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LA SÉCURITÉ
SOCIALE
Les résultats de la sécurité sociale en 2019 :
l’interruption d’une longue séquence
de retour à l’équilibre
Juin 2020
Les résultats de la sécurité sociale en 2019 - juin 2020
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Sommaire
Procédures et méthodes
................................................................................
5
Délibéré
..........................................................................................................
7
Synthèse
.........................................................................................................
9
Chapitre I
Un déficit 2019 de faible montant, comme en 2018
...............
15
I - Un déficit 2019 proche de celui de 2018
...................................................
16
II - Un déficit 2019 plus élevé qu’en loi de financement pour 2019,
mais beaucoup plus faible que la prévision révisée de la loi de
financement pour 2020
..................................................................................
18
A - Une forte révision à la hausse de la prévision du déficit 2019 dans la
LFSS 2020
............................................................................................................
18
B - En définitive, une dégradation limitée du déficit
............................................
21
III - Un déficit du régime général et du FSV de nature structurelle
...............
23
Chapitre II
Une progression toujours rapide des dépenses
.....................
27
I - Un nouveau relèvement de l’objectif de dépenses maladie et AT-
MP relevant de l’ONDAM
.............................................................................
28
A - Un objectif 2019 moins contraignant que les précédents
................................
30
B - Des dépenses dynamiques
..............................................................................
32
II - Les autres dépenses maladie et AT-MP : des évolutions de sens
opposé
............................................................................................................
45
A - Une accélération globale des dépenses de prestations hors ONDAM
(17,9 Md
en 2019)
..............................................................................................
45
B - Les autres dépenses hors ONDAM
.................................................................
46
III - Des dépenses de la branche vieillesse toujours dynamiques mais
en décélération
...............................................................................................
47
A - Une croissance plus faible des dépenses de prestations de retraite
.................
47
B - Une accélération des autres dépenses
.............................................................
49
IV - Une légère baisse des dépenses de la branche famille
............................
49
A - Des prestations légales en léger recul
.............................................................
49
B - Une hausse des autres dépenses liée à celles d’action sociale
.........................
51
Chapitre III
Des recettes plus dynamiques que prévu
.............................
53
I - Des mesures nouvelles qui pèsent sur les recettes
.....................................
54
A - Un effet négatif sur les recettes à hauteur de 5,4 Md
....................................
54
B - Une réduction venant principalement de pertes de recettes non
compensées
...........................................................................................................
55
II - Une évolution spontanée plus favorable que prévu
..................................
58
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COUR DES COMPTES
4
Chapitre IV
Une dette sociale pérenne à fin 2019, avant même la
crise sanitaire
................................................................................................
61
I - Une dette qui a continué à se réduire en 2019, mais dont la part
financée par l’ACOSS a de nouveau augmenté
.............................................
61
II - Des risques croissants à fin 2019
.............................................................
62
A - Une augmentation prévisible de la dette portée par l’ACOSS, sans
perspective d’amortissement
.................................................................................
63
B - Des risques de refinancement
.........................................................................
64
Chapitre V
Éléments provisoires sur la situation financière de la
sécurité sociale en 2020
................................................................................
67
I - Une dégradation sans précédent du solde du régime général et du
FSV
................................................................................................................
67
A - Une prévision de déficit de plus de 50 Md
...................................................
67
B - Des aléas importants
.......................................................................................
69
II - Une hausse des besoins de l’ACOSS couverte par de nouvelles
sources de financement
..................................................................................
69
A - Une croissance accélérée des besoins d’emprunt
...........................................
69
B - Une diversification des sources de financement de l’ACOSS
........................
71
III - Une prolongation de la CADES jusqu’en 2033 sans définition
d’une nouvelle trajectoire de retour à l’équilibre de la sécurité sociale
.........
74
A - Un transfert de dette de 136 Md
et une prolongation de la CADES
jusqu’en 2033
.......................................................................................................
74
B - Un transfert de dette qui recouvre trois opérations distinctes
.........................
75
Annexe : les faiblesses de la construction de l’ONDAM
...........................
79
Les résultats de la sécurité sociale en 2019 - juin 2020
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Procédures et méthodes
Afin de permettre au Parlement de disposer avant l’été d’une
appréciation sur la situation financière des différentes administrations
publiques de l’année écoulée, la Cour présente en deux temps ses analyses
annuelles sur la situation et les perspectives financières de la sécurité
sociale :
- fin juin, le présent rapport, qui fait le point sur la situation de la
sécurité sociale l’année précédente, et s’appuie notamment sur le rapport de
certification des comptes du régime général de sécurité sociale relatif à
l’exercice 2019, établi en application de l’article LO. 132-2-1 du code des
juridictions financières et publié en mai 2020 ;
- à l’automne, le rapport sur l’application des lois de financement de
la sécurité sociale, prévu par les dispositions combinées des articles
LO. 132-3 du code des juridictions financières et LO. 111-3 paragraphe VIII
du code de la sécurité sociale, transmis au Parlement et au Gouvernement
afin d’accompagner le projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour l’année suivante.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes,
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’
indépendance
institutionnelle des juridictions financières et
l’indépendance statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles
effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique que toutes les constatations et
appréciations faites lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes
les
observations
et
recommandations
formulées
ensuite,
sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, la publication d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte, que la Cour se propose de publier, aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses sont présentées en annexe du texte de la Cour.
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COUR DES COMPTES
6
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié
à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets
ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives,
sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation
comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de
contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
Le projet de rapport soumis à la chambre du conseil a été préparé par
la sixième chambre de la Cour des comptes, présidée par M. Morin,
président de chambre, et composée MM. Diricq, Mme Carrère-Gée,
MM. Viola, Mme Latare, MM. de la Gueronnière, Mmes Bouzanne des
Mazery, MM. Fulachier, Appia, Mme Hamayon, MM. Feltesse, Carcagno,
Seiller et Houdebine, conseillers maîtres, MM. Guégano, Guéné, conseillers
maîtres en service extraordinaire.
Ce projet de rapport a été délibéré par la sixième chambre de la Cour
les 25 mai et 12 juin 2020.
Les travaux ont été effectués :
-
en tant que contre-rapporteur, par M. Viola, conseiller maître ;
- en tant que rapporteurs, par Mme Bouzanne des Mazery, conseillère
maître, M. Guéné, conseiller maître en service extraordinaire, M. Imberti,
auditeur, Mmes Pajevic et Tan, vérificatrices et MM Delmas et Dardigna,
experts de certification.
Le projet de rapport a été examiné et approuvé, le 18 juin 2020, par
le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes,
composé de M. Moscovici, Premier président, Mme Moati, M. Morin,
Mme Pappalardo, rapporteure générale du comité, MM. Andréani et
Terrien, Mme Podeur, M. Charpy, présidents de chambre, et Mme Hirsch
de Kersauson, Procureure générale, entendue en ses avis.
Le présent rapport, comme les autres rapports de la Cour, est
accessible en ligne sur le site internet de la Cour des comptes et des
chambres régionales et territoriales des comptes : www.ccomptes.fr. Il est
diffusé par
La Documentation française
.
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Délibéré
La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil en formation
plénière, a adopté le rapport sur
La sécurité sociale - les résultats de la
sécurité sociale en 2019 : l’interruption d’une longue séquence de retour
à l’équilibre.
Elle a arrêté ses positions au vu du projet communiqué au préalable
au ministre des solidarités et de la santé, au ministre de l’économie et des
finances ainsi qu’au ministre de l’action et des comptes publics. Un
exemplaire a été adressé au Premier ministre pour information.
Les destinataires n’ont pas souhaité apporter de réponse.
Ont participé au délibéré : M. Moscovici, Premier président,
Mme Moati, M. Morin, Mme Pappalardo, MM. Andréani, Terrien,
Mme Podeur, M. Charpy, présidents de chambre, M. Durrleman, président
de chambre maintenu en activité, MM. Perrot, Barbé, Bertucci, Tournier,
Courtois, Lefebvre, Ténier, Lair, Hayez, Mme Trupin, MM. Metzger,
De Gaulle, Guibert, Guaino, Zerah, Thornary, Ory-Lavollée, Antoine,
Mousson, Guéroult, Mmes Bouygard, Vergnet, M. Feller, Mme Démier,
MM. Frentz, Clément, Le Mer, Rousselot, Laboureix, Glimet, De Nicolay,
Mmes Latare, Dardayrol, MM. Brunner, Albertini, Berthomier, Potton,
Mme Périn, MM. Miller, Rolland, Cabourdin, Mme Dujols, M. Chatelain,
Mme Soussia, MM. Basset, Fulachier, Soubeyran, Mme Faugère,
MM. Belluteau,
Appia,
Mme
Fontaine,
M.
Strassel,
Mme
Gravière-Troadec, MM. Homé, Samaran, Dubois, Chailland, Mmes
Mattei, Toraille, Girardin, MM. Kruger, Giannesini, Mmes Hamayon,
Mondoloni,
MM. Bouvard,
Angermann,
Mme Riou-Canals,
M. Levionnois,
Mmes Thibault,
Dokhélar,
MM. Lejeune,
Vught,
Mmes Paillot-Bonnetat, De Mazières, MM. Carcagno, Advielle, Sitbon,
Montarnal,
Boullanger,
Seiller,
Mme
Mercereau,
MM. Michelet,
Duguépéroux, Mme Régis, MM. Colin de Verdière, Houdebine, Bonnaud,
Mme Deletang, conseillers maîtres, MM. Collin, Guégano, Mme Gastaldo,
MM. Carnot, Richier, Baert, Pelé, conseillers maîtres en service
extraordinaire.
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COUR DES COMPTES
8
Ont été entendus :
-
en sa présentation, M. Morin, président de la chambre chargée des
travaux sur lesquels le rapport est fondé et de la préparation du
rapport ;
-
en son rapport, Mme Pappalardo, rapporteure générale, rapporteure du
projet devant la chambre du conseil, assistée de M. Guéné, conseiller
maître en service extraordinaire, M. Imberti, auditeur, rapporteurs de
la chambre chargée de le préparer, et de M. Viola, conseiller maître,
contre-rapporteur devant cette même chambre ;
-
en
ses
conclusions,
sans
avoir
pris
part
au
délibéré,
Mme Hirsch de Kersauson, Procureure générale, accompagnée de
Mme Camby, Première avocate générale.
M. Lefort, secrétaire général, assurait le secrétariat de la chambre du
conseil.
Fait à la Cour, le 25 juin 2020.
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Synthèse
Le présent rapport analyse les comptes de la sécurité sociale pour
2019, exprimés en comptabilité générale, comme l’est la loi de financement
de la sécurité sociale.
Un déficit 2019 de faible montant, comme en 2018,
marquant l’interruption d’une longue séquence de retour à
l’équilibre
Alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019
(LFSS 2019) prévoyait le retour à l’équilibre de la sécurité sociale en 2019,
avec un léger excédent (de 0,1 Md
), le déficit du régime général et du
Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est reparti à la hausse pour s’établir à
1,9 Md
en 2019, contre 1,2 Md
en 2018. Cette dégradation de 0,7 Md
en 2019 contraste avec l’amélioration de plus de 3 Md
par an en moyenne
entre 2010 et 2018.
Compte tenu de l’enregistrement dans les comptes 2020 de 0,6 Md
de remises des entreprises pharmaceutiques se rattachant en réalité à 2019,
le déficit 2019 est en fait presque identique à celui de 2018.
La dégradation du solde du régime général et du FSV entre 2018 et
2019 est nettement plus limitée que prévu dans la partie rectificative de la
LFSS 2020, de 3,5 Md
. L’ampleur de cet écart de prévision est
inhabituelle : il a été en moyenne de seulement 0,7 Md
sur les années
2014-2018. La LFSS 2020 anticipait en effet un déficit de 5,4 Md
en 2019
dans sa partie rectificative, compte tenu des mesures d’urgence
économiques et sociales de fin 2018, non compensées à la sécurité sociale
(2,6 Md
), et des modifications des hypothèses d’évolution des dépenses
et des recettes par rapport à celles de la LFSS 2019, dont une moindre
progression de la masse salariale du secteur privé (+ 3 %, contre + 3,5 %)
et une accélération des dépenses.
Le déficit beaucoup plus réduit que prévu du régime général et du
FSV s’explique aux deux tiers par des recettes plus dynamiques,
notamment les cotisations des travailleurs indépendants et des salariés du
régime agricole, et, pour le tiers restant, par des dépenses moins
dynamiques, notamment de retraite.
Bien que modeste, la dégradation du solde du régime général et du
FSV en 2019 recouvre toutefois une détérioration plus importante en
termes structurels. La LFSS 2019 et les mesures d’urgence de fin 2018 ont
Les résultats de la sécurité sociale en 2019 - juin 2020
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COUR DES COMPTES
10
en effet réduit les recettes de 5,4 Md
et l’impact de cette baisse n’a été
que partiellement compensé par le léger fléchissement des dépenses.
Une progression toujours rapide des dépenses
La hausse des dépenses du régime général a légèrement fléchi en
2019, passant à 2,2 %, contre 2,4 % en 2018. Cet infléchissement résulte
en particulier d’une moindre revalorisation des prestations que celle qui
aurait résulté de l’indexation de droit commun sur l’inflation (+ 0,3 %
contre + 1,6 %). À défaut, les dépenses auraient crû plus vite en 2019 qu’en
2018.
La branche vieillesse est celle dont les dépenses ont été les plus
dynamiques en 2019. Elles ont crû de 2,6 %, contre 2,9 % en 2018, leur
ralentissement résultant principalement de la moindre revalorisation par
rapport à l’inflation.
Les dépenses de la branche famille ont légèrement baissé, sous
l’effet de la moindre revalorisation des prestations, de la réforme de la
prestation d’accueil du jeune enfant et de la baisse de la natalité.
Les dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance
maladie (ONDAM), prépondérantes parmi celles des branches maladie et
accidents du travail-maladies professionnelles, ont atteint, selon des
données encore provisoires, 200,3 Md
en 2019. Pour la dixième année
consécutive, l’objectif en montant fixé par les lois de financement de la
sécurité sociale a été respecté. Les dépenses ont augmenté de 2,6 % par
rapport à 2018, contre 2,5 % prévus en LFSS 2019, cet écart de 0,1 point
résultant d’un effet de base négatif lié aux dépenses réalisées en 2018, plus
faibles que prévu dans la LFSS 2019.
Les dépenses de soins de ville sont restées dynamiques (+ 2,7 %,
contre + 2,4 % en 2018), malgré la stagnation ou la baisse de certaines
dépenses (médicaments nets des remises, honoraires des médecins
généralistes). Les dépenses d’indemnités journalières, de prestations
d’auxiliaires médicaux et de transport ont accéléré par rapport à 2018 et la
hausse de celles de dispositifs médicaux est restée soutenue. Les économies
liées à la maîtrise médicalisée ont été réalisées seulement pour moitié.
Les dépenses relatives aux établissements de santé ont accéléré
(+ 2,5 %, contre + 2,0 % en 2018). Une incertitude affecte néanmoins leur
montant définitif, compte tenu de la « grève du codage » des séjours tarifés
à l’activité dans certains hôpitaux. En raison de la crise sanitaire, le déficit
hospitalier, qui constituait ces dernières années un « point de fuite » de
l’ONDAM, ne sera pas connu avant fin 2020. Comme en 2018, les
dotations aux établissements de santé n’ont pas été réduites par rapport à
Les résultats de la sécurité sociale en 2019 - juin 2020
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SYNTHÈSE
11
la prévision initiale. Comme en 2017 et en 2018, elles ont été abondées peu
avant l’arrêté des comptes de l’assurance maladie (en mars 2020) afin de
tenir compte d’une moindre progression que prévu des recettes liées aux
séjours tarifés à l’activité.
Des recettes nettement plus dynamiques que prévu
Malgré un important montant de mesures nouvelles négatives
(5,4 Md
), les recettes ont progressé de 2 % en 2019 après 3,4 % en 2018.
En effet, leur hausse spontanée, soit 3,4 %, a dépassé celle constatée pour
2018 (+ 3 %), comme celle actualisée pour 2019 par la LFSS 2020
(+ 2,6 %). Au global, l’évolution des recettes est restée proche de celle de
la principale assiette du financement de la sécurité sociale, la masse
salariale, dont la composante privée a crû de 3,1 % en 2019.
Une dette durable fin 2019, avant même la crise sanitaire
Le déficit du régime général et du FSV étant resté inférieur aux
ressources propres affectées à la Caisse d’amortissement de la dette sociale
(CADES), la dette sociale s’est de nouveau réduite pour atteindre
114,7 Md
fin 2019, en baisse de 13,4 Md
par rapport à fin 2018. La part
de la dette portée par la CADES a reculé de 16,3 Md
, mais celle financée
par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), par la
voie d’emprunts de courte durée, a augmenté de 2,9 Md
.
Depuis le dernier transfert de dette à la CADES en 2016, la dette
financée par l’ACOSS a ainsi augmenté chaque année pour s’établir à
25,6 Md
fin 2019. L’augmentation continue de la dette financière de
l’ACOSS, constituée à 95 % de titres émis sur les marchés monétaires,
l’exposait à des risques croissants de refinancement, avant même la crise
sanitaire, du fait de l’importance des refinancements à pratiquer. Compte
tenu d’une prévision par la LFSS 2020 de déficits jusqu’en 2023, ces
risques étaient appelés à s’accentuer.
La crise sanitaire : des perspectives financières bouleversées
en 2020
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoyait un
déficit de 5,4 Md
du régime général et du FSV en 2020, que le surcroît de
recettes constaté à fin 2019 aurait pu ramener à un niveau moins élevé.
Depuis la mi-mars 2020, la crise sanitaire a considérablement
augmenté les besoins de trésorerie de l’ACOSS sous l’effet des mesures
décidées par les pouvoirs publics, notamment l’octroi de délais de paiement
Les résultats de la sécurité sociale en 2019 - juin 2020
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COUR DES COMPTES
12
pour le versement des prélèvements sociaux et l’assouplissement des
conditions de recours au chômage partiel, et, plus encore, de l’impact de la
dégradation de la situation économique sur ses recettes. Selon le rapport de
la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) de juin 2020, le
déficit du régime général et du FSV atteindrait un niveau sans précédent de
52 Md
en 2020. Le plafond de l’endettement financier de l’ACOSS a de
ce fait été relevé, de 39 Md
dans la LFSS 2020 à 70 Md
en mars, puis à
95 Md
en mai.
Depuis la fin février, l’ACOSS a considérablement accru ses
emprunts. Les investisseurs sur les marchés monétaires sur lesquels
l’ACOSS se finance habituellement (à Paris pour le programme NeuCP et
à Londres pour le programme ECP) ne pouvant à eux seuls absorber les
besoins de financement suscités par la crise sanitaire, l’ACOSS a dû
diversifier ses sources de financement. Elle a ainsi souscrit pour 17 Md
d’emprunts exceptionnels auprès de la Caisse des dépôts et consignations,
dont 10 Md
au-delà de leur convention annuelle, et 22,5 Md
supplémentaires provenant d’un pool de banques. Ces opérations négociées
hors marché ont
in fine
pris la forme d’achat par la CDC et les banques de
titres ACOSS sur le marché monétaire de Paris (NeuCP). Au total, au
12 juin 2020, l’ACOSS, à travers ses financements habituels de marché et
les financements exceptionnels précités, avait levé plus de 62 Md
supplémentaires par rapport à la fin février.
