=CP et M€
Source : direction du budget
7
Loi n° 2020-935
du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.
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LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
C - Des crédits ordinaires plus
élevés en 2021 afin de soutenir
l’investissement
Le programme 175
Patrimoines
a bénéficié
de crédits supplémentaires en LFI 2021. Le
supplément de crédits de 43,7 M€ en CP ne
concerne que des opérations d’investissement
(financées sur titres 5, 6 et 7 selon qu’il
s’agit d’une dépense directe, subventionnée
ou d’un opérateur qui est son propre maître
d’ouvrage), à l’exception de l’augmentation
pérenne de 5 M€ de la dotation de l’INRAP et
de crédits d’intervention (2 M€) participant au
financement des diagnostics archéologiques
des collectivités territoriales.
Un exercice 2020 particulièrement favorable à l’INRAP
Les crédits d’urgence sont venus également soutenir l’Institut national de recherches
archéologiques préventives (INRAP). La crise sanitaire a accentué dans un premier temps
les difficultés de l’INRAP et confirmé, s’il était besoin, la fragilité structurelle de son modèle
économique. Les surcoûts liés au premier confinement ont d’abord été estimés à 30 M€
8
,
sans commune mesure avec ceux des autres opérateurs. En tant qu’établissement public
administratif, l’Institut n’avait certes pas accès au dispositif de l’activité partielle, mais le
paiement des allocations spéciales d’absence de personnels empêchés par l’interruption
des activités archéologiques de terrain, la prorogation des contrats à durée déterminée
(CDD) s’interrompant durant la période du premier confinement, expliquait difficilement
un surcoût estimé à près du tiers des charges de personnel. Après des chiffrages précis
et contradictoires, le ministère a accepté de compenser les surcoûts du secteur non
concurrentiel à hauteur de 14,535 M€.
Cette aide d’urgence est la plus élevée qui ait été
accordée en 2020 aux opérateurs culturels de l’État.
Le rebond d’activité a été très dynamique au second semestre, une partie du décalage
calendaire a pu être compensé et de nouvelles opérations programmées à un niveau
inégalé depuis plusieurs années, ce qui a amené l’INRAP à recruter des salariés en contrats
à durée déterminée supplémentaires (ses dépenses ont augmenté de 7,8 M€ par rapport au
budget initial, à l’inverse des autres opérateurs).
L’année 2020 se solde ainsi par un bilan
très favorable, du fait de la reprise soutenue des activités marchandes de fouilles, se
traduisant au final par des recettes propres plus élevées
(elles ont progressé de 28,5 M€
par rapport au budget initial) qui améliorent sa situation en gestion.
Pour autant, l’Institut est parvenu en parallèle à faire admettre la nécessité de soutiens
supplémentaires soit exceptionnels soit pérennes. Il a ainsi pu bénéficier d’un re-basage
de 5 M€ à partir de 2021 afin de couvrir ses activités non marchandes de recherche et
d’archéologie préventive et est éligible au plan de relance (15 M€ en 2021 et 5 M€ en 2022).
8
Réponse à la Cour des comptes, instruction de la NEB 2020.
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13
Tableau n° 2 : crédits supplémentaires du programme 175 en LFI 2021 (en M€)
Source : projet annuel de performances (PAP) 2021
9
Seuls les crédits supplémentaires sont précisés ici, les ajustements à la marge ne le sont pas, ce qui explique la différence
avec la variation de CP de la troisième colonne.
10
Les ministères de la recherche et de l’enseignement supérieur et de la défense qui ont une participation élevée à
la politique du patrimoine à travers leurs musées ont maintenu en revanche un effort comparable à celui des années
précédentes (soit environ 45 M€ en AE=CP pour le ministère de la défense et 105 M€ en AE=CP pour le ministère de la
recherche et de l’enseignement supérieur hors crédits de personnels).
D - D’autres ministères contribuent
également à l’effort en faveur des
monuments historiques en projet
de loi de finance (PLF) 2021
Aux crédits supplémentaires du programme
175
Patrimoines
s’est ajouté un effort
particulier d’autres ministères à qui sont
affectés des monuments historiques, fondé
sur l’intuition communément répandue que
les travaux peuvent constituer un levier de
la reprise économique. Le Jaune budgétaire
Effort financier de l’État dans le domaine de
la culture et de la communication
(projet de
loi de finances (PLF) 2021) fait état d’une
augmentation sensible des crédits pour la
restauration du patrimoine inscrit ou classé des
ministères de la justice et de l’intérieur et des
juridictions administratives
10
.
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14
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Le domaine de Chantilly, propriété de l’Institut
de France, fait l’objet d’un soutien exceptionnel
à hauteur de 4,5 M€ financé par décret de
transfert, depuis le programme 357
Fonds
de solidarité.
La convention du 26 mars 2021
signée entre l’Institut et le ministère de la
culture indique que cette aide permettra
de préserver les emplois, la surveillance et
l’entretien des collections et du domaine.
« Le montant de cette aide pourra être révisé
d’ici la fin de l’année, en fonction de la date de
réouverture effective du domaine »
précise le
communiqué de presse
11
. La convention prévoit
une clause de revoyure en septembre 2021 et
l’engagement de laisser à Chantilly deux mois
de trésorerie à la fin de l’année 2021.
E - Le plan France Relance
1 - Les financements du programme 363
délégués au ministère de la culture
Le plan France Relance a choisi de retenir le
secteur de la culture (action 5 du programme
363
Compétitivité
) pour des mesures
spécifiques de soutien et d’investissement
culturel
« en faveur des patrimoines dans les
territoires et pour l’emploi »
. Ce choix a été
motivé par l’ampleur de la crise dans les filières
culturelles et en raison de l’importance du
patrimoine pour l’attractivité de la France.
Le soutien apporté par l’État à la reprise
d’activités patrimoniales dans le cadre du plan
de relance (programme 363) s’élève ainsi à
621 M€ en AE=CP sur les années 2021-2023
dont 351,7 M€
12
de CP en 2021.
Tableau n° 3 : effort porté à la restauration du Patrimoine par d’autres ministères (en M€)
Source : Jaune budgétaire 2021 - Effort financier de l’État dans le domaine de la culture et de la communication
11
La participation du ministère de la culture aux travaux de restauration du domaine de Chantilly, plafonnée jusqu’alors
à 50 % est passée, depuis novembre 2020, à 80 %, pour un montant annuel de subvention de 0,8 M€.
12
Les 351,7 M€ de CP en 2021 représentent 202 M€ de crédits de fonctionnement pour les musées, monuments
et l’INRAP et 150 M€ de crédits d’investissement.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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15
Les montants alloués et la répartition des
crédits ont été davantage déterminés par
des arbitrages politiques fondés sur
l’expression des besoins que par une analyse
macroéconomique et sectorielle préalable.
Tableau n° 4 : répartition des crédits du plan de relance dans le champ patrimonial (en M€)
Source : direction du budget
Les grandes orientations du plan de relance ont
reposé sur les considérants suivants :
• à la suite des incendies des cathédrales
de Notre-Dame de Paris et de Nantes, le
ministère a souhaité s’assurer que 89 édifices
puissent disposer d’un niveau de sécurité
incendie satisfaisant, tant pour la protection
des personnes que celle du patrimoine
culturel. Le plan d’action « sécurité
cathédrales » publié par l’inspection des
patrimoines en avril 2020
13
conduit à une
programmation de 80 M€ de travaux ;
• un objectif d’essaimage sur tout le territoire a
été également recherché ;
• le plan de relance a aussi permis de trouver une
solution au bouclage du plan de financement
du volet « conservation » de la future Cité
Internationale de la Langue Française de Villers-
Cotterêts à hauteur de 100 M€. Les besoins
en fonctionnement des grands opérateurs du
Patrimoine du fait de la prolongation de la crise
sanitaire ont été réévalués. Ce soutien permet
d’atténuer les pertes mais ne reconstitue
pas la capacité d’autofinancement de grands
établissements, laquelle contribue à une part
significative de leurs investissements (Versailles,
Louvre notamment). Ceci justifie le soutien
supplémentaire de 37 M€ en 2021 (62 M€ au
total sur la période 2021-2023) à leurs projets
d’investissement.
13
Ce plan d’action « sécurité cathédrales » a été coordonné par le lieutenant-colonel Thierry Burger.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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16
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
2 - La rénovation énergétique
de monuments historiques déléguée
à d’autres ministères
via
le programme
362
Écologie
Le programme 362
Écologie
du plan de
relance finance également la rénovation
de monuments historiques dont l’État est
propriétaire, soit de longue date, soit
récemment. Ces travaux de rénovation
énergétique ne portent pas toujours sur le clos
et le couvert, mais ils doivent être autorisés
par les DRAC et, dès lors que sont envisagées
des rénovations de façades ou d’enveloppes,
des compétences spécifiques sont requises qui
devront être contrôlées par les CRMH (cf. la
liste et le montant des travaux en annexe 5).
Ainsi l’ancien siège du journal
L’Humanité
,
construit par Oscar Niemeyer, monument
inscrit depuis 2007 dont l’État s’est rendu
acquéreur en 2011, bénéficie-t-il de 47 M€
pour sa rénovation et l’installation future de
la Direccte à Saint-Denis (93). Les travaux sur
l’Îlot de la Cité
14
à Paris entièrement classé et
mis à la disposition du ministère de la justice
et du ministère de l’intérieur sont dotés de
32 M€ dès 2021. Le ministère de la transition
écologique a retenu dans le cadre de deux
appels à projets (éducation/sciences/recherche
et autres projets) des travaux de rénovation
énergétique sur des bâtiments protégés ou
patrimoniaux. Parmi les opérations lauréates,
plusieurs concernent soit des monuments
historiques soit des établissements dédiés au
patrimoine. À titre d’exemple, on peut citer
l’hôtel de Blossac à Rennes, occupé par la
DRAC, le musée du Louvre, le Palais de la
Porte Dorée et le Mobilier national à Paris,
l’École nationale supérieure d’architecture de
Versailles dans la Grande écurie, la Maison des
mégalithes de Carnac confiée au CMN.
