Chambre
territoriale
des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
1
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
ET SA REPONSE
COLLECTIVITE D’OUTRE-MER
DE SAINT-MARTIN
Exercices 2007 à 2016
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la chambre le 13 juillet 2017
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Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
2
RAPPORT D'OBSERVATIONS DEFINITIVES
SUR LA GESTION DE LA COLLECTIVITE DE SAINT-MARTIN
SUR LA PERIODE 2007-2016
AVERTISSEMENT
Le présent rapport a été élaboré avant le passage du cyclone Irma et n’a donc pas
pris en compte les bouleversements majeurs provoqués par cet évènement
climatique. Pour autant, celui-ci ne remet pas en cause les constats formulés par la
chambre territoriale des comptes quant à la période antérieure.
Les destructions subies et les nécessités, mais aussi les potentialités, de la
reconstruction de ce territoire conduiront à revoir profondément certains aspects de
son administration par la collectivité. Malgré cet important changement de contexte,
les analyses que ce rapport contient et les recommandations qu’il comporte peuvent
être utiles pour l’avenir.
Ordonnateurs
-
M. Louis-Constant FLEMING, du 15 juillet 2007 au 25 juillet 2008,
-
M. Frantz GUMBS, du 7 août 2008 au 1
er
avril 2012,
-
M. Alain RICHARDSON, du 1
er
avril 2012 au 15 avril 2013,
-
Mme Aline HANSON à compter du 15 avril 2013.
Rappel de la procédure
La chambre a inscrit à son programme de contrôle de 2016 l'examen de la gestion de la
collectivité de Saint-Martin, de l’année 2007 jusqu’à 2016.
Par lettres en date du 18 janvier 2016, le président de la chambre a informé l’ordonnateur
en fonction, ainsi que les ordonnateurs précédents, de l’ouverture de ce contrôle.
L’entretien de fin d’instruction, prévu à l’article L. 243-1 du code des juridictions
financières (applicable à la collectivité de Saint-Martin sur le fondement de l’article
L. 254-5 du même code) s’est tenu le 30 juin 2016 avec l’ordonnateur en fonction et les
ordonnateurs précédents, sauf avec M. FLEMING qui n’a pas donné suite à la
proposition d’entretien adressée par les magistrats rapporteurs.
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3
Après avoir entendu les rapporteurs et pris connaissance des conclusions du procureur
financier, la chambre a arrêté, le 2 septembre 2016, des observations provisoires.
Celles-ci ont été transmises pour contradiction, en totalité, aux quatre ordonnateurs, et
sous la forme d’extraits les concernant respectivement, à l’ancien directeur général des
services de la collectivité, à l’agence régionale de santé (ARS) de la Guadeloupe, à la
caisse nationale d’allocation familiale (CNAF), à la caisse d’allocation familiale (CAF) de
la Guadeloupe et des îles du Nord, à la direction de l’équipement, de l’aménagement et
du logement (DEAL) de la Guadeloupe, à l’établissement des eaux et de
l’assainissement de Saint-Martin (EAASM), aux sociétés Computech, Semsamar,
Samagest, Sesma, Compagnie générale des eaux, Ucdem.
La chambre a reçu les réponses des personnes suivantes :
-
Mme Aline HANSON, présidente de la collectivité territoriale de Saint-Martin,
le 3 avril 2017 ;
-
M. Frantz GUMBS, ancien président de la collectivité territoriale de Saint-Martin,
le 9 mars 2017 ;
-
M. Pascal AVERNE, ancien directeur général de la collectivité de Saint-Martin,
le 7 mars 2017 ;
-
M. Alain RUSSEL, président de la société d’exploitation de Saint-Martin Aéroport
(SESMA), le 30 mars 2017 ;
-
Mme Marie-Paule BELENUS-ROMANA, directrice générale de la SEMSAMAR,
le 31 mars 2017 ;
-
M. Frédéric CERTAIN, directeur général de la Compagnie générale des eaux en
Guadeloupe, le 24 mars et le 13 avril 2017 ;
-
M. Gérard
CANTON,
président-directeur
général
d’Union
Caraïbe
de
dessalement d’eau de mer (UCDEM), le 31 mai 2017 ;
-
MM. Jean ARNELL et Alain ROPER, associés-gérants de la société Computech,
le 28 mars 2018.
Par ailleurs, MM. Jean ARNELL et Alain ROPER, ont été entendus à leur demande par
la chambre, le 24 mai 2017.
Après en avoir délibéré le 10 juillet 2017, la chambre a formulé des observations
définitives concernant la fiabilité des comptes, l’analyse financière, l’évolution statutaire,
la fiscalité, l’impact de la défiscalisation, la formation professionnelle ainsi que le
développement économique et le tourisme de Saint-Martin.
Parallèlement au contrôle réalisé par la chambre territoriale des comptes sur la
collectivité, la Cour des comptes réalisait un contrôle de l’action des services de l’Etat à
Saint-Martin depuis le changement de statut.
Ces deux contrôles concertés devaient aboutir à la publication d’un rapport unique
combinant les observations définitives des deux juridictions qui aurait, à son tour, été
soumis à la contradiction des parties citées. Ce rapport était presque achevé lorsque le
cyclone Irma a frappé l’île. Compte tenu de la gravité des destructions et des actions
d’urgence à entreprendre, il n’a pas été donné suite au projet de publication d’un rapport
unique par la Cour des comptes.
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4
La Cour a cependant adressé, le 22 décembre, un référé au Premier ministre portant sur
l’action de l’Etat à Saint-Martin, référé rendu public avec la réponse du chef du
Gouvernement le 14 mars 2018.
Il appartenait à la chambre territoriale des comptes de reprendre le cours de la procédure
de contrôle sur la partie « collectivité », en adressant le rapport d’observations définitives
dont ont été retirées les parties sur les transferts de compétence et sur les compétences
partagées avec l’Etat, notamment sur la perception des impôts et taxes.
C’est ainsi que la chambre a envoyé, le 13 avril 2018, le présent relevé d’observations
définitives en proposant aux destinataires de faire parvenir leurs observations, celles-ci
ayant vocation à figurer en annexe du rapport définitif publié.
Une seule réponse a été adressée à la chambre territoriale des comptes : celle du
président de la collectivité territoriale, enregistrée au greffe de la chambre le 14 mai
2018.
Ce rapport définitif, avec son annexe, a été transmis à l’ordonnateur en fonction, de
manière à ce qu’il puisse le soumettre à l’organe délibérant.
Le conseil territorial ayant examiné ce rapport le 11 juillet 2018, celui-ci est désormais
public.
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Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
5
SYNTHESE
__
Située à 250 km au nord de la Guadeloupe, Saint-Martin est située sur une île d’une
superficie de 90 km² où deux Etats, la France et les Pays-Bas, exercent chacun des
droits souverains sur un territoire divisé en deux dont la frontière n’est pas matérialisée
(56 km² pour la partie française, Saint-Martin, et 34 km² pour la partie néerlandaise, Sint-
Maarten). Le traité de Concordia du 23 mars 1648 a, en effet, partagé l’île de Saint-
Martin entre la France et la Hollande tout en garantissant entre les deux parties une libre
circulation des personnes et des biens. La partie néerlandaise se trouve dans la zone
dollar, ce qui a une influence sur la partie française où de nombreuses transactions se
font dans cette monnaie.
Saint-Martin connaît une forte évolution démographique ; la population est passée de
8 000 habitants en 1982 à 36 525 habitants en 2012. Elle est jeune (plus du tiers a moins
de 20 ans) et cosmopolite (un tiers de la population est étrangère, principalement
originaire d’Haïti, de la République Dominicaine et de La Dominique). La partie
néerlandaise compte 33 249 habitants (source : INSEE et IEDOM, 2012).
L’économie de Saint-Martin dépend essentiellement du secteur tertiaire, notamment des
activités du tourisme. Le système d’informations statistiques ne permet pas d’établir des
comptes économiques complets pour la collectivité
1
. Toutefois, le PIB par habitant a pu
être estimé à 14 700 € (IEDOM, chiffres de 2010). Se situant parmi les dix plus élevé de
la zone Caraïbe, il explique l’attractivité qu’exerce Saint-Martin dans la Caraïbe.
Le rattachement de la commune de Saint-Martin à la Guadeloupe, en vigueur depuis
1947, a pris fin en 2007 avec la création de la nouvelle collectivité d’outre-mer, effective
depuis le 15 juillet 2007. La nouvelle collectivité s’est vue transférer des compétences
de l’Etat, de la région et du département de la Guadeloupe, tout en continuant à exercer
ses compétences communales.
À la veille du changement de statut, l’administration de la collectivité était caractérisée,
à la fois, par un sureffectif et par un sous-encadrement. Si une partie du retard en termes
d’encadrement a été rattrapée, le sureffectif perdure.
La mise en place et l’organisation des services de la nouvelle collectivité, très
insuffisamment préparées, ont connu de nombreux retards et défaillances. Ainsi, les
postes stratégiques que sont le directeur général adjoint chargé de la solidarité et le
directeur de l’emploi et de la formation professionnelle n’ont été pourvus qu’en fin
d’année 2008 et le service chargé de la fiscalité n’a été organisé qu’en 2012.
Le défi était certes important puisque les nouveaux statuts conduisent à l’exercice, par
la collectivité, de plus de trente nouveaux métiers. Cependant, la collectivité n’a pas su
redéployer un nombre suffisant de personnes pour limiter le montant de sa masse
salariale. Le recrutement d’agents peu qualifiés s’est poursuivi après le changement de
statut. De nombreux agents demeurent improductifs pour le service public, situation qui
perdure avec l’absence de stratégie de formation et d’objectifs précis fixés aux agents
en termes de mission et de résultats.
Afin d’être davantage efficace et efficiente, la collectivité devrait mettre en place une
organisation matricielle. Celle-ci combine la structuration hiérarchique fonctionnelle
1
Cf.
le rapport de 2013 de la Cour des comptes sur l’autonomie fiscale outre-mer qui relève les
insuffisances dans ce domaine
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6
classique et la gestion par projet. Elle est la plus adaptée dans le cadre de structuration
et la mise en oeuvre de projets complexes et de missions nouvelles.
Au-delà des questions d’organisation et d’effectif, les irrégularités relevées en matière
statutaire et de rémunération sont nombreuses et coûtent cher à la collectivité. Malgré
son caractère stratégique, la fonction de gestion des ressources humaines de la
collectivité est défaillante.
La situation patrimoniale de la collectivité est mal connue, en l’absence d’inventaire
convenablement suivi, notamment des biens sous délégation de service public. Les
risques de non recouvrement de créances ne sont pas évalués ni provisionnés. Les
charges et produits sont mal rattachés aux exercices et les comptes d’attente ne sont
apurés que de manière aléatoire.
Alors même que les finances de la collectivité étaient dans une situation délicate, ses
dirigeants, jusqu’en 2014, ne se sont pas appliqués à eux-mêmes des principes de
prudence et d’économie. Les frais de déplacement payés ont atteint des sommes hors
de proportion avec la dimension de la collectivité et ses capacités de financement.
De manière générale, les charges de fonctionnement sont excessives et continuent à
croître. Malgré des progrès dans le recouvrement des recettes, en particulier fiscales, la
capacité d’autofinancement brute demeure faible. Les dépenses d’équipement sont
financées sur concours extérieurs et la trésorerie est financée par l’Etat, la caisse
d’allocation familiale et les fournisseurs.
Le contrôle de gestion commence tout juste à prendre place. L’analyse de la commande
publique a fait apparaître de graves irrégularités tendant à fermer le territoire à la
concurrence et à rendre la collectivité dépendante de fournisseurs uniques dans
plusieurs
champs
stratégiques
pour
ses
finances
et
pour
son
autonomie
d’administration.
En matière sociale, dès le changement de statut, la collectivité était habilitée à exercer
les compétences dévolues aux départements. Elle aurait ainsi pu mettre en place des
équipes pluridisciplinaires pour l’examen des situations des demandeurs d’aide sociale.
Elle n’a pourtant pas exercé ce contrôle et a confié à la CAF l’ensemble de la chaîne de
gestion des aides sociales. La situation n’est cependant imputable qu’en partie à la
collectivité qui n’a pas toute la liberté requise pour adapter le régime défini au niveau
national à ses caractéristiques physiques et sociales.
L’enjeu crucial de l’urbanisme a fait l’objet de tentatives de régulation au cours des dix
années passées qui n’ont pas permis à la collectivité de canaliser réellement les
constructions et aménagements. L’option de régulariser toute construction illégale a
affaibli l’effet pratique des documents de planification. Le nouveau plan local
d’urbanisme a dû être mis sous le boisseau face à la contestation populaire. Les
autorisations d’urbanisme sont, de ce fait, accordées de manière discrétionnaire.
Le service d’eau produit une eau de bonne qualité mais à un prix excessif, en raison
d’un prix à la production trop élevé. Cette situation fait peser sur la pérennité du service
public une réelle menace dans la mesure où les usagers, professionnels et particuliers,
se sont équipés d’installations autonomes, avec les risques sanitaires qui y sont
associés, et où ils ne paient pas l’assainissement dont le tarif est lié à celui de l’adduction
d’eau.
Il appartient à la collectivité de veiller au retour de ce service à des conditions normales
de fonctionnement. Des progrès ont été accomplis qui se sont traduits par un important
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7
renouvellement des réseaux et une augmentation de leur rendement. Les équipements
d’assainissement collectif ont été renforcés et modernisés mais le taux de raccordement,
peut être amélioré tout comme la facturation du service. Le service de contrôle de
l’assainissement non collectif n’est pas dimensionné ni mobilisé à la hauteur des risques
que ce système d’assainissement fait peser sur la salubrité publique.
La collectivité n’a pas, non plus, pris la mesure de sa compétence sur la question du
développement économique, en particulier en matière de tourisme. Saint-Martin dispose
d’atouts incontestables, de par sa localisation, pour assurer son développement
économique. Il appartient à la collectivité de se saisir pleinement de ses compétences
en la matière, sans négliger la mise à niveau préalable des services publics locaux de
base, de concevoir un projet stratégique partagé entre les acteurs du développement –
port, aéroport, marinas, office du tourisme, collectivité – et d’en coordonner la mise en
oeuvre.
L’aéroport de Grand-Case, géré par le département de la Guadeloupe jusqu’au 31
décembre 2007, a fait, pendant longtemps, l’objet de très peu d’investissements. Il n’est
pas homologué pour l’approche de nuit, ce qui réduit son activité à une courte plage
horaire, et est limité, en pratique, aux liaisons avec la Guadeloupe, la Martinique et Saint-
Barthélemy. L’attribution d’une délégation de service public en 2011 à une société
concessionnaire a permis la rénovation de l’aérogare ainsi que la construction de
nouveaux équipements. Elle s’est accompagnée d’une hausse importante de la
redevance sur les passagers qui est passée de 5 € en 2010 à 13,25 € en 2014.
Pourtant, contrairement au projet initialement décidé, qui prévoyait le développement de
liaisons internationales et de l’aviation d’affaires, aucune augmentation du trafic n’est
intervenue et l’équilibre de la concession est désormais précaire. La principale raison de
cette situation est le non-respect par la collectivité de son engagement à acquérir les
terrains nécessaires à l’allongement de la piste. Pourtant, la collectivité a instauré en
2012, sans concertation avec le délégataire, une taxe sur les passagers de 10 € dont
elle n’a pas anticipé les effets sur le trafic et dont les recettes étaient précisément
destinées à l’acquisition des parcelles nécessaires à l’allongement de la piste. En outre,
les travaux précités ont grevé le budget initial de la délégation ; mal évalués et d’un coût
élevé, ils ont pris un retard considérable. Enfin, la gestion elle-même de l’aéroport est
perfectible : les charges de personnel sont trop élevées et certaines rémunérations sont
largement supérieures aux rémunérations en vigueur ailleurs dans des conditions
similaires. La rémunération de la société mère, entre 2011 et 2016, a été aussi
supérieure aux rémunérations usuelles pratiquées dans le secteur.
La croisière reste une activité très marginale à Saint-Martin ; alors que Sint-Maarten
accueille chaque année deux millions de croisiéristes, Saint-Martin en accueille
seulement 4 000. L’absence de terminal de croisière est une des causes de la faible
attractivité de Marigot.
Saint-Martin est équipée de quatre marinas dont les deux principales, Port-La Royale et
Fort-Louis, situées toutes deux à Marigot, sont exploitées par la société Samagest, filiale
de la société d’économie mixte de Saint-Martin (Semsamar). L’implication de la
collectivité dans les marinas est faible, comme en témoigne le fait que l’autorisation
donnée par la collectivité à la Semsamar de subdéléguer la gestion de la marina de Fort-
Louis à la Samagest, n’a été accordée que 12 ans après que cette subdélégation a été
mise en pratique. La marina de Port-La Royale, quant à elle, a été mise en délégation
pour une durée de 20 ans sans qu’aucun investissement ne soit prévu mais en
contrepartie d’une avance à la collectivité de 3 M€ au titre de la redevance d’occupation
du domaine public, traduction de la situation de dépendance dans laquelle se trouve la
collectivité par rapport à sa société d’économie mixte.
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8
SOMMAIRE
__
LISTE DES RECOMMANDATIONS
...........................................................................................
10
PRESENTATION
........................................................................................................................
14
1.
L’ORGANISATION INSTITUTIONNELLE ET ADMINISTRATIVE
....................................
15
1.1.
L
E SCHEMA INSTITUTIONNEL
15
1.2.
L
ES COMPETENCES TRANSFEREES PAR L
’E
TAT
,
PAR LA REGION ET PAR LE DEPARTEMENT A LA
CREATION DE LA COLLECTIVITE EN
2007
16
1.2.1.
Les compétences transférées par l’Etat
16
1.2.2.
Le transfert de la totalité des compétences de la région et du département
17
1.3.
L’
EVOLUTION DES SERVICES
,
SUBIE PLUTOT QUE PILOTEE
17
1.3.1.
Avant le changement de statut : une commune en sur-effectif, sous-encadrée
17
1.3.2.
Une préparation tardive au changement de statut de la collectivité
18
1.3.3.
En 2008, une organisation plus claire mais instable
18
1.4.
U
NE ORGANISATION QUI PEINE A ETRE EFFICACE ET QUI COUTE CHER
19
1.4.1.
Le fort impact des nouvelles compétences sur l’effectif
19
1.4.2.
Une grande partie de l’effectif inadaptée aux compétences de la collectivité
20
1.4.3.
Beaucoup de services inefficients
21
1.4.4.
Des élus et une direction générale dispendieux
21
1.4.5.
L’absence d’anticipation pour le recrutement d’un directeur général expérimenté
21
1.5.
L
ES CONDITIONS D
’
UNE ORGANISATION EFFICACE ET EFFICIENTE
22
2.
LES COMPTES DE LA COLLECTIVITE
............................................................................
22
2.1.
L
A FIABILITE DES COMPTES
22
2.1.1.
Une situation patrimoniale de la collectivité mal connue
23
2.1.2.
Une couverture du risque de recouvrement très incertaine
24
2.1.3.
Un rattachement des charges et produits peu rigoureux
24
2.1.4.
L’apurement tardif des comptes d’attente
25
2.2.
L’
ANALYSE FINANCIERE
25
2.2.1.
Une capacité d’autofinancement artificielle et faible
25
2.2.2.
L’équilibre du bilan dépendant des concours extérieurs
30
3.
LA GESTION DES SERVICES
...........................................................................................
32
3.1.
U
NE FONCTION
« G
ESTION DES RESSOURCES HUMAINES
»
DEFAILLANTE
32
3.1.1.
Une fonction peu structurée
32
3.1.2.
L’illégalité de nombreux actes de gestion du personnel
32
3.2.
U
N CONTROLE DE GESTION INOPERANT
37
3.3.
L
A COMMANDE PUBLIQUE
:
DE GRAVES IRREGULARITES CONTRIBUANT A FERMER LE TERRITOIRE
A LA CONCURRENCE
38
3.3.1.
Politique et stratégie d’achat
38
3.3.2.
Une fonction peu performante malgré des améliorations depuis 2009
40
3.3.3.
Deux défaillances significatives qui perdurent
42
3.3.4.
Quinze cas caractérisés de mauvaise pratique de la commande publique
44
4.
LES INTERVENTIONS DE LA COLLECTIVITE
................................................................
47
4.1.
L’
IMPACT DE LA POLITIQUE SOCIALE SUR L
’
EQUILIBRE FINANCIER DE LA COLLECTIVITE
47
4.1.1.
Des charges importantes non maîtrisées
47
4.1.2.
L’inadaptation des dispositifs sociaux nationaux au territoire de la collectivité
50
4.2.
L’
AMENAGEMENT DU TERRITOIRE
52
4.2.1.
Un plan d’occupation des sols (POS) adapté mais mal mis en oeuvre
52
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9
4.2.2.
Un plan local d’urbanisme sérieux mais mal adapté et finalement abandonné sous la
pression de la rue
53
4.2.3.
Un territoire abandonné aux convoitises
55
4.2.4.
Une gestion discrétionnaire de l’urbanisme et du foncier
55
4.3.
L’
ALIMENTATION EN EAU ET L
’
ASSAINISSEMENT
58
4.3.1.
Un établissement créé dans des conditions irrégulières et pour des raisons purement
budgétaires, en voie de normalisation
58
4.3.2.
Un service de l’eau potable cher mais dont la performance progresse
59
4.3.3.
Des progrès en matière d’assainissement collectif mais qui restent attendus pour
l’assainissement individuel
66
5.
LA GESTION DES GRANDS EQUIPEMENTS
..................................................................
67
5.1.
L’
AEROPORT DE
G
RAND
-C
ASE
67
5.1.1.
Une gestion en déshérence avant la création de la collectivité
67
5.1.2.
Un aéroport centré sur le trafic régional, en repli depuis 2011
68
5.1.3.
Une exécution
a minima
du contrat de délégation de service public
70
5.1.4.
Une diversification des activités qui tarde, au risque d’être compromise
76
5.2.
L
ES MARINAS
78
5.2.1.
Présentation des marinas
79
5.2.2.
La marina de Port-La Royale
79
5.2.3.
La marina de Fort-Louis
85
ANNEXES
...................................................................................................................................
91
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Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
10
LISTE DES RECOMMANDATIONS
__
1. L’ORGANISATION INSTITUTIONNELLE ET ADMINISTRATIVE
Recommandation n°1 :
Conduire à son terme l’organisation matricielle engagée,
instaurer le travail en mode « projet » dans les services de
la collectivité, accroître l’effort de formation et diminuer le
nombre d’agents de catégorie C.
2. LES COMPTES DE LA COLLECTIVITE
Recommandation n°2 :
Compléter l’inventaire physique des biens immobilisés de la
collectivité et valoriser chaque bien recensé au coût
historique (
cf.
« Guide organisationnel sur le processus
patrimonial »
, élaboré en 2013 par le Conseil national de la
fiabilité des comptes locaux).
Recommandation n°3 :
Compléter l’inventaire du patrimoine en rapprochant des
comptes de la SEMSAMAR la liste des biens figurant dans
les délégations de service public, en vérifiant la nature des
biens (reprise ou retour) et en intégrant au bilan de la
collectivité les biens de retour recensés.
Recommandation n°4 :
Ajuster le montant des titres, compte tenu des dégrèvements
et des erreurs d’émission, en tenant compte aussi des
paiements intervenus sans titre (471), et déterminer avec
précision les risques de défaillance des débiteurs pour
ajuster les provisions à ce risque et passer les écritures
d’admission en non-valeur, si nécessaire.
Recommandation n°5 :
Rattacher les charges et les produits à l’exercice à partir d’un
seuil à définir.
Recommandation n°6 :
Purger les comptes d’attente.
Recommandation n°7 :
Réduire les charges à caractère général, notamment les
postes de dépenses tels que les achats, les locations, les
transports collectifs ; développer les travaux en régie ;
planifier les missions et déplacements afin de réduire les
coûts.
3. LA GESTION DES SERVICES
Recommandation n°8 :
a. Réorganiser la direction des ressources humaines ;
b. Installer les instances consultatives ;
c. Etablir le dialogue avec les représentants du personnel.
Recommandation n°9 :
a. Publier systématiquement une annonce avant tout
recrutement sur emploi permanent, de catégorie A ou B ;
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11
b. Faire correspondre l’expérience et le grade pour la
fixation de la rémunération des agents non titulaires, lors
de leur recrutement.
Recommandation n°10 :
Abroger, de manière non-rétroactive, les arrêtés d’attribution
du régime indemnitaire en attendant le vote d’une nouvelle
délibération étendant le régime indemnitaire aux agents non
titulaires.
Recommandation n°11 :
a. Abroger les arrêtés irréguliers attribuant la NBI et attribuer
des points uniquement aux fonctionnaires, en nombre
conforme à la réglementation en vigueur et en référence
à l’exercice d’une fonction précisément définie ;
b. Fixer par délibération, après avis du comité technique, la
liste des postes bénéficiant de la majoration de 50 % pour
exercice dans les zones sensibles.
Recommandation n°12 :
a. Mettre fin aux dispositions non conformes du régime de
travail ;
b. Organiser le temps de travail de la police territoriale en
cycle de travail mensuel.
Recommandation n°13 :
Fixer par délibération des critères, objectifs et quantifiables,
pour les avancements de grade au choix.
Recommandation n°14 :
Mener jusqu’au stade réellement opérationnel l’installation
de la fonction
« Contrôle de gestion »
dans la collectivité
Recommandation n°15 :
a. Relancer systématiquement les appels d’offres ayant
abouti à la remise d’une seule offre ;
b. Imposer et utiliser la négociation dans toutes les
procédures ;
c. Renforcer le critère du prix dans la sélection des offres.
Recommandation n°16 :
Mettre en place un observatoire de la performance de la
commande publique.
Recommandation n°17 :
Fixer, avant chaque analyse des offres, un barème de points
objectifs, c’est-à-dire reposant sur des éléments vérifiables
et quantifiables.
Recommandation n°18 :
Constituer un service interne de maîtrise d’ouvrage
informatique.
4. LES INTERVENTIONS DE LA COLLECTIVITE
4.1
Les dépenses sociales
Recommandation n°19 :
Diligenter un contrôle systématique sur place de la situation
des bénéficiaires, au moins tous les six mois.
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12
Recommandation n°20 :
a. Supprimer la règle déclarative du dispositif RSA et la
remplacer par l’allocation après enquête approfondie ;
b. Conférer aux agents contrôleurs des pouvoirs d’enquête
identiques à ceux des agents de la DRFIP ;
c. Supprimer le certificat d’hébergement comme justificatif
d’hébergement et exiger la production de tout document
justifiant la résidence effective et continue depuis plus de
six mois sur le territoire ;
d. Instituer une commission d’évaluation de la valeur
probante des documents produits, composée d’élus de la
majorité et de l’opposition.
4.2
L’aménagement du territoire
Recommandation n°21 :
a. Redéfinir le zonage en prenant en compte les hauteurs et
gabarits existants ;
b. Créer dans chaque zone un volume adapté aux hauteurs
existantes et définir des marges de recul et un aspect
extérieur compatibles avec une densité harmonieuse en
concordance avec l’ambiance architecturale existante ;
c. Engager une large concertation publique pour recueillir
les attentes des Saint-Martinois en termes de projet de
territoire.
Recommandation n°22 :
Engager des actions en justice dans les délais requis contre
les auteurs, constructeurs, occupants des constructions
illégales, en vue d’obtenir la démolition de celles-ci.
Recommandation n°23 :
Modifier le code de l’urbanisme en :
a. imposant des contraintes d’occupation du sol destinées à
décourager l’occupation illégale ;
b. supprimant les possibilités de construction dans les
secteurs non urbanisés ;
c. édictant des règles limitatives de constructibilité dans les
zones urbaines, prenant en compte l’emprise au sol et la
hauteur ou imposant un coefficient d’occupation du sol
assorti d’un plafond ;
d. définissant des règles d’esthétique extérieure.
Recommandation n°24 :
Utiliser la procédure d’expropriation pour chaque acquisition
d’intérêt général qui ne pourrait pas se réaliser au prix
estimé par France Domaine, et laisser l’exproprié saisir le
juge du foncier pour fixer le prix.
4.3
L’alimentation en eau et l’assainissement
Recommandation n°25 :
a. Expertiser le coût réel de l’eau de dessalement privée ;
b. Adapter la grille tarifaire des structures de type hôtel ;
c. Organiser avec l’ARS et la police de l’environnement le
contrôle des installations privées.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
13
Recommandation n°26 :
a. Apurer les dettes des gros consommateurs, en particulier
des professionnels et des services publics ;
b. Instituer une redevance forfaitaire pour l’assainissement
collectif des gros consommateurs non raccordés au
service de l’eau potable ;
c. Renforcer le contrôle de l’assainissement non collectif.
5. LA GESTION DES GRANDS EQUIPEMENTS
5.1
L’aéroport de Saint-Martin
Recommandation n°27 :
a. Contrôler les coûts de fonctionnement de la DSP ;
b. Percevoir les taxes et les redevances qui reviennent à la
collectivité ;
c. Constituer une provision pour le financement de
l’acquisition des terrains nécessaires à l’allongement de
la piste ;
d. Fixer
un
terme
à
la
perception
de
la
taxe
d’embarquement ;
e. Engager les moyens nécessaires au développement de
l’aviation d’affaires.
5.2
Les marinas de Saint-Martin
Recommandation n°28 :
Mettre en oeuvre les travaux et l’entretien nécessaires au
bon fonctionnement du pont.
Recommandation n°29 :
Etablir l’inventaire de l’actif de la délégation en précisant,
notamment, la nature de cet actif (biens de retour ou biens
de reprise), et en valoriser les composantes après expertise
contradictoire.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
14
PRESENTATION
Située à 250 km au nord de la Guadeloupe, Saint-Martin est située sur une île d’une
superficie de 90 km² où deux Etats, la France et les Pays-Bas, exercent chacun des
droits souverains sur un territoire divisé en deux dont la frontière n’est pas matérialisée
(56 km² pour la partie française, Saint-Martin, et 34 km² pour la partie néerlandaise, Sint-
Maarten).
Le traité de Concordia du 23 mars 1648 a partagé l’île de Saint-Martin entre la France
et la Hollande tout en garantissant entre les deux parties une libre circulation des
personnes et des biens.
Saint-Martin connaît une forte évolution démographique ; la population est passée de
8 000 habitants en 1982 à 36 525 habitants en 2012. Elle est jeune (plus du tiers a moins
de 20 ans) et cosmopolite (un tiers de la population est étrangère, originaire d’Haïti
principalement, de la République dominicaine et de La Dominique). La partie
néerlandaise compte 33 249 habitants (source : INSEE et IEDOM, 2012).
La partie néerlandaise se trouve dans la zone dollar, ce qui a une influence sur la partie
française où de nombreuses transactions se font dans cette monnaie.
L’économie de Saint-Martin dépend essentiellement du secteur tertiaire, notamment des
activités du tourisme. Le système d’informations statistiques ne permet pas d’établir des
comptes économiques complets pour la collectivité
2
. Toutefois, le PIB par habitant a pu
être estimé à 14 700 € (IEDOM, chiffres 2010). Se situant parmi les dix plus élevé de la
zone Caraïbe, il explique l’attractivité qu’exerce Saint-Martin dans la Caraïbe.
Le taux de chômage à Saint-Martin s’élève 30,5 % et à 11,5 % à Sint-Maarten (source
IEDOM, 2014).
Sur le plan européen, la collectivité de Saint-Martin a le statut de « région
ultrapériphérique » (RUP). Si ce statut lui permet de bénéficier des fonds européens, il
impose l’application de l’ensemble du droit communautaire.
A contrario
, Sint-Maarten, à
l’instar de Saint-Barthélemy, est un « pays et territoire d’outre-mer » (PTOM)
.
Les PTOM
sont simplement associés à l’Union européenne et ne sont donc pas soumis à
l’application du droit communautaire. Si l’appartenance aux PTOM fait perdre le bénéfice
des fonds structurels européens, en revanche, le régime commercial est réputé plus
avantageux, dans la mesure où les produits originaires des PTOM importés dans la
Communauté ne sont pas soumis aux droits d’importation ni aux restrictions
quantitatives.
Le rattachement de la commune de Saint-Martin à la Guadeloupe, en vigueur depuis
1947, a pris fin en 2007 avec la création de la nouvelle collectivité d’outre-mer, effective
depuis le 15 juillet 2007.
2
Cf.
le rapport de 2013 de la Cour des comptes sur l’autonomie fiscale outre-mer qui relève les
insuffisances dans ce domaine
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
15
1.
L’ORGANISATION INSTITUTIONNELLE ET ADMINISTRATIVE
1.1.
Le schéma institutionnel
La loi organique n°2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et
institutionnelles relatives à l’outre-mer a créé, en lieu et place de la commune de Saint-
Martin, rattachée au département de la Guadeloupe, une nouvelle collectivité d’outre-
mer régie par l’article 74 de la Constitution, dotée de l’autonomie, répondant ainsi au
souhait de Saint-Martin, exprimé par référendum en 2003, que soient mieux prises en
compte ses spécificités géographiques et socio-économiques, en particulier par rapport
la Guadeloupe.
La création de cette collectivité est effective depuis le 15 juillet 2007, date de la première
réunion du conseil territorial nouvellement élu. Le représentant de l’Etat est le préfet de
la Guadeloupe, assisté d’un préfet délégué qui exerce sur place, par une large
délégation, la direction effective des services de l’Etat à Saint-Martin et à Saint-
Barthélemy. La collectivité de Saint-Martin élit un sénateur (différent de celui de Saint-
Barthélemy qui élit également son sénateur). Un seul député est, en revanche, élu par
les populations de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
La création de la collectivité s’est accompagnée, à compter du 1
er
janvier 2008, d’un
transfert complet de compétences de la région de la Guadeloupe, du département de la
Guadeloupe et de la commune, d’une part, et d’un transfert partiel
des compétences de
l’Etat, d’autre part.
Le schéma institutionnel des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution est
inspiré de celui d’un conseil général enrichi d’un conseil économique, social et culturel
investi de pouvoirs consultatifs.
Ainsi, la collectivité de Saint-Martin est gouvernée par un conseil territorial qui est son
assemblée délibérante ; le président du conseil territorial constitue son organe exécutif ;
il préside aussi le conseil exécutif, chargé d’exercer collégialement certaines
compétences exécutives. Le conseil économique, social et culturel et les conseils de
quartiers complètent le dispositif démocratique.
Le conseil territorial est composé de vingt-trois conseillers territoriaux élus pour cinq ans,
au scrutin de liste à deux tours, avec une répartition des sièges à la représentation
proportionnelle à la plus forte moyenne. Le conseil exécutif est composé de sept
membres, élus par le conseil territorial : le président du conseil territorial, président,
quatre vice-présidents et deux conseillers exécutifs.