Une reprise massive de dette par la CADES, qui en repousse
le terme de la durée de vie de 2024 à 2033
Un projet de loi en cours d’examen par le Parlement
1
prévoit la
reprise par la CADES de 136 Md
de dette sociale. Outre 31 Md
au titre
des déficits fin 2019 de la branche maladie du régime général et du FSV,
ainsi que du régime de retraite des non-salariés agricoles et de la caisse
nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), ce
montant comprend 92 Md
au titre des déficits anticipés entre 2020 et 2023
des branches maladie, famille et vieillesse du régime général, du FSV et du
régime de retraite des non-salariés agricoles. Il intègre par ailleurs la
couverture par la branche maladie de 13 Md
au plus d’échéances
d’emprunts des hôpitaux publics. Au total, ces nouveaux transferts
porteraient à près de 400 Md
le total des reprises de dette par la CADES
depuis sa création en 1996.
1
Projet de loi relatif à la dette sociale et à l’autonomie, déposé le 27 mai 2020.
Les résultats de la sécurité sociale en 2019 - juin 2020
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SYNTHÈSE
13
Un projet de loi organique
2
rend possible cette reprise de dette par
la CADES, sans affecter à cette dernière de ressources nouvelles à même
d’empêcher un allongement de sa durée de vie au-delà du terme de 2024
estimé avant la crise sanitaire. Il prévoit en effet que l’ensemble de la dette
transférée à la CADES sera amorti d’ici 2033. L’objectif d’extinction à
terme de la dette sociale par des ressources affectées est ainsi maintenu,
mais l’horizon en est reculé de dix ans.
Une reprise de dette réalisée sans définition d’une nouvelle
trajectoire de retour à l’équilibre de la sécurité sociale
Une part prépondérante de la reprise de dette (92 Md
sur 136 Md
)
porte sur des exercices pour lesquels une nouvelle loi de financement de la
sécurité sociale n’a pas révisé les soldes prévus par la LFSS 2020.
Contrairement au budget de l’État, le bouleversement des
perspectives financières de la sécurité sociale n’a pas conduit le
Gouvernement à déposer un projet de loi de financement rectificative. La
révision des prévisions de recettes, de dépenses et de soldes relatives à
2020 et aux exercices suivants est ainsi renvoyée au projet de loi de
financement pour 2021, déposé en octobre prochain, ce qui est tardif.
En outre, il n’est pas prévu à ce stade de mesures d’économies, mais
de réduire à partir de 2024 les ressources affectées à la CADES afin de
financer des dépenses supplémentaires liées à la dépendance. Cela conduit
à allonger d’une à deux années la durée de l’amortissement des dettes
transférées à la CADES.
La reprise de dette ne s’inscrit donc pas dans une démarche globale
de maîtrise des finances publiques, qui supposerait de vérifier que toute
décision de nouvelle dépense soit compatible avec la trajectoire de finances
publiques.
Une nouvelle trajectoire de retour de la sécurité sociale à l’équilibre
est donc à définir.
2
Projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie, déposé le 27 mai
2020.
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Chapitre I
Un déficit 2019 de faible montant,
comme en 2018
Après avoir décru de près de 28 Md
entre 2010 et 2018, le déficit
agrégé des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du fonds
de solidarité vieillesse (FSV) a légèrement augmenté en 2019 pour s’établir
à 1,7 Md
, contre 1,4 Md
en 2018 (voir graphique n° 1). Cette hausse
limitée fait suite à une réduction sensible en 2018 (- 3,3 Md
).
Graphique n° 1 : évolution du déficit agrégé des régimes obligatoires
de base de sécurité sociale et du FSV (2008-2019, en Md
)
Source : Cour des comptes d’après les données des rapports de la CCSS.
Le déficit agrégé du régime général et du FSV
3
, principale
composante de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV,
explique en grande partie cette évolution. En 2019, il a atteint 1,9 Md
,
contre 1,2 Md
en 2018 (soit une augmentation de 0,7 Md
après une
réduction de 3,9 Md
en 2018).
3
Les données d’exécution 2019 pour le régime général et le FSV sont celles des
comptes définitifs arrêtés le 16 mars 2020.
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COUR DES COMPTES
16
I - Un déficit 2019 proche de celui de 2018
La dégradation de 0,2 Md
du déficit des régimes obligatoires de
base et du FSV résulte d’une détérioration de 0,7 Md
du solde du régime
général et du FSV (voir tableau n° 1) en partie compensée par
l’amélioration de 0,5 Md
du solde des régimes de base autres que le
régime général.
Ainsi, le solde des régimes de base autres que le régime général est
passé d’un déficit de 0,2 Md
en 2018 à un excédent de 0,3 Md
en 2019,
du fait principalement de l’augmentation de 0,1 Md
en 2018 à 0,4 Md
en 2019 de l’excédent de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des
professions libérales (CNAVPL), en raison notamment de charges de
compensation démographique moins élevées. Le déficit de la Caisse
nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) a pour
sa part augmenté, passant de 0,6 Md
à 0,7 Md
. Les soldes des autres
régimes pris dans leur ensemble n’ont que marginalement évolué en 2019.
Tableau n° 1 : évolution du solde détaillée par régime
et branche (2014-2019, en Md
)
2014
2015
2016
2017
2018
2019
Maladie
- 6,5
- 5,8
- 4,8
- 4,9
- 0,7
- 1,5
AT-MP
0,7
0,7
0,8
1,1
0,7
1,0
Famille
- 2,7
- 1,5
- 1,0
- 0,2
0,5
1,5
Vieillesse
- 1,2
- 0,3
0,9
1,8
0,2
- 1,4
Régime général
- 9,7
- 6,8
- 4,1
- 2,2
0,5
- 0,4
FSV
- 3,5
- 3,9
- 3,6
- 2,9
- 1,8
- 1,6
Vieillesse + FSV
- 4,7
- 4,2
- 2,8
- 1,1
- 1,6
- 3,0
Total régime général et FSV
- 13,2
- 10,8
- 7,8
- 5,1
- 1,2
- 1,9
Régimes obligatoires de base (ROB)
- 9,3
- 6,4
- 3,4
- 1,9
0,3
- 0,1
Total ROB + FSV
- 12,8
- 10,3
- 7,0
- 4,8
- 1,4
- 1,7
Note : les totaux sont exacts à l’arrondi près.
Source : Cour des comptes d’après notamment les comptes des branches du régime général et du
FSV et le rapport de la CCSS de juin 2020.
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UN DÉFICIT 2019 DE FAIBLE MONTANT, COMME EN 2018
17
Ont contribué à la dégradation du solde agrégé du régime général et
du FSV (voir graphique n° 2) la branche vieillesse, dont le solde est
redevenu déficitaire (- 1,4 Md
, en dégradation de 1,6 Md
par rapport à
2018) ; la branche maladie, dont le solde (- 1,5 Md
) s’est sensiblement
détérioré (- 0,7 Md
par rapport à 2018).
En revanche, l’excédent de la branche famille s’est accru de 1,1 Md
par rapport à 2018 pour atteindre 1,5 Md
. De même, celui de la branche
AT-MP a crû pour atteindre 1,0 Md
(+ 0,3 Md
par rapport à 2018).
Pour sa part, le déficit du FSV s’est réduit pour atteindre 1,6 Md
(soit une amélioration de + 0,2 Md
par rapport à 2018). Au global, le
déficit de la branche vieillesse et du FSV s’est à nouveau dégradé, de
1,6 Md
à 3 Md
.
Graphique n° 2 : évolution par branche du solde agrégé du régime
général et du FSV (2008-2019, en Md
)
Source : Cour des comptes d’après notamment les comptes des branches du régime général et du
FSV pour l’exercice 2019 (mars 2020).
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18
La dégradation du déficit du régime général et du FSV entre 2018 et
2019 doit cependant être relativisée. En effet, dans le cadre de la procédure
de certification des comptes du régime général de sécurité sociale
4
, la Cour
a constaté que 0,6 Md
de produits de remises versées par les entreprises
pharmaceutiques au titre de l’autorisation temporaire d’utilisation (ATU)
de certains médicaments et post-ATU ont été enregistrés à tort dans les
comptes de l’exercice 2020, alors qu’ils auraient dû l’être dans ceux de
l’exercice 2019. Cela a conduit à dégrader de 0,6 Md
le solde de la
branche maladie à laquelle cette recette est affectée.
Si, comme ils auraient dû l’être, ces 0,6 Md
de remises
pharmaceutiques avaient été intégrés aux recettes de l’assurance maladie
en 2019, le déficit du régime général et du FSV se serait établi à 1,3 Md
en 2019, soit un niveau quasiment identique à celui de 2018.
II - Un déficit 2019 plus élevé qu’en loi
de financement pour 2019, mais beaucoup plus
faible que la prévision révisée de la loi
de financement pour 2020
A - Une forte révision à la hausse de la prévision
du déficit 2019 dans la LFSS 2020
La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019 avait
prévu que le régime général et le FSV reviendraient en 2019 à l’équilibre,
pour la première fois depuis 2001, sous la forme d’un léger excédent
(de 0,1 Md
).
Cette prévision de solde a été fortement révisée à la baisse dans la
partie rectificative pour 2019 de la LFSS 2020 (voir tableau n° 2), un déficit
du régime général et du FSV de 5,4 Md
étant alors anticipé. Par rapport à
la LFSS 2019, la dégradation du solde du régime général et du FSV (soit
5,5 Md
) résultait principalement de la dégradation du solde du régime
général, qui passait d’un excédent attendu de 2,1 Md
à un déficit de
3,1 Md
, alors que le déficit du FSV se dégradait à la marge (de 0,3 Md
).
4
Cf. Cour des comptes,
Rapport sur la certification des comptes du régime général de
la sécurité sociale – Exercice 2019,
mai 2020, La Documentation française, disponible
sur www.ccomptes.fr.
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UN DÉFICIT 2019 DE FAIBLE MONTANT, COMME EN 2018
19
Tableau n° 2 : comparaison des soldes 2019 avec les prévisions
(en Md
)
2018
2019
Résultat
LFSS
2019
LFSS
2020 (1)
Résultat
(2)
Écart
(2)-(1)
Maladie
- 0,7
- 0,7
- 3,0
- 1,5
1,5
AT-MP
0,7
1,1
1,1
1,0
- 0,1
Famille
0,5
1,1
0,8
1,5
0,7
Vieillesse
0,2
0,6
- 2,1
- 1,4
0,7
Régime général
+
0,5
+ 2,1
- 3,1
- 0,4
2,7
FSV
- 1,8
- 2,0
- 2,3
- 1,6
0,7
Vieillesse + FSV
- 1,6
- 1,4
- 4,4
- 3,0
1,4
Total régime général et FSV
- 1,2
+ 0,1
- 5,4
- 1,9
3,5
Régimes obligatoires de base
(ROB)
+ 0,3
+ 1,8
- 3,3
- 0,1
3,2
Total ROB + FSV
- 1,4
- 0,2
- 5,5
- 1,7
3,8
Note : les totaux sont exacts à l’arrondi près et la ligne relative aux régimes obligatoires de base inclut
le régime général.
Source : Cour des comptes d’après les LFSS 2019 et 2020, les comptes des branches du régime général
et du FSV pour l’exercice 2019 et le rapport de la CCSS de juin 2020.
La dégradation de 5,5 Md
du solde prévisionnel 2019 dans la
LFSS 2020 par rapport à la LFSS 2019 avait deux causes essentielles,
d’égale importance sur un plan financier.
En premier lieu, les dispositions de la loi du 24 décembre 2018
portant mesures d’urgence économiques et sociales (MUES), adoptées
après la LFSS 2019, se sont traduites par 2,7 Md
5
de pertes de recettes
pour le régime général et le FSV, en l’absence de compensation par l’État.
Ces moindres recettes correspondaient à la réintroduction d’un taux de
CSG de 6,6 % (au lieu de 8,3 %) sur les pensions de retraite des ménages
dont le revenu est inférieur à certains seuils
6
(- 1,5 Md
) et à l’avancement
au 1
er
janvier 2019 de l’exonération des cotisations salariales sur les heures
supplémentaires initialement prévue au 1
er
septembre 2019 par la
LFSS 2019 (- 1,2 Md
).
5
Le chiffre a depuis lors été révisé à 2,6 Md
.
6
Par exemple, dans le cas d’une personne seule, un revenu fiscal de référence inférieur
ou égal à 22 579 euros par an.
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20
En second lieu, indépendamment du coût de ces mesures, les
recettes et les dépenses actualisées dans la LFSS 2020 comportaient des
écarts significatifs par rapport aux prévisions de la LFSS 2019.
Ainsi, les hypothèses économiques pour 2019 retenues dans la
LFSS 2020
7
étaient moins favorables que celles prises en compte lors de
l’élaboration de la LFSS 2019. À elle seule, la révision de la prévision de
croissance de la masse salariale privée soumise à cotisations sociales
(+ 3,0 %, contre + 3,5 %, voir tableau n° 3) entraînait de l’ordre de 1 Md
de moindres recettes entre la LFSS 2019 et la prévision actualisée relative
à 2019 dans la LFSS 2020.
Tableau n° 3 : variations du PIB et de la masse salariale (en %)
2018
2019
Réalisé
Prévision
LFSS 201
9
Prévision
LFSS 2020
Réalisé
PIB en valeur
+ 2,8
+ 3,0
+ 2,7
+ 2,8
PIB en volume
+ 1,8
+ 1,7
+ 1,4
+ 1,5
Inflation (hors
tabac)
+ 1,6
+ 1,3
+ 1,0
+ 0,9
Masse salariale
(champ URSSAF)
+ 3,5
+ 3,5
+ 3,0
+ 3,1
Effectifs moyens
+ 1,9
+ 1,0
+ 1,5
+ 1,4
Salaire moyen
+ 1,6
+ 2,5
+ 1,5
+ 1,6
Source : Cour des comptes d’après les données de l’Insee (Insee Première du 29 mai 2020) et du
rapport de la CCSS de juin 2020
De plus, alors que la LFSS 2019 retenait une hausse prévisionnelle
des dépenses de 2,1 % en 2019, à champ constant par rapport à 2018, les
dépenses augmentaient de 2,5 % d’après la prévision de la LFSS 2020. Il
en résultait 1,4 Md
de dépenses supplémentaires par rapport à la
LFSS 2019.
7
Ces hypothèses ont été considérées par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP)
comme «
atteignable
» pour la prévision de croissance et «
cohérentes avec les
informations disponibles
» pour les prévisions d’inflation et de masse salariale (cf. avis
n° HCFP-2019-3 du 23 septembre 2019 relatif aux projets de lois de finances et de
financement de la sécurité sociale pour l’année 2020).
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UN DÉFICIT 2019 DE FAIBLE MONTANT, COMME EN 2018
21
B - En définitive, une dégradation limitée du déficit
Lors de l’arrêté des comptes définitifs de la sécurité sociale, le
16 mars 2020, le déficit agrégé du régime général et du FSV est ressorti à
1,9 Md
, soit un niveau considérablement plus faible, de 3,5 Md
, que la
prévision révisée de la LFSS 2020 (voir graphique n° 3).
Cet écart entre la prévision de la LFSS précédente et le réalisé est
inhabituel par son montant : il a été en moyenne sur les années 2014-2018
de seulement 0,7 Md
.
Il s’explique aux deux tiers par un surcroît de recettes et pour un
tiers par de moindres dépenses.
Les recettes assises sur les revenus d’activité ont ainsi été beaucoup
plus dynamiques qu’escompté.
S’agissant des salariés du secteur privé relevant du régime général,
les recettes ont été proches de celles attendues dans la mesure où la masse
salariale privée a progressé de 3,1 %
8
soit légèrement plus vite qu’anticipé
au moment de la LFSS 2020 (+ 3,0 %).
En revanche, les recettes assises sur les revenus professionnels des
travailleurs indépendants sont ressorties 1 Md
plus élevées qu’attendu au
moment de la LFSS 2020. Leurs revenus 2018, qui constituent l’assiette du
calcul définitif de leurs prélèvements sociaux 2019, ont surpris à la hausse.
De même, les cotisations collectées par la Mutualité sociale agricole
(MSA) ont été plus élevées que prévu (de 0,6 Md
) : la masse salariale a
crû de 4,9 %, contre une prévision de 2,4 % en LFSS 2020.
Les recettes assises sur le capital sont elles aussi ressorties à un
niveau plus élevé, de près de 0,7 Md
. Elles résultent d’une dynamique
plus forte de la plupart des assiettes (plus-values immobilières, rendements
de contrats d’assurance vie en unités de compte, épargne salariale et
dividendes).
Côté dépenses, les prestations se sont inscrites à un niveau inférieur
de 0,9 Md
à celui prévu par la LFSS 2020. Les prestations vieillesse ont
notamment été inférieures de 0,4 Md
à la prévision ; les prestations
maladie l’ont été également, de 0,2 Md
, compte tenu notamment d’un
ONDAM 2019 légèrement sous exécuté (de 0,1 Md
).
8
La croissance de la masse salariale privée, y compris la part non soumise à cotisations
sociales, a quant à elle été de 3,5 %, comme en 2018.
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22
Graphique n° 3 : passage des soldes prévus en LFSS 2019 et 2020
au solde finalement réalisé pour l’année 2019 (RG+FSV, en Md
)
Source : Cour des comptes d’après les données du rapport de la CCSS de juin 2020.
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23
III - Un déficit du régime général et du FSV
de nature structurelle
Méthodologies de calcul de l’effort structurel et du solde structurel
Pour identifier, dans l’évolution du solde effectif du régime général
et du FSV, ce qui n’est pas lié à la conjoncture économique, la Cour utilise
deux approches standard : par l’effort structurel et par le solde structurel.
Compte tenu du champ restreint à une partie des administrations
publiques, ces estimations sont à considérer avec une certaine précaution
car l’évolution des relations financières entre l’État et la sécurité sociale
d’une année à l’autre peut en perturber l’interprétation.
L’effort structurel
se décompose en un effort en recettes, qui
correspond à l’impact des mesures nouvelles en recettes, et un effort en
dépenses. Ce dernier est positif (négatif) lorsque la dépense en volume
9
croît
moins vite (plus vite) que le PIB potentiel en volume.
À cet égard, l’effort structurel en dépenses ne correspond pas au
montant d’économies réalisées pour maîtriser la dépense. Par exemple, sur
le champ des dépenses relevant de l’ONDAM, 3,8 Md
d’économies étaient
programmées pour 2019 dans le PLFSS 2019 par rapport à l’évolution
tendancielle de ces dépenses, de manière à ce que leur progression soit
limitée à 2,3 % en 2019 (objectif relevé ensuite à 2,5 % et finalement
exécuté à 2,6 %). Mais l’effort structurel qui en résulte est légèrement
négatif (- 0,3 Md
), l’ONDAM, exprimé en volume
10
, progressant
légèrement plus vite que la croissance potentielle du PIB en volume
(+ 1,4 %, contre + 1¼ %).
En ce qui concerne le
solde structurel (
dont la variation constitue
l’ajustement structurel
), la Cour applique la méthodologie utilisée dans
l’article liminaire du projet de loi de règlement pour 2018 à l’ensemble
constitué du régime général et du FSV. Le solde conjoncturel est constitué
de la perte de recettes liée à l’écart de production, qui est égal à la différence
accumulée entre la croissance effective et la croissance potentielle du PIB.
Le calcul de ce solde repose sur l’hypothèse que l’évolution spontanée des
recettes est fonction de la croissance du PIB en valeur avec une élasticité de
1,02. Le solde conjoncturel, ainsi que les facteurs exceptionnels, sont
ensuite déduits du solde effectif pour obtenir le solde structurel.
9
Calculée à partir de la dépense en valeur et du déflateur du PIB.
10
La croissance du déflateur du PIB s’est inscrite à 1,2 % en 2019.
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24
Pour 2019, l’effort structurel sous-jacent à la dégradation de
0,7 Md
du solde du régime général et du FSV, soit la partie de cette
évolution qui ne serait pas due à la conjoncture, serait fortement négatif à
- 4,4 Md
(voir l’encadré
supra
pour les aspects méthodologiques).
