FINANCES ET COMPTES PUBLICS
LES FINANCES
PUBLIQUES
LOCALES
Rapport sur la situation financière
et la gestion des collectivités territoriales
et de leurs établissements publics
Synthèse
Octobre 2017
2
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations et des collectivités figurent à
la suite du rapport
.
3
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
L’évolution de la situation financière
des collectivités locales
7
2
La fiabilité des comptes publics locaux
13
3
L’état d’avancement de la réforme territoriale
15
4
La situation financière des collectivités des départements
d’outre-mer
19
5
L’impact des dépenses sociales sur l’équilibre financier
des départements
23
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
5
Introduction
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Le présent rapport annuel est le cinquième que la Cour consacre
aux finances publiques locales . L’article L . 132-8 du code des juridictions
financières prévoit, depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation
territoriale de la République (NOTRé), que la Cour des comptes établit chaque
année un rapport portant sur la situation financière et la gestion des collectivités
territoriales et de leurs établissements publics . Ce rapport est remis au Gouvernement
et au Parlement .
Fruit d’un travail conjoint de la Cour et des chambres régionales des comptes,
conduit dans le cadre d’une formation « interjuridictions » commune à la Cour
et aux chambres régionales et territoriales des comptes, ce rapport analyse la
situation financière des collectivités territoriales et des établissements publics
de coopération intercommunale (EPCI) .
En comptabilité nationale, les administrations publiques locales (APUL) portent
18 % de la dépense publique et 11 % de la dette publique . Elles
1
sont concer-
nées, au même titre que l’État et les organismes de sécurité sociale, par le res-
pect des engagements européens de la France en matière de redressement
des comptes publics . L’évolution de leurs dépenses, de leurs recettes et de leur
solde est d’ailleurs intégrée aux lois de programmation des finances publiques et
aux programmes annuels de stabilité . L’importance des transferts financiers de
l’État vers les collectivités locales (101 Md€ en 2016) est une autre raison de leur
implication dans la stratégie de redressement des comptes publics .
1
En comptabilité nationale, les collectivités locales représentent 86 % des dépenses des APUL .
L’agrégat des collectivités locales est constitué des comptes des budgets principaux et des
budgets annexes des collectivités territoriales (communes, départements, régions) et de leurs
groupements (communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés
urbaines, métropoles), des comptes des syndicats intercommunaux n’exerçant pas d’activité
industrielle et commerciale et des comptes des régies sans autonomie de gestion . Les établis-
sements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), les régies dotées de la personnalité
morale et les sociétés d’économie mixte (SEM) sont exclus des APUL .
6
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Introduction
Part des APUL dans la dépense publique en 2016
Source : Cour des comptes – données Insee
Comme les années précédentes, le présent rapport procède d’abord à l’analyse
détaillée de l’évolution de la situation financière de chaque catégorie de collectivités
locales dans une perspective pluriannuelle (I), puis il aborde l’enjeu de la fiabilité
des comptes publics locaux (II) .
Il présente un état d’avancement de la récente réforme territoriale mise en
œuvre en application de plusieurs textes législatifs modifiant l’organisation de
toutes les catégories de collectivités locales (III) .
Le rapport traite enfin deux thèmes particuliers : la situation financière des
collectivités d’outre-mer (IV) et l’impact des dépenses sociales sur l’équilibre
financier des départements (V) .
Administrations
publiques locales
44 %
38 %
18 %
Administrations
de sécurité
sociale
Administrations
publiques
centrales
7
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
1
L’évolution de la situation
financière des collectivités locales
Les
données
de
la
comptabilité
nationale montrent que la situation
financière des collectivités locales
s’est
améliorée
en
2016 .
Leurs
dépenses (225,5 Md€) ont reculé
de 1,1 % alors que leurs recettes
(229,7 Md€) ont progressé de 0,2 % .
Pour la deuxième année consécutive,
elles ont dégagé une capacité de
financement (et non pas un besoin
de financement) qui s’est élevée à
4,2 Md€ après 1,1 Md€ en 2015 .
L’analyse détaillée à laquelle s’est livrée
la Cour sur la base des comptes conso-
lidés des collectivités locales montre
que l’amélioration d’ensemble de leur
équilibre financier est largement due au
ralentissement de leurs dépenses de
fonctionnement, qui est lui-même le
résultat des efforts de gestion engagés
depuis 2014 pour faire face à la baisse
des concours financiers de l’État .
