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QUATRIÈME CHAMBRE
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Première section
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Arrêt n° S2019-2551
Audience publique du 17 octobre 2019
Prononcé du 14 novembre 2019
CENTRE COMMUNAL D’AC
TION
SOCIALE DE TEYRAN
(HÉRAULT)
Appel d’un jugement de la chambre
régionale des comptes Occitanie
Rapport n° R-2019-1079
République Française
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2019 au greffe de la chambre régionale des comptes
Occitanie, par laquelle le procureur financier près ladite chambre a relevé appel du jugement
n° 2018-0020 rendu le 29 novembre 2018, par lequel cette chambre régionale a prononcé un
non-
lieu à charge à l’enco
ntre de M. X
, comptable du centre communal d’action sociale
(CCAS) de Teyran ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance, notamment le réquisitoire du
procureur financier près la chambre régionale des comptes Occitanie n° 2018-0029 du
20 septembre 2018 ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment l’article D.
1617-19 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n°
63-156 du 23 février 1963 ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec
les administrations ;
Vu le décret n° 2001-
495 du 6 juin 2001 pris pour l’application de l’article 10 de la loi
n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à la transparence financière des aides octroyées par les
personnes publiques ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le rapport de M.
Claude LION, conseiller référendaire, chargé de l’instruction
;
Vu les conclusions de la Procureure générale n° 623 du 14 octobre 2019 ;
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Entendu, lors de l’audience publique du 17 octobre 2019, M.
Claude LION, conseiller
référendaire, en son rapport, M. Benoît GUÉRIN, avocat général, en les conclusions du
ministère public, les autres parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes ni
représentées ;
Entendu en délibéré Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillère maître, réviseure,
en ses observations ;
1. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes Occitanie a
prononcé un non-lieu à charge à l'encontre de M. X
, comptable du centre communal d’action
sociale de Teyran
, au titre de l'exercice 2013, au motif que les pièces de l’instruc
tion ne
permettaient pas d’établir que le comptable avait effectivement réalisé la prise en charge, puis
le paiement des mandats en cause ;
2.
Attendu que le procureur financier appelant demande à la Cour d’infirmer le jugement
attaqué et, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, de constater que le manquement soulevé par
les poursuites, soit l'insuffisance des pièces justificatives de la dépense à l’appui des mandats
n° 11 du 9 avril 2013 pour 15 000
€, n°
24 du 19 juin 2013 pour 15 000
€, et n°
57 du 6 janvier
2014 pour 11 000
€ est, en l'espèce, constitué, d'en déduire qu'il y a lieu de mettre en jeu la
responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X à raison dudit manquement et de prononcer
à son encontre «
la sanction financière correspondante
» ;
3. Attendu
que l’appelant fait valoir, à titre principal, qu’il y a lieu de considérer qu’en fondant
le non-
lieu à charge sur la circonstance que les pièces de l’instruction ne permettaient pas
d’établir que le comptable avait effectivement réalisé la prise en charg
e, puis le paiement des
mandats en cause, la chambre régionale des comptes «
a choisi (…) de s'extraire du périmètre
des poursuites, qui visaient des justifications présumées insuffisantes à l'appui de mandats de
paiements et non un défaut dans leur prise en charge ou leur paiement
»
; qu’à titre subsidiaire,
il soutient que ni la réalité des paiements, ni l’absence des justifications exigibles ne sont
contestées et que, quand bien même les pièces à l’appui du dossier ne porteraient pas mention
de la date d
e prise en charge des ordres de payer, l’enregistrement des mandats dans
l’application HELIOS du poste comptable atteste de la validité des mandats et de leur paiement
effectif ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête
:
4. Atte
ndu qu’il ressort des pièces du dossier que, quand bien même les mandats ne portent
pas mention de la date de prise en charge des ordres de payer, le comptable n’en a à aucun
moment de la procédure contesté leur validité ni le paiement effectif ; que le comptable a
enregistré la prise en charge puis le paiement de ces mandats dans l’application HELIOS du
poste comptable
; qu’ainsi, alors même que les éléments constitutifs du compte et les mandats
de paiement sont dématérialisés de façon native, ces pièces n
e sont, contrairement à ce qu’ont
estimé les premiers juges, pas dépourvues de toute valeur probante
; qu’il était d’ailleurs
loisible aux premiers juges d’identifier ces paiements et d’en vérifier l’existence dans le compte
financier dématérialisé en inte
rrogeant l’application HELIOS
; que par suite, en prononçant un
non-
lieu à charge à l’encontre de M.