Le président du conseil territorial représente la collectivité ; il prépare et exécute les
délibérations du conseil territorial et du conseil exécutif. Il est l’ordonnateur des
dépenses de la collectivité et le prescripteur de l’exécution de ses recettes. Il peut
déléguer une partie de ses fonctions aux vice-présidents. Il est le chef des services de
la collectivité et seul chargé de l’administration dans la limite des pouvoirs qu’il a délégué
aux conseillers exécutifs en la matière.
Le conseil exécutif prend, sur proposition du président, les règlements nécessaires à la
mise en oeuvre des délibérations du conseil territorial. Il exerce les compétences qui lui
sont délégués par le conseil territorial. Chaque conseiller exécutif est responsable
devant le conseil exécutif de la gestion des affaires et, le cas échéant, du fonctionnement
des services du secteur dont il a la charge.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
16
Le conseil économique, social et culturel assiste, à titre consultatif, le conseil territorial.
Il est composé de représentants des groupements professionnels, des syndicats, des
organismes et des associations qui concourent à la vie économique, sociale ou culturelle
de Saint-Martin. Il se prononce obligatoirement sur la préparation du plan
d’aménagement et de développement durable de la collectivité ainsi que sur les
orientations générales du projet de budget de celle-ci.
Les conseils de quartier sont consultés obligatoirement en cas de modification des règles
d’urbanisme dans le quartier ou lors de la réalisation d’une opération d’aménagement
concernant tout ou une partie du quartier ainsi que sur l’implantation et le programme
d’aménagement d’équipements de proximité.
1.2.
Les compétences transférées par l’Etat, par la région et par le département
à la création de la collectivité en 2007
1.2.1.
Les compétences transférées par l’Etat
Depuis janvier 2008 et conformément à l’article L.O. 6314-3 du code général des
collectivités territoriales (CGCT), la collectivité est compétente pour fixer les règles
applicables dans les matières suivantes :
-
impôts, droit et taxes dans les conditions prévues à l’article L.O. 6314-4 (c’est-
à-dire à l’exception des opérations d’assiette, de contrôle et de recouvrement),
cadastre ;
-
circulation routière et transports routiers, desserte maritime d’intérêt territorial,
immatriculation des navires, création, aménagement et exploitation des ports
maritimes à l’exception du régime du travail ;
-
voirie, droit domanial et des biens de la collectivité ;
-
accès au travail des étrangers ;
-
tourisme ;
-
création et organisation des services et des établissements publics de la
collectivité.
Le 1
er
avril 2012, les compétences suivantes supplémentaires lui ont été transférées :
-
urbanisme, construction, habitation, logement,
-
énergie.
La collectivité ne dispose pas des compétences relevant du bloc de l’article 73 de la
Constitution, c’est-à-dire la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés
publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal
(y compris pour les compétences transférées comme, par exemple, le volet « sanctions
pénales » du code de l’urbanisme), la procédure pénale (y compris pour les
compétences transférées), la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre
publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
17
L’Etat conserve aussi ses compétences régaliennes dans tous les autres domaines
3
.
1.2.2.
Le transfert de la totalité des compétences de la région et du département
Le champ de compétences de la collectivité est défini de manière très concise par
l’article L.O. 6314-1 du CGCT :
« la collectivité exerce les compétences dévolues par les
lois et règlements en vigueur aux communes, ainsi que celles dévolues au département
de la Guadeloupe et à la région de la Guadeloupe »
.
1.3.
L’évolution des services, subie plutôt que pilotée
1.3.1.
Avant le changement de statut : une commune en sur-effectif, sous-encadrée
En 2006, la commune comptait 35 692 habitants. Elle était organisée comme une
commune de 10 000 habitants : quatre directions (la direction générale des services, la
direction des finances, celles des ressources humaines et la direction des services
techniques) entre lesquelles étaient répartis 43 services.
Au 31 décembre 2006, l’encadrement correspondait aussi à celui d’une commune de
10 000 habitants. Les 588 agents communaux étaient encadrés par sept cadres de
catégorie A, 10 de catégorie B et 26 de catégorie C, pour autant qu’un cadre puisse
relever de cette catégorie. Le directeur des finances et celui des ressources humaines
étaient de catégorie B.
L’effectif des agents était injustifié au regard des missions qu’exerçait la commune. Par
exemple, 207 agents étaient affectés à l’entretien de 16 écoles, comprenant au total 170
classes, ce qui représente plus d’un agent par classe. À titre de comparaison, à la même
époque, une commune disposant de 58 écoles, soit au total 638 classes, affectait en
moyenne 300 agents pour leur entretien, soit moins d’un demi-agent par classe. La
bibliothèque de Saint-Martin comprenait 18 agents alors que la commune ne connaissait
pas sa fréquentation ni le nombre d’ouvrages prêtés. La direction des finances
comprenait 13 agents, l’équivalent de l’effectif d’une direction des finances d’une ville de
200 000 habitants ; la police municipale employait 45 agents alors qu’elle ne fonctionnait
pas 24 heures sur 24 ni sept jours sur sept. L’effectif de sept agents au service des
relations publiques interroge sur leurs missions ainsi que sept agents à l’office de
tourisme, pour renseigner les touristes ; douze agents, sans formation dans le domaine,
au centre communal d’action sociale, alors que la compétence était exercée par le
conseil général de la Guadeloupe.
3
Sans exhaustivité : droit de l’environnement, le droit commercial, le droit social, la protection sociale, la
santé, le droit du travail et droit syndical, l’inspection du travail, l’organisation de la profession d'avocat,
les frais de justice pénale et administrative, le service public pénitentiaire, les matériels de guerre, les
armes et munitions, les poudres et substances explosives, la réglementation des fréquences
radioélectriques, l’immatriculation des aéronefs, le régime comptable et financier des collectivités
publiques et de leurs établissements publics, le recensement général de la population, la lutte contre la
circulation illicite et le blanchiment des capitaux, la lutte contre le financement du terrorisme, les jeux de
hasard, la sûreté en matière aérienne, l’enseignement, quel que soit le niveau, la formation des maîtres,
le contrôle pédagogique, la collation et la délivrance des titres et diplômes, la réglementation des
professions libérales et commerciales et des officiers publics ou ministériels, le droit des assurances, les
règles relatives à la commande publique (l’encadrement est en réalité européen, la réglementation des
poids et mesures, la consommation, concurrence et répression des fraudes, droit de la concentration
économique, la réglementation des prix et organisation des marchés, la réglementation zoosanitaire et
phytosanitaire, abattoirs, les établissements hospitaliers, les statistiques, la météorologie.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
18
1.3.2.
Une préparation tardive au changement de statut de la collectivité
En 2003, une large majorité de saint-martinois s’est prononcée par référendum en faveur
de la création d’une collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie. La commune
connaissait depuis cette date son avenir statutaire, même si ses nouvelles compétences
n’ont été discutées au Sénat que le 18 octobre 2006, date du rapport de M. COINTAT,
sénateur, sur le projet de loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles
relatives à l’outre-mer.
Or, début janvier 2007, aucune mesure préparatoire n’avait encore été prise. Un rapport
du Conseil général des Ponts-et-chaussées préconisait que
« la dynamique d’embauche
de cadres amorcée
[soit]
menée à son terme, si possible dans les toutes premières
semaines de 2007. Une embauche d’un chargé de mission de haut niveau, futur
directeur général potentiel des services de la COM, devrait également être envisagée
dès 2007
[…]
».
Traduisant les propos du maire de l’époque, il notait
« une absence de
management fort au niveau de la direction générale »
.
Ce n’est que le 28 novembre 2007 qu’un organigramme intégrant la plupart des
nouvelles compétences dévolues à la collectivité a été présenté au comité technique
paritaire par le nouveau directeur général des services, ancien chargé de mission auprès
du maire depuis 2004. Ce nouvel organigramme a été mis en place le 30 novembre
2007.
Ce retard se retrouve dans les recrutements aux postes stratégiques : celui de directeur
général-adjoint chargé de la solidarité n’a été pourvu que le 1
er
septembre 2008, celui
de directeur de l’emploi, de l’apprentissage de la formation professionnelle, qu’à la fin de
2008, et celui de directeur de l’autonomie seulement en septembre 2009.
1.3.3.
En 2008, une organisation plus claire mais instable
1.3.3.1.
Une organisation des services plus lisible
Une nouvelle organisation, en deux pôles, a été bâtie : un pôle dit « fonctionnel » et
l’autre dit « opérationnel ». Le pôle « fonctionnel » constitue le support matériel des deux
organismes consultatifs de la nouvelle collectivité : le conseil économique, social et
culturel et les conseils de quartiers. Il est chargé aussi de l’évaluation des politiques
publiques. Le pôle « opérationnel » est divisé en cinq secteurs regroupant toutes les
compétences
opérationnelles
de
la
collectivité :
administration
et
finances,
développement
humain,
développement
économique,
solidarité
et
familles,
développement durable.
Aux 43 services municipaux maintenus ont été ajoutés une « Direction de la démocratie
locale » qui regroupe les six conseils de quartier, eux-mêmes regroupés dans un service
« Conseils de quartier »
, un service
« Evaluation des politiques publiques »
et un service
de la jeunesse.
Les compétences du département et de la région transférées ont donné lieu à la création
de onze directions et de dix-huit services supplémentaires. L’organisation du secteur
« Solidarité et familles » est la transposition de celle du conseil général de la Guadeloupe
de l’époque.
1.3.3.2.
Une organisation incomplète jusqu’en 2015
Au regard des compétences transférées en 2007 et en 2012, l’organisation ne prend en
compte aucune mission de conception normative ni d’adaptation aux besoins
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
19
spécifiques de la nouvelle collectivité
4
(développement des ports et de l’aéroport par
exemple) et une méconnaissance de l’administration d’un département, d’une région et
de l’administration de de l’Etat.
Les nouveaux transferts de 2012 n’ont pas, non plus, été anticipés en 2007, ni même
après puisqu’encore à ce jour, le contenu des compétences
« Construction, habitation,
logement »
et
« Energie »
n’est pas défini. Huit ans ont été nécessaires pour organiser
la prise en charge de plusieurs nouvelles compétences dont, notamment, une partie de
celle concernant l’aide sanitaire et sociale. Il a fallu attendre 2012, soit cinq ans, pour
que la collectivité complète son organisation en matière de fiscalité pour prendre en
charge la compétence «
Impôts, droits, taxes et cadastre
».
Au regard des compétences communales, fin 2014, de nombreux services relevant de
la compétence communale n’étaient toujours pas créés au sein de la collectivité comme
la gestion des commissions de sécurité, la gestion du droit des sols, le conseil local de
suivi et de prévention de la délinquance. Ce n’est qu’en 2015, avec l’arrivée d’un
nouveau directeur général des services et de deux nouveaux directeurs généraux-
adjoints, l’un pour le domaine social, l’autre pour l’aménagement, que l’organigramme a
été complété.
En revanche, la collectivité ne dispose toujours pas de direction des systèmes
d’information. Cette absence tient au choix opéré avant 2007 d’externaliser la fonction
et d’abandonner toute compétence en interne, laissant la collectivité totalement
dépendante de son prestataire et supportant un coût excessif pour ces prestations (plus
de 500 000 € par an).
Selon la réponse de M. Gumbs, ancien ordonnateur, au rapport provisoire, la COM aurait
recruté une juriste fiscaliste et le service communal de sécurité aurait poursuivi sa
mission ; il en aurait été de même pour le conseil local de suivi et de prévention de la
délinquance ; des
« pôles » « Solidarité et famille »
et
« Développement durable »
auraient été pourvu d’un directeur général-adjoint en septembre 2008 pour le premier,
« dès sa création »
pour le second. La chambre régionale des comptes n’en a pas trouvé
trace dans les documents qui lui ont été transmis.
1.4.
Une organisation qui peine à être efficace et qui coûte cher
1.4.1.
Le fort impact des nouvelles compétences sur l’effectif
L’autonomie a conduit la collectivité à exercer 38 nouveaux métiers
5
, composés
essentiellement de compétences transversales (ingénierie, pilotage, encadrement,
gestion budgétaire, contrôle, évaluation) que le personnel en place n’était pas en mesure
d’assurer.
Certains de ces métiers, composés d’une dimension de pilotage et de conception,
doivent être confiés à des cadres de catégorie A, si possible expérimentés. Chaque
grand secteur d’intervention doit être piloté par un cadre à fort potentiel et de haut niveau
dans son domaine de compétences (diplôme de niveau 1 au minimum et/ou enrichi d’une
forte expérience) et l’ensemble doit être dirigé par un cadre de haut niveau, ayant, par
exemple, exercé plusieurs années les fonctions de directeur général ou de directeur
général-adjoint d’une région ou d’une collectivité de plus de 80 000 habitants.
4
Cf.
annexe 1 du présent rapport
5
Cf.
annexe 2 du présent rapport
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
20
S’agissant des agents d’exécution, les nouveaux métiers correspondent notamment à
des interventions sociales ou à des aides à domicile. Au regard du nombre d’unités
fonctionnelles (70) que doit comporter l’organigramme issu des nouvelles compétences,
le nombre d’agents de catégorie C nécessaire peut être estimé à 200 au total.
1.4.2.
Une grande partie de l’effectif inadaptée aux compétences de la collectivité
Entre le 31 décembre 2006 et le 31 décembre 2008, les services créés pour exercer les
nouvelles compétences ont reçu un effectif de 104 agents dont 36 cadres de catégorie A
et quatre de catégorie B.
L’effectif des agents de catégorie C ayant baissé de 29 agents sur cette période,
93 agents de cette catégorie ont été redéployés, soit près de 20 % de l’effectif de cette
catégorie. Cette démarche a répondu à une forte attente du personnel. Elle a été
poursuivie jusqu’en 2013, toujours sur la base du volontariat.
Toutefois, elle n’a pas conduit la collectivité de limiter son effectif dans cette catégorie
d’emplois alors que le transfert de compétences en était l’occasion. En effet, alors que
la collectivité pouvait pourvoir les postes d’agents de catégorie C nécessaires à
l’exercice des nouvelles compétences en poursuivant sa politique de redéploiement, elle
a augmenté l’effectif de cette catégorie de 175 agents, de 2009 à 2015, soit de 30 % de
l’effectif de 2007 dans cette catégorie, sans relation avec les besoins de l’administration.
En revanche, l’augmentation du nombre de cadres a été très lente. Au 31 décembre
2014, l’effectif de cadres A (83) correspondait à l’effectif nécessaire pour assurer
uniquement les compétences transférées. Or, les compétences communales
demeuraient. Eu égard aux nouvelles compétences exercées, le taux d’encadrement (y
compris la catégorie B) demeure faible, d’à peine 20 %, même s’il s’est amélioré (4,3 %
en 2007).
Graphique n°1 :
Evolution de l'effectif de cadres, de 2006 à 2015
Sources : fichier de la paie de la collectivité et chambre territoriale des comptes
Le redéploiement des agents nécessitait un important effort de formation. Alors que la
réorganisation a eu lieu en 2008, le plan de formation a démarré en 2011, trois ans après
le changement d’affectation de près de 100 agents.
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
10
13
49
57
57
68
72
73
83
94
13
13
17
25
29
34
37
42
46
63
A
B
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
21
De plus, ce plan de formation n’a pas été établi à la suite d’une évaluation des besoins
en formation du personnel mais sous la pression des représentants du personnel dans
le cadre d’un accord de fin de conflit signé en octobre 2010. Il n’a fait l’objet d’aucune
évaluation et, cinq ans après, il n’a pas été actualisé. Mi-2017, aucune démarche
d’élaboration de plan de formation n’était encore conduite.
1.4.3.
Beaucoup de services inefficients
A partir de 2008, la collectivité a élaboré un bilan d’activités qui a pour objectif de rendre
compte de la production de chaque direction et service. Si les activités des pôles
opérationnels y sont retracées dès 2008 et jusqu’en 2014, en revanche, celles du pôle
fonctionnel n’apparaissent que dans les rapports de 2013 et de 2014.
L’examen de ces rapports montre que, globalement, la collectivité n’a rempli ses
nouvelles missions qu’en 2009, soit la deuxième année suivant son changement de
statut. Les résultats qui y sont présentés, rapportés au nombre d’agents ayant concouru
à leur obtention, mettent en évidence la faible efficience de nombreux services. Cette
inefficience trouve son origine principale dans le choix opéré avant 2007 de recruter
massivement des agents sans qualification et sans objectif précis.
1.4.4.
Des élus et une direction générale dispendieux
Tout au long de la période sous contrôle, les présidents, certains vice-présidents,
certains membres du conseil économique, social et culturel, et le directeur général des
services de la collectivité jusqu’en 2014, ont mené un train de vie excessif au regard de
la situation financière de la collectivité. Ils ont voyagé en 1
ère
classe vers la métropole
(billet à plus de 3 500 €), ont été hébergés dans des hôtels cinq étoiles : 1 650 € pour
trois nuits lors d’un déplacement du directeur général fin janvier 2013 à Paris, 2 850 €
pour cinq nuits lors d’un autre déplacement à Paris en juillet 2013, 3 633 € pour six nuits
lors du déplacement du président du 3 au 10 avril 2013, 3 920 € pour sept nuits lors du
déplacement d’un fonctionnaire territorial influent. Ils ont utilisé les carnets de tickets de
vol « Air Antilles Express » pour des déplacements qui n’ont pas pu être justifiés
(40 000 € par an de 2011 à 2014), et plus de 155 000 € ont été dépensés en moyenne
chaque année en billets d’avion.
Certains agents de la collectivité ont aussi bénéficié de prises en charge onéreuses et
irrégulières, comme un hébergement à 224 € la nuit lors du déplacement en 2013 de la
directrice du tourisme, ou un voyage en 1
ère
classe du directeur des ressources
humaines lors de son déplacement à Paris, la même année.
S’agissant des frais de déplacements des élus et du directeur général, l’argument
avancé par l’ancien directeur général des services, selon lequel ils «
ont été acquittés
par un seul pour ne pas peser de façon disproportionnée sur les capacités financières
des participants
», ne correspond pas aux contenu des pièces comptables fournies par
la collectivité à la chambre.
1.4.5.
L’absence
d’anticipation
pour
le
recrutement
d’un
directeur
général
expérimenté
La situation particulière de la nouvelle collectivité, le changement institutionnel de grande
ampleur à laquelle elle devait faire face nécessitaient de recourir à des compétences
éprouvées en matière de direction générale de collectivité.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
22
Pourtant, la collectivité n’a lancé aucun appel à candidatures sur profil de poste précis.
Elle n’a pas exprimé de besoin particulier dans les domaines pourtant cruciaux de
l’organisation de transfert de responsabilité de collectivité et de leur compensation.
Une partie importante des dysfonctionnements décrits dans la suite du présent rapport
en sont la conséquence.
1.5.
Les conditions d’une organisation efficace et efficiente
Pour qu’une l’organisation atteigne une efficience satisfaisante, il faut combiner
l’organisation matricielle et le travail en mode « projet ». L’organisation matricielle
correspond à un découpage de l’organisation selon deux critères, l’un technique, l’autre
administratif, adapté à un travail sur plusieurs projets en employant les mêmes moyens.
L’existence d’unités comprenant ces deux dimensions à la fois permet de satisfaire les
exigences de chaque projet. Les chefs de projets ont la responsabilité de la conduite et
de la réussite du projet après la négociation et la fixation des objectifs par la direction
générale. Les responsables fonctionnels s’occupent des ressources techniques (analyse
des coûts, étude des marchés…) et humaines dont ont besoin les chefs de projets.
L’organisation matricielle combine l’avantage de la spécialisation de l’organisation
fonctionnelle et les avantages de motivation, de coordination et de formation qui
caractérisent les autres types d’organisation. Elle répond à la complexité des activités
de la collectivité, renforce la coopération et le travail en groupe et permet une utilisation
plus rationnelle des ressources de la collectivité.
Le travail en mode projet nécessite de respecter quatre étapes qui sont de fixer les
objectifs de chaque projet et de dresser la liste ses acteurs, d’animer les réunions
afférentes, de rédiger des comptes rendus efficaces et de suivre l’organisation du travail
avec la bonne exécution des tâches.
Dans sa réponse au rapport provisoire, l’ordonnateur a fait connaître à la chambre qu’il
avait engagé la mise en oeuvre de cette organisation en 2016.
Recommandation n° 1
Conduire à son terme l’organisation matricielle engagée, instaurer le travail en
mode « projet » dans les services de la collectivité, accroître l’effort de formation
et diminuer le nombre d’agents de catégorie C.
2.
LES COMPTES DE LA COLLECTIVITE
2.1.
La fiabilité des comptes
La collectivité d’outre-mer de Saint-Martin est dotée d’un budget principal et n’a plus de
budget annexe. En effet, par délibération du 7 mars 2006, le conseil municipal a décidé
de créer une régie autonome afin d’assurer la gestion du service de l’eau et de
l’assainissement «
Etablissement des eaux et de l’assainissement de Saint-Martin
»
ainsi qu’une délégation de service public pour l’aéroport, concédé le 1
er
avril 2011.
La transformation institutionnelle de la commune en collectivité d’outre-mer a entraîné,
le 1
er
janvier 2008, un changement de gestion avec l’obligation de présenter le budget
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
23
suivant l’instruction budgétaire et comptable M 52, afin que soient intégrées dans les
comptes de la collectivité les nouvelles compétences départementales et régionales.
Des progrès dans la connaissance du patrimoine, dans la couverture du risque affectant
les recettes, dans le rattachement des charges et des produits à l’exercice, dans
l’apurement des comptes d’attente, sont indispensables pour que la collectivité puisse
connaître sa réelle situation financière et obtenir une visibilité sérieuse sur l’avenir.
2.1.1.
Une situation patrimoniale de la collectivité mal connue
2.1.1.1.
L’inventaire patrimonial est lacunaire
La collectivité de Saint-Martin dispose d’un inventaire physique partiel de son patrimoine.
Son caractère récent (2015) le rend peu fiable, de nombreuses immobilisations ayant pu
disparaître par fongibilité dans le patrimoine d’autrui, des occupants sans titre de
terrains, par exemple. Cet inventaire ne comporte pas la valeur d’entrée au bilan des
biens immobilisés ; seules figurent la valeur des travaux effectués et la valeur vénale
estimée par les services.
Si la collectivité tient à jour la liste des acquisitions et cessions de terrains, elle ne
recense pas les biens vacants sans maître ou les terrains relevant des 50 pas
géométriques, ni les terrains dévolus au domaine public, souvent occupés illégalement.
L’inventaire fiable est un des instruments de la gestion du patrimoine, tant public que
privé. Il permet de déterminer les redevances dues par les délégataires de service public
auxquels sont affectées des biens et les loyers sur le patrimoine privé. Il permet de
prévoir son entretien en pratiquant les amortissements nécessaires ainsi que les
provisions pour dépréciations.
Recommandation n° 2
Compléter l’inventaire physique des biens immobilisés de la collectivité et
valoriser chaque bien recensé au coût historique (cf. « Guide organisationnel sur
le processus patrimonial », élaboré en 2013 par le Conseil national de la fiabilité
des comptes locaux).
2.1.1.2.
L’absence d’inventaire patrimoniale de la collectivité
La collectivité de Saint-Martin a confié à la SEMSAMAR, société d’économie mixte locale
dont elle détient 51 % des capitaux et des droits de vote au conseil d’administration, la
réalisation des plusieurs travaux de construction d’équipements, soit, par le biais de
mandats d’opérations, soit, par celui de délégations de services publics.
Bien que les contrats de délégation distinguent les biens de retour des biens de reprise,
la collectivité n’a pas traduit dans ses comptes la mise à disposition des biens dévolus
au délégant. En outre, ils ne figurent qu’à l’inventaire de la SEM et sont absents de celui
de la collectivité. Le bilan de la collectivité ne traduit pas l’état de son patrimoine. Il est
indispensable que la collectivité lance le chantier de clarification de ses liens
patrimoniaux avec sa société d’économie mixte.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
24
Recommandation n° 3
Compléter l’inventaire du patrimoine en rapprochant des comptes de la
SEMSAMAR la liste des biens figurant dans les délégations de service public, en
vérifiant la nature des biens (reprise ou retour) et en intégrant au bilan de la
collectivité les biens de retour recensés.
2.1.2.
Une couverture du risque de recouvrement très incertaine
Le niveau d’émission des titres de recette n’est pas fiable. En effet, les rôles sont
inexacts et comportent des erreurs qui majorent le montant des titres émis, et ce, malgré
de nombreuses annulations de titres déjà intervenues. L’hétérogénéité des différentes
applications utilisées dans la prise en charge des titres de recettes ne facilite pas le
travail de fiabilisation.
Dans les comptes, les restes à recouvrer apparaissent pour un montant de 122 M€ au
31 mai 2016, et pour plus de 20,4 M€ au titres des exercices antérieurs à 2011. Ces
restes concernent pour 36 %, soit 43 M€, les impôts fonciers dont la moitié sont
constitués de créances antérieures à 2015 et, pour 22 %, d’impôt sur le revenu. Un
montant important de taxe professionnelle, 5,9 M€, est dû par les organismes redevables
depuis 2014 ou antérieurement.
Parmi les restes à recouvrer, des titres représentant un total d’environ 6 M€ sont déjà
prescrits. Des admissions en non valeurs devront intervenir.
Pour atténuer le décalage entre le moment de l’émission des titres et le moment du
paiement, un système de provision et de reprise sur provision (dès que les titres sont
soldés) a été mis en place. Ce dispositif est une mesure de prudence, d’autant qu’une
partie de ces restes à recouvrer risque de devenir irrécouvrable. Cependant, d’une part,
il est nécessaire de déterminer si le montant des provisions constituées (37 M€) couvre
réellement le risque et, d’autre part, il est nécessaire de corriger l’imputation de ces
provisions qui doivent toutes être intégrées au compte 1518
« Autres provisions pour
risque »
.
Recommandation n° 4
Ajuster le montant des titres, compte tenu des dégrèvements et des erreurs
d’émission, en tenant compte aussi des paiements intervenus sans titre (471), et
déterminer avec précision les risques de défaillance des débiteurs pour ajuster
les provisions à ce risque et passer les écritures d’admission en non-valeur, si
nécessaire.
2.1.3.
Un rattachement des charges et produits peu rigoureux
L’obligation de rattacher l’intégralité des charges et des produits à l’exercice concerné
découle du principe d’indépendance des exercices. Il ressort de l’examen des comptes
administratifs que, de 2007 à 2015, à l’exception de l’exercice 2013, la collectivité n’a
effectué aucun rattachement pour les charges à caractère général. Pour 2014 et 2015,
seuls les intérêts courus non échus ont été rattachés. S’agissant des produits, la
collectivité n’a procédé aux rattachements qu’en 2014 et en 2015.
Recommandation n° 5
Rattacher les charges et les produits à l’exercice à partir d’un seuil à définir.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
25
2.1.4.
L’apurement tardif des comptes d’attente
Les opérations inscrites aux comptes d’attente 471
« Recettes à régulariser »
et 472
« Dépenses à régulariser »
, doivent être régularisées au plus tôt et, en tout état de
cause, avant la fin de l’exercice, par imputation définitive aux comptes de produits et de
charges concernés.
Au 31 décembre 2015, les comptes 471 enregistraient respectivement un solde de
8 266 539 € et de 12 379 624 € dont 7 739 585,64 € depuis 2011, au débit du compte
47218. Selon les informations recueillies auprès du comptable, le solde du compte
47218 concernerait des opérations non budgétaires passées pour le compte de
l’établissement des eaux de Saint-Martin et non pour le port. Cependant, en l’absence
d’archives, cette somme n’a pas pu être identifiée. Il est impératif que l’ordonnateur
fournisse au comptable les éléments nécessaires pour justifier les soldes de ces
comptes d’attente.
Tableau n°1 :
Situation des comptes d’attente (en euros)
Compte
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
crédit 471 :
recettes à
régulariser
11 690
189 104 26 709 170 12 459 968 9 793 291 16 948 839 2 985 716 7 066 416 8 266 539
débit 472 :
dépenses à
régulariser
9 581 062
541 133 4 808 116 6 631 344 11 077 218 9 040 609 9 554 005 10 791 198 12 379 624
Source : comptes de gestion.
Recommandation n° 6
Purger les comptes d’attente.
2.2.
L’analyse financière
Le périmètre de l’analyse financière est celui du budget principal, hors budgets du port
et de l’aéroport. La capacité d’autofinancement positive de 15 M€ au 31 décembre 2015
a, cependant, été retraitée afin de tenir compte, d’une part, des soldes anormaux figurant
aux comptes 471 et 472 et, d’autre part, de l’abondement du prêt de restructuration
affecté en section de fonctionnement et de la dette envers la CAF.
2.2.1.
Une capacité d’autofinancement artificielle et faible
2.2.1.1.
Les recettes de gestion progressent sur une base fragile
En 2015, les recettes fiscales ont atteint près de 97 M€ et représenté 81 % des
ressources de la collectivité.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
26
Graphique n°2 :
Ventilation des produits de gestion
Source : comptes de gestion
Les recettes fiscales sont en nette progression depuis 2012 et la progression s’accentue
en 2015 grâce aux efforts réalisés
6
, en particulier la décision de fiscalisation à la source
du RSA socle à hauteur de 30 % qui devrait rapporter plus de 5,3 M€ à la collectivité en
2015. Toutefois, bien que validée par le Conseil d’Etat
7
, cette décision n’est pas encore
appliquée par la caisse d’allocations familiales (CAF) de Guadeloupe.
Les ressources institutionnelles représentent 21,1 M€ en 2015 et 18 % des recettes
totales. Elles se répartissent de la manière suivante : 12 M€ de dotation globale de
fonctionnement 4,4 M€ de dotation globale de compensation et 2,8 M€ de fonds
européens. La dotation forfaitaire a augmenté de 25 % entre 2009 et 2015 et la dotation
générale de décentralisation a doublé en 2015.
La collectivité perçoit les dividendes de la SEMSAMAR, dont elle détient 51 % des parts.
Ils ont baissé de 37 % en 2015, à 1,2 M€ contre 1,9 M€ en 2011.
2.2.1.2.
Des charges de gestion toujours en augmentation
Les charges de gestion ont doublé entre 2008 (49,7 M€) et 2015 (98,1 M€). Cela est dû
en partie aux compétences supplémentaires transférées que la collectivité doit assumer,
suite à l’évolution statutaire. Des marges d’économie existent cependant.
6
Cf. annexe 3 du présent rapport
7
Conseil d'Etat, section du contentieux, 30 novembre 2015, n°388299.
81 %
18 %
1%
Ressources fiscales propres
Ressources institutionnelles
Ressources d'exploitation
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
27
Graphique n°3 :
Ventilation des charges de gestion
Source :
comptes de gestion
Les charges à caractère général ont augmenté de 121 % sur la période 2007-2015 sur
la quasi-totalité des postes et, notamment, sur les contrats de prestations de services,
les honoraires, les achats, les locations et charges de copropriétés, les réparations, les
transports. Les frais de déplacements et de missions
ont progressé de près de 300 %
entre 2010 et 2015, ce qui laisse à penser que des économies sont possibles, a minima
en programmant mieux les missions et déplacements afin d’obtenir de meilleurs
conditions tarifaires.
Les charges à caractère général offrent une des rares marges de manoeuvre de la
collectivité pour contenir ses charges de gestion. Le risque d’une augmentation plus
rapide des charges liées aux nouvelles compétences que des recettes qui y sont
associées, existe. Ce risque est d’autant plus grand que l’augmentation des recettes
atteint ses limites car elle est fondée sur une assiette restreinte et une activité
économique fragile.
Recommandation n° 7
Réduire les charges à caractère général, notamment les postes de dépenses tels
que les achats, les locations, les transports collectifs ; développer les travaux en
régie ; planifier les missions et déplacements afin de réduire les coûts.
En 2007, les charges de personnel représentaient 19,4 M€ soit 53 % des charges de
gestion. Ces charges ont progressé de 83 % en 2015, soit 17 M€ de dépenses
supplémentaires par rapport à 2007. Elles atteignent 36,6 M€ en 2015 et constituent le
premier poste de charges de gestion.
Si leur niveau s’explique en bonne partie par l’étendue des compétences exercées par
la collectivité, elles augmentent encore significativement au budget 2016 pour atteindre
39 M€, soit une augmentation de 6,5 % par rapport à 2015. Cette augmentation résulte,
pour 1 M€, d’un remboursement de suppléments familiaux aux agents (au titre des
exercices 2007-2011 et 2012) et d’un remboursement de salaires au conseil général de
la Guadeloupe au titre de la mise à disposition, depuis janvier 2009, de quatre agents.
L’effectif a été porté de 604 agents en 2007 à 865 en 2016.
Dans le cadre de ses compétences départementales, Saint-Martin assure le
financement intégral de la prestation sociale RSA « socle » et RSA « majoré »
via
la
Caisse d’allocation familiale de la Guadeloupe.
21%
36%
24%
14%
5%
Charges à caractère général
+ Charges de personnel
Aides à la personne
+ Subventions de
fonctionnement
+ Autres charges de gestion
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
28
Les aides à la personne coûtent 23,2 M€, soit 24 % des charges de gestion, et
constituent en 2015 le deuxième poste de dépenses de la collectivité, en progression
très importante. Les aides directes (APA et RSA) ont progressé de 349 % entre 2008 et
2015 et sont passées de 5,7 M€ à 19,9 M€. Le seul RSA représente une somme versée
de 16,8 M€ en 2015, en augmentation de 157 % depuis 2011.
Face à cette charge difficilement soutenable, la collectivité a modifié les critères
d’éligibilité du RSA, faisant passer la durée de séjour minimale pour en bénéficier de
cinq à dix ans. Cette mesure devrait permettre de réduire le nombre de bénéficiaires du
RSA (d’environ 150) et diminuer la charge pour la collectivité de 1 M€ (selon le comité
de suivi du 9 juin 2016). Par ailleurs, suite aux difficultés de trésoreries, la collectivité a
suspendu ses remboursements à la CAF, engendrant un reste à payer de 39,4 M€ au
30 mai 2016.
2.2.1.3.
La capacité d’autofinancement reste insuffisante
Sur la période sous revue, la collectivité dégage un excédent brut de fonctionnement
(EBF) très variable d’une année à l’autre, notamment en raison de l’annulation de
nombreux titres entre 2010 et 2015 (pour un total de 16,6 M€) liée à des dégrèvements
et à des erreurs matérielles.
Les comptes de gestion montrent que, depuis 2013, l’EBF est positif et augmente
régulièrement pour atteindre 21,2 M€ en 2015, soit près de 18 % des produits de gestion.
Toutefois, cette situation doit s’apprécier en tenant compte de l’abondement de la section
de fonctionnement dans le cadre du protocole d’accord signé le 12 décembre 2012 avec
l’AFD qui a permis à la collectivité de bénéficier d’un prêt de 25 M€ dont 20 M€ en
fonctionnement (15 M€ reçus en 2012, 5 M€ en 2014). Par ailleurs, la situation des
comptes d’attente, avec un excédent de dépenses à régulariser sur les recettes à
régulariser, amène à modérer le montant de l’EBF affiché dans les comptes.