D’une part, le montant élevé des mesures nouvelles de baisse de
recettes a conduit à un effort en recettes négatif à hauteur de 5,4 Md
(voir
infra
). Elles comprennent notamment les 2,6 Md
de pertes de recettes de
la loi MUES et les 1,5 Md
de baisses de recettes prévues dans la
LFSS 2019 (suppression du forfait social pour l’intéressement dans les
entreprises de moins de 250 salariés et pour l’ensemble des versements
d’épargne salariale dans les entreprises de moins de 50 salariés et
exonérations de cotisations sociales des heures supplémentaires à partir du
1
er
septembre 2019).
D’autre part, les dépenses ont augmenté, à champ constant, de 1,0 %
en volume après 1,4 % en 2018, soit un niveau inférieur à la croissance
potentielle du PIB (+ 1¼ %), telle qu’elle est évaluée par le Gouvernement
dans le cadre du projet de loi de finances rectificative présenté au conseil
des ministres du 10 juin 2020, ce qui conduit à un effort en dépense positif
de 1,0 Md
. Cet effort traduit autant l’infléchissement de la dépense en
valeur, celle-ci ayant ralenti de 0,2 point de pourcentage entre 2018 et
2019, passant de + 2,4 % à + 2,2 %, que l’accélération des prix
11
, leur
augmentation étant passée de 1,0 % en 2018 à 1,2 % en 2019.
L’ajustement
structurel,
c’est-à-dire
la
variation
du
solde
structurel
, est une mesure moins directe de l’action des pouvoirs publics,
puisqu’il est également affecté par l’élasticité des recettes du régime
général et du FSV à la croissance du PIB, mais doit être aussi examiné car
il fait l’objet, au niveau de l’ensemble des administrations publiques, des
engagements européens de la France. Il marque aussi une détérioration en
2019, mais plus limitée que celle de l’effort structurel.
Ainsi, toujours avec les hypothèses d’écarts de production du
Gouvernement, le solde conjoncturel s’améliorerait (de l’ordre de 1 Md
),
alors que le déficit effectif du régime général et du FSV s’est, lui, détérioré
de 0,7 Md
entre 2018 et 2019. Pour une part, cette détérioration est liée à
un facteur exceptionnel, à savoir la non-comptabilisation d’une partie des
remises des entreprises pharmaceutiques à hauteur de 0,6 Md
en 2019
(
voir supra
). Une fois corrigée de ce facteur exceptionnel, la composante
structurelle du déficit se dégraderait d’un peu plus de 1 Md
par rapport à
2018 pour atteindre - 2,5 Md
environ en 2019.
11
Au sens du déflateur du PIB.
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25
Tableau n° 4 : estimation du solde structurel du régime général
et du FSV (en Md
)
2018
2019
Solde du régime général et du FSV
- 1,2
- 1,9
Recettes
394,6
402,5
Écart de production
+ 0,05 %
+ 0,3 %
Solde conjoncturel
+ 0,2
+ 1,2
Facteurs exceptionnels
+ 0,0
- 0,6
Solde structurel
- 1,4
- 2,5
Source : Cour des comptes d’après les données du rapport de la CCSS de juin 2020, du projet de
loi de finances rectificative présenté au conseil des ministres du 10 juin 2020 et de l’Insee
(Informations rapides du 29 mai 2020).
Cette dégradation de 1,1 Md
du solde structurel est sensiblement
plus faible que l’effort structurel (- 4,4 Md
), alors que ces deux notions
ont pour objet de traduire une même réalité économique. Cette différence
s’explique notamment par le fait que certaines recettes ont connu une
croissance spontanée plus rapide que ce qu’implique l’élasticité moyenne
des recettes au PIB sous-jacente au calcul du solde conjoncturel. Ainsi les
recettes du régime général et du FSV ont crû spontanément de 3,4 % en
2019 (
voir infra
), alors que le PIB a augmenté en valeur de 2,8 %, ce qui
conduit ainsi à une élasticité de 1,2 là où en moyenne cette élasticité est
quasiment unitaire.
En définitive, la faible dégradation du déficit du régime général et
du FSV en 2019 recouvre deux évolutions plus marquées : d’une part, une
dégradation structurelle forte imputable aux mesures nouvelles pesant sur
les recettes entrées en vigueur en 2019 et, d’autre part, une évolution
spontanée dynamique des recettes.
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Chapitre II
Une progression toujours rapide
des dépenses
Suivant les retraitements retenus par la Commission des comptes de
la sécurité sociale, les dépenses nettes
12
du régime général et du FSV ont
augmenté en 2019 de 2,2 %, soit un rythme légèrement inférieur à 2018
(+ 2,4 %)
13
.
La revalorisation des prestations sociales à un niveau plus faible que
l’inflation a joué un rôle important dans ce ralentissement. Ainsi, la
LFSS 2019 prévoyait une revalorisation de + 0,3 % de la plus grande partie
des prestations
14
au 1
er
janvier 2019, alors que l’application de la règle de
droit commun d’indexation sur l’inflation constatée aurait entraîné une
revalorisation de 1,6 %. Selon le rapport de la CCSS de septembre 2019,
cette différence de 1,3 point de revalorisation a permis une économie en
dépense d’environ 2 Md
(soit 0,5 point de ralentissement de l’augmentation
des dépenses des branches du régime général). En d’autres termes, sans la
revalorisation des prestations à un niveau plus faible que l’inflation, la
dépense aurait crû plus vite en 2019 (+ 2,7 %) qu’en 2018 (+ 2,4 %).
Comme le montre le tableau ci-après, malgré la revalorisation
limitée à 0,3 % des prestations au 1
er
janvier 2019, les dépenses nettes de
la branche vieillesse sont celles qui ont crû le plus rapidement en 2019, de
2,6 %, suivies par celles de la branche maladie (+ 2,4 %). Pour leur part,
celles de la branche famille ont connu une légère baisse.
12
Les dépenses nettes correspondent aux charges comptabilisées au titre de postes de
dépenses, majorées (minorées) des dotations nettes (reprises nettes) aux provisions pour
risques et charges et pour dépréciation de créances.
13
Ce constat est identique à champ constant dans la mesure où il n’y a pas eu de mesures
de périmètre significatives sur la dépense en 2019.
14
Cette moindre revalorisation n’a pas été appliquée à l’allocation de solidarité aux
personnes âgés (minimum vieillesse), à l’allocation de veuvage, ainsi qu’à des
prestations hors sécurité sociale (notamment le revenu de solidarité active et l’allocation
supplémentaire d’invalidité). Pour la liste exhaustive, voir l’article 68 de la LFSS 2019.
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28
Tableau n° 5 : dépenses nettes du régime général et du FSV
par branche (en Md
)
2018
(1)
Variation
en %
2019 dans
la LFSS
2020
Réalisé
2019
(2)
Variation
en %(2)/(1)
Maladie
211,5
+ 2,4 %
217,2
216,6
+ 2,4 %
Vieillesse
133,6
+ 2,9 %
137,5
137,1
+ 2,6 %
Famille
49,9
+ 0,0 %
50,2
49,9
- 0,1 %
AT-MP
12,0
+ 2,7 %
12,1
12,2
+ 1,6 %
Total régime
général + FSV
395,8
+ 2,4 %
405,6
404,5
+ 2,2 %
Note : les totaux et les variations sont exacts à l’arrondi près.
Source : Cour des comptes d’après les données du rapport de la CCSS de juin 2020.
I - Un nouveau relèvement de l’objectif
de dépenses maladie et AT-MP
relevant de l’ONDAM
L’analyse des dépenses des branches maladie et AT-MP doit
distinguer celles, prépondérantes dans leur total, qui relèvent de l’objectif
national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), fixé par la
LFSS annuelle et composé à 97 % de prestations, et les autres dépenses.
Les dépenses relevant de l’ONDAM
L’ONDAM comprend toutes les prestations légales maladie-
maternité et AT-MP, les dotations aux établissements de santé et médico-
sociaux et les rémunérations forfaitaires accordées aux professionnels de
santé, sous réserve de quelques exceptions : les indemnités journalières
maternité et paternité, les pensions d’invalidité, les rentes d’accidents du
travail – maladies professionnelles, l’allocation de cessation anticipée
d’activité des travailleurs de l’amiante, les capitaux-décès et la part des
dotations aux établissements et services médico-sociaux (ESMS) financée
par les ressources propres de la Caisse nationale de solidarité pour
l’autonomie (CNSA).
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UNE PROGRESSION TOUJOURS RAPIDE DES DÉPENSES
29
Les dépenses de prestations intégrées à l’ONDAM ne tiennent pas
compte de charges accessoires qui viennent les majorer (dépréciations et
admissions en non-valeur de créances d’indus, au titre notamment des
participations forfaitaires et franchises venant en réduction des dépenses).
Les dépenses prises en compte au titre de l’ONDAM sont les
dépenses dont la date de soins est comprise dans l’année. Elles comprennent
ainsi les dépenses provisionnées à la clôture de l’exercice comptable
15
, mais
pas les dépenses nées au cours de l’exercice antérieur. Elles sont diminuées
de certaines recettes (remises versées par les entreprises pharmaceutiques et
contribution à la charge des organismes complémentaires).
La direction de la sécurité sociale établit sur tableur la comptabilité
des dépenses relevant de l’ONDAM à partir des données communiquées par
les régimes de sécurité sociale dans des tableaux de centralisation des
données comptables (TCDC). Compte tenu de la volumétrie des données, la
mise en place d’un état de rapprochement entre les TCDC d’une part et les
dépenses intégrées et non intégrées à l’ONDAM d’autre part apparaît
nécessaire afin de prévenir d’éventuelles erreurs.
En 2019, selon des données encore provisoires, le montant des
dépenses relevant de l’ONDAM s’est établi à 200,3 Md
. Pour la dixième
année consécutive, l’objectif en montant fixé par les lois de financement a
été respecté. D’après le chiffrage établi par le ministère de la santé, les
dépenses ont augmenté de 2,6 % par rapport à 2018, contre 2,5 % prévu en
LFSS 2019, sous l’effet d’un écart négatif d’exécution de près de 200 M
des dépenses par rapport à l’ONDAM 2018 prévisionnel
16
.
15
En pratique, les provisions intègrent aussi des dépenses dont la date de soins est
antérieure à l’exercice (pour un montant de l’ordre de 0,1 Md
).
16
La LFSS 2019 a fixé un taux de 2,5 % pour l’ONDAM 2019 par référence à un
ONDAM 2018 prévisionnel qui s’est révélé supérieur de 200 M
à l’ONDAM 2018
exécuté. Rapporté à une base inférieure de 200 M
à celle prise en compte dans la
LFSS 2019, le taux de progression des dépenses a ainsi atteint 2,6 % en 2019.
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COUR DES COMPTES
30
Tous les sous-objectifs
17
de l’ONDAM prévus par la LFSS 2019 ont
été respectés. C’est notamment le cas du sous-objectif des soins de ville
qui, depuis 2015, avait systématiquement dépassé ce niveau. Les dépenses
relatives aux établissements de santé sont quant à elles restées en sous-
exécution pour la dixième année consécutive, malgré l’apport aux hôpitaux
publics et privés non lucratifs, pour la troisième année, de dotations
complémentaires versées après le 31 décembre
18
.
Une certaine incertitude affecte néanmoins les dépenses définitives
relatives aux établissements de santé. Les tensions croissantes dans le
fonctionnement des hôpitaux se sont traduites par des interruptions du
codage des séjours tarifés à l’activité (T2A) facturés à l’assurance maladie,
en particulier à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). D’autres
incertitudes concernent une partie des autres prises en charge.
A - Un objectif 2019 moins contraignant
que les précédents
La LFSS 2019 a fixé l’ONDAM à 200,3 Md
, soit une progression
de 2,5 % à périmètre constant
19
, qui marquait une accélération des
dépenses par rapport à 2018 (+ 2,3 %) et 2017 (+ 2,1 %).
La prévision d’évolution de l’ONDAM était ainsi rehaussée par
rapport à la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, qui
prévoyait une progression annuelle de 2,3 % sur la période. Le
desserrement de l’objectif en 2019 devait accompagner la stratégie « Ma
santé 2022 », dont l’impact sur 2019 était évalué à 400 M
.
17
Soins de ville, établissements de santé, établissements et services médico-sociaux
pour personnes âgées, établissements et services médico-sociaux pour personnes
handicapées, fonds d’intervention régional (FIR), et autres prises en charge.
18
Ces dotations sont intégrées aux comptes de l’assurance maladie pour l’exercice
2019, établis en droits constatés.
19
Le périmètre des dépenses de l’ONDAM a peu évolué en 2019. Il intègre désormais
les traitements de substituts nicotiniques (32 M
), tandis qu’à l’inverse, les postes de
médiateurs interrégionaux sont désormais financés par le budget de l’État (2,5 M
). La
LFSS 2020 a par ailleurs intégré à l'ONDAM 2019, au sous-objectif des « autres prises
en charge », une subvention à l’établissement français du sang (40 M
).
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UNE PROGRESSION TOUJOURS RAPIDE DES DÉPENSES
31
Tableau n° 6 : montants et taux de progression de l’ONDAM
dans les lois de financement de la sécurité sociale (2013-2019)
(en Md
)
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
ONDAM voté
175,4
179,1
182,3
185,2
190,7
195,2
200,3
ONDAM rectifié
174,8
178,3
181,9
185,2
190,7
195,4
200,4
ONDAM exécuté*
173,7
178,1
181,8
185,1
190,7
195,2
200,3
Écart par rapport à
l'objectif
- 1,7
- 0,2
- 0,1
- 0,1
-
- 0,2
- 0,1
Taux de progression
voté
+ 2,7 %
+ 1,7 %
+ 2,0 %
+ 1,75 %
+ 2,1 %
+ 2,3%
+ 2,5%
Taux de progression
exécuté*
+ 2,1 %
+ 2,4 %
+ 2,0 %
+ 1,8 %
2,20% + 2,2%
+ 2,6%
* L’ONDAM définitif n’est fixé qu’en année n+2, après connaissance du montant définitif des remises
pharmaceutiques et des dépenses de soins rattachées à l’exercice. Pour l’ONDAM 2019, il s’agit du montant
exécuté prévisionnel.
Source : Cour des comptes à partir des informations des LFSS et de la DSS.
Le taux de progression des dépenses de soins de ville, identique à
celui de l’objectif global (+ 2,5 %, soit une cible de 91,5 Md
de dépenses)
dépassait l’objectif 2018 initial (+ 2,4 %), mais était inférieur à l’objectif
2018 révisé
20
(+ 2,7 %). Il visait notamment à couvrir les dépenses
nouvelles liées aux négociations conventionnelles avec les professionnels
de santé (plus de 800 M
, dont 220 M
au titre du reste à charge « 0 » en
matière d'optique, de prothèses dentaires et d'audioprothèses), ainsi que la
création d’une « réserve prudentielle » de 120 M
(voir annexe
infra
).
Le taux retenu pour les établissements de santé (+ 2,4 %, soit une
cible de 82,7 Md
) dépassait celui fixé dans la construction 2018 initiale
(+ 2 %) comme révisée (+ 2,1 %). Il intégrait l’application différée d'une
partie de la réforme « Parcours professionnels, carrières et rémunérations »
aux personnels hospitaliers (+ 170 M
) et le relèvement du financement du
fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés
(FMESPP) dans le cadre du plan « Ma santé 2022 » (+ 200 M
).
La
progression
prévisionnelle
des
dépenses
relatives
aux
établissements médico-sociaux (+ 2,2 %, soit une cible de 20,8 Md
) était
quant à elle en retrait par rapport à l’objectif initial de 2018 (+ 2,6 %), mais
dépassait celui révisé au titre de cette même année (+ 1,5 %).
20
C’est-à-dire révisé à l’occasion du vote de la LFSS 2019.
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32
Les deux autres sous-objectifs (fonds d’intervention régional ou
FIR, et autres prises en charge) ont également été rehaussés par rapport à
2018, avec des taux de progression respectifs de 4,8 % et de 6,3 % (soit des
cibles de 3,5 Md
et 1,9 Md
), contre 3,1 % et 3,4 % pour les objectifs
2018 initiaux et 2,3 % et 2,8 % pour les objectifs 2018 révisés.
Comme les années précédentes, la construction de l’ONDAM 2019
a présenté certaines faiblesses, détaillées en annexe à ce rapport.
B - Des dépenses dynamiques
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a relevé de
41 M
le montant global de l’ONDAM 2019, ainsi porté à 200,4 Md
,
contre 200,3 Md
dans la LFSS 2019, tout en conservant un taux
d’évolution de 2,5 %. Elle a par ailleurs effectué des redéploiements
d’ampleur limitée entre les différents sous-objectifs (voir tableau n° 7).
Au total, les dépenses prévisionnelles relatives aux établissements
médico-sociaux et aux autres prises en charge ont été majorées
(de + 130 M
et de + 80 M
21
respectivement). En revanche, ont été
réduites les prévisions de dépenses relatives aux soins de ville (de
- 127 M
) et, dans une moindre mesure, celles relatives aux établissements
de santé (- 42 M
).
21
Dont 40 M
correspondant à une dotation à l’Établissement français du sang.
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UNE PROGRESSION TOUJOURS RAPIDE DES DÉPENSES
33
Tableau n° 7 : montants et taux d’évolution initiaux et révisés
(en M
)
Objectif
2019
(LFSS
2019)
Évolution
en %
Objectif
2019
révisé
(LFSS
2020)
Évolution
en %
Variation
objectif
LFSS
révisée/
initiale
Soins de ville
91 508
2,5%
91 381
2,3%
- 127
Dont réserve prudentielle
120
0
- 120
Établissements de santé
82 592
2,4%
82 550
2,4%
- 42
Établissements de santé tarifés à
l'activité
61 801
2,4%
61 760
2,4%
- 42
Autres dépenses relatives aux
établissements de santé
20 791
2,5%
20 791
2,5%
0
Dont FMESPP (1)
647
44,3%
647
44,3%
0
Établissements médico-sociaux
20 826
2,2%
20 956
2,8%
130
ESMS personnes âgées
9 456
2,1%
9 586
3,5%
130
ESMS personnes handicapées
11 370
2,2%
11 370
2,2%
0
FIR
3 508
4,8%
3 508
4,8%
0
Autres prises en charge
1 893
8,5%
1 973
10,8%
80
Total ONDAM
200 326
2,5%
200 367
2,5%
41
(1) Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés.
Source : Cour des comptes d’après les informations de la direction de la sécurité sociale.
En définitive, le montant réalisé des dépenses est légèrement
inférieur à la prévision révisée (à hauteur de 59 M
) comme initiale (à
hauteur de 18 M
). Par rapport à cette dernière, les principaux écarts
portent sur les dépenses relatives aux soins de ville et aux établissements
médico-sociaux.
Comme en 2018, les dépenses relatives aux établissements de santé
sont moindres que celles prévues par la LFSS annuelle (2019). Il en va de
même, contrairement aux années précédentes, des dépenses de ville.
À périmètre constant, la progression globale des dépenses ressort à
2,6 % par rapport à l’ONDAM 2018 exécuté (contre + 2,2 % en 2018) et à
2,5 % par rapport à l’ONDAM 2018 prévisionnel, ce dernier ayant été
sous-exécuté (voir
supra
).
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COUR DES COMPTES
34
Parmi les principaux postes de dépenses, les dépenses de soins de
ville ont été les plus dynamiques, malgré un jour ouvré de moins qu’en
2018 (à périmètre constant de dépenses, + 2,7 % de hausse constatée,
contre + 2,4 % en 2018 et un objectif 2019 révisé à + 2,3 %).
