L’héritage
de
l’ex
-agence
du numérique :
de grandes
ambitions,
une mise en ordre
nécessaire
PRÉSENTATION ________________________________________________
L
’
agence du numérique (ADN), service à compétence nationale
d’une quarantaine de personnes
créé en février 2015 et rattaché à la
direction générale des entreprises (DGE), avait pour missions de :
participer au déploiement des infrastructures numériques fixes et
mobiles, notamment celles prévues par le plan France très haut débit
(PFTHD) ;
mobiliser, structurer et animer des réseaux de médiation numérique
pour « accélérer l
’
appropriation du numérique » par les particuliers au
travers du programme Société numérique ;
créer les conditions de la croissance des start-up pour en faire des
champions mondiaux au travers de « l
’
initiative French Tech ».
Cette agence a été supprimée lors de la mise en place au
1
er
janvier 2020 de l
’
agence nationale de la cohésion des territoires
(ANCT), qui a repris ses missions relatives aux infrastructures fixes et
mobiles et à l’inclusion numérique. La DGE est désormais en charge de
la « French Tech ».
Les trois missions gérées par l’
agence contrôlée par la Cour
avaient peu de synergies entre elles, mais toutes avaient pour finalité de
mettre
en
œuvre
des politiques
publiques essentielles
pour la
transformation numérique de la France, dont l’importance a été mise
en évidence par la crise sanitaire et économique de 2020.
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COUR DES COMPTES
266
Le contrôle de la Cour a essentiellement porté sur les résultats des
missions de l’ADN et sur les exigences qui doivent accompagner leur
reprise par l’ANCT et la DGE.
Après des résultats mitigés sur le déploiement des infrastructures
fixes et mobiles, les actions menées par l’agence doivent désormais faire
l’objet d’une appropriation complète par l’ANCT (I). Sur l’inclusion
numérique, l’agence s’est dispersée dans des initiatives cosmétiques
sans résultat et l’ANCT gagn
erait à recourir à des dispositifs éprouvés (II).
Enfin la visibilité et le soutien donnés par l’agence aux start
-up du
numérique sont encourageants mais ont été obtenus dans des
conditions parfois discutables (III).
I -
Le déploiement des infrastructures fixes
et mobiles : des résultats mitigés,
une accélération nécessaire
Le déploiement des infrastructures fixes et mobiles de très haut
débit prévu par les plans de 2010 et 2013 est financé par des crédits
budgétaires classiques
166
et des crédits gérés dans le cadre des
programmes d’investissement d’avenir (
PIA)
167
, dont le groupe Caisse
des dépôts (CDC) est opérateur.
L’ADN
était un acteur central de ces actions dont les résultats sont
mitigés car globalement inférieurs aux attentes (A) ; elle a engagé des
dépenses importantes sans toutefois en assumer la responsabilité
budgétaire et comptable (B) et a eu recours à des ressources extérieures
dans des conditions contestables (C).
A -
Un déploiement moins rapide qu’annoncé
Le déploiement des infrastructures fixes
et mobiles a fait l’objet
d’initiatives gouvernementales importantes au cours des dernières
années pour parvenir à une couverture satisfaisante du territoire. Deux
des quatre services de l’ADN devaient y contribuer
: la mission très haut
débit et la mission France Mobile.
166
Programme 343 « Plan France très haut débit ».
167
Crédits de l
’
action 01 du premier PIA (PIA 1) abondant le Fonds pour la société
numérique (FSN).
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-AGENCE DU NUMÉRIQUE : DE GRANDES AMBITIONS,
UNE MISE EN ORDRE NÉCESSAIRE
267
1 -
Les infrastructures fixes de très haut débit
a)
Des objectifs ambitieux en termes de déploiement
des infrastructures fixes de très haut débit
168
Le plan France très haut débit lancé en 2013 fait suite au plan
national très haut débit (PNTHD) de 2010, qui avait conduit l
’Arcep
169
à
délimiter des zones très denses, desservies par les opérateurs privés, et
des zones moins denses, parmi lesquelles le Gouvernement a ensuite
distingué
celles dans lesquelles la couverture en très haut débit relevait
de
l’initiative privée
à la suite d’un appel à manifestation d’intention
d’investissement (zones AMII)
et celles réservées à l
’
initiative publique
(zones de
réseaux d’initiative publique,
RIP).
Le plan France très haut débit représente un investissement de 20
Md€
sur dix ans partagé entre l’État, les collectivités territoriales et les opérateurs
privés. Pour sa part, l’État prévoit de consacrer 3,3
Md€ au soutien des RIP.
L
’
objectif principal de ce plan est «
la couverture du territoire en
très haut débit à 100
% d’ici 2022
», dont 80 % en fibre
optique jusqu’à
l’abonné (FTTH
170
). En février 2020, le Gouvernement a fixé un nouvel
objectif : la généralisation de la fibre optique jusqu
’
à l
’
abonné sur
l
’
ensemble du territoire,
à l’horizon 2025
171
.
Les objectifs de la mission
très haut débit de l’agence
étaient ainsi
de faire en sorte que les projets de RIP créés par les collectivités
territoriales soient précisés et soutenus dans un calendrier tel que les
objectifs de couverture soient atteints et de proposer, le cas échéant,
d’ajuster le cahier des charges du plan pour y parvenir
.
b)
Des retards probables dans les zones d’initiative publique
Les projets dans les zones de réseaux d’initiative publique (RIP) ont
été lancés dans la quasi-totalité des territoires et la plu
part d’entre eux ont fait
l’objet d’un soutien de l’État : au 10 septembre 2020, sur les 84
dossiers suivis
par l’agence, tous avaient passé le cap de l’accord préalable de principe
(APP) mais 16 d’entre eux devaient encore obtenir du Gouvernement une
déci
sion définitive de financement et 20 devaient encore faire l’objet d’une
convention signée par la CDC et la collectivité concernée.
168
Le très haut débit (THD) se mesure en quantité de données (exprimées en bits)
transmises par seconde dans le sens descendant : il est supérieur à 30 mégabits
par seconde (Mbit/s).
169
Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la
distribution de la presse.
170
Pour «
Fiber to the home
».
171
Le plan comporte également des objectifs intermédiaires qui ont varié au cours du
temps. L’objectif de couvrir 50
% des foyers en très haut débit en 2017 a été atteint
dès la mi-
2016. L’objectif de cohésion numérique des territoires (CNT), consistant à
apporter du haut débit de qualité
à l’ensemble des foyers d’ici 2017, a été rendu plus
exigeant (il se mesure désormais par une vitesse de connexion supérieure, à laquelle
toutes les technologies contribuent, y compris le mobile) et repoussé à 2020.
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COUR DES COMPTES
268
Par ailleurs, l’État a donné à chaque collectivité la possibilité de
soumettre à l’initiative des opérateurs privés certain
es zones de RIP dans
le cadre d’appels à manifestation d’engagements locaux (AMEL). Ce
dispositif a permis de tenir les enveloppes budgétaires, l’investissement
privé prenant le relais de l’investissement public
.
Des interrogations demeurent toutefois sur la capacité à atteindre 100 % de
couverture en THD (et 55 % en FTTH) à horizon 2022 dans les zones de RIP. Si
les zones très denses devraient être couvertes en très haut débit à 100 % en
2022 sans trop de difficultés compte tenu du niveau déjà atteint, les autres
zones (AMII et RIP) malgré des résultats récents encourageants
172
,
pourraient connaître quelques retards (tableau n° 1).
Tableau n° 1 :
locaux éligibles* au très haut débit et à la fibre optique
jusqu’à l’abonné par zone au 30 juin 2020
En %
Zones
très
denses
Zones
d’initiative
privée
(dont AMII)
Zones d’initiative
publique (dont
AMEL)
France
entière
Répartition des locaux
au niveau national
18 %
40 %
42 %
100 %
Part des locaux éligibles
au très haut débit
91 %
77 %
42 %
65 %
Cible très haut débit
2022
100 %
100 %
100 %
100 %
Part des locaux éligibles
à la fibre optique
jusqu’à l’abonné
82 %
66 %
25 %
52 %
Cible de fibre optique
jusqu’à l’abonné pour
2022
100 %
100 %
55 %
80 %
AMII
: appel à manifestation d’intention d’investissement. AMEL
: appel à manifestation
d’engagements locaux.
* Un local éligible au très haut débit est un local raccordable pour lequel au moins un opérateur
a relié à son réseau le « point de mutualisation » (au-delà duquel le réseau est mutualisé pour
desservir les habitations).