Le ministère de la culture ne disposant pas
des montants correspondants, ceux-ci ont été
fournis par la direction de l’immobilier de l’État
qui chiffre à
99,8 M€
les crédits accordés à des
monuments historiques de l’État
et à
46,2 M€
les crédits destinés à des
établissements
publics nationaux relevant du patrimoine
.
14
L’Îlot de la Cité correspond à l’ensemble formé par le Palais de Justice de Paris et le siège de la Préfecture de police.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES
17
II - DES SOUTIENS DÉTERMINANTS POUR LES ÉTABLISSEMENTS
RECEVANT DU PUBLIC
La fréquentation des grands établissements
publics, musées et monuments a été très
affectée par plus de neuf mois de fermeture
administrative ou de mise en place de jauges
restreintes, assorties de pré-réservations
via
Internet. Les musées et monuments parisiens
ont vu la typologie de leurs publics évoluer
comptant beaucoup moins de visiteurs
étrangers, en particulier extra-européens (des
publics presque exclusivement payants). La
prépondérance d’un public davantage familial,
parisien ou francilien, a fait baisser l’âge moyen
des visiteurs, entrainant plus de gratuités.
Quant aux visites de groupes, elles se sont
effondrées.
Tableau n° 5 : évolution de la fréquentation de 10 opérateurs culturels entre 2019 et 2020
(nombre de visiteurs)
Source : rapports d’activité 2019 et 2020 des musées et monuments
L’impact net de la crise sanitaire sur le
budget de fonctionnement des musées
15
et monuments relevant du périmètre de la
direction générale des patrimoines et de
l’architecture a été évalué à - 254 M€ pour
2020. La perte de recettes s’est élevée à
353 M€, soit - 54 % par rapport à 2019. Les
deux-tiers des pertes ont correspondu à de
moindres recettes de billetterie. Les économies
en fonctionnement constatées en compte
financier 2020 se sont élevés à 99 M€,
représentant une baisse de 10 % par rapport
à 2019, ce qui témoigne d’une certaine rigidité
des dépenses.
15
Sur le périmètre des seuls musées nationaux (opérateurs muséaux et RMN-Grand Palais), l’impact net en fonctionne-
ment est estimé à - 136 M€ en 2020 : la perte de recettes est de - 217 M€, soit - 50 % par rapport à 2019, tandis que les
économies en fonctionnement sont de + 81 M€.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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18
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Les dépenses de fonctionnement ont davantage
baissé (- 19 %) que les dépenses de personnel,
relativement stables par rapport à 2019
(- 3 %). La situation est cependant contrastée
d’un établissement à l’autre. Les pertes de
ressources propres du Louvre, du CMN, de la
RMN-Grand Palais et du château de Versailles
ont représenté 275 M€, soit 80 % des pertes
observées sur le périmètre des musées et
monuments soutenus par la DGPA. En valeur, le
Louvre concentre à lui seul le quart des pertes
de ressources propres, en raison d’une baisse de
72 % de sa fréquentation en 2020 par rapport à
2019, avec seulement 2,7 millions de visiteurs.
Le tableau n° 6 souligne les effets asymétriques
de la crise sanitaire qui a bien davantage
affecté les plus grands établissements. Certains
musées de taille plus modeste ont même
amélioré leur résultat prévisionnel sous l’effet
de l’annulation d’une partie de leurs dépenses,
liées à la programmation culturelle. C’est le cas
de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine
(CAPA), des musées du Quai Branly, des Arts
décoratifs, Guimet, du Palais de la Porte Dorée
et du MUCEM. L’analyse de l’évolution de leurs
comptes financiers entre 2019 et 2020 conduit
au même constat.
Tableau n° 6 : effets de la crise sanitaire sur les comptes de grands opérateurs culturels
recevant du public en 2020 (en M€)
Source : RAP 2020 /CBCM / retraitement Cour des comptes. Dernière colonne DGPA
Légende : sur fond mauve, redéploiement en gestion, sur fond bleu, LFR3
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES
19
A - Le soutien apporté par le plan
de relance aux grands musées et
monuments
Bien qu’aidés par des crédits d’urgence,
les grands opérateurs dépendants de la
fréquentation ont été contraints, en 2020,
d’utiliser leur trésorerie fléchée, pour faire face
à des dépenses inéluctables.
La crise sanitaire
les a fragilisés durablement et leurs projets
d’investissement spécifiques pourraient
être compromis,
s’ils ne parvenaient pas à
reconstituer leur capacité d’autofinancement.
Ils sont ainsi accompagnés à des niveaux très
élevés par le plan de relance.
Tableau n° 7 : détail des dotations aux opérateurs de la mission Culture (CP, M€)
et à l’ ÉPIC de Chambord prévues par le plan de relance en 2021 (P 363
Compétitivité
)
Source : direction du budget
1 - La situation financière tendue
de certains grands opérateurs
La direction générale des patrimoines et
de l’architecture a consulté à nouveau les
17 opérateurs de l’État en mai 2021 afin
d’actualiser leurs besoins en trésorerie non
fléchée et fléchée et leurs perspectives
d’atterrissage en fin d’exercice qui évoluent
assez rapidement. Selon le ministère, l’impact
net de la crise pourrait être plus élevé en 2021
qu’en 2020 alors que l’interruption quasi-
totale de l’activité lors du premier confinement
avait engendré davantage d’économies en
fonctionnement, ce qui n’a pas été le cas
pendant les premiers mois de 2021.
Pour deux grands musées en particulier, à
savoir l’établissement public du Louvre et celui
du musée d’Orsay et du Musée de l’Orangerie,
la direction du budget n’est pas sûre que les
dotations prévues au plan de relance soient, au
bout du compte, suffisantes.
Le niveau de trésorerie du Louvre était de
88 M€ en janvier 2021. La projection de trésore-
rie en fin d’année 2021 passe d’une estimation
de 40,7 M€ au budget initial voté en novembre
2020 à 17,2 M€, lors de la consultation de l’opé-
rateur en mai 2021. Ce montant ne couvre pas
le montant mensuel moyen des décaissements
et ne permet pas d’assurer les dépenses d’in-
vestissement qui représentent une trésorerie
fléchée supplémentaire de 25 M€.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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20
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Pour le musée d’Orsay et le musée de
l’Orangerie, les prévisions sont également
pessimistes. La trésorerie s’établissait à 15,3 M€
au compte financier 2020. La prévision de fin
d’année 2021 est passée en quelques mois
de 10 M€ à 2,8 M€, un niveau très inférieur à
trente jours de décaissement
16
.
Il est fort probable que pour ces deux
établissements, à moins que le retour des
visiteurs ne se situe d’emblée à un niveau
très élevé, le ministère ne soit contraint à des
redéploiements de crédits au second semestre.
Ils ne sont cependant pas concernés par la loi
de finances rectificative du 3 juin 2021 dont
le projet propose au contraire une annulation
de crédits de 5,52 M€ pour le programme
175 
Patrimoines
.
Le château de Chambord pour sa part a
réduit ses dépenses de personnel de 1,4 M€
(- 13,9 %) et ses frais de fonctionnement
de 2,7 M€ (- 26,7 %) par rapport au budget
initial, mais la perte de fréquentation estimée
représentait 8,7 M€ en fin d’année 2020 soit
- 45 % des recettes de fonctionnement inscrites
au budget initial. Devenu ÉPIC en raison de
l’importance de ses activités marchandes,
son équilibre en gestion est très affecté par la
crise sanitaire. Le plan de relance (+ 6,5 M€ en
fonctionnement) lui permet de retrouver une
capacité d’autofinancement.
On retient cependant que les grands musées
et monuments français sont dans une
situation plus favorable que leurs équivalents
à l’étranger, moins subventionnés,
qui, pour
certains, ont dû licencier, vendre des œuvres
(qui n’ont pas le caractère inaliénable des
collections des musées de France), ou même
fermer leurs portes (plus de 10 % des musées
dans le monde selon une étude de l’Unesco
de mai 2020
17
). Aux États-Unis notamment,
une enquête de juillet 2020 auprès de
750 directeurs de musées américains a fait état
d’un risque de fermeture définitive susceptible
de concerner un tiers d’entre eux
18
.
16
Le musée d’Orsay présentait un total de dépenses au CF 2019 de 42,8 M€.
17
Unesco,
Les musées dans le monde face à la pandémie de covid-19
,
rapport de mai 2020.
18
American Alliance of Museums,
National Survey of covid-19 impact on United States museums
,
juillet 2020.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES
21
La situation particulière des guides conférenciers
La profession des guides conférenciers
a été particulièrement exposée à la crise sanitaire
et ne paraît pas avoir été secourue de façon parfaitement efficace par les dispositifs
transversaux (hors l’action ministérielle). Une enquête réalisée auprès de 1 249 guides
conférenciers après huit mois de crise sanitaire
19
soulignait ainsi qu’un quart des répondants
n’avait eu accès à aucune aide, que les salariés de plusieurs employeurs avaient rarement pu
bénéficier du chômage partiel et encore moins les détenteurs de contrats à durée déterminée.
Les guides-conférenciers salariés ou en situation de cumul de contrats salariés et d’activité
indépendante étaient les plus fragilisés du fait de droits au chômage qui s’étaient épuisés
(leurs droits ont été prolongés temporairement depuis
20
). Certains ont pu être concernés par
la prime exceptionnelle « permittent » créée en novembre 2020 par le ministère du travail,
de l’emploi et de l’insertion (MTEI)
21
, qui s’élève au plus à 900 € par mois.
Les guides conférenciers indépendants ont été mieux couverts par le Fonds de solidarité en
proportion de leur perte de chiffre d’affaires de 2019, ce qui leur a permis de recevoir au plus
1 500 € par mois.
La profession qui pâtit d’un éclatement de sa représentation
22
n’a pas été accompagnée
jusqu’à présent par des aides spécifiques. De surcroît, le fonds « patrimoines et architectures »
de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) tel qu’il se
dessine actuellement (cf.
infra
) pourrait ne pas les concerner, du fait de leur statut fréquent
d’autoentrepreneur.
19
Enquête auprès des guides-conférenciers sur les aides mises en place (mars-septembre 2020) après huit mois
de crise sanitaire réalisée par la Fédération nationale des guides interprètes conférenciers (FNGIC).