Tableau n° 8 : exécution 2019 comparée aux objectifs initiaux et
révisés et à celle de 2018 (en M
)
A –
Réalisé
2019
provisoire
B –
Écart à
l'objectif
2019
initial
(LFSS
2019)
C –
Écart à
l'objectif
2019
révisé
(LFSS
2020)
D -
Variation
2019/
2018*
en M
E -
Variation
2019/
2018*
en %
F -
Variation
2018/
2017**
en %
Soins de ville
91 403
- 105
22
2 398
2,7%
2,4%
Établissements de santé
82 512
-8 0
- 38
1 974
2,5%
2,0%
Établissements de santé
tarifés à l'activité
61 772
- 29
12
1 374
2,3%
1,8%
Autres dépenses relatives
aux établissements de
santé
20 740
- 51
- 51
600
3,0%
2,6%
Dont FMESPP (1)
647
0
0
198
44,2%
655,5%
Établissements médico-
sociaux
20 935
109
- 21
472
2,3%
1,9%
ESMS personnes âgées
9 578
122
- 8
304
3,3%
2,0%
ESMS personnes
handicapées
11 357
- 13
- 13
168
1,5%
1,8%
FIR
3 513
5
5
164
4,9%
2,4%
Autres prises en charge
1 946
54
- 27
92
5,0%
3,6%
Total ONDAM
200 309
- 18
- 59
5 100
2,6%
2,2%
Note de lecture : le tableau présente l’écart entre le réalisé 2019 et les objectifs initial et révisé (colonnes B et C) et
le taux d’évolution entre les réalisés 2019 et 2018 (colonnes D et E).
(1) Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés.
Source : Cour des comptes d’après les informations de la direction de la sécurité sociale.
1 - Une forte dynamique des soins de ville, atténuée par la hausse
des remises pharmaceutiques
Les dépenses de soins de ville (91,4 Md
) ont connu une sous-
exécution de 105 M
par rapport au sous-objectif initial. Si ce dernier
n’avait pas été majoré par la « réserve prudentielle » (120 M
), une légère
sur-exécution aurait été constatée. Par rapport à la prévision révisée, les
soins de ville ont terminé l’année avec une sur-exécution de 22 M
.
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UNE PROGRESSION TOUJOURS RAPIDE DES DÉPENSES
35
L’accélération des dépenses de soins de ville en 2019 (+ 2,7 %,
contre + 2,4 % en 2018) recouvre deux évolutions bien distinctes : une
stagnation des dépenses de médicaments et une hausse plus rapide des
autres postes de dépenses. Hors médicaments nets des remises et hors
prises en charge des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux
(PAM), la hausse des soins de ville a en effet atteint 3,4 % en 2019, contre
3,1 % en 2018.
Les dépenses relatives aux médicaments, nettes de remises, n’ont
pratiquement pas augmenté en 2019 (+ 0,0 %, contre - 0,9 % en 2018) :
les remboursements de médicaments ont ralenti (+ 1,0 %, contre + 2,3 %
en 2018). Les dépenses de médicaments vendus en officine ont
augmenté de 2,5 % (+ 2,4 % en 2018), tandis que celles des
pharmacies hospitalières ont baissé 10,9 % (+ 1,4 % en 2018)22 ;
les remises conventionnelles versées par les entreprises pharmaceutiques
(1,7 Md
), qui viennent en réduction des dépenses de médicaments,
ont fortement augmenté (+ 16,2 %) et dépassé la prévision révisée (à
hauteur de 162 M
).
La plupart des autres postes de dépenses ont continué à croître à un
rythme rapide, souvent plus élevé qu’en 2018 : les indemnités journalières
(+ 5,0 % contre + 4,6 %), les transports de malades (+ 4,2 %
23
contre
+ 3,9 %), les dispositifs médicaux (+ 4,1 % contre + 4,3 % en 2018), les
soins infirmiers (+ 4,0 % contre + 3,7 %) et de masso-kinésitherapie
(+ 3,0 % contre + 2,5 %), les honoraires des médecins spécialistes (+ 2,3 %
contre + 3,1 %) et des chirurgiens-dentistes (+ 4,4 % contre + 1,7 %) et,
enfin, les actes de biologie (+ 2,4 % contre - 1,2 %).
22
Le circuit de délivrance des médicaments a été modifié en 2018. Ceux qui visent à
traiter l’hépatite C, notamment, peuvent désormais être délivrés en officine.
23
À périmètre constant de dépenses entre 2018 et 2019. En 2019, 216 M
de dépenses
de transports inter-hospitaliers ont été transférées au sous-objectif des établissements
de santé (au titre de l’application de l’article 80 de la LFSS 2017).
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36
En revanche, les honoraires des omnipraticiens ont baissé de 0,3 %
(contre + 4,0 % en 2018), après deux années marquées par les
revalorisations de la convention médicale de 2016, notamment une hausse
du tarif de la consultation de 23 à 25 euros pour un médecin généraliste de
secteur 1 à partir de mai 2017.
Les plus fortes accélérations reflètent des évolutions réglementaires
ou des accords conventionnels. Ainsi, les dépenses de soins dentaires ont
été portées par des revalorisations tarifaires de soins conservateurs
accordées pour la mise en
œ
uvre du « 100 % santé » ou « reste à charge
0
»
24
; les soins conservateurs ont enregistré des hausses significatives
tant au niveau des volumes que des tarifs
25
. La hausse des dépenses de
biologie est quant à elle pour partie liée au remboursement à partir de
janvier 2019 du diagnostic prénatal non-invasif
26
, en marge du protocole
de modération des dépenses pour la période 2017-2019 conclu par
l’assurance maladie avec les représentants de cette profession.
Au total, les indemnités journalières, les dispositifs médicaux, les
honoraires paramédicaux et ceux de médecine de spécialité ont contribué
de manière déterminante à l’évolution des dépenses de soins de ville en
2019 : ils ont ainsi été à l’origine de 70,6 % de la hausse totale des dépenses
de 2,4 Md
, alors qu’ils représentent 50,1 % des dépenses.
24
Cette mesure est applicable depuis le 1
er
janvier 2019 pour les frais d’audioprothèses
et depuis le 1
er
avril 2019 pour des actes prothétiques dentaires avec le plafonnement
de tarifs (1
er
janvier 2020 pour les frais d’optique). Le « reste à charge 0
» pour les
actes prothétiques et pour les frais d’optique est entré en vigueur le 1
er
janvier 2020
(1
er
janvier 2021 pour les frais d’audioprothèse).
25
Selon la CNAM, +55 % en volume pour les inlays et onlays, avec le passage de trois
tarifs de remboursement, compris entre 19,28
et 40,97
, à un tarif unique de 100
.
26
Test sanguin de dépistage de la trisomie 21, limitant le recours à l’amniocentèse.
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37
Tableau n° 9 : dépenses de soins de ville 2018 et 2019 (en M
)
27
Exécuté
201
à périmètre
2019
Réalisé
2019
provisoire
Variation
2019/2018
Variation
2019/2018
en %
Variation
2018/2017*
en %*
Médicaments nets
des remises
22 372
22 381
9
0,0 %
- 0,9 %
Médicaments
23 824
24 069
245
1,0 %
2,3 %
dont hors rétrocession
21 142
21 678
537
2,5 %
2,4 %
dont rétrocession
2 683
2 391
- 292
- 10,9 %
1,4 %
Remises conventionnelles
- 1 452
- 1 688
- 236
16,2 %
102,0 %
Dispositifs médicaux
7 121
7 413
291
4,1 %
4,3 %
Honoraires médicaux
18 916
19 229
313
1,7 %
3,5 %
dont médecins généralistes
6 232
6 211
- 21
- 0,3 %
4,0 %
dont médecins spécialistes
12 381
12 664
283
2,3 %
3,1 %
Honoraires des
chirurgiens-dentistes
3 727
3 889
162
4,4 %
1,7 %
Honoraires paramédicaux
12 795
13 323
528
4,1 %
3,7 %
dont infirmiers
7 823
8 135
313
4,0 %
3,7 %
dont masseurs-
kinésithérapeutes
4 104
4 229
125
3,0 %
2,5 %
Transports des malades
4 498
4 685
187
4,2 %
3,9 %
Biologie
3 471
3 554
83
2,4 %
- 1,2 %
Indemnités journalières
11 797
12 387
590
5,0 %
4,6 %
Cotisations PAM
2 436
2 611
175
7,2 %
1,7 %
Autres dépenses
1 872
1 930
59
3,1 %
5,3 %
Total soins de ville
89 005
91 403
2 398
2,7 %
2,4 %
Total soins de ville hors
cotisations PAM
86 569
88 792
2 223
2,6 %
2,4 %
Source : Cour des comptes d’après les informations de la direction de la sécurité sociale.
27
La ventilation des dépenses entre certains sous-postes soit n’a pas été confirmée par
la direction de la sécurité sociale, soit n’a pas été transmise par cette dernière de manière
détaillée à la Cour, pour les années 2017 et 2018, alors que cette ventilation est
susceptible d’affecter les variations affichées.
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COUR DES COMPTES
38
L’accélération des dépenses de soins de ville en 2019 dénote la
portée globalement limitée des actions de maîtrise médicalisée.
Des économies liées à la maîtrise médicalisée des dépenses
très en deçà des objectifs
La maîtrise médicalisée des dépenses de ville vise les volumes et la
structure de prescription des médicaments et des dispositifs médicaux et, en
dehors des produits de santé, les indemnités journalières, les transports de
malades, les soins d’infirmiers et de masso-kinésithérapie ou encore la
biologie. Au total, sur les 760 M
d’économies prévues initialement pour
2019, 376 M
ont été réalisées selon la CNAM, soit un taux de réalisation
de 49 % contre 65 % en 2018. Il s’agit du plus faible taux de réalisation
depuis 2005, année à partir de laquelle des actions de maîtrise médicalisée
des dépenses ont commencé à être mises en
œ
uvre.
S’agissant des médicaments, les économies s’élèveraient à 179 M
au regard d’un objectif de 340 M
. Sauf exception (antalgiques,
antibiotiques et anti-hypertension artérielle, hors entresto), leur taux de
réalisation est faible (53 % au global). Il l’est encore plus pour les dispositifs
médicaux (22 M
d’économies réalisées pour 50 M
attendues, soit 44 %).
En matière d’honoraires paramédicaux, d’indemnités journalières,
de transports et de biologie, les objectifs seraient respectivement atteints à
hauteur de 65 %, 53 %, 39 % et 35 %. Au total, ces postes n’auraient dégagé
que 161 M
d’économies, contre 305 M
attendus. L’économie affichée en
2019 au titre des indemnités journalières, peu documentée, résulte en réalité
de la hausse du tendanciel utilisé pour calculer la dépense hors maîtrise
médicalisée. Peu d’économies ont par ailleurs été réalisées sur les actes
médicaux (14 M
sur 65 M
attendues, soit 22 %).
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UNE PROGRESSION TOUJOURS RAPIDE DES DÉPENSES
39
2 - Une accélération des dépenses relatives aux établissements
de santé, publics et privés
Les dépenses relatives aux établissements de santé (82,5 Md
) sont
légèrement inférieures à l’objectif révisé (à hauteur de 38 M
), et en sous-
exécution de 80 M
par rapport à l’objectif initial.
Cette sous-exécution reflète pour partie un effet de base favorable
de 140 M
lié aux dépenses réalisées en 2018 et un niveau d’activité
hospitalière un peu inférieur aux données prévisionnelles retenues en
construction. Le respect de l’objectif a par ailleurs été facilité par une
dépense de médicaments relevant de la « liste en sus »
28
moindre
qu’attendue (à hauteur de 120 M
) du fait, pour l’essentiel, du rendement
des remises pharmaceutiques (+ 180 M
).
La sous-exécution des dépenses de l’ONDAM relatives aux
établissements de santé reste néanmoins à confirmer. En effet, les
incertitudes qui affectent traditionnellement l’estimation de l’activité
hospitalière en fin d’année ont été amplifiées en 2019 par la « grève » du
codage des séjours dans plusieurs établissements de santé, notamment
l’AP-HP. Ce mouvement social a conduit à verser à cette dernière des
dotations mensuelles destinées à compenser la baisse des recettes de T2A,
en prenant en compte pour novembre et décembre l’hypothèse d’une
activité un peu inférieure à celle constatée pour ces mêmes mois en 2018.
Compte tenu du poids de l’AP-HP dans l’offre de soins, de refus
ponctuels de codage dans d’autres établissements et d’un possible
glissement sur 2020 d’une partie du rattrapage de retards de codage durant
l’année (habituellement résorbés en fin d’année), le point d’arrivée de
l’exécution 2019 est entouré d’une imprécision que le contexte lié à la crise
sanitaire rendra difficile à lever.
Sous cette réserve, les dépenses relatives aux établissements de
santé ont accéléré (+ 2,5 %, contre + 2,0 % en 2018 et + 2,4 % dans les
prévisions initiale et révisée).
28
Ce terme désigne la prise en charge par l'assurance maladie de spécialités
pharmaceutiques, pour certaines de leurs indications thérapeutiques, en
s
us des tarifs
d'hospitalisation, lorsque ces indications présentent un caractère innovant.
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40
L’augmentation des dépenses relatives aux
établissements publics
et privés non lucratifs
(+ 2,0 %, contre + 1,6 % en 2018) a été tirée par
celle des dépenses de séjours facturées au titre de la tarification à l’activité
(+ 2,2 %, contre + 1,3 % en 2018). La hausse du volume d’activité,
estimée, après correction des jours ouvrés, à + 1,6 %, a quelque peu
dépassé celle de 2018 (+ 1,4 %), mais est restée inférieure à celle,
déclinante, des années précédentes (+ 2,6 % en 2015, + 2,2 % en 2016 et
+ 2,1 % en 2017). Par ailleurs, les dotations annuelles de fonctionnement
(DAF) qui financent les soins de suite et de réadaptation (SSR) et les soins
psychiatriques (PSY) ont plus augmenté en 2019 qu’en 2018. Les dotations
de missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC) ont
en revanche stagné.
Pour l’essentiel, l’augmentation significative des dépenses relatives
aux
établissements privés lucratifs
(+ 3,3 %, contre + 2,4 % en 2018)
reflète celle des dépenses liées à la tarification à l’activité (+ 2,8 %, contre
+ 1,9 % en 2018) et des MIGAC (+ 10,3 %, contre une baisse de 3,0 % en
2018). Par ailleurs, les dépenses relatives aux soins de suite et de
réadaptation et de psychiatrie ont à nouveau fortement augmenté.
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UNE PROGRESSION TOUJOURS RAPIDE DES DÉPENSES
41
Tableau n° 10 : évolution de l’« ONDAM hospitalier »
de 2018 à 2019
Exécuté
2018 à
périmètre
2019
Réalisé
provisoire
2019
Variation
2019/2018
Variation
2019/2018
en %
Variation
2018/2017
en %*
Établissements de santé
(1)+(2)+(3)+(4)
80 538
82 512
1 974
2,5 %
2,0 %
(1) Établissements publics
et privés non lucratifs
(a) + (b) + (c)
65 396
66 728
1 332
2,0 %
1,6 %
Établissements publics et
privés non lucratifs tarifés
à l’activité (a)
49 632
50 681
1 049
2,1 %
1,8 %
MCOO (tarification à
l’activité)
42 583
43 515
947
2,2 %
1,3 %
IFAQ MCOO
15
112
97
648,3 %
- 47,4 %
MIGAC
7 049
7 053
5
0,1 %
5,2 %
Dotations annuelles de
financement (SSR) (b)
14 765
15 044
279
1,9 %
0,9 %
Unités de soins de longue
durée (PSY) (c)
1 000
1 004
4
0,4 %
- 0,2 %
(2) Établissements privés
lucratifs tarifés à l’activité
(d) + (e)
14 409
14 886
477
3,3 %
2,4 %
Établissements privés
lucratifs tarifés à l’activité
(d)
10 766
11 091
325
3,0 %
1,8 %
MCOO (tarification à
l’activité)
10 580
10 872
292
2,8 %
1,9 %
MIGAC
151
166
15
10,3 %
- 3,0 %
IFAQ MCOO
36
53
17
48,7 %
- 0,8 %
Soins psychiatriques
(PSY) et de suite et de
réadaptation (SSR) (e)
3 643
3 795
152
4,2 %
5,5 %
(3) Dotations non régulées
284
251
- 32
- 11,5 %
11,8 %
(4) FMESPP
449
647
198
44,2 %
655,5 %
Source : Cour des comptes d’après les informations de la direction de la sécurité sociale.
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COUR DES COMPTES
42
Deux facteurs ont contribué à soutenir l’évolution des dépenses
relatives aux établissements de santé en 2019.
D’une part, comme il a été souligné, les remises versées par les
entreprises pharmaceutiques
au titre de l’autorisation temporaire
d’utilisation (ATU) de certains médicaments et post-ATU, qui viennent en
réduction des dépenses, n’ont, à tort, pas été comptabilisées par la branche
maladie dans l’exercice 2019, mais le seront dans l’exercice 2020
29
. Au
regard de ce constat, les 180 M
de remises ATU et post-ATU
correspondant aux produits délivrés en 2019 auraient dû être intégrées à
l’ONDAM 2019. Compte tenu par ailleurs du déclenchement de la clause
de sauvegarde suscité par le rattachement des remises à un exercice erroné
(qui a conduit le régime général à comptabiliser 72 M
de produits), les
dépenses de l’ONDAM 2019 sont majorées de 108 M
.
D’autre part, la progression ralentie de l’activité hospitalière, déjà
constatée en 2017 et 2018, mais aussi la prise en compte des difficultés des
établissements de santé dans le contexte de l’apparition en France de la
pandémie de Covid-19, ont conduit le ministère de la santé à attribuer des
dotations complémentaires aux établissements de santé publics et privés
non lucratifs, quelques jours avant la clôture des comptes de la branche
maladie
30
, comme cela avait déjà été le cas s’agissant de 2017 et de 2018.
Pour 2019, ces établissements ont ainsi bénéficié de 160 M
de
MIGAC
31
et DAF
32
complémentaires par rapport aux dotations
initialement prévues (ou 260 M
par rapport à celles déléguées fin
décembre 2019). Ces concours financiers se sont ajoutés au dégel en
décembre 2019 de la totalité des 416 M
de mises en réserve initiales, en
l’absence de risque identifié de dépassement du sous-objectif des dépenses
de soins de ville.
29
Cour des comptes,
Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité sociale
,
exercice 2019
, La Documentation française, mai 2020, 142 p.,
disponible sur www.ccomptes.fr.
30
Arrêté du 10 mars 2020 modifiant l'arrêté du 6 mars 2019 portant détermination pour
2019 de la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à
la contractualisation mentionnée à l'article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale.
31
Dotations relatives aux missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation.
32
Dotations annuelles de financement, destinées aux activités de soins psychiatriques
et de soins de suite et de réadaptation des établissements publics et privés non lucratifs
de santé.
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UNE PROGRESSION TOUJOURS RAPIDE DES DÉPENSES
43
Tableau n° 11 : régulation des dépenses relatives
aux établissements de santé en 2019 (en M
)
Établissements de santé
Coefficient
prudentiel
Dotations
(DAF et
MIGAC)
Dotation
prudentielle
(SSR /
PSY)
DMA
SSR
Total
Établissements
de santé
Mises en réserves initiales
305
85
20
6
416
Dégels de mises en réserve
305
85
20
6
416
Dotations complémentaires
(arrêté du 10/03/2020)
160
160
Total de la régulation y
compris dotations
complémentaires
305
245
20
6
576
Source : Cour des comptes d’après les informations de la direction de la sécurité sociale.
Des résultats 2019 des hôpitaux qui seront connus avec retard
Afin de tenir compte des conséquences de l’épidémie de
Covid-19 sur leur charge administrative, l’ordonnance n° 2020-428 du
15 avril 2020 portant diverses dispositions sociales pour faire face à
l'épidémie de Covid-19 a levé l’obligation de certification des comptes des
établissements publics de santé pour l'exercice 2019. La date de clôture des
comptes a par ailleurs été reportée à septembre 2020.