Tableau n°2 :
Excédent brut de fonctionnement et capacité d’autofinancement
(sans retraitement ; montants en euros)
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Produits de
gestion (A)
48 005 183
67 169 179
55 092 302
86 186 277
73 874 950
78 110 107
98 160 576
104 387 732
119 302 111
Charges de
gestion (B)
36 807 916
49 732 813
67 626 207
62 125 207
75 527 656
85 561 851
90 073 830
92 435 447
98 133 648
Excédent brut
de fct (A-B)
11 197 267
17 436 366
-12 533 905
24 061 070
-1 652 706
-7 451 744
8 086 746
11 952 285
21 168 463
en % des
produits de
gestion
22,63 %
25,53 %
-24,60 %
27,91 %
-2,23 %
-9,54 %
8,23 %
11,45 %
17,74 %
+/- Résultat
financier (réel
seulement)
-297 148
70 628
574 431
1 985 371
918 828
636 688
-828 353
-629 490
-718 529
+/- Autres
produits et
charges excep.
réels
550 350
-1 717 837
86 248
-3 413 991
87 918
9 845 907
-1 999 066
4 327 246
-1 998 154
= CAF brute
12 044 765
15 789 157
-11 873 226
22 632 450
-645 960
3 030 850
5 259 327
15 650 041
18 451 781
en % des
produits de
gestion
22,11 %
27,98 %
-22,65 %
26,3 %
-0,9 %
3,9 %
5,4 %
15,0 %
15,5 %
Source : comptes de gestion
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
29
Tableau n°3 :
Capacité d’autofinancement brute et nette (sans retraitement ; en euros)
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
CAF brute
12 044 765
15 789 157
-11 873 226
22 632 451
-645 960
3 030 850
5 259 329
15 650 040
18 451 781
- Annuité en
capital de la dette
1 590 965
2 601 751
1 976 655
2 092 962
2 495 679
2 415 653
3 052 354
3 076 018
2 984 167
= CAF nette
10 453 800
13 187 406
-13 849 881
20 539 489
-3 141 639
615 197
2 206 975
12 574 022
15 467 614
Source : comptes de gestion
Pour les exercices 2009 et 2011, la capacité d’autofinancement brute était insuffisante
pour couvrir le remboursement du capital de la dette.
On doit noter qu’une somme de 8 330 814,78 € restait inscrite au compte d’attente 472
« Dépenses à classer ou à régulariser »
. Celle-ci correspondait au solde du compte de
liaison 451 du budget annexe de l’eau et de l’assainissement de la commune au moment
du passage en COM. La commune aurait dû, à ce moment, réintégrer les comptes
d’attente dans son budget, solder le compte de liaison 451 et passer les mandats. Au
lieu de cela, la collectivité a laissé se perpétuer le compte 451 plusieurs années, puis a
procédé au solde de ce compte 451 dans ses écritures et a récupéré de ce fait le solde
du compte 472 qu’elle a ensuite apuré par un mandat de 17 841 039€, suite à l’avis de
la chambre des comptes du 9 décembre 2016. Cette régularisation tardive qui ne peut
s’interpréter comme une avance de trésorerie à l’EEASM, a permis à la collectivité de
masquer sa situation budgétaire déficitaire entre 2007 et 2016.
Après retraitement et intégration des soldes des comptes 471 (recettes à régulariser) et
472 (dépenses à régulariser), la CAF nette apparait fortement dégradée en 2012 et a
significativement diminué en 2014 pour atteindre 3,8 M€, soit seulement 3,7 % des
produits de gestion, selon le tableau ci-après.
Tableau n°4 :
Capacité d’autofinancement brute et nette avec retraitement
(montants en euros)
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
CAF nette
10 453 800
13 187 406
-13 849 881
20 539 489
-3 141 639
615 197
2 206 975
12 574 022
15 467 614
Prêt de restructuration
0
0
0
0
0
15 000 000
0
5 000 000
0
Solde des cptes
471 et472
-9 569 372
-352 029
21 901 054
5 828 624
-1 283 927
7 908 230
-6 568 289
-3 724 782
-4 113 085
CAF nette retraitée
884 428
12 835 377
8 051 173
26 368 113
-4 425 566
-6 476 573
-4 361 314
3 849 240
11 354 529
Source : compte de gestion
Bien que positive en 2015, même après retraitement, la CAF reste fragile au regard,
d’une part, des investissements à mener par la collectivité et, d’autre part, des charges
de fonctionnement qui augmentent plus rapidement que les recettes de fonctionnement.
Il ressort des prévisions pour 2016 en recettes et en dépenses présentées par la
collectivité lors de la réunion du comité de suivi de juin 2016, que la capacité
d’autofinancement brute devrait être de l’ordre de 16 M€ en 2016, en baisse de 2 M€ par
rapport à 2015.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
30
2.2.2.
L’équilibre du bilan dépendant des concours extérieurs
Tableau n°5 :
Dépenses d’équipement (en euros)
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Cumul
14 310 961
12 425 084
17 768 087
26 211 131
16 294 360
24 085 949
16 870 997
19 660 476
26 665 857
174 292 903
Source :
compte administratif de la collectivité
Les dépenses réelles d’équipement s’établissement à 174,2 M€ sur la période 2007-
2015, en progression de 64 % sur les cinq dernières années, passant de 16,3 M€ en
2011 à 26,7 M€ en 2015. Les principales opérations d’investissement réalisées
8
consistent en la construction d’écoles et de la cité scolaire, d’une médiathèque, d’une
cuisine centrale, d’un restaurant scolaire, des travaux de voirie, l’acquisition de foncier
pour la réalisation d’équipements publics, l’éclairage public.
2.2.2.1.
Des dépenses d’équipement financées par des aides exceptionnelles
Le financement des dépenses d’équipement entre 2010 et 2015 a nécessité un recours
à l’emprunt à hauteur de 56,6 M€ sur la période sous revue. La collectivité a, par ailleurs,
contracté plusieurs lignes de trésorerie dont une de 10 M€ en 2010.
L’encours de la dette s’élevait à 51,5 M€ au 31 décembre 2015, constituée
exclusivement d’emprunts de la catégorie 1-A sur l’échelle de Gissler (pas d’emprunt
structuré). On peut observer un écart de 1,09 M€ entre le compte de gestion et les états
de suivi de dette fournis par l’ordonnateur, résultant en partie, selon l’ordonnateur, d’une
ligne de trésorerie avec option de consolidation, contractée en 2010 puis transformée
partiellement en prêt.
Au 31 décembre 2015, la capacité de désendettement de la collectivité (nombre
théorique d’années nécessaires au remboursement des emprunts en cours) s’élevait à
moins de cinq ans, ce qui semble traduire un endettement faible. Cependant, cette
situation ne reflète pas la réalité puisque la CAF brute a été abondée « artificiellement »
en fonctionnement, dans le cadre du protocole d’accord signé le 12 décembre 2012 avec
l’AFD (15 M€ en 2012, 5 M€ en 2014). De plus, si l’on corrige l’encours de la dette en
ajoutant la dette envers la CAF de Guadeloupe (39 M€) et l’avance remboursable
octroyée par l’Etat (18 M€), la collectivité est dans une situation d’endettement tendue.
Cet endettement augmente puisqu’un nouvel emprunt a été contracté le 24 novembre
2015 avec la Caisse des dépôts et consignations pour un montant de 2,4 M€ (à un taux
de 0 %) pour le préfinancement des attributions du fonds de compensation pour la taxe
sur la valeur ajoutée (FCTVA). En 2016, la collectivité devrait bénéficier en outre d’un
prêt de l’AFD de 4 M€ pour financer une partie de l’achat d’un terrain nécessaire à
l’allongement de la piste de l’aéroport de Grand-Case.
2.2.2.2.
Une situation de trésorerie préoccupante
Suite au changement de statut, l’Etat ne verse plus, chaque mois, un douzième du
produit de la fiscalité votée pour les produits locaux. Ce sont donc les sommes
réellement payées par les redevables qui contribuent à alimenter la trésorerie. En 2012,
dans le cadre du protocole d’accompagnement financier de la collectivité modifié par
l’avenant signé le 8 octobre 2013, une avance de l’Etat de 18 M€, remboursable sur six
8
Cf.
annexe 4.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
31
exercices à compter de 2014, a été accordée à la collectivité. La collectivité a également
recours à des lignes de trésorerie et 1 M€ a été mobilisé à ce titre en 2015.
La collectivité dispose, en 2015, d’un fonds de roulement (excédent des ressources
stables - fonds propres, dettes long terme - sur les emplois stables - immobilisations),
de 29,8 M€, grâce notamment à la constitution de provisions à hauteur de 36,8 M€.
Son besoin en fonds de roulement, soit les ressources dont elle doit disposer pour face
aux créances non encore payées, est de 39,7 M€. Il résulte de l’importance des créances
sur les redevables, notamment d’impôts. Près de 80 M€ sont inscrits aux comptes 41
(redevables, pour 29 M€) et 44 (opérations particulières avec l’Etat, pour près de 49 M€).
Ces créances ne sont pas compensées par les dettes non encore payées par la
collectivité. Ces dernières sont en grande partie des dettes dues à la CAF, pour un
montant de 35 M€, au titre des bénéficiaires de l’aide sociale, et pour l’autre partie des
dettes envers les fournisseurs pour plus de 5 M€.
La trésorerie, différence entre le fonds de roulement et le besoin en fonds de roulement,
fait apparaître une situation négative de 9,9 M€. C’est pour faire face à cette situation
structurelle depuis au moins 2010, la collectivité a sollicité de l’Etat l’avance de trésorerie
de 18 M€ décrite plus haut, versée en 2012 et que la collectivité rembourse chaque
année (2 M€ ont été remboursés en 2015). La collectivité détient aussi une ligne de
trésorerie bancaire. Au total, la trésorerie passive (lignes de trésorerie) s’élève à 15 M€
en 2015, la collectivité détenant une trésorerie globale (trésorerie nette + trésorerie
passive) de 5 083 443 €.
Tableau n°6 :
Trésorerie de la collectivité au 31 décembre (montants en euros)
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Ressources stables (A)
311 273 563
331 350 679
349 260 062
362 953 588
398 920 160
422 243 323
Emplois immobilisés (B)
293 638 844
301 038 997
325 199 266
341 902 612
363 874 070
392 416 422
Fonds de roulement net global (A-B) = C
17 634 719
30 311 682
24 060 796
21 050 976
35 046 090
29 826 902
Besoin en fonds de roulement global (D)
22 260 992
42 251 892
25 194 059
31 572 957
48 669 255
39 742 459
Trésorerie nette (C-D) = E
-4 626 273
-11 940 210
-1 133 263
-10 521 981
-13 623 164
-9 915 557
en nombre de jours de charges courantes
-28
-58
-5
-42
-53
-37
Lignes de trésorerie (trésorerie passive) (F)
7 500 000
14 640 000
18 000 000
18 000 000
16 000 000
15 000 000
Trésorerie effective (compte au Trésor) = (F+E)
2 873 727
2 699 790
16 866 737
7 478 019
2 376 836
5 084 443
Source : comptes de gestion
La trésorerie est dépendante des crédits de trésorerie accordés par la CAF, l’Etat et les
fournisseurs.
Cette situation se confirme en 2016, avec une insuffisance de trésorerie qui s’établissait
à 46,3 M€ au 31 mai 2016, la trésorerie disponible s’élevant à 1,4 M€ et la dette envers
les tiers s’élevant à 47,7 M€ dont 39,3 M€ à la CAF de Guadeloupe.
Sur les délais de paiement, la collectivité indique qu’elle règle ses fournisseurs en
fonction du montant des factures :
-
à 30 jours (montant inférieur à 100 000 €) ;
-
à 60 jours (montant compris entre 100 000 et 500 000 €) ;
-
à 90 jours (montant supérieur à 500 000 €).
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
32
La comptable règle les factures selon le rang de priorité défini par l’ordonnateur.
La situation financière de la collectivité s’améliore donc mais reste fragile. Les recettes
reposent à plus de 80 % sur la fiscalité ; or, la fiscalité directe est incertaine (car mal
contrôlée et mal recouvrée) et la fiscalité indirecte n’engendre pas autant de recettes
qu’elle le devrait car la collectivité n’en maîtrise pas tous les leviers en termes de
contrôles, de recouvrement et d’assiette.
3.
LA GESTION DES SERVICES
3.1.
Une fonction
« Gestion des ressources humaines »
défaillante
3.1.1.
Une fonction peu structurée
3.1.1.1.
L’absence d’outil de gestion des ressources humaines
La direction des ressources humaines ne suit pas l’effectif par service, le taux
d’absentéisme, ses causes. Elle ne procède à aucune évaluation des besoins de
formation ni à aucune prospective d’évolution des postes, de l’effectif et des emplois.
Elle suit partiellement les risques au travail et n’élabore aucun plan afférant à ces
risques. L’organisation de la direction n’est plus adaptée aux enjeux que constitue la
performance des agents et celle-ci doit en tirer les conséquences.
3.1.1.2.
Des instances consultatives obligatoires inexistantes
Alors que les élections professionnelles ont eu lieu en décembre 2014, les instances
consultatives prévues par la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des
fonctionnaires, à savoir, la commission administrative paritaire, le comité technique et le
comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne sont toujours pas installés.
Le préfet, saisi par les représentants du personnel de la collectivité, a rappelé l’exécutif
à son devoir le 19 mai 2016 sans qu’aucune suite n’ait été donnée à ce rappel.
Cette situation nuit à la sérénité et à la confiance dans les relations de travail au sein
des services de la collectivité.
Recommandation n° 8
a. Réorganiser la direction des ressources humaines ;
b. Installer les instances consultatives ;
c. Etablir le dialogue avec les représentants du personnel.
3.1.2.
L’illégalité de nombreux actes de gestion du personnel
3.1.2.1.
L’irrégularité de certains recrutements d’agents contractuels de catégorie A et
B et de leurs rémunérations
L’article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions relatives à la fonction publique
territoriale pose le principe que les emplois permanents nécessaires à l’exécution des
missions de service public administratif doivent être occupés par des fonctionnaires, sauf
cas particulier et dûment justifié. Elle pose aussi le principe de d’interdiction pour les
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
33
agents contractuels de bénéficier d’une carrière, bénéfice réservé aux fonctionnaires,
seuls habilités à occuper un emploi permanent.
En cas de recrutement d’un agent contractuel, ce recrutement s’effectue sur la base de
ses diplômes qui lui ouvrent l’accès au cadre d’emploi, et de son expérience qui fonde
l’équivalence du grade de rattachement de sa rémunération. Le titulaire d’un diplôme de
niveau I sans expérience est recruté au premier grade du cadre d’emploi et rémunéré
au premier échelon.
Sur les 47 recrutements d’agents contractuels en catégorie A et les 18 en catégorie B
intervenus entre 2007 et 2015, seulement deux, de catégorie A, respectent ces
principes. Si les cadres d’emplois correspondent toujours au niveau de diplôme, le
niveau de rémunération est fixé discrétionnairement par l’autorité territoriale, sans critère
d’expérience. De plus, aucune délibération créant les emplois contractuels ne justifie le
besoin du service ni la nature des fonctions. Enfin, le recours aux agents contractuels
est rarement précédé d’une publication d’une annonce dans un journal spécialisé.
Recommandation n° 9
a. Publier systématiquement une annonce avant tout recrutement sur emploi
permanent, de catégorie A ou B.
b. Faire correspondre l’expérience et le grade pour la fixation de la rémunération
des agents non titulaires, lors de leur recrutement.
3.1.2.2.
L’irrégularité de l’intégration du directeur général des services dans le grade
de directeur territorial
La loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire permet aux
agents non titulaires des collectivités territoriales, occupant un emploi permanent et
remplissant certaines conditions, d’intégrer la fonction publique territoriale par la voie de
la sélection professionnelle. Celle-ci est effectuée par une commission d’évaluation
professionnelle. Le décret 2012-1293 du 22 novembre 2012 précise les cadres d’emplois
et grades de la fonction publique territoriale auxquels les agents peuvent accéder et fixe
les conditions de nomination et de classement dans ces cadres d’emplois des agents
déclarés aptes.
Le cadre d’emploi de catégorie A de la filière administrative de la fonction publique
territoriale concerné est celui des attachés territoriaux et le grade autorisé de
recrutement est celui d’attaché. Cela n’a pas été le cas du directeur général des services
recruté en 2007 qui a été recruté sur celui de directeur territorial, au dernier échelon,
dont l’accès exige vingt-sept ans et demi d’ancienneté dans le cadre d’emploi des
attachés. En 2011, il a été promu au grade d’administrateur hors classe jusqu’à la date
de son intégration.
Appliquées à sa situation administrative, les dispositions réglementaires conduisaient à
le classer au grade d’attaché, 4
e
échelon. Toutefois, le maintien «
à un indice majoré le
plus proche de celui permettant à l’intéressé d’obtenir un traitement mensuel brut égal à
70 % de sa rémunération mensuelle antérieure
9
» permettait de le classer au
11
e
échelon du grade d’attaché.
9
Article 16 du décret 2012-1293 du 22 novembre 2012.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
34
Il a été classé au dernier échelon du grade de directeur territorial et a continué de
percevoir, jusqu’à son détachement, la rémunération afférente au grade qu’il occupait
en qualité d’agent contractuel, c’est-à-dire celle correspondant au 2
e
échelon du grade
d’administrateur hors classe. Sa qualité de directeur général des services de la
collectivité qui l’a intégré aurait dû le conduire à éviter cette illégalité manifeste.
3.1.2.3.
Un conflit d’intérêt dans la sélection des candidats à l’accès aux emplois de
titulaires
L’article 19 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 précitée prévoit que
« La sélection
professionnelle est confiée à une commission d’évaluation professionnelle dans laquelle
siège l’autorité territoriale ou la personne qu’elle désigne. La commission se compose,
en outre, d’une personnalité qualifiée, qui préside la commission, désignée par le
président du centre de gestion du ressort de la collectivité ou de l’établissement, et d’un
fonctionnaire de la collectivité ou de l’établissement appartenant au moins à la catégorie
hiérarchique
[…]
dont relève le cadre d’emplois auquel le recrutement donne accès
[…]
.
Les personnalités qualifiées mentionnées aux deuxième et troisième alinéas ne peuvent
être un agent de la collectivité ou de l’établissement qui procède aux recrutements ».
La
neutralité de la commission repose donc sur son président, personnalité qualifiée,
suivant les dispositions de l’article 13 du décret n° 2012-1293 précité, pour
«
[…]
apprécier l’aptitude des candidats à exercer les missions du cadre d’emplois auquel la
sélection professionnelle donne accès »
.
La personnalité qualifiée ayant présidé la commission d’évaluation professionnelle mise
en place par la collectivité de Saint-Martin est l’ancien directeur général-adjoint des
services de la collectivité,
« chargé du développement humain »
, sur la période du
1
er
janvier 2009 au 14 décembre 2010. Il était à l’époque sous l’autorité du candidat à
l’intégration. Les deux autres membres de la commission étaient la présidente actuelle
de la collectivité et le directeur actuel des ressources humaines. La commission était
donc illégalement composée.
Dans sa réponse, l’ordonnateur justifie le caractère régulier de la nomination par sa
signature de l’acte
et par la présence d’un représentant du CNFPT dans le jury. Ces
arguments sont sans effet sur les irrégularités constatées. Il n’apporte pas d’élément
contredisant l’existence de conflits d’intérêts affectant certains membres du jury et
l’irrégularité du grade utilisé pour l’intégration.
3.1.2.4.
Une absence injustifiée
L’ancienne directrice générale-adjointe chargée de l’administration générale, secteur qui
comprend la direction des ressources humaines, a été absente pendant quatre mois, du
1
er
septembre au 31 décembre 2015, tout en restant rémunérée. Au dossier de
l’intéressée ne figure aucune autorisation particulière. Cette absence de service fait est
de nature à motiver une demande de reversement par l’agent de la rémunération perçue
indument.
3.1.2.5.
L’irrégularité affectant l’attribution du régime indemnitaire
Le décret n°91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l’application du 1
er
alinéa de l’article
88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction
publique territoriale, prévoit en son article 2 que «
L’assemblée délibérante de la
collectivité ou le conseil d’administration de l’établissement fixe, dans les limites prévues
à l’article 1er, la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités
applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements.
[…]
L’autorité
investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
35
applicable à chaque fonctionnaire. Chaque collectivité doit fixer par une délibération, le
régime indemnitaire applicable à ses fonctionnaires territoriaux (titulaires et stagiaires).
Un arrêté individuel doit être pris préalablement au versement des indemnités. Les
agents non titulaires peuvent également prétendre à l’ensemble du régime indemnitaire
dès lors que la délibération le prévoit expressément.
».
Depuis au moins 2007, chaque année, la collectivité délibère sur l’institution d’un régime
indemnitaire pour ses agents. Pourtant, seule la date d’application est modifiée dans la
délibération. Celle-ci est illégale dans la mesure où elle ne fixe pas les conditions
d’attribution ni le taux moyen applicables à ses fonctionnaires. Par ailleurs, elle ne prévoit
pas expressément l’attribution du régime indemnitaire aux agents contractuels qui,
pourtant, perçoivent diverses indemnités prévues dans la délibération. Dès lors, ces
dernières sont illégales et leurs versements doivent être stoppés.
Recommandation n° 10
Abroger, de manière non rétroactive, les arrêtés d’attribution du régime
indemnitaire en attendant le vote d’une nouvelle délibération étendant le régime
indemnitaire aux agents non titulaires.
3.1.2.6.
L’irrégularité de l’attribution de la nouvelle bonification indiciaire
Instituée par l'article 27 de la loi n°91-73 du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives
à la santé publique et aux assurances sociales, la nouvelle bonification indiciaire (NBI)
consiste en l’attribution d’une majoration de rémunération aux fonctionnaires qui ont une
responsabilité ou une technicité particulière. La particularité du poste doit être établie et
définie par l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement, après avis du
comité technique paritaire.
En outre, les fonctionnaires bénéficiant d’une NBI au titre de l’exercice de leurs fonctions
dans un quartier prioritaire de la politique de la ville peuvent bénéficier d’une majoration
de 50 % des points déjà acquis à ce titre lorsqu’ils sont confrontés à des sujétions
particulières ou bien assument des responsabilités spécifiques ou encore participent à
la mise en oeuvre d’actions liées à la politique de la ville.
L’examen des registres des arrêtés du personnel de la collectivité, pour les exercices
2007, 2008, 2011, 2014 et 2015, montre que les arrêtés d’attribution de la nouvelle
bonification indiciaire pris par l’exécutif de la collectivité ne respectent aucune de ces
conditions. En effet, la NBI est attribuée aux agents contractuels et leurs fonctions ne
sont pas mentionnées. A titre d’exemple, les arrêtés n°2008-318 et 316 attribuent
15 points de NBI à deux agents contractuels exerçant les fonctions d’adjoint
administratif.
Les montants ne correspondent pas toujours à ceux fixés dans les annexes du décret
du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire. Par exemple,
l’arrêté n°2011-173 concernant l’attribution de la NBI au directeur des finances de
l’époque fixe à 30 points le montant alors que le texte prévoit ce montant pour l’exercice
de fonctions éloignées de celles exercées par un directeur des finances de collectivité
(directeur d’EHPAD, directeur d’écoles de musique agréées par l’Etat, chef
d’établissement d’un musée labellisé « musée de France », etc.). Il en est de même de
l’arrêté n°2014-18.
Dans sa réponse au rapport provisoire, la collectivité s’est engagée à mettre en oeuvre
cette recommandation.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
36
Recommandation n° 11
a.
Abroger les arrêtés irréguliers attribuant la NBI et attribuer des points
uniquement aux fonctionnaires, en nombre conforme à la réglementation en
vigueur et en référence à l’exercice d’une fonction précisément définie.
b.
Fixer par délibération, après avis du comité technique, la liste des postes
bénéficiant de la majoration de 50 % pour exercice dans les zones sensibles.
3.1.2.7.
L’illégalité
de
l’attribution
de
l’indemnité
forfaitaire
pour
travaux
supplémentaires (IFTS) accordée au directeur des ressources humaines en
février 2013
Le Conseil d’Etat a consacré le principe de la non rétroactivité des actes administratifs,
individuels ou de portée générale, dans son arrêt «
Société du journal l’Aurore
» du 25
juin 1948. Depuis cette date, seules deux exceptions à ce principe sont admises :
lorsque cette rétroactivité résulte d'une loi et lorsqu’elle résulte d’un acte réglementaire
mais dans des cas très limités, pour combler un vide juridique suite au retrait ou à
l’annulation d’un acte par une juridiction, par exemple.
La collectivité n’a pas respecté ces principes puisque, le 7 février 2013, le directeur
général des services, agissant par délégation de la présidente de la collectivité de Saint-
Martin, a signé l’arrêté n°90/2013 portant attribution de l’indemnité forfaitaire pour
travaux supplémentaires à M. X, directeur des ressources humaines, «
à compter du
01/01/2012
» assortie d’un coefficient multiplicateur fixé à 7 sur 8.
3.1.2.8.
Les irrégularités affectant le régime de travail
L’article 7-1 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 et son décret d’application n°2001-623
du 12 juillet 2001 prévoient que les règles relatives à la définition, à la durée et à
l'aménagement du temps de travail des agents sont fixées par la collectivité dans les
limites applicables aux agents de l'État. Ils fixent la durée annuelle légale de travail pour
un agent travaillant à temps complet à 1 607 heures. Le décompte des 1 607 heures
résulte de la prise en compte des jours travaillés, soit 228 jours (365 moins les jours de
repos hebdomadaire - 104 jours, les congés annuels - 25 jours, les jours fériés - 8 jours)
multiplié par l’horaire quotidien fixé à 7 heures, soit 1 596 heures arrondi à 1 600 heures.
Il convient d’ajouter à ce chiffre le travail de la journée de solidarité, soit 7 heures à
compter du 1
er
janvier 2005.
La collectivité de Saint-Martin accorde à ses agents, chaque année, 8 jours fériés
supplémentaires, 27,5 jours de congés annuels, 6 jours de réduction du temps de travail
(RTT), une heure de repos supplémentaire par jour pour travail d’été pendant juillet et
août, et des congés exceptionnels qui peuvent s’élever à 11 jours par an, en
méconnaissance des lois et règlements en vigueur. La durée annuelle du temps de
travail de ses agents s’établit à 1 452,5 heures, hors congés exceptionnels (soit près de
10 % de moins que le minimum légal) et à 1 375,5 heures si l’agent bénéficie de tous les
congés exceptionnels (soit 14,4 % de moins que le minimum légal).
En outre, la réglementation précitée sur le temps de travail prévoit l’aménagement du
cycle de travail en fonction de sujétions particulières, notamment le travail de nuit. Elle
a l’avantage de limiter le coût en heures supplémentaires des policiers municipaux, par
exemple. La collectivité de Saint-Martin n’a pas organisé le temps de travail de sa police
territoriale en cycle de travail mensuel. Elle paie de ce fait un nombre excessif d’heures
supplémentaires qui ont coûté près de 130 000 € en 2015. Une diminution de 40 % le
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
37
montant des heures supplémentaires versées serait possible en recourant au cycle de
travail mensuel.
Dans sa réponse au rapport provisoire, la collectivité s’est engagée à mettre en oeuvre
cette recommandation.
Recommandation n° 12
a.
Mettre fin aux dispositions non conformes du régime de travail ;
b.
Organiser le temps de travail de la police territoriale en cycle de travail
mensuel.
3.1.2.9.
L’absence de critère pour les promotions
La voie normale de passage au grade supérieur dans la fonction publique territoriale est
le concours. Toutefois, l’article 79 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 précitée a ouvert
deux autres voies : le choix par l’autorité territoriale sur la base de l’appréciation de la
valeur professionnelle et des acquis de l’expérience professionnelle, la sélection par voie
d’examen professionnel.
Pour la mise en oeuvre de la promotion au choix, l’autorité territoriale doit, d’une part,
procéder à un examen de la valeur professionnelle de chacun des agents remplissant
les conditions pour être promus et, d’autre part, dresser un projet de tableau annuel
d’avancement, soumis à l’avis de la commission administrative paritaire, en tenant à sa
disposition les éléments sur lesquels elle s’est fondée pour l’établir. La méconnaissance
de ces deux règles par une autorité territoriale a conduit le Conseil d’Etat à annuler le
tableau annuel d’avancement qu’elle avait établi.
La collectivité de Saint-Martin n’a défini aucun critère de choix pour l’avancement de
grade de ses agents. Le choix des promus s’effectue donc dans la plus complète opacité,
d’autant que la collectivité gère sa propre commission administrative paritaire. Ces
nominations discrétionnaires sont de nature à favoriser le malaise du personnel dont se
font écho ses représentants.
Recommandation n° 13
Fixer par délibération des critères, objectifs et quantifiables, pour les
avancements de grade au choix.
3.2.
Un contrôle de gestion inopérant
La circulaire du 21 juin 2001 relative au développement du contrôle de gestion dans les
administrations le définit comme un
« système de pilotage mis en oeuvre par un
responsable dans son champ d’attribution en vue d’améliorer le rapport entre les moyens
engagés (y compris les ressources humaines) et, soit, l’activité développée, soit, les
résultats obtenus dans le cadre déterminé par une démarche stratégique préalable ayant
fixé des orientations. Il permet d’assurer tout à la fois le pilotage des services sur la base
d’objectifs et d’engagements des services et la connaissance des coûts, des activités et
des résultats. »
.
Le contrôle de gestion n’est pas formalisé et il est très peu développé au sein de la
collectivité. Chaque responsable de service assure le contrôle de la régularité et de la
légalité des actes qu’il propose à la signature de l’élu. Mais certains, seulement, pilotent
leurs activités à l’aide d’un tableau de bord, comme la direction de l’environnement ou
celle de la formation professionnelle et de l’apprentissage. La formalisation du pilotage
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
38
dépend de la culture managériale du responsable de service. Le pilotage financier est
assuré à travers le suivi de la consommation des crédits budgétaires et un plan de
trésorerie.
La collectivité ne dispose pas de système global de suivi de la performance de ses
services. Cela est d’autant plus regrettable que c’est un outil indispensable dans les
négociations de transfert de charges.
Le contrôle de gestion est un processus permanent qui intervient en cours d’action afin
de mesurer en continu les résultats du fonctionnement d’un service. Il permet à la
collectivité de s’assurer que les ressources sont utilisées avec efficacité et au moindre
coût (efficience), afin de mieux orienter sa stratégie et de suivre ses objectifs.
En 2016, la collectivité a démarré le contrôle de gestion. Son déploiement à l’ensemble
des services doit être poursuivi.
Recommandation n° 14
Mener jusqu’au stade réellement opérationnel l’installation de la fonction
« Contrôle de gestion » dans la collectivité
3.3.
La commande publique : de graves irrégularités contribuant à fermer le
territoire à la concurrence
3.3.1.
Politique et stratégie d’achat
3.3.1.1.
Les enjeux financiers de la commande publique
De 2007 à 2015, la collectivité a passé 408 marchés dont 43 en 2007. Le montant des
achats mandatés de 2008 à 2015 s’élève à 288 M€ dont 119,2 M€ d’achats en section
de fonctionnement et 168,8 M€ en section d’investissement. Les volumes annuels
d’achats mandatés sont passés de 21,8 M€ en 2008 à 54,3 M€ en 2015, selon la
progression présentée dans le graphique ci-dessous.
Graphique n°4 :
Montant annuel de la commande publique
Source : comptes administratifs de la commune et chambre territoriale des comptes
0,00
5 000 000,00
10 000 000,00
15 000 000,00
20 000 000,00
25 000 000,00
30 000 000,00
35 000 000,00
Volume d'achats annuels mandatés (en euros)
charges récurrentes
(chapitre 011)
Equipements chapitres 20
(sauf 204), 21 et 23
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
39
En 2015, la commande publique représente 38 % du budget annuel de la collectivité. La
masse financière qu’elle représente devrait lui permettre de bénéficier de prix bas lors
des mises en concurrence ou dans les négociations. Toutefois, l’étroitesse de certains
segments de marché constitue un handicap pour négocier et un frein à la baisse des
prix.
De 2007 à 2015, les 373 marchés contrôlés
10
comprennent 128 appels d’offres ouverts
(AOO), 243 marchés à procédure adaptée (MAPA), deux délégations de service public
et un dialogue compétitif.
Les appels d’offres ouverts représentent 34 % du total des procédures et un montant
mandaté sur la période de 221,8 M€, soit 77 % du volume total mandaté entre 2008 et
2015. Les MAPA représentent 66 % des procédures pour un volume d’achats mandatés
sur la période 2008-2015 de 65,9 M€. La procédure de dialogue compétitif n’a été utilisée
que pour un marché et représente 300 000 € d’achats mandatés.
Malgré la faible fiabilité de l’information due à une défaillance du logiciel pour les
exercices 2007 à 2010 et à un mauvais paramétrage de la requête informatique pour
gérer la base de donnée des marchés sur les exercices 2013 à 2015, il a été possible
de recenser le montant des achats effectués sans mise en concurrence en 2011 et 2012
(respectivement 2 049 654 € et 2 104 167 €) et, parmi celui-ci, le montant des achats qui
auraient dû faire l’objet d’une procédure adaptée (1,7 M€ en 2011 et 1,3 M€ en 2012).
Ces montants sont relativement faibles comparés au volume d’achats total et montrent
que la collectivité recourt pour la quasi-totalité de ses achats (95,45 %) à une procédure
de mise en concurrence.
3.3.1.2.
L’accès des PME à la commande publique
Bien que la collectivité utilise, depuis 2009, l’allotissement chaque fois que la nature du
marché le permet et bien qu’elle publie systématiquement ses besoins, le spectre des
entreprises qui répondent est étroit : jamais plus de quatre candidats et 30 % des mises
en concurrence ne reçoivent qu’une seule offre. Le faible taux de réponse n’est pas en
relation
avec
le
nombre
d’entreprises
inscrites
à
la
chambre
consulaire
interprofessionnelle de Saint-Martin, ni avec celui des entreprises qui se font connaitre
au service achats.
Même si l’accès des PME à la commande publique n’est plus formellement limité par la
collectivité dans ses mises en concurrence (par exemple, il n’y a plus, depuis 2011, de
chiffres d’affaires minimal) et qu’au contraire, elle s’attache à faciliter les réponses des
entreprises, par exemple en mettant à leur disposition le dossier unique de candidature
qui liste les pièces minimales à fournir, ou en organisant des séminaires pour leur
montrer comment constituer un dossier de réponse, la concurrence réelle est restreinte.
Les candidats qui répondent sont sensiblement toujours les mêmes.