20
Les demandeurs d’emploi arrivant en fin de droits pendant la crise sanitaire ont bénéficié d’une prolongation temporaire
de leurs droits à l’assurance-chômage. Les associations de guides conférenciers ont cependant engagé un recours au
Conseil d’État sur la réforme de l’assurance chômage. Le juge des référés a demandé le 10 juin 2021 un supplément
d’information sur ces professions exercées très majoritairement sous la forme de contrats à durée déterminée de très
courte durée (4h, 8h).
21
Pour être éligible à cette prime pouvant aller jusqu’à 900€, le demandeur d’emploi doit notamment avoir travaillé
138 jours en 2019. Tous les guides-conférenciers n’ont pu en bénéficier, car beaucoup déclarent leur activité en heures
et non en jours.
22
Pas moins de quatre organisations représentent les guides conférenciers aux côtés d’associations régionales  :
Association nationale des guides-conférenciers des Villes et Pays d’Art et d’Histoire (ANCOVART), Fédération nationale
des guides interprètes conférenciers (FNGIC), Syndicat national des guides-conférenciers (SNG-C), Syndicat professionnel
des guides interprètes conférenciers (SPGIC).
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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22
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
On notera enfin que, conscient des difficultés
engendrées par les fermetures d’établissement
pour les acteurs du tourisme culturel, proprié-
taires de monuments historiques, restaurateurs
et architectes du patrimoine
23
, le ministère de
la culture a suscité l’ouverture d’un fonds de
prêts (4 M€) et d’un fonds de garantie de prêts
(1 M€) auprès de l’Institut pour le financement
du cinéma et des industries culturelles (IFCIC).
Les premiers financements pourraient être lan-
cés à partir de juin 2021. Un comité sectoriel
émettra un avis sur les demandes de prêt et de
garantie exprimées par les professionnels. Un
bilan annuel sera effectué pour évaluer l’activi-
té du fonds et veiller à son orientation.
2 - L’adaptation des grands opérateurs
aux conditions de la crise
Les grands opérateurs du Patrimoine (musée du
Louvre, château de Versailles, musée d’Orsay,
Grand-Palais, CNAC Georges Pompidou)
mais également l’ÉPIC de Chambord ont
été confrontés à une chute probablement
durable de leurs ressources propres (billetterie,
boutiques, restaurants, mécénats), celles-ci
étant très dépendantes de la fréquentation
étrangère. Particulièrement élevé avant la
crise sanitaire, leur taux de ressources propres
oscillait selon les années aux environs de 50 %
(49 % en 2017, 54 % en 2018, 43 % en 2019,
un résultat en retrait lié aux mouvements
sociaux)
24
, et a chuté à 29 % en 2020
25
.
Dans une note de conjoncture d’avril 2021,
Atout France estime à -49,6 % le recul des
recettes touristiques françaises en 2020.
En 2021, la baisse des recettes par rapport
aux deux premiers mois de 2020 s’établit
respectivement à -55,9 % en janvier et à
-59,8 % en février. Les analyses sur le tourisme
international, dont le caractère prédictif doit
être apprécié avec précaution, n’escomptent
pas de retour à des niveaux de fréquentation
antérieurs à la crise avant 2023-2024.
Dès 2020, la crise sanitaire a conduit les
grands musées et monuments à reconsidérer
leurs politiques des publics. Face à la
désertion des touristes étrangers, ils ont dû
s’adapter à une fréquentation de proximité
tout en ménageant le lien avec les publics les
plus éloignés géographiquement grâce à des
propositions numériques.
La politique d’animations culturelles a privilégié
davantage la relation au territoire lorsque
c’était possible, tendant à réinsérer le musée ou
le monument dans son environnement local,
social et institutionnel (à travers
L’été culturel et
apprenant
par exemple). Au printemps 2020 et
lors des confinements suivants, les institutions
culturelles ont aussi spontanément mis à
disposition de nombreux produits numériques
gratuits auprès du grand public, privé d’accès
aux musées et monuments. La définition d’un
modèle économique autour du numérique,
dans lequel certains opérateurs ont déjà
beaucoup investi, ne trouve cependant pas de
réponse simple tant il dépend de l’attractivité
des propositions que des tarifs susceptibles
d’être acceptés par des visiteurs virtuels.
La communication des grands opérateurs s’est
également réorientée vers les publics français
qui, en tant que contribuables, participent à
leur financement. Le public hexagonal a été
en effet sensiblement moins nombreux dans
23
Arrêté du 6 mai 2020 en application de l’article 6 de la loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020.
24
RAP 2019 - Comptes financiers des musées nationaux suivants : CNAC-Georges Pompidou, Louvre, Versailles, Rodin,
Henner-Moreau, Orsay-Orangerie, Guimet, Quai Branly, Arts décoratifs, Château de Fontainebleau, MUCEM et musée
Picasso. Comptes financiers du CMN, du Domaine national de Chambord et de la CAPA.
25
RAP 2020.
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23
les années récentes au Louvre ou à Versailles
en raison d’une expérience de visite moins
satisfaisante, du fait de la sur-fréquentation.
La crise sanitaire a mis en exergue cet enjeu
consistant à faire revenir la clientèle française.
B - La réponse du Centre des
Monuments Nationaux à la crise
1 - Des pertes très importantes
de recettes
Le Centre des Monuments Nationaux a été
l’un des opérateurs les plus affectés par la
crise sanitaire. En dépit de l’affluence des
sites de province à l’été 2020, la désertion
des touristes étrangers a entraîné des pertes
de recettes majeures qui ont concerné avant
tout ses grands monuments parisiens. Les
ressources propres de l’établissement en
2020 ont diminué de 57,8 % par rapport au
compte financier de l’année 2019 pour s’établir
à 35,7 M€. Les recettes de billetterie se sont
élevées à 21 M€ pour 2020, en diminution
de 37,5 M€ par rapport au compte financier
2019. Les recettes des librairies-boutiques se
sont élevées à 6,1 M€, contre 15,5 M€ en 2019,
soit une baisse de 60,4 %. Au terme de l’année
2020, le déficit s’établissait à - 41,7 M€
26
.
Les cinq premiers mois d’un exercice repré-
sentent ordinairement 35 % de la fréquentation
totale annuelle (moyenne 2018-2019). Avec
une réouverture au 19 mai 2021, les pertes
devraient être de l’ordre de 13 M€, à condition
que les monuments ne soient pas amenés à
fermer à nouveau avant le 31 décembre et si la
reprise de la fréquentation se confirme.
Le CMN a gelé en 2020 le recrutement des
personnels devant assurer l’exploitation de
l’Hôtel de la Marine, d’autres recrutements ont
glissé, et le recours aux emplois saisonniers ou
de renfort a été limité. Ces mesures ont conduit
à une sous-exécution de la masse salariale de
l’ordre de 4,5 M€. Pour 2021, l’effet sera moins
important en raison de l’ouverture effective de
l’Hôtel de la Marine et des premiers recrute-
ments indispensables à la mise en exploitation
de la Cité internationale de la langue française
à Villers-Cotterêts au printemps 2022. À ce
stade, l’impact financier de la réduction du re-
cours aux emplois saisonniers ou de renfort est
estimé à 550 K€ pour 2021 mais ce calcul reste
à parfaire.
2 - Une réponse structurée, qui fait
porter l’accent sur l’investissement
et l’innovation
Le CMN a sollicité chacun de ses monuments
pour la rédaction de schémas d’organisation en
confinement, lesquels ont été adoptés début
novembre 2020. Des plans de continuité ont
été établis pour les différentes activités des
monuments selon que celles-ci pouvaient être
poursuivies en télétravail (activités de concep-
tion et à caractère administratif), nécessitaient
une présence par roulement (surveillance,
accueil d’entreprises de travaux, inventaires
des boutiques ou scientifiques etc.) ou devaient
être suspendues (accueil, billetterie). Ces plans
visaient à ne pas interrompre l’ensemble des
projets engagés et à anticiper une reprise
de l’activité.
Les exercices 2020 et 2021 ont permis de
relancer de façon très conséquente un
important programme de travaux, soit
via
les
crédits de droit commun du P 175, soit
via
le plan de relance (cf. annexe n° 3). Au prix
d’un effort important, les administrateurs
des monuments et les équipes de maîtrise
26
Le total des recettes s’est élevé à 150,8 M€ et le total des dépenses à 192,5 M€.
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24
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
d’ouvrage de l’opérateur se sont mobilisés
pendant la période de fermeture pour la mise
en œuvre du programme d’investissement
et pour accélérer le programme des travaux
d’entretien en 2020 et surtout 2021. Le
ministère et le CMN ont privilégié à travers
le plan de relance des monuments situés en
région : les Pays de la Loire, l’Occitanie et PACA
bénéficient d’enveloppes importantes pour
leurs monuments nationaux à l’inverse des
monuments situés en Île-de-France qui ne sont
pas concernés (cf. cartes ci-dessous).
Carte n° 1 :
crédits d’investissement pour les monuments nationaux du CMN 2019-2020
(crédits ordinaires)
Source : Cour des comptes à partir des données du ministère de la culture
0,5
0,1
AE en M€
0,0
20,2
0,5
0,8
2,8
0,0
0,1
4,4
3,7
10,6
20,2
12,2
0,0
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES
25
Carte n° 2 : crédits d’investissement pour les monuments nationaux du CMN 2021-2023
dans le cadre du plan de relance (au 23/07/2021)
Source : Cour des comptes à partir des données du ministère de la culture
Total 2021-2022 (en M€)
0,0
10,0
3,4
2,0
0,0
6,5
10,0
9,6
0,0
0,0
1,0
3,0
2,2
0,0
2,5
Le recentrage sur les publics de proximité
du CMN et le développement d’une offre
numérique plus étoffée nécessitent des
investissements spécifiques en termes de
développements informatiques, de formation
et de commercialisation. Selon la direction du
CMN, ces investissements sont de nature à
éviter une
« déflation culturelle »
qui viendrait
s’ajouter aux difficultés du tourisme culturel.
