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COUR DES COMPTES
Intervention de M. Philippe SÉGUIN,
Premier président de la Cour des comptes
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Conférence de presse
Présentation du rapport public annuel
Jeudi 8 février 2007
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie d’avoir bien voulu, une fois encore, assister à la présentation de notre
rapport public annuel.
Je l’ai remis solennellement au président de la République hier après-midi, à l’Assemblée
nationale hier soir, et enfin au Sénat ce matin même, juste avant de vous rejoindre.
L’exercice est rituel, je le sais, mais il revêt cette fois à nos yeux une importance toute
particulière puisque, vous ne pouvez l’ignorer, (ou alors nous en serions très vexés), le rapport
annuel fête cette année, avec la Cour, ses 200 ans, occasion pour nous d’en souligner la
remarquable pérennité.
Pendant ses premières années, le rapport annuel fut certes jalousement gardé secret et il fallait
être Empereur, Roi ou ministre, pour avoir le privilège de le lire… Il fut ensuite partagé avec
les assemblées, il y a 175 ans. En 1938, enfin, il fut publié au journal officiel et donc
accessible à chacun...
Le rapport public est ainsi devenu un ingrédient de notre démocratie… et il est
symptomatique de constater que le seul régime qui ait douté de son utilité au point de le
supprimer fut le régime de Vichy.
Aujourd’hui, le rapport annuel est l’acte de la Cour le plus connu et celui auquel l’opinion
publique l’identifie.
Ce n’est plus, pourtant, vous le savez bien, notre seule publication. Il s’en faut de beaucoup.
Chaque année désormais, nous livrons au public le résultat de nos travaux sur les thèmes les
plus divers. L’an dernier, nous avons ainsi publié 5 rapports thématiques portant
respectivement sur la gestion des prisons, l’assurance-chômage, les personnels des
établissements de santé, les ports et la carte universitaire en Ile de France. Un rapport a été
consacré à l’ARC au titre de nos contrôles relatifs aux organismes faisant appel à la
générosité publique. Enfin, je ne saurais oublier la dernière publication que j’ai commentée
devant vous au début du mois de janvier, celle consacrée à l’aide française aux victimes du
tsunami.
Nous publions aussi, depuis plus de dix ans maintenant, les rapports que nous élaborons dans
le cadre de notre mission d’assistance au Parlement et au Gouvernement en matière
d’exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.
1
Toutes ces publications, nous les concevons pour qu’elles soient utiles au débat parlementaire
et plus généralement au débat public.
On fait trop souvent, en effet, une erreur d’appréciation s’agissant de la Cour. On pense
qu’elle est là, seulement, pour dénoncer, vilipender, épingler ou clouer au pilori. Bref, on croit
trop souvent qu’elle ne cherche qu’à se constituer un tableau de chasse.
En vérité, la Cour -et ce plus que jamais depuis l’intervention de la LOLF- a un devoir : celui
d’être utile.
La Cour est là pour contribuer à l’amélioration de l’efficience et de l’efficacité des
administrations. C’est dire qu’elle ne doit surtout pas se satisfaire du rôle de juge ombrageux,
sourcilleux, et procédurier qui, une fois par an, sort de son antre, gronde, tonne et fulmine.
La Cour doit être au quotidien un levier de réforme pour l’administration. Elle doit dialoguer
plus encore que juger ; elle doit écouter et recommander plus encore que censurer ou
sanctionner.
Son action, elle la conduit en s’adressant à trois interlocuteurs :
- le Gouvernement et son administration, qu’elle contrôle et qu’elle conseille au vu des
constats réalisés lors de ses investigations ;
- le Parlement qu’elle assiste dans sa mission constitutionnelle de contrôle ;
- l’ensemble des citoyens, enfin, auxquels elle doit une information régulière sur les finances
publiques et qui sont également son recours lorsqu’il apparaît qu’il n’est pas d’autre moyen
pour lever les obstacles ou la résistance aux évolutions ou aux réformes nécessaires.
Le rapport public annuel s’adresse à l’ensemble de ces trois interlocuteurs.
Pour autant, il est rédigé à titre principal à l’intention du citoyen. Rien d’étonnant à cela :
depuis 200 ans, le rapport public n’a cessé d’être du au souverain. En 1807, ce souverain était
l’Empereur ; aujourd’hui c’est la communauté des citoyens.
