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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
L’AVENIR
DE L’ASSURANCE
MALADIE
Assurer l’efficience des dépenses,
responsabiliser les acteurs
Rapport public thématique
Synthèse
2017
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations et des organismes concernés
figurent à la suite du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
5
1
Des performances honorables, des fragilités avérées
7
2
Des politiques de maîtrise de la dépense trop souvent
mises en défaut
11
3
Des modes de régulation en échec
15
4
Donner la priorité aux objectifs de santé publique
et de qualité des soins
21
Conclusion et recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
Créée par les ordonnances de 1945 qui ont mis en place la sécurité sociale,
l’assurance maladie s’est depuis continument renforcée, harmonisée et étendue
tant par la prise en charge croissante des frais médicaux que par l’extension
des personnes couvertes . Elle a progressivement acquis une universalité qui
a été parachevée en 2016 par la protection universelle maladie . Cette dernière
reconnait à toute personne résidant régulièrement en France un droit à la prise
en charge de ses dépenses de santé et supprime tout lien avec les cotisations
versées .
Cette solidarité essentielle entre les Français suscite un vif attachement, mais
aussi une inquiétude de plus en plus marquée de nos concitoyens . Elle rend des
services reconnus à la santé publique, et organise un secteur économique de
première importance, 11 % du PIB, qui emploie un million et demi de personnes .
Aujourd’hui cependant, alors qu’un mouvement de diminution progressive du
déficit s’est engagé, les résultats acquis par l’assurance maladie ne semblent plus
garantis . Les déficits répétés de l’assurance maladie depuis vingt-cinq ans et
l’accumulation de la dette sociale qui en découle minent la solidité et la
légitimité du système de protection sociale en reportant les dépenses de soins
sur les générations futures . Le développement des pathologies chroniques, le
vieillissement de la population et le coût toujours plus élevé des médicaments
et des technologies de santé laissent présager des difficultés croissantes pour
financer les prestations .
C’est dans ce contexte que la Cour a choisi de s’exprimer pour la première fois
sur l’avenir de l’assurance maladie, de façon globale et dans une perspective
de moyen et de long terme . Elle souhaite ainsi, en attirant l’attention sur les
considérables marges de progrès du système de santé et de l’assurance maladie,
et en mettant en évidence quelques voies possibles pour les exploiter, contribuer
à la préservation et à l’amélioration de cet instrument essentiel de solidarité des
citoyens devant la maladie .
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Des performances honorables,
des fragilités avérées
Des résultats en demi-teinte
Bien que la qualité du système de
santé ne soit pas la seule explication
des résultats de la France en termes
d’espérance
de
vie,
ceux-ci
nous
classent très favorablement en Europe,
au troisième rang derrière l’Espagne et
l’Italie . Les organisations internationales,
telles l’OCDE ou l’OMS, portent
d’ailleurs des jugements positifs sur
notre organisation des soins .
Ces
bons
résultats
d’ensemble
ne doivent toutefois pas cacher
des faiblesses persistantes . Qu’il
s’agisse de la mortalité infantile, de
la mortalité précoce évitable due
au tabagisme, à la consommation
nocive d’alcool et à l’usage de drogues,
les retards de notre pays par rapport à la
moyenne européenne sont patents .
Il ne se situe ainsi qu’à la 24
ème
place des
pays industrialisés pour la mortalité
prématurée .
Les obstacles rencontrés par les usagers
pour avoir un accès effectif à des soins
sûrs et de qualité se sont accentués .
Sur le plan géographique, en raison de
la mauvaise répartition sur le territoire
des professionnels de santé, les 10  %
de la population les plus avantagés ont
trois fois plus de possibilités d’avoir un
rendez-vous avec un généraliste que
les 10  % les plus défavorisés . Au plan
financier, l’augmentation du niveau et
de la proportion des services condi-
tionnés à des dépassements tarifaires,
surtout chez les spécialistes en ville
mais également pour les séjours en
clinique et même, quoiqu’à un degré
moindre, pour les consultations des
médecins hospitaliers, constitue un
autre indice préoccupant .
Ce bilan, qui reste positif dans l’ensemble,
n’est cependant acquis qu’au prix de
dépenses très élevées . Seuls trois
pays dépensaient davantage que la
France pour la santé en proportion
de leur richesse nationale en 2016 : les
États-Unis, la Suisse et l’Allemagne .
Comparaison des dépenses courantes
de santé en 2016, en pourcentage du PIB
Source : OCDE
18 %
9 %
10 %
11 %
12 %
13 %
14 %
15 %
16 %
17 %
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des perspectives préoccupantes
Les difficultés pour poursuivre cet
effort dans la durée vont s’accroître .
Alors que le niveau des prélèvements
obligatoires
et
les
perspectives
de
croissance pour les prochaines années
réduisent les possibilités d’augmenter
les financements publics, de nombreux
facteurs vont cependant pousser les
dépenses à la hausse .
Le coût des maladies chroniques, qui
touchent maintenant 15 millions de
Français,
s’alourdit
d’autant
plus
vite que les progrès de la médecine
permettent la survie durable des
patients . Le vieillissement de la
population va connaître dans la
période qui s’ouvre une évolution
décisive, puisque la proportion des
plus de 65 ans, qui sont les plus
susceptibles
d’occasionner
des
dépenses à l’assurance maladie, va
passer de 17 % à 26 % en 2050 . Les
prix demandés pour les nouveaux
médicaments innovants, désormais
davantage liés aux capacités des
marchés à payer qu’aux coûts de
revient ou de recherche, atteignent
des niveaux considérables, de même
que ceux des technologies médicales
de pointe . Les affections liées aux
comportements et à l’environnement
promettent, pour les années qui
viennent, de se multiplier, entraînant
des coûts croissants .