L’opérateur lance ainsi de nouvelles activités
telles que visites à distance et des formations
dans le cadre d’un nouvel Institut
27
pour
accroître ses recettes. Celles-ci sont cependant
loin de compenser les 37 M€ de pertes nettes
liées à la fermeture des monuments et à
l’absence de touristes internationaux.
27
Institut de formation du CMN qui a obtenu l’agrément de la DIRECCTE récemment.
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26
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
C - L’exploitation des monuments privés soutenue par des dispositifs transversaux
Un accompagnement différent selon le statut juridique
Les
musées et monuments publics nationaux et territoriaux,
qui relèvent de
l’économie
non marchande
ont été soutenus
soit par les aides d’urgence et le plan de relance
du ministère de la culture pour les établissements ou services nationaux,
soit par les
collectivités territoriales
pour des établissements publics locaux ou des équipements en
régie. Si les DRAC ne subventionnent pas en fonctionnement les musées territoriaux, elles ont
cependant aidé à la réouverture des musées et des monuments historiques par la diffusion
d’un guide ministériel. Plusieurs d’entre elles pointent les déséquilibres engendrés par la sur-
fréquentation des sites et des monuments, observée à l’été 2020, en raison des restrictions de
déplacements hors du territoire national.
En revanche les
musées et monuments privés
relevant de
l’économie marchande
ont été
accompagnés par des dispositifs transversaux non spécifiques au secteur culturel.
Les monuments historiques appartenant à
des propriétaires privés et ouverts au public
ont pu bénéficier du Fonds de solidarité
mis
en place par l’État et les régions pour aider
les petites entreprises les plus touchées par
la crise, du report du paiement de certaines
factures, de l’exonération de cotisations
sociales, de l’étalement de leur dette fiscale.
L’éligibilité aux prêts garantis par l’État (PGE)
a été plus longue à obtenir pour les sociétés
commerciales ou civiles immobilières (SCI)
28
.
Elle reste difficile d’accès aux propriétaires
en nom propre qui détiennent un numéro de
Siret et est inaccessible aux propriétaires non
inscrits au répertoire des entreprises et non
assujettis à l’impôt sur les sociétés. De même,
les propriétaires sans numéro de Siret n’ont
pas pu bénéficier du Fonds de solidarité jusqu’à
la parution du décret du 5 mai 2021 qui leur
ouvre le dispositif.
Les aides transversales semblent ainsi avoir
bien fonctionné pour les établissements les
plus professionnalisés, les CRMH n’ayant pas
observé, bien au contraire, de ralentissement
des engagements de chantiers d’entretien et
de restauration des monuments historiques
privés en 2021. Les DRAC n’ont pas non plus
été informées de difficultés majeures.
28
L’arrêté du 6 mai 2020 a modifié l’arrêté du 23 mars 2020 et a permis aux
« sociétés civiles immobilières dont le
patrimoine est majoritairement constitué de monuments historiques classés ou inscrits au sens de la loi du 31 décembre
1913 sur les monuments historiques et qui collectent des recettes liées à l'accueil du public »
d’accéder aux PGE. Selon
La Demeure Historique, compte tenu de la notion de
« recettes liées à l’accueil du public »
, certaines banques n’ont pas
voulu accorder de PGE à des sociétés civiles ayant une activité de location d’espaces nus à caractère réceptif (mariages
par exemple).
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COUR DES COMPTES
27
La Demeure Historique,
qui regroupe plus
de 3000 monuments historiques
29
, n’a pas
la même interprétation et fait état d’une
profession très affectée
30
par la crise. Les pertes
d’exploitation des propriétaires de monuments
historiques ouverts à la visite et/ou mettant en
location des espaces n’ont cependant pas été
mesurées de façon exhaustive. L’association a
réalisé une enquête auprès d’un échantillon
représentatif de ses adhérents selon laquelle
ceux-ci auraient enregistré une perte de 30 %
du chiffre d’affaires en 2020, et pour 2021, une
perte de fréquentation et de chiffre d’affaires
presque totale jusqu’au 19 mai, très peu de
jardins autorisés ayant maintenu une ouverture.
Le ministère de la culture a sollicité le ministère
de l’économie et des finances et de la relance
afin de ne pas remettre en cause pour l’année
2020 les avantages fiscaux liés à une obligation
d’ouverture au public (déduction de charges
foncières, réductions mécénat et exonération
de droits de mutation à titre gratuit), quand les
monuments n’avaient pas pu ouvrir autant que
le prévoient les seuils d’admission au bénéfice
de ces dispositifs fiscaux.
Le débat déjà ancien sur l’élargissement de la
notion d’ouverture au public des monuments
historiques a ainsi resurgi. La direction de la
législation fiscale n’a pas donné suite pour
le moment à des adaptations qui tiendraient
mieux compte de la réalité contemporaine des
conditions d’exploitation
31
des monuments
privés.
29
Près de la moitié des monuments adhérents accueillent chaque année environ neuf millions de visiteurs.
30
La Demeure Historique s’est mobilisée pour que les propriétaires privés puissent progressivement bénéficier
de l’ensemble des dispositifs transversaux quel que soit le statut juridique du monument : société commerciale, SCI,
gestion en nom propre. Elle espère obtenir que les monuments historiques puissent bénéficier, aux côtés notamment
de huit autres catégories d’entreprises de secteurs proches (parcs botaniques et zoologiques, parcs à thème, etc.) de la
nouvelle aide sans critère de chiffres d’affaires, complémentaire du Fonds de solidarité, mise en place au 31 mars 2021
par le ministère de l’économie et des finances. Cette aide propose une prise en charge des coûts fixes jusqu’à 90 % depuis
le 1
er
janvier 2021 pour les entreprises qui ont dû s’acquitter de dépenses de maintenance et d’entretien, notamment des
jardins, sans aucune recette en contrepartie.
31
IGF/IGAC, rapport conjoint sur
La modernisation de la notion fiscale d’ouverture au public pour les propriétaires privés
de monuments
,
4 janvier 2021, qui propose une présentation exhaustive des enjeux fiscaux.
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28
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
III - LE PLAN DE RELANCE SOLLICITÉ POUR LA RESTAURATION DES
MONUMENTS HISTORIQUES
A - L’impact financier de la pandémie
sur les grands chantiers
Les conservations régionales des monuments
Historiques ont pu constater que les arrêts de
chantier ont été de courte durée, ne dépassant
pas deux mois. De façon marginale, la crise
sanitaire a pu représenter un frein pour les
chantiers d’entretien des monuments privés.
Après que le guide de prévention sécurité
sanitaire de l’organisme professionnel
de prévention du bâtiment et des travaux
publics (OPPBTP)
32
a été publié début avril,
les chantiers sont repartis pour un retour à
la normale dès le mois de mai, avec des
protocoles sanitaires précis. Tous les chantiers
de l’État se sont dotés d’un référent covid et les
maîtres d’ouvrage de chantiers complexes ont
été vivement encouragés à faire de même.
Les dépenses d’urgence
33
acquittées par les
CRMH sont restées très limitées. Ainsi en région
Bourgogne-Franche-Comté et bien que la DRAC
en ait fait la publicité, seules neuf demandes
de prises en charge pour un montant total
de 96 296 € ont été reçues. En Occitanie, les
surcoûts des neuf chantiers en cours et des trois
chantiers en préparation sur les monuments
historiques de l’État (titre 5) se sont élevés à
182 950 € et les surcoûts sur les monuments
historiques non État (titre 6) se sont élevés à
95 977 €. En Normandie, le seul surcoût pris en
charge par la DRAC pour un chantier est anec-
dotique et s’élève à 7 000 €. Les avenants covid
ont été subventionnés au même taux que la sub-
vention initiale conformément aux directives de
la DGPA. La DGFIP a également été sollicitée par
les DRAC pour assouplir les conditions de verse-
ment de subventions, des travaux ayant dû être
décalés en raison des fermetures des chantiers,
de retards dans les consultations et du report
des élections municipales.
Une accélération des autorisations de travaux
a pu être observée dès la fin de l’année 2020 et
bien davantage au premier trimestre 2021, en
particulier pour les chantiers sur monuments
privés ou appartenant à des collectivités
territoriales. La reprise des chantiers est plus
lente sur les monuments de l’État selon le
Groupement des entreprises de restauration
des monuments historiques (GMH). Le GMH
regrette surtout de ne pas disposer de visibilité
sur le calendrier des appels d’offres de l’État,
alors que le Centre des Monuments Nationaux
a, de son côté, communiqué récemment
l’agenda de ses travaux. Les confinements
suivants n’ont eu que peu d’incidences sur la
restauration des monuments historiques, les
chantiers ayant été autorisés à se poursuivre.
Le chantier de Notre-Dame, comme d’autres
grands travaux, a été relativement peu affecté
par la crise sanitaire, les différents corps
d’état étant habitués à des normes sanitaires
très strictes (sur le plomb en particulier).
Du côté des équipes de maîtrise d’œuvre
des architectes en chef des monuments
Historiques, après une déstabilisation assez
forte liée à l’arrêt des chantiers, les différents
confinements ont été mis à profit pour la
réalisation de travaux d’études, de diagnostics
préalables, d’évaluation, etc.
32
Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics.
33
Maintiens d’échafaudages, aménagements complémentaires de bases de vie, etc.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES
29
Selon la DGPA, ce sont surtout les opérations
d’investissement sous maîtrise d’ouvrage
déléguée à l’Opérateur du patrimoine et des
projets immobiliers de la culture (OPPIC) qui ont
été affectées par la crise. Si un renchérissement
du coût de certains chantiers, jusqu’à 20 % sur
la période mai-juin 2020, a pu être observé,
une analyse de l’OPPIC fait état d’une hausse
de + 8,3 % par rapport aux montants restant
à mandater (14,6 M€ sur 175 M€) sur un panel
de 28 opérations représentant un coût total
de 993 M€. À titre d’exemple, l’avenant à la
convention de mandat de maîtrise d’ouvrage
OPPIC du chantier du quadrilatère Richelieu fait
état d’un surcoût estimé à 5,8 M€ directement
lié à l’arrêt puis à la reprise lente du chantier
sous contrainte de mesures sanitaires, aux
difficultés d’approvisionnement et aux
indemnisations éventuelles liées à l’allongement
des délais
34
.