Source : Observatoire des marchés des communications électroniques, Services fixes haut et
très haut débit, 2
ème
trimestre 2020
172
Au 30 septembre 2020, 27, 2 millions de locaux étaient éligibles au THD (soit une
hausse de 21 %
sur un an) et 22,3 aux offres de fibre optique jusqu’à l’abonné (soit
une hausse de 33 % sur un an), le troisième trimestre 2020 étant le second meilleur
trimestre jamais enregistré. La décomposition par zone (zones très denses, AMII,
AMEL, RIP) n’était pas disponible à cette date. Source
: Arcep.
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UNE MISE EN ORDRE NÉCESSAIRE
269
2 -
La couverture mobile du territoire en haut débit
a)
Des objectifs de couverture mobile du territoire repoussés à 2027
La couverture en téléphonie mobile dans les zones rurales et de
montagne fait l’objet depuis longtemps de nombreuses insatisfactions
de la part des clients des opérateurs et des collectivités locales
concernées. Le Gouvernement a ainsi été conduit à fixer des contraintes
d’aménagement du territoire lors des procédures d’attribution des
autorisations d’utilisation de fréquences (AUF), à mettre en place des
dispositifs spécifiques d’investissement, à revoir les procédures pour
réduire les délais de déploiement de sites mobiles et à améliorer les
mesures de couverture mobile en intégrant dans celles-ci la couverture
ressentie par les usagers.
La mission du pôle France Mobile de l’agence était d’assurer la réussite
du dispositif de couverture ciblée du territoire mis en place dans le cadre du
«
New Deal
mobile », qui s’est substitué, à partir de 2018, aux anciens
programmes « zones blanches centres-bourgs » et « 800 sites stratégiques ».
Le dispositif de couverture ciblée prévoit la couverture de
5 000 nouvelles zones en 4G par chacun des quatre opérateurs, grâce
à l’installation de nouveaux sites. La mutualisation des travaux permet
qu’un seul site
soit construit pour assurer les services de plusieurs
opérateurs.
Les collectivités contribuent à l’identification
des sites concernés
et délivrent les autorisations d’urbanisme nécessaires. Les sites doivent
être identifiés entre 2018 et début 2025 et les antennes être mises en
service au plus tard dans les deux années suivant l’identification des
sites. À la différe
nce des deux anciens programmes précités, l’
État et les
collectivités
locales
ne
subventionnent
plus
l’installation
des
infrastructures des opérateurs.
Au total, le calendrier prévoyait
l’identification de
600 zones par
opérateur pour 2018, 700 pour 2019, 800 pour 2020, pour 2021 et pour
2022, puis 600 par an et par opérateur au-delà
, jusqu’à un total de
5 000 sites. Les sites identifiés devant être mis en service dans les 24 mois
après leur identification, le dispositif se poursuivant jusqu’en 2027.
b)
Des retards pour la couverture mobile en 4G
Plusieurs obligations du «
New Deal
mobile » arrivaient à
échéance en 2020. La crise sanitaire en a ralenti le déploiement (délais
d’obtention des autorisations administratives, déplacements sur sites et
travaux rendus plus difficiles).
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COUR DES COMPTES
270
La première échéance (fin juin 2020) a ainsi été reportée
d’environ
trois mois et demi, au 9 octobre
2020. Elle révèle qu’une
quarantaine de sites n’ont pas été livrés dans les temps par les quatre
opérateurs
173
.
Ces premiers sites à couvrir étaient pourtant, pour la plupart,
connus depuis longtemps car issus des deux anciens programmes
précités.
Outre les effets de la crise sanitaire, d’autres obstacles sont
invoqués : absence de mise à disposition de terrains viabilisés, surcharge
des livraisons en fin de période, difficultés à organiser la répartition du
signal entre opérateurs sur les sites mutualisés.
À la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour
analysera en 2021 le déploiement des réseaux mobiles 4G en France et
no
tamment l’accord dit «
New Deal
mobile
» mis en œuvre depuis 2018
pour accélérer la couverture mobile à très haut débit sur le territoire.
B -
Des dépenses importantes pilotées
par l
’
agence sans en assumer la responsabilité
Pour atteindre ces objectifs, l
’
agence a bénéficié de moyens
financiers substantiels (1) mais sans en assumer la responsabilité
budgétaire
ou
comptable
(2).
La
création
de
l’ANCT
fournit
l’opportunité de simplifier et de sécuriser ce dispositif (3).
1 -
Des moyens financiers substantiels mais insuffisamment
pilotés et peu détaillés dans les documents budgétaires
Une enveloppe de 3,3
Md€ a été affectée à la réalisation du plan
très haut débit. Les autorisations d’engagements (AE) consommées
depuis 2013 s
’
élèvent à 3,17
Md€
. 95 % de ces engagements
concernent les subventions aux RIP (tableau n° 2). Compte tenu des
délais de mise en œuvre des projets, la consommation des crédits de
paiement est beaucoup plus modeste et correspond à moins de 20 %
de l’enveloppe cible.
173
403 s
ur les 445 sites qui avaient été identifiés par l’arrêté du 4 juillet 2018
(modifié) ont été mis en service.
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-AGENCE DU NUMÉRIQUE : DE GRANDES AMBITIONS,
UNE MISE EN ORDRE NÉCESSAIRE
271
Tableau n° 2 :
évolution des autorisations d
’engagements (AE)
et des crédits de paiement (CP) effectués au 31 décembre sur le
plan France très haut débit
En
M€
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
Cumul au
31/12/19
Enveloppe
cible 2022
AE
464
860
680
718
368
150
- 69
3 170
3 300
CP
0
5
34
113
105
157
242
655
Source : DGE/CDC
Aucune indication sur les bénéficiaires de subventions n
’étant
fournie dans les documents budgétaires
174
ni sur le site internet de
l
’
agence depuis 2017, le Parlement ne peut pas aisément suivre
l
’
avancement des différents projets de RIP et apprécier les besoins en
crédits de paiements, sachant que plus de 80 % des paiements restaient
à effectuer fin 2019.
La très grande incertitude sur le rythme de paiement se constate
également dans les trajectoires pluriannuelles des crédits de paiement
présentées dans les projets annuels de performance (PAP), dont aucune ne
s’est jusqu’à présent réalisée. Le PAP 2021 estime que l’évaluation des
engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2020
s’élève à 1,9
Md€. 622
M€ de crédits
de paiement sont demandés dans le
projet de loi de finances pour 2021
175
, les paiements prévus pour 2022
s’élevant à 448
M€, pour 2023 à 400
M€ et au
-delà à 431
M€.
Il est dès lors nécessaire que les documents budgétaires fournissent
une information plus détaillée sur l’état d’avancement des RIP et sur les
ressources qu’ils mobilisent et que les administrations concernées en
améliorent le suivi pour pouvoir mieux anticiper les calendriers de paiement.
2 -
Un pilotage par l’agence sans responsabilité
budgétaire ou comptable
La loi de finances pour 2015 a prévu que la CDC puisse
«
concourir, pour le compte de l’État, à la gestion des fonds versés à
partir du budget général consacrés au financement du Plan France très
haut débit
». Une convention
176
a établi les rôles respectifs de l
’
État et de
la CDC et mis en place une gouvernance complexe pour l
’attribution
des subventions aux projets d
’
infrastructures fixes ou mobiles.
174
Projet annuel de performance (PAP) et rapport annuel de performance (RAP)
du programme 343, « Jaune » sur les programmes d
’
investissements d
’
avenir.
175
L'État a annoncé le 15 janvier 2021 prévoir 570
M€
pour la fibre dans les
territoires décomposés en deux tranches.
176
Convention du 28 décembre 2016 et ses différents avenants.
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COUR DES COMPTES
272
D’après cette convention, l’ADN,
«
service pilote
» pour les
soutiens aux projets de RIP et aux projets de couverture mobile et de
continuité territoriale numérique, était chargée de l
’
instruction des
dossiers, de leur présentation au
comité d’engagement «
subventions -
avances remboursables » (CESAR) et de la préparation technique des
conventions de soutien.
La gestion financière et opérationnelle était assurée par la CDC,
qui gère depuis sa création en 2010 le Fonds pour la société numérique
(FSN) :
c’est elle qui, agissant pour le compte de l’État,
prépare les
conventions avec les acteurs locaux sur les aspects administratifs et
financiers, les signe et décaisse les fonds.