Cependant, cet infléchissement récent
des
dépenses
des
administrations
publiques locales doit être apprécié au
regard du long cycle de croissance qui
l’a précédé . Entre 1983 et 2013, ces
dépenses ont progressé en moyenne
de 5 % par an, passant de 8,6 à près de
12 points de PIB . Seulement la moitié
de cette augmentation est imputable
aux transferts de compétences liés
à la décentralisation . Pour le reste,
la quasi-totalité de l’accroissement
constaté a porté sur les charges de
fonctionnement, tout particulièrement
les rémunérations des agents territo-
riaux, du fait d’une forte croissance des
effectifs .
Par conséquent, le mouvement de
maîtrise des finances publiques locales
doit encore être prolongé et ampli-
fié par les collectivités . Cependant,
l’indispensable poursuite de leurs
efforts de gestion suppose que certaines
conditions préalables soient réunies qui
touchent notamment à la concertation
toujours à approfondir entre les repré-
sentants de l’État et ceux des élus
locaux, et aux évolutions annoncées
ou en cours du panier des recettes
des collectivités, concours financiers de
l’État ou produits fiscaux .
Une amélioration d’ensemble
des finances locales
2016 a été la troisième année consé-
cutive de réduction de la dotation
globale de fonctionnement (DGF)
versée par l’État, passée de 41,5 Md€
en 2013 à 33,3 Md€ en 2016, soit une
baisse de 20 % en trois ans . La DGF
est le plus important des concours
financiers de l’État dits sous « enveloppe
normée »
2
, d’un montant total de
49 Md€ en 2016 .
2
L’enveloppe normée est composée majoritairement des prélèvements sur recettes de l’État à
destination des collectivités ainsi que des crédits de la mission
Relations avec les collectivités
territoriales.
8
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Un contexte financier global
plus contraint en 2016
Dans son précédent rapport annuel sur
les finances publiques locales, la Cour
avait constaté qu’en 2015, malgré
l’accélération de la baisse de la DGF
(de 3,67 Md€ après 1,5 Md€ en 2014),
la contrainte financière d’ensemble ne
s’était pas sensiblement accrue sur les
collectivités locales en raison de la forte
croissance de leurs produits fiscaux .
Pourtant, un premier infléchissement de
leurs dépenses de fonctionnement avait
été constaté . Leur épargne brute
avait cessé de s’éroder et leur besoin
de financement avait décru .
Un recul plus sensible
des transferts financiers
de l’État
En 2016, la part forfaitaire de la DGF
a été de nouveau réduite de 3,67 Md€
mais la baisse du total des transferts
financiers de l’État, de 2,2 Md€ hors
dégrèvements
3
, a été nettement plus
importante que l’année précédente
(- 0,6 Md€) . La différence est venue
du moindre dynamisme de la fiscalité
transférée, qui recouvre le produit
d’impôts indirects (DMTO
4
, TICPE
5
),
en progression de 1,1 Md€ en 2016 au
lieu de 2,9 Md€ en 2015 . Globalement, le
recul des transferts financiers de l’État a
été plus marqué pour les communes et
leurs groupements (- 7,1 %) que pour
les départements et les régions .
L’évolution de la situation financière
des collectivités locales
Une croissance ralentie
de la fiscalité directe
Le durcissement de la contrainte
financière sur la gestion locale est
aussi venu des impôts locaux directs .
Dans l’ensemble, l’augmentation du
produit des impôts « ménages » a
été faible dans les collectivités du
bloc communal, notamment celle de la
taxe d’habitation (+ 0,3 %) . En revanche,
les départements ont bénéficié d’une
forte croissance (+ 7,1 %) du produit de
la taxe sur le foncier bâti . Les impôts
locaux sur les entreprises ont, quant
à eux, augmenté à un rythme ralenti
du fait de la CVAE
6
(+ 1,4 % en 2016
au lieu de + 4,4 % en 2015), qui constitue
une ressource importante pour toutes
les catégories de collectivités, particuliè-
rement pour les régions .
Au total, par rapport à la baisse des
transferts financiers de l’État hors
fiscalité transférée (2,36 Md€), la
croissance des produits de la fiscali-
té (3,6 Md€), directe et indirecte, impôts
locaux et fiscalité transférée, a permis de
dégager un surplus d’environ 1,2 Md€
que l’on peut ramener à seulement
0,2 Md€ si l’on neutralise l’accroissement
des contreparties de dégrèvements . La
marge de manœuvre des collectivités
pour faire face à l’évolution de leurs
charges de fonctionnement s’est donc
établie à un niveau nettement plus
faible qu’en 2015 (2,4 Md€) .