De tels dépassements contrastent
avec la modestie des surcoûts engendrés par la
pandémie sur les chantiers régionaux.
La crise sanitaire a ainsi constitué une
opportunité de faire admettre des retards et
dépassements d’une autre nature pour les
grands travaux d’envergure nationale. Des
concours exceptionnels accordés du fait de la
crise ont pu couvrir des dérapages de coûts
dissimulés pour certains chantiers
35
.
B - La priorité donnée aux travaux
de restauration des monuments
historiques
1 - La restauration du patrimoine érigée
en réforme prioritaire
Le Gouvernement a inscrit
« la mobilisation
exceptionnelle pour la restauration du
patrimoine »,
selon la terminologie retenue,
parmi les
« réformes prioritaires du ministère de
la culture »,
aux côtés du déploiement du Pass
Culture et du projet d’offrir à chaque enfant une
éducation artistique et culturelle. Cette priorité
répond à trois objectifs : améliorer l’état des
monuments historiques sur tout le territoire,
permettre aux entreprises spécialisées de mieux
redémarrer après la crise sanitaire, rassurer les
associations et le grand public sur l’attention
portée par l’État à la conservation des
cathédrales. L’ambition affichée est de réaliser
d’importants travaux « plan de relance » sans
retarder la programmation ordinaire. Au titre
de 2021, cette réforme souhaite engager sur
les crédits relance au moins
60 M€ d’AE
sur les
cathédrales et
28 M€ d’AE
pour les monuments
du
CMN
tout en maintenant des engagements
importants sur les crédits ordinaires
(35 M€
d’AE pour les cathédrales et 15 M€ d’AE pour
le CMN)
. Le suivi des indicateurs fait l’objet
d’une présentation mensuelle en conseil des
ministres depuis octobre 2020.
34
Un avenant à la convention de mandat de maîtrise d'ouvrage déléguée à l’OPPIC par le ministère de la culture a été
établi en novembre 2020 qui porte sur le quadrilatère Richelieu. Il fait état d'un surcoût lié à l'impact de l'arrêt et reprise
du chantier sous contrainte de mesures sanitaires covid estimé à 5,8 M€ et d’un décalage de 6,5 mois dans la réception
du chantier prévue en mai 2021.
35
Alors que l’indicateur de qualité de maîtrise d’ouvrage de l’État suivi par les PAP et les RAP, soit le rapport entre le
prix réel des opérations OPPIC et le prix initial prévu ne dépassait pas 111 % de 2016 à 2018, il est passé à 120 % en
2019, puis à 123 % en 2020, ce qui témoigne de tensions sur les prix des chantiers de monuments historiques et de
dépassements plus fréquents depuis deux ans, dans un contexte de multiplication des grands travaux.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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30
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Les premiers résultats soulignent un démarrage
relativement lent qui ne surprend pas au regard
de la complexité de la chaine patrimoniale,
du temps incompressible de consultation des
maîtres d’œuvre puis des différents corps d’état.
La dernière programmation actualisée en juin
2021 du CMN prévoit cependant 28,73 M€ d’AE
engagés sur le plan de relance et 26,35 M€ sur
les crédits ordinaires, ce qui laisse à penser que
les objectifs fixés à l’opérateur seront atteints.
Graphique n° 2 :
les indicateurs de la réforme prioritaire et leur avancement fin juin 2021
Source : ministère de la culture - DGPA-juillet 2021
Réalisé 2020
7
5
,
3
M
Cible finale 2022
(somme 2019 à 2022)
2
4
0
M
Réalisé 2021
(1
er
semestre)
M
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e
s
d’avancement
Réalisé 2019
5
8
,
2
M
Les objectifs de restauration de monuments
historiques sont également inscrits dans
le plan national de relance et de résilience
présenté aux institutions européennes.
Le plan
national de relance et de résilience synthétise
les indicateurs, cibles et jalons, que la France doit
atteindre afin de prétendre au remboursement
par l’UE de crédits nationaux engagés dans le
cadre de la mission France relance. Au titre de
la mesure
« soutien aux filières culturelles et
rénovations patrimoniales »,
le ministère de la
culture doit avoir initié en cumulé
62 projets de
restauration de cathédrales et de monuments
nationaux en 2021,
investi
30 M€ pour la
restauration de monuments historiques
appartenant aux collectivités territoriales en
2022
et aidé 50 structures du spectacle vivant
d’ici à 2023. Sur 1,6 Md€ de crédits dédiés
à la culture programmés dans le cadre du
plan France Relance, la France pourrait alors
bénéficier du remboursement de 702,5 M€
au terme du processus. Toutefois, à ce stade
de la négociation, le circuit d’encaissement de
ces remboursements européens au titre de la
facilité pour la reprise et la résilience
(FRR) n’est
pas formalisé.
Enfin, le soutien apporté aux travaux
d’entretien et de restauration du patrimoine a
fait l’objet
d’une mesure fiscale
36
qui a porté
sur
l’élargissement
des conditions d’octroi du
label de la Fondation du patrimoine :
36
Article 7 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 qui modifie l’article L. 143-2 du code du patrimoine.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES
31
• à des immeubles non protégés au titre des
monuments historiques situés en zone
rurale, bourgs et petites villes de moins
de
20 000 habitants
(contre 2 000 habitants
précédemment). Les immeubles non-
habitables caractéristiques du patrimoine
rural ne sont pas soumis à ces restrictions
géographiques ;
• aux immeubles situés dans les
sites classés
au titre du code de l’environnement
(ceux situés dans les sites patrimoniaux
remarquables pouvaient déjà en bénéficier) ;
• aux immeubles
non visibles de la voie
publique
mais que le propriétaire s’engage à
rendre
accessibles au public
 ;
aux immeubles non bâtis
tels que
parcs et
jardins
.
La déduction fiscale est réservée aux
immeubles bénéficiant d’un cofinancement
à hauteur minimale de 2 % du montant des
travaux par la Fondation du patrimoine. Le
ministère de la culture a adressé en mars 2021
à la direction de la législation fiscale (DLF) un
projet de décret, afin de préciser les modalités
de déduction des charges foncières supportées
par les propriétaires.
La Fondation du patrimoine indique que les
labels « nouveaux » représentent 13,3 % des
labels accordés après leur mise en place d’août
à décembre 2020 et 17,1 % des labels octroyés
de janvier à avril 2021. Cette part des labels
nouveaux est d’autant moins négligeable
que le projet de décret modificatif précité, qui
ouvre des avantages fiscaux, n’a pas encore
été publié. On rappellera que la labellisation
représentait une
dépense fiscale
évaluée à
29,5 M€ pour les cinq années 2013-2017, soit
un peu moins
de 6 M€
en moyenne
par an
pour
292 M€ de travaux réalisés (dont
155 M€ de
travaux
éligibles à la déduction fiscale)
37
.
2 - La mobilisation de l’administration
centrale du Patrimoine
Le plan de relance pour le secteur Culture
(programme 363
Compétitivité
) est piloté
par le cabinet de la ministre de la culture, le
secrétariat général et les directions générales
sur le mode de la délégation de gestion par le
ministère du budget, dont le troisième sous-
directeur est le responsable de programme
(RPROG) des crédits culture selon les termes
de la convention signée le 18 décembre 2020.
Ce mode de fonctionnement permet au
ministère de la culture délégataire de prévoir
l’organisation de la programmation et de la
gestion des crédits dont il est l’ordonnateur,
sous le contrôle des services du CBCM pour les
crédits centraux et des contrôleurs budgétaires
régionaux (CBR) pour les crédits déconcentrés.
Il laisse également au ministère du budget
la latitude de décider de réallocations des
ressources d’un dispositif à l’autre. La mise
en œuvre du plan s’accompagne cependant
d’une comitologie complexe dans un contexte
de ressources humaines sous tension tant en
administration centrale que dans les DRAC
38
.
Avec quelques concours temporaires mais
sans moyen humain supplémentaire pérenne,
le ministère a géré, dans le domaine du
patrimoine, les effets de la crise sanitaire, les
réponses urgentes et la relance subséquente.
Le plan de relance est ainsi venu réactiver un
37
Par précaution, la dépense fiscale a été estimée par la Fondation du patrimoine sur la base du taux moyen d'imposition
des 1 % de foyers les plus aisés, soit 19 %.
38
Comité de suivi de la relance présidé par le Premier ministre, comité de pilotage de la relance animé par le ministère
des finances, conseil interministériel semestriel à l’échelon central, comités de suivi régionaux, dotations directes
aux collectivités territoriales par les préfets de région à l’échelon territorial. Cf.  :
Mission-flash IGAC sur la mise
en œuvre du volet territorialisé du plan de relance, annexe 1 - le pilotage gouvernemental du plan de relance.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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32
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
pilotage centralisé qui avait disparu, nécessitant
un savoir-faire et des outils uniformisés de
comptes rendus qui n’existaient plus à l’échelle
de toute la DGPA, des services déconcentrés
et du secrétariat général. Précédemment le
contrôle de la bonne exécution était biannuel.
Le ministère a dû rendre des tableaux de
suivi trimestriels puis mensuels des rythmes
de décaissement, des écarts à la prévision,
et doit demander la validation expresse de
toute modification de programmation initiale
exprimée par les services déconcentrés.
3 - L’effort accompli par les
administrations déconcentrées
Les opérations pressenties pour figurer dans
le plan de relance ont parfois été présélec-
tionnées de façon anticipée par les directions
régionales à l’été 2020. Mais certaines CRMH
ont cependant répondu à la Cour n’avoir pu
disposer que de quelques jours pour proposer
les opérations qu’elles souhaitaient voir figurer
dans le plan. La validation des opérations a
été opérée par la DGPA en octobre 2020. Les
CRMH ont privilégié des opérations sanitaires
d’urgence représentant des montants élevés
(rarement moins de 500 000 €), ayant reçu une
autorisation de travaux et en phase de consul-
tation, pouvant être engagées immédiatement
et achevées en 2022. La construction du plan
Cathédrales a obéi à une stratégie de rééqui-
librage en faveur d’édifices situés à la Réunion,
en Bretagne, en Auvergne-Rhône-Alpes et dans
les Pays de la Loire (cf. tableau n°8).