L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a repris
la
fonction
d’instr
uction des dossiers. La gestion financière et
opérationnelle reste quant à elle assurée par la CDC.
Ces processus longs et complexes sont porteurs de risques du fait
de la multiplicité des acteurs intervenant aux différentes étapes, comme
l’a noté
la mission du contrôle de gestion de la DGE, qui a notamment
fait valoir les risques de mauvaise évaluation des besoins budgétaires et
d’insuffisance
des dispositifs de suivi budgétaires et comptables.
3 -
La création de l’ANCT permet de simplifier et sécuriser
la gestion de ce dispositif
La Cour a alerté, de façon constante, dans ses notes d’exécution
budgétaire sur la mission
Économie
, sur les risques particuliers que ce
montage, tel que conçu et exécuté, faisait peser sur les crédits et leurs
gestionnaires.
La création de l
’
ANCT,
l’épuisement des crédits du FSN
et
l
’
accélération de la cadence des paiements
sont l’occasion de
simplifier et de sécuriser le dispositif de soutien aux réseaux d’initiative
publique, en l’état
inutilement compliqué, peu orthodoxe sur le plan de
la gestion comptable et budgétaire publique et source de risques
opérationnels élevés.
Il est désormais indispensable que la gestion technique et la
gestion administrative et financière soient réunifiées, sans pour autant
remettre en cause la gouvernance, laquelle permet la concertation
avec les collectivités locales et la nécessaire coordination entre les
acteurs (opérateurs, DGE, Arcep).
La création de l’ANCT offre l’opportunité de mieux garantir les intérêts
de l’État en unifiant la gestion t
echnique, administrative et budgétaire. Cette
solution conduirait au transfert de la gestion administrative et budgétaire de
la CDC à l’ANCT, transfert qui devrait être prévu dans la loi de finances pour
2022. Cette évolution pourrait être complétée par un transfert du ministère de
l’économie au ministère chargé de la cohésion des territoires de la
responsabilité du programme budgétaire 343.
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L’HÉRITAGE DE L’EX
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UNE MISE EN ORDRE NÉCESSAIRE
273
C -
Un appel contestable à des ressources
extérieures
Pour mettre en œuvre le plan très haut débit, l’agence du
numérique a eu recours, pour une quinzaine de personnes, à des
personnels mis à disposition par des sociétés titulaires de marchés passés
par la CDC pour ce motif. Durant la période contrôlée par la Cour (2015-
2019), plus de 60 % des effectifs de la mission très haut débit étaient ainsi
constitués de personnels extérieurs à la direction générale des
entreprises (DGE).
Ce choix de faire financer des dépenses de personnel par le
Fonds pour la société numérique (FSN), financé par le PIA, au moyen de
marchés publics passés par la CDC pour le compte de l’ADN,
apparaît
particulièrement critiquable. Il conduit à faire financer par le PIA des
dépenses de personnel, à sous-estimer par conséquent les dépenses de
fonctionnement de l
’agence dans l’
information donnée au Parlement
et à pourvoir des emplois permanents d’une administration publique par
des prestataires privés. En outre, cette solution est coûteuse : ainsi, pour
l’année 2018, les 7
ETPT affectés au pôle très haut débit
de l’
agence ont
représenté un coût annuel moyen de 186
000 € par salarié mis à
disposition, alors que la rémunération annuelle brute moyenne des
quatre agents contractuels de la Caisse, qui effectuaient des fonctions
similaires à l’ADN dans des conditions
juridiquement critiquables, était
de 44
020 €
par personne.
II -
L’inclusion numérique
: une politique
publique nécessaire, des résultats
peu perceptibles
À la création de l
’
agence du numérique en 2015, la délégation
aux usages d
’
internet
177
lui avait été rattachée sous le nom de « Mission
Société Numérique ». Cette mission était chargée de concevoir et de
soutenir les actions visant à amener les personnes en difficulté à un
certain degré d
’
autonomie en matière numérique, favorisant ainsi
l
’
inclusion numérique, aussi qualifiée de lutte contre l
’
illectronisme.
177
Cette délégation avait été créée par le décret n° 2003-1168 du 8 décembre
2003
. D’
abord placée auprès de la ministre déléguée à la recherche et aux
nouvelles technologies, elle a été, en 2014, rattachée au ministre de l
’
économie,
de l
’
industrie et du numérique.
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COUR DES COMPTES
274
L’accès de l’ensemble des citoyens aux services numériques est
un objectif incontestable, particulièrement mis en lumière pendant les
périodes de confinement liées à la pandémie ; il suppose que les
personnes dotées des moyens
matériels nécessaires sachent s’en servir
(A). L’action de l’agence, qui ne s’est pas appuyée sur des outils et des
réseaux existants d’accès aux compétences, n’a cependant eu que
très peu d’effets concrets pour les publics concernés (B).
A -
Une politique publique d
’
inclusion numérique
nécessaire
Selon l’Insee
178
, l’illectronisme concerne 17
% de la population,
regroupant 2 % de la population qui ne possède aucune des quatre
compétences numériques de base définies par Eurostat et 15 % de la
population qui n’a pas utilisé internet au cours de l’année. Ces non
-
utilisateurs d’internet seraient pour l’essentiel des personnes non équipées à
leur domicile, souvent âgées, peu diplômées ou de niveau de vie modeste.
La population concernée demeure encore mal connue et il est
urgent d’affiner cette connaissance, ainsi que l’appelle de ses vœux la
mission d’information du Sénat « lutte contre l’illectronisme et pour
l’inclusion numérique »
179
, pour que la politique publique apporte des
réponses adaptées et efficaces dans un
contexte où l’accès physique
aux services publics comme aux services marchands ou même à
l’emploi peut être rendu difficile, voire impossible.
Au titre de sa mission d’inclusion numérique, l’objectif assigné à
l’agence concernait le premier aspect de l’il
lectronisme
: l’acquisition
des compétences numériques de base.
B -
Des dispositifs inutilement complexes
qui n
’
ont pas donné de résultats
En quatre ans, la politique d’inclusion numérique menée par
l’agence s’est essentiellement concentrée sur deux outils, le
« pass
numérique
» et la Mednum. Elle n’a donné aucun résultat probant.
178
Insee Première
n° 1780, octobre 2019.
179
Raymond Vall,
L
’
illectronisme ne disparaîtra pas d
’
un coup de tablette
magique !
, rapport d
’
information n° 711 (2019-2020)
, mission d’information du
Sénat « lutte contre
l’i
llectronisme et
pour l’
inclusion numérique », 17 septembre
2020.
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L’HÉRITAGE DE L’EX
-AGENCE DU NUMÉRIQUE : DE GRANDES AMBITIONS,
UNE MISE EN ORDRE NÉCESSAIRE
275
1 -
Le pass numérique en est toujours à un stade
expérimental
Le « pass numérique », « chèque culture numérique » ou encore
«
chèque #APTIC », est un instrument de paiement d’une valeur u
nitaire
de 10
€ (carnet à souches de dix chèques).
Il fonctionne selon le même principe que le chèque déjeuner : un
commanditaire achète des chèques, les attribue à « ses » bénéficiaires
(usagers, salariés, citoyens...), lesquels les utilisent ensuite pour se former
au numérique dans des lieux préalablement référencés.
Après le lancement et le financement de six actions pilotes en
2018
180
, l’ADN est devenue
sociétaire de la société coopérative d
’
intérêt
collectif #APTIC, chargée d
’
assurer l
’
identification des besoins, la mise
en relation des acteurs, la structuration des offres de formation et
l
’
édition des chèques. Puis,
l’agence a l
ancé en mars 2019 un appel à
projets « pass numérique au service de l
’
inclusion numérique », qui a
permis de sélectionner 48 collectivités territoriales cofinançant l
’
achat
de pass numériques. Un budget de 8,12 M
€ a été voté en loi de finances
initiale pour 2019, dont 6,1
M€ ont été
alloués au co-financement de
l
’achat de p
ass numériques.
Ce
dispositif
devrait
permettre
l
’
accompagnement
de
200 000 personnes en difficulté par le déploiement de
plus d’un million
de pass numériques dans les territoires
–
pour lesquels seule #APTIC est
présentée comme « opérateur labellisé pass numérique ».