X
au motif que les pièces de l’instruction ne permettaient
pas d’établir que le comptable avait effectivement réalisé la prise en charge, puis le paiement
des mandats en cause, les premiers juges ont entaché leur raisonnement d’erreur de fait
; que
dès lors, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé un non
-lieu à charge à
l’encontre de M.
X ;
5.
Attendu qu’en raison de l’effet dévolutif de l’ap
pel, il y a lieu de statuer sur le réquisitoire
susvisé du procureur financier ;
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Sur l’existence d’un manquement
6.
Attendu qu’en vertu du I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité
personnelle et pécuniaire des comptables publics se trouve engagée dès lors qu'une dépense
a été irrégulièrement payée
; qu’en vertu de l'article 19 du décret du 7 novembre 2012 susvisé,
le comptable public est tenu d'exercer le contrôle «
2° S'agissant des ordres de payer [...] d) de
la validité de la dette dans les conditions prévues à l'article 20
» ; que ce dernier article dispose
notamment que «
le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur […]
3° L'intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation ; [...] 5° La production
des pièces justificatives [...]
» ;
7.
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 susvisée,
«
l’autorité administrative qui attribue une subvention doit, lorsque cette subvention dépasse
un seuil défini par décret, conclure une convention avec l'organisme de droit privé qui en
bénéficie, définissant l'objet, le montant et les conditions d'utilisation de la subvention
attribuée
»
; qu’en vertu des dispositions de l'article 1
er
du décret du 6 juin 2001 susvisé,
l'obligation de conclure une convention, prévue par les dispositions législatives précitées,
s'applique aux subventions dont le montant annuel dépasse la somme de 23
000 €
;
8.
Attendu qu’aux termes de l'article D.
1617-19 du code général des collectivités territoriales,
«
avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition,
les comptables publics des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des
associations syndicales de propriétaires ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues
pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code
» ; que sur
le fondement de ces dispositions, la sous-rubrique 7211 «
Premier paiement
» de la rubrique
72 «
Subventions et primes de toute nature
» de l’annexe I du même code prévoit notamment
que le paiement d'une subvention supérieure à 23 000
€ requiert la production d'une
«
convention entre le bénéficiaire et la collectivité
» ;
9. Attendu que le réquisitoire i
ntroductif d’instance susvisé du procureur financier en date du
20 septembre 2018 faisait grief à M. X
d’avoir procédé au paiement de trois mandats n°
11 du
9 avril 2013, d'un montant de 15 000
€, n°
24 du 19 juin 2013, d'un montant de 15 000
€ et
n° 57 du 6 janvier 2014, d'un montant de 11 000
€, au bénéfice de l’association «
Les
Diablotins
» en l’absence de la convention prévue par la nomenclature des pièces
justificatives ;
10.
Attendu qu’en première instance, le comptable a fait valoir que la subvention e
n cause
avait été payée en trois mandats successifs étalés dans le temps et visés par différents agents
du poste comptable, dont la vigilance avait été trompée par le fait qu’aucun de ces mandats
n’excédait individuellement le seuil de 23
000
€
; qu’il a é
galement indiqué que le centre
communal d’action sociale considérait que cette subvention exceptionnelle et ponctuelle ne
nécessitait pas la conclusion d’une convention
; que l’ordonnateur a confirmé le caractère
exceptionnel de cette subvention liée à la
nécessité pour l’association de faire face à des
charges nouvelles ;
11. Attendu
qu’il ressort des pièces du dossier qu’eu égard à son montant, le versement en
2013 de deux acomptes et un solde de subvention à l’association «
Les Diablotins » était
soumis aux dispositions précitées de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 susvisée ; que
toutefois, seule une délibération du conseil d’administration du centre communal d’action
sociale en date du 10 avril 2013, octroyant une subvention de 41
000 € à l’associatio
n, était
jointe aux paiements
; que dès lors, en ne suspendant pas les paiements et en n’exigeant pas
la production d’une convention, le comptable a commis un manquement susceptible d’engager
sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 41 000
€ pour l’exercice 2013
; que
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si les arguments du comptable invoquant la difficulté particulière de contrôle découlant d’un
versement de la subvention en deux acomptes et un solde, comme le caractère exceptionnel
de la subvention, peuvent être invoqués à l’appui d’une demande de remise gracieuse
adressée au ministre chargé du budget sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa
du IX de la loi du 23 février 1963 susvisée, ils ne sont pas de nature à exonérer l’agent
comptable de sa responsabilité ;
S
ur l’existence d’un préjudice financier
12. Attendu que pour déterminer si les paiements en cause ont causé un préjudice financier à
l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes d’apprécier si la dépense était
effectivement due et, à ce
titre, de vérifier notamment qu’elle n’était pas dépourvue de
fondement juridique ;
13.