Toutes les projections à long terme
des dépenses de santé, qu’il s’agisse de
celles qui ont été construites en France
ou par les organisations internationales,
annoncent en conséquence un net
accroissement de leur niveau dans les
dix, vingt ou trente ans qui viennent .
Une régulation financière
à reconsidérer
C’est la question de la capacité du
système
de
régulation
financière
de l’assurance maladie à maîtriser à
moyen et à long terme des tensions
financières croissantes qui est posée .
Ce système repose essentiellement
depuis plus de vingt ans sur l’objectif
national des dépenses d’assurance
maladie (ONDAM), fixé année après
année par les lois de financement de
la sécurité sociale .
Longtemps considéré comme indicatif
plus que prescriptif, au point qu’il n’a
pratiquement jamais été tenu entre
1996, sa date de création, et 2009,
l’ONDAM a connu une évolution décisive
à partir de 2010 . Un ensemble de
dispositifs de suivi rapproché de la
dépense et d’instruments d’inflexion
de celle-ci en cours d’année, en
mobilisant surtout des mises en
réserve sur les dotations budgétaires
et sur les tarifs hospitaliers, ont permis
depuis cette date de le respecter tous
les ans, alors même que son niveau a
considérablement baissé, jusqu’à 1,8 %
en 2016 (il est remonté depuis : 2,1 % en
2017, 2,3 % annoncés pour 2018) .
Ces succès remarquables, acquis ce-
pendant, ces dernières années, au prix
de mesures non reconductibles, voire
d’artifices, au point que la crédibilité de
l’ONDAM peut s’en trouver affectée,
masquent en réalité deux faiblesses .
La première est que cet instrument
de contrôle du niveau des dépenses
n’a pas été conforté par une règle de
l’équilibre des comptes de la branche
maladie, au moins sur la durée du cy-
cle économique, si bien que les déficits
Des performances honorables,
des fragilités avérées
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
se sont succédés sans interruption
depuis dix-sept ans . Cette situation
a perduré depuis 2010, alors même
que l’ONDAM était tenu . L’assurance
maladie ne peut évidemment pas
être gérée ainsi de façon durable .
La seconde limite, encore plus préoccu-
pante que la première dans la mesure
où des perspectives de retour à
l’équilibre des comptes semblent
se dessiner, tient à l’accent mis
dans la recherche d’économies sur
les baisses de prix ou les mesures
conjoncturelles . Les premières, en
découplant les tarifs des coûts de
production mais en se désintéressant
des quantités et de la pertinence des
soins produits, nourrissent la course
aux volumes tant à l’hôpital qu’en
ville . Les secondes, en ne visant pas
assez des objectifs de réaména-
gement structurel du système de
soins, contribuent à la dégradation des
comptes des hôpitaux et affaiblissent
leur capacité à se réorganiser .
Des performances honorables,
des fragilités avérées
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Dans les domaines de l’organisation des
soins de ville, des relations convention-
nelles, de l’hôpital et de la structuration
de l’assurance maladie en ses compo-
santes obligatoire et complémentaire,
les outils de régulation sont, malgré
les progrès accomplis, insuffisants .
Un immobilisme persistant
dans la rationalisation
des soins de ville
Alors que le système de santé français
s’est construit autour du traitement
des épisodes aigus de la maladie, le
vieillissement, les maladies chroniques,
le maintien à domicile comme les
innovations techniques et thérapeu-
tiques modifient les modalités de suivi
des patients . Or, malgré les réformes et
les nombreuses expérimentations, la
construction des parcours de soins et
la coordination entre les professionnels
de santé restent largement perfectibles .
Le rôle central du médecin traitant est
limité par la liberté pour le patient de
choisir son médecin – à la différence
par exemple du modèle anglais – et
d’accéder directement à certains
spécialistes . Depuis 2004, des initiatives
visant à organiser les parcours de soins
pour des catégories de la population
comme les personnes âgées en risque
de perte d’autonomie ou pour des
pathologies comme le cancer, ont
été prises . Les résultats sont cependant
mitigés alors que des ressources
importantes de l’assurance maladie
sont mobilisées : plus de 466 M€ hors
réforme du médecin traitant . Surtout,
la coordination des professionnels de
santé, en particulier en ville, se heurte
aux retards considérables du dossier
médical partagé . Celui-ci améliorerait
pourtant considérablement la qualité
de la coordination des soins et donc
leur pertinence à tous les niveaux,
tout en réduisant les actes ou les
examens redondants .
Les
négociations
conventionnelles
entre les professions de santé et
l’assurance maladie produisent des
résultats insuffisants, malgré des
progrès récents tels que l’introduction
d’objectifs de santé publique dans la
rémunération, et masquent mal les
échecs tels que les dépassements
tarifaires . Elles ont conduit à une
sédimentation des avantages accordés
à chaque profession, sans accompagner
le
développement
des
approches
transversales pluri-professionnelles,
pourtant au cœur des réorganisations
de l’offre de soins . Leur cadre législatif
doit donc être revu en profondeur, en
s’inspirant notamment du modèle
allemand . Ce dernier reconnaît à ces
discussions une place centrale dans la
gestion du système de soins, mais en enca-
dre précisément les résultats, notamment
sur les dépassements d’honoraires et
l’installation des professionnels en
fonction des besoins de santé .