Plus d’un
180
Les six actions pilotes ont été financées par la Mission Société Numérique à
hauteur de 18 000
€ (3
000
€ par expérimentation)
, en soutien des commanditaires :
Pôle Emploi (sur les territoires de Toulouse et de la Guyane), la Caisse nationale
d’allocations familiales (à Grenoble et dans le Nord), la Grande École du
Numérique (à Marseille et à Roubaix), la ville d’Évry, le Conseil départemental de la
Gironde (dans les territoires de Haute Gironde et du Portes du Médoc) et la
Fondation Afnic pour la solidarité numérique (avec le Centre Ressources Illettrisme
d’Auvergne et Emmaüs à Bordeaux).
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COUR DES COMPTES
276
quart des pass (27 %) ont été cofinancés par deux collectivités, la
métropole du Grand Paris et le conseil régional des Hauts de France.
L’ADN a
lancé en février 2020 un nouvel appel à projets doté de 15
M€
(50 % État, 50 % collectivités territoriales).
Il n’existe pas aujourd’hui d’évaluation de l’efficacité de cet
instrument. Les retours d
’
expérience des premiers déploiements du pass
sont, pour le moment,
peu convaincants, les commanditaires
rencontrant des difficultés à définir le public cible et à l
’
atteindre
effectivement. Ils font également état de la réticence de certains
acteurs de la médiation numérique, majoritairement associatifs, à l
’
idée
de rendre leurs services payants via la facturation des services
d
’
accompagnement
181
. Enfin, par-delà les questions juridiques et
techniques posées, dont certaines ont été récemment résolues, des
difficultés de suivi et d
’
évaluation de l
’
impact des pass pour leurs
bénéficiaires ressortent de la majorité des expériences, jetant un doute
sérieux sur l
’
efficacité de l
’
instrument.
De fait, selon certains interlocuteurs locaux, le principal résultat de
cette initiative est de rapprocher les différents acteurs, de les référencer
et de les mettre en réseau
en solvabilisant l’offre de formation
: l
’
agence
est ainsi un des principaux sociétaires d
’
une société coopérative,
#APTIC, qui, avec son incubateur Médias Cité, aura mis près de dix ans
à produire des chèques qu
’
elle demande aux collectivités locales de lui
acheter tout en subventionnant ces acquisitions.
L’agence s’est mise en relation avec l
es acteurs de la formation
professionnelle et de l’insertion pour élaborer un parcours d’évaluation des
compétences (ABC PIX) et pour réserver 50 % des pass au public cible du plan
d’investissement dans les compétences (PIC) du grand plan d’investissement
2018-
2022, mais elle n’a pas cherché à utiliser les outils déjà éprouvés ni à
privilégier les organismes qui sont les mieux connus des publics fragiles.
Dans la perspective du développement des actions d’inclusion
numérique, ainsi que l’envisage le Gouver
nement dans le plan de relance
avec la création de 4 000 conseillers numériques
182
, il convient d’examiner
comment le compte personnel formation (CPF) pourrait être adapté à ce
nouvel enjeu, sans passer par le truchement de la fabrication et de la
distributi
on d’un chèque. De même, la mobilisation des centres communaux
d’action sociale (CCAS) et des structures France Services doit également être
envisagée pour répondre au plus près aux besoins de nos concitoyens.
181
Le commanditaire finance la valeur des pass et #APTIC lui facture 4 % de frais
contributifs, les pass non utilisés lui étant remboursés ; les lieux qualifiés #APTIC perçoivent
la valeur des pass, sur lesquels #APTIC retient 4 % de frais contributifs ; les services
supplémentaires liés à cette activité d’édition et de mise à disposition des chèques,
et
notamment les services de conseil et d’accompagnement dans la distribution, sont en
effet facturés au commanditaire sous la forme d’un service «
Premium ».
182
En vertu de l’article 248 de la loi de finances initiale pour 2021,
la Caisse
apporte son appui au dispositif « Conseillers numériques » piloté et animé par
l'Agence nationale de la cohésion des territoires.
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L’HÉRITAGE DE L’EX
-AGENCE DU NUMÉRIQUE : DE GRANDES AMBITIONS,
UNE MISE EN ORDRE NÉCESSAIRE
277
2 -
Une présence de l’État dans la Mednum
désormais inutile
Pour structurer et consolider les réseaux d
’
acteurs
de l’inclusion
numérique, l’agence est devenue sociétaire fondateur en 2017 d’une
deuxième société coopérative d’intérêt collectif
: la Mednum.
Cette coopérative vise à rassembler toutes les parties prenantes
de l
’
inclusion numérique, publiques comme privées (70 sociétaires à ce
jour), afin de développer des projets communs et de faire changer
d
’
échelle les solutions d
’
accompagnement aux usages numériques.
Grâce aux subventions d’exploitation versées par l’agence, l
a Mednum
s
’
est ainsi mobilisée pour élaborer un référentiel de compétences
numériques en lien avec PIX, start-up d
’
État de l
’
Éducation nationale, et
produire, avec le centre national de la fonction publique territoriale, un
cours en ligne destiné aux travailleurs sociaux.
L’agence a également
soutenu financièrement « Numérique en commun(s) », événement
annuel rassemblant les acteurs de l’inclusion numérique, qui se décline
désormais localement.
L’
amorçage de cette structure est achevé et la présence de
l’
É
tat au conseil d’administration de cette
société
coopérative d’intérêt
collectif apparaît aujourd’hui inutile
: la participation de l’agence aux
différents événements, comme le soutien ponctuel aux solutions
innovantes de la Mednum, ne
l’exige pas.
Avec un recours accru aux moyens numériques et notamment au
télétravail, la crise sanitaire a mis en évidence la nécessité d’accélérer la
politique d’inclusion numérique de manière efficace. Alors que le nombre
de personnes éloignées du numérique reste élevé, un changement
d’échelle des actions d’inclusion numérique est indispensable et requiert de
s’appuyer sur des acteurs et des circuits de financement susceptibles d’y
répondre massivement, rapidement et simplement.
III -
La French Tech : un soutien
incontestable aux start-up du numérique,
mais une gestion désordonnée
La French Tech a renouvelé l
’
image du tissu d
’
entrepreneurs
français du numérique et de ceux qui contribuent à son développement
dans un univers compétitif, grâce à une stratégie de marque qui s
’
est
révélée mobilisatrice (A). Désormais pleinement intégrée à la DGE, elle
doit donner une meilleure ossature à ses interventions, pour que celles-
ci ne relèvent pas que du domaine de la communication et de
l’événementiel (B) et revoir son impl
antation à la halle Freyssinet (C).
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COUR DES COMPTES
278
A -
Une réussite : la marque French Tech
La communication de la French Tech s’est appuyée sur une
stratégie de marque, rassemblant, sous le logo de l’origami du coq
rouge, les entreprises et leurs sponsors. Cet axe stratégique a fait des
émules et a participé au renouveau de l’image du tissu d’entrepreneurs
français et de ceux qui contribuent à son développement.
Les logos de la French Tech
Le concept originel de la marque French Tech est attribué à Fleur Pellerin,
alors ministre déléguée aux PME, à l’innovation et à l’économie numérique. À sa
demande, la marque a été déposée à l’INPI par l’Agence française pour les
investissements internationaux, depuis intégrée dans Business France. Cette
marque a ensuite été reprise par l’État, qui en assurait alors la notoriété et la
protection.
L’origami du coq rouge a été décliné par les «
capitales labellisées French
Tech
», généralement sous des formes animalières (la cigogne pour l’Alsace, la
cigale pour Avignon, le cheval pour Laval, le lion pour Lyon, l’ours pour Berlin etc.).
À la suite d’une étude menée par l’Agence du patrimoine immatériel de
l’État (APIE) en 2018, l’architecture de marques a été clarifiée, conduisant à
rationaliser ses déclinaisons diverses (notamment le « bestiaire
» de l’écosystème),
mais permettant son utilisation par les différents acteurs éligibles (capitales,
communautés, bénéficiaires des programmes) : il en résulte des utilisations parfois
anecdotiques qui brouillent la force de la marque comme son caractère public.
On trouve ainsi « Le Noël de la French Tech »,
collectif de 200 start-up qui proposent aux Français des
idées de cadeaux innovants pour les fêtes.
De même, Bpifrance a transformé le coq rouge
en coq bleu sous le label « La French Fab », lequel
désigne l’ensemble du système industriel français, des
plus
petites
aux
plus
grandes
entreprises,
essentiellement dans le but de mieux mettre en valeur
les ETI et PME bénéficiant des incubateurs soutenus par
le PIA.
