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Afin de permettre au Parlement de disposer avant l’été d’une appréciation sur la
situation financière des différentes administrations publiques de l’année écoulée,
la Cour présente en deux temps ses analyses annuelles sur la situation et les
perspectives financières des collectivités locales comme de la sécurité sociale. Le
présent rapport analyse les comptes de la sécurité sociale pour 2019, exprimés en
comptabilité générale, comme l’est la loi de financement de la sécurité sociale.
LA SÉCURITÉ SOCIALE
Les résultats de la sécurité sociale en 2019 :
l’interruption d’une longue séquence
de retour à l’équilibre
Juin 2020
Un déficit 2019 de faible montant, comme en
2018, marquant l’interruption d’une longue
séquence de retour à l’équilibre
Alors que la LFSS 2019 prévoyait
le retour à l’équilibre de la sécurité
sociale
en
2019,
avec
un
léger
excédent (de 0,1 Md€), le déficit
du régime général et du Fonds de
solidarité vieillesse (FSV) est reparti à
la hausse pour s’établir à 1,9 Md€ en
2019, contre 1,2 Md€ en 2018. Cette
dégradation de 0,7 Md€ en 2019
contraste avec l’amélioration de plus
de 3 Md€ par an en moyenne entre
2010 et 2018.
Évolution du déficit agrégé des régimes
obligatoires de base de sécurité sociale
et du FSV (2008-2019, en Md€)
Source : Cour des comptes d’après les données
des rapports de la commission des comptes de
la sécurité sociale
Synthèse du rapport sur la situation financière de la sécurité sociale en 2019
2
Compte
tenu
de
l’enregistrement
dans les comptes 2020 de 0,6 Md€
de remises des entreprises pharma-
ceutiques se rattachant en réalité
à 2019, le déficit 2019 est en fait
presque identique à celui de 2018.
La dégradation du solde du régime
général et du FSV entre 2018 et 2019
est nettement plus limitée que prévu
dans la partie rectificative de la
LFSS 2020. Cette dernière anticipait
en effet un déficit de 5,4 Md€ en 2019,
compte tenu des mesures d’urgence
économiques et sociales de fin 2018,
non compensées à la sécurité sociale
(2,6 Md€), et des modifications des
hypothèses d’évolution des dépenses
et des recettes par rapport à celles
de la LFSS 2019, dont une moindre
progression de la masse salariale du
secteur privé (+3 % contre +3,5 %) et
une accélération des dépenses.
Le déficit beaucoup plus réduit que
prévu du régime général et du FSV
s’explique aux deux tiers par des recettes
plus
dynamiques,
notamment
les
cotisations des travailleurs indépendants
et des salariés du régime agricole, et,
pour le tiers restant, par des dépenses
moins dynamiques, notamment de
retraites.
Bien que modeste, la dégradation
du solde du régime général et du
FSV en 2019 recouvre toutefois une
détérioration
plus
importante
en
termes structurels. La LFSS 2019 et
les mesures d’urgence de fin 2018 ont
en effet réduit les recettes de 5,4 Md€
et l’impact de cette baisse n’a été que
partiellement compensé par le léger
fléchissement des dépenses.
Une progression
toujours rapide des dépenses
Cet
infléchissement
résulte
en
particulier d’une moindre revalorisation
des prestations que celle qui aurait
résulté de l’indexation de droit commun
sur l’inflation (+0,3 % contre +1,6 %). À
défaut, les dépenses auraient crû plus
vite en 2019 qu’en 2018.
La branche vieillesse est celle dont les
dépenses ont été les plus dynamiques
en 2019. Elles ont crû de 2,6 % contre
2,9 % en 2018, leur ralentissement
résultant principalement de la moindre
revalorisation par rapport à l’inflation.
Les dépenses de la branche famille ont
légèrement baissé, sous l’effet de la
moindre revalorisation des prestations,
de la réforme de la prestation d’accueil
du jeune enfant et de la baisse de la
natalité.
Les dépenses relevant de l’objectif
national
de
dépenses
d’assurance
maladie
(ONDAM),
prépondérantes
parmi celles des branches maladie
et
accidents
du
travail-maladies
professionnelles, ont atteint, selon des
données encore provisoires, 200,3 Md€
en 2019. Pour la dixième année
consécutive,
l’objectif
en
montant
fixé par les lois de financement de la
sécurité sociale a été respecté. Les
dépenses ont augmenté de 2,6 % par
rapport à 2018, contre 2,5 % prévus
en LFSS 2019, cet écart de 0,1 point
résultant d’un effet de base négatif lié
aux dépenses réalisées en 2018, plus
faibles que prévu dans la LFSS 2019.