Les choix constants depuis dix ans des mêmes entreprises dans cinq secteurs ont donné
à la collectivité l’image d’un territoire réservé. Ainsi, pour les mandats d’opération, il s’agit
de la SEMSAMAR ; pour les prestations informatiques relatives à l’externalisation des
compétences de conception et de contrôle du système d’information de la collectivité,
de la société COMPUTECH ; pour les travaux d’entretien de l’éclairage public, de la
société GETELEC ; pour les grosses opérations de construction, de GTM Guadeloupe
10
35 dossiers de marchés de 2007 ont été détruits lors du passage du cyclone Gonzalo ;
cf.
annexe 5.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
40
et, pour la flotte automobile, de la société CGFF, et cela, quelle que soit la qualité et le
prix des autres candidats.
La collectivité doit donc changer d’image en relançant systématiquement les mises en
concurrence qui aboutissent à la remise d’une seule offre, en imposant la négociation
dans toutes ses mises en concurrence et en érigeant le prix comme critère principal.
Dans sa réponse au rapport provisoire, l’ordonnateur avance comme argument majeur
d’un frein à la concurrence les spécificités du territoire : petite taille et insularité. Il
souhaite en apporter la preuve en relatant en particulier les difficultés rencontrées dans
un marché de 2016 que la chambre n’a pas analysé et en excipant du rejet d’un référé
précontractuel en 2014 par la juridiction administrative. Il conteste le caractère réservé
du territoire à certaines entreprises.
La chambre rappelle qu’elle a analysé 373 marchés passés sur la période 2007-2015 et
que ses observations se fondent sur cette masse de procédures. La circonstance qu’un
marché passé en 2016, soit en dehors de la période de contrôle, témoigne de difficultés
des entreprises à répondre à une procédure d’appel d’offres ne saurait s’ériger en règle
générale. Il en est de même des résultats du référé précontractuel. Quant au dernier
marché de location longue durée de véhicules que l’ordonnateur cite en exemple de
marché non réservé, la chambre a relevé la méconnaissance de nombreuses règles de
la commande publique dans l’attribution de ce marché à une société qui a été créée à
Saint-Martin le même mois que celui de la publication de l’appel d’offres et dont le dossier
ne comportait pas d’élément attestant des capacités professionnelles exigées par la
collectivité pour soumissionner. Cette absence de justification n’a pas empêché qu’elle
se voit attribuer le marché.
Recommandation n° 15
a.
Relancer systématiquement les appels d’offres ayant abouti à la remise d’une
seule offre ;
b.
Imposer et utiliser la négociation dans toutes les procédures sauf dans les
appels d’offres ;
c.
Renforcer le critère du prix dans la sélection des offres.
3.3.2.
Une fonction peu performante malgré des améliorations depuis 2009
3.3.2.1.
Une organisation de la commande publique largement perfectible
Le service
« Achats et marchés publics »
a été créé en 2007 lors de la transformation
de la commune en collectivité d’outre-mer. Son responsable a su le faire évoluer avec
les exigences de la réglementation. Dès sa création, le service a été organisé pour être
le prestataire des autres services de la collectivité, assurant une mission de conseil et
d’assistance dans la définition des besoins et d’exécution des marchés.
L’effectif actuel de 11 agents, y compris les responsables, est suffisant et permet de faire
face à une augmentation des volumes d’achats dans les années à venir, à condition que
soit poursuivi le développement de la polyvalence. Compte tenu des compétences
acquises par les agents, l’organisation est prête pour passer à une logique d’acheteurs
par secteur. La mutualisation des moyens devrait se poursuivre par l’intégration du
magasin géré par le service des bâtiments dans le champ d’intervention du service
« Achats et marchés publics »
.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
41
3.3.2.2.
Une amélioration de la régularité et de la qualité des procédures à poursuivre
Pendant la période sous revue, la collectivité a amélioré, de façon inégale, la description
de ses besoins dans ses mises en concurrence. Jusqu’en 2010, certains marchés de
prestations de services comportaient une définition des besoins lacunaires, très
succincte. A compter de 2011, tous les marchés de services comportent une définition
précise des besoins.
Si la description des travaux de bâtiment s’est considérablement améliorée à partir de
2015, en revanche, jusqu’à ce jour, ces marchés ne comprennent pas les détails
quantitatifs estimatifs (DQE), documents essentiels de la mise en concurrence
permettant aux candidats de connaitre les quantités à fournir et de calculer leur prix. La
direction des bâtiments laisse le soin aux candidats d’évaluer les quantités à fournir en
imposant une visite obligatoire des lieux.
Cette pratique constitue un frein à la concurrence dans la mesure où seules les
entreprises capables de mobiliser les ressources importantes pour effectuer cette
évaluation, peuvent répondre. De plus, lors de l’analyse des offres, le maître d’ouvrage
ne compare pas les mêmes contenus des offres puisque l’évaluation quantitative peut
changer en fonction du candidat qui l’a réalisée. Les marchés de travaux de réhabilitation
des cantines scolaires des écoles maternelle et primaire du quartier d’Orléans en sont
un parfait exemple.
La collectivité est passée d’une méconnaissance des règles de mise en concurrence au
respect de deux principes de la commande publique (liberté d’accès et transparence des
procédures) sur trois.
Le contrôle de légalité a constitué une aide précieuse pour atteindre ce résultat. De
nombreux marchés ont fait l’objet d’observations pertinentes, notamment sur l’absence
de motivation des lettres de rejet ou le respect du délai de 16 jours entre la réception par
les candidats du rejet de leur offre et celle de signature du marché. Des observations
ont également été formulées sur le non-respect du principe d’égalité de traitement des
candidats lors de l’analyse des offres, la pondération retenue du critère du prix et surtout
la méthode de calcul utilisée rendant celui-ci inopérant (marché de collecte et transport
des déchets verts et marché d’achats de prestations de formation professionnelle).
Alors qu’en 2011, le contrôle de légalité avait rappelé les deux conditions d’une réelle
mise en concurrence, c’est-à-dire l’information des prestataires potentiels et l’obtention
d’une diversité d’offres suffisante, le marché d’assurance passé par la collectivité ne
satisfaisait aucune de ces deux conditions. Un déféré au tribunal administratif aurait été
parfaitement fondé. Au total, 71 marchés à procédure adaptée ont été attribués sur la
base d’une seule offre à l’issue de la publicité.
Si un tableau de bord sur la massification permet d’anticiper les procédures, le suivi de
l’évolution du montant total des bons de commande hors marché n’est pas assuré. Or,
il est particulièrement important dans la mesure où il permet d’adapter les procédures
de mise en concurrence aux besoins de la collectivité. Le pilotage des achats doit donc
être amélioré.
La collectivité n’a pas formalisé d’outils lui permettant de connaître l’impact de ses mises
en concurrence sur ses finances. Il en est de même pour le suivi des prix des marchés.
L’étude de leur évolution est empirique, faute de temps et d’outils informatiques
adéquats.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
42
En règle générale, la mise en concurrence réelle engendre, la première fois, un gain de
l’ordre de 20 à 30 %. Ensuite, le gain descend à 5-10 %, puis à 2-3 %, sauf innovation
technologique importante. Ainsi sur ses 50 M€ d’achats par an, la collectivité devrait
retirer un gain d’au moins 10 M€ si elle parvenait à imposer une concurrence réelle entre
les acteurs économiques. Il lui est donc recommandé de procéder, à l’issue de chaque
consultation, à un parangonnage des prix obtenus afin d’évaluer le gain ou la perte
enregistrée pour ses finances. La mise en place d’un observatoire de la performance de
la commande publique constitue le meilleur moyen de satisfaire ces exigences.
Dans sa réponse, l’ordonnateur justifie son refus d’utiliser le détail quantitatif estimatif
comme garantie d’égalité de traitement des candidats au motif que « l’offre des
candidats doit refléter leur capacité à répondre aux besoins de la collectivité et à anticiper
les aléas d’un chantier ». Il s’appuie sur la jurisprudence Ville de Marseille du 16
novembre 2016 du Conseil d’État.
Il appartient au maître d’ouvrage de définir les besoins à satisfaire, le DQE étant un outil
objectif pour ce faire : il sécurise le marché sur les quantités et le détail des prestations
à fournir. Son absence nuit à la comparabilité des offres et ne permet pas aux candidats
de s’assurer de la pertinence de leur réponse. De plus, la présence du DQE n’empêche
pas la collectivité d’apprécier la capacité de l’entreprise à répondre à ses besoins dans
la mesure où cette capacité s’apprécie sur la base d’un mémoire technique décrivant les
compétences et moyens techniques que le candidat se propose de mobiliser pour
réaliser ses prestations. Enfin, la jurisprudence « Ville de Marseille » citée concerne une
simulation effectuée en vue de la sélection des offres au moment de l’analyse des offres,
technique de comparaison non contestable dont le support peut ne pas être communiqué
aux candidats lors du lancement de la consultation. Elle ne concerne pas le DQE. »
Recommandation n° 16
Mettre en place un observatoire de la performance de la commande publique.
3.3.3.
Deux défaillances significatives qui perdurent
3.3.3.1.
Des analyses subjectives des offres
Aucun marché passé pendant la période sous revue ne satisfait à l’obligation d’égalité
de traitement des candidats dans l’analyse des offres. En effet, tous les marchés
comportent des notations, soit, sans barème, soit, avec un barème subjectif. Dans tous
les cas, la notation est attribuée sans règle explicite objective.
Plusieurs fois, une prestation non mentionnée dans le cahier des charges a été retenue
comme critère de choix. Par exemple, dans le marché n°09/LVEH/05 de location et
d’entretien d’un parc de véhicules, l’offre la moins chère n’a pas été retenue parce que
le candidat ne proposait pas d’assistance en cas de sinistre ou de panne, prestations
qui n’étaient pas demandées par la collectivité. De même, dans le marché
n°09/VIDEO/08, de prestations de vidéo-protection, le critère de la valeur technique
représentant 40 points sur 60 était défini comme «
l’offre technique et fonctionnelle
détaillant l’ensemble des travaux et prestations permettant de garantir les résultats
attendus
».
Toutes les analyses des offres utilisent les termes «
satisfaisant, insuffisant, bon,
excellent
» pour définir le barème de notation. La collectivité doit mettre un terme à cette
défaillance et élaborer un barème en relation avec le marché, en bannissant les vocables
précités et en privilégiant l’objectivité avec, par exemple, pour les moyens humains
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
43
composant un sous-critère de la valeur technique, l’attribution de points en fonction du
niveau de compétence, du nombre, de l’expérience.
Dans sa réponse au rapport provisoire, l’ordonnateur confond critère de jugement des
offres et barème d’attribution des points. L’exemple qu’il cite pour prouver à la chambre
que la subjectivité a disparu contient, au contraire, le barème suivant :
-
« pas de réponse, offre éliminée pour non-conformité ;
-
« réponse incomplète ou inappropriée, 1 ;
-
« réponse moyenne, 4 ;
-
« réponse satisfaisante, 8 ;
-
« réponse très satisfaisante, 10. »
Recommandation n° 17
Fixer, avant chaque analyse des offres, un barème de points objectifs, c’est-à-dire
reposant sur des éléments vérifiables et quantifiables.
3.3.3.2.
Le choix de la préférence locale
Il apparaît que les entreprises qui ont une implantation locale sont systématiquement
privilégiées et retenues.
Le marché de maîtrise d’oeuvre pour l’aménagement du bassin de Belle-Plaine passé
en 2014 en est l’illustration. Deux candidats avaient répondu : S. bureau d’études
techniques ayant une représentation en Guadeloupe et travaillant fréquemment avec la
collectivité et A., bureau d’études techniques implanté dans plusieurs régions de France
continentale mais pas aux Antilles.
L’offre de A. était 15 % moins chère que l’offre de S. et, pourtant, c’est S. qui s’est vue
attribuer le marché pour un montant de 895 200 € HT, en raison d’un écart de notation
entre les deux offres de 0,23 point en faveur de S., ce qui montre la difficulté à départager
les deux candidats.
Le rapport d’analyse des offres fait en réalité apparaître des attributions injustifiées de
points à S. Ainsi, sur l’étude géotechnique, la méthodologie d’A. est meilleure et le
rapport indique que celle de S. est moins bonne mais les deux offres ont reçu le même
nombre de points. Sur l’étude topographique, la description des prestations
topographiques étant précisément définie dans le cahier des charges, la sélection ne
pouvait pas s’effectuer sur ce critère et pourtant S. a obtenu deux points de plus qu’A.
Sur la composition de l’équipe, dans quatre des six missions, les ingénieurs proposés
par A. avaient plus d’expérience et, pourtant, S. a obtenu 0,75 points de plus que son
concurrent.
Dans sa réponse, l’ordonnateur justifie la préférence donnée aux entreprises locales par
la reconnaissance qu’aurait donnée la loi sur l’égalité réelle outre-mer de février 2017 à
cette nécessité pratique, la collectivité exposant que
« la réponse à un besoin ne peut
se trouver que localement »
.
En premier lieu, le contrôle porte sur les années 2007-2015.
En deuxième lieu, il ne s’agit pas d’une loi de couverture de pratiques contraires aux
principes généraux de la commande publique fondés sur les règles européennes. Elle
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
44
offre sans doute la possibilité au donneur d’ordre d’ajouter un critère de préférence
locale, à ses appels d’offres, dans une certaine proportion de ses achats, mais ne lui
permet pas de s’affranchir de fixer des critères objectifs ou de retenir un prestataire qui
serait moins bien noté pour ce motif, invoqué a posteriori. Ainsi le marché de location de
longue durée de véhicules dont le prestataire semble avoir été préféré pour le motif
d’implantation locale, ne répond pas aux conditions d’une attribution objective fondée
sur un choix du mieux-disant au vu de critères connus à l’avance.
3.3.3.3.
Des pratiques favorables à l’entente des entreprises
Le choix de privilégier des entreprises locales, l’absence de relance de la consultation
malgré la réponse d’un seul candidat, l’absence de barème de notation objectif
aboutissent à réserver la commande publique de la collectivité à quelques entreprises
qui détiennent une implantation locale et, inévitablement, à surpayer les prestations de
biens et de services.
L’ordonnateur n’a pas apporté d’éléments justifiant sa demande de retrait de cette partie,
dans sa réponse au rapport provisoire.
3.3.4.
Quinze cas caractérisés de mauvaise pratique de la commande publique
3.3.4.1.
Neuf marchés passés sans publicité ni mise en concurrence
Huit marchés à procédure adaptée concernant l’assistance à la maîtrise d’ouvrage ou
des prestations de services ont été passés sans publicité ni mise en concurrence. La
collectivité s’est limitée à rédiger un acte d’engagement valant cahier des clauses
particulières. Ces marchés ont concerné notamment des missions de conseil en
communication politique, d’accompagnement financier et budgétaire, de conseil
juridique ou de maîtrise d’oeuvre.
On citera l’exemple du marché n°08/MAPA/028 relatif à «
Une mission de conseil en
communication politique
» d’une durée d’un an pour 36 000 €. Le contrat prévoyait la
formation des élus ; toutefois une facture de 15 000 € a été payée en plus des 36 000 €
prévus pour réaliser cette prestation.
L’ordonnateur rappelle une règle du code des marchés publics qui lui permet d’adapter
les formalités de marché en fonction de l’enjeu attaché à celui-ci. Toutefois, cette
souplesse de formalisme ne dispense pas les donneurs d’ordre du respect des principes
fondamentaux de la commande publique, ni des principes de publicité ou de mise en
concurrence des consultations. Au contraire, la règle demande aux pouvoirs
adjudicateurs de prouver comment ils ont respecté les principes de la commande
publique dans l’adaptation qu’ils ont faite de la publicité et des règles de mise en
concurrence. Or, les marchés en cause ne contiennent rien d’autre que l’acte
d’engagement.
3.3.4.2.
Les irrégularités du marché de vidéo-protection urbaine
Le marché 09/VIDEO/08 relatif aux «
Prestations de vidéo-protection sous forme de
location
» passé en 2010 sous la forme d’un appel d’offres ouvert pour une durée de
cinq ans apparait comme un crédit-bail masqué.
Il portait sur la fourniture d’équipements, sur les travaux à réaliser pour leur installation,
sur leur maintenance ainsi que sur la surveillance des sites par des opérateurs.
L’ensemble a été loué par la collectivité qui s’est acquittée d’un loyer semestriel
de 428 214,45 € HT, soit 4 282 144,43 € HT pour 10 semestres. Le cahier des clauses
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
45
administratives particulières prévoyait la cession du matériel à l’issue du marché, pour
un euro symbolique.
En premier lieu, ce marché est irrégulier à plusieurs titres et apparait comme un crédit-
bail masqué. Il méconnait les règles de propriété puisque les équipements en cause sont
des biens immeubles par destination, compte tenu de leur fixation au sol ou aux murs,
conformément à la définition qu’en donne l’article 524 du code civil. Cette partie de la
prestation aurait dû faire l’objet d’un marché de travaux.
En revanche, la maintenance et la surveillance constituent des prestations de services.
Cette prestation pouvait faire l’objet d’un crédit-bail, permettant à la collectivité de payer
un loyer. La solution adoptée par la collectivité méconnait les règles du crédit-bail, dans
la mesure où le contrat stipule l’obligation d’achat, en contravention avec le principe
édicté à l’article L. 313-7 du code monétaire et financier qui prévoit, pour un crédit-bail,
une option d’achat, et c’est ce caractère facultatif qui fonde la location.
Enfin, conformément au principe de l’allotissement, obligatoire sauf circonstances
exceptionnelles motivées, édicté par l’article 10 du code des marchés publics alors
applicable, le marché aurait dû être dévolu en trois lots : l’acquisition et installation
d’équipements de vidéo-surveillance urbaine, la maintenance annuelle, et en dernier
lieu, la surveillance des sites. L’allotissement aurait, en outre, permis une plus large
concurrence et une optimisation du prix par la collectivité.
En deuxième lieu, l’attribution à la société prestataire est injustifiée. La mise en
concurrence a abouti à la présentation de deux offres, l’une d’un montant de
5 993 351,88 € HT, l’autre d’un montant de 3 586 700 €. Le marché a finalement été
attribué pour un montant de 4 282 144,43 € à l’entreprise proposant l’offre la plus chère.
La négociation étant interdite en procédure d’appel d’offres ouvert (article 64-I du code
des marchés publics alors applicable) et la procédure de mise au point du marché ne
pouvant modifier « les caractéristiques substantielles » du marché (article 64-II du code
des marchés publics alors applicable), la baisse du prix est illégale.
De plus, le critère «
Offre technique et fonctionnelle détaillant l’ensemble des travaux et
prestations permettant de garantir les résultats attendus
» est irrégulier dans la mesure
où, outre sa subjectivité, il n’est pas cohérent avec la logique de définition des besoins
qui doit être préalable à la passation du marché. Ce critère vient compenser cette
mauvaise définition, constituant par là-même une rupture d’égalité de traitement des
candidats. La comparaison des offres montre que le marché aurait dû être déclaré
infructueux et relancé par lot.
3.3.4.3.
Les procédures biaisées des marchés de mandats d’opération
Entre le 25 juin 2008 et le 20 août 2009, la collectivité a lancé six appels d’offres ouverts
et un marché à procédure adapté ayant pour objet de confier un mandat d’opération pour
la réalisation de divers équipements (médiathèque et archives territoriales, cuisine
centrale et bureaux de la caisse des écoles, restructuration du centre-ville et construction
de bâtiments administratifs pour la collectivité, réalisation d’un contournement routier de
marigot, liaison routière Grand Case-Marigot, aménagement des routes de Galion, de
Sandy Ground et de Hollande). Le montant estimé des travaux dépassait 60 M€.
Si la mise en concurrence respecte le principe de publicité, elle ne respecte pas le
principe de liberté d’accès à la commande publique ni celui d’égalité de traitement des
candidats. En effet, ces sept marchés restreignent la concurrence en imposant la
« capacité de préfinancement »
des opérations comme un des critères de sélection des
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
46
offres, c’est-à-dire en imposant la capacité de préfinancer 3 M€ en quatre ans, ce qui a
pour conséquence d’écarter les sociétés de services dont le chiffre d’affaires est en
rapport avec l’objet du marché (l’assistance à maîtrise d’ouvrage) mais sans rapport
avec les capacités de mobiliser un financement de 3 M€ sur quatre ans. Ces marchés
rompent aussi l’égalité de traitement en ne fournissant pas les programmes des
opérations.
Tout a donc été mis en oeuvre pour que, seule, la société d’économie mixte de la
collectivité puisse répondre, ce qui s’est produit dans six procédures sur sept.
3.3.4.4.
L’externalisation des marchés informatiques dans des conditions illégales
A la suite d’un audit réalisé en 2003, sans mise en concurrence, par la société C.
dénommée C., la même société a réalisé un schéma directeur informatique pour les
années 2004-2007, toujours sans mise en concurrence.
En 2007, la collectivité, sur la base du diagnostic de 2003, a décidé d’externaliser la
maîtrise d’oeuvre et les fonctions supports (formation, accompagnement au
changement, conduite de projet) en les confiant à une entreprise experte. Une nouvelle
mission consistant à actualiser l’audit de 2003 et le schéma directeur de 2004 a été
confiée à la même société, sans mise en concurrence pour un montant de 40 000 € HT.
La même année, la collectivité a lancé un appel d’offres ouvert sur la base d’un cahier
des charges dont l’élaboration nécessitait des compétences que la collectivité ne
possédait pas et pour laquelle elle ne s’était pas attaché les services d’un assistant à
maîtrise d’ouvrage. Il en est de même de l’analyse des offres. Ni la collectivité, ni la
société entendue n’a pu produire à la chambre le nom du ou des rédacteurs des cahiers
des charges des consultations relatives à la maîtrise d’ouvrage déléguée qui, depuis
cette date, ont toujours été attribués à la société C.
Depuis 2009, le chiffre d’affaires octroyé à cette société par la collectivité représente
plus de 7 M€
11
.
En 2011, le contrôle de légalité a souligné le manque de mise en concurrence de la
procédure afférente au marché 10/DSI/017 (marché de maîtrise d’ouvrage déléguée),
d’un montant de 424 600 € par an sur quatre ans, dans un courrier du 4 mai 2011 auquel
la collectivité a répondu qu’elle considérait que, de son point de vue, la concurrence avait
eu lieu compte tenu de la publication effectuée au Journal officiel de l’Union européenne.
Au final, la collectivité a payé un service sans en connaître véritablement le prix, fixé par
la société C., seule à répondre aux appels d’offres en matière de maîtrise d’ouvrage
déléguée par la collectivité. La sauvegarde des deniers publics commande qu’elle mette
fin à cette pratique et internalise la compétence d’ingénierie en informatique. Elle doit, à
tout le moins, être capable de rédiger des cahiers des charges et réaliser des analyses
des offres si elle souhaite continuer à externaliser sa maîtrise d’ouvrage informatique et
d’autres composantes du rôle dévolu à un maître d’ouvrage.
Dans leurs réponses, la société et l’ordonnateur ont fourni un document dénommé
« Evolution du système d’information et de communication 2005-2015 »
sous le logo de
la collectivité, et présentant le bilan des activités de la DSI. Les auteurs du rapport sont
les co-gérants de la société en cause. Le rapport précise que la DSI est
« dotée de neuf
agents permanents installés dans un bureau à Galisbay [...]. Elle comprend un directeur,
11
Cf. annexe 6.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
47
quatre agents supports utilisateurs, deux agents au service « Desk » et deux agents à
la gestion des infrastructures. Un véhicule de service est attribué à la direction »
.
Le nom de domaine des adresses électroniques des auteurs du rapport est celui de la
collectivité (@com-saint-martin.fr).
Recommandation n° 18
Constituer un service interne de maîtrise d’ouvrage informatique.
4.
LES INTERVENTIONS DE LA COLLECTIVITE
4.1.
L’impact de la politique sociale sur l’équilibre financier de la collectivité
La commune de Saint-Martin, en devenant une collectivité régie par l’article 74 de la
Constitution, exerce les compétences auparavant dévolues au conseil général de la
Guadeloupe. Parmi elles, figurent les compétences relatives à l’action sociale, à la santé,
à l’insertion et à l’allocation personnalisée d’autonomie.
Le périmètre d’intervention de la nouvelle collectivité couvre l’ensemble des prestations
sociales prévues à l’article L. 121-1 du code de l’action sociale et des familles qui
dispose «
Le département définit et met en oeuvre la politique d’action sociale [...]. Il
coordonne les actions menées sur son territoire qui y concourent
». Il s’agit des
politiques suivantes avec leur coût budgétaire tel qu’il figure dans le compte de gestion
de 2015 : l’aide sociale à l’enfance pour 1,3 M€, la protection maternelle et infantile pour
0,4 M€, l’aide aux personnes handicapées pour 1 M€, l’insertion et l’aide à la recherche
ou au retour à l’emploi pour 16,9 M€, l’aide à l’accès et au maintien dans le logement
pour 1,3 M€, l’aides aux personnes âgées pour 3,1 M€ et la prévention de la délinquance
(budget non connu).
4.1.1.
Des charges importantes non maîtrisées
4.1.1.1.
Un transfert des compétences non préparé par la collectivité
Dès octobre 2006, date des débats en commission mixte paritaire sur le projet de loi
organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, la
commune savait qu’elle disposerait des compétences en matière d’action sociale après
sa transformation en collectivité d’outre-mer. Pourtant, aucune action préparatoire n’a
alors été engagée et la commune n’a pas sollicité le conseil général pour connaître son
champ d’action sur le territoire communal. La collectivité n’a pas, non plus, demandé au
conseil général de la Guadeloupe les informations de gestion des dispositifs sociaux que
celui-ci avaient adoptés (règlement départemental d’aide sociale, nombre de
bénéficiaires saint-martinois, nombre d’agents affectés à la gestion des dossiers, coûts,
etc.).
Ce n’est qu’au cours de l’année 2008, soit plus de six mois après l’entrée en vigueur de
la loi organique n°2007-223 précitée, que la nouvelle collectivité et le conseil général
sont convenus par écrit de la mise à disposition de la collectivité des agents
départementaux déjà en poste dans l’île.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
48
Cette impréparation de la collectivité a eu pour effet de retarder l’adaptation de la
politique sociale décidée par le département de la Guadeloupe aux besoins du territoire,
qui n’est intervenue qu’en juillet 2011, date d’adoption de son schéma territorial d’aide
sociale et médico-social, soit trois ans après le transfert de compétences.
4.1.1.2.
Le poids financier des dépenses sociales
De 2008 à 2015, les dépenses d’interventions sociales de la collectivité sont passées de
7,3 M€ à 23,2 M€ soit une multiplication par 2,4. Parmi elles, le revenu de solidarité
active a été multiplié par trois. A ces charges il convient de rajouter les charges de
gestion et les charges de personnel qui se sont élevées à 4,7 M€ en 2015.
Graphique n°5 :
Evolution des dépenses sociales, dont le RMI/RSA (en euros)
Sources : comptes de gestion et chambre territoriale des comptes
Depuis 2008 jusqu’à fin 2015, la collectivité a consacré 130,6 M€ à ces dépenses, soit
21 % de ses charges de gestion et 35 % de ses produits de gestion.
La dépense principale est consacrée au revenu de solidarité active (RSA). Elle s’élève
à 73,6 M€ sur la période et représente 56 % des dépenses sociales, 11,8 % des
dépenses de gestion et 10,7 % des produits de gestion.
Alors que la masse financière consacrée au RSA avait été estimée à moins de 0,5 M€
en 2008 par la direction générale de l’outre-mer, somme qui venaient s’ajouter aux
4,6 M€ de revenu minimum d’insertion, soit un total de 5,1 M€, elle s’est élevée en 2011,
année d’extension et de généralisation du RSA aux départements d’outre-mer et à Saint-
Martin, à plus de 6 M€.
A compter de 2012, les sommes s’accroissent à un rythme soutenu, passant à 13,5 M€,
puis à 15,2 M€ en 2013, 16,6 M€ en 2014 et 16,8 M€ en 2015, reflétant la multiplication
du nombre de foyers bénéficiaires, de 2 050 fin 2011 à 3 048 en fin 2015, soit une hausse
de 50 % sur la période.
0
2 000 000
4 000 000
6 000 000
8 000 000
10 000 000
12 000 000
14 000 000
16 000 000
18 000 000
20 000 000
Aides directes à la
personne
Dont RMI/RSA
Aides indirectes à
la
personne
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
49
Tableau n°7 :
Evolution des dépenses sociales
et de leur part dans les charges et les produits de gestion (en %)
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Augmentation
moyenne
annuelle
Dépenses sociales
39,62
-4,47
78,66
15,57
3,72
2,62
7,76
20,50
Charges de gestion
35,98
-8,13
21,57
13,29
5,27
2,62
6,16
10,97
RSA/RMI
0,00
-5,23
6,92
145,24
10,43
12,68
8,97
1,21
25,75
Part des dépenses sociales
dans les charges de gestion
14,75
15,14
15,74
23,14
23,60
23,25
23,25
23,60
20,31
Produits de gestion
0,00
-16,31
56,72
-15,29
5,96
25,92
3,37
16,47
10,98
Part des produits de gestion
consacrée au RSA/RMI
7,29
8,26
5,63
16,31
17,00
15,21
16,04
13,94
12,87
Sources : comptes de gestion et chambre territoriale des comptes
Le tableau montre l’évolution des dépenses sociales, sans commune mesure avec
l’augmentation des produits de gestion de la collectivité, d’une part, et la part éminente
qu’a constitué l’évolution du RSA dans l’augmentation de ces dépenses sociales, d’autre
part. Alors que les produits de gestion ont augmenté de 11 %, les dépenses sociales ont
augmenté du double, soit de 20,5 %, et le RSA de plus de 25 %. La part des dépenses
sociales dans les charges de gestion est passée de 14,7 % à 23,6 %.
4.1.1.3.
Des charges non maîtrisées dont la collectivité est en partie responsable
Les dépenses sociales ont augmenté sans que la collectivité puisse s’y opposer, ces
dépenses étant obligatoire de par la loi. L’évolution incontrôlée du RSA relève de
l’inadaptation du dispositif au territoire mais, aussi, de la collectivité et de la Caisse
d’allocations familiales (CAF) de la Guadeloupe et des îles du Nord.
La collectivité disposait des outils juridiques lui permettant d’exercer son rôle dans le
contrôle de l’attribution du RSA, en particulier la réunion de l’équipe pluridisciplinaire au
cours de laquelle sont examinées les situations individuelles. En effet, en décembre
2011, la collectivité a signé avec l’ensemble des partenaires les conventions, d’une part,
pour confier à la CAF de la Guadeloupe l’instruction des demandes, le financement et le
contrôle de la situation des bénéficiaires, d’autre part, pour orienter les bénéficiaires du
RSA vers les dispositifs adaptés à leur situation et leur attribuer une aide personnalisée
de retour à l’emploi.
Cependant, la collectivité n’a fourni aucun document attestant la tenue de ces réunions,
ni aucune décision en résultant. Il apparaît donc qu’elle n’a exercé aucun contrôle depuis
2011 sur l’attribution des droits aux bénéficiaires.
La CAF n’a, quant à elle, effectué aucun contrôle et n’a pas respecté ses obligations au
titre de la convention de gestion, notamment de «
communiquer un plan de contrôle
avant sa mise en oeuvre »
ou de fournir
« un bilan annuel écrit des contrôles des
bénéficiaires de RSA »
. D’ailleurs, à ce jour, la collectivité n’a encore reçu aucune
statistique, malgré ses demandes répétées.
Dans les faits, aucune instruction n’est effectuée, le système étant déclaratif. Il suffit à
une personne de se présenter avec un document d’identité et un justificatif de domicile
(une attestation d’hébergement suffit), de déclarer être sans ressource, pour être
enregistrée en tant que bénéficiaire. La CAF dispose de trois mois pour effectuer les
contrôles d’admission définitive dans le dispositif. Chaque trimestre, le bénéficiaire doit
déclarer ses revenus auprès de la CAF pour continuer à percevoir l’allocation. L’absence
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
50
de contrôles fiscaux ajouté au refus d’échange de données fiscales de la partie
hollandaise fausse les résultats des éventuels croisements de fichiers réalisés par la
CAF qui ont tous aboutis à des attributions supplémentaires de prestations sociales et
jamais à la détection d’indus.
Malgré le vif accroissement des dépenses et du nombre de bénéficiaires dès 2012, la
collectivité n’a mis en place aucune action de suivi des attributions ou de contrôle. Enfin,
elle ne s’est jamais intéressée à la gestion des indus au point qu’elle n’en connait même
pas le montant.
Dans sa réponse au rapport provisoire, l’ordonnateur indique qu’il a mis en place, en
avril 2016, une équipe de lutte contre la fraude telle que préconisée par la chambre.
4.1.2.
L’inadaptation des dispositifs sociaux nationaux au territoire de la collectivité
Tant les caractéristiques géographiques du territoire que les règles d’éligibilité aux
dispositifs sociaux constituent des facteurs d’augmentation des dépenses sociales.
4.1.2.1.
Les caractéristiques géographiques du territoire
La partition d’un même territoire en deux souverainetés différentes (néerlandaise et
française) qui disposent de réglementation sociales concurrentes, dont la frontière n’est
pas contrôlée et dont la partie hollandaise ne veut pas partager l’information sur les
revenus de ses concitoyens, concourt à l’augmentation du nombre de bénéficiaires des
prestations sociales sur la partie française de l’île, c’est-à-dire le territoire de la
collectivité de Saint-Martin.
L’absence de contrôle aux frontières extérieures sur la partie néerlandaise de l’île ainsi
que l’absence d’obligation de disposer d’un titre de séjour pour y travailler favorisent
l’implantation massive d’une population originaire des îles de la Caraïbes (Haïti et Saint-
Domingue, principalement) dont le niveau de vie est de très loin inférieur à celui de Sint-
Maarten et de Saint-Martin.
Enfin, l’île de Saint-Martin constitue un territoire où la fraude aux prestations sociales
s’est « institutionnalisée », même s’il est difficile d’en cerner l’ampleur en l’absence de
moyens de contrôle.
Trois indices conduisent à ce constat. En premier lieu, l’absence de statistiques de la
CAF soustrait ses services à toute mesure de performance dans ce domaine. En second
lieu, l’impossibilité de connaître les revenus des ressortissants de la partie hollandaise
permet à nombre d’entre eux de bénéficier, à travers le RSA, d’un complément de revenu
permettant d’abaisser encore le coût du travail du côté néerlandais.
Enfin, les cas anormaux signalées à la CAF manifestent l’ampleur de cette fraude. Ainsi,
certains perçoivent le RSA tout en exerçant une activité salariée non déclarée. Des natifs
de la partie néerlandaise, bénéficiant du statut de ressortissant de l’Union européenne
ou d’une double nationalité, s’installent sans formalité dans la partie française pour y
percevoir les prestations sociales, notamment le RSA. Ils exercent une activité
professionnelle dans la partie néerlandaise et se déclarent sans revenu côté français.