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L’HÉRITAGE DE L’EX
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UNE MISE EN ORDRE NÉCESSAIRE
279
B -
Des initiatives très axées sur la communication
Les initiatives de la mission French Tech portées par cette marque
ombrelle ont été nombreuses, mais leur évaluation reste incertaine.
1 -
La labellisation des « communautés French Tech »
À l’origine dénommée « Quartiers numériques », la labellisation
des communautés French Tech avait pour objectif de structurer les
nombreuses initiatives locales autour des « écosystèmes de start-up » en
leur donnant une visibilité et une dimension internationales. 13 capitales
French Tech (hors Paris et sa région) ont ainsi été labellisées entre 2013
et 2015. Puis, se sont ajoutées des communautés thématiques et des
com
munautés d’entrepreneurs à l’étranger, elles aussi labellisées et
utilisant la marque ombrelle de la French Tech.
Outre les 13
capitales French Tech, sont aujourd’hui dénombrées
38 communautés French Tech en France et 48 communautés French Tech
implantées dans près de 100
villes à travers le monde. Il faut aujourd’hui
s’interroger sur la capacité de la mission French Tech à animer l’ensemble
de ses communautés et son articulation avec Business France.
2 -
L’accompagnement international des
entreprises
Pour prom
ouvoir certaines entreprises à l’international, la mission
French Tech les intègre dans deux « indices » qu’elle a créés sur le modèle
des indices boursiers (le
Next 40
comme le CAC 40 et le
French Tech 120
comme le SBF 120), lesquels réunissent les entreprises technologiques en fort
développement jugées les plus prometteuses. La sélection des entreprises
figurant dans le Next 40 a ainsi été complétée de 83 autres entreprises en
janvier 2020 pour constituer le French Tech 120.
L’entrée dans ces indices con
duit à un accompagnement
spécifique qui remplace le « Pass French Tech »
183
, dont l’objet était
identique puisqu’il visait «
les entreprises innovantes en hyper-croissance
avec
un
modèle
économique
à
très
fort
potentiel
».
Cet
accompagnement doit s’articuler
avec celui mis en place par les
programmes de Business France en lien avec Bpifrance (programme
Impact, programme d
’
accélération à l
’
export), qui conduisent à
sélectionner
d’autres
start-up par zone géographique d
’
intérêt (États-
Unis, Chine, Europe).
183
Quatre promotions de start-up sélectionnées par un jury composé de
personnalités, ont bénéficié d
’
un soutien particulier de la part de cinq partenaires
publics : 49 en 2014-2015, 66 en 2015-2016, 87 en 2016-2017 et 107 en 2017-2018.
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COUR DES COMPTES
280
3 -
L’at
tractivité de la France
pour les « talents internationaux »
Deux programmes ont été conçus par la mission pour promouvoir
l’attractivité de la France auprès des «
talents internationaux » : le
« French Tech Ticket » et « le French Tech Visa ».
Le « French Tech Ticket » est un programme créé en 2015, qui
subventionnait à hauteur de 45 000
€ des équipes étrangères qui
venaient s’installer en France pour au moins un an. Elles devaient
bénéficier à ce titre d’une délivrance de visa accélérée, d’une
incubation
pendant un an auprès d’une quarantaine de partenaires et
d’un accompagnement spécifique (sessions de formation, mise en
réseau, interlocuteurs identifiés au sein des administrations).
Les sommes perçues dans le cadre de l’attribution du «
French
Tech Ticket
» étaient exonérées d’impôt sur le revenu
184
. Ce programme,
qui a buté sur la durée des formalités de renouvellement des titres en
préfecture, n’a pas été renouvelé en 2019, ainsi que le précise la page
Facebook de la French Tech, alors que cette information devrait à tout
le moins figurer sur le site internet de la mission. L’exonération fiscale,
dont le chiffrage par le fascicule des « voies et moyens » annexé au
projet de loi de finances pour 2021 est «
ε
» (i.e. inférieur à 0,5
M€),
a donc
être supprimée par la loi de finances pour 2021.
Le « French Tech Visa » permet aux start-up françaises de
bénéficier depuis le 1
er
mars
2019 de conditions assouplies et d’une
procédure accélérée pour le recrutement de salariés étrangers
185
. Sa
mise en place récente ne
permet pas de l’évaluer et notamment de
déterminer si la durée des formalités en préfecture a pu être réduite.
C -
L’implantation à Station F
: une idée
intéressante, un montage critiquable
Station F est un « campus de start-up » de 35 000 m
2
situé Halle
Freyssinet
186
, dans le 13
ème
arrondissement de Paris, inauguré le
29 juin 2017. La mission French Tech est présente sur le campus depuis
184
Dépense fiscale n° 190211 non bornée prévue à l’article 23 de la loi n°
2015-
1786 de finances rectificative pour 2015.
185
Et dont la rémunération est supérieure à deux fois le montant du smic annuel brut.
186
Le campus regroupe des postes de travail, des espaces de réunion, plusieurs
cuisines, trois bars, un restaurant et un auditorium de 370 places, pour un coût de
fonctionnement annuel de 7 à 8
M€
. L
’
accès des entrepreneurs à Station F et aux
postes de travail est sélectif : les entrepreneurs peuvent postuler directement à
l
’
un des programmes d
’
accompagnement de Station F, d
’
une part, ou postuler
auprès de l
’
un des partenaires de Station F disposant de leur propre « incubateur »
(programme d
’
accompagnement) dans le bâtiment, d
’
autre part.
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L’HÉRITAGE DE L’EX
-AGENCE DU NUMÉRIQUE : DE GRANDES AMBITIONS,
UNE MISE EN ORDRE NÉCESSAIRE
281
son ouverture, sous la dénomination
French Tech Central
, et occupe
1 069,5 m
2
avec un espace événementiel, des espaces de travail et de
réunion. Cette installation de la mission French Tech visait à faire de
Station F le « bâtiment-totem » de la French Tech et la « Tour Eiffel du
numérique » à l
’
échelle nationale et internationale. Un espace
événementiel est disponible à la location pour y organiser des séminaires
et des réunions de clients, entreprises ou administrations. Cette gestion
commerciale et locative s
’
opère via un prestataire de la société par
actions simplifiée (SAS) Station French Tech. Un espace de travail
partagé et de salles de réunion est accessible, selon un mécanisme de
crédits
et
moyennant
un
« loyer
annuel »,
à
une
trentaine
d
’
administrations et
d’
opérateurs publics
187
, pour y rencontrer les
entrepreneurs
afin
de
«
simplifier
leur
compréhension
de
l’environn
ement et des tâches administratives
».
La direction de l
’
agence a activement participé à la création en
2017 de la SAS Station French Tech, dont les deux associés sont l
’
État (à
travers la Caisse des dépôts et consignations, cette dernière agissant à
ce titre en son nom et pour son compte par un apport de 48 % du capital
de la SAS financé par des crédits du PIA
188
), et l
’
Institut national de
recherche en informatique et en automatique (Inria) à hauteur de 52 %
portés par Inria Participations. Le capital de la SAS est de 1
M€
. Le conseil
d
’
administration, composé de sept membres, a désigné comme
présidente la responsable de la mission French Tech.
Cette SAS sans salarié ni activité propre a passé deux marchés
avec un prestataire événementiel chargé de développer les recettes
commerciales afin de permettre le paiement du loyer à Station F
(environ 600 000
€ par an). Déficitaire pour ses deux premiers exercices,
la SAS serait légèrement bénéficiaire en 2019.
La présence de services publics à Station F peut être un facteur
de synergies et de rencontres entre les acteurs du numérique et les
administrations, mais le montage retenu est contestable au regard des
règles de bonne gestion publique. En effet, il n’est pas de la vocation
des pouvoirs publics de détenir une société dont les activités sont celles
d
’
un loueur d
’
espaces et d
’
un prestataire événementiel.
187
Notamment l’ACPR, l’ANFR, l’Arcep, la Banque de France, Bpifrance, Business
France Invest, Business France Export, la CCI Paris, le Cnes, la Cnil, la Direccte, les
Douanes, la
DRIIE, la DRFiP, l’IGN, l’Inpi, l’Inria, La Préfecture de Paris et d’Île
-de-France,
la Préfecture de Police, Radio France, la Région Île-de-
France, l’Urssaf, ou encore
l’Ugap.
188
Crédits de l’a
ction « Ville de demain » du PIA 1 gérée par la CDC.