De ce fait, les résultats 2019 des établissements de santé ne seront
pas connus avant la fin de l’année. L’évolution du déficit hospitalier, qui
constituait ces dernières années un « point de fuite » des dépenses de
l’ONDAM, n’a ainsi pu être appréciée dans le cadre du présent rapport.
3 - Des dépenses médico-sociales plus dynamiques qu’en 2018,
malgré la création partielle des places prévues
En 2019, les dépenses exécutées au titre du sous-objectif médico-
social ont atteint 20,9 Md
, soit une progression de 2,3 % (contre + 1,9 %
en 2018), dont 9,6 Md
pour le financement des ESMS pour personnes
âgées (+ 3,3 %) et 11,4 Md
pour celui des ESMS pour personnes
handicapées (+ 1,5 %). Cette exécution est légèrement inférieure à
l’objectif révisé (- 21 M
), mais dépasse l’objectif initial de 109 M
.
Les résultats de la sécurité sociale en 2019 - juin 2020
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COUR DES COMPTES
44
Les dépenses de l’objectif global de dépenses (OGD)
33
, qui englobe
l’ONDAM médico-social et la part des dotations aux ESMS financées par
les ressources propres de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie
(CNSA), ont quant à elles augmenté de 2,5 %, ce qui marque là aussi une
accélération (+ 2,0 % en 2018).
Leur progression est cependant moindre que celle prévue par la
LFSS 2019 (+ 2,7 %). Si la LFSS 2020 a attribué 130 M
de dotations
supplémentaires à l’ONDAM médico-social 2019, à partir notamment de
la « réserve prudentielle » non consommée des soins de ville (120 M
), ce
transfert a surtout permis de réduire le prélèvement sur les réserves de la
CNSA par rapport à celui prévu (44 M
, contre 285 M
initialement
prévus). La progression des dépenses de l’OGD a également été freinée par
un gel de crédits de la CNSA.
Tableau n° 12 : exécution de l’OGD et de l’ONDAM médico–social
Objectif
initial
Objectif
révisé
Réalisé
Écart
réalisé /
initial
Objectif global de dépense (A)
22 493
NA
22 336
- 157
dont sous-exécution OGD (a)
- 35
dont gel de crédits OGD (b)
- 120
ONDAM médico-social (B)
20 826
20 956
20 935
109
dont dotation complémentaire ONDAM
(révisé) (c)
130
dont sous-exécution à l'objectif révisé (d)
- 20
Fonds propres de la CNSA
Reprises sur réserves pour financer l'ONDAM
- 285
- 44
- 241
dont sous-exécution OGD (a)
- 35
dont mesures de régulation (b+c)
- 250
dont sous-exécution ONDAM (d)
20
dont moindres recettes (CSA, CSG)
24
Source : Cour des comptes d’après les informations de la direction de la sécurité sociale.
33
L’OGD a pour objet d’encadrer les versements de l’assurance maladie aux
établissements et services médico-sociaux au titre des soins qui y sont délivrés. Ces
dépenses sont financées, à titre principal, par l’ONDAM médico-social et, pour le solde,
par les ressources propres de la CNSA : la « part activité » de la contribution de
solidarité pour l’autonomie (CSA), la contribution additionnelle de solidarité pour
l’autonomie (CASA), la fraction de CSG qui lui est affectée et, le cas échéant, un
prélèvement sur les réserves de cet organisme.
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UNE PROGRESSION TOUJOURS RAPIDE DES DÉPENSES
45
Malgré l’accélération des dépenses, les créations de places en ESMS
sont nettement inférieures aux prévisions initiales et ont baissé par rapport
à 2018. Selon la CNSA, seules 2 121 places sur 3 834 prévues, soit 55 %
(contre 2 925 places sur 5 758 prévues en 2018, soit 51 %) ont été réalisées
dans les établissements pour personnes âgées ; 2 268 places sur 2 940
prévues, soit 77 % (contre 2 588 sur les 4 180 prévues en 2018, soit 62 %)
l’ont été dans les établissements pour personnes handicapées.
4 - Une forte progression des autres prises en charge
Ce dernier sous-objectif, en sur-exécution de 54 M
par rapport au
sous-objectif initial (et en sous-exécution de 27 M
par rapport à la
prévision révisée), a finalement augmenté de 5,0 % par rapport à 2018.
Ce dynamisme traduit la hausse des dotations aux établissements
publics (intégration des dotations à l’Établissement français du sang
– EFS – au périmètre de l’ONDAM, augmentation de la dotation à l’Office
national d’indemnisation des accidents médicaux – ONIAM) et celle des
dépenses de soins des assurés français à l’étranger (+ 6,6 %). Sur ce dernier
point, la justification insuffisante des postes comptables relatifs aux
relations financières de l’assurance maladie avec ses homologues
étrangers, à nouveau relevé par la Cour dans le cadre de la certification des
comptes du régime général de sécurité sociale pour l’exercice 2019
34
, crée
une incertitude sur le montant effectif des dépenses prises en compte au
titre de l’ONDAM 2019 (830 M
).
II - Les autres dépenses maladie et AT-MP :
des évolutions de sens opposé
A - Une accélération globale des dépenses de prestations
hors ONDAM (17,9 Md
en 2019)
Les prestations maladie et AT-MP hors ONDAM ont accéléré en
2019, avec une croissance de 1,9 %, après 1,2 % en 2018.
34
Cour des comptes,
Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité sociale
,
exercice 2019
, La Documentation française, mai 2020, 142 p.,
disponible sur www.ccomptes.fr.
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46
Les dépenses à la charge de la CNSA pour les établissements
médico-sociaux (1 400 M
en 2019 après 1 368 M
en 2018), qui entrent
dans l’objectif global de dépenses (OGD) sans être financées par
l’ONDAM médico-social, ont été plus dynamiques en 2019 (+ 2,4 % après
1,6 % en 2018).
L’accélération des indemnités journalières maternité et paternité
(3,3 Md
, soit + 2,0 % en 2019 après + 1,1 % en 2018), malgré la baisse
de la natalité, traduit l’incidence de deux mesures de la LFSS 2019 :
l’alignement de la durée d’indemnisation du congé maternité des
travailleuses indépendantes sur celle des salariées et l’allongement de celle
du congé paternité pour les parents d’un enfant prématuré.
Après une croissance de 2,5 % en 2018, l’augmentation des
pensions d’invalidité (6,6 Md
) a fléchi (+ 2,2 %) sous l’effet de la
moindre revalorisation des prestations (+ 0,5 % en 2019 sur le montant
moyen des pensions
35
après + 0,8 % en 2018). La hausse du nombre de
bénéficiaires a eu le même effet qu’en 2018 sur les dépenses (+ 1,7 %).
Les prestations d’incapacité permanente (rentes AT-MP, soit
4,4 Md
en 2019) ont également ralenti (+ 0,4 % après 1,2 %) en raison
d’une moindre revalorisation (+ 0,5 % en 2019 après + 0,8 % en 2018) et
d’une moindre progression du nombre de bénéficiaires.
B - Les autres dépenses hors ONDAM
Parmi ces autres dépenses, les charges de gestion courante et autres
charges nettes (7,6 Md
) ont reculé en 2019 (- 0,5 %) après une légère
progression en 2018 (+ 0,4 %).
35
Cet effet correspond à la combinaison de la revalorisation de 1 % au 1
er
avril 2018 et
de 0,3 % au 1
er
avril 2019.
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UNE PROGRESSION TOUJOURS RAPIDE DES DÉPENSES
47
III - Des dépenses de la branche vieillesse
toujours dynamiques mais en décélération
Les dépenses de la branche vieillesse du régime général sont
composées à 94 % par des prestations légales de retraite (soit 129,3 Md
en 2019, dont 121,3 Md
au titre des salariés et 7,9 Md
de celui des
artisans-commerçants
36
). Leur évolution globale (soit + 2,6 % en 2019) est
identique à celle des dépenses relatives à ces prestations.
A - Une croissance plus faible des dépenses
de prestations de retraite
Les dépenses de prestations légales vieillesse ont crû de 2,6 % en
2019, moins qu’en 2018 (+ 2,9 %).
Tout d’abord, l’effet de la revalorisation a été plus faible en 2019
qu’en 2018. La revalorisation des prestations vieillesse du régime général
de 0,8 % au 1
er
octobre 2017 avait entraîné une augmentation du montant
moyen des pensions de 0,6 % en 2018. En 2018, les prestations n’ont pas
été revalorisées
37
. En 2019, elles l’ont été de 0,3 % au 1
er
janvier. Cette
chronique des revalorisations explique, à elle seule, la décélération de
0,3 point de pourcentage des dépenses de prestations entre 2018 et 2019.
Sur le champ des régimes alignés (salariés du régime général,
artisans et commerçants et salariés du régime agricole), les effectifs de
pensionnés ont crû de 1,5 % en 2019, soit un rythme voisin de celui de
2018 (voir graphique 4)
38
.
36
À la suite de la suppression des régimes de base de l’ex-régime social des
indépendants au 1
er
janvier 2018.
37
La revalorisation prévue au 1
er
octobre a été repoussée au 1
er
janvier 2019.
38
Ces effectifs ont été corrigés de l’effet de la liquidation unique des régimes alignés
(LURA). Un pensionné qui liquide sa retraite dans différents régimes n’est compté
qu’une seule fois.
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48
Graphique n° 4 : contribution des différents facteurs à l’évolution
des droits propres* (régimes alignés, en %)
*
Ensemble des droits à la retraite en dehors des droits dérivés (pension de réversion).
Source : direction de la sécurité sociale.
S’agissant des salariés du régime général, le flux des nouveaux
retraités (618 000 en 2019, contre 648 000 en 2018) s’est ralenti sous l’effet
de l’augmentation de l’âge moyen de départ à la retraite. Compte tenu de
l’épuisement des effets du relèvement de l’âge minimum légal de départ à
62 ans, cette évolution résulte notamment de l’allongement de la durée
d’assurance requise pour une retraite à taux plein, qui contribue à réduire
le flux des départs anticipés pour carrière longue (134 000 en 2019 sur le
champ du régime général, contre 151 000 en 2018), du bonus/malus des
retraites complémentaires, qui a pu inciter certains assurés à retarder leur
départ à la retraite et du relèvement de l’âge d’annulation de la décote
de 65 à 67 ans.
Le montant moyen des pensions a continué d’augmenter sous l’effet
du renouvellement de la population des pensionnés. En effet, les nouveaux
pensionnés ont en moyenne des retraites plus élevées que celles des autres
pensionnés comme de ceux qui décèdent. Cela s’explique en partie par des
durées d’assurance plus longues que celles des retraités décédés.
Au sein des droits propres (hors réversion) de prestations légales
vieillesse, les dépenses liées à l’allocation de solidarité aux personnes
âgées (ASPA, minimum vieillesse), soit 2,6 Md
en 2019 sur le champ des
salariés, ont été particulièrement dynamiques. Elles ont crû de 13,1 % en
2019, soit un peu plus de 300 M
de dépenses supplémentaires. Cette
Les résultats de la sécurité sociale en 2019 - juin 2020
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UNE PROGRESSION TOUJOURS RAPIDE DES DÉPENSES
49
dynamique reflète les revalorisations exceptionnelles de cette prestation
(+ 30
mensuels pour une personne seule au 1
er
avril 2018 et + 35
au
1
er
janvier 2019), qui ont majoré les prestations versées à leurs titulaires et,
s’agissant d’une prestation différentielle par rapport aux droits contributifs,
ont eu pour effet d’en augmenter le nombre (332 000 retraités en paiement
fin 2019, contre 288 000 fin 2018).
Pour leur part, les prestations de réversion (11,1 Md
sur le champ
des salariés) ont connu une augmentation limitée (+ 1,0 %), principalement
assurée par celle du nombre de leurs bénéficiaires (+ 0,9 %).
B - Une accélération des autres dépenses
Les dépenses de la branche vieillesse hors prestations (soit 7,5 Md
en 2019) ont fortement augmenté.
Les transferts de compensation démographique (3,7 Md
en 2019)
ont connu une vive augmentation (+ 12,0 %, après 8,6 % en 2018), sous
l’effet d’une dégradation des ratios démographiques dans les régimes
autres que le régime général. Après avoir légèrement baissé en 2018
(- 0,6 %), les autres transferts (2,2 Md
en 2019), principalement
constitués des transferts d’équilibrage, ont fortement augmenté (+ 9,1 %).
Les charges de gestion courante (1,5 Md
en 2019) se sont repliées
de 2,4 % en 2019 (- 1,3 % en 2018).
IV - Une légère baisse des dépenses
de la branche famille
Après avoir stagné en 2018 (+ 0,0 %), les dépenses de la branche
famille, qui sont constituées pour près de trois quarts par des prestations,
ont légèrement baissé en 2019 (- 0,1 %).
A - Des prestations légales en léger recul
Les prestations légales de la branche famille du régime général
(31,1 Md
) ont reculé légèrement en 2019 (- 0,7 %) après une stabilité en
2018 (+ 0,0 %). Cette évolution recouvre des mouvements de sens opposé
entre les différentes natures de prestations.
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50
Après avoir crû de 2,0 % en 2018, les dépenses de prestations
d’entretien en faveur de la famille (18,9 Md
en 2019, dont 12,7 Md
au
titre des allocations familiales) ont augmenté de 0,6 % en 2019.
Pour leur part, les dépenses relatives à la prestation d’accueil du
jeune enfant (PAJE, soit 11 Md
en 2019) ont de nouveau baissé en 2019,
à un rythme moins rapide qu’en 2018 (- 2,5 %, après - 3,3 % en 2018).
Les dépenses relatives aux autres prestations légales (1,2 Md
en
2019) ont quant à elles continué à être dynamiques en 2019 (+ 4,8 % après
+ 6,9 % en 2018). Notamment, l’allocation d’éducation de l’enfant
handicapé a crû de plus de 6 % pour la troisième année consécutive.
En 2019, deux facteurs ont favorisé le ralentissement de l’évolution
des dépenses de prestations légales prises dans leur ensemble. D’une part,
l’indexation a eu un impact plus limité qu’en 2018 sur l’évolution globale
des dépenses de prestations (+ 0,5 %, contre + 0,8 %) ; les prestations ont
en effet été revalorisées de 0,3 % au 1
er
avril 2019, après 1,0 % au
1
er
avril 2018. D’autre part, la natalité a poursuivi sa diminution engagée
en 2011 (753 000 naissances, contre 759 000 en 2018).
D’autres facteurs, liés notamment à des réformes, ont favorisé selon
le cas la hausse ou au contraire la diminution des dépenses de prestations.
Ainsi, parmi les prestations d’entretien, les dépenses relatives au
complément familial ont été plus dynamiques (+ 2,0 %) que celles des
allocations familiales et de l’allocation de rentrée scolaire (+ 0,1 %), en
raison de la poursuite en 2019 des effets de l’instauration du complément
familial majoré et de la réforme du complément familial dans les DOM. La
dynamique des dépenses de l’allocation de soutien familial ou ASF
(+ 2,7 %) reflète quant à elle l’augmentation du nombre de familles
monoparentales, ainsi que la hausse des dossiers traités par l’agence de
recouvrement des pensions alimentaires (ARIPA), créée en 2017, l’ASF
pouvant compléter la pension alimentaire perçue quand elle est inférieure
à son montant.
À l’inverse, la baisse des dépenses de la PAJE traduit la poursuite
de la diminution du recours au congé parental depuis le remplacement en
2015 du complément de libre choix d’activité par la prestation partagée
d’éducation de l’enfant (PrePare, moins élevée, versée moins longtemps et
partagée entre les deux parents) et l’effet en année pleine de l’alignement
au 1
er
avril 2018 du plafond de ressources et du montant de l’allocation de
base sur ceux, plus faibles, du complément familial.
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UNE PROGRESSION TOUJOURS RAPIDE DES DÉPENSES
51
B - Une hausse des autres dépenses liée à celles
d’action sociale
Les dépenses autres que les prestations légales (18,8 Md
) ont crû
de 0,9 % en 2019, après une quasi-stabilité en 2018.
Les prestations extra-légales (soit 5,6 Md
), qui recouvrent les
dépenses d’action sociale, ont fortement augmenté en 2019 (+ 3,3 %), alors
qu’elles avaient été atones en 2018 (+ 0,1 %), sous l’effet de la hausse des
subventions aux structures d’accueil des jeunes enfants.
Les transferts à la branche vieillesse (soit 10 Md
), au titre des droits
familiaux de retraite, soit l’assurance vieillesse des parents au foyer et les
majorations du montant de la retraite à partir du 3
ème
enfant, ont connu une
faible progression en 2019 (+ 0,4 %), comme en 2018 (+ 0,3 %).
Enfin, les charges de gestion courante (2,8 Md
) se sont repliées de
3,5 % en 2019, après un recul de 1,8 % en 2018.
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Chapitre III
Des recettes plus dynamiques que prévu
Alors que la LFSS 2020 prévoyait une progression des recettes
nettes
39
du régime général et du FSV en 2019 de 1,4 %, en net recul par
rapport à 2018 (+ 3,4 %), celle-ci a finalement atteint 2,0 %. En effet, les
recettes ont connu un dynamisme spontané plus fort qu’attendu (+ 3,4 %,
contre + 2,6 % dans la LFSS 2020), tandis que l’effet défavorable des
mesures nouvelles s’est accentué (- 5,4 Md
, contre - 4,5 Md
dans la
LFSS 2020).
Tableau n° 13 : recettes nettes 2019 du régime général et du FSV
(LFSS 2020 et réalisé, en Md
)
2018
(1)
Variation
2018/2017*
2019
LFSS
2020
Réalisé
2019
(2)
Variation
2019/2018
(2)/(1)
Cotisations sociales brutes
215,4
- 1,0 %
202,7
203,7
- 5,4 %
Cotisations prises en charge par l’État
nettes
6,0
- 1,2 %
5,2
5,3
- 11,4 %
CSG brute
116,7
+ 28,1 %
99,7
100,8
- 13,6 %
Autres contributions sociales brutes
11,2
- 15,8 %
6,8
6,8
- 39,9 %
Impôts et taxes bruts
37,3
- 20,5 %
77,9
77,0
+ 106,1 %
Dont TVA nette
0,6
- 94,4 %
41,0
Dont droits tabac
12,8
+ 7,9 %
13,0
+ 2,0 %
Dont taxe sur les salaires
13,3
- 3,2 %
12,3
- 7,3 %
Charges liées au non-recouvrement
- 2,0
- 31,7 %
- 1,8
- 1,6
- 19,1 %
Transferts nets reçus
3,7
- 1,5 %
3,6
4,0
+ 7,8 %
Autres produits nets
6,2
+ 11,6 %
6,2
6,7
+ 7,1 %
Total
394,6
+ 3,4 %
400,2
402,5
+ 2,0 %
* Variation nette de l’intégration en 2018 des produits du régime social des indépendants (RSI) au régime général.
Source : Cour des comptes, d’après les données de la LFSS 2020 et du rapport de la CCSS de juin 2020.
39
Dans la présentation retenue par la CCSS, les recettes nettes correspondent aux
produits comptabilisés au titre de recettes, minorés des pertes sur créances (admissions
en non-valeur, abandons de créances et remises de pénalités) et diminués (majorés) de
l’augmentation (de la diminution) des dépréciations de créances sur les redevables des
recettes et des provisions pour risques et charges à leur égard.
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54
I - Des mesures nouvelles qui pèsent
sur les recettes
A - Un effet négatif sur les recettes
à hauteur de 5,4 Md
Prises ensemble, les mesures nouvelles en recettes ont réduit de
5,4 Md
le montant des recettes du régime général et du FSV, alors qu’elles
l’avaient augmenté de 1,6 Md
en 2018. À ce titre, 2019 marque une
rupture par rapport aux années précédentes, où le solde des mesures
nouvelles en recettes était faiblement positif ou négatif, passé les fortes
augmentations de prélèvements sociaux intervenues entre 2011 et 2014
(voir graphique n° 5).