Des politiques de maîtrise
de la dépense trop souvent
mises en défaut
2
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Un renoncement croissant
à la restructuration de l’hôpital
Malgré les efforts entrepris, la réduc-
tion lente du nombre de structures
hospitalières et de leurs capacités est
loin d’être à la hauteur des enjeux . En
effet, alors que les dernières projections
d’activité hospitalière laissent présager
un accroissement des surcapacités en
lits, qui se manifestent déjà aujourd’hui
dans certains établissements, la réduc-
tion du nombre de lits à l’hôpital s’est
ralentie, ce qui contraste fortement avec
le « virage ambulatoire », prôné depuis
quelques années .
Évolution du nombre de lits
de 2000 à 2015
Source : Données SAE
Pour restructurer l’offre hospitalière
et mettre en place dans les territoires
une organisation des soins graduée,
adaptée aux besoins de la population
et optimisée dans ses coûts, les moyens
d’action des agences régionales de
santé doivent être renforcés . Des
normes de fonctionnement et des
seuils d’activité suivant l’exemple des
maternités doivent être généralisés
pour garantir la qualité et la sécurité
des prises en charge .
Enfin, il faut remédier à la coupure
trop marquée entre la ville et l’hôpi-
tal et à la mauvaise organisation de
la permanence des soins en ville et
de la prise en charge des soins non
programmés, qu’illustre le recours
massif aux urgences . Avec 20,3 millions
de passages en 2015, la fréquentation
des urgences a augmenté de 41  %
depuis 2001 alors qu’elle avait doublé
entre 1990 et 2001 .
Une érosion de la couverture
par l’assurance maladie obligatoire
Afin de contenir le niveau des dépenses
à la charge de l’assurance maladie obli-
gatoire, les taux de prise en charge de
certains produits et soins ont diminué :
déremboursement
de
médicaments,
tickets modérateurs, ou participation
accrue des assurés au travers par
exemple du forfait hospitalier qui vient
d’être porté à 20  € . Dans le même
temps, l’assurance maladie obligatoire
s’est recentrée sur la prise en charge des
dépenses liées aux affections de longue
durée, remboursées à 100 %, selon une
logique dérogatoire . Les marges de
manœuvre de l’assurance maladie dans
d’autres champs, comme la prévention,
s’en sont trouvées réduites .
Afin de compenser, pour partie
seulement, la moindre prise en charge
par l’assurance maladie obligatoire,
des transferts progressifs vers l’assurance
maladie
complémentaire
ont
été
encouragés par des dispositifs coûteux,
évalués à 3,6 Md€ en 2016 par la Cour .
La France est ainsi devenue le premier
des grands pays européens pour les
dépenses de santé financées par les
assureurs complémentaires .
Des politiques de maîtrise de la dépense
trop souvent mises en défaut
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
20 000
0
40 000
60 000
80 000
100 000
120 000
140 000
160 000
180 000
Médecine
Chirurgie
Obstétrique
Rupture statistique
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Part des assureurs privés
dans le financement des dépenses
totales de santé dans les pays européens,
en 2014 ou 2015
Source : OCDE et Cour des comptes
Certains secteurs comme l’optique,
les audio-prothèses ou les soins
bucco-dentaires en relèvent majoritai-
rement . De même, la prise en charge
des dépassements tarifaires leur est
par définition réservée, ce qui a permis
de contenir l’augmentation des restes
à charge pour les assurés mais a aussi
pu alimenter leur dynamisme .
La coexistence des deux systèmes
pose des questions très lourdes
d’égalité dans l’accès aux soins, de
complexité des règles de prise en
charge pour les assurés ainsi que de
coûts supplémentaires . C’est pourquoi
l’organisation même de l’assurance
maladie doit être repensée pour la
rendre plus lisible et plus efficace en
recherchant une meilleure articulation
entre l’assurance obligatoire et les
assurances complémentaires . La Cour
esquisse trois scénarios  : simplifier
l’existant, mieux répartir les domaines
de soins entre les différents dispositifs
de couverture ou mettre en place un
«  bouclier sanitaire  » . Dans ce dernier
cas, au-delà d’un certain seuil de
dépenses financées conjointement
par les assurés et l’assurance maladie
obligatoire, les dépenses de santé
seraient prises en charge à 100%
par l’assurance maladie, à l’exception
des dépassements d’honoraires .
Des politiques de maîtrise de la dépense
trop souvent mises en défaut
0 %
2 %
4 %
6 %
8 %
10 %
12 %
14 %
16 %
Suède
Slovénie
France
Allemagne
Pays-Bas
Suisse
Autriche
Pologne
Royaume-Uni
Luxembourg
Espagne
Finlande
Hongrie
Belgique
Grèce
Italie
Danemark
République
Tchèque
Estonie
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Malgré des réformes nombreuses mais
souvent inabouties, les instruments de
régulation à la disposition de l’assurance
maladie et de l’État n’ont pas permis de
lutter suffisamment contre les situations
acquises et les déséquilibres territoriaux
dans la répartition de l’offre de soins en
ville et en établissements de santé .
Des mécanismes de rémunération
inadaptés
Les mécanismes de rémunération
des établissements de santé et des
professionnels libéraux de santé
reposent sur un principe commun
de tarification à l’acte ou à l’activité,
aux conséquences potentiellement
inflationnistes . La tarification à l’activité
à l’hôpital a impulsé un changement
de fond dans le secteur hospitalier,
en répartissant les ressources entre
les établissements de santé, dans le
cadre fermé de l’ONDAM, sur une
base médicalisée en fonction des
patients et des pathologies réellement
prises en charge . Elle a cependant pu
entretenir une course aux volumes,
préjudiciable à la pertinence des
soins . Dans le secteur des soins de
ville, malgré l’amorce de diversification
des rémunérations, le paiement à l’acte
assure encore 85 % des revenus des
médecins en 2015 .