C’est ainsi qu’un chef d’entreprise, côté néerlandais et habitant le quartier très apprécié
de grandes fortunes internationales des Terres-Basses, a perçu pendant plusieurs
années le RSA avant d’être reconnu sur une photographie dans le journal local par un
responsable des services sociaux de la collectivité. La collectivité n’a pas eu de réponse
au signalement fait à la CAF.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
51
D’autres personnes perçoivent le RSA sans remplir les conditions de résidence
« stable
et effective »
, par le biais d’une domiciliation fictive. L’attestation d’hébergement est
largement répandue dans l’île. La direction de l’éducation de la collectivité la trouve dans
45 % des inscriptions scolaires élémentaires. De plus, de nombreuses habitations
possèdent un nombre de boîtes aux lettres disproportionné par rapport au nombre
attendu de leurs occupants. Ces deux constats sont de nature à supposer les cas de
domiciliation fictive, ou de boîtes à lettres « tirelire ».
Certaines, enfin, perçoivent le RSA majoré sans remplir la condition d’isolement. Le
montant du RSA pour un couple sans revenu avec deux enfants s’élevait, au 1
er
janvier
2015, à 1 079,15 €/mois. Si la situation de couple n’est pas déclarée, l’un des deux
parents peut se voir verser une majoration du RSA en raison de sa situation d’isolement.
Ainsi, une mère isolée avec deux enfants perçoit un RSA majoré de 1 099,80 €, son
compagnon pouvant recevoir quant à lui un RSA socle (minimal) de 514 €, soit un total
pour le couple de 1 616,80 €.
Si elle veut maîtriser ses dépenses sociales, la collectivité doit mettre en oeuvre très
rapidement un dispositif de lutte contre la fraude aux prestations sociales qui passe par
des contrôles systématiques et réguliers des bénéficiaires par des contrôleurs en
mesure de réaliser ces vérifications en toute indépendance.
Recommandation n° 19
Diligenter un contrôle systématique sur place de la situation des bénéficiaires, au
moins tous les six mois.
4.1.2.2.
Les règles d’éligibilité aux dispositifs sociaux nationaux
Les règles d’éligibilité à la majeure partie des prestations sociales françaises reposent
sur le principe de la déclaration, dont les éléments doivent être contrôlés
a posteriori
,
sur celui de la naissance sur le territoire français pour les prestations d’aide à la famille
et, enfin, sur celui d’autorisation de travailler en France.
Dès lors que les éléments déclaratifs ne sont pas ou ne peuvent pas être contrôlés, les
prestations devraient être supprimées. Toutefois, en règle générale, les agents des
services sociaux, les équipes pluridisciplinaires de la CAF pour le RSA par exemple,
n’ont pas cette lecture de la réglementation et maintiennent la prestation en attendant
des éléments justifiant sa suppression.
Enfin, si les conditions de délivrance des titres de séjour autorisant les étrangers extra-
communautaires ont été durcies depuis 2007, la condition qu’ils possèdent un titre de
séjour autorisant à travailler depuis au moins cinq ans pour bénéficier du RSA ne semble
pas avoir eu d’effet limitatif. Selon les données communiquées par la CAF de
Guadeloupe, en juin 2013, 941 ressortissants extra-communautaires percevaient le
RSA, soit 33 % du nombre des foyers bénéficiaires, en provenance principalement des
îles caraïbes voisines : Haïti, Jamaïque, Saint-Domingue. On comptait parmi eux
559 femmes seules avec enfants, soit 59 % des ressortissants hors Union européenne
bénéficiaires.
La collectivité peut utiliser l’habilitation législative qu’elle a reçue le 14 octobre 2015 pour
adapter le RSA à ses caractéristiques géographiques et économiques. L’allongement du
délai de résidence des étrangers extra-communautaires à 10 ans, au lieu de cinq, et la
fiscalisation du revenu de solidarité active vont dans ce sens. Le gain attendu de ces
mesures devrait être de l’ordre de 5,3 M€/an pour la première et d’environ 1 à 2 M€/an
pour la seconde, dès lors qu’elles seront appliquées par la CAF. Ces mesures
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
52
apparaissent cependant insuffisantes au regard de la permissivité des conditions
d’éligibilité aux différents dispositifs sociaux, en particulier le RSA.
L’équilibre financier de la collectivité nécessite de sa part la mise en place d’un dispositif
d’attribution transparent et sécurisé contre la fraude. A cet effet, elle peut supprimer la
règle déclarative et instaurer celle de l’allocation après enquête approfondie au vu des
justificatifs apportés par le demandeur, menée par des agents investis de larges pouvoirs
d’enquête, similaires par exemple aux agents de la direction régionale des finances
publiques. Une liste exhaustive des justificatifs doit être instaurée et le certificat
d’hébergement ne peut plus constituer à lui seul un justificatif de résidence. Une
commission d’examen, composées d’élus de la majorité et de l’opposition apprécierait
le caractère probant des documents fournis en ce qui concerne la résidence.
L’ordonnateur indique dans sa réponse que le certificat d’hébergement a été remplacé
par un « certificat d’adressage », sans préciser les conditions de sa délivrance par la
collectivité.
Recommandation n° 20
a.
Supprimer la règle déclarative du dispositif RSA et la remplacer par
l’allocation après enquête approfondie ;
b.
Conférer aux agents contrôleurs des pouvoirs d’enquête identiques à ceux
des agents de la DRFIP ;
c.
Supprimer le certificat d’hébergement comme justificatif d’hébergement et
exiger la production de tout document justifiant la résidence effective et
continue depuis plus de six mois sur le territoire ;
e.
Instituer une commission d’évaluation de la valeur probante des documents
produits, composée d’élus de la majorité et de l’opposition.
4.2.
L’aménagement du territoire
4.2.1.
Un plan d’occupation des sols (POS) adapté mais mal mis en oeuvre
4.2.1.1.
Un POS adapté aux enjeux du territoire
La révision du plan d’occupation des sols applicable au territoire de Saint-Martin, en date
du 28 mars 2002, a été l’occasion pour la commune d’adapter ses objectifs
d’aménagement à l’évolution de son territoire. Les objectifs fixés par la commune étaient
de structurer l’économie saint-martinoise, d’organiser le territoire, de placer l’habitat au
coeur du développement social et urbain, de valoriser l’environnement naturel.
Ces objectifs s’inscrivaient dans les orientations du schéma d’aménagement régional et
conduisaient à un accroissement des zones urbanisées sur 170 hectares, une réduction
de 268 hectares des zones d’urbanisation future, une réduction de 120 hectares des
zones desservies partiellement par des équipements, la réduction de deux tiers de la
surface agricole, soit 560 hectares, l’augmentation de 778 hectares des zones à
protéger en raison de l’existence de risques ou de nuisances, de la qualité des sites, des
milieux naturels, des paysages et de leur intérêt esthétique, historique ou écologique.
4.2.1.2.
Des décisions d’urbanisme en contradiction avec le POS
La commune a poursuivi les opérations d’aménagement engagées (cinq zones
d’aménagement concertées, un programme d’aménagement d’ensemble) et créé
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
53
certains équipements structurants comme la marina de Fort-Louis, opérationnelle en
2001. Cependant, elle n’a pas utilisé les moyens du POS pour atteindre les objectifs
annoncés.
Le diagnostic du plan local d’urbanisme réalisé en 2014 dresse le constat des
transformations du paysage provoquées
« par le développement urbain rapide à la fin
du 20
e
siècle, lié à l’économie du tourisme, à l’explosion démographique et à un flux
migratoire difficilement maîtrisé »
, soulignant
« la fragilité d’une mono-économie
touristique qui tire profit au maximum des ressources de l’île »,
et met en avant les
menaces qui pèsent sur les espaces naturels. Il liste les sites littoraux exposés aux
pressions anthropiques, notamment immobilière, et ceux déjà dégradés. Si les étangs
ont été protégés par l’Etat, la commune a laissé se dégrader leurs abords, riches de
quatre espèces de palétuviers qui constituent la mangrove, par les défrichements et
l’imperméabilisation des terres résultant de l’urbanisation.
La commune puis, après elle, la collectivité, a ainsi laissé se développer une urbanisation
non contrôlée aux abords du littoral, même sur les cordons sableux qui entourent les
lagunes malgré les risques naturels liés à leur instabilité, comme à Grand-Case ou à
Sandy-Ground. Il en résulte, par exemple, une coupure marquée entre «
l’urbanisation
luxueuse diffuse, en équilibre avec le milieu naturel »
du quartier des Terres-Basses et
«
l’évolution soudaine et non encadrée
» du quartier de Sandy-Ground, ainsi que de
plusieurs secteurs de Marigot, urbanisés sans autorisation ni contrôle, qui nuisent à
l’image générale de ce pôle central. Dans d’autres quartiers, comme la résidence
Savana, les permis de construire accordés pour l’édification de villas sur les hauts reliefs
centraux, dominant le bourg de Grand-Case, sont contraires aux engagements pris par
la commune dans son POS.
4.2.2.
Un plan local d’urbanisme sérieux mais mal adapté et finalement abandonné
sous la pression de la rue
4.2.2.1.
Un plan tardif mais concerté
La commune de Saint-Martin a engagé la révision de son plan d’occupation des sols
(POS) le 26 avril 2007, en vue d’arrêter son plan local d’urbanisme (PLU), soit sept ans
après l’entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000 qui imposait l’élaboration des
plan locaux d’urbanisme en substitution aux plans d’occupation des sols. A la suite d’une
révision simplifiée du POS en 2011, la nouvelle collectivité a été obligée de prescrire une
nouvelle fois, le 12 novembre 2013, la révision de ce dernier en vue de l’élaboration du
PLU.
La concertation avec la population s’est déroulée de novembre 2012 à mars 2015. Elle
s’est poursuivie avec 17 réunions publiques et 13 articles parus dans la presse locale.
Le site internet de la collectivité a publié l’actualité du PLU, le service de l’urbanisme a
tenu à la disposition du public les documents de référence ainsi qu’un registre
d’enregistrement des observations du public. Dans chaque quartier, un registre du même
type a été tenu à sa disposition. Les conseils de quartiers et le conseil économique,
social et culturel ont été consultés.
Le bilan de la concertation établi le 25 juin 2015 note qu’aucune remarque n’a été
consignée dans les registres. Il précise que, lors de la dernière réunion de concertation
tenue à la chambre consulaire interprofessionnelle, le 16 mars 2015, 130 personnes
étaient présentes et «
une forme de contestation s’est élevée, invitant à un rejet des lois
de la République française (et des directives européennes). Elle a été véhiculée par
quelques individualités non représentatives de l’ensemble du tissu social et économique
de Saint-Martin, emportant parfois, cependant, l’adhésion d’une partie du public
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
54
exprimée par de bruyants applaudissements. Cette réunion, en français comme en
anglais, a été animée par de multiples échanges
». Le projet a été débattu au conseil
territorial et adopté le 30 juin 2015.
4.2.2.2.
Un plan sérieux mais mal adapté à certains quartiers
Le plan d’aménagement et de développement durable, document central du PLU, a
retenu trois objectifs majeurs : le développement harmonieux du territoire avec une
économie à la fois touristique et fondée sur le commerce et les services, l’agriculture et
l’habitat. Sa mise en oeuvre devait aboutir globalement à limiter les zones constructibles,
diminuer fortement les zones à urbaniser au profit des zones agricoles, augmenter de
20 % des superficies de préservation des espaces naturels.
Toutefois, dans certaines zones, comme celle U4 par exemple, les mesures de
densification étaient inadaptées au type de bâti existant et aboutissaient à multiplier la
densité par trois, par combinaison des règles de gabarit et de hauteur, et les marges de
recul (retrait) étaient trop faibles pour rendre harmonieuse la densification. De plus,
aucune disposition ne définissait l’aspect extérieur des constructions. Les maisons
individuelles existantes risquaient ainsi de se retrouver entourées de constructions plus
hautes, plus denses, à l’aspect extérieur en discordance avec l’ambiance architecturale
existante.
Pour lutter contre cet effet, il aurait fallu instaurer un volume par zone, découpée plus
finement par hauteur et gabarit, limiter l’emprise au sol en fonction de l’existant et définir
des marges de recul et un aspect extérieur compatibles avec l’ambiance architecturale
existante.
La discussion de ce point crucial du projet n’apparait pas dans le bilan de la concertation
et semble avoir échappé aux concepteurs durant cette période. Or, il s’est révélé
fondamental lors du lancement de l’enquête publique ouverte en septembre 2015. En
effet, la contestation du projet, adopté à l’issue de la présentation du bilan de la
concertation, s’est trouvée renforcée par l’absence de prise en compte de cette demande
de nombreux saint-martinois.
Un deuxième point, l’objectif d’augmentation de population sur lequel a été bâti le projet
de PLU, a encore accru le périmètre de la contestation. Le 5 novembre 2015, le conseil
territorial a mis fin à la procédure du plan local d’urbanisme, laissant, de fait, perdurer
les errements antérieurs dominés par la « loi du plus fort ». En conclusion, le point de
conflit majeur a porté sur l’objectif d’augmentation de la population. Il est, dès lors,
indispensable d’engager une large concertation publique sur les attentes des Saint-
Martinois en termes de projet de territoire, avant d’envisager l’élaboration d’un nouveau
plan local d’urbanisme.
Recommandation n° 21
a.
Redéfinir le zonage en prenant en compte les hauteurs et gabarits existants ;
b.
Créer dans chaque zone un volume adapté aux hauteurs existantes et définir
des marges de recul et un aspect extérieur compatibles avec une densité
harmonieuse en concordance avec l’ambiance architecturale existante ;
c.
Engager une large concertation publique pour recueillir les attentes des Saint-
Martinois en termes de projet de territoire.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
55
4.2.3.
Un territoire abandonné aux convoitises
Le rapport de présentation du plan d’occupation des sols de 2002 faisait déjà état d’un
mitage du territoire par des constructions sans permis de construire. L’inaction de la
commune puis de la collectivité a renforcé le phénomène.
L’abandon du plan local d’urbanisme combiné aux faibles contrôles de l’application des
règles d’urbanisme (20 en 2014 et 2015, 7 en 2013, 4 en 2012, 17 en 2011, 1 en 2010,
2008 et 2007 et 2 en 2009), renforcé par la volonté des élus de ne pas poursuivre les
délinquants au pénal en vue d’obtenir la démolition forcée des constructions illégales,
ont renforcé le mitage du territoire. Aujourd’hui, pour la plupart de ces constructions,
l’action publique, tant pénale que civile, est prescrite.
Recommandation n° 22
Engager des actions en justice dans les délais requis contre les auteurs,
constructeurs, occupants des constructions illégales, en vue d’obtenir la
démolition de celles-ci.
4.2.4.
Une gestion discrétionnaire de l’urbanisme et du foncier
4.2.4.1.
Un code de l’urbanisme confortant l’occupation sans titre et le désordre urbain
en l’absence de plan local de l’urbanisme
Conformément aux dispositions du II de l’article L.O. 6314-3 qui prévoient que
« la
collectivité fixe, sous la même réserve qu’au I, les règles applicables dans les matières
suivantes : 1° Urbanisme ; construction ; habitation ; logement ; 2° Energie »
, la
collectivité de Saint-Martin a défini ses propres règles en matière d’urbanisme qu’elle a
codifiées dans le
« Code de l’urbanisme de la collectivité se Saint-Martin »
adopté par le
conseil territorial le 18 décembre 2014. Si certaines règles limitent l’extension de
l’urbanisation et l’occupation de la zone des cinquante pas géométriques et favorisent la
protection du patrimoine et des sites naturels remarquables, en revanche, trois règles
sont critiquables compte tenu de leurs effets.
En premier lieu, le délai de prescription administrative est inadapté au territoire. Le droit
national de l’urbanisme ne prévoit pas la prescription de l’action administrative pour les
constructions édifiées sans permis de construire. Toutefois, dans certains cas
restrictivement définis par le Conseil d’Etat
12
et par la loi portant « engagement national
pour le logement » de 2006
13
, le principe de la prescription décennale s’applique
14
.
Alors que le territoire de Saint-Martin est mité par un nombre très important de
constructions illégales édifiées avant 2012, la collectivité a prévu, à l’article 11-35 de son
code, la prescription administrative décennale pour toutes les constructions édifiées
avant le 1
er
avril 2012, régularisant ainsi automatiquement ces constructions. La situation
justifiait, au contraire, une prescription trentenaire sur toutes les constructions, quelle
que soit l’irrégularité, pour obliger les délinquants à régulariser leur situation.
12
CE, 9 juillet 1986, Mme THALAMY, requête n°51172, et CE, 13 décembre 2013, CARN, requête
n°349081.
13
Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement.
14
Il s’agit des constructions réalisées sur le fondement d’un permis de construire ou d’une autorisation de
travaux mais qui n’ont pas été réalisées conformément à ces autorisations, et des travaux réalisés sans
autorisation postérieurement à la construction d’origine édifiée, elle, avec autorisation
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
56
En deuxième lieu, les occupants sans titre de la zone des cinquante pas géométriques
sont confortés par la réglementation adoptée. La zone dite « des cinquante pas
géométriques » est définie par le code général de la propriété des personnes publiques
comme la réserve domaniale constituée par une bande de terrain délimitée dans les
départements de La Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique. Elle permet de
définir une zone du domaine publique en l’absence de laquelle, en l’application du droit
commun de la France continentale (point haut des marées), serait très limitée en raison
de la faible amplitude de ces marées.
Même si cette bande de terrain a, depuis très longtemps, été occupée illégalement, soit,
par les colons au temps de la Compagnie des Indes, soit, par d’anciens esclaves
nouvellement affranchis, on peut regretter que le code de l’urbanisme de la collectivité
vienne renforcer les droits illégaux des occupants en les autorisant à construire sur des
parcelles, déjà construites ou non, dans des zones non urbanisées
15
.
En troisième lieu, on ne peut que regretter la faiblesse des règles applicables en
l’absence de plan local de l’urbanisme. Au lieu de définir des règles plus contraignantes
pour préserver l’intérêt général tant qu’un PLU n’est pas adopté, la collectivité a édicté
des règles très lâches confortant le désordre territorial constaté et l’incivisme en matière
d’occupation des sols et de construction, et rendant plus difficile l’adoption d’un PLU.
En effet, l’article 12-2 permet l’extension des constructions existantes sur des terrains
non urbanisés de la collectivité alors qu’il aurait fallu les interdire pour stopper la
progression des constructions dans des zones non ouvertes à l’urbanisation. De même,
les constructions exposées «
à des nuisances graves, notamment au bruit
», ou
présentant «
un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques
» peuvent être
autorisées alors qu’elles devraient être interdites.
Par ailleurs, le code favorise l’aménagement urbain et la création de lotissement en
imposant des règles de constructibilité minimale sans définition de l’emprise au sol ni de
hauteur maximale, lacunes propres à laisser se poursuivre la défiguration déjà bien
entamée des paysages urbains et naturels.
Recommandation n° 23
Modifier le code de l’urbanisme en :
a. imposant des contraintes d’occupation du sol destinées à décourager
l’occupation illégale ;
b. supprimant les possibilités de construction dans les secteurs non urbanisés ;
c. édictant des règles limitatives de constructibilité dans les zones urbaines,
prenant en compte l’emprise au sol et la hauteur ou imposant un coefficient
d’occupation du sol assorti d’un plafond ;
d. en définissant des règles d’esthétique extérieure.
4.2.4.2.
L’absence de recours à l’expropriation
Jusqu’au début de 2016, la collectivité n’a jamais utilisé la procédure d’expropriation
pour acquérir les terrains nécessaires à l’exercice de ses missions d’intérêt général,
préférant louer aux propriétaires les parcelles à des prix exorbitants ou leur acheter un
terrain à un prix excessif. Ainsi, la collectivité a pris à bail, le 1
er
juin 2008, pour une durée
15
Code de l’urbanisme de la collectivité, articles 11-23 et 11-25.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
57
de cinq ans, une parcelle de 64 000 m² à Grand-Cayes, moyennant un loyer annuel
payable d’avance de 175 000 € dans le cadre de son service d’élimination des déchets
ménagers.
Sur les recommandations de la chambre, la collectivité a délibéré, en janvier 2016, sur
le lancement d’une procédure de déclaration d’utilité publique de la parcelle accueillant
la décharge, faute de s’entendre avec le propriétaire sur le prix d’acquisition. Elle a
également lancé deux autres procédures de déclaration d’utilité publique pour
l’acquisition du foncier sur lequel sont construites deux stations d’épuration.
En revanche, le terrain nécessaire à l’extension de la piste de l’aéroport n’a toujours pas
fait l’objet d’une telle procédure, la collectivité préférant l’acquérir à l’amiable au prix
de 80 €/m², excessif au regard de l’estimation de France Domaine, de 50 €/m².
L’ordonnateur rappelle dans sa réponse que le choix entre expropriation et acquisition
amiable lui appartient et que le prix consenti dans le cadre d’acquisitions amiables ne
saurait caractériser à lui seul une erreur manifeste d’appréciation.
Toutefois, la liberté de choix emporte celle de responsabilité et de respect des
procédures légales. En matière foncière, le prix doit faire l’objet d’une estimation de
France Domaine dont le montant doit être portée sur la délibération décidant
l’acquisition. Si la collectivité s’écarte de cette estimation, elle doit en motiver les raisons
(CGCT, art. L. 1311-10, 2
e
). Ces obligations n’ont pas été respectées lors des
délibérations d’acquisitions amiables pendant la période sous contrôle.
4.2.4.3.
Des acquisitions foncières surpayées
Entre 2009 et 2013, la collectivité a payé 11,4 M€ des acquisitions évaluées par France
Domaines à 6,9 M€, soit 40 % de plus que le prix estimé du marché
16
. Il faut noter que,
plus la parcelle est grande, plus l’écart relatif de prix est élevé : certaines parcelles, et
parmi les plus vastes (parcelles cadastrées AR 536 à 539 par exemple) ont été acquises
à plus du double de leur valeur.
En 2015, la collectivité a négocié la parcelle nécessaire à l’allongement de la piste de
l’aéroport, soit 96 000 m², à 7,68 M€, pour une estimation domaniale de 4,8 M€, soit
60 % de plus que le prix du marché, pour un terrain de faible valeur compte tenu des
contraintes liées à l’exploitation de la piste.
La collectivité n’a pas pu justifier ces avantages accordés à certains propriétaires en
contradiction avec les règles de droit et la protection des deniers publics.
Recommandation n° 24
Utiliser la procédure d’expropriation pour chaque acquisition d’intérêt général qui
ne pourrait pas se réaliser au prix estimé par la direction de l’immobilier de l’Etat,
et laisser l’exproprié saisir le juge du foncier pour fixer le prix.
4.2.4.4.
De graves irrégularités dans la gestion du domaine public
Si la collectivité s’est dotée en 2015 d’un plan de gestion de son domaine public, elle ne
dispose toujours pas d’une procédure fiable de contrôle des encaissements des
redevances qu’elle doit percevoir. Ainsi, jusqu’en mai 2013, les occupations illégales du
16
Cf.
annexe 7.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
58
domaine public par des marchands ambulants n’ont pas été recensées ni facturées et,
jusqu’en 2014, les occupations temporaires n’avaient pas fait l’objet d’une autorisation
systématique.
Depuis septembre 2013, les ambulants irréguliers sont recensés et paient une indemnité
d’occupation sans titre du domaine public. De même, les autorisations temporaires ont
été régularisées mais seulement pour l’avenir, sans récupération d’arriérés.
Cependant, en cas d’impayé, les autorisations d’occupation temporaire ne font pas
systématiquement l’objet d’une émission de titre de recette, en raison de l’éclatement
des services en charge de ce secteur entre le service économique qui gère les
emplacements, le service foncier qui établit les autorisations et la régie qui encaisse les
redevances. Aucun rapprochement n’est opéré entre les autorisations délivrées et les
encaissements.
Le nouveau directeur général des services a décidé de regrouper en juin dernier
l’ensemble des fonctions de gestion du domaine public au sein d’un service placé sous
l’autorité du directeur de l’urbanisme.
4.3.
L’alimentation en eau et l’assainissement
La collectivité est alimentée en eau destinée à la consommation humaine (dite
usuellement « eau potable ») à partir d’eau de mer, dessalée par la société UCDEM
(« Union caraïbe de dessalement d’eau de mer ») et vendue à un distributeur, la
Compagnie générale des eaux de Guadeloupe (GDE Guadeloupe), qui est liée à la
collectivité par un contrat d’affermage.
L’assainissement collectif est aussi assuré par GDE Guadeloupe, sous contrat
d’affermage.
La fourniture d’eau et l’assainissement sont financés principalement par le prix facturé
au consommateur par le fermier, GDE Guadeloupe.
4.3.1.
Un établissement créé dans des conditions irrégulières et pour des raisons
purement budgétaires, en voie de normalisation
Le 7 mars 2006, soit juste avant la création de la collectivité, le conseil municipal de
Saint-Martin a transformé sa régie des eaux et d’assainissement en établissement public
industriel et commercial (l’établissement des eaux et de l’assainissement de Saint-Martin
-
EEASM)
qui
est
aujourd’hui
responsable
du
réseau
de
distribution
et
d’assainissement
17
.
L’établissement a d’abord été créé pour servir de structure de « défaisance » du déficit
de la commune de Saint-Martin, dû en partie à sa régie des eaux et de l’assainissement,
pour lever les inquiétudes budgétaires quant à la transformation de la commune en
collectivités d’outre-mer. Ce déficit est né d’une tarification de l’eau (3,40 €/m
3
en
moyenne) inférieure au coût d’achat de l’eau (entre 4,17 et 5 €/m
3
), le différentiel de
1,5 M€ par an entrainant une dette de 15 M€ au 31 décembre 2005.
L’établissement s’est vu transférer, à sa création, ce passif de la commune, sans
transfert de l’actif correspondant, ce qui est illégal et l’a paralysé financièrement.
17
Cf.
schéma en annexe 8
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
59
L’EEASM est financé principalement par une surtaxe facturée au consommateur,
prélevée par le fermier et reversée par celui-ci. L’essentiel du produit de cette surtaxe,
au cours des dix années passées, a été consacré à l’absorption de ce déficit congénital.
En outre, alors qu’elle était de 1,66 €/m
3
pour la tranche 0-15 m
3
et de 5,60 €/m
3
pour la
tranche 31-45 m
3
, avant le 1
er
juillet 2006, la surtaxe a dû être fortement réduite en raison
du niveau de prix déjà supporté par les consommateurs, ramenée à 0,18 €/m
3
pour la
tranche 0-15 m
3
et à 0,25 €/m
3
pour la tranche 31-45 m
3
.
Pour autant, l’établissement a réduit cette dette pour parvenir à un déficit de son compte
administratif, en 2014, de 3 498 567 €. Il a tout de même réussi à engager une politique
active d’investissement, en obtenant une part de financement extérieur importante,
notamment du FEDER.
La structuration du service se poursuit. Par délibération du 31 mars 2016, la collectivité
de Saint-Martin a décidé de mettre à disposition de l’EEASM le patrimoine détenu par la
collectivité sur les équipements d’eau et d’assainissement. Par délibération du même
jour elle a adapté les statuts de l’EEASM.
La situation financière reste toujours fragile, et
peut aboutir
à l’éviction de
l’établissement des financements bancaires en raison de la faiblesse des fonds propres
de l’établissement.
Depuis son origine, l’établissement demeurait
handicapé financièrement, tant que la
collectivité ne
l’avait
pas doté
suffisamment
. L’avis rendu par la chambre territoriale de
Saint-Martin sur le budget de 2016
18
de cet établissement a clairement pris position en
ce sens après dix ans de vaine attente de résorption d’une situation intenable et
gravement nuisible au service public attendu. La chambre prend acte de la mise en place
d’une dotation de 17,8 M€ à l’établissement, inscrite à son budget 2016. Le budget de
2016 a pu dégager un résultat de fonctionnement cumulé de 0,8 M€.
4.3.2.
Un service de l’eau potable cher mais dont la performance progresse
4.3.2.1.
Un prix à la production très élevé
Sur le plan qualitatif, l’eau des réseaux publics de Saint-Martin satisfait parfaitement aux
normes microbiologiques et aux normes physico-chimiques. Elle est seulement un peu
plus chlorée
19
que l’eau habituellement disponible au robinet ailleurs, en raison de la
température à laquelle circule l’eau potable dans les réseaux (entre 28 et 29°C).
L’usine de dessalement d’eau de mer a été construite par la société Union Caraïbe de
dessalement d’eau de mer (UCDEM), filiale de la société internationale de dessalement
d’eau de mer (SIDEM), elle-même filiale du groupe VEOLIA. La présence de l’UCDEM
remonte à 1966, avec la première unité utilisant un procédé thermique d’évaporation-
condensation, usine gérée par la régie des eaux de la commune
20
. En 1984-1985, une
unité utilisant le procédé de thermocompression a été installée et c’est à cette occasion
qu’un contrat de concession entre l’UCDEM et la commune de Saint-Martin a été signé
en 1985.
18
Avis n°2016-0210 du 9 décembre 2016 de la chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
19
Le taux de chlore est de 0,54 mg/l pour un taux maximal autorisé de 2,80 mg/l.
20
Avec des compléments d’eau transportés en barge depuis La Dominique.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
60
En 1987, la capacité de production a été portée à 1 850 m
3
/jour. Un avenant à la
concession a été signé en 1988 pour prolonger le contrat de 15 ans, jusqu’en 2020. Sur
la période 1989-1992, la production a été renforcée pour atteindre environ 8 000 m
3
/jour
puis, en 2005, le système très consommateur d’énergie de la thermocompression a été
abandonné au profit de la technique de l’osmose inverse
21
, avec une production estimée
aujourd’hui à 10 000 m
3
/jour.
Un mètre-cube d’eau dessalée produit par osmose inverse coûte entre 0,40 et 0,80 €
contre 0,65 à 1,80 € pour la technique de distillation (procédé de thermocompression),
de moins en moins utilisée dans le monde
22
. L’osmose inverse reste cependant plus
chère que la potabilisation des eaux de surface ou souterraines qui coûte entre 0,10 et
0,50 €/m
3
.
Le prix d’achat en gros de l’eau potable, qui représente près de 30 % du prix final de
l’eau, a été renégocié deux fois, pour passer de 4,17 €/m
3
en 2005 à 2,62 €/m
3
en 2006
puis à 2,35 €/m
3
en 2012.
Même si le prix facturé a fortement diminué depuis le début du contrat, en relation avec
les économies sur le coût de production permises par la technique de l’osmose inverse,
la marge nette prélevée par l’UCDEM a pu être considérable, de l’ordre de 50 %. L’eau
est vendue, en 2017, 2,43 €/m
3
à la société distributrice, GDE Guadeloupe.
Tableau n°8 :
Prix de l’eau produite (UCDEM)
1985-
1990
1991-
1998
1999
2000
2001
2002
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2016
5,24
5,00
4,69
4,69
4,07
4,17
4,17
2,62
2,71
2,86
2,91
3,05
3,15
2,35
2,41
-4,6 % -6,2 % 0,0 % -13,2 % 2,5 % 0,0 % -37,2 % 3,4 % 5,5 % 1,7 % 4,8 % 3,3 % -25,4 %
Source : Rapport d'activité UCEM 2010 sauf 2011, 2012 et 2016 (EEASM)
Le prix de l’eau produite par l’UCDEM est ainsi trois fois plus élevé que le prix produit en
partie hollandaise. Ceci est d’autant plus étonnant que le coût de revient devrait
théoriquement être moins élevé puisque le prix de l’énergie (électricité) dans la partie
française est régulé au niveau national, à un niveau bien moindre que dans la partie
hollandaise de Saint-Martin. La chambre avait déjà eu l’occasion de le mentionner dans
son précédent rapport
23
.
Ajouté au faible niveau d’imposition des bénéfices des entreprises à Saint-Martin,
l’UCDEM est assurément une entreprise très profitable pour le groupe.
4.3.2.2.
Un prix de vente à l’usager dissuasif
Le prix à la consommation comprend le prix de l’eau produite auquel s’ajoutent le coût
de la distribution (entretien, réparation et renouvellement des canalisations et des
équipements de distribution) et la part de la surtaxe qui revient à la collectivité pour
financer les renforcements et extensions de réseau.
21
Cette technique est relativement « consommatrice » d’eau, puisque pour 10 m
3
traités, seulement
4,5 deviennent de l’eau potable.
22
Europeancommission, 2007.
23
CTC de Saint-Martin, Rapport d’observations définitives, 24 décembre 2012.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
61
Sur une facture d’eau et d’assainissement moyenne en 2016, environ 30 % concerne la
production, 30 % la distribution, 30 % l’assainissement et, pour seulement 10 %, la
surtaxe revenant à la collectivité.
Le prix par mètre-cube facturé par le distributeur au consommateur progresse en
fonction de la consommation, selon trois tranches.
Tableau n°9 :
Grille tarifaire de l’eau, en €/m
3
, en 2016
Tranche de consommation
Prix (€/m
3
)
0-30 mètres-cube
5,17
31-67 mètres-cube
10,30
> 67 mètres-cube
14,45
Source : Établissement des eaux et de l’assainissement de Saint-Martin
Ce tarif s’entend hors abonnement. Au 1
er
janvier 2016, le prix de l’eau à Saint-Martin
est de 8,46 €/m
3
pour la facture correspondant à une consommation de 120 m
3
se
décomposant en eau potable (5,89 €/m
3
) et en assainissement 2,56 €/m
3
. Le prix moyen
en France était de 3,92 €/m
3
, le 1
er
janvier 2014
.
La consommation moyenne des ménages est faible à Saint-Martin en raison de ce prix
et, pour le même motif, de l’utilisation d’approvisionnements alternatifs (citernes,
livraisons d’eau, forages, unités de dessalement privées). Elle est en moyenne de 68 m
3
par foyer et par an, contre une valeur proche de 120 m
3
au niveau national et dans les
départements d’outre-mer voisins.
La facture moyenne pour un foyer s’établit ainsi à 650 € annuellement pour une
consommation de 68 m
3
(dont 440 € pour l’eau et 210 € pour l’assainissement). Pour
une consommation standard de 120 m
3
, la facture s’élève à 1 092 € par an (dont 707 €
pour l’eau et 385 € pour l’assainissement).
Les hôteliers ont une grille tarifaire particulière, constituée de prix identiques à ceux
appliqués aux particuliers mais sur des tranches différentes : de 0 à 10, de 11 à 22 et
au-delà de 22 m
3
.
Le prix pour les structures importantes (hôtels, administrations, etc.) est donc très lourd.