Graphique n° 5 : effet sur le solde du régime général et du FSV
des mesures nouvelles en recettes, nettes des mesures de périmètre
en dépenses (en Md
)
Source : Cour des comptes.
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DES RECETTES PLUS DYNAMIQUES QUE PRÉVU
55
B - Une réduction venant principalement de pertes
de recettes non compensées
À titre principal, pour - 4,1 Md
, ce solde négatif s’explique par des
mesures de pertes de recettes, non compensées à la sécurité sociale
par
dérogation au principe de compensation
40
.
Pour une part (- 1,5 Md
), ces mesures étaient prévues par la
LFSS 2019. Les principales sont la suppression du forfait social pour
l’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés et pour
l’ensemble des versements d’épargne salariale dans les entreprises de
moins de 50 salariés (- 0,5 Md
), ainsi que l’exonération au 1
er
septembre
2019 des cotisations salariales des heures supplémentaires (- 0,6 Md
).
Pour le reste (- 2,6 Md
), il s’agit de mesures de la loi du
24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales
(MUES) (réintroduction d’un taux de CSG de 6,6 % sur une partie des
pensions de retraite et avancement au 1
er
janvier 2019 de l’exonération des
cotisations salariales sur les heures supplémentaires).
Outre ces pertes de recettes, le solde négatif des mesures nouvelles
résulte également, pour - 1,2 Md
, du
déséquilibre
ex post
du schéma de
compensation de trois évolutions prévues par la LFSS 2019
: la
transformation du CICE en des allègements généraux de cotisations
patronales ; la compensation à l’Unédic de l’effet en année pleine de la
suppression des cotisations salariales chômage ; les rétrocessions à l’État
de prélèvements sur les revenus du capital (voir encadré
infra
). D’après la
LFSS 2020, ce déséquilibre était limité à - 0,5 Md
; le dynamisme
spontané des recettes a conduit à l’accroître.
40
Principe prévu par l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.
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56
Une recomposition de grande ampleur des recettes
La LFSS 2019 a procédé à une vaste recomposition des recettes de
la protection sociale, qui concerne non seulement le régime général et le
FSV, mais, plus largement, d’autres entités des administrations de sécurité
sociale en comptabilité nationale, ou ASSO (Unédic, AGIRC-ARRCO et
CNSA principalement). Cette recomposition recouvre trois évolutions :
-
la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi
(CICE) en des allègements généraux de cotisations patronales et la
révision concomitante de certaines exonérations ciblées se sont
traduites en 2019 par 24,1 Md
de pertes de recettes à compenser, dont
17,9 Md
pour le régime général et le FSV, 0,9 Md
pour l’Unédic et
5,3 Md
pour l’AGIRC-ARRCO ;
-
les cotisations salariales d’assurance chômage ont été supprimées en
deux temps en 2018, par une baisse du taux de cotisation de 1,45 point
au 1
er
janvier 2018, suivie d’une seconde de 0,95 point au 1
er
octobre.
L’effet en année pleine de cette dernière étape a conduit en 2019 à un
surcroît de perte de recettes à compenser de 4,3 Md
pour l’Unédic,
portant le total des pertes liées à cette mesure à 14,3 Md
;
-
afin de tirer les conséquences de la jurisprudence « de Ruyter » (CJUE,
26 février 2015,
Ministre de l’Économie et des Finances contre Gérard
de Ruyter
), trois prélèvements sur les revenus du capital (prélèvement
social, prélèvement de solidarité et contribution de solidarité pour
l’autonomie), jusque-là affectés au FSV et à la CNSA, ont été fusionnés
en un nouveau prélèvement de solidarité affecté à l’État. Par ailleurs,
0,7 point de CSG sur les revenus du capital ont été transférés à l’État,
afin d’aligner les taux de CSG sur les revenus d’activité et du capital
(à 9,2 %). Au total, ces mesures ont occasionné des pertes de recettes
de 5,5 Md
pour le FSV et de 2,4 Md
pour la CNSA.
L’ensemble de ces pertes de recettes sont compensées par l’État par
l’affectation de nouvelles fractions de TVA à la branche maladie pour
30,5 Md
et à l’ACOSS pour 5,1 Md
; les pertes de recettes des autres
entités des ASSO sont couvertes par des redéploiements internes. Au total,
la fraction de TVA nette affectée à la sécurité sociale a été portée en 2019 à
26 % du produit total de la taxe, soit 46,1 Md
, dont 41,0 Md
pour la
branche maladie et 5,1 Md
pour l’ACOSS au titre d’AGIRC-ARRCO.
Enfin, le solde quasi nul (- 0,1 Md
) des
autres mesures nouvelles
recouvre à titre principal la suppression du crédit d’impôt de taxe sur les
salaires (+ 0,5 Md
), la hausse des droits sur le tabac (+ 0,3 Md
), la
compensation par des recettes du régime général des pertes de cotisations
des régimes spéciaux liées à la réforme du CICE (- 0,6 Md
) et l’effet en
2019 de mesures antérieures relatives aux prélèvements sur les revenus de
placement (- 0,3 Md
).
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57
Le tableau ci-après récapitule les mesures en recettes en 2019.
Tableau n° 14 : effet des mesures nouvelles en recettes
sur les produits du régime général et du FSV en 2019 (en Md
)
Intitulé de la mesure
Prévision
LFSS 2020
Réalisé
Schéma de compensation de la LFSS 2019
- 0,5
- 1,2
Basculement CICE/exonérations de cotisations
- 17,6
- 17,9
Compensation à l’Unédic de la suppression des cotisations salariales chômage
- 4,2
- 4,7
Rétrocession de TVA par l’ACOSS (chargée en 2018 de la compensation des
pertes de recettes correspondantes à l’Unédic)
10,0
9,9
Transfert de CSG à l’Unédic
- 14,2
- 14,6
Réaffectation à l’État de prélèvements sur le capital
- 7,4
- 7,9
Transfert de prélèvements sur les revenus du capital
- 5,2
- 5,5
Réaffectation de CSG à la CNSA
- 2,2
- 2,4
Autres mesures de transferts de recettes
28,6
29,3
Affectation de TVA
30,1
30,5
Réaffectation de taxe sur les salaires à l’ACOSS (de fait, pour la compensation des
allègements généraux de cotisations patronales à l’AGIRC-ARRCO et à l’Unédic)
- 1,4
- 1,4
Compensation à l’Unédic et à l’AGIRC-ARRCO du basculement
CICE/exonérations
0,0
0,2
Mesures nouvelles hors schéma de compensation
- 3,9
- 4,3
Pertes de recettes non compensées
- 4,3
- 4,1
Mesures de la LFSS 2019
- 1,6
- 1,5
Lissage des seuils de CSG sur les revenus de remplacement
- 0,2
- 0,2
Abattement de l’assiette du forfait social
- 0,6
- 0,5
Exonération de CSG et CRDS sur les revenus du capital
- 0,2
- 0,2
Exonération au 1
er
septembre des cotisations salariales sur les heures
supplémentaires
- 0,6
- 0,6
Mesures de la loi mesures d’urgence économiques et sociales
- 2,7
- 2,6
Anticipation au 1
er
janvier de l’exonération de cotisations sur les heures
supplémentaires
- 1,2
- 1,1
Restauration du taux de CSG de 6,6 % sur une partie des retraites
- 1,5
- 1,5
Autres mesures
0,4
- 0,1
Compensation par le régime général des baisses de taux de cotisations maladie et
famille pour les régimes spéciaux
- 0,4
- 0,6
Effet en 2019 de mesures antérieures relatives aux prélèvements sur les revenus de
placement
- 0,3
- 0,3
Suppression du crédit d’impôt de taxe sur les salaires
0,5
0,5
Hausse des droits de consommation sur le tabac (LFSS 2018)
0,4
0,3
Autre
41
0,1
0,0
Total
- 4,5
- 5,4
Note : les totaux sont exacts à l’arrondi près.
Source : Cour des comptes, d’après les données de la LFSS 2019 et des rapports de la CCSS
de septembre 2019 (hypothèses sous-jacentes de la LFSS 2020) et juin 2020.
41
Notamment, effets sur les prélèvements sur les revenus d’activité de revalorisations
des carrières dans la fonction publique (LFI 2019) (+0,1 Md
) et effets du prélèvement
à la source sur les prélèvements sur les revenus du patrimoine (- 0,1 Md
).
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58
Au total, le solde des mesures nouvelles en recettes (-5,4 Md
)
excède largement la dégradation du solde du régime général et du FSV
(-0,7 Md
). Par branche, les mesures nouvelles ont réduit les recettes des
branches maladie, vieillesse et famille d’environ 1 % chacune, et de 4 %
celles du FSV. Elles atténuent ainsi l’amélioration du solde de la branche
famille et du FSV, représentent la quasi-totalité de la dégradation du solde
de la branche vieillesse et excèdent celle du solde de la branche maladie.
Tableau n° 15 : effet par branche des mesures en recettes
sur les produits du régime général et du FSV en 2019 (en Md
)
Maladie
AT-
MP
Vieillesse
Famille
FSV
RG+FSV
Schéma de
compensation
de la LFSS 2019
-0,7
0,0
0,3
-0,6
-0,2
-1,2
Mesures nouvelles
hors schéma
de compensation
-1,7
0,0
-1,8
0,0
-0,6
-4,3
Total
-2,4
0,0
-1,5
-0,6
-0,8
-5,4
Rappel : variation
par rapport à 2018
du solde des
branches
-0,8
0,3
-1,6
2,0
0,2
-0,7
Note : les totaux sont exacts à l’arrondi près.
Source : Cour des comptes, d’après les données de la LFSS 2019 et des rapports de la CCSS
de septembre 2019 et juin 2020.
II - Une évolution spontanée plus favorable
que prévu
Hors mesures nouvelles, les recettes du régime général et du FSV
ont augmenté de 3,4 %, soit davantage qu’en 2018 (+ 3,0 %) et que le
prévoyait la LFSS 2020 pour 2019 (+ 2,6 %).
Les recettes de cotisations, de contributions et d’autres impositions
assises sur les revenus d’activité ont ainsi connu une progression spontanée
plus forte en 2019 qu’en 2018 (+ 3,3 %, contre + 2,7 %), malgré une
croissance plus modérée de la masse salariale du secteur privé non agricole
(+ 3,1 %, contre + 3,5 %). Pour l’essentiel, ce dynamisme particulier
résulte de la progression, plus forte qu’anticipée au moment de la LFSS
2020, des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants
(+ 10,5 %) et de celles des salariés du régime agricole, dont la masse
salariale a progressé de 4,9 % cette même année.
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59
Tableau n° 16 : évolution spontanée des recettes du régime général et
du FSV par catégorie d’assiette (en Md
)
Assiette
Recettes
2019
Mesures
nouvelles
2018
Évolution
spontanée
2018
Mesures
nouvelles
2019
Évolution
spontanée
2019
Revenus d’activité
291,5
7,7
2,7 %
-38,4
3,3 %
Cotisations sociales
nettes
207,3
-8,4
3,2 %
-20,1
3,4 %
CSG activité nette
66,7
16,1
2,5 %
-17,0
3,9 %
Forfait social
5,3
0,0
4,0 %
-0,5
0,7 %
Taxe sur les
salaires
12,3
0,0
-3,1 %
-0,8
-1,4 %
Revenus de
remplacement
(CSG)
20,9
4,2
3,2 %
-1,7
2,1 %
Revenus du
capital
12,5
-0,3
5,4 %
-6,1
6,5 %
CSG capital
12,5
2,3
6,8 %
-1,5
7,0 %
Prélèvement social
et de solidarité
0,0
-2,6
3,3 %
-4,6
4,9 %
Autres assiettes
67,0
-10,0
3,0 %
40,9
2,3 %
Transferts
4,0
-
-1,5 %
-
7,8 %
Autres produits
nets
6,7
-
11,6 %
-0,1
8,6 %
Total
402,5
1,6
3,0 %
-5,4
3,4%
Note : les totaux sont exacts à l’arrondi près.
Source : Cour des comptes, d’après les données de la LFSS 2019 et des rapports de la CCSS
de septembre 2019 et juin 2020.
À l’inverse, les recettes de CSG sur les revenus de remplacement
ont présenté un moindre dynamisme spontané en 2019 qu’en 2018, en
raison principalement de la revalorisation plus limitée des prestations
d’assurance vieillesse, de 0,3 % en 2019, contre 0,6 % en 2018
42
.
42
Soit l’effet en année pleine en 2018 de la revalorisation de 0,8 % au 1
er
octobre 2017.
Les prestations d’assurance vieillesse n’ont pas été revalorisées en 2018.
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60
Après une année 2018 favorable du fait de l’entrée en application du
prélèvement forfaitaire unique (PFU), les recettes assises sur les revenus
du capital ont encore bénéficié en 2019 d’un important dynamisme
spontané (+ 6,5 % après + 5,4 %). Pour une part, ce dernier tient au
dynamisme des plus-values immobilières et des actifs détenus à travers des
contrats d’assurance vie en unités de comptes, plus fort qu’anticipé au
moment de la LFSS 2020.
Enfin, les prélèvements assis sur d’autres assiettes se sont révélés
spontanément moins dynamiques en 2019 qu’en 2018, du fait notamment
de la moindre progression spontanée des droits sur les tabacs et de la
contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S).
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Chapitre IV
Une dette sociale pérenne à fin 2019,
avant même la crise sanitaire
Dans les développements qui suivent, le terme de dette sociale
désigne les déficits des branches maladie, famille et vieillesse du régime
général et du FSV qui ont été transférés à la caisse d’amortissement de la
dette sociale (CADES) et ceux dont le financement, à défaut d’un tel
transfert, reste assuré par l’agence centrale des organismes de sécurité
sociale (ACOSS)
43
.
I - Une dette qui a continué à se réduire en 2019,
mais dont la part financée par l’ACOSS
a de nouveau augmenté
En 2019, les déficits des branches maladie, famille, vieillesse et du
FSV transférés à la CADES ont continué à être amortis par cette dernière,
après paiement des intérêts sur ses dettes financières, à partir des ressources
qui lui sont affectées pour un montant de 18,4 Md
(soit 16,3 Md
de CSG
et CRDS en 2019 complétés par un versement annuel de 2,1 Md
du Fonds
de réserve des retraites, prélevé sur les réserves de ce dernier
44
).
Entre 2016 et 2019, la conjonction de l’augmentation spontanée des
assiettes de la CSG et de la CRDS, de la baisse de l’endettement financier
et de la charge en intérêts de ce dernier a permis à la CADES de dégager
des excédents croissants, affectés à l’amortissement de la dette qui lui a été
transférée.
43
Le périmètre de la dette sociale n’intègre pas la branche AT-MP, dont l’équilibre est
assuré sur le moyen terme sans financement externe.
44
Ce prélèvement court de 2011 à 2024 compris. Il atteint 29,4 Md
au total.
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COUR DES COMPTES
62
Fin 2019, la dette restant à amortir par la CADES s’élevait à
89,1 Md
, contre 135,8 Md
fin 2016, au regard de 260,5 Md
de déficits
transférés à cet organisme depuis sa création en 1996.
Comme la capacité d’amortissement de la CADES (16,3 Md
en
2019
45
) est devenue supérieure en 2015 aux déficits constatés chaque
année, le total de la dette sociale portée par la CADES et l’ACOSS a
diminué au global depuis lors et jusqu’en 2019. Fin 2019, elle s’établissait
à 114,7 Md
, en baisse de 13,4 Md
par rapport à 2018.
Toutefois, les déficits des branches maladie, famille, vieillesse et du
FSV dont l’ACOSS assure le financement par des emprunts de très court
terme (moins de 12 mois) depuis le dernier transfert de dette à la CADES
en 2016, ont continué à augmenter en 2019. D’environ 15 Md
fin 2016,
le cumul de ces déficits a atteint 25,6 Md
fin 2019.
Tableau n° 17 : évolution de la dette sociale (2016-2019, en Md
)
2016
2017
2018
2019
Situation nette négative de la CADES (1)
135,8
120,8
105,3
89,1
Cumul à l’ACOSS des déficits maladie,
vieillesse, famille et FSV non repris
par la CADES (2)
14,6
20,9
22,7
25,6
Dette sociale totale en fin d’année (1)+(2)
150,5
141,6
128,1
114,7
Endettement financier net de l’ACOSS
pour les branches du RG
18,4
24,9
18,7
21,2
Source : Cour des comptes d’après les données des rapports CCSS.
Note de lecture : l’endettement financier net de l’ACOSS pour les branches du RG diffère du cumul
à l’ACOSS des déficits non repris par la CADES en raison d’une différence de périmètre (il intègre
la branche AT-MP, excédentaire depuis 2013) et d’objet (il retrace un besoin de trésorerie lié aux
décalages dans le temps entre les encaissements et les décaissements).
II - Des risques croissants à fin 2019
Depuis le dernier transfert de dette de l’ACOSS à la CADES en
2016, l’accumulation des déficits du régime général (hors AT-MP) et du
FSV a conduit l’ACOSS, au-delà de sa mission légale de gestion des
besoins de trésorerie infra-annuels, à porter une dette croissante dont
l’horizon d’amortissement dépasse l’exercice.
45
Correspondant au montant des ressources propres auquel ont été retranchées les
charges financières.
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UNE DETTE SOCIALE PÉRENNE À FIN 2019, AVANT MÊME LA CRISE
SANITAIRE
63
A - Une augmentation prévisible de la dette portée
par l’ACOSS, sans perspective d’amortissement
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 avait prévu le
transfert à la CADES de 15 Md
de dette maintenue à l’ACOSS. Son
amortissement devait être assuré par la réaffectation de 5 Md
de CSG
entre 2020 et 2022. De manière implicite, le solde de la dette maintenue à
l’ACOSS, soit 8 Md
, devait être amorti par les excédents du régime
général et du FSV à partir de 2019.
Par la suite, la LFSS 2020 a prévu que le régime général et le FSV
ne reviendraient pas à l’équilibre en 2019, mais connaîtraient d’importants
déficits en 2019 (5,4 Md
) et en 2020 (5,4 Md
), qui se résorberaient de
manière graduelle au cours des années suivantes, sans cependant que
l’équilibre soit atteint en 2023.
Compte tenu de cette dégradation des perspectives financières de la
sécurité sociale et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui
prohibe des réaffectations de recettes à la CADES si elles doivent aggraver
le déficit de l’année à venir
46
, la LFSS 2020 a annulé le schéma de transfert
de dette de l’ACOSS vers la CADES prévu par la LFSS 2019.
Par conséquent, les modalités selon lesquelles la dette maintenue à
l’ACOSS pourrait être amortie – accumulation d’excédents des branches
du régime général et du FSV ou transfert de dette à la CADES – n’étaient
pas définies au premier trimestre 2020.
46
Décision DC 2010-620 DC du 16 décembre 2010 sur la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2011.
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COUR DES COMPTES
64
B - Des risques de refinancement
Pour financer sa dette et les décalages de trésorerie, et comme le
prévoit l’article L. 139-3 du code de la sécurité sociale
47
, l’ACOSS ne peut
emprunter au-delà de douze mois. En 2019, près de 95 % de ses emprunts
prenaient la forme de titres émis sur les marchés monétaires de la place de
Paris, dénommés
Negotiable EUropean Commercial Papers
(NeuCP), et
de Londres, dénommés
European Commercial Papers
(ECP).
Dans les faits, la maturité moyenne de ces emprunts est bien
inférieure à 12 mois. En 2019, elle a été de l’ordre d’un peu moins d’un
mois et demi
48
. Ainsi, pour chaque euro de besoin de financement,
l’ACOSS a fait appel plus de 8 fois en moyenne au marché pour le couvrir.