Ces réformes tarifaires restent cependant
marquées par leur complexité et la
déconnexion croissante entre la réalité
des coûts des soins et actes réalisés et
leur rémunération . En particulier, les
modes de rémunération des profes-
sionnels de santé libéraux n’intègrent
pas assez l’innovation et les évolutions
des techniques et des bonnes pratiques,
faute d’une actualisation suffisante
des nomenclatures . Alors que les
économies
immédiates
sont
loin
d’être les seuls bénéfices à attendre
d’un système de tarification plus
performant, le simple réajustement de
certains tarifs permettrait d’envisager
des gains élevés, qui pourraient atteindre
par exemple pour les médicaments près
de 2 milliards d’euros .
Des réformes profondes doivent donc
encore être conduites en vue de maîtriser
les volumes et d’orienter les actes vers la
qualité et l’efficience . Ceci repose d’abord
sur le développement des financements
au parcours ou à l’épisode de soins qui
suppose de résoudre les difficultés liées
notamment au caractère fragmenté des
prestations et implique de respecter un
parcours de prise en charge déterminé,
sur le fondement des recommandations
de bonne pratique . Ceci limite
de facto
la
liberté de choix du patient et la liberté des
professionnels dans leur pratique . Il s’agit
ensuite de davantage prendre en compte
les objectifs de pertinence des soins
et de responsabiliser les professionnels
de santé à l’hôpital comme en ville .
À cet égard, sur la base de l’exemple
allemand, des enveloppes limitatives
devraient être mises en place pour
les médecins libéraux en fonction des
caractéristiques des patients suivis .
Des modes de régulation
en échec
3
16
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Une répartition de l’offre
de soins défectueuse
Les déséquilibres dans la répartition
de l’offre de soins génèrent parfois
des coûts supplémentaires pour l’as-
surance maladie mais aussi des pertes
de chances pour les patients et des
problèmes de qualité et de pertinence
des soins . Un changement de fond
s’impose afin de garantir, pour tous,
partout, l’accès à des soins de qualité
tout en maîtrisant les dépenses .
Une prédominance coûteuse
de l’hôpital
Avec 90,8  Md€ selon les comptes
nationaux de la santé, la part des
dépenses
hospitalières
représentait
4,2 % du PIB en 2015 en France contre
3,3 % pour l’Allemagne en 2014 . La part
de l’hôpital dans les dépenses totales de
santé s’élève ainsi à 40 %, ce qui place
la France dans le trio de tête des États
membres de l’Union européenne .
Poids des dépenses hospitalières
dans les dépenses courantes
de santé dans les pays de l’OCDE
Source : OCDE 2015
Cette tendance qui distingue la France
de ses partenaires et qui consiste à
dispenser des soins de préférence en
établissement de santé se conjugue
à des problèmes d’efficience dans
les prises en charge . Leurs enjeux en
termes de qualité de vie des patients et
de moindres dépenses pour l’assurance
maladie sont importants, qu’il s’agisse
par exemple de l’insuffisance rénale
chronique, avec des gains estimés à
900 M€ par an, ou du développement de
la chirurgie ambulatoire . Pour les seules
prothèses de genou ou de hanche, la
diminution de la durée moyenne de
séjour d’un jour et demi – sans même
aller jusqu’à une prise en charge en
ambulatoire, génèrerait une économie
annuelle de 45 M€ par an .
Des initiatives infructueuses
pour renforcer la complémentarité
des professions de santé
Alors que la rapidité de l’évolution des
techniques et la complexité des patholo-
gies requièrent une coordination souple
et évolutive des professionnels de santé,
leur organisation est particulièrement
rigide en France . Seuls les médecins
disposent d’une compétence générale à
intervenir sur le corps d’autrui . L’exercice
des autres professions, y compris
médicales, est circonscrit, en particulier
pour les auxiliaires médicaux .
Une nouvelle définition des rôles et
des compétences des professions de
santé permettrait d’offrir de nouveaux
services aux patients ou de répondre
à des besoins partiellement satisfaits
comme en matière d’éducation théra-
peutique, en particulier grâce aux
Des modes de régulation en échec
50 %
45 %
40 %
35 %
30 %
35 %
20 %
15 %
Mexique
Allemagne
Canada
Mexique
États-Unis
Pays-Bas
Hongrie
Royaume-Uni
Suède
Autriche
Norvège
France
Espagne
Danemark
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
auxiliaires
médicaux –
infirmiers .
Elle permettrait aussi de transférer
certaines activités jusqu’à présent
réalisées par les médecins vers les
autres professions médicales et les
auxiliaires médicaux, ce qui contribue-
rait à recentrer chacune des professions
sur des actes et pratiques à forte valeur
ajoutée . Si ces transferts ont été
autorisés depuis la loi «  Hôpital,
patients, santé et territoires » en 2009,
la lourdeur administrative persistante
de ces dispositifs expérimentaux et les
difficultés pour définir de nouveaux
modes de financement expliquent
leur faible mise en œuvre . Moins de
500 professionnels sont engagés dans
le dispositif de coopération entre
médecins généralistes et infirmiers,
le plus largement répandu .