Avec un prix au mètre-cube maximal dès 22 m3, le prix payé avec l’abonnement et les
taxes évolue autour de 16 €/m3. Certains établissements hôteliers ont donc recours à
des procédés d’alimentation alternative, notamment à des stations de dessalement
privées
avec des tarifs compris entre 3,50 €/m3 et 6,00 €/, hors coût de contrôle et de
mise en conformité et hors coût de traitement des eaux usées
24
. Ces installations sont
d’ailleurs problématiques sur le plan environnemental puisqu’elles consomment jusqu’à
deux fois l’énergie nécessaire pour des grandes installations comme celles du service
public. Le modèle consistant à faire payer les gros consommateurs est en échec au
regard des impayés très importants qui peuvent être constatés, à commencer par la
collectivité elle-même.
L’eau potable au robinet représente sur l’année une dépense d’environ 1,25 % des
revenus des ménages, au niveau national. L’objectif largement partagé est que le budget
24
L’établissement des eaux est en train d’expertiser le réel prix de l’eau potable utilisant ces procédés.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
62
eau ne devrait pas dépasser 3 % des revenus des ménages
25
. A Saint-Martin, le revenu
moyen officiel étant de 14 700 € par an, soit 45 % du revenu par habitant de la France
entière, la facture d’eau moyenne de 700 à 800 € représentent environ 5 % du revenu à
Saint-Martin. Pour certains foyers fragiles cette part représente 7 % des revenus.
Ces prix excessifs ont plusieurs effets néfastes : ils pèsent directement sur la population,
d’une part, et ils nuisent au rendement des installations et réseaux collectifs par
l’incitation à l’équipement individuel de production, moins rentable mais quand même
moins onéreux en coût par mètre-cube disponible. L’équilibre économique de la
délégation en est affecté, avec une assiette de facturation d’eau réduite de 16 % selon
le délégataire. Outre leur coût spécifique, ces équipements individuels comportent aussi
des risques sanitaires dans l’habitat individuel et dans les structures d’hébergement
collectif comme les hôtels.
Recommandation n° 25
a.
Expertiser le coût réel de l’eau de dessalement privée ;
b.
Adapter la grille tarifaire des structures de type hôtel ;
c.
Organiser avec l’ARS et la police de l’environnement le contrôle des
installations privées.
4.3.2.3.
Un contrat de production d’eau caduc
Les constats ci-dessus, établis de longue date, auraient dû inciter la collectivité à revoir
complètement l’organisation de la production et de la distribution de l’eau sur son
territoire, le plus tôt possible avant le terme du contrat de concession avec l’UCDEM,
fixé au 1
er
avril 2020.
L’évolution du droit lui en a ouvert l’occasion.
La loi du 29 janvier 1993 (art. 40), dite loi « Sapin », modifiée par la loi du 2 février 1995
(art. 75), a posé le principe que la durée des délégations de service public devait être
limitée en fonction des prestations demandées au délégataire et de la durée normale
d’amortissement des installations qu’il a financées, durée fixée à 20 ans dans le domaine
de l’eau et de l’assainissement, sauf examen préalable par le trésorier-payeur général,
à l'initiative de l'autorité délégante, des justificatifs de dépassement de cette durée.
Compte tenu de la date d’entrée en vigueur de cette loi, le terme de la concession pouvait
être envisagé dès le 3 février 2015 (vingt ans après). On estime à 500, le nombre de
contrats qui ont ainsi été renégociés par des collectivités territoriales sur la base de ces
dispositions. L’intérêt est qu’à l’occasion d’une caducité, l’indemnité à verser au
délégataire est bien moins grande qu’en cas de résiliation unilatérale.
En outre, en 2009, le Conseil d’Etat
26
a rendu un arrêt selon lequel l’indemnité due par
le concédant en sortie anticipée de concession devait être appréciée par rapport à
l’économie générale du contrat dans toutes ses composantes, c’est-à-dire que, si le
contrat a atteint une rentabilité normale à la date de la caducité, aucune indemnité n’est
25
Cet objectif, non fixé dans des textes législatifs ou réglementaires, figure dans le Rapport du CGEDD de
2011. Il correspond à la pratique observée en Europe occidentale (voir Henri Smets :
« De l’eau potable
à un prix abordable »
, éditions Johanet, Paris 2009).
26
CE, 8 avril 2009, Compagnie générale des eaux et commune d’Olivet, n°271737, publié au recueil Lebon.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
63
due au concessionnaire. La collectivité avait donc l’occasion de sortir de ce contrat dans
de bonne, voire très bonnes conditions
27
.
Or, au lieu de saisir l’occasion ouverte par ces nouvelles dispositions pour obtenir, par
une position ferme, soit à l’échéance anticipée du contrat, soit à une renégociation de
ses conditions tarifaires, la collectivité de Saint-Martin a consulté la DRFiP le 16 juillet
2014 en se plaçant dans une position
a priori
favorable au
statu quo
qui a reçu l’aval de
ce service. Dans son avis du
12 août 2014 la DRFIP n’a pas exigé la remise en question
de l’échéance contractuelle
28
.
En revanche, la poursuite du contrat au-delà de février 2015 supposait que l’utilité
économique d’une telle poursuite soit démontrée au regard de l’intérêt public, ce qui n’a
pas été le cas, ni de la part de la collectivité, ni de la part de la DRFiP.
L’établissement s’est appuyé sur un rapport d’un cabinet de conseil, remis le
13 décembre 2013, et a entrepris des démarches visant à constater la caducité du
contrat au 3 février 2015, par l’envoi d’un courrier en ce sens à l’UCDEM le 10
février 2014.
La collectivité, pour sa part, a tardé à agir puisqu’elle n’a saisi la DRFIP (alors qu’elle
n’était pas tenue de le faire) que le 16 juillet 2014, et n’a pas pris de décision explicite
sur la caducité ou non du contrat. Le conseil d’administration de l’EEASM a finalement
acté
« la régularisation de la continuité de l’activité de l’UCDEM »
, par une décision du
19 décembre 2016, soit près de deux ans après la date de caducité du contrat.
Il en résulte qu’en l’absence de décision de poursuivre, le contrat qui lie la collectivité et
l’UCDEM est caduc. La Compagnie générale des Eaux achète l’eau à l’UCDEM, en vertu
d’un contrat signé avec la collectivité qui est, depuis le 3 février 2015, caduc. On
rappellera que le contrat initial du 22 février 1984 entre la commune et l’UCDEM avait
prévu la possibilité de vendre l’eau produite
« à la commune, au distributeur désigné par
elle ou aux consommateurs agréés par elle »
à un prix fixé dans le contrat. L’avenant
n°6 du 2 juin 2005 prévoit un nouveau prix, de 2,62 €. Il s’agit donc d’un contrat de
production et de vente d’eau à un tarif fixé. La caducité de la convention entraine
l’absence de base juridique qui fonde non seulement le prix de l’eau vendue mais la
vente elle-même.
Cette situation est non seulement pénalisante pour la collectivité et l’usager mais
préjudiciable pour le service lui-même et les partenaires au contrat. Ces retards ont été
en effet très pénalisants car la collectivité aurait pu en amont passer une nouvelle DSP
ou reprendre la gestion de la production en régie avec les moyens d’obtenir des prix plus
bas. La collectivité et les usagers auront donc perdu au minimum trois ans pour obtenir
un tarif plus favorable pour le prix de l’eau.
27
La ville de Toulouse, laquelle a obtenu de Veolia, par voie d'avenant, une diminution du tarif d'eau
potable de 25 % en contrepartie de la poursuite du contrat jusqu'en 2020. La délégation de service public
avait été passée en 1990 pour une durée de 30 ans. Selon l'impératif d'ordre public, elle devenait
caduque au 5 février 2015. Les parties auront donc trouvé un accord rendant justifiable économiquement
la poursuite du contrat jusqu'à son terme.
28
« Au vu des éléments fournis, après analyse de l’équilibre économique du contrat comme des
modifications intervenues au cours de son exécution, et considérant les justifications particulières à
l’appui de la saisine autorisent une durée supérieure à 20 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi
du 2 février 1995, j’ai l’honneur de me prononcer favorablement à ce que l’échéance du contrat doit telle
que celle convenue entre les parties, soit le 1
er
avril 2020 »
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
64
En outre l’absence de décision de la collectivité prive de fondement juridique l’achat de
l’eau depuis plus de deux ans par le délégataire de la distribution (Générale des Eaux)
auprès du concessionnaire de la production (UCDEM).
Dans sa réponse, la collectivité reconnaît la caducité du contrat de livraison d’eau de
l’UCDEM à son délégataire. Elle serait susceptible d’être poursuivie pour favoritisme
(commande publique réalisée sans mise en concurrence, hors marché).
4.3.2.4.
Des pertes importantes sur le réseau d’adduction
Le rendement du réseau d’adduction d’eau de Saint-Martin était de seulement 56,3 %
en 2015, alors que la moyenne nationale en métropole est de 80 %. L’EEASM qui en a
la responsabilité espérait
atteindre un rendement de 70 % en 2016, objectif qui
apparaissait très ambitieux à une aussi courte échéance. Cet objectif a été ramené à
65 % en 2020.
L’amélioration résulterait pour partie de l’action de l’opérateur de distribution, par une
régulation de la pression permettant de minimiser les pertes aux horaires de faible
consommation d’eau, mais elle dépendra principalement des travaux réalisés par
l’EEASM.
Or, la situation financière
fragile
de cette structure fait peser des doutes sur sa capacité
à conduire seule les opérations.
L’EEASM a néanmoins pu bénéficier d’aides accordées par l’Etat à la collectivité
territoriale, dans le cadre du contrat de développement, financé à parité par l’Etat et la
collectivité de Saint-Martin, et dans le cadre du fonds exceptionnel d’investissement
(FEI), créé par l'article 31 de la loi pour le développement économique des outre-mer du
27 mai 2009 (LODEOM), destiné au rattrapage des infrastructures outre-mer ; enfin,
l’ONEMA participe depuis 2014 au financement des infrastructures mises en place
par l’EEASM.
Le contrat de développement et le FEI ont ainsi financé les projets à hauteur de 25,8 M€
sur la période 2007-2013
29
, avec un taux de financement de 83,3 %. La collectivité et
l’EEASM ont participé à hauteur de 4,3 M€. Pour le programme 2014-2020, le
financement complémentaire de l’ONEMA permettra un financement global à hauteur de
31,3 M€ et un taux de financement de 93,4 %, soit une participation de la collectivité et
de l’établissement, de 2,2 M€, particulièrement faible au regard des compétences
concernées et traduisant un fort engagement de l’Etat et de l’ONEMA en faveur de la
collectivité.
Grâce à ces soutiens, l’EEASM remplace depuis 2010 entre 4 et 7 km de réseau par an,
sur un réseau de 200 km, soit un taux de renouvellement de 2 à 4 %, cohérent avec un
renouvellement moyen du réseau tous les 30 ans, durée de vie moyenne des réseaux.
4.3.2.5.
Des comportements individuels compromettant la viabilité du service public
Outre les difficultés précédemment décrites, trois types de comportements doivent être
corrigés pour améliorer le rendement et abaisser le coût du service public de l’eau :
-
la défaillance des gestionnaires et copropriétaires de lotissements ;
29
dont 15 M€ pour l’eau potable et 10,8 M€ pour l’assainissement.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
65
-
le recours, de la part d’établissements hôteliers, à des équipements individuels
non déclarés ;
-
le niveau élevé des impayés de la part de consommateurs professionnels et
institutionnels.
Sur le premier point, le service public de l’eau potable s’étend jusqu’en limite de
lotissement. Un compteur général est normalement posé en entrée de lotissement, sur
le domaine public. Les réseaux d’eau, tout comme la voirie et les autres réseaux sont de
la compétence de la copropriété des lotissements
30
, sauf à obtenir un reversement de
ces réseaux dans le domaine public de la collectivité. Or, de nombreux gestionnaires de
copropriété n’entretiennent pas ne rénovent pas les réseaux alors même qu’ils sont dans
un état très dégradé. Il existe sur l’île 98 associations syndicales libres (ASL) chargées
des lotissements, principalement pavillonnaires. La moitié de ces syndics est concernée
par la qualité dégradée des réseaux et la défaillance de ces réseaux compte pour 40 %
des pertes de rendement sur le réseau. Cette situation engendre une surconsommation
d’eau qu’il est nécessaire de corriger car l’augmentation de la production suppose de
nouveaux investissements et donc une augmentation du prix de l’eau, sans aucun
bénéfice pour les usagers.
Sur le deuxième point, le prix de l’eau pour les tranches supérieurs est dissuasif, ce qui
incite les gros consommateurs, comme les structures hôtelières, à se doter de stations
privées d’osmose inverse. Il appartient à ces structures de déclarer et de faire agréer
leur installation, notamment sur les points sensibles comme les rejets de saumures ou
la qualité de l’eau potable délivrée. L’Agence régionale de santé (ARS), chargée de ce
contrôle, a demandé à six établissements de se mettre en conformité avec la loi dès
2011. Un seul dossier de régularisation est actuellement à l’instruction, celui de l’hôtel
du Grand Case Beach Club.
D’autres consommateurs procèdent à des forages. Or, tout forage est soumis à
déclaration à la collectivité territoriale, s’il ne dépasse pas 100 000 m
3
par an, et à
autorisation au-delà de ce volume. Ce sont les services de l’Etat qui instruisent les
dossiers et procèdent aux contrôles de terrain. Aucune déclaration, ni aucune demande
d’autorisation n’ont été adressés aux services compétents de l’Etat et aucun contrôle ni
sanction n’est pratiqué. La collectivité pourrait imposer la facturation forfaitaire pour
couvrir l’assainissement des gros consommateurs qui ne déclare aucune consommation
d’eau.
Sur le troisième point, la loi « Brottes » du 15 avril 2013, et son décret d’application en
date du 27 février 2014, interdisent à tout distributeur de couper l’alimentation en eau
dans une résidence principale, même en cas d’impayé, et cela, tout au long de l’année.
Cette loi avait fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée
par la société SAUR, elle-même attaquée par un client. Par une décision du 29 mai 2015,
le Conseil constitutionnel a donné tort à la SAUR et validé ainsi la loi. Les coupures d’eau
30
La propriété des réseaux et la responsabilité de leur entretien sont parfois contestés. La collectivité a
mis en demeure certaines associations syndicales libres d’assurer la résorption des atteintes à la
sécurité, à la sûreté et à la salubrité des réseaux d’eau potable et d’assainissement situés dans le
périmètre du lotissement. L’ASL « Résidences de la Baie Orientale » a contesté ces mises en demeure
devant le tribunal administratif. Par un jugement du 24 juin 2016, le tribunal a rejeté sa requête et
confirmé la décision de la collectivité territoriale.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
66
sont donc interdites mais également la réduction de la pression de l’eau. C’est ce qu’a
jugé le tribunal de Limoges, dans une ordonnance du 6 janvier 2016
31
.
Ces dispositions ne sont pas étrangères à l’augmentation des impayés. On observe en
effet au niveau national une tendance à l’augmentation des impayés sur l’eau, puisqu’en
2013, le taux était de 1,42 %, soit deux fois le taux de 2009. En 2014 et 2015, il s’est
encore accru, beaucoup de communautés d’agglomération ayant vu leur taux d’impayés
multiplié par trois depuis 2011
32
. A Saint-Martin, l’évolution est semblable, à la différence
que le taux d’impayés était déjà très élevés avant 2013.
Le taux d’impayé était
de 21 % sur les factures de 2014, en forte augmentation puisqu’il
était de 7 % en 2010. Il a atteint 35 % pour le dernier exercice (impayés à huit semaines).
Une étude réalisée en 2016
33
dans le cadre de l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour
l’établissement des eaux de Saint-Martin, montre que les impayés sont principalement
le fait de professionnels et de collectivités publiques. Les particuliers représentent 96 %
des abonnés mais seulement 55 % des mauvais payeurs. Les collectivités publiques et
les entreprises représentent 4 % des abonnés et 45 % des impayés. La cessation de
fourniture d’eau pour impayés, dans le cas des professionnels et des institutions, est
légale et devrait être pratiquée.
Malgré les mesures mises en place par le délégataire, comme le suivi précis des
difficultés de paiement, la diversité des moyens de paiement, les coupures d’eau quand
cela est possible, l’ampleur prise par ce phénomène implique des efforts qui ne relèvent
pas seulement du délégataire : dettes des établissements publics locaux et nationaux et
de la collectivité, contrôle des installations et des conditions d’existence juridique des
sociétés, dispositions d’ordre public visant à rétablir le paiement des factures d’eau,
contrôle du raccordement et de la facturation des abonnés au regard des bases de
taxation, etc.
4.3.3.
Des progrès en matière d’assainissement collectif mais qui restent attendus
pour l’assainissement individuel
4.3.3.1.
Une montée en puissance des investissements sur les STEP
Le patrimoine de l’EEASM se compose de sept stations d’épuration, la plus importante
étant celle de la pointe du Canonnier qui a une capacité de 15 000 EH. Elle traite
notamment les effluents de Marigot, de Concordia, de Baie Netlé, mais elle atteint sa
limite de charge.
Les STEP existantes fonctionnent de façon correcte. La mise en place de la nouvelle
STEP de quartier d’Orléans (18 000 EH), en lieu et place de l’ancienne (2 500 EH) va
permettre de couvrir une bonne partie des besoins.
Le projet d’une station commune entre la partie française et la partie hollandaise de l’île
permettrait de donner corps à une coopération pour un service dont le périmètre
pertinent reste l’île toute entière.
31
L'ordonnance du 6 janvier 2016 prononcée par le tribunal de Limoges ordonne le versement de 3600€
de dommages et intérêts par la SAUR et l'obligation de rétablir le débit complet d'eau sous peine
d’astreintes.
32
Voir www.eaufrance. A titre d’exemple l’agglomération Anger Loire métropole a vu son niveau d’impayés
passer de 0,6 % à 1,8 % entre 2011 et 2014.
33
Cabinet Espelia, juin 2016.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
67
Le taux de raccordement est d’environ 67 %. De nombreux consommateurs non
abonnés à l’eau potable sont raccordés et rejettent les eaux usées dans le réseau, sans
acquitter de facture d’eau (adressée aux seuls abonnés à l’eau potable). Le manque à
gagner est estimé à 90 000 €.
La chambre a recommandé à plusieurs reprises, dans ses avis budgétaires concernant
l’EEASM,
l’institution
d’une
facturation
forfaitaire
pour
les
bénéficiaires
de
l’assainissement collectif non raccordés au réseau d’adduction d’eau.
4.3.3.2.
Un SPANC encore très limité
Les services d’assainissement non collectif auraient dû être opérationnels au 1
er
janvier
2006 au niveau national. Le diagnostic de l’existant était prévu pour la fin de l’année
2012. Le législateur avait aussi prévu que les SPANC pouvaient être financés, pendant
les cinq premières années, par un autre budget (eau ou assainissement).
Ces délais n’ont pas été respectés, comme on le constate également ailleurs, en France
hexagonale ou outre-mer. Les problématiques outre-mer sont complexifiées par
l’enchevêtrement des zones d’assainissement collectif et d’assainissement non collectif.
Recommandation n° 26
a.
Apurer les dettes des gros consommateurs, en particulier des professionnels
et des services publics ;
b.
Instituer une redevance forfaitaire pour l’assainissement collectif des gros
consommateurs non raccordés au service de l’eau potable ;
c.
Renforcer le contrôle de l’assainissement non collectif.
5.
LA GESTION DES GRANDS EQUIPEMENTS
5.1.
L’aéroport de Grand-Case
5.1.1.
Une gestion en déshérence avant la création de la collectivité
L’aéroport est constitué d’une piste de 1 200 m de longueur et d’une aérogare. L’emprise
de l’aéroport est d’environ 30 ha. Il était géré par le département de la Guadeloupe,
jusqu’au 1
er
janvier 2008, date à laquelle il a été transféré à la collectivité de Saint-Martin,
conformément à la loi organique du 21 février 2007, art. 18, XI.
L’état technique et financier de cet équipement s’est révélé catastrophique lors du
transfert à la nouvelle collectivité. D’un point de vue technique, l’aéroport n’était pas
classé, la piste n’était pas homologuée et l’exploitant n’était pas certifié. Les plans de
masse ou des réseaux n’avaient pas été établis. Les différents plans réglementaires qui
relèvent, notamment pour certains, de la compétence de l’Etat, n’avaient pas été
réalisés : avant-projet de plan de masse (APPM), plan des servitudes aéronautiques
(PSA), plan d’exposition aux bruits
34
(PEB), etc. D’un point de vue financier, l’exploitation
était très déficitaire, avec des impayés très importants, notamment pour l’occupation du
34
Compte tenu de l’activité de l’aéroport, le PEB n’est pas obligatoire pour l’aéroport de Grand-Case.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
68
domaine public de l’aéroport par les commerçants et sociétés, et des taxes non
recouvrées. Près de 500 000 € de créances ont dû être admises en non-valeur par la
collectivité de Saint-Martin.
La collectivité a décidé, en 2009, de confier la gestion a une entreprise privée. La société
S.-L. a été choisie après une procédure de passation d’une délégation de service public
qui a mis en concurrence cette entreprise et un groupement constitué de la SEMSAMAR
et de la CCISM. Entre la prise de compétence de la collectivité en 2007 et la gestion en
DSP à partir de 2011, l’aéroport a été géré par un établissement public émanant de la
collectivité.
5.1.2.
Un aéroport centré sur le trafic régional, en repli depuis 2011
L’aéroport de Grand-Case dépend, pour le contrôle aérien, de l’autorité située à
l’aéroport Princess Juliana, aéroport international de Sint-Maarten. Les
« clearances »
,
les plans de vol, les autorisations de décollage, les opérations de recherche et de
sauvetage, sont donc supervisés par Juliana, qui fait lui-même partie de la zone gérée
par Porto-Rico.
L’utilisation de l’aéroport de Grand-Case est, en pratique, limité aux liaisons avec les
seules îles françaises de la Caraïbe, soit vers la Guadeloupe, la Martinique et Saint-
Barthélemy.
Trois compagnies d’aviation utilisent l’aéroport :
-
Air Caraïbes (environ 55 % du trafic) ;
-
Air Antilles Express (environ 38 %) ;
-
Saint-Barth Commuter (environ 7 %).
La compagnie d’hélicoptère Corail Hélicoptère est basée à l’aéroport de Grand-Case
depuis 2014.
Les liaisons régionales représentent 100 % du trafic contre seulement 10 % de celui de
Juliana ou 24 % de celui de Saint-Barthélemy. Même si la vocation de l’aéroport n’est
pas de concurrencer directement Juliana, la limitation à un périmètre régional n’est pas
de nature à dynamiser son activité. En effet, seul le trafic international se développe
sensiblement. Le trafic régional s’essouffle ; celui qui relie la Guadeloupe à Grand-Case
a diminué de 4,8 % en 2014 par rapport à 2013, avec 140 407 passagers.
L’homologation de l’aéroport de Grand-Case pour le vol à vue de nuit a été retirée en
2013, ce qui retire la possibilité d’approches de nuit
35
pour les compagnies locales. Cela
pénalise l’exploitation de l’aéroport, certaines compagnies ayant des vols régionaux en
prolongation de vols internationaux. De même, la qualification des pilotes pour la VFR
de nuit ne peut désormais s’obtenir qu’en Guadeloupe, au détriment de l’activité de
l’aéroclub. Un balisage lumineux spécifique et la mise en place d’instruments d’aide
(VOR
36
) à la navigation sont nécessaires pour une ouverture horaire plus importante.
Des travaux de balisage et de signalisation lumineuse ont été effectués par le délégataire
35
Soit une demi-heure après le coucher du soleil.
36
VOR : VHF Omnidirectional Range, est un système de positionnement radioélectrique utilisé en
navigation aérienne et fonctionnant avec les fréquences VHF.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
69
mais l’homologation n’a pas encore été réattribuée à l’aéroport. Il importe que ce dossier
trouve un aboutissement rapide entre le délégataire et la direction de l’aviation civile.
Après une augmentation continue depuis 2004, de près de 3,5 % par an en moyenne,
soit un trafic en 2011 supérieur de 30 % par rapport à celui de 2004, le trafic a connu
une diminution inquiétante, de 8 % en trois ans, jusqu’en 2014. L’année 2015 marque
une légère reprise, avec + 3 %, soit le niveau de 2013
37
.
Sur la période 2011-2014, l’aéroport de Juliana a, au contraire, gagné près de 10 % de
trafic. On observera qu’en nombre de mouvements d’avions, l’aéroport de Grand-Case
stagne autour de 11 000 mouvements quand Saint-Barthélemy en accueille trois fois
plus et Juliana six fois plus
38
.
Tableau n°10 : Nombre de passagers et de mouvements d’avions - Comparaison régionale
2011
2012
2013
2014
Nombre de passagers
Passagers (Grand-Case)
209 003
199 005
198 603
192 260
Passagers (Saint-Barthélemy)
151 646
152 816
163 650
171 051
Passagers (Pôle Caraïbe)
1 951 377
1 925 053
1 963 609
1 958 488
Passagers (Juliana)
1 644 270
1 671 715
1 671 763
1 795 117
Nombre de mouvements d’avions
Mouvements (Grand-Case)
13 872
13 196
11 807
11 411
Mouvements (Saint-Barthélemy)
34 004
33 030
34 566
34 459
Mouvements (Pôle Caraïbe)
27 921
28 860
38 782
39 753
Mouvements (Juliana)
60 314
58 909
58 400
60 371
Sources : aéroports de Grand-Case, de Saint-Barthélemy, de la Guadeloupe (Pôle Caraïbe), de Juliana.
37
Cf.
annexe 9
38
L’aéroport Princess Juliana est le deuxième aéroport de l’ensemble de la Caraïbe, en termes de
mouvements d’avions, après l’aéroport Munoz de Puerto Rico.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
70
Graphique n°6 :
Evolution du trafic de l’aéroport de Saint-Martin
Source : rapports du délégataire.
Le trafic de Grand-Case est très inférieur à celui escompté lors de la mise en place de
la délégation, en 2011 : - 25 % pour les passagers et - 50 % pour les mouvements
d’appareils. Les prévisions reposaient, il est vrai, sur l’hypothèse d’une piste allongée et
n’intégrait pas l’instauration en 2012, par la collectivité, d’une taxe sur les passagers de
10 €/billet.
Les autres éléments explicatifs de la baisse de 2012 sont les conditions météorologiques
qui imposent parfois un déroutement sur l’aéroport de Juliana, la baisse du trafic de
Saint-Barthélemy Commuter, concurrencé par le bateau, l’arrêt du trafic de la compagnie
TAI
39
(Transport Aérien Intercaraïbe), suite à un accident intervenu le 5 mai 2012. En
2013, la fin du contrat de « partage de code »
40
entre Air Antilles Express et Corsair pour
la liaison Pointe à Pitre-Grand Case s’est traduit par une nouvelle baisse du trafic.
En outre, du fait du faible volume de carburant pour avion délivré à Grand-Case, son
coût est 70 % plus élevé que celui livré à Juliana.
5.1.3.
Une exécution
a minima
du contrat de délégation de service public
L’entreprise S.-L., titulaire du contrat de délégation, a créé une société dédiée à la
gestion de l’aéroport de Grand-Case, la Société d’exploitation de l’aéroport de Saint-
Martin (SESMA). Le contrat a été signé le 4 avril 2011, pour une entrée en application
au 1
er
avril 2011. En raison du retrait de l’entreprise S.-L. de la gestion des aéroports
français, la SESMA a été reprise par le groupement E. le 30 décembre 2016.
L’inventaire des biens, qui aurait dû être réalisé au 1
er
août 2011, a été remis à l’autorité
délégante le 9 mai 2012, soit plus d’un an après l’entrée en vigueur du contrat.
Un aéroport, tout comme un port, comporte des missions régaliennes, des missions de
service public et des missions commerciales. Les missions régaliennes sont les missions
39
Compagnie qui effectue des évacuations sanitaires.
40
Le contrat de « code sharing » est une pratique commerciale qui associe deux compagnies, pour des
vols en correspondance. Elles partagent alors le même code « compagnie ».
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
71
anciennement exercées par l’Etat et transférées aux aéroports. Elles sont relatives au
sauvetage et à la lutte contre l’incendie des avions, prévention du péril animalier,
inspection et filtrage des passagers et des bagages, le contrôle des accès aux zones
réservées. Elles sont financées par les taxes d’aéroport reversées par l’Etat à l’aéroport.
Pour l’aéroport de Grand-Case, les produits et charges liés à ces missions représentent
la moitié du chiffre d’affaires. Les missions de service public et les missions
commerciales représentent l’autre moitié du chiffre d’affaires
41
.
Le résultat d’exploitation est moins bon que prévu. Le compte prévisionnel prévoyait un
fort excédent d’’exploitation à partir de 2014 devant servir à financer des
investissements.
Tableau n°11 : Résultat d’exploitation de la DSP
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Prévisions
311 780
288 522
-14 888
151 000
-285 827
175 423
-193
351 657
Réalisations
311 780
288 522
-14 888
151 000
-285 827
217 648
-2 119
-7 309
Source : comptes d’exploitation prévisionnels et comptes de résultat de la DSP
En revanche, le résultat global est meilleur que prévu, non en raison des produits plus
importants mais des charges d’emprunt moindres. Le bilan 2014 de la SESMA fait
apparaître des incohérences puisqu’en dépit des travaux effectués en 2013 et 2014,
l’actif n’a augmenté que faiblement et l’amortissement prévu est resté faible. Les travaux
effectués n’ont pas été positionnés en immobilisation mais sur des comptes d’attente.
Les biens sont mis à disposition par la collectivité à la SESMA qui doit les inscrire à son
bilan, et, surtout, doit les amortir. Cette anomalie a été rectifiée dans les comptes de
2015.
Il résulte de cette anomalie que les amortissements sont sous-évalués pour les années
2013 et 2014 et qu’en conséquence le résultat est majoré sur ces deux années. En
revanche, sur l’année 2015, le résultat traduit le rattrapage des amortissements non
effectués sur les années 2013 et 2014.
Tableau n°12 : Résultat global de la DSP
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Prévisions
311 780
287 752
-14 914
50 000
-293 957
104 124
-138 543
-122 676
Réalisations
311 780
287 752
-14 914
50 000
-293 957
209 337
197 140
-9 106
Source : comptes d’exploitation prévisionnels et comptes de résultat de la DSP
5.1.3.1.
Des produits qui plafonnent malgré les hausses de tarif, faute d’activité
Les recettes d'exploitation des aéroports sont traditionnellement composées de recettes
aéronautiques
42
(redevance d'atterrissage, redevance passager, redevance de
stationnement et redevance sur les livraisons de carburant) et de recettes extra-
aéronautiques (redevance domaniale d'occupation de terrains et de bâtiments,
redevances commerciales).
41
Cf.
annexe 10 du présent rapport
42
Prévues par l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
72
Ce sont essentiellement les passagers qui contribuent au service public aéroportuaire
puisqu’ils financent à eux seuls 81 % du service.
Avec les augmentations décidées, le contrat engendre 800 000 € de recette par an en
plus. Les redevances du service public aéroportuaire (passager, stationnement,
atterrissage…) étaient d’environ 600 000 € en 2010 et 1 400 000 € en 2014.
Afin de permettre le financement du projet de développement de l’aéroport, le
gestionnaire a augmenté la redevance sur les passagers à compter de septembre 2011,
mais n’a cependant pas procédé à la seconde augmentation de 2014, prévue dans le
contrat. La redevance par passager est de 11,55 € en 2016 pour les vols nationaux
.
Tableau n°13 : Tarifs prévus initialement pour la redevance sur les passagers
Redevance par passager unitaire
2010
2011
2014
Vols domestiques
5,00 €
11,00 €
13,25 €
Vols internationaux
5,00 €
11,00 €
15,50 €
Source : contrat de DSP.
On constate que, sur la répartition du supplément de recette par rapport à la situation
d’avant 2011 (environ 800 000 € par an), 180 000 € servent à rémunérer la société-
mère, la S.-L., environ 100 000 € à 150 000 € servent à financer l’amortissement des
travaux effectués, 100 000 € sont versés à la collectivité et le reste, soit environ
400 000 € sert à l’autofinancement des investissements.
En contrepartie, le service aurait dû bénéficier d’une amélioration par des
investissements
supplémentaires,
tant
sur
les
équipements
structurants
(agrandissement de la piste, parking), que sur le fonctionnement du service (livraison
des bagages, augmentation des fréquences, des destinations, etc.).
Graphique n°7 :
Produit de la redevance sur les passagers
Source : RAD
5.1.3.2.
Des charges de fonctionnement élevées au regard de l’activité
Les charges financières auraient dû représenter 650 000 € sur les trois années 2012-
2014, pour financer les travaux programmés. Elles se sont élevées à 3 130 €. Il en est
de même pour les dotations aux amortissements qui auraient dû atteindre 467 000 € sur
la période 2012-2014 et qui se sont élevées à 128 000 €. Les provisions pour gros
entretien et réparation ont été constituées mais avec des reprises importantes. Tout cela
traduit le sous-investissement dans le début d’exécution de la DSP.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
73
S’agissant du personnel, le nombre d’agents, à la signature du contrat de DSP en 2011,
était de 30. Les agents sont 26 aujourd’hui dont quatre agents de la collectivité, contre
13 au début du contrat, les autres étant des agents de la société délégataire, la SESMA.
Plusieurs agents ont été remis à la collectivité. La masse salariale de l'aéroport, en 2010,
était d’environ 1 M€. Elle est de 1,37 M€
43
en 2014. L’augmentation de 2012 est due,
d’une part, au transfert de quatre agents (SSLIA
44
) de l’établissement public vers la
SESMA
45
et, d’autre part, au recrutement d’un directeur et d’un responsable financier.
Tant les charges de personnel que le nombre d’agents paraissent trop élevés au vu du
chiffre d’affaires de l’aéroport. Les agents AFIS
46
sont rémunérés entre 2 500 et 3 500 €
net mensuel, ce qui est excessif en comparaison des agents de même qualification en
service à l’aéroport de Saint-Barthélemy (entre 2 000 et 2 700 € net mensuel).
En comparaison, la masse salariale à l’aéroport de Saint-Barthélemy s’élève à 0,74 M€.
Même si l’aéroport de Grand-Case assume des obligations plus importantes en matière
de sécurité que celui de Saint-Barthélemy en raison de la taille des avions accueillis
(ATR), les 17 agents de Saint-Barthélemy suffisent pour un trafic représentant 91 % du
des passagers de Saint-Martin et trois fois le trafic d’avions de Saint-Martin.
La société dispose donc de marges de manoeuvre en matière d’efficience dans la gestion
de l’aéroport.
S’agissant des honoraires du groupe S.-L., ils avaient été considérés comme trop élevés
par la collectivité mais n’avaient pas pu être négociés. Ils correspondent à un
pourcentage situé entre 7,3 et 7,8 % des dépenses d'exploitation ; 5 % est la moyenne
usuelle, ce qui donnerait 160 à 180 000 €, au lieu des 250 000 € prélevés.