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COUR DES COMPTES
282
Ce montage repose en outre sur un modèle économique qui
pourrait être remis en cause au-delà de 2020, terme du premier contrat de
service, en raison de la concurrence de lieux de même nature, du déclin
de l’attractivité du site tenant à sa nouveauté et de la crise sanitaire.
Si le maintien de la French Tech dans la Halle Freycinet ou tout
autre
lieu
de
même
nature
apparaissait
toujours
utile
pour
accompagner les start-up du numérique, une remise en ordre serait
nécessaire en procédant à une location de locaux selon les règles fixées
par la direction de l’immobilier de l’État
et procédant à la dissolution de
la SAS Station F.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ________________________
L’agence du numérique (ADN), créée en février 2015, a regroupé
des activités différentes, sans réelles synergies entre elles, mais
essentielles à la transformation numérique de la France. La création de
ce service à compétence nationale, de taille réduite mais à la forte
visibilité, a permis de les rassembler au sein d’une seule administration,
qui a lancé et géré les premières actions indispensables. Toutefois cette
étape a également été souvent marquée par des initiatives
désordonnées et un recours à des
outils inutilement complexes. L’ANCT
et la direction générale des entreprises, qui en sont héritières, doivent
désormais, et rapidement, redresser cette trajectoire pour privilégier
l’efficacité de leurs actions, qui sont prioritaires dans le cadre du pla
n de
relance du Gouvernement.
À cette fin, la Cour formule les recommandations suivantes, qui
visent à corriger ces fragilités
et à donner à leurs actions l’ampleur et
l’efficacité indispensables à une véritable transformation numérique
:
1.
mieux informer l
e Parlement et les usagers sur l’état d’avancement du
plan très haut débit et les ressources qu’il mobilise (DB, DGE, ANCT)
;
2.
confier à l
’
ANCT la gestion administrative et budgétaire des crédits
finançant les infrastructures fixes et mobiles de très haut débit
aujourd
’
hui effectuée par la CDC (DB, DGE, ANCT, CDC, SGPI) ;
3.
évaluer sans délai la pertinence
des actions d’
inclusion numérique
(ANCT) ;
4.
recourir à des dispositifs de droit commun pour accélérer une
meilleure appropriation des outils numériques (ANCT) ;
5.
dissoudre la SAS Station French Tech (CDC, Inria, DGE).
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Réponses
Réponse commune du ministre de l’économie, des finances
et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires
et des relations avec les collectivités territoriales
...............................
285
Réponse du directeur général de la Caisse des Dépôts
..................
291
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RÉPONSE COMMUNE DU M
INISTRE DE L’ÉCONOMI
E, DES FINANCES
ET DE LA RELANCE ET DE LA MINISTRE DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES
ET DES RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Nous avons pris connaissance avec attention du chapitre relatif
à l'ancienne Agence du numérique destiné à figurer dans votre rapport
public annuel 2021. Nous notons avec satisfaction que la Cour souligne
les réussites à mettre au crédit de l'action menée par l'Agence en faveur
de la transformation numérique de la France, qui était au cœur de ses
missions, particulièrement dans le domaine du déploiement du très haut
débit et du soutien aux start-up du numérique.
S'agissant des marges d'amélioration relatives au pilotage
budgétaire du très haut débit (THD) et à la gestion de la mission French
Tech et d'un déploiement que vous estimez moins rapide qu'annoncé
du THD, vous formulez un certain nombre de recommandations que
nous partageons et mettrons en œuvre po
ur une grande partie d'entre
elles, dans le paysage institutionnel remanié à la suite de l'Agence.
S'agissant du THD, nous tenons à rassurer la Cour sur le rythme de
son déploiement et confirmons que l'objectif fixé par le Gouvernement
de garantir l'accès au THD pour tous fin 2022, objectif plus que jamais
essentiel dans le contexte de la crise sanitaire, sera atteint. À ce titre, et
contrairement aux affirmations de la Cour (« un déploiement moins
rapide qu'annoncé »), le déploiement constaté de la fibre optique en
France est conforme aux prévisions initiales et connaît un dynamisme
inédit, qui a su résister à la crise sanitaire et qui fait figure de référence
en Europe. Les derniers chiffres publiés par l'Autorité de régulation des
communications électroniques, des postes et de la distribution de la
presse (ARCEP) montrent que le déploiement reste soutenu malgré les
mesures sanitaires visant à lutter contre la propagation de l'épidémie
liée à la Covid-19. Ainsi, 20 000 locaux ont été rendus raccordables
chaque jour ouvré de 2020, portant le nombre de locaux éligibles au
THD (« tous réseaux confondus ») à 27,19 millions au troisième trimestre
2020. Cette accélération concerne tant la zone d'initiative privée, que
les déploiements des réseaux d'initiative publique. La France se classe
désormais au premier rang des pays de l'Union européenne en matière
de lignes raccordables et de croissance du nombre d'abonnés et au
deuxième rang en nombre d'abonnés à la fibre
189
.
189
Étude 2020 menée par Idate pour le FttH Council.
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COUR DES COMPTES
286
Plus de 24 millions de locaux seront raccordables au FttH d'ici la
fin de l'année 2020 avec un rythme annuel soutenu d'environ 5M de
prises supplémentaires. Le Gouvernement est donc confiant dans
l'atteinte des objectifs du Plan France Très Haut Débit. Par ailleurs, le
Gouvernement a récemment renforcé son soutien à cette dynamique
du plan France THD en fixant, au-delà du jalon 2022, un nouvel objectif
de généralisation de la fibre optique sur l'ensemble du territoire d'ici
fin 2025.
S'agissant du déploiement de la couverture mobile du territoire et
plus particulièrement du dispositif dit de couverture ciblée dans le cadre
du « New Deal Mobile », vous soulignez les retards concernant 40 sites
qui n'ont pas été mis en service à l'échéance réglementaire
d'octobre 2020. L'ensemble de ces sites fait l'objet d'un examen détaillé
par le régulateur, en lien avec les opérateurs concernés, afin de
permettre leur mise en service dans les meilleurs délais. Nous tenons
néanmoins à souligner que le dispositif de couverture ciblée a permis,
depuis sa mise en place en 2018, d'améliorer significativement la
couverture
de
zones
dans
lesquelles
demeurait
un
besoin
d'aménagement numérique. Près de 2 700 sites ont ainsi été identifiés
par les acteurs locaux, 500 sont en service, et la poursuite de ces
déploiements fait l'objet d'un suivi attentif. Par ailleurs, la généralisation
de la 4G sur l'ensemble du réseau mobile métropolitain en trois ans
constitue une réelle avancée, notamment pour les territoires les plus
ruraux. Ainsi, contrairement aux affirmations de la Cour (« des objectifs
de couverture mobile du territoire repoussés à 2027 »), le Gouvernement
maintient l'ensemble des objectifs fixés par le New Deal Mobile de 2018
et maintiendra, avec le régulateur, une vigilance rigoureuse du bon
respect par les opérateurs de leurs obligations.
Concernant la recommandation de la Cour d'améliorer la
communication relative à l'état d'avancement du déploiement du THD
et aux ressources qu'il mobilise, à l'adresse des parlementaires et des
usagers, plusieurs actions ont d'ores et déjà été engagées. La direction
générale des Entreprises et l'Agence nationale pour la cohésion des
territoires (ANCT), en lien et collaboration avec la direction du Budget,
vont étudier les conditions permettant de mieux retracer et détailler
dans les prochains documents budgétaires (projet et rapport annuels de
performance notamment) l'état d'avancement des objectifs fixés par le
Gouvernement en matière de déploiement d'infrastructures fixes
numériques, ainsi que l'utilisation des crédits du programme 343 et du
Fonds national pour la société numérique (FSN). Une démarche similaire
sera également conduite en parallèle s'agissant des crédits du plan de
relance (programme n° 364) dévolus au plan THD. Par ailleurs, les
données relatives aux engagements et aux versements accordés par
l'État par porteur de projet seront prochainement publiées sur le site
Internet de l'ANCT.
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L’HÉRITAGE DE L’EX
-AGENCE DU NUMÉRIQUE : DE GRANDES AMBITIONS,
UNE MISE EN ORDRE NÉCESSAIRE
287
Ensuite, nous étudierons la proposition de la Cour de transférer à
l'ANCT la gestion administrative et financière des crédits du FSN
finançant les infrastructures fixes et mobiles du THD, aujourd'hui assurée
par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Toutefois, cette
perspective nous semble devoir s'inscrire dans un temps plus long. En
effet, les coûts de transition et de transfert de compétence liés à une
telle
opération
seraient
importants.