Le rapport public de 2007 porte la marque de ce souci d’utilité. On ne s’étonnera pas qu’ainsi,
plus que par le passé, il sache saluer les progrès réalisés et ne s’en tienne plus au simple
inventaire de ce qui ne fonctionne pas. De même, on ne s’étonnera pas de la part croissante
que prend l’examen des suites réservées aux précédentes interventions de la Cour. Cette
formule avait été inaugurée, vous vous en souvenez, l’an dernier : il s’agit soit de prendre acte
du fait que satisfaction a été donnée à la Cour, soit de repartir à la charge.
Nous nous réjouissons beaucoup que le 22 janvier, au terme de notre séance solennelle, le
Président de la République ait fait sienne cette manière de voir et qu’il ait rappelé avec force
que pour mener à bien sa mission, la Cour devait être indépendante et au service, tout à la
fois, du Parlement, du Gouvernement et des citoyens.
*
2
C’est donc dans cet esprit, je le rappelle, que nous avons élaboré ce millésime 2007 du rapport
public dont je voudrais vous présenter maintenant les principales observations.
Et pour les replacer dans un contexte plus global, nous avons fait le choix cette année, comme
l’an dernier, de commencer par un développement sur la
situation des finances publiques
.
Vous le savez, cela fait 26 ans que la France accumule les déficits. Cela fait plusieurs années
maintenant que nous signalons les conséquences négatives de cette situation.
Force est de constater que la situation s’est améliorée en 2006, tant en matière de déficit que
de dette. C’est une bonne nouvelle. Et ce n’est pas contester tout ce qu’elle a de positif et
d’encourageant, que de constater que cette amélioration est due, pour une part non
négligeable, à des facteurs conjoncturels dont le caractère durable n’est pas assuré ; je pense
notamment aux bonnes rentrées fiscales et à la politique active de cession d’actifs (des ventes
d’immeubles par exemple). Si l’on veut garder le cap, il faut donc conforter le mouvement par
un effort encore plus soutenu de maîtrise de la dépense publique.
Notre rapport annuel, élaboré avec des contributions des chambres régionales, est l’occasion
d’illustrer par des exemples variés et concrets, au regard de cet objectif précis, les défauts
mais aussi –comme je vous le disais- les succès de la gestion et de l’action publiques tant au
niveau national qu’au niveau local.
Le premier tome contient vingt analyses de ce type.
*
I-
Je le répète, l’objectif est aujourd’hui de dépenser moins et, probablement surtout, de
dépenser mieux.
1- Vous trouverez dans les deux premiers chapitres, consacrés au secteur agricole et aux aides
aux entreprises de premières pistes pour y répondre.
Nos observations, dans ces deux domaines, convergent sur plusieurs points : il y a trop
d’aides différentes, résultant d’une sédimentation historique mais poursuivant souvent des
objectifs proches ou faisant tout simplement doublon. Impossible dans ces conditions de
savoir ce que reçoit au total chaque bénéficiaire, impossible de chiffrer les cumuls.
Impossible enfin d’évaluer l’efficacité des dispositifs. En d’autres termes, impossible de
vérifier avec certitude si ces dépenses sont utiles.
C’est souvent le cas dans le
secteur agricole,
secteur qui représente en France un enjeu
financier majeur –environ 13 milliards d’euros de dépenses cumulées du budget européen et
du budget de l’Etat- enjeu sans commune mesure avec le poids de l’agriculture dans la
population. La Cour poursuit dans ce domaine un travail résolu et suivi de contrôle des
différentes interventions et elle veille notamment à vérifier leur conformité avec le droit
communautaire.
Pour les
prêts bonifiés
et en dépit des sommes très importantes en jeu, notre enquête montre
que jusqu’en 2005 aucun des contrôles prévus par les réglementations nationale et européenne
n’a été mis en oeuvre du fait notamment, dans la dernière période, d’une forte réticence des
3
établissements bancaires chargés d’attribuer ces prêts et de contrôler l’éligibilité de leurs
bénéficiaires.
Beaucoup d’
aides versées par les offices agricoles,
soit de leur propre initiative soit à la
demande des ministères
,
posent également des problèmes de régularité. Certains dirigeants
d’offices pourraient d’ailleurs être déférés à ce titre devant la Cour de discipline budgétaire et
financière. Je dis bien «
pourraient »
car les ministres de l’agriculture et du budget, qui eux ne
sont pas justiciables de la CDBF, ont
trouvé un habile subterfuge en couvrant les pratiques
contestables par des lettres interministérielles. Les exemples sont légion.