Dans ses rapports annuels, la SESMA ne fournit aucune information précise sur la
nature de ces dépenses. Elle se contente d’indiquer que «
les honoraires du groupe S.-
L. sont conformes aux montants inscrits dans le BP
47
». En 2013, le délégataire précise
que «
les honoraires du groupe S.-L. ont été réduits de moitié par rapport à ce qui est
inscrit dans le BP, et ce, afin d’équilibrer le budget
». Cette réduction des honoraires a
porté sur les années 2012, 2013 et 2014. En 2015, la rémunération de la société-mère
a été de 270 150 €, soit environ 7,5 % du chiffre d’affaires.
La redevance versée à la collectivité, prévue au contrat, est une contrepartie de la mise
à disposition du patrimoine public pour l’activité de la société. Elle a été fixée à 100 000 €
pour les années 2011 et 2012, 190 000 € pour 2013 et 220 000 € pour 2014, ce dernier
montant étant motivé par la remise au délégataire des terrains nécessaires à
l'allongement de la piste. Les terrains n’ont pas été remis et aucune redevance n’a été
versée. La société indique avoir versé la redevance pour 2011 et 2012 mais pas les
suivantes. Elle attend que le titre émis soit rectifié et corresponde au 100 000 € que la
société doit verser, la réévaluation de cette redevance dépendant de l’achat des terrains.
43
Cf.
annexe 11.
44
Services de sauvetage et de lutte contre l'incendie des aéronefs.
45
L’année 2011 est une année de transition, la gestion étant assurée par l’établissement public de
l’aéroport jusqu’au 31 mars puis par la S. L. depuis le 1
er
avril 2011
46
Airport Flight Information Services
47
RAD 2012.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
74
5.1.3.3.
Des travaux mal évalués, d’un coût élevé et qui ont pris plusieurs années de
retard
Le financement des investissements se présentait de la manière suivante dans l’offre du
délégataire
48
: un total d’investissements dans les infrastructures de 9,25 M€, financé à
77 % par des dettes, pour un montant de 7,2 M€, et à 23 % par les fonds propres de
l’entreprise, pour 2,05 M€. Les dettes devaient être contractées sur 18 ans à un taux
de 5 %. L’hypothèse de rémunération des fonds propres affichée est de 7,50 % mais
cette rémunération est comptabilisée dans le financement des investissements à
9,50 %. Tout financement par des subventions permet de maximiser la rentabilité la
DSP.
Le délégataire indique
49
que
« le montant total des investissements de la phase I a
connu une augmentation significative ; il passe de actuellement, de 2,4 M€ à 5,3 M€. […]
Sans l’allongement de la piste qui permettrait d’augmenter les revenus, il sera impossible
d’amortir de tels investissements sans mettre en péril l’équilibre des comptes
d’exploitation »
.
Tableau n°14 : Montant des travaux programmés et des travaux réalisés
2011
2014
Evolution
Etat
Réorganisation/agrandissement de l'aérogare (+ rénovation vigie)
1 125 275
1 704 123
51,4 % Programmé
Réalisation d'une caserne SSLIA (+ AFIS)
200 000
1 241 023 520,5 % Programmé
Agrandissement du parking d'aviation d'affaires
932 364
1 998 510
114,3 %
Réalisé
Réalisation d'une aire de parking pour hélicoptères
0
310 000
Réalisé
Total des travaux programmés
2 257 639
5 253 656
132,7 %
Source : CEP et rapports du délégataire
Le montant des travaux a, en effet, connu une inflation particulièrement importante.
Certains travaux décidés initialement ne sont plus inclus dans la programmation : la
réorganisation de l’aérogare incluait la rénovation de la vigie pour un montant de 1,12 M€
et la programmation actuelle ne prévoit que la rénovation de l’aérogare pour un montant
de 1,70 M€ alors qu’une extension était prévue.
Par ailleurs, des travaux supplémentaires ont été inclus dans la DSP. La réalisation de
la caserne ne prévoyait pas la réalisation de l’AFIS
50
, ni la réalisation d’une aire de
parking pour hélicoptères. De même, il n’était pas prévu de réaliser une station de
carburant provisoire. En outre, la programmation de la caserne a été sous-évaluée par
le délégataire.
Malgré le doublement du montant des investissements par rapport aux prévisions, le
délégataire estime qu’il n’y a pas erreur dans la programmation. Un marché à procédure
adaptée (MAPA) a été engagé avec la société SOGETRA pour la réalisation de ces
48
Annexe n°3 du contrat, note 2.1.5.
49
Rapport 2014, p. 31
50
L’Airport Flight Information Service (AFIS) assure le service d'information et d'alerte. Il donne des
informations sur la présence des aéronefs au voisinage de l'aérodrome. Il fournit les renseignements
météorologiques. Il assiste les pilotes dans la prévention des collisions. Contrairement à un service de
contrôle, l'AFIS ne peut donner ni instruction, ni autorisation, ni interdiction à un pilote.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
75
travaux. Le renchérissement des travaux pour la DSP aurait nécessité la conclusion
d’avenants.
Sur les 8,3 M€ de travaux prévus, 5,3 M€ ont déjà été dépensés. Il ne reste que 3 M€,
« budgétés » dans la DSP alors que les plus gros travaux restent à faire : la construction
d’une station de carburant définitive pour 1 M€, l’allongement de la piste pour 5 M€ et la
construction d’une aérogare destinée à l’aviation d’affaires pour 0,35 M€, soit 6,35 M€,
sans compter la réactualisation des coûts et les surcoûts éventuels. Le compte de la
DSP n’est pas en mesure d’assumer ces coûts.
La SESMA a dépensé 5,3 M€ sur les années 2013 et 2014. Le délégataire a bénéficié
de subventions du FEDER pour un montant de 2,3 M€ pour financer en partie les travaux
de construction du parking
« Aviation générale »
, la construction de la caserne et le
réaménagement de l’aérogare. La SESMA a contracté un prêt de 3,3 M€ auprès de sa
société-mère (S.-L.) pour couvrir le reste des investissements. Il apparaît que le
financement a plutôt été bonifié par rapport au modèle initial présenté dans l’offre.
Tableau n°15 : Calendrier de la programmation et de la réalisation des travaux
2011
2012
2013
2014
2015
2016
T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4
Réorganisation/agrandisst
de l'aérogare (+ rénovation
vigie)
Prog 2011
Réalisation en
cours
Réalisation d'une caserne
SSLIA (+ AFIS)
Prog 2011
Réalisée
Agrandissement du parking
d'aviation d'affaires
Réalisation
Réalisation d'une aire de
parking pour hélicoptères
Réalisation
Source : Rapports du délégataire, chambre territoriale des comptes
Outre le montant beaucoup plus élevé que prévu, les travaux ont pris beaucoup de retard
par rapport à la programmation initiale.
Les travaux de réorganisation et d’agrandissement de l’aérogare, qui n’étaient soumis à
aucune condition particulière et notamment à aucune condition d’acquisition de foncier,
ont pris au moins quatre ans de retard. Ce retard s’explique en partie par les conditions
de mise à disposition des bâtiments. L’absence de plan de recollement
51
pour les travaux
et interventions antérieures a rendu difficile l’engagement des nouveaux travaux. Des
audits sur la construction et les réseaux, notamment d’électricité, ont dû être menés
avant la réalisation des travaux. Les permis de construire ont été délivrés au bout d’un
an.
Les travaux ont d’ailleurs été revus à la baisse. Il était prévu une extension de la surface.
Finalement, il ne s’agit que d’un aménagement, sans réelle augmentation de capacité,
alors même que l’aéroport est présenté comme saturé avec 210 000 passagers. Ceci
implique d’un développement du trafic nécessitera sans doute des travaux
supplémentaires. Les travaux de réalisation de la caserne et du poste de contrôle AFIS
a deux ans de retard par rapport au programme initial.
51
Un plan de récolement est un plan qui décrit les travaux réellement réalisés à la fin d'un chantier, par
opposition aux plans de projet qui décrivent les travaux prévus.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
76
5.1.4.
Une diversification des activités qui tarde, au risque d’être compromise
Le délégataire indique que des contacts ont été pris avec les compagnies pour
développer des vols vers Saint-Domingue ou Porto-Rico mais que la longueur de la piste
et le niveau actuel de sécurité (contrôle aérien) empêchent la concrétisation de ces
perspectives. L’absence de contrôle aérien et l’impossibilité de vol à vue de nuit
constituent les obstacles les plus sérieux. L’aéroport de Grand-Case est l’un des plus
actifs sans contrôle aérien, sur le plan national.
Des contacts ont été pris avec différentes compagnies
52
comme Hummingbird Air
(Sainte-Croix), Air Sunshine (Etats-Unis), FlyMontserrat (Montserrat) sans résultat à ce
jour. Le rapport du délégataire évoque la longueur de la piste. Cependant, pour l’accueil
de certaines de ces compagnies, la longueur de la piste n’est pas un obstacle
53
.
5.1.4.1.
L’instauration par la collectivité d’une taxe sur les passagers, dont les effets
négatifs n’ont pas été anticipés
Par délibération n°CT3-2-2012 du 31 mai 2012, la collectivité a instauré une taxe
d’embarquement de 10 € par passager, exigible à compter du 1
er
juillet 2012 et réservée
aux vols de plus de 50 km, qui s’inspire de celle prévue à l’article 285
ter
du code général
des impôts (CGI).
L’objet de cette taxe n’est pas explicitement défini par la réglementation, hormis une part
de 30 % affectées aux budgets des communes littorales
« érigées en stations classées
de tourisme »
, ceci dans le cas des collectivités citées par l’article 285
ter
du CGI. Le
CESC de Saint-Martin indiquait, dans son avis rendu en août 2012
54
: «
bien que la
Collectivité territoriale communique sur l’instauration de cette nouvelle taxe comme une
mesure de financement de l’acquisition de terrain nécessaire à l’allongement de la piste,
notons que celle-ci s’inscrit dans
« un ensemble de mesures diverses visant à accroître
les recettes fiscales »
de la collectivité
».
Cette taxe pénalise l’attractivité de l’aéroport qui se situe dans un environnement
concurrentiel. Le CESC, dans l’avis précité, indiquait que
« l’élasticité-prix du transport
aérien de court et moyen-courrier a pour valeur de consensus -1.52 […]. Autrement dit,
chaque augmentation du prix de 1 % entraîne mécaniquement une baisse de la
demande de 1,52 %. Dans le cas présent, au-delà des effets de stratégie des acteurs
qui menacent de ne plus desservir la plateforme, l’effet premier d’une telle taxation
additionnelle serait probablement de mettre un frein à la croissance du trafic
». On peut
observer que ces craintes se sont en partie confirmées par l’évolution du trafic aérien,
dont la croissance apparaît « cassée » depuis 2012. En outre, l’affectation de cette taxe
à l’opération d’allongement de la piste n’a été officialisée dans aucun document.
L’instauration de cette taxe, sans concertation avec les autorités de l’aéroport, pénalise
l’autofinancement de la DSP dans la mesure où, non prévue dans l’équilibre initial du
contrat, contrarie les augmentations prévues dans le contrat pour le délégataire pour le
financement des équipements de l’aéroport.
52
Il s’agit de petites compagnies, avec des flottes de moins de cinq avions.
53
Les avions BN Islander peuvent atterrir (FlyMontserrat), de même que le Beechcraft 99 (Hummingbird).
Ce n’est cependant pas le cas des Beechcraft 1900 ou du Saab 340 (Air Sunshine), de gamme
comparable à un ATR 42 mais moins performants.
54
Impact de la taxe territoriale sur les passagers, CESC, Août 2012.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
77
L’augmentation de tarif a conduit la compagnie Air Antilles Express à développer son
trafic du côté hollandais. Un vol Grand Case-Saint Barthélemy aller-retour coûte plus
cher en taxes, avec 45,92 € de taxes qu’un vol Juliana-Saint Barthélemy aller-retour,
avec 43,89 € de taxes. Cela n’est cependant plus vrai avec un vol aller-retour
Pointe à Pitre-Grand Case, qui coûte 68,89 € de taxes contre 79,98 € de taxe pour le
même vol vers Juliana
55
.
On notera que la taxe neutre financièrement pour l’aéroport car elle revient directement
à la collectivité. Elle est versée directement par les compagnies aériennes à la collectivité
selon un régime déclaratif. Il ressort de l’examen des comptes de la collectivité que cette
taxe est faiblement recouvrée. Sur la période du 1
er
janvier au 31 mai 2015, seul 84 010 €
avait été recouvrés, en baisse par rapport à 2014, alors que 38 365 personnes avaient
embarqué à Grand-Case sur la même période en 2014, soit une taxe potentielle de
383 650 € et donc à peine un quart des recettes recouvrées. En outre, la taxe se trouve
noyée dans le fonctionnement général de la collectivité.
L’instauration de cette taxe qui rapporte peu, ne sert pas à l’aéroport et qui fait fuir le
trafic apparaît comme une erreur à corriger rapidement.
5.1.4.2.
Une gestion désastreuse du foncier
L’allongement de la piste de 1 200 à 1 500 m et sa reconfiguration (raquettes de virage,
etc.) est une condition nécessaire à l’accueil de l’aviation d’affaires ainsi qu’à l’accueil
des avions régionaux sans limitation de masse
56
. Les raisons sont à la fois techniques
(distance de décollage) et administratives, dans la mesure où les compagnies
d’assurances refusent d’assurer les avions en cas de marge de sécurité insuffisante.
Le projet d’allongement est à l’arrêt depuis plus de six ans, en relation avec la nécessité
d’acquérir des terrains mitoyens de l’emprise actuelle de l’aéroport. Comme indiqué dans
la partie consacrée à la gestion foncière, la collectivité s’est refusée à recourir à
l’expropriation pour acquérir les surfaces requises, privilégiant ainsi des intérêts
particuliers sur l’intérêt général, s’exposant au risque de partialité et devant faire face à
des coûts excessifs. Elle s’apprête à financer le foncier pour l’allongement de la piste au
prix de 7,8 M€ (plus de 80 €/m²) face à une estimation domaniale de 4,8 M€ (50 €/m²)
alors qu’elle n’a prévu que 5 M€ à son budget. Par ailleurs, d’autres terrains achetés
100 € le m
2
, prévus pour l’extension de l’aérogare ont déjà été achetés. Mais une grande
partie de ces terrains est toujours occupée.
La collectivité a choisi la voie de la négociation plutôt que celle de l’expropriation et a
accepté de payer le prix fort. La défense de l’intérêt général et l’impératif d’impartialité
exigeaient de recourir à l’expropriation.
5.1.4.3.
Le potentiel de développement de l’aviation d’affaire en danger
Les rapports réalisés par le délégataire indiquent que des actions ont été entreprises
pour le développement de l’aviation d’affaire : une offre de carburant spécifique (une
station d’avitaillement, ainsi qu’une société spécifique ont été créés en 2011), la
présence au salon NBAA (National Business Aviation Association) à Las Vegas en
octobre 2011, la présence au salon aéronautique des Caraïbes, à la Martinique en 2012,
55
Pour un vol Pointe-à-Pitre Saint-Martin, que cela soit Julian ou Grand-Case, le prix du billet est constitué
de 50 % de taxes.
56
Les ATR 42 et 72 décollent sur 1 400 m à pleine charge.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
78
la mise en place de tarifs forfaitaires, une offre FBO
57
. Cependant, si quelques jets
d’affaires atterrissent de temps en temps, cette activité reste négligeable sur l’aéroport
de Grand-Case.
Le marché de l’aviation d’affaires et privée est pourtant très prometteur car en expansion
sur le moyen terme, d’autant plus qu’il est positionné à côté de la Caraïbe, plus des deux
tiers de la flotte mondiale des avions d’affaires se trouvant aux Etats-Unis. Le projet de
développement présenté par le délégataire avait d’ailleurs identifié ce segment du
marché comme le plus dynamique, avec un potentiel d’augmentation annuel de 3,4 %
par an sur les 25 ans de la délégation.
Les îles voisines de la Caraïbe se sont déjà placées sur ce marché, avec la présence
d’une offre FBO sur Antigua, Sint Kitts et Nevis (société Signature) et sur l’île toute
proche d’Anguilla (société Lloyd’s) qui a investi tout récemment dans la construction
d’une nouvelle infrastructure. Quant à Sint-Maarten, un contrat de concession sur 15 ans
a été signé le 21 novembre 2014 entre l’aéroport et la société Signature Flight Support
58
(propriété de BAA Aviation) pour la mise en place d’un nouveau FBO (fixed base
opération). La construction du nouveau terminal est prévue à la fin de l’année 2016
59
.
La saturation de l’aéroport de Juliana laisse une place pour le développement de
l’aviation d’affaires sur Grand-Case. C’est d’ailleurs un des axes majeurs de
développement mentionné dans l’offre de la société S.-L. Cependant, le retard pour la
réalisation des conditions d’une vraie offre FBO, comme l’allongement de la piste, laisse
le champ libre aux offres concurrentes sur les autres îles.
Recommandations n° 27 :
a.
Contrôler les coûts de fonctionnement de la DSP ;
b.
Percevoir les taxes et les redevances qui reviennent à la collectivité ;
c.
Constituer une provision pour le financement de l’acquisition des terrains
nécessaires à l’allongement de la piste ;
d.
Fixer un terme à la perception de la taxe d’embarquement ;
e.
Engager les moyens nécessaires au développement de l’aviation d’affaires.
5.2.
Les marinas
L’île de Saint-Martin est équipée de treize marinas dont quatre du côté français et neuf
du côté hollandais
60
. Une seule, du côté français, est capable d’accueillir les navires de
plaisance de grande taille (plus de 50 m). En termes de potentiel de chiffre d’affaires,
une unité de 60 m rapporte 20 fois plus qu’un bateau de 9 m.
57
Fixed Base Operation : service d’assistance en escale à l’aviation d’affaires qui inclut des prestations
techniques (plans de vol, dossier technique des pilotes) et des services (réservations de voitures, hôtels,
nettoyage, approvisionnement en carburant, nourriture, etc.).
58
Signature est une société basée en Floride, très réputée dans le monde de l’aviation d’affaires (plus de
70 % de la flotte mondiale d’avions d’affaires passe par ses 195 installations de FBO à travers le monde).
Elle fait partie du groupe BAA Aviation, un des leaders mondiaux des services support dans les aéroports
(16 000 employés). Dans la Caraïbe, elle est présente à Sint Kitts, Saint John’s (Antigua) et San Juan
(Porto-Rico). En France, elle est présente au Bourget, à Toulon et à Nice.
59
Princess Juliana International Airport, 2014 Annual report.
60
Cf.
annexe 12.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
79
5.2.1.
Présentation des marinas
5.2.1.1.
Le positionnement des marinas dans leur contexte
Les collectivités territoriales sont libres de choisir le mode de gestion de leurs ports :
exploitation en régie ou concession (à une chambre de commerce et d’industrie, à une
société d’économie mixte ou de droit privé, un yacht-club, une association...). Le
gestionnaire de port de plaisance est soumis à des obligations de service public. Il doit
assurer la continuité du service offert, respecter l’égalité des usagers, appliquer la
réglementation française et européenne et mettre les moyens répondant aux exigences
du cahier des charges. Le gestionnaire de port de plaisance perçoit des redevances en
fonction des prestations offertes : amarrage, fourniture d’eau et d’électricité, sanitaires,
récupération des déchets, utilisation des outillages, etc.
5.2.1.2.
Un même gestionnaire : la SAMAGEST
La collectivité est liée, pour la gestion des marinas, à sa société d’économie mixte, la
SEMSAMAR, par le biais de contrats de délégation de service public.
Pour la marina de Fort-Louis, le contrat a été signée le 20 juin 2000 pour une prise d’effet
le 1
er
janvier 2001, une durée de 15 ans et une date d’expiration le 31 décembre 2015.
Il liait originellement le département de la Guadeloupe, titulaire alors de la compétence
des ports et la SEMSAMAR. Il a été transféré ensuite à la commune de Saint-Martin,
puis à la collectivité de Saint-Martin.
Le contrat de DSP de la marina de Port-La Royale a été signé le 26 avril 2007, avec une
prise d’effet le 1
er
mai 2007 pour une durée de 20 ans.
La SEMSAMAR a subdélégué les deux DSP à sa filiale, la SAMAGEST.
La subdélégation est une modalité d'exécution du contrat de délégation. Elle n'engendre
en principe aucune modification des clauses et n'est pas soumise à l'obligation de
publicité et de mise en concurrence prévue par la loi du 29 janvier 1993 dite loi
« Sapin »
61
. Elle doit cependant être autorisée par la collectivité délégante, et le
cocontractant choisi par la collectivité reste seul responsable de toutes les obligations
stipulées dans le contrat. La subdélégation peut concerner l’ensemble du périmètre de
la délégation
62
. Alors que la gestion de la marina de Fort-Louis est assurée depuis le
début du contrat par la SAMAGEST, la collectivité n’a autorisé cette subdélégation que
12 ans après, ce qui traduit une défaillance importante dans le management et le
contrôle des DSP.
5.2.2.
La marina de Port-La Royale
5.2.2.1.
Une requalification nécessaire
La marina de Port-La Royale ne peut accueillir que de petites unités. L’accès à cette
marina, située dans le lagon, se fait par un chenal, soit celui de la partie française
(Sandy-Ground), soit celui de la partie hollandaise (Simpson Bay). Le chenal du côté
français a une profondeur de 3 m, celui de la partie hollandaise a une profondeur de 6 m
61
Question écrite n°121169, réponse publiée au JO AN du 15 mai 2007.
62
Question écrite AN n°74954, 13
e
législature. Réponse du gouvernement :
« De même, pour les
aéroports, le titulaire d'une concession aéroportuaire peut, « après approbation de l'autorité concédante,
sous-traiter l'aménagement, l'entretien et l'exploitation de tout ou partie des ouvrages, installations,
matériels et services concédés et la perception des redevances correspondantes »
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
80
mais la profondeur des emplacements se limite à 2,90 m (jetée extérieure), et même à
2,50 m (bassin intérieur). Elle peut accueillir 130 bateaux, ce qui en fait la troisième de
l’île par le nombre de places. Cependant, c’est la marina qui accueille les unités les plus
petites en moyenne. En outre, beaucoup de bouées sont inexploitables.
Le pont est sujet à des pannes récurrentes qui paralysent la circulation routière et
pénalisent les usagers du pont. Le bon fonctionnement de cet équipement relève du
gestionnaire, la SAMAGEST qui a réalisé des travaux d’entretien relativement limités sur
celui-ci.
Une société de conseil en infrastructures basé à la Martinique a établi, en septembre
2015, une expertise permettant de cibler les travaux d’urgence à mener sur l’ouvrage.
L’ouvrage, construit en 1992-1993 avait portant fait l’objet d’une remise en état complète
en 2008. Les travaux envisagés doivent porter sur une remise en état et un changement
des rotules du pont, pour un montant estimé à 180 000 € TTC. La décision de mener les
travaux n’avait toujours pas été prise au 15 mars 2017. Il est vrai que le marché
d’exploitation du pont soumet la décision de travaux à l’autorisation de la collectivité.
Dans sa réponse au rapport provisoire, la collectivité indique que les travaux et l’entretien
du pont sont inclus dans son plan d’action, au-delà du contrôle de l’activité des
gestionnaires du domaine public.
Recommandation n° 27
Mettre en oeuvre les travaux et l’entretien nécessaires au bon fonctionnement du
pont.
La marina comprend un immeuble, appelé
« L’Auberge de mer »
, qui accueille 23 locaux
commerciaux. Cet immeuble est vieillissant et certains locaux, en mauvais état, sont mis
à disposition gracieusement pour des activités culturelles. Une reconquête de ces
espaces commerciaux a été entreprise puisqu’après un taux de vacance de quasiment
50 %, aujourd’hui, 18 locaux sur 23 sont occupés. En revanche, les tarifs ont dû être
baissés de près de 50 %, passant de 1 300 € en moyenne à 750 €/mois.
Outre les faiblesses intrinsèques de l’équipement, la marina connaît de nombreux
dysfonctionnements.
Le parking du côté du quartier de Saint-James, situé en dehors du périmètre de la DSP,
donne un accès direct à la marina. Il n’est ni aménagé, ni sécurisé. C’est un foyer
d’insécurité connu de tous.
Des travaux de remblaiement ont été entrepris par certains propriétaires voisins de la
marina, en bordure sud du lagon. Ces travaux, sans autorisation, sont effectués en
bordure du domaine de la DSP, sur le domaine maritime de la collectivité. La collectivité
a dressé procès-verbal de l’infraction le 18 avril 2016, aucune poursuite n’a, pour le
moment, été engagée contre les contrevenants.
En bordure nord du lagon, à proximité du pont de Sandy-Ground, des particuliers ont
exondé des terrains sans autorisation, alors que ces espaces appartiennent au domaine
public maritime de la collectivité
63
. La partie maritime de cette zone, de plus de
63
En vertu de l’article L.O. 6314-6 du CGCT qui prévoit que le domaine public maritime de la collectivité
de Saint-Martin comprend la zone dite
« des cinquante pas géométriques »
, les rivages de la mer, le sol
et le sous-sol des eaux intérieures, en particulier les rades et les lagons, ainsi que le sol et le sous-sol
des eaux territoriales.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
81
10 000 m
2
, où des pontons ont été construits, fait partie du périmètre concédé à la
SEMSAMAR, qui a signé un bail commercial avec une société qui exploite cet espace,
pour une somme qui se situe aux alentours de 2 000 €. Les sociétés sont actuellement
en litige. Il importe que la collectivité se donne les moyens de recouvrer la maîtrise de
son domaine et de ses aménagements.
5.2.2.2.
Une gestion peu ambitieuse
En premier lieu, la marina est gérée par le cadre d’un contrat irrégulier car il s’étend sur
20 ans sans travaux d’investissement prévu.
Par délibération du 7 mars 2006, le conseil municipal avait arrêté le principe de la
délégation de la gestion de la marina de Port-La Royale et de l’auberge de mer à une
entreprise. Deux entreprises se sont portées candidates mais, seule, la SEMSAMAR a
déposé une offre, le 14 novembre 2006, la seconde ayant renoncé à poursuivre la
procédure. Les négociations se sont terminées le 3 avril 2007 et le conseil municipal a
autorisé le maire à signer le contrat, par délibération du 26 avril 2007.
La loi du 29 janvier 1993, dite « loi Sapin », a posé comme principe la transparence des
procédures de passation par le renouvellement périodique des contrats et la remise en
concurrence des opérateurs. L'article 40 de cette loi
64
prévoit ainsi que les délégations
de service public doivent être limitées dans leur durée. Il précise que
« Lorsque les
installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte,
pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l'investissement à
réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d'amortissement des
installations mises en oeuvre. »
La détermination de la durée d’une concession est
directement liée à l’amortissement des travaux. Pour l’évaluation initiale des conditions
d’une concession, les parties se réfèrent habituellement à deux éléments principaux :
d’une part, les investissements mis à la charge du délégataire et sa marge bénéficiaire
et, d’autre part, la durée de la délégation. C’est selon cette approche que le Conseil
d’Etat avait décidé de limiter la durée des conventions par rapport à l’amortissement des
installations : «
la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa
durée, de la nature et du montant de l'investissement à réaliser et ne peut dans ce cas
dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en oeuvre
».
La DSP de la marina de Port-La Royale est irrégulière. En effet, sa durée n’est justifiée
par aucun investissement au moment de sa mise en concurrence. Quelques
investissements ont été faits comme des travaux d’entretien et d’extension des quais et
de réalisation d’un parking pour la somme de 1,98 M€, qui ne sauraient justifier la durée
initiale de la délégation.
En deuxième lieu, le contrat ne fait l’objet d’aucun suivi.
L’absence d’approbation par la collectivité de la convention de sous-délégation signée
entre la SEMSAMAR et la SAMAGEST rend nul le contrat, ainsi que le stipule l’article 30
de la convention : «
dans tous les cas, les sous-traités font l’objet d’une convention
soumise, à peine de nullité, à l’approbation de l’autorité concédante
».
Par ailleurs, l’article L. 1411-3 prévoit la remise d’un rapport sur le service public délégué
et l’article 45 du contrat de DSP stipule que «
les activités de la concession font l’objet
d’une comptabilité séparée »
. Le contrat prévoit également l’envoi avant le 1
er
mars
d’ «
un rapport retraçant les comptes de la concession pour l’année N-1 ainsi que la
64
Article L. 1411-2 du CGCT.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
82
qualité du service public rendu aux usagers
». Est également prévue la transmission à
l’autorité concédante d’un budget prévisionnel de l’année N+1, avant le 15 octobre de
chaque année. Il est précisé que les sous-traitants sont soumis aux mêmes dispositions.
Pourtant, aucun rapport n’a été rendu à la collectivité avant les deux rapports rendus par
la SAMAGEST en 2014 : «
Rapport du délégataire de l’exercice 2014 »
et rapport du
délégataire au 31 décembre 2013. L’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative
aux contrats de concession, applicable aux collectivités d’outre-mer, a encore renforcé
les obligations de transparence dans la gestion des services publics.
En troisième lieu, l’équilibre économique du contrat n’est pas assuré.
En effet, les tarifs pratiqués
65
par la marina pour les plaisanciers correspondent aux
services relativement limités qu’elle propose, en raison de l’absence de délivrance de
carburant, ou d’accès à la TV. Les tarifs de location des locaux de l’auberge de mer ont
subi également, comme il a été indiqué plus haut, une baisse très significative.
L’exploitation globale de la DSP apparait plus déficitaire que prévu. Selon les documents
élaborés par la SAMAGEST, le résultat de la DSP apparait dans les comptes du
délégataire comme déficitaire sur les sept premières années du contrat.
Tableau n°16 : Résultat cumulé de la DSP (en euros)
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Produits d'exploitation (A)
534 238
463 355
213 601
432 285
507 724
526 382
379 955
Charges d'exploitation (B)
441 746
291 660
267 641
289 276
489 941
417 232
408 824
Résultat d'exploitation DSP (C = A-B)
92 492
171 695
-54 040
143 009
17 783
109 150
-28 869
Résultat financier DSP (D)
11 109
-5 280
12 615
1 726
-2 606
-6 680
30 023
Résultat charges communes (E)
-304 872
-277 613
-305 611
-279 853
-172 100
-264 727
-262 827
Résultat DSP (F = C+D+E)
-201 271
-111 198
-347 036
-135 118
-156 923
-162 257
-261 673
Résultat cumulé DSP
-201 271
-312 469
-659 505
-794 623
-951 546 - 1 113 803 -1 375 476
Source : SAMAGEST, « Rapport du délégataire » (2014)
En comparaison avec le résultat prévisionnel élaboré par les parties au contrat au
moment de la signature du contrat, le résultat réalisé cumulé fait apparaître une
différence de 1,1 M€. Au lieu d’un déficit prévisionnel de 229 000 € en 2014, il est de
1,375 M€. Il était prévu de réaliser un résultat déficitaire jusqu’en 2012 puis de réaliser
un résultat excédentaire à partir de 2013 mais le changement des conditions
économiques à Saint-Martin n’a pas permis de trouver cet équilibre.
Ces résultats intègrent la gestion de la marina, d’une part, et la gestion de L’Auberge de
mer, d’autre part.
Le chiffre d’affaires de la marina est supérieur aux prévisions. L’extension des quais en
2011 a, en effet, permis d’augmenter le chiffre d’affaires qui dépasse les prévisions
initiales, mais le résultat est pénalisé par les provisions et les pertes sur créances.
65
Cf.
annexe 13 du présent rapport.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
83
Tableau n°17 : Chiffre d’affaires du port de plaisance (prévision et réalisation, en euros)
Chiffre d’affaires
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Total
Prévu
213 210
220 672
228 396
236 390
244 663
253 227
262 090
1 658 648
Réalisé
226 342
241 186
299 954
401 889
424 801
412 375
359 304
2 365 851
Source : comptes de la SAMAGEST
Le résultat de l’exploitation de la marina est positif sur la période 2008-2011.
Tableau n°18 : Résultats du port de plaisance (en euros)
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Résultat réalisé
12 808
31 102
83 402
147 477
-18 791
25 442
-98 812
Source : comptes de la SAMAGEST
En 2012, le résultat est pénalisé par l’inscription de deux années de provisions pour
amortissement (2011 et de 2012). En 2014, on observe une diminution du chiffre
d’affaires et l’inscription d’un montant de près de 100 000 € correspondant à une perte
pour créances irrécouvrables, alors que le montant moyen sur les 6 années précédentes
était d’environ 10 000 €. Sur les années 2008 à 2014, l’exploitation de la marina seule a
généré un résultat de 182 000 €.
Il était prévu dans les comptes prévisionnels de la DSP que l’auberge de mer réalise un
chiffre d’affaires supérieur à celui du port de plaisance lui-même, avec 60 % du chiffre
d’affaires de la DSP et 40 % par le port de plaisance. Il s’agissait à l’origine d’un
immeuble qui pouvait abriter 26 locaux commerciaux et les hypothèses d’évolution du
chiffre d’affaires étaient assez ambitieuses avec une progression continue de 3,5 % par
an.
Les difficultés de gestion ont contrarié ces prévisions. En 2011, l’auberge de mer a
réalisé un chiffre d’affaires quatre fois inférieur à celui qui était prévu. Au total, sur la
période, c’est 1,94 M€ de chiffre d’affaires qui n’a pas été réalisé par rapport aux
prévisions. Sur leur demande, la SAMAGEST a accordé une baisse de loyer aux
commerçants, le taux de vacance de l’auberge étant passé à 42 %.
Tableau n°19 : Chiffre d’affaires de l’« Auberge de mer » (prévision et réalisation, en euros)
Chiffre d’affaires
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Prévu
359 478
372 060
385 082
398 560
412 510
426 947
441 891
Réalisé
370 880
219 902
144 359
103 890
136 653
142 935
146 681
Source : comptes de la SAMAGEST
La SAMAGEST a dynamisé la gestion commerciale des emplacements : forte présence
du gestionnaire de la marina, facilités commerciales. Ces mesures ont permis
d’augmenter les recettes et de redresser la situation d’exploitation mais elles restent
insuffisantes pour permettre d’équilibrer la gestion de la délégation.
Tableau n°20 : Résultat d’exploitation de l’Auberge de mer (en euros)
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Résultat d’exploitation
79 684
140 593
-137 442
-4 468
36 574
83 708
69 943
Source : comptes de la SAMAGEST
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
84
A l’origine de la difficulté à attirer les commerces, on notera la situation d’insécurité à
proximité. Sur ce point, les commerçants n’ont pas souhaité participer, avec le
délégataire, au financement d’équipements de sécurité.
Les conditions de la poursuite du contrat de DSP sont aujourd’hui sujettes à de
nombreuses interrogations.