En
outre,
celle-ci
serait
nécessairement progressive au risque sinon d'entraver l'objectif
gouvernemental d'accélération des déploiements. Plusieurs scénarios
devraient être étudiés dans le courant du premier semestre 2021 avec
le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et la CDC pour en
apprécier l'opportunité et évaluer les impacts sur le plan juridique,
financier, des ressources humaines et de la gouvernance.
En
revanche,
nous
ne
partageons
pas
la
proposition
complémentaire de la Cour de transférer le programme budgétaire n° 343
de la mission « économie » vers la mission « cohésion des territoires ». Il nous
semble préférable, pour des raisons de cohérence, de maintenir au sein de
la même mission l'ensemble des dépenses de l'État relatives aux politiques
de communications électroniques (dépenses de régulation et de contrôle,
financement des actions de développement des télécommunications et
du numérique, financement du plan France THD) et de confirmer ainsi le
pilotage assuré par le ministère de l'Économie, des Finances et de la
Relance, au titre de ses attributions en la matière.
S'agissant de la politique d'inclusion numérique, la Cour note que
la lutte contre l'illectronisme est devenue un objet de politique publique
incontournable, à la faveur des périodes de confinement liées à la crise
sanitaire.
La Mission Société Numérique a largement contribué à l'analyse et
à l'objectivation du problème public que représentent les différentes
vulnérabilités face au numérique et participé de la mise à l'agenda
national de la lutte contre l'illectronisme. Elle a donné lieu au financement
ou à l'accompagnement de plusieurs études : le Baromètre du
Numérique ; l'enquête Capacity visant à mesurer les exclus et les
bénéficiaires du numérique ; le rapport France Stratégie « les bénéfices
d'une meilleure autonomie numérique ». Enfin, une veille scientifique et de
politiques publiques est publiée à rythme hebdomadaire (site du Labo
Société Numérique). Développer la connaissance des besoins des publics
en situation d'illectronisme et des pratiques numériques des Français est
un préalable précieux et nécessaire pour élaborer des actions efficaces
et adaptées en la matière.
Par ailleurs, la Mission Société Numérique était dotée de 2015 à
2018 d'un budget d'environ 380
000 € et de 6 équivalent temps plein, ce
qui lui a essentiellement permis de financer les études citées, d'organiser
au mieux des têtes de réseaux territoriales d'inclusion numérique
(espaces ressources territoriaux de la médiation numérique d'abord, la
MedNum ensuite au niveau national), de créer l'évènement Numérique
en Commun[s] et de financer des expérimentations tout en lançant un
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COUR DES COMPTES
288
travail de concertation très large avec les acteurs des écosystèmes de
l'inclusion numérique et les collectivités territoriales. L'Agence du
Numérique a restructuré l'organisation et les objectifs de la Mission
Société Numérique à la fin de l'année 2016 à travers la Stratégie
Nationale pour un Numérique inclusif. D'ailleurs, il est utile de rappeler
que la Mission Société Numérique s'est appuyée sur les réseaux existants
de la médiation numérique pour agir. La mise en visibilité et en réseau
de ces acteurs, leur outillage tout comme leur consolidation (qui préside
à la création de la Société coopérative d'intérêt collectif la MedNum
dont aujourd'hui plus de 80 structures sont sociétaires) ont été les priorités
données à cette concertation pour élaborer la Stratégie. À celle-ci ont
contribué plus de 400 organisations, dont de nombreuses collectivités
territoriales, les associations représentatives des élus, les opérateurs de
service public (Caisse nationale des allocations familiales, Pôle emploi
au premier chef), la Caisse des Dépôts, les entreprises dont La Poste, les
acteurs locaux de la médiation numérique, unis derrière des constats,
des principes d'intervention et des dispositifs à développer. Le
Pass numérique en est un, dont l'utilité principale est d'inciter les
bénéficiaires éloignés du numérique à franchir la porte des structures de
proximité tout en consolidant les modèles d'activités de ces structures,
bien loin de rendre des services gratuits désormais payants.
Concernant spécifiquement le dispositif de « Pass Numérique », la
Cour relève l'absence d'évaluation de l'efficacité du dispositif. Il a en
effet été fortement impacté par la crise sanitaire en 2020, les collectivités
n'ayant pas pu entamer la distribution des pass puisque les lieux
d'accueil du public ont subi des longues périodes de fermeture. Sur le
suivi et l'impact des pass pour leurs bénéficiaires, le Programme Société
Numérique a conçu avec le Groupement d'intérêt public PIX le parcours
d'évaluation des compétences ABC PIX. PIX repose sur le référentiel de
compétences européen DIGCOMP, et est aujourd'hui utilisé par
l'Éducation nationale et Pôle emploi. L'objectif est de mesurer le niveau
de compétences numériques de base des bénéficiaires de pass, ainsi
que d'évaluer la progression des bénéficiaires de pass. Le dispositif
ABC PIX sera généralisé en 2021 et mis à disposition de tous les
médiateurs numériques.
La Cour invite à examiner comment le compte personnel de
formation (CPF) pourrait être adapté à l'enjeu de l'inclusion numérique.
Le diagnostic partagé par le Programme Société Numérique et la
délégation générale à l'Emploi et à la Formation professionnelle
(ministère du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion) est que les formations
professionnelles qualifiantes et certifiantes relatives aux compétences
numériques sont trop difficiles d'accès aux publics ciblés par la stratégie
nationale pour un numérique inclusif. Les actions de médiation
numérique et les dispositifs comme le Pass Numérique représentent une
opportunité pour faciliter l'accès et accroître le recours au CPF : c'est
une première marche essentielle à la pérennisation des deux politiques
publiques que sont l'inclusion numérique et la formation professionnelle.
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L’HÉRITAGE DE L’EX
-AGENCE DU NUMÉRIQUE : DE GRANDES AMBITIONS,
UNE MISE EN ORDRE NÉCESSAIRE
289
S'agissant de la recommandation de recourir à des dispositifs de
droit commun pour accélérer une meilleure appropriation des outils
numériques, les dispositifs portés par
l’
ANCT sont liés aux dispositifs issus
de la formation professionnelle, particulièrement sur le volet formation
professionnelle
des
aidants
numériques
(partenariat
avec
des
opérateurs de compétences pour promouvoir la formation des aidants
professionnels, partenariat avec l'UNCASS en cours de signature pour la
formation des travailleurs sociaux). Par ailleurs, considérant que
13 millions de Français ont des difficultés avec le numérique, il est
nécessaire de s'appuyer sur des dispositifs permettant d'atteindre des
publics ne se retrouvant pas dans les dispositifs de droit commun. L'ANCT
veillera à leur bonne articulation (formation professionnelle, certification
PIX des compétences numériques, articulation avec les opérateurs de
services publics, articulation avec le dispositif France Services...).
La Cour considère que la participation de l'État dans la MedNum
est désormais inutile. Cette prise de participation représente la première
souscription de l'État au capital d'une société coopérative d'intérêt
collectif. Au-
delà de la mobilisation symbolique de capital (10 000 €, que
l'État peut se voir rétrocéder intégralement s'il décide de quitter la
coopérative), il s'agit d'un parti pris politique de participer à la
gouvernance de cette structure de l'économie sociale et solidaire visant
à structurer le secteur de l'inclusion numérique, en associant les acteurs
économiques, associatifs, les collectivités territoriales et l'État dans la
conduite de projets communs. L'État ne contrôle pas cette société et
dispose de 10 % des droits de vote et d'un siège au conseil
d'administration.
Par ailleurs, l'État précise qu'en parallèle de ces actions, ont été
initiées et concrétisées des initiatives d'outillage, d'une part, des
collectivités territoriales compétentes pour élaborer des stratégies
locales cohérentes mais aussi, d'autre part, des aidants (agents
France Services, travailleurs sociaux des centres communaux d'action
sociale, secrétaires de mairie, etc.) et médiateurs (kit Aidants,
Aidants Connect, hubs territoriaux).
S'agissant de la recommandation relative à l'évaluation des
actions d'inclusion numérique, dans le cadre 1) du Plan France relance
2) du suivi de la réforme prioritaire « accompagner au numérique tous
les Français, partout sur le territoire », des outils d'évaluation et d'impact
quantitatifs comme qualitatifs sont mis en place. Ils donneront lieu à des
publications régulières sur le site du Laboratoire Société Numérique, ainsi
qu'à une publication régulière en open data.