3
Les contreparties de dégrèvements ont augmenté de 1,1 Md€ en 2016 sans apporter de
ressources supplémentaires aux collectivités locales .
4
DMTO : droits de mutation à titre onéreux .
5
TICPE : taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques .
6
CVAE : cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises .
9
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Un redressement de la situation
financière de chaque catégorie
de collectivités
L’amélioration de l’équilibre financier,
constatée globalement au sein de
chaque catégorie de collectivités
locales, malgré la baisse plus forte
des transferts financiers de l’État,
a résulté des incontestables efforts
de gestion qui leur ont permis de
ralentir (bloc communal), stabiliser
(départements) ou réduire (régions)
leurs charges de fonctionnement .
En particulier, la faible hausse de
la masse salariale laisse entrevoir,
même si les données statistiques
sur la fonction publique territoriale
ne sont pas encore disponibles, une
baisse de ses effectifs en 2016 . Par
ailleurs, des économies sensibles
ont été obtenues sur les achats de
biens et services (bloc communal,
départements) .
Les collectivités du bloc communal
Dans l’ensemble, les communes et
leurs groupements ont pu, grâce
à leurs efforts de gestion, presque
stabiliser leurs charges de fonction-
nement (+ 0,8 %) en ralentissant
fortement leurs dépenses de personnel
(+ 1,1 %) et en réduisant presque tous les
autres postes de dépenses . Ainsi, malgré
le moindre dynamisme de leurs recettes
fiscales et la nouvelle baisse de la DGF,
elles ont pu éviter une dégradation de
leur épargne brute (+ 0,2 %) et préserver
leur niveau d’investissement (- 0,2 %) .
Les départements
Grâce à la forte croissance de leurs
recettes fiscales (+ 4,4 %), les dépar-
tements ont bénéficié globalement
d’une progression sensible de leurs
produits de fonctionnement (+ 2,1 %)
en dépit de la nouvelle baisse de la
DGF . De plus, la croissance ralentie
quoiqu’encore vive de leurs dépenses
sociales (+ 2,1 %) et des économies
réalisées sur tous les autres postes
de dépenses, notamment en matière
de ressources humaines, leur ont
permis de stabiliser leurs charges de
fonctionnement (+ 0,1 %) d’une part
et d’améliorer leur épargne brute
(+ 20 %) et plus encore leur épargne
nette (+ 31 %) d’autre part . Cependant,
malgré un autofinancement net accru
(+ 13 %), le recul de leurs dépenses
d’investissement, ininterrompu de
2009 à 2016, s’est poursuivi .
Les régions
Sous l’effet conjugué de la nouvelle
réduction de la DGF et du ralentissement
de leurs recettes fiscales, les régions ont
vu leurs produits de fonctionnement
stagner (- 0,03 %) . Elles sont toutefois
parvenues à redresser leur épargne
brute (+ 4,1 %) grâce à la maîtrise
de leurs charges de fonctionnement
(- 1,1 %) due à la quasi-stabilisation de
leur masse salariale et à la contraction de
leurs autres charges (hormis les achats
de biens et services) . Cependant, leur
autofinancement net a continué de
s’éroder . Elles ont réduit leurs investisse-
ments pour la première fois depuis 2012
sans pour autant parvenir à stabiliser
l’encours de leur dette (+ 6,1 %) .
Une situation qui demeure fragile
et très hétérogène
L’amélioration d’ensemble des finances
locales ne doit pas conduire à négliger
des signes inquiétants . Ainsi, les efforts
de gestion des communes et de leurs
groupements n’ont pas empêché une
détérioration sensible de leur capacité
d’autofinancement (- 6 %), préoccu-
pante dans la perspective d’une reprise
L’évolution de la situation financière
des collectivités locales
10
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
de leurs dépenses d’investissement,
prévisible
à
mi-mandat
électoral
après leur baisse de 23 % de 2013 à
2016 . Les départements dont l’équilibre
financier s’était beaucoup détérioré
les années précédentes ont bénéficié
en
2016
de
facteurs
favorables
dont
le
renouvellement
n’est
pas
assuré, notamment le ralentissement de
leurs dépenses sociales . Quant aux
régions, leur endettement a continué
de s’alourdir (+ 32 % de 2012 à 2016) .