La SEMSAMAR demande une révision des conditions d’exploitation de la DSP. Elle
évoque
66
le déséquilibre financier de la DSP qu’elle qualifie de majeur. Elle estime que
le déficit cumulé sur six ans d'exploitation est de 1,1 M€ (2008-2013) contre 0,27 M€
prévu. Elle met aussi en avant des coûts indirects qu’elle ne ferait pas supporter à la
DSP, comme les
« coût des équipes de la gestion locative »
, les
« coûts des équipes
opérationnelles pour l’activité de la marina et le gros entretien »
, le « coût des équipes
support » et la
« quote-part des frais d’agence et des frais de siège »
. Elle propose
plusieurs mesures pour sécuriser les recettes de la DSP : la régularisation des situations
juridiques (bail avec le chantier naval), l’extension du périmètre de la DSP aux terre-
pleins qu’elle souhaite valoriser. Elle indique en conclusion que si la DSP est gérée à
ses risques et périls, elle a droit cependant à «
l’équilibre financier de activités
déléguées
»
Le contrat n’était pourtant pas déséquilibré au moment de sa conclusion, bien au
contraire.
Comme il a été indiqué précédemment, le contrat se présente comme une concession
sur 20 ans sans investissement de la part du délégataire. Cette durée a été définie
apparemment en fonction du montant d’une avance (3 M€) que le gestionnaire a dû
verser à la collectivité, qualifiée de « redevance domaniale » dans le contrat (article 50)
et qui correspond à environ 15 % du chiffre d’affaires prévisionnel de la DSP (20 M€ sur
20 ans). Au moment de la signature du contrat, le délégataire avait joint à son offre un
compte d’exploitation prévisionnel sur 10 ans. Cette prévision aboutissait à un résultat
cumulé théorique de 2,5 M€ en fin de contrat.
Au regard de sa durée, de sa profitabilité prévisionnelle, et même en tenant compte de
la redevance importante demandée par la collectivité, le contrat n’était pas déséquilibré
au moment de sa formation. On peut cependant observer qu’en ne prévoyant pas
d’investissement, ce qui est irrégulier pour une concession d’une durée de 20 ans,
l’équilibre général et les risques ont été mal évalués.
Or, le contrat ne comporte aucune clause de révision. En droit national, la notion de
risque s’entend comme le risque pour le délégataire de ne pas dégager une marge nette
bénéficiaire à hauteur de ce qu’il pouvait escompter. En droit européen, la directive de
2014 sur les concessions précise :
« L’attribution d’une concession de travaux ou d’une
concession de services implique le transfert au concessionnaire d’un risque
d’exploitation lié à l’exploitation de ces travaux ou services, comprenant le risque lié à la
demande, le risque lié à l’offre ou les deux. Le concessionnaire est réputé assumer le
risque d’exploitation lorsque, dans des conditions d’exploitation normales, il n’est pas
certain d’amortir les investissements qu’il a effectués ou les coûts qu’il a supportés lors
de l’exploitation des ouvrages ou services qui font l’objet de la concession. La part de
risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du
66
Dans son rapport du délégataire au 31 décembre 2013.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
85
marché, telle que toute perte potentielle estimée qui serait supportée par le
concessionnaire ne doit pas être purement nominale ou négligeable
67
».
La notion de «
condition d’exploitation normales
» permet de circonscrire le risque
acceptable par le délégataire. Si le contrat est bien rédigé, le contrat peut prévoir des
clauses de révision qui permettent d’ajuster le contrat aux conditions de son exécution ;
il peut prévoir une indexation de certains prix, pour compenser, par exemple, la hausse
de certains matériaux ou services, etc. En l’espèce, le contrat ne prévoit ni clause de
révision, ni clauses d’indexation.
Si les conditions économiques ont fortement changé entre le moment de la conclusion
du contrat et son exécution, il ne semble pas que l’exploitation du service ait été affectée
par l’irruption de conditions anormales qui aient gravement compromis son exploitation.
Le contrat aurait pu prévoir des clauses de révision pour atténuer les effets des
changements de condition d’exécution mais il s’agit là du risque pris par le délégataire à
la signature du contrat.
En toute hypothèse, le contrat ne pourrait être modifié qu’à la marge. Il peut, certes, faire
l’objet d’avenants mais cette possibilité est très encadrée par la réglementation nationale
et européenne en raison du risque qu’ils font peser sur la validité de la mise en
concurrence initiale.
Ainsi, la demande de la SEMSAMAR d’inclure les terre-plein dans le périmètre de la
délégation conduirait à modifier l’objet même du contrat. Une telle modification est
interdite par voie d’avenant, si on se réfère à l’avis du Conseil d’Etat précité. Au sens de
la directive, l’extension de l’objet du contrat dans un sens favorable au délégataire
constitue une modification substantielle du contrat, ce qui est interdit par la directive.
La réponse apportée par le délégataire au rapport provisoire ne conduit pas à remettre
en cause ce constat.
5.2.3.
La marina de Fort-Louis
5.2.3.1.
Un équipement qui répond à une demande de service public
Dans le cadre d’une convention de concession, la SEMSAMAR a réalisé les ouvrages
d’un coût de 6 075 295 €, tout en ayant bénéficié de 1 524 490 € de subventions.
L’équipement a été mis en service au 1
er
janvier 2001 pour une durée de 15 ans, par un
contrat liant, à l’origine, la SEMSAMAR au département de Guadeloupe. Ce contrat a
été transféré à la commune puis à la collectivité de Saint-Martin.
La marina dispose de 160 places (dont 26 sont réservées aux bateaux de plus de 60 m).
La profondeur est de 3,5 m. Elle se positionne dans un moyen-haut de gamme en termes
de capacité d’accueil et de service.
L’atout principal de cet équipement est d’être l’une des deux marinas de l’île, avec la
Bobby’s Marina de Phillipsburg, à pouvoir accueillir les bateaux en pleine mer et, donc,
sans la contrainte de l’ouverture des ponts sur le lagon. Elle bénéficie d’une situation
proche du centre de Marigot (restaurants et centre commercial) et offre des services
importants tels que la fourniture de carburant, un magasin d’accastillage et de matériel
67
directive 2014/23/UE (art. 5, 1 b) du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution
de contrats de concession
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
86
marin, la possibilité d’accomplissement des formalités de douane. C’est une structure
moderne (internet, etc.) et sécurisée.
La marina souffre cependant de certaines faiblesses. L’arrière port n’est pas
suffisamment attractif en raison du nombre limité de commerces de détail. La capacité
d’accueil reste encore relativement réduite. La marina subit la concurrence du mouillage
de la baie de Marigot, gratuite de fait alors qu’un arrêté impose une redevance.
La marina se trouve dans un environnement très concurrentiel, que cela soit sur la partie
hollandaise de l’île ou sur les îles proches comme Sint Kitts et Nevis par exemple. Elle
doit donc étudier soigneusement ses tarifs et améliorer la qualité des services qu’elle
propose pour fidéliser sa clientèle.
5.2.3.2.
Un chiffre d’affaires qui dépend beaucoup des ventes de carburant
La vente de carburant représente près de 50 % du chiffre d’affaires de la marina qui s’est
élevé à 2,74 M€ en 2014, globalement en progression sur la période 2008-2014. En
2015, on observe cependant une baisse, à 2,48 M€.
Il s’agit de la première recette de la marina, à 44 % du total de ses recettes totales en
2014. Le bénéfice tiré de ce commerce s’est élevé à 349 270 € cette année-là. C’est une
des activités les plus rentables. L’activité d’accueil des bateaux,
stricto sensu
(emplacements, clearance), ne représente que 35 % des recettes
Un effort a été fait en 2013 et 2014 pour augmenter le chiffre d’affaires sur les contrats
de longue durée, notamment par une tarification dégressive.
Tableau n°21 : Le chiffre d’affaires de la marina de Fort-Louis
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Part des
recettes
(2014)
Amarrage
777 894
871 875
855 098
798 739
800 868
558 020
715 230
nc
26,1 %
Contrat long terme
0
0
95 155
237 853
81 005
177 797
207 320
nc
7,6 %
Clearance
4 045
15 615
25 136
26 731
26 595
29 096
36 373
nc
1,3 %
Vente d'eau
170 743
167 931
142 935
173 375
174 593
126 754
146 959
nc
5,4 %
Vente carburant
755 753
420 611
812 516
706 088
880 702 1 006 162 1 200 058
nc
43,9 %
Vente d'électricité
243 700
259 327
219 221
225 922
235 357
176 855
246 942
nc
9,0 %
Vente autres (laverie,
etc.)
20 673
38 767
17 851
14 646
22 629
18 339
31 263
nc
1,1 %
Autres prestat°
(blanchisserie, etc.):
213 008
206 869
177 904
190 244
279 833
222 243
152 550
nc
5,6 %
dont mise à dispo de
pers. refacturée
92 513
106 107
89 475
55 141
59 053
61 229
18 821
nc
TOTAL
2 185 816 1 980 995 2 345 816 2 373 598 2 501 582 2 315 266 2 736 695 2 481 769
100,0 %
Variation
-9,4 %
18,4 %
1,2 %
5,4 %
-7,4 %
18,2 %
-9,3 %
nc : non communiqué
Source : rapports du délégataire.
A titre de comparaison, le port de plaisance de Gustavia à Saint-Barthélemy a accueilli
5 288 escales
68
de navires en 2014, contre 1 313 à Fort-Louis, soit quatre fois moins.
Il
68
Une escale correspond au nombre de nuitées par unité (bateau) au port.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
87
est vrai que le port de Gustavia est aussi un port de passage. Le nombre de nuitées à
Gustavia est de 35 641, soit 50% de plus que le port de Fort Louis (23 840 nuitées).
La marina de Fort-Louis accueille cependant une part significative (30 %) de navires de
plus de 20 m. Hors vente de carburant, le chiffre d’affaires de Fort-Louis se situe à
1,5 M€ contre près du double pour l’activité de plaisance du port de Gustavia à Saint-
Barthélemy
69
. L’activité de la marina de Fort-Louis s’effectue il est vrai dans un
environnement plus concurrentiel, avec la concurrence des 12 autres marinas de l’île.
Le résultat de l’année 2014 est déficitaire de 22 541 €, après un résultat négatif en 2013
de 218 779 €, malgré une forte augmentation du chiffre d’affaires et des marges
réalisées sur les ventes, notamment sur les ventes de carburant. Cette situation résulte,
d’après les comptes, de la forte augmentation des charges de structure et des charges
de personnel : 38 % d’augmentation pour les charges de personnel.
Quant aux charges
de structure, elles augmentent d’au moins 20%.
Ces charges de structure
qui représentent 529 000 € en 2014 et plus de 18 % des
dépenses, soit presqu’autant que les charges de personnel, ne sont cependant pas
détaillées. Elles incluent
a priori
la redevance de 41 000 € versée à la collectivité.
Tableau n°22 : Coût de fonctionnement de la gestion de la marina de Fort-Louis (en euros)
Nature de charge
Montant
Charges directes liées à l'accueil des bateaux
200 840
Charges directes liées à aux ventes de fluides, boutiques
1 076 211
Charges directes liées aux autres services
37 472
Total des charges directes
1 314 523
Charges communes, dont
1 566 140
frais de structure
529 148
personnel
643 058
impôts et taxes
65 888
immobilisations
119 242
créances irrécouvrables
113 292
autres charges
95 512
Total des charges (hors personnel)
2 237 605
Total des charges
2 880 663
Source : rapports du délégataire
A titre de comparaison, l’activité de plaisance du port de Gustavia a représenté un coût
de fonctionnement annuel de 1,4 M€, contre près du double pour le port de plaisance de
Fort-Louis. Cette différence s’explique en partie par la présence d’un nombre significatif
de points de mouillage dans le port de Gustavia, ce qui nécessite une moins grande
assistance et des frais plus réduits.
Le rapport d’activité du délégataire indique que l’effectif est passé de 11 à 14 salariés de
2013 à 2014. Pour sa part, l’activité de plaisance du port de Saint-Barthélemy dont le
chiffre d’affaires et le nombre d’escales accueillies sont supérieur, emploie 11 salariés.
Le montant des rémunérations s’élève à 643 000 € pour la marina de Fort-Louis et à
450 000 € pour celle de Saint-Barthélemy.
69
Le chiffre d’affaires pour l’activité de plaisance du port de Gustavia s’est élevé à 2 859 886 € en 2015.
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
88
Les charges de fonctionnement courant, hors charges de personnel, s’élèvent à 2,23 M€
pour la marina de Fort-Louis en 2014, contre 1,03 M€ pour le port de Saint-Barthélemy.
Les frais de structure de la marina de Fort-Louis sont donc élevés.
5.2.3.3.
Des investissements dont la période d’amortissement dépasse la durée de la
délégation de service public qui arrive à échéance
Les actifs que constituent les infrastructures du port de plaisance de Fort-Louis sont
inscrits au bilan de la SEMSAMAR qui a édifié les constructions dans le cadre d’un
contrat de concession. Ces biens, même s’ils reviendront à la collectivité à la fin du
contrat, ont été mis dans la concession par le concessionnaire. Le Conseil national de
la comptabilité préconise une inscription au bilan du concessionnaire.
Initialement prévus pour un budget de 2,74 M€, les travaux se sont élevés à 7,13 M€,
financés en partie par des subventions pour un montant de 1,52 M€. Une partie des
investissements réalisés n’ont pu être amortis sur la durée de la convention qui s’est
terminée au 31 décembre 2015 et une demande d’indemnisation de 2,7 M€ a été
adressée à la collectivité de Saint-Martin.
La SEMSAMAR a donc effectué des travaux pour un montant supérieur à l’enveloppe
fixée dans le contrat initial. Le rapport de 2014 indique : «
Cette étude a donc mis en
exergue une disproportion forte dans l’économie générale de la délégation dans la
mesure où la SEMSAMAR, comptant sur un avenant officialisant la prolongation de la
durée de la concession, a réalisé des investissements dépassant les enveloppes fixées
dans le contrat initial
». La SEMSAMAR a donc mis la collectivité devant le fait accompli
en effectuant des travaux au-delà de l’enveloppe fixée initialement et en demandant à la
collectivité de l’indemniser des travaux réalisés non amortis pendant la durée de la
concession. Le rapport indique «
une proposition de calcul, acceptée par la COM, a fixé
l’indemnité à la valeur nette comptable des biens de retour non amortis sur la durée de
la concession (soit 2 700 000 €) »
. Ce montant n’a cependant pas été accepté
formellement par la collectivité. La SEMSAMAR avait demandé également une
extension de la marina et une prolongation de la concession de 15 à 30 ans.
On peut noter, en premier lieu, que si de nouveaux investissements étaient
indispensables, les partenaires auraient dû signer un avenant dont la légalité est limitée
à quatre cas
70
:
-
des travaux supplémentaires,
-
des sujétions techniques imprévues,
-
des modifications non substantielles,
-
des modifications qui n’occasionnent pas le dépassement de deux seuils que
sont le passage au-delà du seuil européen (5,2 M€ en 2017) et 10 % de la valeur
initiale du contrat.
En effet, un avenant ne peut modifier substantiellement un des éléments essentiels de
la délégation (comme le volume des investissements par exemple) et ne peut avoir pour
objet des investissements qui sont normalement à la charge du délégataire
(renouvellement des installations par exemple). Dans tout autre cas, la modification du
contrat est irrégulière.
70
Voir la directive européenne sur ce domaine et, pour la réglementation nationale, voir CE, avis n°371-
234 du 9 avril 2005.
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Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
89
S’agissant ensuite de l’indemnisation des investissements non amortis, le contrat de
subdélégation prévoit en son article 18-3 que,
« si le subdélégataire est amené à réaliser
des investissements matériels plus importants et/ou que l’amortissement des
investissements n’a pas pu être réalisé en totalité sur la durée de la concession, le
subdélégataire pourra solliciter une indemnisation à la hauteur de la valeur nette
comptable des biens restante à la fin de la concession »
.
Le principe veut que les biens de la concession nécessaire à son exploitation soient
considérés comme des biens de retour. Dans le silence du contrat de DSP, tous les
biens
« nécessaires au fonctionnement du service public »
, même s'ils ont été acquis ou
réalisés par le délégataire, sont considérés comme appartenant dès l'origine à la
collectivité délégante. Le principe est qu’ils doivent lui être restitués gratuitement
71
. Le
concessionnaire doit, si l’amortissement n’est pas achevé, pratiquer un amortissement
complémentaire appelé amortissement de caducité. Cet amortissement est prévu par le
« Guide comptable des entreprises concessionnaires »
du CNC de 1975, mais ce guide
n’a pas valeur réglementaire et le plan comptable général n’indique rien de précis sur le
sujet. On peut toutefois considérer que cet amortissement, même s’il n’est pas
obligatoire, est cependant souhaitable et conforme aux règles de prudence. Il n’a pas
été pratiqué par le délégataire.
Par exception au principe de la gratuité, les parties au contrat peuvent s’accorder sur le
versement d'une indemnité. Cela peut être le cas de biens dont l'amortissement n’est
pas achevé à l’issue du contrat, quand, par exemple, l'investissement a été réalisé durant
le contrat ou pour une durée qui dépasse la durée du contrat
72
, ce qui est le cas dans la
présente espèce. L’indemnité ne peut excéder le montant de la valeur nette comptable
résultant de l’amortissement des biens sur la durée de la délégation, majoré, le cas
échéant, de frais dûment engagés par le concessionnaire. Cela revient à déduire du
montant de l’acquisition du bien les amortissements effectués et les éventuelles
subventions reçues. Une analyse financière et une expertise sont donc nécessaires pour
chiffrer l’impact de ces biens non amortissables sur la clôture de la délégation.
Il faut rappeler ici la nécessité d’expertiser les droits et obligations de chacun dans le
respect du principe de l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des
libéralités. Ce principe est une règle coutumière qui n’a jamais fait directement l'objet
d'une codification législative ou réglementaire, mais il trouve sa justification et son origine
dans le principe d'égalité devant le service public et est utilisé dans les arrêts relatifs,
notamment, aux relations contractuelles entre personnes publiques et opérateurs privés
de services publics
73
.
Recommandation n° 28
Etablir l’inventaire de l’actif de la délégation en précisant, notamment, la nature de
cet actif (biens de retour ou biens de reprise), et en valoriser les composantes
après expertise contradictoire.
71
CE, Ass., 21 décembre 2012, Commune de Douai, n°342788.
72
CAA Bordeaux, 28 juin 1994, Ministre du Budget, n°92BX00920.
73
Voir par exemple : CE 4 mai 2011, Chambre de commerce et d’industrie de Nîmes, Uzes, Bagnols,
Le Vigan, req. n° 334280, publié au recueil
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
90
5.2.3.4.
Les interrogations sur le futur mode d’exploitation de la marina
Le contrat initial de délégation de service public, arrivé à échéance le 31 décembre 2015,
a été prolongé d’un an par un avenant n°4, soit jusqu’au 31 décembre 2016 et par un
avenant n°5 signé le 29 décembre 2016 qui porte sur une durée de deux ans, une clause
de révision et la mise en place de travaux pour un montant de 210 000 €.
La question de l’avenir du mode de gestion de la marina se pose sur différents plans.
Sur le plan stratégique, la collectivité peut souhaiter améliorer la coordination entre les
divers établissements et opérateurs du front de mer de Marigot (dont l’établissement
portuaire), en particulier dans la perspective de son aménagement d’ensemble.
Sur le plan de la stricte continuité du service, la collectivité a le choix entre plusieurs
options : la prolongation par nouvel avenant, la reprise en régie, la conclusion d’un
marché public pour la prestation de gestion du port de plaisance, la conclusion d’un
contrat provisoire de gestion avec l’actuel délégataire ou bien, encore, la dévolution de
la gestion à l’établissement portuaire de Saint-Martin qui peut être prestataire de service
pour le compte de la collectivité.
Quelle que soit la formule retenue, il serait de bonne gestion, pour la collectivité, de se
ménager un intéressement dans le cas où le contrat dégagerait un résultat plus important
qu’envisagé au départ, surtout si des fonds publics ont été engagés dans le financement
d’investissements initiaux.
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91
ANNEXES
ANNEXE 1
Inventaire des missions absentes dans l’organigramme initial de 2007
au regard des compétences transférées
Compétences transférées en 2007
Missions ou services
ayant pris en charge la compétence
Missions ou services absents dans
l’organigramme jusqu’à 2015
1° Impôts
;
droits, taxes, cadastre
;
Aucun jusqu’en 2012, réglementation fiscale à
partir de cette année
Réglementation fiscale, suivi cadastral, service
d’adressage
2° Circulation routière et transports routiers
;
desserte maritime d'intérêt territorial
;
immatriculation des navires
;
création,
aménagement et exploitation des ports
maritimes à l'exception du régime du travail
;
Service des transports,
Réglementation des transports routiers, maritimes
et portuaires
Réglementation code de la route, immatriculation
des véhicules,
Permis de conduire
Port et aéroport
3° Voirie
;
droit domanial et des biens de la
collectivité
;
Service des routes
Réglementation du domaine, service régularisation
foncière
Gestion des biens de la collectivité
4° Accès au travail des étrangers
;
Mission rattachée au président
Service de contrôle
5° Tourisme
Service de la stratégie touristique
Service de la réglementation
6° création et organisation des services et des
établissements publics de la collectivité
Directeurs généraux
7° Aide
sanitaire et sociale.
Direction de l’autonomie des personnes,
direction de l’enfance et de la famille,
direction de la cohésion sociale, 6 maisons de
la solidarité et de la famille
Services des aides extra légales, service de
l’inclusion sociale, service des signalements,
service
familles d’accueil, service PMI et actions
de santé
8° Collèges
Service de l’enseignement public et privé
Service transport scolaire
9° Emploi formation professionnelle
Service de l’emploi et de l’apprentissage
Service des aides individuelles à la formation
Service d’accueil, d’information et d’orientation des
jeunes
10° Economie
Service de la stratégie économique
Service développement local
Service développement rural
Chambre de commerce et d’industrie
11° Lycée
Service de l’enseignement public et privé
Service transport scolaire
A compter d’avril 2012 (article L.O. 6314-3)
12° Urbanisme
;
construction
;
habitation,
logement
;
Service urbanisme
Conception d’un code de l’urbanisme
Réglementation de la construction et de
l’habitation, réglementation en droit du logement
13° Energie
Aucun
Aucun
Sources : articles L. O. 6314-1 à 6314-10 et chambre territoriale des comptes
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92
ANNEXE 2
Nouveaux métiers induits par les transferts de compétences
1. Transfert des compétences de l’Etat
.
fiscaliste ;
.
concepteur des règles de circulation routière, transports, construction,
logement ;
2.
Transfert des compétences de la région
.
directeur du développement territorial,
.
chef de projet de développement territorial,
.
chargé de développement touristique,
.
chargé d’études,
.
développeur économique,
.
chargé d’affaires européennes et internationales,
.
directeur des politiques de formation professionnelle et de l’apprentissage,
.
chargé des dispositifs de formation professionnelle et d’apprentissage,
.
responsables des transports et déplacements,
.
chargé de la gestion du réseau de transport,
.
contrôleur du service de voyageurs.
.
médiateur de la jeunesse et de l’éducation
.
agents de sécurité
3. Transfert des compétences du département
-
dans le domaine des interventions sociales et de la santé
.
directeur de l’action sociale,
.
cadre chargé du service social,
.
responsable de l’aide sociale à l’enfance,
.
responsable territoriale d’action sociale,
.
conseiller d’action sociale,
.
psychologue,
.
travailleur social,
.
chargé d’accueil social,
.
agent d’intervention sociale et familiale,
.
assistant familial en protection de l’enfance,
.
aide à domicile,
.
référent pour l’insertion socioprofessionnelle et professionnelle
;
.
médecin,
.
directeur de santé publique
;
-
dans le domaine de la jeunesse des collèges :
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93
.
animateur pour la jeunesse et l’éducation,
.
coordonnateur de la jeunesse et de l’éducation,
.
agent de sécurité
;
-
dans le domaine portuaire et aéroportuaire :
.
responsable de port,
.
responsable d’aéroport,
.
agent portuaire,
.
agent de sécurité,
.
bagagiste
;
-
dans le domaine patrimonial :
.
archiviste.
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94
ANNEXE 3
Evolution des recettes fiscales (en euros)
Libellé
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Total ex-impôts directs
locaux (TP, TF,
TGEOM et TH)
5 080 000
12 900 000
12 250 000
10 430 000
9 510 000
13 741 226
13 564 313
14 110 587
Impôt sur le revenu et
accessoires
8 430 000
8 740 000
8 800 000
8 090 000
7 850 000
8 044 842
8 348 725
11 595 001
Droits d’enregistremt
7 120 000
7 430 000
8 410 000
8 420 000
10 660 000
10 000 000
11 066 133
13 265 414
(acquisition
immeubles, fonds de
commerce, droits de
succession…)
Impôt sur les sociétés
7 530 000
7 020 000
3 120 000
3 100 000
3 010 000
5 349 268
6 147 526
6 340 754
Contribution des
patentes
-
3 410 000
3 000 000
3 538 425
2 384 890
3 701 220
Droit de licence
-
600 000
600 000
867 095
886 933
849 569
Taxe générale sur le
chiffre d'affaires
-
2 080 000
6 300 000
6 550 000
8 500 000
9 000 000
15 004 732
Taxe sur passagers
-
771 309
488 990
780 670
Taxe territoriale sur
l'électricité
1 090 000
1 090 000
1 190 000
1 200 000
1 220 000
1 239 406
1 269 765
1 303 613
Taxe sur les
conventions
d'assurances
-
170 000
820 000
1 130 000
970 000
1 168 395
1 108 751
1 184 401
Taxe de séjour
1 440 000
1 300 000
1 270 000
1 210 000
1 310 000
1 714 167
2 095 572
2 933 827
Taxe sur les locations
de véhicules
2 360 000
930 000
190 000
200 000
200 000
231 761
274 688
363 519
Taxe de
consommation sur
produits pétroliers
3 250 000
3 030 000
3 690 000
4 520 000
5 180 000
14 280 719
14 917 951
14 934 149
Taxe routière
970 000
530 000
370 000
300 000
-
-
Taxe sur les certificats
d'immatriculation
170 000
220 000
200 000
350 000
420 000
495 575
362 100
844 243
Droit de bail
-
250 000
210 000
1 070 000
860 000
800 150
487 811
558 008
Droit de timbre sur les
avis de non-imposition
-
500 000
1 076 300
1 034 600
Prélèvement sur les
jeux
-
359 157
437 315
392 165
Prélèvement sur les
jeux (antérieurs)
-
-
-
-
-
-
-
83 674
Prélèvement à la
source sur le RSA
"socle"
-
-
-
-
-
-
-
5 352 211
Taxe sur panneaux
publicitaires
-
-
-
-
-
4 873
4 032
-
TOTAL
37 440 000
43 610 000
42 600 000
50 330 000
51 340 000
71 606 368
73 921 795
94 632 357
Progression par
rapport à 2008
-
16,50 %
13,80 %
34,40 %
37,10 %
91,30 %
97,40 %
152,80 %
Source : collectivité
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
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95
ANNEXE 4
Principales opérations d’investissement réalisées (en euros).
MONTANT (€)
construction école primaire Emile CHOISY
1 344 196,66 €
construction école primaire de Sandy Ground
3 395 836,15 €
construction école primaire Hervé WILLIAMS
2 349 915,69 €
construction école primaire de Rambaud
2 316 531,11 €
construction école primaire de Quartier d’ Orléans 2
2 163 964,57 €
réhabilitation de la MJC de Sandy Ground
672 266,86 €
travaux de voirie et d’ ouvrages d’art
18 565 220,86 €
construction d’une médiathèque à Concordia
8 476 978,47 €
construction d’une cuisine centrale
5 749 534,39 €
4 907 360,76 €
travaux de rénovations dans les collèges et le lycée
4 999 485,35 €
construction d’une STEP à Millrum
1 130 616,20 €
Remise en état du stade de Sandy Ground
540 428,19 €
construction stade de Quartier d’Orléans
789 562,60 €
Aménagement du front de mer
902 746,11 €
construction d’une cité scolaire à la Savane
18 906 109,46 €
Aménagement des carbets de la Baie Orientale
3 272 410,10 €
travaux d’ éclairage public
10 110 645,42 €
travaux de vidéo-surveillance
2 718 157,72 €
Divers travaux sur les équipements sportifs (plateaux / terrains)
4 847 074,32 €
16 228 827,05 €
114 387 868,04 €
OPERATIONS
total
construction d’un restaurant scolaire pour le lycée et le collège
de Marigot
Acquisition de divers fonciers pour la réalisation d’équipements
publics
Source: collectivité
ANNEXE 5
Nombre de procédures par type et par année (en unité)
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Total
AOO
2
13
11
20
15
10
22
16
19
128
Dialogue
compétitif
1
1
MAPA
5
20
43
41
30
29
21
21
33
243
DSP
1
1
2
Total
8
34
54
61
45
39
43
37
52
373
Sources : chambre territoriale des comptes
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
96
ANNEXE 6
Chiffre d’affaires réalisé par la société de conseil en informatique C.
avec la collectivité de Saint-Martin (en euros)
Année
Objet
Durée
Montant
Hors
marché
2007-
2010
Prestation des services informatiques
36 mois
331 240,00 par an
95 640,56
2009 Réalisation de l'interconnexion des bâtiments de la COM
3 mois
56 907,00
durée du
marché
25 280,54
2010 Prestation des services informatiques
48 mois
424 600,00 par an
2011 Prestation informatique
105 452,81
2012
Réalisation de l'interconnexion des bâtiments de la collectivité
de Saint-Martin en fibre optique
3 mois
21 566,00
durée du
marché
35 525,00
Conception, réalisation et maintenance des applications pour
la fiscalité
36 mois
1 025
712,00
durée du
marché
2013
Acquisition, mise en oeuvre et maintenance d'une application
de gestion pour la médiathèque territoriale de Saint-Martin
4 mois
48 725,00
durée du
marché
Maintenance de la gestion de la médiathèque
9 160,00 par an
La conception, la réalisation et la maintenance du permis de
conduire de la collectivité de Saint-Martin et des applications
informatique
36 mois
495 270,00
durée du
marché
77 231,87
Maintenance du permis de conduire
62 860,00 par an
2014
Prestation de service informatique pour l'hébergement,
l'exploitation et l'évolution du parc des serveurs de la
collectivité de Saint-Martin
60 mois
184 704,00 par an
45 112,39
2015
Prestation des services informatiques
48 mois
464 100,00 par an
Acquisition de réseau, serveur informatique pour le lycée et
collège de la cité scolaire Leonel Robert Weinum (971)
2 mois
158 294,92
durée du
marché
Sources : collectivité et chambre territoriale des comptes
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97
ANNEXE 7
Différences de prix constatées dans les acquisitions foncières
Année
d'acquisition
Délibération
Parcelle
Superficie
(m²)
Estimation par
France Domaine
Prix payé
(euros)
Différence entre
prix et estimation
En %
2009
CE 57-5-2009
AR
402/403/404/40
5/463
30 282
non fournie
1 076 585
2009
CE 53-2-2009
ARBORETUM /
D 1056
5 686
non fournie
585 658
2010
CE 86-2-2010
AR 1P
28 355
1 630 413
2 255 073
624 661
38
2010
CE 86-3-2010
AR 83P
1 994
non fournie
délibération
sans prix
2011
CE 111-9-2011
AR 130
30 215
1 813 000
1 963 975
150 975
8
2011
CE 114-6-2011
BP 93
104
8 030
10 000
1 970
25
2011
CE 121-11-2011
AR 538
500
25 000
57 835
32 835
131
2011
CE 121-11-2011
AR 537
25 007
1 250 000
2 500 700
1 250 700
100
2011
CE 121-11-2011
AR 536/539
33 148
1 657 400
3 563 410
1 906 010
115
2011
CE 121-11-2011
AR 111
10 000
500 000
1 075 000
575 000
115
2013
CE 48-1-2013
BO 578
95
12 350
12 325
- 25
0
2013
CE 48-2-2013
BO 304
290
37 700
37 675
- 25
0
Total
13 138 236
4 542 101
35
2015
CE 116-3-2015
BT 362
1 108
77 560
81 084
3 524
5
Total
13 219 320
4 545 625
34
Sources : collectivité – direction régionale des finances publiques – chambre territoriale des comptes
ANNEXE 8
Schéma du service d’eau
La
société
UCDEM exploite
l’usine,
produit
l’eau et la vend à
la GDE
La
régie
des
eaux
négocie le prix de l’eau
produite ainsi que
l’eau
distribuée par la Générale
des
eaux
(par
ses
contrats de DSP)
La
Générale
des
Eaux distribue l’eau
aux
abonnés
et
reverse une surtaxe à
la commune
L’abonné,
consommateur
final, paie l’eau au
coût de production
augmenté
de
l’abonnement, des
taxes
et
de
la
surtaxe
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
98
ANNEXE 9
Evolution du trafic de passagers à Grand-Case
Source : Rapports du délégataire, site aéroport.fr.
ANNEXE 10
Répartition des activités de l’aéroport
Source : comptes de gestion
ANNEXE 11
Dépenses de personnel de l’aéroport
2010
2011
2012
2013
2014
1 006 434
1 216 702
1 237 518
1 296 160
1 378 980
Source : Contrat de DSP, comptes annuels.
0
50000
100000
150000
200000
250000
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Passagers (Grand-Case)
Missions
commerciales
11%
Service public
aéro-portuaire
38%
missions
régaliennes
50%
Reprise de
provisions
1%
Activités de l'aéroport de Grand-Case (2014)
Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin
Collectivité de Saint-Martin – Rapport d’observations définitives
99
ANNEXE 12
Capacité des différentes marinas de l’île de Saint-Martin
Places
Feet
Mètres
1
Saint-Martin
Captain Oliver
160
14,7 %
27,2 %
150
49
2
Fort-Louis
165
15,1 %
28,1 %
300
98
3
Port-La Royale
138
12,6 %
23,5 %
60
20
4
Anse Marcel
125
11,5 %
21,3 %
100
33
Sous-total
588
53,9 %
100,0 %
1
Sint-Maarten
Bobby's/Airport
18
1,6 %
3,6 %
70
23
2
Bobby's/Philipsburg
60
5,5 %
11,9 %
110
36
3
Dock Maarten
42
3,8 %
8,3 %
100
33
4
Island Water World
60
5,5 %
11,9 %
100
33
5
Isle de Sol
45
4,1 %
8,9 %
360
118
6
Lagoon
40
3,7 %
8,0 %
100
33
7
Palapa
22
2,0 %
4,4 %
250
82
8
Port de plaisance
90
8,2 %
17,9 %
250
82
9
Simpson Bay
126
11,5 %
25,0 %
200
66
Sous-total
503
46,1 %
100,0 %
Total
1 091
100,0 %
Source : Comité du tourisme de Saint-Martin
ANNEXE 13
Tarifs des marinas (en euros)
Tarif/jour
Tarif/mois
Tarif/année
30 pieds (9 m)
Fort-Louis
30
687
3 586
Port-La Royale
25
382
2 649
50 pieds (15 m)
Fort-Louis
53
1 222
6 375
Port-La Royale
45
689
4 781
Source : SAMAGEST