Un même problème de conformité au droit, et notamment au droit communautaire, se pose
pour les aides versées par les
interprofessions
, ces organismes qui regroupent les
professionnels d’un secteur et qui se financent par des cotisations dites « volontaires
obligatoires » (volontaires car elles sont décidées par les professionnels, et obligatoires car
elles sont ensuite étendues et rendues obligatoires par arrêté).
Nous examinons également dans ce premier chapitre la gestion des
chambres d’agriculture
de Corse
et les résultats de nos contrôles ne détonnent pas dans le tableau d’ensemble. Ces
établissements sont en effet en grande difficulté financière. La Cour ne peut que les
encourager à une gestion plus rigoureuse qui pourrait passer par exemple par un recouvrement
plus zélé de leurs créances et des loyers qui leur sont dus …
*
Vous verrez dans le deuxième chapitre, que de très nombreuses fées se sont visiblement
penchées sur le berceau des
PME
, apportant facilités financières, appuis et conseils. Là
encore, les dispositifs d’aide foisonnent…nous les avons chiffrés à plus de 6 Md€. On
dénombre par exemple plus de 60 dispositifs d’aide fiscale. Mais là encore, personne ne sait
dire, faute d’études d’impact et d’évaluations, si ces aides sont utiles et efficaces.
-
Le crédit impôt recherche
appelle un constat du même ordre. Voilà un dispositif bien
connu et très apprécié des entreprises mais qui coûte très cher (près de 890 M€)
et dont
personne n’a jamais évalué précisément l’impact sur la dépense de recherche des entreprises.
Rationaliser, mieux contrôler et mieux évaluer l’ensemble de ces aides destinées à dynamiser
l’économie : voilà une première recommandation majeure.
*
2- Le chapitre sur l’éducation et la recherche s’intéresse plus, quant à lui, à des questions de
pilotage
.
Vous le verrez, nous nous efforçons d’apprécier dans l’insertion sur l
es sciences et
techniques de l’information et de la communication
(les « STIC »), comment l’Etat fait
vivre les priorités qu’il affiche en matière de recherche. En l’occurrence, le véritable élan
donné en 2000 s’est vite relâché et force est de constater que la France reste très en retard sur
ce sujet pourtant majeur et déterminant dans la compétition mondiale. Le problème n’est pas
seulement un problème de moyens ; c’est aussi un problème d’organisation et de
cloisonnement entre unités de recherche.
4
- Dans son insertion sur
les marges d’initiative
des établissements publics d’enseignement
du second degré,
la Cour aborde une autre question de pilotage, à un autre niveau.
Il apparaît que pour être comptées, les marges d’initiative des lycées et des collèges existent et
que certains chefs d’établissement les exploitent. Cette tendance est très positive et mériterait
d’être confortée et étendue. A cet égard, les initiatives qui ont débouché sur de bons résultats
devraient être mises en valeur.
*
3-
Le chapitre suivant, consacré à l’emploi et à la formation professionnelle, s’ouvre sur une
analyse du
régime d’indemnisation des intermittents du spectacle
. La conclusion en est
claire : la réforme de 2003 n’a pas réglé le problème. Elle n’a pas interrompu la tendance à la
baisse du nombre d’heures travaillées et la tendance à la hausse des périodes indemnisées ; les
prestations ont quant à elles augmenté de près de 25 % depuis 2003. La création d’un fonds
financé par l’Etat a seulement déporté une partie des charges qui pesaient sur l’Unédic vers
l’Etat qui continue indirectement à subventionner le secteur culturel. La Cour ne peut que
déplorer que les risques de fraude et de collusion entre employeurs et employés ne soient pas
réellement combattus. Plus globalement, elle regrette que
la confusion entre politique pour
l’emploi et politique culturelle demeure, dans ce dossier, totale.
La Cour aborde ensuite par deux exemples le domaine de l’organisation de la
formation
professionnelle
.
Là encore, les sommes en jeu sont considérables et le paysage des plus complexes : les
organismes intervenants –les organismes paritaires collecteurs agréés (ou OPCA)- sont
beaucoup trop nombreux, se font concurrence entre eux et se coordonnent difficilement avec
les autres acteurs de la formation continue comme les régions. Et la gestion interne de ces
organismes, qui pourtant vivent sur des ressources très abondantes, laisse beaucoup à désirer
… C’est le cas notamment de
l’association nationale pour la formation permanente du
personnel hospitalier
, que nous examinons, vous le verrez, plus en détail.