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COUR DES COMPTES
290
Concernant la mission French Tech, nous partageons pleinement
l'appréciation portée par la Cour sur la visibilité et le soutien qu'elle a
apportés aux start-up françaises depuis sa création. Son action a permis
d'ancrer une politique publique ciblée, à travers une marque forte et
fédératrice, et a contribué à l'attractivité et la visibilité de notre
écosystème sur la scène internationale, auprès des investisseurs et des
talents. La France se positionne ainsi au deuxième rang des pays du
Groupe des vingt (G20) en matière de compétitivité digitale, selon un
récent rapport de « l'European Center for Digital Competitiveness » de
l'École supérieure de commerce de Paris, qui souligne la contribution de
la French Tech à cette performance
190
.
Néanmoins, la Cour estime que les initiatives de la mission French
Tech se sont trop focalisées sur la communication. Nous ne partageons
pas cette appréciation et considérons que l'action de la mission French
Tech a été essentielle pour développer les relations des pouvoirs publics
avec l'écosystème des entrepreneurs et permettre le succès des
programmes qu'elle a portés depuis sa création, comme le programme
« French Tech Next 40/120 », le « Community fund », dont le volet
international est étroitement coordonné avec Business France, le
« French Tech Visa », désormais élargi aux start-ups étrangères
souhaitant s'établir en France en coordination avec le ministère de
l'Intérieur, et enfin le « Welcome to la French Tech Desk », mis en place
également en partenariat avec Business France.
Enfin, s'agissant du dispositif qui a permis la localisation de la
mission French Tech au sein de la Station F, implantation qui s'est avérée
très pertinente pour le rayonnement de son action, nous prenons note
des
critiques
formulées
par
la
Cour
et
confirmons
qu'il
sera
prochainement procédé au retrait de l'État de la gouvernance et du
capital de la SAS Station F. La direction de l'Immobilier de l'État sera
consultée pour définir, le cas échéant, les conditions de location du futur
lieu d'implantation de la mission.
190
Rapport Digital Riser Report 2020 réalisé par l'«
European Center for Digital
Competitiveness
» s'appuyant sur des données du World economic forum.
https://digital-competitiveness.eu/wp-content/uploads/ESCP_Digital-
RiserReport_2020-1.pdf
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L’HÉRITAGE DE L’EX
-AGENCE DU NUMÉRIQUE : DE GRANDES AMBITIONS,
UNE MISE EN ORDRE NÉCESSAIRE
291
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CAISSE DES DÉPÔTS
Vous m’avez adressé le chapitre relatif aux trois politiques
publiques gérées par l’ex
-Agence du numérique, destiné à figurer dans
le rapport public annuel 2021 de la Cour des Comptes et je vous en
remercie.
Ce chapitre appelle les observations suivantes.
Je tiens tout d’abord à rappeler que le Plan France Très Haut
Débit est le plus grand projet national d’infrastructure numérique et que
la Caisse des Dépôts est mobili
sée à sa réussite aux côtés de l’État et des
collectivités, à la fois comme opérateur des subventions du PIA aux
collectivités, mais aussi comme prêteur aux collectivités et investisseur
dans les sociétés de projets de réseaux d’initiative publique, aux cô
tés
des délégataires privés.
La montée en compétence technique et en expertise des
services de l’État, qui rend désormais possible de nouvelles modalités de
gestion administrative et budgétaire des programmes, doit beaucoup à
cette mobilisation de la Cais
se des Dépôts au service de l’action Très
Haut Débit, et ce dès son lancement en 2013.
À
la demande de l’État et dès sa désignation comme opérateur
en 2015, la Caisse des Dépôts a en effet mis en place une organisation
temporaire pour une durée maximale de trois années, destinée à doter
progressivement
l’agence
du
numérique
des
ressources,
des
compétences et des outils nécessaires à la réalisation de sa nouvelle
mission.
Soucieuse de garantir un transfert opérationnel de l’instruction de
dossiers techniques, la Caisse des Dépôts a recruté quatre agents sous
contrat à durée déterminée de droit public (sur le fondement du 2° de
l’article 4 de la loi n
°84-16 du 11 janvier 1984), affectés au sein de ses
services, à la mission du PIA, et non mis à disposition de
l’agence.
Ces agents étaient ainsi chargés d’apporter à l’agence du
numérique, pour le temps nécessaire à la structuration de son activité,
l’expérience et l’expertise technique de la Caisse des Dépôts en matière
d’instruction des dossiers. Ils devaient aussi permettre d’assurer une
bonne articulation entre la Caisse des Dépôts et la mission très haut débit
de l’agence du numérique, devenue absolument nécessaire pour le
bon fonctionnement du programme et de ses bénéficiaires.
Il convient de souligner que les marchés de prestation évoqués
par la Cour ont logiquement été passés par la Caisse des Dépôts pour
le compte de l’agence du numérique, au titre de son rôle de
gestionnaire administratif et financier du « fonds pour une société
numérique » rattaché au projet France très haut débit du programme
d’investissements d’avenir.
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COUR DES COMPTES
292
Grâce aux recrutements nécessaires et une organisation
transitoire indispensable pour assurer la continuité des actions
entreprises, la Caisse des Dépôts a permis le déploiement sans
inte
rruption du plan très haut débit et contribué ainsi à la mise en œuvre
de ces infrastructures prioritaires pour le développement économique
des territoires.
La
Cour
recommande
de
confier
à
l’ANCT
la
gestion
administrative et budgétaire des crédits finançant les infrastructures fixes
et mobiles de très haut débit aujourd’hui effectuée par la Caisse des
Dépôts.
Je peux vous indiquer que la Caisse des Dépôts n’y est pas
opposée.
Le plan France très haut débit entre aujourd’hui dans une
nouvelle ère de son avancement. La majorité des engagements ont été
réalisés
; l’ANCT pourra elle
-même envisager le recours à des profils
d’agents spécialisés dans le suivi technique des déploiements et le
développement des projets.
Enfin,
la
Cour
recommande
la
dissolution
de
la
SAS Station French Tech.
Il est rappelé que la Caisse des Dépôts a investi dans la SAS
Station French Tech en tant qu’opérateur de la ville de demain du PIA
et n’agit pas dans le cadre de cette société pour son compte, mais pour
le compte de l’État.
Le modèle économique de cette société repose en partie sur les
loyers versés par les administrations mobilisées auprès des start-up, et un
actionnariat majoritairement public.
Cette structuration est conforme aux objectifs de la présence,
sous la dénomination « French Tech Central », de la mission French Tech
sur le campus de Start-up Station F :
-
créer un lieu de référence et de rassemblement pour l’écosystème
French Tech et en particulier depuis 2019 les capitales et
communautés
labellisées
French
Tech
en
France
et
à
l’international
;
-
avoir une vitrine internationale de la dynamique French Tech, avec
un lieu de passage pour les acteurs internationaux, et accueillir des
opérations d’attractivité ;
-
créer une offre innovante de services publics pour les start-up
(information, expérimentation, coordination) ;
-
créer un lieu d’interface entre le tissu entrepreneurial et la
recherche publique française (universités, laboratoires).
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L’HÉRITAGE DE L’EX
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UNE MISE EN ORDRE NÉCESSAIRE
293
Les activités de la SAS Station French Tech ne se réduisent donc
pas à la location d’espaces ou à la réalisation d’événements.
L’objectif était de mettre en place un modèle économique qui
assure la pérennité de ce service en ayant une stratégie d’offres
centrées sur les besoins des start-up, les acteurs des écosystèmes French
Tech en France
et à l’international, et les services publics.
Ce choix de modèle non subventionnel est vertueux car il favorise
la création de valeur avec une adaptation de l’offre à des besoins
concrets. French Tech Central étant un lieu dédié à l’écosystème et à
son an
imation, l’objectif à terme est de donner la possibilité aux acteurs
de la French Tech d’entrer au capital de la société et d’être parties
prenantes de la gouvernance.
Une réflexion a été lancée à l’initiative de
la mission French Tech
avec les actionnaire
s
pour
étudier
l’intérêt
stratégique
et
les
perspectives commerciales qui pourraient sécuriser à terme la structure
et son organisation.
En tant qu’opérateur du PIA et actionnaire de la SAS Station
French Tech pour le compte de l’État, la Caisse des Dépôts
accompagne l’État dans cette réflexion stratégique en mobilisant
l’ensemble
de
ses
expertises
financières,
juridiques
et
métiers
(numériques et territoriales).
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