Les dépenses de soins de ville sont
restées dynamiques (+2,7 % contre
+2,4 % en 2018), malgré la stagnation
ou la baisse de certaines dépenses
(médicaments
nets
des
remises,
honoraires des médecins généralistes).
Les dépenses d’indemnités journalières,
de prestations d’auxiliaires médicaux
et
de transport
ont
accéléré
par
rapport à 2018 et la hausse de celles
de dispositifs médicaux est restée
soutenue. Les économies liées à la
maîtrise médicalisée ont été réalisées
seulement pour moitié.
Synthèse du rapport sur la situation financière de la sécurité sociale en 2019
3
Des recettes plus dynamiques que prévu
Malgré
un
important
montant
de
mesures
nouvelles
négatives
(5,4 Md€), les recettes ont progressé
de 2 % en 2019 après 3,4 % en 2018.
En effet, leur hausse spontanée, soit
3,4 %, a dépassé celle constatée pour
2018 (+3 %), comme celle actualisée
pour 2019 par la LFSS 2020 (+2,6 %).
Au global, l’évolution des recettes est
restée proche de celle de la principale
assiette du financement de la sécurité
sociale, la masse salariale, dont la
composante privée a crû de 3,1 % en
2019.
Effet sur le solde du régime général
et du FSV des mesures nouvelles en
recettes, nettes des mesures
de périmètre en dépenses (en Md€)
Source : Cour des comptes
Synthèse du rapport sur la situation financière de la sécurité sociale en 2019
Les dépenses relatives aux établisse-
ments de santé ont accéléré (+2,5 %
contre +2,0 % en 2018). Une incerti-
tude affecte néanmoins leur montant
définitif, compte tenu de la « grève du
codage » des séjours tarifés à l’activité
dans certains hôpitaux. En raison de
la crise sanitaire, le déficit hospitalier,
qui constituait ces dernières années un
« point de fuite » de l’ONDAM, ne sera
pas connu avant fin 2020. Comme
en 2018, les dotations aux établisse-
ments de santé n’ont pas été réduites
par rapport à la prévision initiale.
Comme en 2017 et en 2018, elles
ont été abondées peu avant l’arrêté
des comptes de l’assurance maladie
(en mars 2020) afin de tenir compte
d’une moindre progression que prévu
des recettes liées aux séjours tarifés à
l’activité.
Le déficit du régime général et du FSV
étant resté inférieur aux ressources
propres
affectées
à
la
Caisse
d’amortissement de la dette sociale
(CADES), la dette sociale s’est de
nouveau
réduite
pour
atteindre
115,6 Md€ fin 2019, en baisse de
13,3 Md€ par rapport à fin 2018. La
part de la dette portée par la CADES a
reculé de 16,3 Md€, mais celle financée
par l’Agence centrale des organismes
de sécurité sociale (ACOSS), par la voie
d’emprunts de courte durée, a augmenté
de 3 Md€.
Depuis le dernier transfert de dette à
la CADES en 2016, la dette financée
par l’ACOSS a ainsi augmenté chaque
année pour s’établir à 26,5 Md€ fin
2019. L’augmentation continue de la
dette financière de l’ACOSS, constituée
à 95 % de titres émis sur les marchés
monétaires, l’exposait à des risques
croissants
de
refinancement,
avant
même la crise sanitaire, du fait de
l’importance
des
refinancements
à
pratiquer. Compte tenu d’une prévision
par la LFSS 2020 de déficits jusqu’en
2023, ces risques étaient appelés à
s’accentuer.
Une dette durable fin 2019, avant même
la crise sanitaire
4
La crise sanitaire : des perspectives finan-
cières bouleversées en 2020
La loi de financement de la sécurité
sociale pour 2020 prévoyait un déficit
de 5,4 Md€ du régime général et du
FSV en 2020, que le surcroît de recettes
constaté à fin 2019 aurait pu ramener à
un niveau moins élevé.
Depuis
la
mi-mars
2020,
la
crise
sanitaire a considérablement augmenté
les besoins de trésorerie de l’ACOSS
sous
l’effet
des
mesures
décidées
par les pouvoirs publics, notamment
l’octroi de délais de paiement pour le
versement des prélèvements sociaux
et l’assouplissement des conditions de
recours au chômage partiel, et, plus
encore, de l’impact de la dégradation de
la situation économique sur ses recettes.