Dit autrement, alors que son endettement financier brut était de 26,9 Md
fin 2019 (après 23,5 Md
fin 2018), l’ACOSS a émis pour 325,5 Md
de
titres sur le marché monétaire en 2019 sur des horizons très courts
(principalement en euros, en dollars et en livres sterling). Ces émissions
ont toutes été effectuées à des taux négatifs. L’ACOSS a réalisé 140 M
de
produits financiers à ce titre (141 M
en 2018).
Or, les dettes dont l’horizon d’amortissement dépasse l’année sont
généralement financées par des prêts d’une maturité proche de la maturité
escomptée pour l’amortissement de la dette. Dans la sphère sociale, tel est
non seulement le cas de la CADES, mais aussi de l’Unédic (voir encadré).
En effet, le financement à court terme d’une dette qui court sur
plusieurs années est porteur de risques de refinancement. En l’espèce, la
fréquence élevée des refinancements de la dette expose l’ACOSS a des
difficultés pour trouver la liquidité au moment voulu sur les marchés
financiers. Cela peut prendre la forme d’une difficulté soit à lever le
montant nécessaire à un moment donné si les marchés monétaires sont
provisoirement inopérants, en période de stress financier intense par
47
L’ACOSS peut avoir recours à des «
ressources non permanentes [qui] ne peuvent
consister qu’en des avances de trésorerie ou des emprunts contractés pour une durée
inférieure ou égale à douze mois auprès de la Caisse des dépôts et consignations ou
d’une ou plusieurs sociétés de financement ou d’un ou plusieurs établissements de
crédit agréés dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie
à l’accord sur l’Espace économique européen […]. Toutefois, l'Agence centrale des
organismes de sécurité sociale est également autorisée à émettre des titres de créances
négociables, dans les mêmes conditions de durée. Son programme d'émission fait
l'objet chaque année d'une approbation par les ministres chargés de sa tutelle
».
48
En 2019, la maturité moyenne a été de 46 jours pour les ECP, qui représentaient 74 %
du financement de marché, et de 16 jours pour les NeuCP, qui représentaient 19 % du
financement de marché.
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UNE DETTE SOCIALE PÉRENNE À FIN 2019, AVANT MÊME LA CRISE
SANITAIRE
65
exemple, soit, si les liquidités sont peu abondantes, à lever les fonds à un
coût acceptable.
Un financement prépondérant de la dette de l’Unédic par des
emprunts à moyen terme
49
Fin 2019, l’endettement financier net de l’Unédic se montait à
36,8 Md
. Il est financé sur les marchés financiers. Fin 2019, l’encours total
de financement atteignait 41,1 Md
. Il était composé d’emprunts
obligataires pour 29,9 Md
(soit 73 % du financement total), dont la
maturité moyenne était de 6 ans, de bons à moyen terme négociables, soit
des titres de maturité supérieure à un an (marché des NeuMTN), pour 5 Md
(soit 12 % du financement) et de titres de créances de court terme (NeuCP)
pour 6,2 Md
(soit 15 % du financement).
Depuis le dernier transfert de dette à la CADES en 2016 et avant le
déclenchement de la crise sanitaire à la mi-mars 2020, les marchés
monétaires ont fonctionné de manière ordonnée et la liquidité a été
abondante grâce à la politique monétaire accommodante de la BCE, ce qui
avait réduit les risques de refinancement.
En revanche, l’accroissement de la dette financée par l’ACOSS de
15,4 Md
en 2016 à 26,5 Md
en 2019 augmentait ces risques. Tel était
d’autant plus le cas que la LFSS 2020 prévoyait à nouveau un
accroissement de la dette portée par l’ACOSS de 6,8 Md
en 2020 qui
devait se traduire par un montant moyen d’emprunt sur l’année 2020 de
près de 30 Md
, avec un point haut attendu fin avril à hauteur de 36 Md
.
Au vu de la trajectoire financière pluriannuelle prévue par
l’annexe B à la LFSS 2020, la dette financée par l’ACOSS était susceptible
d’atteindre près de 50 Md
fin 2023, dès avant la crise sanitaire, à moins
de nouveaux transferts à la CADES. Ces transferts nécessitaient soit
l’affectation de ressources nouvelles permettant de ne pas repousser le
terme de la CADES, alors estimé à 2024, soit l’adoption d’une loi
organique prévoyant un allongement de la durée de vie de la CADES.
49
Réunion du bureau de l’Unédic du 28 avril 2020.
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Chapitre V
Éléments provisoires sur la situation
financière de la sécurité sociale en 2020
I - Une dégradation sans précédent du solde
du régime général et du FSV
A - Une prévision de déficit de plus de 50 Md
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 avait prévu
que le régime général et le FSV enregistreraient un solde déficitaire de
5,4 Md
en 2020. Compte tenu de l’effet base favorable du surcroît
inattendu de recettes en 2019 (estimé à 2,9 Md
), le déficit 2020 aurait pu
être sensiblement moins élevé si la crise sanitaire n’était pas survenue.
La crise sanitaire a bouleversé les prévisions de solde de la sécurité
sociale pour 2020 et, selon toute vraisemblance, les années suivantes.
Néanmoins, le Gouvernement n’a pas déposé à ce jour de projet de
loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2020, alors que,
concernant le budget de l’État, deux lois de finances rectificatives ont déjà
été promulguées le 23 mars et le 25 avril 2020, et qu’un projet de troisième
loi de finances rectificative a été soumis au Parlement.
Ainsi, les prévisions de recettes, de dépenses et de solde seraient
révisées uniquement dans le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2021, qui sera déposé début octobre sur le bureau de
l’Assemblée nationale.
Selon la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS),
dont le rapport a été publié le 16 juin, le déficit du régime général et du
FSV atteindrait 52 Md
en 2020, soit une dégradation de plus de 50 Md
par rapport au déficit de 2019 (1,9 Md
). Il s’agirait du déficit le plus élevé
jamais enregistré par la sécurité sociale.
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COUR DES COMPTES
68
Cette dégradation par rapport à la prévision initiale pour 2020 traduit
d’abord une révision à la baisse des recettes assises sur les revenus
d’activité de plus de 25 Md
, un recul de 9,7 % de la masse salariale du
secteur privé étant attendu en 2020, au lieu d’une hausse de 2,8 % dans la
LFSS 2020. En outre, le risque d’absence de versement
in fine
d’une partie
des prélèvements sociaux reportés est estimé à 5,7 Md
par le
Gouvernement. Par ailleurs, les recettes fiscales (TVA notamment)
subiraient une forte baisse par rapport à la prévision (de l’ordre de 10 Md
).
En revanche, les exonérations et annulations de cotisations prévues
par le troisième PLFR pour 2020, pour les secteurs ayant dû cesser leur
activité par décision administrative ou indirectement affectés par ces
décisions, estimées à 3 Md
, n’auraient pas d’impact sur le solde du régime
général et du FSV, dans la mesure où elles seraient intégralement
compensées par l’État.
L’augmentation du déficit traduit aussi une hausse nette de 8 Md
des dépenses d’assurance maladie, entraînant une progression de
l’ONDAM de 6,5 % (contre + 2,45 % dans la LFSS 2020). Les dépenses
supplémentaires, qui atteindraient au total 12 Md
, comprennent
notamment 4,5 Md
pour permettre à Santé publique France d’acheter du
matériel médical (notamment des masques et des respirateurs) ; 3,8 Md
pour les établissements hospitaliers et médico-sociaux (dont 1,4 Md
au
titre de la prime pour les personnels soignants et 750 M
pour celle aux
personnels des établissements et services médico-sociaux) ; et 2 Md
pour
financer les indemnités journalières liées aux
arrêts de travail
dérogatoires
50
. Ces dépenses supplémentaires seraient pour partie
compensées par de moindres dépenses de soins de ville du fait de la baisse
de l’activité des professionnels de santé (-5,4 Md
), dont l’assurance
maladie atténuerait les effets sur les revenus professionnels de ces derniers
(+ 1,4 Md
).
50
Peuvent bénéficier de ces indemnités journalières les personnes faisant l’objet d'une
mesure d'isolement, d'éviction ou de maintien à domicile ainsi que ceux qui sont parents
d'un enfant de moins de seize ans ou d'enfant en situation de handicap faisant lui-même
l'objet d'une telle mesure et qui se trouvent, pour l'un de ces motifs, dans l'impossibilité
de continuer à travailler. Voir le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020.
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ÉLÉMENTS PROVISOIRES SUR LA SITUATION FINANCIÈRE
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EN 2020
69
B - Des aléas importants
À ce stade, les aléas qui entourent la prévision de déficit pour 2020
demeurent très significatifs. Ils concernent tout d’abord l’évolution de la
situation sanitaire et ses répercussions sur l’activité économique et l’emploi
et, ce faisant, sur les recettes publiques. Dans son avis relatif au projet de
troisième loi de finances rectificative pour 2020 publié le 8 juin 2020, le
Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a estimé que la prévision de
récession économique de 11 % était prudente, que l’emploi pourrait être
plus élevé que prévu et que l’inflation pourrait au contraire être plus
basse
51
. À un moindre degré, des incertitudes affectent aussi les dépenses
d’assurance maladie, qu’il s’agisse des dépenses supplémentaires ou des
effets de la moindre activité des professionnels de santé en ville.
Par ailleurs, la baisse des recettes de CSG et de CRDS affectées à la
CADES par rapport aux prévisions pourrait réduire le montant prévisionnel
de la dette amortie en 2020 et, le cas échéant, les années suivantes ; alors
que la loi de financement de la sécurité sociale fixait pour 2020 un objectif
d’amortissement de 16,7 Md
, ce montant est désormais estimé à 16 Md
.
II - Une hausse des besoins de l’ACOSS
couverte par de nouvelles sources
de financement
A - Une croissance accélérée des besoins d’emprunt
Le déclenchement de la crise sanitaire s’est traduit dès la mi-mars
2020 par une dégradation marquée de la situation de trésorerie de
l’ACOSS. Les recettes ont ainsi été moindres qu’anticipé avant la crise en
raison de la facilité offerte aux entreprises de reporter le versement des
prélèvements sociaux, des pertes de recettes associées au développement
du chômage partiel et des autres effets du ralentissement économique sur
les recettes. Les dépenses ont, elles, été rehaussées pour tenir compte des
mesures de soutien au système hospitalier et aux particuliers.
51
Cf. avis n° HCFP-2020-4 du 8 juin 2020 relatif au projet de troisième loi de finances
rectificative pour 2020.
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COUR DES COMPTES
70
Ainsi, dès le début de la crise, le Gouvernement a accordé aux
entreprises la possibilité de reporter jusqu’à trois mois, partiellement ou
intégralement, le paiement des cotisations et contributions sociales dont
elles sont redevables. Cette mesure a été appliquée pour la première fois à
l’échéance du 15 mars 2020 pour les entreprises de moins de 50 salariés.
Sur les 9,4 Md
attendus, 3,8 Md
ont été reportés, soit 40 %. Elle a été
étendue le 20 mars aux travailleurs indépendants, le 25 mars aux
cotisations de retraite complémentaire et le 5 avril aux entreprises de plus
de 50 salariés. Au 5 juin 2020, avait ainsi été reporté le règlement de
15 Md
de prélèvements sociaux dus par les entreprises relevant du régime
général, soit 31 % de restes à recouvrer sur les sommes déclarées, ainsi que
de 4,7 Md
de prélèvements dus par les travailleurs indépendants. Par
rapport à un scénario sans crise sanitaire, les besoins de trésorerie de
l’ACOSS ont donc été rehaussés très sensiblement à ce titre.
En outre, les recettes ont été affectées par l’essor du chômage
partiel
52
. En effet, l’allocation reçue à ce titre par les salariés est assimilée
à un revenu de remplacement et est donc assujettie à ce titre à la CSG au
taux réduit (6,2 %) et à la CRDS (0,5 %). Elle est en revanche exonérée de
cotisations patronales et salariales, ce qui engendre un manque à gagner
pour la sécurité sociale. De surcroît, le taux de la CSG sur les allocations
de chômage partiel est inférieur à celui sur les salaires (9,2 %).
Par ailleurs, les recettes ont subi les effets de la chute de l’activité
économique. La TVA a pâti de la baisse de la consommation et les
cotisations sociales et la CSG des destructions d’emplois.
Enfin, l’ACOSS doit financer des dépenses plus importantes que
prévu. Lors de la CCSS de juin 2020, celles-ci étaient évaluées à
8 Md
pour l’année 2020 (voir
supra
).
52
Selon la Dares, 12 millions de salariés étaient susceptibles d’être placés en activité
partielle au mois d'avril, au regard des périodes prévisionnelles d’activité partielle
demandées par les entreprises au 8 juin. Seuls 54 % des salariés couverts par une
demande d’autorisation en avril ont effectivement été placés en activité partielle ce
mois-là. Toutes les demandes d’indemnisation pour avril n’ont toutefois pas encore été
déposées. Les entreprises ont un an pour déposer une demande d’indemnisation.
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ÉLÉMENTS PROVISOIRES SUR LA SITUATION FINANCIÈRE
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EN 2020
71
Le 25 mars 2020, les nouveaux besoins de trésorerie apparus avec
la crise sanitaire étaient évalués à 29 Md
à fin avril 2020. Cette situation
a conduit à porter le plafond des ressources non permanentes de l’ACOSS
à 70 Md
pour 2020, contre 39 Md
adoptés par la LFSS 2020
53
. Compte
tenu de la poursuite de la hausse des besoins de financement à compter du
mois de mai, le plafond de ressources non permanentes de l’ACOSS a été
relevé le 20 mai 2020 à 95 Md
54
.
Auparavant, le précédent plafond le plus élevé de l’ACOSS avait été
fixé à 65 Md
en 2010.
B - Une diversification des sources de financement
de l’ACOSS
Alors que l’ACOSS devait financer une dette déjà élevée avant le
déclenchement de la crise sanitaire, la dégradation rapide de sa trésorerie
du fait des effets de cette crise sur les recettes et les dépenses l’a conduite
à diversifier très rapidement ses modalités de financement.
En temps normal, les marchés monétaires représentent près de 95 %
du financement de l’ACOSS. La hausse accélérée de ses besoins de
financement ne lui permettait d’en financer qu’une partie sur les marchés
financiers. Ainsi, sur le marché monétaire londonien, celui des
European
Commercial Papers
(ECP), l’encours d’endettement de l’ACOSS a
seulement augmenté de 16 Md
environ par rapport à la mi-mars, pour
atteindre 33,5 Md
au 12 juin (voir graphique 6) ; il s’approche
progressivement du plafond annoncé d’émission sur ce programme de
40 Md
, inchangé depuis le début de l’année.
En application de la convention ACOSS - Caisse des dépôts et
consignations (CDC), cette dernière s’engage, chaque année, à pourvoir
jusqu’à 11 Md
de financement : 4 Md
de financement à court terme et
7 Md
de financement de moyen terme, c’est-à-dire de maturité comprise
entre 3 et 12 mois. En temps normal, l’ACOSS utilise 3,7 Md
des 4 Md
de la partie court terme : 1,2 Md
pour des financements de très court terme
53
Décret n° 2020-327 du 25 mars 2020 portant relèvement du plafond des avances de
trésorerie au régime général de sécurité sociale, en application de l’article LO. 111-9-2
du code de la sécurité sociale. Selon cet article, un décret peut modifier le plafond des
emprunts de l’ACOSS, sous réserve que sa ratification soit demandée dès le prochain
projet de loi de financement de la sécurité sociale.
54
Décret n° 2020-603 du 20 mai 2020 portant relèvement du plafond du recours aux
ressources non permanentes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.
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COUR DES COMPTES
72
en cas de difficulté ponctuelle de trésorerie d’une journée et 2,5 Md
de
prêts (dits « prêts tuile ») entre l’échéance du paiement des prestations de
retraite le 9 de chaque mois et l’encaissement d’une grande partie des
prélèvements sociaux le 15 du mois. Dans ce cadre, l’ACOSS a ainsi
obtenu dès le 1
er
avril 7,3 Md
(7 Md
de la partie moyen terme et 0,3 Md
de la partie de court terme) de prêts supplémentaires de moyen terme.
Au-delà de l’accord conventionnel, l’ACOSS a par ailleurs obtenu
un prêt supplémentaire de 10 Md
de la CDC dès le 8 avril.
Ces prêts de la CDC ont une courte maturité, près de 15 Md
devant
être remboursés par l’ACOSS avant fin juillet 2020.
Outre ces apports, l’ACOSS, avec le concours de l’Agence France
Trésor (AFT), a obtenu des financements supplémentaires auprès de
plusieurs banques, spécialistes en valeurs du Trésor (SVT), pour un
montant qui atteignait 22,5 Md
début mai.
Enfin, l’ACOSS a pu bénéficier de financements ponctuels de l’AFT
à la fin du premier trimestre. Pour optimiser le montant de dette au sens du
traité de Maastricht en fin de trimestre, l’AFT achète habituellement, à
chaque fin de trimestre, des titres émis par l’ACOSS (NeuCP)
55
. Fin mars
2020, les achats de titres de l’ACOSS par l’AFT atteignaient 9,5 Md
, alors
que les achats avaient été en moyenne d’un peu plus de 5 Md
en 2018 et
2019. Ce supplément ponctuel de financement visait notamment à faciliter
le versement anticipé des prestations familiales et de solidarité du mois de
mars (avancé du lundi 6 avril au vendredi 3 avril). Début juin, l’AFT ne
détenait plus de titres de l’ACOSS.
Au total, début mai, l’ACOSS avait sécurisé près de 40 Md
supplémentaires de financement, pour moins de la moitié par la CDC et
pour le solde par un pool de banques. Tous ces financements
supplémentaires ont pris la forme d’achats de titres de l’ACOSS sur le
marché monétaire de Paris (NeuCP). Ils représentent l’essentiel de
l’augmentation de 45,2 Md
du montant des titres ACOSS émis sur le
marché des NeuCP intervenue entre la fin février et le 12 juin ; à cette date,
l’encours de ces titres atteignait 54,4 Md
au total (voir graphique 6). Le
3 avril 2020, l’ACOSS avait relevé de 40 Md
à 70 Md
le montant du
plafond d’émission de ce programme.
55
En effet, à chaque fin de trimestre, la trésorerie excédentaire de l’AFT est mobilisée
pour financer une partie du besoin de trésorerie de l’ACOSS et ce faisant éviter que ce
besoin de trésorerie de l’ACOSS ne vienne augmenter la dette au sens du traité de
Maastricht.
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ÉLÉMENTS PROVISOIRES SUR LA SITUATION FINANCIÈRE
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EN 2020
73
Graphique n° 6 : financement de l’ACOSS sur les marchés
monétaires de Paris (NeuCP) et de Londres (ECP)
depuis le début 2020 (en M
)
Source : Banque centrale européenne.
NeuCP : Negotiable EUropean Commercial Papers ; ECP : European Commercial Papers.
Compte tenu par ailleurs de l’augmentation de l’encours d’ECP
(voir
supra
), l’ACOSS avait ainsi procédé, au 12 juin, à 62 Md
d’emprunts supplémentaires sur les marchés monétaires londonien et
parisien par rapport à fin février. Elle était dès lors, de loin, l’émetteur dont
les encours étaient les plus élevés sur ces deux marchés.
Par ailleurs, l’ACOSS assurait avant la crise sanitaire le financement
externe du régime de retraite des exploitants agricoles, par des avances qui
concouraient à son propre besoin de financement externe (3,2 Md
fin
2019). À la suite de la crise sanitaire, la Mutualité sociale agricole (MSA)
s’est tournée vers des établissements financiers afin de pourvoir à ses
besoins de financement. Fixé à 4,1 Md
par la LFSS 2020, le plafond
d’emprunt de la MSA a été porté à 5 Md
par le décret du 20 mai 2020
(voir
supra
).