L’inversion de ce mouvement paraît
difficile même dans l’hypothèse de
nouvelles
économies
tandis
que
les coûts de transition induits par la
réforme territoriale (
cf. infra
) devraient
se faire sentir .
Par ailleurs, il importe de relever que
l’amélioration de leur épargne n’a
pas conduit les collectivités locales à
augmenter
leurs
investissements .
Elles ont choisi d’emprunter au-delà
de leur besoin de financement en forte
baisse ce qui a permis, dans chaque
catégorie de collectivités prise globale-
ment, de renforcer d’autant leur fonds
de roulement . Ce choix témoigne sans
doute d’une stratégie de prudence
dans un contexte d’incertitude relative
notamment aux taux d’intérêt ainsi
qu’aux réformes en cours, annoncées
ou différées .
Enfin, les finances locales se caractérisent
par une grande diversité de situation
entre collectivités d’une même catégorie .
L’analyse développée dans le présent
rapport s’efforce d’en rendre compte par
de nombreux exemples . La contrainte
exercée sur chaque collectivité par la
baisse des concours financiers de l’État
est très variable en fonction du plus ou
moins grand dynamisme de ses
ressources fiscales à taux d’impôts
inchangés . En fonction des niveaux
respectifs de richesses et de charges,
les marges de manœuvre budgétaire
sont
inégalement
réparties
ce
qui
rend nécessaire une réflexion sur le
partage entre les collectivités locales de
leur contribution au redressement des
comptes publics .
Une reprise prévisible de la hausse
des dépenses en 2017
En dépit d’une nouvelle baisse de la
DGF
7
, les collectivités locales, prises
dans leur ensemble, sont soumises en
2017, au vu des données disponibles,
à une contrainte financière moins
forte qu’en 2016 grâce à l’évolution
dynamique de la fiscalité directe
(notamment la CVAE) et de la fiscalité
transférée .
Cependant, l’impact des « normes »
nouvelles devrait être plus important
qu’en 2016, de l’ordre de 1 Md€, du fait
particulièrement des mesures générales
prises en matière de rémunération
avec la revalorisation du point d’indice
de la fonction publique et l’entrée en
application des premières mesures du
protocole « Parcours professionnels,
carrières et rémunérations » (PPCR) . En
outre, les coûts de transition liés à la mise
en œuvre de la réforme territoriale vont
faire sentir leurs effets sur l’évolution
des dépenses des collectivités et ne pas
en faciliter la maîtrise .
Des conditions favorables paraissent
réunies pour une reprise des investisse-
ments du bloc communal : la montée en
puissance des fonds de soutien mis en
place par l’État, le niveau élevé des fonds
de roulement, des taux d’intérêt propices
et la dynamique du cycle électoral .
L’évolution de la situation financière
des collectivités locales
7
Équivalente à celles des deux années précédentes pour les régions et les départements mais
divisée par deux pour les collectivités du bloc communal .
11
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
L’évolution nécessaire
des relations entre l’État
et les collectivités locales
La contribution au redressement
des comptes publics demandée aux
collectivités locales depuis 2014 a
fait la démonstration de son efficacité et
doit être poursuivie . Cependant, elle ne
peut plus prendre uniquement la forme
d’une baisse uniforme des concours
financiers de l’État . Les leviers d’action
employés par l’État pour infléchir la
trajectoire des finances publiques
locales doivent être adaptés .
Une concertation à renforcer
Comme la Cour l’a déjà relevé dans
ses
précédents
rapports
annuels,
le dialogue entre l’État et les élus
locaux reste encore à approfondir en
ce qui concerne la trajectoire finan-
cière des collectivités territoriales .
Jusqu’à présent, les représentants
de ces dernières n’ont été consul-
tés ni sur l’objectif d’évolution de la
dépense locale (ODEDEL) arrêté en
loi de programmation des finances pu-
bliques ou en loi de finances initiale,
ni sur l’élaboration au printemps du
programme de stabilité qui engage
pourtant les collectivités territoriales .
La récente création par la loi NOTRé
de l’Observatoire des finances et de
la gestion publique locales peut faire
progresser le partage des données
et des études techniques . Au-delà, la
concertation gagnerait à être organisée
de manière plus méthodique dans le
cadre d’une instance dédiée, composée
de représentants des administrations
compétentes et des différentes catégories
de collectivités . Ce renforcement de la
concertation avec les élus locaux est
un préalable à la mise en œuvre des
nouveaux outils de gouvernance des
finances publiques que préconise la
Cour, à l’adoption d’une norme de
dépense en valeur et au vote d’une loi de
financement des collectivités locales .
