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Le 8 avril 2021
Le Premier président
à
Monsieur Jean Castex
Premier Ministre
Réf
.
: S2021-0723
Objet
: Renforcer la lutte contre le dopage en vue des Jeux olympiques et paralympiques en
France en 2024
En application des dispositions de l’article L.
111-3 du code des juridictions financières,
la Cour a examiné la
gestion de l’Agence
française de lutte contre le dopage (AFLD) pour les
exercices 2014 à 2019. Dans la perspective de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques
de Paris 2024, l
a Cour m’a demandé, en application des dispositions de l’article R.
143-11 du
même code, d’appeler votre atten
tion sur diverses observations issues de son contrôle.
La lutte contre le dopage, à la veille des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris,
emporte des enjeux éthiques et de réputation
pour notre pays qui, pour être correctement
relevés, supposent une mise à niveau des standards de contrôle
de l’AFLD
.
Des audits successifs de
l’
Agence mondiale antidopage (AMA)
sur l’
agence française
ont en effet mis à jour des écarts importants dans
l’
organisation et le fonctionnement de
l’agence française
, par rapport à des normes internationales de plus en plus exigeantes. À la
suite de ces constats, il a été décidé de donner sa complète autonomie au laboratoire
antidopage de Châtenay-Malabry et de réorienter les actions de vérification et de prévention
de l’
agence vers les professionnels et les sportifs de haut niveau. Il importe que ces réformes
soient conduites avec une grande détermination et sans retard.
1.
AMÉLIORER LA COMPÉTITIVITÉ DU SYSTÈME ANTI-DOPAGE FRANÇAIS
Désormais
distinct de l’
agence, le laboratoire national de Châtenay-Malabry doit faire
la preuve de sa capacité à être aussi compétitif que ses concurrents accrédités. Or les coûts
complets de ses analyses ont cru de 11 % depuis 2014 alors que les prix du marché sont en
baisse continue. L
’équilibre d’exploitation du laboratoire
, déjà problématique,
risque d’être mis
à mal, demain, dans un environnement juridique différent
, ses prestations d’analyse étant
désormais clairement distinguées de la fonction régalienne de contrôle et de prélèvement, qui
rendra plus difficile le maintien d’une
subvention publique. Pour réduire ses coûts, le
laboratoire compte sur une augmentation de
son plan de charge et de son chiffre d’affaires
.
Les hypothèses de croissance de la production, sur lesquelles le laboratoire national se fonde,
sont très optimistes : d
’une part, l
e marché national est stable,
d’autre part
le marché
international, très concurrentiel, comprend une trentaine de laboratoires accrédités qui se
partagent déjà ce marché. Dans ce contexte, l
a croissance de l’activité, absolument
indispensable à l’équilibre d’exploitation du laboratoire
national, est conditionnée à une
amélioration significative de sa productivité pour rendre ses prix attractifs.
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C’est pourquoi il convien
t d
’établir un plan d’affaires
plus rigoureux du laboratoire,
fondé sur la recherche de réduction de ses coûts fixes et variables. Il serait très regrettable
que, par défaut de compétitivité, le laboratoire national se trouve marginalisé dans les
contrôles anti-dopage des manifestations sportives qui se tiendront lors des jeux Olympiques
et Paralympiques à Paris.
2.
CENTRER LA MISSION SUR LES SPORTIFS DE HAUT NIVEAU
L’
harmonisation du rôle
de l’AFLD
avec celui de ses homologues étrangers, dont la
première mission est la lutte contre le dopage des sportifs de haut niveau,
n’est pas encore
totalement achevée.
Historiquement, l
’AFLD
diligentait principalement ses contrôles vers les sportifs
amateurs. Elle a amorcé un recentrage
loin d’être achevé
: près de 30 % de son activité reste
encore consacrée au contrôle des pratiques amateures.
Par ailleurs, les contrôles pourraient être mieux ciblés, en prenant plus en compte les
résultats obtenus par discipline sportive et en soumettant un plus grand nombre d
’athlètes
de
haut niveau à
l’
obligation de localisation, y compris par
l’introduction d’une faculté offerte
à
ceux-ci
de s’y soumettre volontairement. L’extension de l’obligation de localisation
, qui
consiste à signaler les lieux d’entraînement pour permettre des contrôles antidopage inopinés,
présente en effet
l’avantage de
renforcer la prévention et la détection, sans accroître les coûts
de
l’Agence.