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74
III - Une prolongation de la CADES jusqu’en
2033 sans définition d’une nouvelle trajectoire
de retour à l’équilibre de la sécurité sociale
A - Un transfert de dette de 136 Md
et une prolongation de la CADES jusqu’en 2033
Le 15 juin 2020, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture
un projet de loi organique
56
et un projet de loi ordinaire
57
organisant de
nouveaux transferts de dette à la CADES dans la limite de 136 Md
.
Le projet de loi relatif à la dette sociale et à l’autonomie prévoit la
plus importante opération de reprise de dette jamais effectuée par la
CADES. La précédente remontait à la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2011 qui avait décidé la reprise de 130 Md
de dette, montant
ramené en définitive à 127,3 Md
. La nouvelle reprise de dette soumise à
l’approbation du Parlement conduira à porter à 396,5 Md
le montant total
de la dette transférée à la CADES depuis sa création en 1996.
Le
projet
de
loi
organique
prévoit
de
repousser
au
31 décembre 2033 le terme de l’amortissement par la CADES de la dette
qui lui a été transférée depuis sa création. Des dispositions organiques sont
nécessaires car il n’est pas prévu d’affecter à la CADES des ressources
supplémentaires à même de prévenir un report du terme de cet organisme,
estimé courant 2024 avant la crise sanitaire ; cette estimation ne tenait
cependant pas compte du caractère probable de nouveaux transferts de
dette de l’ACOSS (voir
supra
).
Au contraire, le montant des ressources attribuées à la CADES
diminuerait à partir de 2024, ce qui réduirait sa capacité d’amortissement
(qui s’élevait à 16,3 Md
en 2019). En effet, la CADES bénéficierait du
prolongement au-delà de 2024, sans limitation de durée, du prélèvement
annuel sur les réserves du FRR, pour un montant réduit à 1,45 Md
(contre
2,1 Md
entre 2011 et 2024)
58
. Mais la fraction de CSG affectée à la
CADES serait abaissée à partir de 2024 de 0,6 à 0,45 point
59
, afin d’en
56
Projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie, déposé le
27 mai 2020.
57
Projet de loi relatif à la dette sociale et à l’autonomie, déposé le 27 mai 2020.
58
Fin 2019, le « culot » du FRR, c’est-à-dire ses actifs financiers après déduction des
prélèvements annuels restant à verser à la CADES et de la soulte des IEG due à la
CNAV (voir
infra
) s’élevait à 17,3 Md
en valeur de marché.
59
À l’exception de la partie de cette contribution assise sur les jeux.
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ÉLÉMENTS PROVISOIRES SUR LA SITUATION FINANCIÈRE
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EN 2020
75
réattribuer 0,15 point à la CNSA pour financer des dépenses nouvelles liées
à la prise en charge de la perte d’autonomie, ce qui réduirait à ce titre les
ressources annuelles de la CADES de 2,3 Md
. Ainsi, les ressources
annuelles de la CADES seraient réduites, par rapport à 2023, de 2,3 Md
en 2024, puis de 0,85 Md
en 2025 et au cours des années suivantes, par
rapport à celles dont l’affectation était prévue avant la crise sanitaire.
B - Un transfert de dette qui recouvre
trois opérations distinctes
Le transfert de 136 Md
de dette à la CADES recouvre trois
opérations distinctes, détaillées ci-après.
Tableau n° 18 : reprises par la CADES prévues par le projet de loi
relatif à la dette sociale et à l’autonomie adopté le 27 mai 2020 en
conseil des ministres
Périodes
éligibles à
reprise
Périmètre des reprises
Montant
maximal des
reprises
(en Md
)
Déficits des régimes de sécurité sociale
Déficits
antérieurs à
2020
Branche maladie du régime général
FSV
Branche vieillesse du régime des non-
salariés agricoles
Régime de retraite géré par la CNRACL
31
Cumul des
déficits entre
2020-2023
Branches maladie, vieillesse et famille
du régime général
FSV
Branche vieillesse du régime des non-
salariés agricoles
92
Dette des établissements publics de santé
Emprunts
contractés
avant 2020
Couverture d’échéances d’emprunt des
établissements publics de santé
13
Total
136
Source : projets de lois organique et ordinaire relatifs à la dette sociale
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76
D’après l’exposé des motifs du projet de loi ordinaire, ces 31 Md
visent en premier lieu la reprise de 16,2 Md
de déficits de la branche
maladie du régime général et de 9,9 Md
de déficits du FSV. Ainsi, la
quasi-totalité des 25,6 Md
de déficits du régime général et du FSV (hors
branche AT-MP) financés par l’ACOSS fin 2019 (voir
supra
) serait
transférée à la CADES. Afin d’alléger la trésorerie de l’ACOSS, qui leur
accordait des avances avant la crise sanitaire, seraient également repris les
déficits passés du régime de retraite des non-salariés agricoles et de la
CNRACL, à hauteur respectivement de 3,5 Md
et de 1,2 Md
.
Par la suite, 92 Md
de déficits cumulés des branches du régime
général (hors AT-MP), du FSV et du régime de retraite des non-salariés
agricoles au titre des exercices 2020 à 2023 seraient repris par la CADES,
par la voie de versements annuels entre 2021 et 2023. Le déficit 2020 à
reprendre pour le régime général et le FSV étant évalué à 52 Md
, les
déficits à amortir au titre de 2021, 2022 et 2023 s’élèveraient globalement
à 40 Md
environ. En l’absence de loi de financement rectificative pour
2020 et, ce faisant, d’annexe B décrivant la trajectoire à moyen terme du
régime général et du FSV, la formation des soldes en recettes et en
dépenses ne peut cependant être appréciée.
En outre, des versements complémentaires de la CADES à la
branche maladie, dans la limite de 13 Md
, permettraient à partir de 2021
la couverture par cette dernière d’une partie des échéances des emprunts
des établissements publics de santé contractés avant 2020. Les modalités
de ces concours doivent être fixées par une loi de financement de la
sécurité sociale.
Les premiers transferts à la CADES interviendraient d’ici août (à
hauteur de 5 à 10 Md
), puis s’accélèreraient d’ici décembre 2020 (pour
15 Md
supplémentaires).
Par ailleurs, afin d’alléger le besoin de trésorerie de l’ACOSS, la
fraction de la soulte versée en 2005 par les industries électriques et
gazières, au titre de l’adossement du régime spécial de retraite au régime
général, et gérée depuis lors par le FRR pour le compte de la CNAV
(5,2 Md
acquis à cette dernière fin 2019), serait intégralement reversée
par le FRR à la caisse nationale dès juillet 2020. Avant la crise sanitaire,
un versement étalé sur plusieurs années était envisagé.
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ÉLÉMENTS PROVISOIRES SUR LA SITUATION FINANCIÈRE
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EN 2020
77
En définitive, la crise sanitaire a créé un surcroît de dette sociale qui,
venant s’ajouter à celle déjà portée par l’ACOSS, a rendu inéluctable une
reprise de dette de grande ampleur par la CADES. L’ensemble de la dette
transférée à cet organisme, avant et à la suite de la crise sanitaire, doit être
amortie d’ici 2033 par des ressources permanentes affectées à cette fin.
L’objectif d’extinction à terme de la dette sociale par des ressources
affectées est ainsi maintenu, mais l’horizon en est reculé de dix ans.
Ces décisions envoient un signal mitigé. D’une part, elles ne
prennent pas place dans une trajectoire de retour de la sécurité sociale à
l’équilibre financier. Ainsi, la CADES est appelée à reprendre des déficits
relatifs à l’exercice en cours et aux exercices futurs en dehors de la
définition par une loi de financement rectificative de la sécurité sociale
d’une nouvelle trajectoire financière, la trajectoire de la LFSS 2020 étant
caduque. D’autre part, il n’est pas prévu à ce stade de mesures
d’économies, mais la réduction à partir de 2024 des ressources affectées à
la CADES pour financer de nouvelles dépenses relatives à la prise en
charge de la dépendance.
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Annexe : les faiblesses de la
construction de l’ONDAM
L’ONDAM prévisionnel est construit à partir de l’estimation de
l’évolution spontanée des différentes catégories de dépenses, à laquelle
sont ajoutés les effets report en année pleine des mesures adoptées l’année
précédente, ainsi que les mesures nouvelles, et dont sont déduites des
économies. Le calcul de l'évolution tendancielle des dépenses est affecté
par des faiblesses méthodologiques. Les économies sont insuffisamment
documentées et des biais de présentation en majorent le montant.
1 - Un tendanciel de dépenses de soins de ville majoré
par la « réserve prudentielle »
En 2019, alors que la hausse spontanée des dépenses était évaluée à
4,3 %, les majorations résultant des mesures nouvelles et, pour la première
fois en 2019, de la création de la « réserve prudentielle », ont conduit à
porter à 5,3 % le tendanciel global de ce sous-objectif.
Tableau n° 19 : sous-objectif soins de ville – tendanciel
et prévisions de dépenses en 2019 (M
)
Base
2019
Taux
d’évolution
spontanée
Dépenses
après
évolution
spontanée
Réserve
prudentielle
Taux
d'évolution
avec
réserve
Provisions
pour
mesures
nouvelles
Tendanciel
2019
89 289
4,3 %
93 120
120
4,4%
812
5,3 %
Source : Cour des comptes à partir des données de la direction de la sécurité sociale.
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80
La création d’une « réserve prudentielle » pour les soins de ville
La construction de l’ONDAM 2019 intègre pour la première fois une
« réserve prudentielle » pour les soins de ville de 120 M
destinée à couvrir
un risque de dépassement de ce sous-objectif
60
. Cette réserve majore de
0,1 point l’évolution spontanée des dépenses de soins de ville, ce qui a
conduit le comité d’alerte à relever, dans son avis d’octobre 2018, que la
construction du sous-objectif des soins de ville nécessitait une définition
plus stricte et une évaluation précisément documentée des éléments pris en
compte dans l’estimation des dépenses tendancielles.
Si la « réserve prudentielle » est adossée à des économies
supplémentaires, celles-ci ne résultent pas de mesures nouvelles, mais d’une
simple majoration du rendement attendu de mesures déjà prévues. Malgré
la présentation qui en est donnée par l’annexe 7 au PLFSS 2019, cette
« réserve » n’est donc pas un instrument de régulation des dépenses. Elle ne
répond pas à la recommandation de la Cour
61
de mettre en place une réserve
prudentielle infra-annuelle, assortie d’un mécanisme garantissant la
réalisation d’économies en cas de dépassements, et mettant en jeu plusieurs
mécanismes en fonction de la nature des dépenses concernées (accords prix-
volume ; mise en réserve d'une partie des dotations forfaitaires aux
professionnels de santé ou encore de certaines dépenses à hauteur des
montants attendus de remises conventionnelles, ces réserves étant
débloquées en cours d'année si les dépenses sont conformes aux objectifs).
2 - Un tendanciel des dépenses relatives aux établissements
de santé qui ne reflète qu’en partie l’évolution de leurs charges
Le tendanciel résulte de la traduction en dépenses d’une prévision
d’activité, issue du retraitement de l’activité constatée en N-2 et estimée
pour N-1, selon une méthode qui manque de lisibilité.
Certaines hypothèses de construction minorent ce tendanciel, ce qui
diminue d’autant en affichage les économies attendues : l’évolution de
l’activité n’est répercutée qu’à hauteur de 70 % sur les charges de
personnel, ce qui suppose des gains de productivité qui ne sont pas
répertoriés parmi les économies demandées aux établissements de santé.
D’autres hypothèses conduisent à l’inverse à majorer le tendanciel : le
tendanciel 2019 intègre ainsi, par une majoration de 200 M
des
projections de dépenses, les transferts opérés par la LFSS 2019, au titre de
60
La réserve prudentielle est portée à 150 M
dans le cadre de l’ONDAM 2020.
61
Cour des comptes,
Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité
sociale, octobre 2018
, La Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.
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ANNEXE
81
2018, pour financer le dépassement prévisionnel du sous-objectif des soins
de ville par une diminution de celui des établissements de santé.
Par ailleurs, le périmètre des avantages fiscaux et sociaux pris en
compte dans le tendanciel des établissements de santé est décorrélé du
cadre réglementaire prévoyant la reprise de ces allégements dans le cadre
de la campagne tarifaire
62
, comme des conséquences économiques de ces
mesures pour leurs bénéficiaires.
Ainsi, le tendanciel applicable aux établissements de santé ne tient
compte de l’avantage lié à la mise en
œ
uvre du crédit d’impôt de taxe sur
les salaires (CITS) pour les établissements privés à but non lucratif, qu’à
hauteur des 62,5 M
de reprise effectuée en 2018 et 2019 sur les tarifs de
ces établissements
63
.
En outre, les allègements généraux de cotisations
qui se substituent en 2019 au CICE pour les établissements privés à but
lucratif et au CITS pour ceux à but non lucratif n’ont été ni repris dans
les tarifs, ni intégrés au tendanciel 2019 pour la part présentant un
avantage supplémentaire, évalué à 101 M
64
, hors impact fiscal pour le
secteur privé lucratif, par rapport à ces deux dispositifs désormais
supprimés
.
3 - Un tendanciel médico-social estimé de manière sommaire
Le taux d’évolution des dépenses des établissements et services
médico-sociaux (ESMS) ne s’appuie pas sur un véritable tendanciel,
puisqu’il est estimé en majorant les dépenses constatées l’année précédente
des mesures nouvelles et de l’inflation.
62
Depuis 2018, l’article R. 162-33-5 du code de la sécurité sociale prévoit la reprise
des allègements fiscaux et sociaux ayant pour objet de réduire le coût du travail. La liste
de ces allègements (prévue par les arrêtés tarifaires 2018 et 2019) intègre, à compter de
2019, les allègements généraux de cotisations se substituant au crédit d’impôt pour la
compétitivité et l’emploi (CICE) et au crédit d’impôt de taxe sur les salaires (CITS).
63
Entre 2017 et 2018, le CITS a procuré à ses bénéficiaires un avantage de 125 M
en
cumul. Cet avantage a été repris à hauteur de 37,5 M
dans la campagne tarifaire 2018,
puis de 25 M
supplémentaires dans le campagne tarifaire 2019. Fin 2019, un avantage
tarifaire de 62,5 M
a ainsi été laissé, in fine, aux établissements privés non lucratifs.
La reprise de l’avantage tarifaire lié au CITS fait l’objet d’un moratoire, dans l’attente
des conclusions d’une mission conjointe IGAS-IGF sur le différentiel de charges entre
établissements de santé publics et établissements de santé privés non lucratifs.
64
Dont 74 M
pour les établissements non lucratifs et 27 M
pour les lucratifs.
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COUR DES COMPTES
82
Le tendanciel 2019 n’intègre de ce fait pas l’effet baissier, sur les
dépenses des ESMS de statut privé, du remplacement du CICE et du CITS
par des allègements généraux de cotisations (estimé à 260 M
).
Par ailleurs, l’effort de régulation porté en 2018 par le sous objectif
médico-social (soit 200 M
selon la prévision révisée de la LFSS 2019
65
)
est consolidé sous la forme d’une réduction de la base de calcul du
tendanciel, ce qui conduit à surévaluer en affichage le taux de progression
de ces dépenses. Ainsi, si le taux de progression des dépenses médico-
sociales affiché dans l’ONDAM 2019 atteignait 2,2 %, il n’était en réalité
que de 1,4 % par rapport à la construction initiale 2018
66
.
4 - Des économies peu documentées et majorées
Selon l’annexe 7 au PLFSS 2019, la croissance tendancielle des
dépenses étant évaluée à 4,5 %, un ONDAM à 2,5 % en 2019 imposait la
réalisation d’un montant de 3,8 Md
d'économies prévisionnelles, moindre
que les années précédentes (4,16 Md
en 2018 et 4,05 Md
en 2017).
La répartition indicative des économies entre sous-objectifs imputait
l’effort le plus important aux soins de ville (2,5 Md
), sous le double effet
d’une révision à la hausse du tendanciel de dépenses (5,3 %, contre 5,1 %
en 2018) et du maintien à un niveau élevé des économies attendues au titre
des dépenses de médicaments (1,4 Md
, dont 100 M
au titre de la hausse
des remises conventionnelles
67
, soit un niveau équivalent à celui retenu
dans la construction 2018)
68
. L’autre poste le plus significatif correspondait
aux actions menées au titre de la maîtrise médicalisée (0,4 Md
69
).
S’agissant des établissements de santé, l’effort prévisionnel
d’économies était en net retrait par rapport à 2018 (1,0 Md
, contre
1,6 Md
). Les économies visaient, à hauteur de 660 M
, l’optimisation des
achats hospitaliers (programme PHARE), la structuration de parcours de
soins efficients et des baisses de tarifs des actes de biologie et d’imagerie
et, pour le solde, des baisses de prix de médicaments. Contrairement aux
années précédentes, les économies de 2019 n’ont pas comporté de baisses
65
Avis du comité d'alerte du 15 octobre 2018.
66
Soit un objectif de 20 780 M
en LFSS 2019, après 20 495 M
en LFSS 2018.
67
À ce jour, les hypothèses qui fondent ces estimations pour 2019 n’ont pas été
communiquées à la Cour.
68
Soit 1,4 Md
d’économies sur les médicaments, dont 135 M
au titre des remises.
69
Hors actions de maîtrise médicalisée sur les produits de santé.
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ANNEXE
83
de tarifs des séjours hospitaliers, conformément à un engagement
ministériel en ce sens
70
.
Comme le relève chaque année la Cour, certaines actions ou
mesures étaient présentées à tort comme des économies dans la
construction de l’ONDAM 2019 :
-
235 M
au titre de la moindre contribution de l'ONDAM médico-
social au financement des établissements médico-sociaux dans le
cadre de l'objectif global de dépenses (OGD). Il s’agit d’une simple
mesure de périmètre, sans effet sur les dépenses et le solde des
administrations publiques, la moindre dépense au titre de l’ONDAM
étant compensée par des dépenses financées par des prélèvements sur
les fonds propres de la CNSA ;
-
90 M
au titre de la lutte contre la fraude, alors que ce montant
correspond à une partie des préjudices détectés à ce titre, et non à leur
augmentation par rapport à l’année précédente ;
-
50 M
au motif d’une augmentation de la participation des
organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM) au
financement du forfait patientèle des médecins, portée à 300 M
. En
réalité, il s’agit d’une imposition affectée au financement de
l’ensemble des dépenses de la branche maladie, et non à une dépense
particulière.
En outre, certaines économies étaient insuffisamment documentées.
Il en allait notamment ainsi de postes – indemnités journalières et
transports – pour lesquels la construction de l’ONDAM 2019 prenait en
compte des montants croissants de dépenses, mais aussi d’économies, alors
même que les économies prévues pour 2018 n’ont pas été réalisées
71
.
70
Dans l’ONDAM 2019 initial, l’enveloppe consacrée aux revalorisations des activités
MCO des établissements (tarifs, forfaitisation du financement de certaines pathologies
chroniques, qualité), progressait de 0,5 %, dont 0,2 % au titre des seuls tarifs (avant
prise en compte des allègements fiscaux et sociaux et mises en réserve prudentielles).
71
Ainsi, dans la construction de l’ONDAM 2019, les dépenses prévisionnelles
d’indemnités journalières maladie et AT-MP augmentaient de 35 M
et celles de
transports de 60 M
par rapport à l’ONDAM 2018. Les économies prévues au titre de
ces mêmes postes étaient respectivement portées de 165 à 200 M
et de 75 à 135 M
.
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COUR DES COMPTES
84
De manière générale, l’instabilité de la nomenclature suivant
laquelle les économies sont présentées dans l’annexe 7 aux PLFSS relative
à l’ONDAM et l’absence d’évaluation
ex post
des prévisions d’économies,
à l’exception des actions de maîtrise médicalisée des dépenses, ne
permettent pas d’apprécier le réalisme de ces prévisions.
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