Attendu que s’il ressort des pièces du dossier, et notamment de la délibération
susmentionnée du 10 avril 2013, que le centre communal d’action sociale avait bien manifesté
l’intention d’octroyer une subvention exceptionnelle de 41
000
€ à l’association «
Les
Diablotins
», l’accord de cette dernière ne saurait être présumé sur l’objet ni sur les conditions
d’utilisation de cette subvention
; que dès lors, la circonstance que
la convention requise n’ait
pas été conclue ôte son caractère certain à cette dépense
; que par suite, en l’absence de
convention conclue entre le centre communal d’action sociale et l’association bénéficiaire, le
paiement de la subvention au profit de cette dernière doit être considéré comme indu, car
effectué en l’absence de fondement juridique adéquat
; qu’il suit de là que le manquement de
M. X
a causé un préjudice au centre communal d’action sociale de T
eyran
;
qu’il convient dès
lors de constituer M. X
débiteur du centre communal d’action sociale de T
eyran de la somme
de 41 000
€ au titre de l’exercice 2013
;
Sur le respect du contrôle sélectif de la dépense
14.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que le plan de contrôle sélectif de la dépense
pour l’année 2013, signé et validé par le responsable de la cellule Animation et Recouvrement
de la direction départementale des finances publiques le 28 janvier 2013, mentionnait un
contrôle exhaustif et a priori pour les conventions ; que dans ces conditions, le contrôle du
comptable devait être exhaustif
; que le comptable n’a produit aucun élément justifiant du
respect d’un plan de contrôle
; que dès lors, les paiements en cause doivent être regardés
comme n’ayant pas été payés dans le respect des règles d’un contrôle sélectif des dépenses
;
Sur le point de départ des intérêts
15.
Attendu qu’en application du VIII de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 19
63
susvisée, «
les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en
jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
» ;
16.
Attendu qu’au cas d’espèce, le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité
de M. X
a été la notification du réquisitoire susvisé du procureur financier près la chambre régionale
des comptes Occitanie, dont le comptable a accusé réception le 4 octobre 2018
; qu’il convient
dès lors de retenir cette date pour le décompte des intérêts légaux ;
Par ces motifs,
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DÉCIDE
:
Article 1
–
Le jugement n° 2018-0020 du 29 novembre 2018 de la chambre régionale des
comptes Occitanie est infirmé en ce qu’il a prononcé un non
-lieu à charge à l'encontre de M. X,
comptable du centre communal d’action sociale de T
eyran, au titre de l'exercice 2013.
Article 2
–
M. X
est constitué débiteur envers le centre communal d’action sociale de T
eyran,
au titre de l’exercice 2013, de la somme de 41
000
€, augmentée des intérê
ts de droit à
compter du 4 octobre 2018.
Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de
contrôle sélectif.
Fait
et
jugé
en
la
Cour
des
comptes, quatrième
chambre,
première
section.
Présents : M. Jean-Yves BERTUCCI, président de section, président de séance,
Mmes Catherine DÉMIER, Dominique DUJOLS, Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS,
conseillères maîtres et M. Patrick SITBON conseiller maître.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE
Jean-Yves BERTUCCI
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et
officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142
-20 du code des juridictions financières, les
arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le
délai de deux mois à compter de la notificatio
n de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une
ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce
dans les conditions prévues au
I de l’article R. 142
-19 du même code.