Un ciblage accru devrait aussi être appliqué en réservant les actions de prévention de
l’AFLD
aux 15 000 sportifs de haut niveau dans la redistribution en cours des responsabilités
de prévention entre la nouvelle agence nationale du sport (ANS), les fédérations sportives et
l’A
FLD. Il serait, par exemple, souhaitable
que l’
agence
, s’agissant de
s actions de prévention
destinées aux sportifs amateurs, confie aux fédérations sportives, des programmes de
prévention
et d’action éducative
, en contractualisant systématiquement avec elles.
3.
ACCROÎTRE
L’EFFICACIT
É DES MOYENS DE LUTTE CONTRE LE DOPAGE
Une efficacité accrue suppose un renforcement de la coopération
de l’
agence avec les
services chargés de la lutte contre les trafics de substances dopantes, par la levée des
obstacles juridiques à l’échange d’informations. Il s’agit aussi de permettre à l’
agence de
mener des enquêtes de façon autonome, en jouissant de prérogatives similaires à celles déjà
accordées à
d’autres autorités
administratives indépendantes, telles celles chargées du
contrôle de la concurrence ou des marchés financiers.
Enfin, une plus grande transparence sur les sanctions prononcées et la liste des
sportifs suspendus, par une mise en ligne de celle-
ci sur le site de l’agence,
contribuerait à
renforcer l’effet dissuasif de la lutte anti
-dopage.
Les recommandations de la
Cour s’
ordonnent autour de trois orientations pour adapter
la lutte contre le dopage aux exigences de la préparation des jeux Olympiques et
Paralympiques en 2024.
La mise en œuvre de
certaines
d’entre elles
suppose un travail
interministériel, impliquant notamment le ministère de la justice.
Orientation n° 1 : Améliorer la compétitivité du laboratoire national
Recommandation n° 1 :
Fixer des objectifs de productivité et de développement du
chiffre d’affaires du laboratoire.
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Orientation n° 2 : Mieux cibler les actions de contrôle et de prévention
Recommandation n° 2 :
Accroître le nombre de sportifs de haut niveau dans les
programmes d’action
s
de l’A
FLD
, notamment par l’extension de l’
obligation de
localisation ;
Recommandation n° 3 :
Concentrer les actions directes
de prévention de l’A
FLD sur
les sportifs de haut niveau et contractualiser, avec les fédérations sportives, pour les
autres publics sportifs ;
Orientation n° 3 : Rendre plus efficaces les moyens de lutte contre le dopage
Recommandation n° 4 :
Faciliter la communication
d’informations
entre services
impliqués dans la lutte contre les trafics de substances dopantes ;
Recommandation n° 5 :
Au regard de l’évolution du code mondial anti
-dopage, étendre
les pouvoirs d’enquête
autonomes
de l’AFLD.
Je vous serais obligé de me faire connaître, dans le délai de deux mois prévu
à l’article
L. ²143-4 du code des juridictions financières, la réponse, sous votre signature, que vous aurez
donnée à la présente communication.
Je vous rappelle qu’en application des dispositions du même code
:
-
deux mois après son envoi, le présent référé sera transmis aux commissions des finances
et, dans leur domaine de compétence, aux autres commissions permanentes de
l’Assemblée nationale et du Sénat. Il sera accompagné de votre réponse si elle est
parvenue à la Cour dans ce délai. À défaut, votre réponse leur sera transmise dès sa
réception par la Cour (article L. 143-4) ;
-
dans le respect des secrets protégés par la loi, la Cour pourra mettre en ligne sur son site
internet le présent référé, accompagné de votre réponse et de celle du président de la
collectivité (article L. 143-1) ;
-
l’article L.
143-9 prévoit que, en tant que destinataire du présent référé, vous fournissiez à
la Cour un compte rendu des suites données à ses observations, en vue de leur
présentation dans son rapport public annuel. Ce compte rendu doit être adressé à la Cour
selon les modalités de la procédure de suivi annuel coordonné convenue entre elle et votre
administration.
Signé le Premier président
Pierre Moscovici