Une aggravation des disparités
territoriales, résultat de l’absence
de volonté politique
Si la démographie des professions de
santé est globalement en hausse, leur
répartition territoriale ne répond pas
aux besoins de santé de la population
alors qu’elle constitue un enjeu majeur
d’accès aux soins et d’efficience du
système de santé . En France métro-
politaine, le nombre de médecins
généralistes pour 100  000 habitants
varie du simple au double entre les
départements, sans que l’âge, l’état de
santé ou la précarité des populations
suffisent à expliquer ces écarts . Ils
sont encore plus forts à l’échelle
infra-départementale . Or, cette inégale
répartition territoriale au regard des
besoins de santé affecte les pratiques
des professionnels et soulève la
question
de
la
pertinence
des
Des modes de régulation en échec
Dépenses d’omnipraticiens brutes
et standardisées comparées à la densité
des professionnels
18
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des modes de régulation en échec
actes, voire parfois de leur régularité .
Les
cartes
ci-dessous
mettent
en
évidence le lien entre dépenses de santé
(y compris corrigées des caractéristiques
de la population départementale) et
densité de professionnels libéraux .
Les enjeux financiers correspondant à
une meilleure répartition des profes-
sionnels de santé libéraux, avec toutes
les réserves méthodologiques propres
à ces chiffrages, ont été estimés par la
Cour entre 0,92 et 3,2 Md€ en fonction
de la méthode retenue .
En tout état de cause, les politiques visant
à corriger ces inégalités de répartition sont
notoirement insuffisantes et coûteuses
au regard des faibles résultats obtenus .
D’une part, le
numerus clausus
et les
quotas de formation ne permettent pas
de réguler les flux démographiques des
professionnels de santé ni globalement
ni au regard du lieu d’exercice . Ces
mécanismes reposent en effet sur
des projections démographiques datées
et non territorialisées . Ils sont construits
d’abord pour saturer les capacités de
formation des écoles et des universités,
puis pour répondre aux besoins des
hôpitaux et enfin pour répondre aux
besoins de santé de la population .
Leur efficacité est par ailleurs largement
fragilisée par la liberté d’installation qui
prévaut pour les professions de santé,
en particulier pour les médecins, et par
l’arrivée de professionnels ayant obtenu
leur diplôme à l’étranger . Ces derniers
représentent 10  % des médecins en
exercice en 2015, et 40 % des masseurs-
kinésithérapeutes inscrits à l’ordre
en 2015 .
Dépenses d’infirmiers brutes
et standardisées comparées à la densité
des professionnels
19
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des modes de régulation en échec
D’autre part, les mesures prises par
l’assurance maladie reposent sur une
logique essentiellement incitative, qui
ne peut avoir que des résultats mo-
destes . Il apparaît dès lors indispen-
sable de réguler plus fortement les
installations en soins de ville en condi-
tionnant le conventionnement avec
l’assurance maladie à l’exercice dans
des zones où des manques de profes-
sionnels de santé sont avérés, et sans
dépassement d’honoraires .
Des
décisions
de
prise
en charge à étayer de façon plus
pertinente
Les modes de prise en charge des
produits comme les médicaments et
prestations par l’assurance maladie
doivent être profondément révisés .
Les mécanismes actuels sont en effet
complexes, lents et séquentiels et ne
sont plus adaptés au rythme ni à la
forme de l’innovation scientifique .
Au-delà
d’une
simplification
des
procédures,
il
faudrait
s’appuyer
sur des études en vie réelle des
médicaments
et
des
dispositifs
médicaux . De telles études permettraient
de vérifier, sur la base d’un échantillon
de patients, les effets concrets des produits
de santé admis au remboursement,
notamment pour les molécules innovantes
pour lesquelles les laboratoires demandent
des prix élevés . Plus fondamentalement,
les pouvoirs publics gagneraient donc
à promouvoir une approche médico-
économique
plus
large
et
plus
construite dans leur prise de décision,
pour l’ensemble des prestations
bénéficiant d’un remboursement par
l’assurance maladie .
21
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Donner la priorité aux objectifs
de santé publique et de qualité
des soins
Pour être véritablement efficace sur la
durée, la réorganisation des soins et de
l’assurance maladie doit être complétée
par une révision profonde de l’ensemble
des modes de régulation .
Réorganiser et placer
la prévention au cœur
de l’action publique
La prévention se caractérise en France
par un effort global insuffisant, nette-
ment inférieur à celui que consentent
les pays comparables au nôtre - une
étude menée en 2016 par l’OCDE nous
relègue au vingtième rang sur trente-
deux -, et par une grande variété
d’acteurs intervenant sans stratégie
d’ensemble . Ministères de la santé,
du travail, de l’éducation nationale,
de l’enseignement supérieur et de la
recherche, assurance maladie, agences
régionales de santé, chacun conduit
des programmes qui ne sont pas
coordonnés entre eux et qui, en outre,
sont mal connus de nos concitoyens .
C’est à un changement de conception
même de la médecine, aujourd’hui
centrée sur sa dimension curative, qu’il
faut procéder . Au prix d’investissements
initiaux ou de la prise en charge de
certaines activités telle l’éducation
thérapeutique ou l’activité physique
adaptée, ou encore de dispositifs
comme les substituts nicotiniques,
une politique de prévention plus efficace
doit permettre d’éviter à terme des
dépenses futures d’un montant bien
supérieur .
Pour y parvenir, il convient en premier
lieu de confier un rôle de référent à la
Haute Autorité de santé dans la définition
des priorités de prévention . Forte de son
statut d’autorité publique indépendante et
de son expertise scientifique, elle pourra
mener des comparaisons harmonisées
des coûts actuels et futurs de l’action ou
de l’inaction . Il s’agit ensuite d’impliquer
et de responsabiliser les professionnels
de santé comme les patients . Ce serait
possible en intégrant la prévention dans
les parcours de soins que ces derniers
devraient respecter, ou en mettant en
place leur accompagnement lorsqu’une
démarche volontaire
est
enclenchée .