Tableau n° 8 : la stratégie de rééquilibrage territorial du plan Cathédrales (en €)
Source : DGPA - retraitement Cour des comptes
La nécessité d’exécuter en parallèle les crédits
d’investissement et d’intervention sur les mo-
numents historiques du programme 175 a sen-
siblement accru la charge de travail des CRMH.
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COUR DES COMPTES
33
De plus, les interventions du fonds incitatif
Partenarial et de la Mission Patrimoine en
Péril depuis 2018 entraînent une complexité
de gestion supplémentaire pour les crédits
ordinaires du programme
Patrimoine
, ce qui
fait dire à certaines DRAC qu’elles doivent
mener en réalité quatre programmations en
parallèle. La surcharge de travail est perceptible
à travers la consommation de crédits de
vacation en début d’année 2021. La dotation
de crédits de vacation destinée aux DRAC qui
était initialement de 975 000 € a été portée à
1 475 000 € après validation par le cabinet de
la ministre.
Tableau n° 9 : consommation de crédits de vacations dans les DRAC (services Patrimoine) en €
Source : secrétariat général, ministère de la culture
Les directions régionales sont également
sollicitées par les préfectures de région, de
département et les sous-préfets à la relance le
cas échéant. Les CRMH doivent exprimer une
alerte en cas de dérapage par rapport au calen-
drier prévisionnel.
A contrario,
elles ne peuvent
consacrer du temps et des moyens suffisants à
la communication sur les opérations, au-delà
de ce qui a été prévu au niveau national (loca-
lisation possible par un système d’information
géographique, logo
France Relance
apposé sur
les documents et panneaux de chantiers).
La Cour ne peut que rejoindre les conclusions
d’une mission flash réalisée par l’inspection
générale des affaires culturelles en DRAC
Auvergne-Rhône-Alpes soulignant que
« le
choix d’une architecture budgétaire dédiée au
plan de relance est source de complexité et de
contraintes dans la gestion des crédits et laisse
peu d’autonomie aux DRAC ».
Enfin on notera que la crise sanitaire a accéléré
la mutation des méthodes de travail des UDAP
et des CRMH. Les architectes des Bâtiments
de France (ABF) et services instructeurs des
CRMH ont pris l’habitude d’instruire des de-
mandes d’autorisation de travaux à partir de
fichiers numériques. Toutefois, certaines CRMH
tempèrent l’intérêt de cette innovation qui ne
peut se substituer totalement aux expertises
de terrain. Cette évolution précède la déma-
térialisation de l’ensemble des procédures
relevant de l’administration du droit des sols
qui va se mettre en place progressivement à
partir de juin 2021.
C - Faute d’analyse sectorielle
préalable, les mesures incitatives ont
provoqué un effet de « surchauffe »
La priorité donnée aux travaux sur
monuments historiques n’a pas été
accompagnée d’une prospective sectorielle
précise sur les capacités de réponse de
l’ensemble de la chaîne patrimoniale depuis
la maîtrise d’ouvrage, l’assistance à la maîtrise
d’ouvrage privée ou publique, la maîtrise
d’œuvre jusqu’à la réalisation des travaux
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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34
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
par les différents corps d’état et le contrôle
scientifique et technique
exercé par les CRMH
et les architectes des Bâtiments de France. Seul
le Groupement des entreprises de restauration
monuments historiques (GMH) qui comprend
206 entreprises sur les 871 détenant une
ou plusieurs qualifications Qualibat
39
, a été
interrogé par le ministère de la culture sur
ses capacités d’absorption
de la commande
publique. Il a estimé que la relance des travaux
n’occasionnerait qu’une progression
« de 5 à
6 % »
du chiffre d’affaires de ses entreprises
adhérentes.
39
Les certificats de qualifications
Qualibat
sont délivrés à des entreprises disposant des compétences nécessaires pour
travailler dans les différentes spécialités (pierre de taille et maçonnerie, charpente, couverture, ferronnerie...) propres
aux monuments historiques mais des entreprises disposant de « références équivalentes » peuvent aussi participer à ces
chantiers sans ces qualifications.
40
Alertes exprimées dans les Notes d’Exécution Budgétaire et dans les rapports parlementaires Patrimoine annexées à
la Loi de Règlement, 2018, 2019, 2020.
Graphique n° 3 : dépenses exécutées sur les monuments historiques (action 1 P 175)
et votées en LFI 2021 (en CP, en M€)
Source : rapports annuels de performances 2011/2020, arrêtés de reports. Pour 2021 : crédits votés en LFI P175 action
1+reports+volet MH du plan de relance P 363 action 5. Retraitement Cour des comptes.
N.B. : Ce graphique porte seulement sur la programmation du ministère de la culture et n’intègre pas les autres sources
de financement.
800,0
600,0
400,0
200,0
-
314,0
304,0 299,9
277,8
310,7
301,3 301,6
327,5
385,4
497,4
667
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021*
Il n’en demeure pas moins que la crise sanitaire
est intervenue alors que la soutenabilité de
la restauration des monuments historiques
avait fait l’objet d’alertes
40
, liées, d’une part, au
calendrier d’achèvement des grands travaux
de plus de 20 M€ (dont Villers-Cotterêts et le
Grand Palais) concomitant du grand chantier
de reconstruction de Notre-Dame et, d’autre
part, à l’impulsion donnée aux activités de
restauration en régions depuis 2018. Si la DGPA
a pris soin de répartir sur tout le territoire
les opérations de restauration retenues au
plan de relance et de couvrir l’ensemble des
corps de métiers concernés, l’effet volume est
incontestable et renforcé par la fixation de
calendriers très serrés. Le détail des opérations
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES
35
territorialisées du plan de relance sur les
monuments historiques est précisé en annexes
3 et 4.
Les tensions induites par la relance sur l’activité
des services sont observables à plusieurs
niveaux :
1 - Les effets de la relance sont perceptibles
dans le travail quotidien réglementaire et
d’animation des
unités départementales de
l’architecture et du patrimoine (UDAP)
sur
les trois champs de leur action : protection et
préservation du patrimoine bâti, création et
suivi des espaces protégés, et promotion d’une
architecture et d’un urbanisme de qualité.
Alors que les services territoriaux déconcentrés
étaient déjà très mobilisés avant la crise
sanitaire sur les sujets d’aménagement et de
cadre de vie, ils ont été confrontés, du fait de
la succession de confinements qui a conduit
les particuliers à programmer des travaux, à
un afflux de demandes d’autorisations et d’avis
d’ABF dans les espaces protégés et secteurs
sauvegardés. Pour près de la moitié des UDAP,
cette augmentation d’activité est supérieure à
30% par rapport à l’année 2019
41
. De même, les
nouvelles équipes municipales élues en 2020
ont relancé les actions de protection de leur
patrimoine
via
la création de sites patrimoniaux
remarquables ou d’opérations d’aménagement
de grande envergure. Enfin, les politiques
interministérielles déclinées au niveau
départemental ajoutent à la mobilisation des
UDAP sur des dispositifs visant l’amélioration
du cadre de vie (Action Cœur de Ville, Petites
Villes de Demain, Contrats de plan) très liés à la
politique de relance.
2 - 
Du côté des CRMH,
le constat est identique.
La reprise est telle que les architectes en chef
des monuments historiques (ACMH) peinent
à répondre à toutes les attentes, du fait de
la concomitance de chantiers nombreux et
d’envergure sur les monuments classés d’État
et de commandes privées sur des monuments
classés n’appartenant pas à l’État.
- Les
bonifications du taux des aides décidées
dans certaines régions, tant sur les crédits
ordinaires que sur les crédits de la relance
afin de soutenir l’activité de restauration
de monuments historiques ont suscité des
demandes de subventions émanant des
collectivités territoriales et des propriétaires
privés en nette hausse depuis le dernier
trimestre 2020. Sur ce point, la capacité des
propriétaires privés à contribuer aux travaux
constitue cependant une vraie difficulté. Elle
est évaluée souvent approximativement au
moment de l’examen des plans de financement,
selon les dispositions de l’article R. 621-82 du
code du patrimoine . Les taux de subvention
pour les monuments inscrits sont en effet
plafonnés à 40 % selon les dispositions de
l’article L. 621-29 du code du patrimoine
42
,
en revanche les monuments classés, dont les
travaux sont subventionnés ordinairement au
plus à 50 %, peuvent bénéficier de bonifications
décidées par le préfet de région sur la
recommandation de la DRAC.
41
Le nombre de dossiers traités par les UDAP est passé de 170 643 (1
er
janvier-31 mai 2019) à 209 907 (1
er
janvier-31 mai
2021), source DGPA.
42
L’article R 621-82 du code du patrimoine précise que
« lorsque l’État participe financièrement à des travaux d’entretien,
de réparation ou de restauration d'un immeuble classé ou inscrit, l’importance de son concours est fixée en tenant compte
des caractéristiques particulières de cet immeuble, de son état actuel, de la nature des travaux projetés et, enfin, des
efforts consentis par le propriétaire ou toute autre personne intéressée à la conservation du monument ».
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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36
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Tableau 10 : opérations du plan de relance sur monuments historiques privés :
propriétaires en nom propre, sociétés ou associations (crédits mobilisés en €)
Source : DGPA et DRAC/CRMH – retraitement Cour des comptes
Les concours accordés à des propriétaires
privés par le plan de relance représentent
10 M€ sur les 40 M€ consacrés aux monuments
n’appartenant pas à l’État. D’un montant
très élevé par opération, ils sont porteurs
de difficultés dans le futur. En particulier,
les niveaux de taux des aides accordées au
château de Beaumesnil (100 %) et au Château
de Glénay (80 %) suscitent des interrogations :
le premier, s’agissant de la prise en compte des
capacités contributives de son propriétaire
qui, de surcroît, pratique des tarifs de visite
relativement élevés, et, pour le second, dans
la mesure où la bonification de taux à 80 %
n’a pas fait l’objet de contrepartie en termes
d’ouverture au public (cf. tableau n°10).