De façon plus générale, une part des ressources des OPCA va au financement du paritarisme
et la Cour constate, une nouvelle fois, des dérives dans l’usage de ces fonds.
4-
La Cour aborde ensuite les politiques de santé. Après la périnatalité l’an dernier, c’est aux
urgences et aux soins palliatifs que le rapport consacre cette année des développements. Dans
les deux cas, nous montrons que le problème est moins un problème de moyens qu’un
problème d’organisation et de comportements.
C’est évident pour les
services d’urgence hospitaliers
, conçus normalement pour
traiter des
cas lourds et des urgences vitales, mais qui accueillent, dans 80 % des cas, des personnes qui
ne nécessitent pas d’hospitalisation. Sans se donner pour objectif de réduire le nombre
d’entrées aux seules urgences vitales, il apparaît indispensable de mieux organiser le système
de prise en charge en amont par le développement de structures spécialisées de veille et
d’orientation mais aussi par une meilleure organisation de la médecine de ville. L’hôpital a
une vocation spécifique. Et cette vocation n’est pas de pallier l’insuffisance des autres modes
de prise en charge.
5
- Nous examinons également le développement des
soins palliatifs.
Force est de reconnaître
que les pouvoirs publics et les
personnels, notamment hospitaliers, se sont fortement
mobilisés. Mais les
objectifs ne sont pas encore atteints. Le domaine est très sensible et les
personnels doivent encore être fortement encouragés à y participer de manière plus fréquente.
5- L’insertion sur les
aides personnelles au logement
permet de revenir sur une observation
récurrente de la Cour : dans un contexte budgétaire très contraint, il faut choisir entre quantité
et qualité… Le nombre de bénéficiaires des aides personnelles au logement n’a cessé de
croître. Elles sont versées aujourd’hui à plus de 6 millions de personnes. Parallèlement, le
niveau d’aide a été plusieurs fois relevé mais pas suffisamment pour couvrir la hausse des
loyers. Résultat, la collectivité dépense toujours plus et pourtant le taux d’effort financier des
ménages s’accroît. L’efficacité commande donc de mieux cibler les aides, à commencer par
celles versées aux étudiants.
6- Ensuite, dans la ligne des travaux menés sur l’immigration, la Cour a examiné les
conditions de
rétention des étrangers en situation irrégulière
. Nous montrons qu’il a fallu
du temps avant que les différents plans de création de places et d’amélioration des conditions
de cette rétention soient mis en oeuvre et il semble encore trop tôt pour en mesurer
complètement les effets.
7- Enfin, la dernière partie de ce premier tome revient sur plusieurs contrôles menés par les
chambres régionales des comptes.
- Sous le chapeau commun
des aménagements à vocation culturelle ou de loisirs
ont été
regroupés les résultats de trois contrôles portant sur l’aménagement du site du pont du Gard,
la gestion du parc du Futuroscope et l’opération
Cap’découverte, opération de reconversion
du site minier de Carmaux. Ces trois projets font, chacun à leur manière, peser de très lourdes
charges sur les collectivités impliquées pour des retombées économiques très incertaines. Il
faut dire qu’aujourd’hui les sites de loisirs se font concurrence et les promoteurs surestiment
trop souvent la fréquentation. Au final, ce sont les contribuables qui payent…
Les contrôles des chambres régionales ont permis de mettre à jour d’autres situations
alarmantes.
C’est le cas, en Ile de France, pour
l’office d’HLM de Montereau
qui s’apprête à se lancer
dans un programme de rénovation et de reconstruction de plusieurs milliers de logements
alors que les derniers projets conduits présentaient des défaillances majeures (au point qu’il a
fallu démolir certains immeubles à peine sortis de terre
mais si mal conçus qu’ils en étaient
dangereux…).
- La chambre régionale d’Ile de France fait part également cette année de la dégradation
préoccupante de la situation financière de la commune de
Bussy Saint-Georges
. Une
dégradation due certes à la rapidité du développement de la ville, mais également à une
gestion peu soucieuse de régularité et de rigueur. La chambre régionale a déjà fait à cinq
reprises des propositions de redressement qui n’ont été que très partiellement suivies.