C’est d’ailleurs ce qui est prévu au
Royaume-Uni pour la lutte contre le
tabagisme et les consommations nocives
d’alcool . L’atteinte des objectifs de
prévention devrait être une composante
beaucoup plus importante de la rémuné-
ration des professionnels de santé, très
au-delà de l’amorce introduite dans le
système de « rémunération sur objectifs
de santé publique » mis en place depuis
quelques années .
Il est enfin nécessaire de mieux protéger
les dépenses de prévention, en les
individualisant d’abord, en les regrou-
pant et en les protégeant des coupes
budgétaires ensuite, en organisant
le suivi de leur bonne mise en œuvre
enfin . Elles pourraient à terme à être
incluses dans un sous-objectif de
l’ONDAM .
4
22
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Donner la priorité aux objectifs de santé publique
et de qualité des soins
Faire de la pertinence,
de la qualité et de la sécurité
des soins l’axe central
de toute réforme
Quelques dispositifs, la certification
des établissements de soins et l’accré-
ditation de certains médecins, peuvent
apporter des informations objectives sur
le fonctionnement effectif du système
de soins . Ils sont cependant encore très
insuffisants dans leur contenu et dans
leur couverture pour assurer un pilotage
du système de soins par la qualité . Le
premier d’entre eux, malgré de nets
progrès dans la dernière période, ne
permet toujours pas de donner une
image précise de la qualité des soins
qui sont prodigués dans les hôpitaux et
cliniques, ni d’en tirer des conclusions
pour faire évoluer les pratiques ou, le
cas échéant, prendre la décision de
fermeture des établissements ne
présentant pas assez de garanties .
Le second ne couvre qu’une partie
des médecins hospitaliers et n’est
pas
suffisamment
orienté vers
les
résultats . La médecine de ville n’est pas
du tout couverte, alors qu’elle touche le
plus grand nombre de patients .
La certification des établissements
de santé établie périodiquement par
la HAS doit mettre plus l’accent sur
la médicalisation de l’appréciation
portée sur la qualité des soins que
sur des processus d’organisation
administrative . Elle doit aussi s’appuyer
sur des indicateurs de résultat, rendus
publics, au nom de la nécessaire
transparence vis-à-vis des patients . La
construction d’un système de contrôle
de la qualité des soins de ville doit être
entreprise parallèlement, en l’asseyant,
à l’instar des exemples anglais et
néerlandais, sur l’observation des
pratiques et sur une recertification
périodique des professionnels concernés .
Des pratiques médicales de référence
doivent être plus systématiquement
élaborées, mises à jour et diffusées
pour guider cet effort . Celui-ci doit
également aboutir à réduire les coûts
considérables de la non-qualité, puisque
l’OCDE juge que 10  % des dépenses
hospitalières sont consacrées à réparer
des erreurs médicales . Dans ce contexte,
la surveillance des hôpitaux et le contrôle
médical exercé par la Caisse nationale
d’assurance
maladie
doivent
être
renforcés . Cet effort doit également
concerner la fraude aux prestations,
très largement sous-estimée et trop
peu combattue aujourd’hui .
Saisir les opportunités
de la numérisation de la santé
L’évolution des sciences et des techniques
médicales n’est pas seulement source de
surcoûts pour l’assurance maladie . Elle
offre aussi, à condition d’être utilisée avec
discernement, de remarquables outils
pour renforcer l’efficience et la régulation
du système de soins par la qualité et la
pertinence des soins, et pour respon-
sabiliser l’ensemble des acteurs .
Les données concernant les dépenses
de santé, mais également l’état de san-
té ou l’offre de soins, sont collectées
par de multiples canaux, mais principa-
lement par les hôpitaux et l’assurance
maladie . Elles permettent déjà de mieux
réfléchir à la pertinence de certaines
dépenses ou de certains modèles de
soins et de participer, encore à une
très petite échelle, à la veille sanitaire
ou au contrôle de l’efficacité de certains
produits . Elles pourraient cependant
être enrichies, davantage partagées,
23
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Donner la priorité aux objectifs de santé publique
et de qualité des soins
notamment
avec
les
assurances
complémentaires, et utilisées . Leur
meilleure exploitation ouvrirait de
nouveaux horizons en matière de
lutte contre les abus et les fraudes,
d’évaluation «  en vie réelle  » de
l’efficacité des traitements et des
médicaments,
d’appréciation
de
l’impact des politiques de santé publique
et de l’efficacité de la prévention .
La
télémédecine
est
susceptible
d’apporter une réponse au vieillissement
de la population et à l’augmentation des
maladies chroniques en favorisant le
maintien à domicile . De même elle peut
favoriser la réalisation d’actes en dehors
de l’hôpital . La mauvaise organisation
des multiples expérimentations qui ont
été menées jusqu’ici n’a encore permis
d’en retirer aucun bénéfice .
Dessiner un nouveau cadre
de responsabilité et d’action
L’ensemble des domaines examinés
par ce rapport - répartition territo-
riale de l’offre de soins, redéfinition du
panier de soins, contrôle des quantités
et de la pertinence des actes médicaux,
réorientation des tarifications vers la
qualité et l’efficience, nouvelles formes
de collaboration entre ville et hôpital,
exploitation des nouvelles techniques
numériques au service de formules
d’organisation plus efficaces et moins
coûteuses -, est susceptible de dégager
dans la durée des gains d’efficience
considérables, de nature à faire face
aux contraintes financières présentes
et à venir . Pour atteindre ce but, il est
cependant nécessaire de construire une
nouvelle architecture de responsabilité
et un nouveau cadre de pilotage du
système de santé et de l’assurance
maladie qui en garantissent le finan-
cement dans un cadre de solidarité
pérenne .