Selon le rapport de la commission des
comptes de la sécurité sociale (CCSS)
de juin 2020, le déficit du régime général
et du FSV atteindrait un niveau sans
précédent de 52 Md€ en 2020. Le
plafond de l’endettement financier
de l’ACOSS a de ce fait été relevé, de
39 Md€ dans la LFSS 2020 à 70 Md€
en mars, puis à 95 Md€ en mai.
Depuis
la
fin
février,
l’ACOSS
a
considérablement accru ses emprunts.
Les
investisseurs
sur
les
marchés
monétaires sur lesquels l’ACOSS se
finance habituellement (à Paris pour le
programme NeuCP et à Londres pour le
programme ECP) ne pouvant à eux seuls
absorber les besoins de financement de
l’ACOSS suscités par la crise sanitaire,
celle-ci a dû diversifier ses sources de
financement. Elle a ainsi souscrit pour
17 Md€
d’emprunts
exceptionnels
auprès de la Caisse des dépôts et
consignations, dont 10 Md€ au-delà de
leur convention annuelle, et 22,5 Md€
supplémentaires provenant d’un pool
de banques. Ces opérations négociées
hors marché ont
in fine
pris la forme
d’achat par la CDC et les banques de
titres ACOSS sur le marché monétaire de
Paris (NeuCP). Au total, au 12 juin 2020,
l’ACOSS, à travers ses financements
habituels de marché et les financements
exceptionnels
précités,
avait
levé
plus de 62 Md€ supplémentaires par
rapport à la fin février.
Synthèse du rapport sur la situation financière de la sécurité sociale en 2019
Financement de l’ACOSS sur les marchés monétaires de Paris (NeuCP)
et de Londres (ECP) en 2020 (en M€)
Source : Banque centrale européenne
5
Un projet de loi en cours d’examen
par le Parlement prévoit la reprise
par la CADES de 136 Md€ de dette
sociale. Outre 31 Md€ au titre des
déficits fin 2019 de la branche
maladie du régime général et du FSV,
ainsi que du régime de retraite des
non-salariés agricoles et de la caisse
nationale de retraite des agents
des collectivités locales (CNRACL),
ce montant comprend 92 Md€ au
titre des déficits anticipés entre
2020 et 2023 des branches maladie,
famille
et
vieillesse
du
régime
général, du FSV et du régime de
retraite des non-salariés agricoles.
Il intègre par ailleurs la couverture
par la branche maladie de 13 Md€
au
plus
d’échéances
d’emprunts
des hôpitaux publics. Au total, ces
nouveaux transferts porteraient à
près de 400 Md€ le total des reprises
de dette par la CADES depuis sa
création en 1996.
Un projet de loi organique rend
possible cette reprise de dette par
la CADES, sans affecter à cette
dernière de ressources nouvelles à
même d’empêcher un allongement
de sa durée de vie au-delà du
terme de 2024 estimé avant la crise
sanitaire. Il prévoit en effet que
l’ensemble de la dette transférée
à la CADES sera amorti d’ici 2033.
L’objectif d’extinction à terme de
la dette sociale par des ressources
affectées est ainsi maintenu, mais
l’horizon en est reculé de dix ans.
Néanmoins, une part prépondérante
de la reprise de dette (92 Md€ sur
136 Md€) porte sur des exercices
pour lesquels une nouvelle loi de
financement de la sécurité sociale
n’a pas révisé les soldes prévus par
la LFSS 2020.
Contrairement au budget de l’État,
le bouleversement des perspectives
financières de la sécurité sociale
n’a pas conduit le gouvernement
à
déposer
un
projet
de
loi
de
financement
rectificative.
La
révision des prévisions de recettes,
de dépenses et de soldes relatives
à 2020 et aux exercices suivants est
ainsi renvoyée au projet de loi de
financement pour 2021, déposé en
octobre prochain, ce qui est tardif.
En outre, il n’est pas prévu à ce stade
de mesures d’économies, mais de
réduire à partir de 2024 les ressources
affectées à la CADES afin de financer
des dépenses supplémentaires liées
à la dépendance. Cela conduit à
allonger d’une à deux années la
durée de l’amortissement des dettes
transférées à la CADES.
Une nouvelle trajectoire de retour
de la sécurité sociale à l’équilibre est
donc à définir.
Une reprise massive de dette par la CADES,
qui en repousse le terme de la durée de vie
de 2024 à 2033
Synthèse du rapport sur la situation financière de la sécurité sociale en 2019