On peut s’étonner du contraste entre
des
conditions très précises de prise en compte
de l’ouverture au public pour accéder aux
dispositifs fiscaux et l’absence de toute condi-
tionnalité
dans le cadre du plan de relance ou
de l’attribution de crédits ordinaires. Il serait
légitime d’assortir les bonifications de taux
accordées à des engagements d’ouverture des
monuments, dans la continuité des objectifs
affichés de valorisation du patrimoine auprès
du grand public. Cette condition étant laissée à
la libre appréciation des services déconcentrés,
les pratiques diffèrent d’une région à l’autre,
entraînant ainsi des ruptures d’égalité entre
propriétaires.
- L’activité de restauration est aussi dynamisée
par la possibilité d’additionner plusieurs
financements d’État sur une même opération.
C’est le cas de la restauration des cathédrales
et des monuments nationaux du CMN qui
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES
37
peuvent cumuler crédits du plan de relance
et crédits ordinaires, en raison de leur statut
de réforme prioritaire. C’est également le cas
dans plusieurs régions pour des opérations
de restauration de monuments historiques
appartenant à des collectivités territoriales
qui reçoivent cette année des cofinancements
validés par les préfectures de département.
La DRAC Normandie précise qu’une
« complémentarité des aides de l’État est de
plus en plus recherchée entre les subventions de
la DRAC et les aides des préfets : DETR
43
, DSIL
44
,
FNDAT
45
… le cumul de ces aides nécessitant
parfois des arrêtés dérogatoires »
. La DRAC
Bourgogne Franche-Comté a noté également
un certain nombre d’opérations de restauration
de monuments historiques soutenues par la
DSIL du préfet de Région financée par le plan
de relance dont cinq opérations (basilique
de Vézelay, maison Colette à S
t
Sauveur
en Puisaye, église de Joigny…) dans le
département de l’Yonne pour plus de 2 M€.
3 - Le niveau élevé de la commande publique
dans un contexte de tensions sur l’approvi-
sionnement en matériaux de base engendre
depuis le début de l’année plusieurs effets :
pénurie de main d’œuvre, retards et surcoûts
qui ne pourront toutefois être précisément
appréciés qu’à l’achèvement des travaux.
Les ACMH du chantier de Notre-Dame de Paris
et du Château de Versailles, comme plusieurs
CRMH notent que les économistes sont
contraints de remonter le coût des projets par
rapport à la phase de diagnostic et s’inquiètent
d’une pénurie de compagnons dans les
différents corps de métier, au regard du nombre
de grands chantiers lancés en parallèle. Des
travaux doivent être différés faute d’entreprises
qualifiées disponibles. Cette pénurie s’étend
aux missions de coordonnateur en matière
de sécurité et de protection de la santé (SPS)
sur les grands chantiers avec co-activité. En
outre, la reprise très forte aux États-Unis et en
Chine engendre des hausses significatives des
prix des matériaux utilisés sur les chantiers
46
.
Dans une note de conjoncture de mars 2021, la
Fédération Française du Bâtiment s’alarme du
risque de pénalités de retards sur des marchés
signés à prix ferme, faute de pouvoir disposer
des matériaux à mettre en œuvre. En outre,
comme le constatent les services du CBCM
ministériel et des opérateurs culturels de l’État,
la fixation de dates d’achèvement prévisionnel
trop rapides risque d’entraîner des surcoûts
(heures supplémentaires, travail le week-end,
etc.) qui viendraient s’ajouter à l’inflation
présente.
4 - Enfin, la crise a mis en évidence une
couverture inégale du territoire français par
les métiers de l’architecture patrimoniale et de
la restauration des monuments historiques, ce
qui conduit aux tensions observées récemment
sur les prix et à des retards. Faute de nouvelles
générations de jeunes ouvriers déjà formés et
immédiatement disponibles,
la filière est ainsi
confrontée à des goulets d’étranglement qui
ne pourront être résolus à brève échéance,
dès lors que les métiers correspondants,
hautement qualifiés, requièrent un long
apprentissage. À ces difficultés tenant aux
compétences disponibles, d’une grande acuité
en période d’afflux de financements, viennent
s’ajouter les complexités structurelles de la
chaîne patrimoniale qui gênent la mise en
43
Dotation d’équipement des territoires ruraux.
44
Dotation de soutien à l’investissement local.
45
Fonds national d’aménagement et de développement du territoire.
46
Le cours de la tonne de cuivre a doublé par exemple depuis mai 2021, celui du bois quadruplé en un an sur les marchés
à terme de Chicago.
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38
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
œuvre rapide des chantiers (non seulement les
compétences par métier doivent être réunies,
mais elles doivent l’être simultanément, ainsi
que tous les avis, contrôles et autorisations
nécessaires).
La DGPA devrait pouvoir disposer d’une
meilleure connaissance de la filière et
de l’évolution prévisible des professionnels
formés (architectes du patrimoine, ouvriers
qualifiés, spécialistes sécurité, etc.) afin que
les chantiers publics puissent être réalisés
dans des conditions satisfaisantes de prix
et de délai. Il paraîtrait donc approprié de
développer une expertise interministérielle
des métiers du patrimoine, par exemple sous
la forme d’un
contrat d’études prospectives
(CEP)
avec la délégation générale à l’emploi
et la formation professionnelle, la direction
générale des entreprises et le ministère de
l’éducation nationale, afin d’identifier les
besoins de formation à moyen et long terme.
L’observatoire des métiers de l’architecture en
projet, financé
via
les crédits d’urgence de 2020,
peut y contribuer.
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COUR DES COMPTES
39
CONCLUSION
QUELLES PERSPECTIVES
DE SORTIE DE CRISE ?
La nécessité pour les grands opérateurs de réfléchir à l’évolution de leur
modèle économique
La plus grande incertitude pèse actuellement sur les lieux patrimoniaux
ouverts au public, dépendant des perspectives de fréquentation
touristique et de l’évolution de la pandémie. Les plus grands opérateurs,
qui s’autofinançaient à hauteur de 50 % jusqu’à présent, vont devoir
approfondir une réflexion, déjà engagée depuis les premières fermetures
administratives, sur des évolutions nécessaires de leur modèle
économique, intégrant les contraintes de leur mission de service public.
De nombreuses propositions sont mises à l’étude : l’amélioration
de l’expérience de visite, la réduction de l’envergure des grandes
expositions dont les coûts d’assurance et de transport d’œuvres
provenant de l’étranger sont devenus prohibitifs, le retour vers une mise
en valeur des collections permanentes, l’accélération des propositions
numériques et la diversification des activités commerciales. Les
partenariats des musées français à l’international (prêts d’œuvre,
expositions itinérantes, marques culturelles) devraient également
continuer de se développer.
L’expérimentation d’une plus grande modularité tarifaire est évoquée
telle que par exemple, la hausse sélective des tarifs pour les visiteurs
non-résidents de l’Union européenne – dès lors que l’application d’une
grille différenciée ne rencontre pas de difficultés pratiques – ou la
saisonnalité de la grille de tarification afin de favoriser le retour d’un
public français en période de faible fréquentation étrangère. Ce sont
autant de réflexions qui peuvent avoir des incidences sur les ressources
propres des grands établissements.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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40
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Un pilotage approprié des crédits alloués aux monuments historiques
est indispensable
La direction du budget a engagé une réflexion sur les conditions
financières de la sortie de crise. Certaines mesures exceptionnelles
d’urgence peuvent entraîner des effets d’aubaine requérant d’être
attentif à tout effet de « cliquet » ou de « socle ». Ce risque paraît
surtout concerner le soutien aux filières économiques du patrimoine
(restaurateurs-conservateurs, guides-conférenciers, architectes, etc.).
La direction du budget fait savoir qu’elle entend également veiller à ce
que les crédits d’entretien lourds des monuments historiques soient
sanctuarisés dans les années futures afin d’éviter des budgets de
restauration plus élevés quelques années plus tard.
En outre, il importe d’éviter des décaissements trop lents des crédits
de la relance qui pourraient entrainer des dépassements lors de
l’exécution des crédits des années 2023 et 2024 et porter atteinte à
l’autorisation parlementaire sur la norme des dépenses. La consultation
ministérielle sur les projections de décaissement des grands opérateurs
à l’horizon 2022/2024 devrait permettre de prévenir ce type d’atteinte.
Comme le relève aussi la commission des affaires culturelles et de
l’éducation
47
, le plan de relance de 60 M€ en 2009 a eu en réalité
pour effet d’entraîner une sous-consommation des crédits durant les
trois exercices suivants (2010-2012) se traduisant par une réduction
ultérieure de la dotation budgétaire initiale. Pour y parer s’imposent
un correct calibrage budgétaire, un suivi actif de la consommation des
crédits et de la continuité quant au niveau de l’engagement public.
47
Assemblée nationale, commission des affaires culturelles et de l’éducation,
Mission « flash » sur
le soutien au patrimoine immobilier protégé
, communication de Mme Emmanuelle Anthoine et M.
Raphaël Gérard, 18 avril 2018.
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Le plan pluriannuel d’investissement portant sur les grands
travaux vient d’être revu par le secrétariat général du ministère
afin de mieux prioriser les chantiers et échelonner les dates de
livraisons prévisionnelles. La nuance entre le caractère « inévitable »,
« indispensable » ou « prioritaire » de ces grands chantiers a cependant
été difficile à établir. Il est certain que certains chantiers structurants
(RMN-Grand Palais, Cité internationale de la langue française (CILF) de
Villers-Cotterêts) sont très contraignants. Le nouveau schéma adopté
pour le CNAC-Georges Pompidou conserve un calendrier resserré
même s’il a été décalé dans le temps.