Deux problèmes cruciaux doivent
en particulier être résolus . Celui de
l’articulation entre les échelons centraux
et locaux du pilotage du système de
santé est le premier . Il existe en effet
une contradiction entre, d’une part,
la réforme majeure qui a conduit en
2009 à la création des agences régionales
de santé à même de garantir de façon
transversale la cohérence de l’ensemble
des actions conduites sur le terrain
par l’État et l’assurance maladie, et
le maintien de l’organisation centralisée
et uniforme sur tout le territoire de
l’ONDAM . Une régulation plus efficace,
seule à même de dégager les gains
d’efficience nécessaires, doit reposer
sur les besoins de soins réels des
populations, qui ne sont pas les
mêmes en tout point du territoire et
qui, surtout, sont loin de correspondre
à l’offre de soins aujourd’hui déployée .
En plus de pouvoirs plus grands donnés
aux agences régionales pour restructurer
l’offre de soins, des objectifs régionaux
de dépenses, modulés entre les régions
pour obliger à l’adaptation plus forte des
territoires où l’offre excède les besoins, et
au contraire dégageant des marges de
manœuvre dans le cas inverse, sont donc
nécessaires . Ils doivent en outre ménager
au plan régional des souplesses de redé-
ploiement permettant de mieux épouser
les initiatives locales de réorganisation,
notamment entre ville et hôpital .
Le second nœud gordien à trancher
concerne la gouvernance centrale
du système, partagée depuis l’origine
entre l’État, responsable des hôpitaux,
24
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Donner la priorité aux objectifs de santé publique
et de qualité des soins
et l’assurance maladie, active dans
le secteur de la médecine de ville . Cette
dyarchie a conduit à une multiplication
d’initiatives non coordonnées et surtout
à l’incapacité durable de surmonter la
coupure du système de santé français
entre la ville et l’hôpital . La restruc-
turation de leur organisation autour
de la logique du parcours de soins
du patient exige que cet obstacle
soit surmonté . Il peut certes l’être
par
une
meilleure
coordination
des deux acteurs en cause, mais la
profondeur du problème peut justifier
l’examen d’une solution plus ambitieuse,
consistant à mettre en place une agence
nationale de santé . Celle-ci disposerait,
dans le cadre d’une stratégie nationale
définie par le ministre de la santé, sous
son contrôle et celui du Parlement, de
l’ensemble des instruments de mise en
œuvre : compétences tarifaires pour la
ville et l’hôpital, actions de gestion du
risque, de pertinence et de qualité des
soins
globales,
déploiement
d’outils
électroniques nouveaux notamment .
25
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Conclusion
et recommandations
La Cour formule en conséquence
les
recommandations
suivantes,
organisées autour de sept enjeux,
destinées à améliorer le fonctionnement
du système de santé et de l’assurance
maladie, et, ainsi, les mettre au service
de la politique de santé :
Enjeu n° 1 : rénover le cadre
du pilotage financier
de l’assurance maladie
Garantir l’équilibre des comptes de la
branche maladie :
l
introduire dans le cadre organique
régissant les lois de financement
de la sécurité sociale une règle
d’équilibre de l’assurance maladie
(recommandation n° 1) .
Renforcer et adapter l’ONDAM :
l
améliorer la maîtrise annuelle des
dépenses de la branche maladie, en
instaurant pour les soins de ville une
réserve prudentielle permettant de
réduire les tarifs ou de suspendre les
augmentations tarifaires en cas de
non-respect de l’objectif prévisionnel
de dépenses (recommandation réitérée
1
)
(recommandation n° 2) ;
l
identifier dans l’ONDAM un sous-
objectif spécifique relatif à la préven-
tion en santé intègrant notamment
les dépenses du Fonds national de
prévention et d’éducation et d’infor-
mation sanitaires, en les exonérant de
mesures
de
régulation
budgétaire,
destiné à construire une vision in-
terministérielle
consolidée
des
dé-
penses, dans le cadre d’un document de
politique transversale (recommandation
réitérée
2
) (recommandation n° 12) ;
La soutenabilité financière de l’assurance maladie et la modernisation
du système de soins, gage de leur pérennité et de la préservation d’un
haut niveau de protection de la santé pour tous, constituent des défis qu’il
est possible de relever . Les gisements d’efficience que recèlent à tous les
niveaux les organisations de l’assurance maladie et du système de soins sont
suffisants pour absorber les perspectives d’augmentation des dépenses .
Les réformes à entreprendre pour y parvenir n’en sont pas moins exigeantes et
ambitieuses, puisqu’elles s’attaquent aux blocages qui n’ont pas été surmontés
jusqu’ici . Pour les réussir, il faut que, dans le cadre d’une méthode de mise en œuvre
associant tous les acteurs intéressés - État, patients, professionnels de santé libé-
raux et salariés, établissements de santé publics et privés, organismes d’assurance de
base et organismes complémentaires-, chacun accepte les nécessaires disciplines de
comportement ou de contrôle, admette l’évolution de ses modes de rémunération et
assume ses responsabilités . Cette démarche globale qui n’emportera l’adhésion que si
elle fait l’objet d’une concertation approfondie avec l’ensemble des parties prenantes,
est seule à même de garantir la pérennité et l’universalité de notre système d’as-
surance maladie, auquel les Français sont tant attachés .