- Vous trouverez également l’exemple de la commune corse de S
anta Maria Poggio
qui a été
condamnée à plusieurs reprises à la suite de contentieux portant notamment sur la concession
de son port de plaisance. La commune se trouve dans l’impossibilité de faire face aux
indemnités à payer qui s’élevaient fin 2005 à plus de 26 M€ alors que ses recettes de
6
fonctionnement tournent autour d’1 M€ par an. Au final, c’est l’Etat qui a été condamné par la
Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH pour non exécution d’une décision de
justice. Et ce sont les contribuables français qui devront financer les dettes de la commune…
- Enfin, la dernière insertion est consacrée au territoire de Polynésie. Là encore, les
conclusions de la chambre régionale sont très sévères : effectif de fonctionnaires imposant,
interventions économiques nombreuses, investissements dispendieux … tout cela
a contribué
à alourdir les dépenses de la collectivité et les contrôles que l’Etat doit normalement exercer
sont apparus largement insuffisants.
*
II-
Vous le voyez, ce premier tome regorge d’exemples à méditer …
Mais comme je vous l’annonçais au début de mon intervention, nous avons aussi de bonnes
nouvelles et des exemples encourageants à vous présenter, des exemples le plus souvent tirés
de nos travaux de suivi auxquels nous consacrons le 2° tome de ce rapport annuel, tout aussi
important, en volume et en intérêt que le 1°
tome.
Les enseignements à tirer de ces contrôles de suivi diffèrent selon la nature des travaux menés
à l’origine : pour les contrôles centrés sur un organisme, contrôles « récurrents » portant
essentiellement sur l’efficience de la gestion et s’adressant à des interlocuteurs bien identifiés,
les recommandations de la Cour sont le plus fréquemment suivies, même si elles le sont plus
ou moins rapidement.
En revanche, s’agissant des contrôles portant sur la conduite des politiques publiques -des
contrôles que nous avons menés dans certains domaines pour la première fois- les réformes et
améliorations apparaissent avec moins d’évidence, faute parfois de consensus sur les objectifs
à poursuivre ou faute d’une coordination suffisante entre les différents intervenants.
Je ne veux pas me lancer ici dans un recensement exhaustif de nos travaux de suivi mais
j’appelle votre attention sur quelques exemples très prometteurs.
Par exemple, lors d’un nouveau contrôle de la
Banque de France
, dont nous avions
sévèrement critiqué la gestion en 2005, nous avons constaté des avancées majeures :
le réseau
a été drastiquement resserré (le nombre de succursales a été ramené de 211 en 2004 à 96 en
juillet 2006),
les effectifs ont été réduits de près de 13% en 3 ans et des gains de productivité
importants ont été réalisés. Le budget des activités sociales et culturelles a baissé de près de
6% sur 3 ans grâce notamment à une rationalisation de l’activité de restauration et à la cession
de maisons de retraite et de centres de vacances. Un projet de réforme du régime des retraites
calqué sur la réforme appliquée en 2003 aux fonctionnaires devrait par ailleurs entrer en
vigueur le 1° avril 2007.
Certes, il reste beaucoup à faire notamment en matière de gestion des ressources humaines et
le régime d’action sociale et culturelle mériterait d’être totalement revu. Mais l’établissement
s’est engagé sur la bonne voie.
Autre exemple très positif à
Météo France
où beaucoup de nos recommandations ont été
suivies.
7
Les résultats de notre contrôle de suivi sur
EDF
sont également encourageants: comme nous
le recommandions, l’électricien a recentré son activité internationale sur des participations
stratégiques et abandonné les autres.
La Cour revient aussi sur l’organisation de la
protection judiciaire de la jeunesse
qu’elle
avait contrôlée en 2003. De nets progrès ont été enregistrés : l’administration centrale a été
renforcée, la gestion immobilière a été consolidée, un réseau de contrôleurs de gestion a été
mis en place, les outils statistiques ont été améliorés.
*
Mais je mentirais par omission si je me contentais de dresser un tableau exclusivement positif.
De façon assez générale, il est des domaines où les progrès sont lents. C’est le cas notamment
de la gestion des
ressources humaines et des rémunérations
. Dans nombre des
établissements que nous avons à nouveau contrôlés,
nous avons retrouvé inchangées des
pratiques critiquables en matière de primes, d’organisation du temps de travail…
Concernant les
pensions des fonctionnaire
s par exemple, force est de constater que certains
dispositifs très coûteux et très contestables d’indemnités servies aux pensionnés résidant
outre-mer ou de bonifications de dépaysement accordées aux fonctionnaires ayant exercé à
l’étranger et dans les DOM-TOM n’ont pas été remis en cause ou à tout le moins adaptés à la
réalité des situations. Mais le bilan est loin d’être totalement négatif. Les contrôles précédents
de la Cour ont servi de révélateurs sur un certain nombre de problèmes et la loi de 2003 a fait
avancer beaucoup de choses en étendant par exemple, et conformément au droit
communautaire, la bonification pour enfant aux hommes.