Il reste que l’on peut regretter l’absence d’approche consolidée de
la dépense de l’État sur les travaux de monuments historiques à une
échelle interministérielle, afin d’en évaluer la soutenabilité et les
incidences économiques sur les entreprises de l’architecture, de la
restauration et du BTP spécialisées.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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42
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
ANCOVART
Association nationale des guides-conférenciers des Villes
et Pays d’Art et d’Histoire
ABF
Architecte des Bâtiments de France
ACMH
Architecte en chef des monuments historiques
CAPA
Cité de l’Architecture et du Patrimoine
CBCM
Contrôleur budgétaire et comptable ministériel
CBR
Contrôleur budgétaire régional
CILF
Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts
CMN
Centre des monuments nationaux
CNAC-GP
Centre national d’art contemporain – Georges Pompidou
CRMH
Conservation régionale des monuments historiques
DEPS
Direction des études, de la prospective et des statistiques
du ministère de la culture
DGPA
Direction générale des patrimoines et de l’architecture du ministère
de la culture
DH
Association de la Demeure Historique
DLF
Direction de la législation fiscale
DRAC
Direction régionale des affaires culturelles
FRR
Facilité pour la reprise et la résilience
FNGIC
Fédération nationale des guides interprètes conférenciers
GMH
Groupement des entreprises de restauration des monuments historiques
IFCIC
Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles
INRAP
Institut national de recherches archéologiques préventives
MUCEM
Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée
OPPBTP
Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux
publics
OPPIC
Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture
PNRR
Plan national de relance et de résilience
SNG-C
Syndicat national des guides-conférenciers
SPGIC
Syndicat professionnel des guides interprètes conférenciers
UDAP
Unité départementale de l’architecture et du patrimoine
LISTE DES ABRÉVIATIONS
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COUR DES COMPTES
43
ANNEXES
Annexe n° 1.
Effet de la pandémie sur le programme
Patrimoines
Annexe n° 2.
Dépenses d’investissement prévues au plan de relance
pour les monuments du CMN hors Villers-Cotterêts
Annexe n° 3.
Crédits territorialisés du plan de relance
Annexe n° 4.
Crédits de travaux destinés à des biens historiques et culturels*
de l’État et à des équipements patrimoniaux ou protégés
d’établissements publics nationaux financés
via
le P 362 Écologie
(plan de relance)
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44
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Annexe n° 1.
Effet de la pandémie sur le programme
Patrimoines
Graphique n° 4 : crédits votés et exécutés de la mission Patrimoine et volet Patrimoine
du plan de relance mis en œuvre par le ministère de la culture (en CP, M€)
Source : Rapport annuel de performance, ministère de la culture 2019 et 2020, LFI 2021
Graphique n° 5 : répartition par actions du programme P 175 au PLF 2021(CP, M€)
Source : projet annuel de performance, Mission Culture, 2021
patrimoine
archéologique
144
monuments historiques
et patrimoine monumental
430
architecture et
espaces protégés
32,2
patrimoine des
musées de France
363,2
acquisition et enrichissement
des collections publiques
9,8
patrimoine archivistique
et célébrations nationales
36,4
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45
Annexe n° 2.
Dépenses d’investissement prévues au plan de relance pour
les monuments du CMN hors Villers-Cotterêts (au 23/07/2021)
Source : DGPA – ministère de la culture
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46
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Annexe n° 3.
Crédits territorialisés du plan de relance (AE, en €) - (au 23/07/2021)
Source : ministère de la culture – direction générale des patrimoines et de l’architecture
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COUR DES COMPTES
47
Annexe n° 4.
Crédits de travaux destinés à des biens historiques et culturels* de l’État
et à des équipements patrimoniaux ou protégés d’établissements publics
nationaux** financés
via
le programme 362
Écologie
(plan de relance)
Source : direction de l’immobilier de l’État (DIE)
* Les biens historiques et culturels sont partiellement ou totalement protégés au titre des MH
** Pour les EPN, le recensement repose sur les données déclarées par les porteurs de projets collectées par la DIE
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48
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Sommaire
49
Réponse de la ministre de la culture
Destinataires n’ayant pas d’observation
Le président du centre des monuments nationaux (CMN)
Le président de La Demeure Historique
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS
ET ORGANISMES CONCERNÉS
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COUR DES COMPTES
49
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE LA CULTURE
Par courrier en date du 23 juillet 2021, vous avez bien voulu me transmettre l’audit établi par la
Cour des comptes relatif au soutien spécifique apporté par l’État au secteur du patrimoine dans le
contexte de crise sanitaire.
Je vous remercie tout d’abord pour la qualité de cette analyse, qui permet de mesurer l’étendue
du soutien apporté par l’État au patrimoine et de mettre en lumière la réactivité ainsi que la forte
mobilisation des équipes du ministère de la culture, tant au niveau de l’administration centrale que
des services déconcentrés et de ses opérateurs dans l’élaboration comme la mise en œuvre de
dispositifs d’urgence en soutien à ce secteur.
Je souhaite également apporter les précisions ci-après aux observations formulées par la Cour dans
le projet de rapport.
Le ministère de la culture, face à l’urgence d’une crise sanitaire mondiale par nature changeante
et aux effets durables, s’est mobilisé dès les premiers jours du confinement pour apporter des
réponses les plus adaptées en soutien à ce secteur. Le soutien financier de l’État au secteur du
patrimoine s’est tout d’abord matérialisé par le versement rapide d’aides sectorielles spécifiques, qui
sont venues s’ajouter aux aides transversales de soutien destinées essentiellement à l’exploitation
des monuments privés (Fonds de solidarité, activité partielle, exonération de cotisations sociales,
etc.). La Cour rappelle à ce propos que « les crédits d’urgence du ministère de la culture en faveur du
patrimoine en 2020 sont restés limités pour l’essentiel à cinq grands opérateurs ».
Mais comme l’expose à juste titre la Cour, je rappelle que l’aide apportée durant la crise par le
ministère au secteur du patrimoine et de l’architecture est allée bien au-delà du seul soutien aux
grands établissements, notamment via une hausse des crédits ordinaires en PLF 2021 afin de
soutenir l’investissement et via la priorité donnée aux travaux de restauration des monuments
historiques dans le cadre du plan de relance (614 M€). Le soutien aux opérateurs du patrimoine,
parmi lesquels certains assurent la maîtrise d’ouvrage d’importants programmes d’investissement
répartis sur l’ensemble du territoire national, a permis dans ce cadre d’irriguer le tissu des
entreprises des filières du patrimoine dans un but de continuité des chantiers.
Au sujet de la situation des opérateurs patrimoniaux et plus spécifiquement de la « nécessité
[…] de réfléchir à l’évolution de leur modèle économique », je tiens à indiquer que mes services
ont engagé une réflexion, en liaison avec les établissements concernés, portant sur leur modèle
socio-économique. Cette réflexion tient compte de l’absence d’un retour rapide des niveaux de
fréquentation de 2019 qui limitera fortement la capacité des établissements les plus dépendants
d’une clientèle internationale à retrouver des niveaux de ressources propres aussi élevés qu’avant la
crise, de la rigidité certaine du niveau de leurs charges et de l’impératif de concilier ces paramètres
avec les autres objectifs des opérateurs patrimoniaux en matière d’exercice de leurs missions de
service public, comme la démocratisation culturelle par exemple. En attendant les conclusions
de cette réflexion et la fin de la crise, je suis particulièrement attentive à la situation financière de
chacun de ces opérateurs touchés durablement par la crise.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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50
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
En ce qui concerne la reprise post-crise, la Cour souligne que « la reprise des chantiers est indéniable,
mais l’afflux de financements semble être générateur de goulets d’étranglement et de tensions
sur les prix » et qu’« il faudra probablement admettre de détendre les calendriers de réalisation
des chantiers pour parvenir à absorber ce choc de commande publique à des prix raisonnables ».
Dans le secteur du patrimoine, il apparaît que le phasage des opérations sur le terrain n’a pour le
moment pas donné lieu à de réels retards de chantiers. Les tensions relevées sur les prix résultent
principalement d’une conjoncture marquée par une reprise d’activité très dynamique en Asie et aux
États-Unis, qui a eu des conséquences sur la disponibilité des matériaux de construction et les cours
des matières premières.
Pour ce qui est de « la médiocre connaissance que possède le ministère de la culture de ses
filières métiers et de l’évolution prévisionnelle des emplois dans le domaine de la restauration
des monuments historiques », je tiens à souligner qu’un important travail a été conduit par la
direction générale des patrimoines et de l’architecture afin d’améliorer la qualité de l’information
statistique et monographique du secteur, et in fine sa connaissance des filières du patrimoine. Ces
analyses ont permis de faire le constat du caractère relativement morcelé de cette filière (hors
architecture). Parallèlement, depuis le début de la crise sanitaire, le ministère de la culture, en liaison
avec le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, a relayé et expertisé les demandes
de soutien émanant des musées et des monuments privés dans un souci constant d’animation
des réseaux de fédérations professionnelles. Comme la Cour le suggère (page 31), il pourrait être
envisagé de recourir à un contrat d’études prospectives, à condition que celui-ci reflète la volonté
des professionnels de se structurer autour des métiers de la restauration du patrimoine. En effet, à
l’exception de quelques entreprises spécialisées (facteurs d’orgues, maîtres-verriers), les entreprises
concernées n’interviennent pas uniquement dans le secteur des monuments historiques.
À propos de la « situation particulière des guides-conférenciers » mentionnée par la Cour, il
convient de rappeler que ces derniers ont fait l’objet d’un certain nombre de mesures d’aides
de droit commun conséquemment à la crise sanitaire (Fonds de solidarité, activité partielle,
prolongation des droits à l’assurance-chômage, aide exceptionnelle de 900 euros). La profession de
guides-conférenciers se caractérisant par une forte dispersion au sein de différentes conventions
collectives, la connaissance sectorielle de cette profession demeure imparfaite et le nombre de
guides-conférenciers en activité difficile à préciser. C’est dans ce contexte que d’ici la fin 2021 doit
être lancée, conjointement avec le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, une étude
monographique sur cette profession basée sur un cahier des charges partagé avec les représentants
des principales fédérations professionnelles.
Enfin, j’ai bien pris note de la demande formulée par la Cour de disposer d’une « approche
consolidée de la dépense de l’État sur les travaux de monuments historiques à une échelle
interministérielle ». Il serait effectivement pertinent de connaître, chaque année, les crédits que
la Nation consacre à la conservation de ses monuments historiques, de surcroît dans l’éventualité
d’une sanctuarisation des crédits d’entretien lourd des monuments historiques au budget des
opérateurs les plus concernés.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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AUDIT FLASH
Septembre 2021
Le présent rapport
est disponible sur le site internet
de la Cour des comptes :
www.ccomptes.fr
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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