1
Cour des comptes,
Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale
,
Chapitre II, L’objectif national des dépenses d’assurance maladie : en 2016, un objectif atteint au prix
de nombreux biais, en 2017 et au-delà, des économies effectives à rechercher et à accentuer, p . 127,
La Documentation française, septembre 2017, disponible sur www .ccomptes .fr
2
Cour des comptes,
Communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale,
La prévention sanitaire, octobre 2011, disponible sur www .ccomptes .fr
26
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Conclusion
et recommandations
l
Créer par étapes, en partant du
Fonds d’intervention régional, un
objectif régional pluriannuel de
dépenses d’assurance maladie qui
serait à la fois :
-  différencié dans son niveau pour
tenir compte des nécessités de
rééquilibrage du rapport entre offre
et besoin de soins dans les régions ;
-  flexible dans sa répartition entre
secteurs de soins en fonction des
nécessités appréciées par les ARS ;
-  encadré dans les possibilités de
différenciation tarifaire (recom-
mandation n° 15) ;
Enjeu n° 2 : réorganiser
l’assurance maladie
l
Redéfinir l’articulation entre assu-
rance maladie obligatoire et assu-
rances complémentaires, en particulier
en rationalisant les restes à charge pour
les assurés, en répartissant clairement
les prises en charge par secteurs de
soins
entre
les
deux
dispositifs
de couverture, ou en envisageant
la mise en place d’un «  bouclier
sanitaire » plafonnant dans tous les
cas le reste à charge des assurés
(recommandation n° 5) ;
Enjeu n°3 : rendre l’accès
aux soins plus équitable
l
Introduire dans les dispositions
législatives communes aux conven-
tions conclues entre l’assurance ma-
ladie et les professions de santé :
-  des règles de conventionnement
sélectif, subordonné à la recertification
périodique des professionnels de
santé et aux besoins des territoires
d’installation ;
-  des règles de plafonnement des
dépassements d’honoraires autorisés
dans le cadre des dispositifs conven-
tionnels avec l’assurance maladie,
entraînant en cas de non-respect
l’exclusion du conventionnement du
professionnel de santé en cause, et
dans celui des contrats solidaires et
responsables (recommandation n° 3) ;
Enjeu n° 4 : mieux organiser
le système de soins
pour l’adapter aux besoins
des patients
l
Afin de désengorger les urgences
hospitalières, renforcer la réponse
de soins de ville en conditionnant
une partie des rémunérations des
médecins au développement de la
permanence des soins, de l’extension
des horaires d’ouverture et de la
réponse de soins non programmés,
et
expérimenter
à
l’entrée
des
urgences une régulation médicale
indépendante de l’hôpital permettant
d’orienter les patients vers la réponse
de soins, ambulatoire ou hospitalière, la
mieux adaptée à leur état (recom-
mandation n° 4) ;
27
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Conclusion
et recommandations
l
Renforcer la complémentarité et
la subsidiarité entre les professions
de santé par une révision régulière des
décrets d’actes et des nomenclatures,
ainsi que des maquettes de formation,
et par la mise en place rapide des
pratiques avancées prévues par la
loi (recommandation n° 6) ;
l
Développer une tarification au
parcours
de
soins,
notamment
pour les patients atteints d’affection
de longue durée, et à l’épisode de soins,
en globalisant dans une enveloppe les
rémunérations des professionnels
de santé du secteur de la ville et de
l’hôpital (recommandation n° 11) ;
Enjeu n° 5 : assurer
dans tous les domaines
la qualité et la sécurité
des soins
l
Développer
des
indicateurs
de
résultats sur la qualité des soins
délivrés par les professionnels de
santé et soumettre ces derniers,
suivant l’exemple des Pays-Bas ou
du Royaume-Uni, à un système de
recertification
périodique
(recom-
mandation n° 13) ;
Généraliser progressivement l’utilisation
d’ordonnances
électroniques
en
les
couplant à un système d’analyse de
la qualité des soins et des effets des
médicaments et dispositifs médicaux en
vie réelle (recommandation n° 14) ;
Enjeu n° 6 : inciter, par une révision
profonde des modes de prise
en charge des produits
et prestations par l’assurance
maladie, à une utilisation
optimale de ses moyens
Enrichir l’évaluation médico-écono-
mique, par classe de médicaments,
de produits et de prestations ou
par catégorie d’utilisation, par des
référentiels
médico-économiques
permettant de mieux asseoir la prise
de décision (recommandation n° 7) ;
Augmenter
significativement
la
part des rémunérations forfaitaires
(forfaits pour une catégorie de
patients et rémunérations à la
performance modulées en fonction
d’objectifs élargis de santé publique
et de qualité) dans la rémunération
des professionnels de santé libéraux
(recommandation n° 8) ;
Introduire
dans
les
dispositions
législatives relatives aux conventions
conclues entre l’assurance maladie et
les médecins une disposition mettant,
suivant l’exemple allemand, sous
enveloppe régionale les rémunérations
des médecins libéraux de façon à
limiter le nombre d’actes réalisés et de
prescriptions (recommandation n° 9) ;
Aligner la tarification des activités
des établissements de santé sur les
coûts observés dans les établissements
les plus performants, en adoptant une
démarche pluriannuelle (recomman-
dation n° 10) ;
28
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Conclusion
et recommandations
Enjeu n° 7 : réunifier et renforcer
le pilotage du système de santé
Réorganiser le pilotage du système de
santé pour renforcer la cohérence de
l’action de l’État et de l’assurance
maladie (recommandation n° 16) ;
Dans cette perspective, examiner
l’opportunité de la création d’une
Agence nationale de santé qui serait
responsable de l’organisation de la
mise en œuvre des politiques de santé
et qui regrouperait les compétences
exercées en ces domaines d’une part
par le ministère de la santé, d’autre
part par l’assurance maladie (recom-
mandation n° 17) .