Enfin, en matière
d’évaluation de politiques publiques
,
les effets des observations de la
Cour sont plus difficiles à mesurer.
C’est le cas notamment dans nombre de politiques sociales. Les pouvoirs publics sont
confrontés à des difficultés de suivi statistique et d’évaluation. En matière de politique pour
les personnes handicapées par exemple, si la loi du 11 février 2005 consacre des avancées
majeures, certaines des réserves formulées par la Cour en 2003 sont encore d’actualité : les
outils de connaissance des personnes handicapées, de leurs besoins et de l’offre réelle de
services restent à perfectionner ou à construire.
De la même façon, s’agissant de
l’évaluation des politiques d’aide à l’emploi,
l’Etat ne
dispose toujours
pas d’appréciations fiables de l’impact des divers dispositifs existants. Et les
études extérieures à l’administration restent, vous ne pouvez l’ignorer, trop rares.
Les réformes peuvent également prendre plus de temps faute de consensus. C’est le cas pour
la
politique de lutte contre l’alcoolisme
. Trois ans après son premier contrôle,
le constat –
critique- de la Cour reste pour l’essentiel inchangé et les principaux leviers pour diminuer la
consommation d’alcool, la fiscalité et la réglementation, ne sont, contrairement à ce qui se
passe pour le tabac, quasiment pas actionnés.
Enfin, la Cour revient sur la
politique d’accueil des immigrants
qu’elle avait examinée dans
un rapport thématique de novembre 2004. Conformément aux recommandations de la Cour, il
apparaît que les fondements juridiques du contrat d’accueil et d’intégration ont été consolidés,
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son contenu précisé et que la signature d’un tel contrat a été rendue obligatoire. La Cour
relève néanmoins l’absence de suivi des engagements pris par le signataire (notamment en
matière de formation linguistique). Sur le plan institutionnel, après la création en 2005 de
l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrants (ANAEM), une agence nationale
pour la cohésion sociale et l’égalité des chances a été créée en 2006. La cohérence des actions
de ces deux agences avec celles de la Délégation interministérielle à la ville, de la délégation
générale à l’emploi et à la formation professionnelle et de l’agence nationale de lutte contre
l’illettrisme reste à construire –si vous m’autorisez cet euphémisme.
Pour l’ensemble de ces politiques, c’est à plus long terme que nous pourrons évaluer la portée
de nos recommandations.
*
Telles sont, mesdames et messieurs, les principales observations que je voulais faire ressortir.
Il apparaît très clairement que c’est lorsque nous revenons régulièrement dans un organisme
ou sur une politique donnée, lorsque nous faisons état précisément et régulièrement des suites
données à nos observations que nous obtenons les résultats les plus probants.
Mais notre persévérance ne suffit pas toujours. Et certaines pratiques méritent beaucoup plus
qu’une mention au rapport public.
A ce titre, je voudrais vous dire quelques mots de la Cour de discipline budgétaire et
financière, la
CDBF
, qui vous le savez peut être, est une juridiction administrative, associée à
la Cour des comptes, et spécialisée dans la répression des irrégularités en matière de finances
publiques.
Comme l’an dernier, nous publions son rapport d'activité avec le rapport annuel de la Cour
des comptes. Ce rapport est désormais bien plus qu’un
simple rapport d’activité. Nous avons
voulu en faire un vecteur privilégié de communication pour mieux faire connaître
la Cour de
discipline, son rôle et sa jurisprudence.
Vous le verrez, il fait le point également sur les
dernières réformes qui ont concerné la Cour de discipline et qui lui permettent aujourd’hui de
traiter un nombre croissant de saisines.
Je ne vous cacherai pas que nous souhaitons voir le rôle de la CDBF encore renforcé car cette
juridiction spécialisée permet de sanctionner les irrégularités commises dans la gestion des
finances publiques et permet ainsi d’éviter deux écueils : l’absence de sanction, ou une
sanction pénale qui pourra paraître disproportionnée.
*
J’en arrive au terme de cette présentation. Elle n’épuise sans doute pas votre curiosité. Nous
sommes bien entendu à votre disposition avec Mme Claire Bazy-Malaurie, rapporteur général
du Comité des rapports publics et des programmes, et les divers rapporteurs pour apporter des
réponses à toutes vos interrogations.
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