Le dialogue entre l’État et les élus locaux
reste également insuffisant en ce qui
concerne le coût des « normes », c’est-à-
dire l’impact des décisions prises au plan
national sur les budgets des collectivités
territoriales . D’une part, ces dernières
pourraient être davantage consultées
en amont par les ministères producteurs
de normes nouvelles . D’autre part, les
travaux du Conseil national d’évaluation
des normes (CNEN) présentent encore
d’importantes marges de progression
à différents niveaux : fiabilité des fiches
d’impact transmises par les ministères,
consolidation d’un coût global et
lancement d’évaluations
ex post
Des dotations de l’État à réformer
Programmée puis différée, la réforme
des concours financiers de l’État paraît
plus que jamais nécessaire . Au-delà de
la technicité des dispositifs à réviser,
l’enjeu est de rehausser l’efficacité et
l’équité des dotations de l’État comme
facteurs d’évolution de la dépense
locale . Différents travaux dont ceux
de la Cour ont montré l’utilité d’un
rééquilibrage du poids respectif des
dotations « forfaitaires » et des dota-
tions de péréquation . Les premières
aggravent les disparités de dépense
liées aux inégalités de richesse des
collectivités quand les secondes ont
vocation à les réduire .
L’évolution de la situation financière
des collectivités locales
12
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Cette réforme des dotations de l’État
doit être conçue dans la perspective
de la contribution des collectivités
territoriales au redressement des
comptes publics . Pour la Cour, cette
contribution doit être maintenue
moyennant une révision de ses
modalités puisque la DGF ne peut
plus en être le support principal, le
prélèvement sur sa part forfaitaire
ayant atteint sa limite .
Le nouveau dispositif devrait avoir
pour objectif d’inciter à une meilleure
maîtrise de la dépense en réduisant
la part des dotations forfaitaires et
en renforçant celle des dotations
de péréquation . Il devrait aussi tenir
compte des efforts de gestion déjà
consentis par les collectivités et de leurs
niveaux respectifs de richesse et de
charges .
Par ailleurs, en ce qui concerne les
recettes des collectivités locales, la Cour
rappelle, à la suite de son précédent
rapport sur les finances publiques
locales
8
, l’importance qu’elle attache à
la poursuite de la révision des valeurs
locatives cadastrales, opérationnelle
pour les locaux commerciaux et à
poursuivre pour les locaux d’habitation .
Cette révision demeure indispensable
pour rétablir la fiabilité et l’équité de
l’imposition locale .
L’évolution de la situation financière
des collectivités locales
8
Cour des comptes,
Les finances publiques locales, Rapport sur la situation financière et la
gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics,
La Documentation
française, octobre 2016,
439 p ., disponible sur www .ccomptes .fr
13
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Dans ses précédents travaux sur la
qualité et la fiabilité de l’information
financière locale, la Cour a déjà formulé
des observations et des recommandations
sur la nécessité de renforcer la lisibilité
des états financiers locaux, la fiabilité
de l’information financière locale, le
rôle du comptable public, la coopération
de l’ordonnateur et du comptable et le
contrôle interne comptable et financier .
L’expérimentation de la certification des
comptes publics locaux et la perspective
d’un compte financier unique substitué
au compte administratif et au compte
de gestion ont aussi fait l’objet de
recommandations
9
qui sont d’ailleurs
partiellement suivies d’effets .
L’enjeu de la qualité
des comptes publics locaux
L’exigence de qualité des comptes
des administrations publiques est
un
principe
constitutionnel .
Les
comptes publics doivent être régu-
liers, sincères et fidèles . En dépend,
notamment la possibilité de me-
surer le niveau de performance de
l’action publique . Obligation consti-
tutionnelle et communautaire en
même temps que condition
sine qua
non
de la maîtrise des finances pu-
bliques, la fiabilité de l’information
financière contribue au bon fonc-
tionnement de la démocratie locale
et à l’obtention d’une allocation op-
timale des ressources .
Des anomalies persistantes
Lors de leur contrôle de la gestion
des collectivités locales, les chambres
régionales des comptes (CRC) continuent
de relever une insuffisante application
des règles budgétaires et comptables de
séparation des exercices, de prudence ou
d’image fidèle du patrimoine . La lenteur
des progrès constatés traduit la difficulté
pour de nombreuses collectivités de se
conformer pleinement aux règles de la
comptabilité en droits constatés, base
du système d’information comptable . Le
présent rapport illustre les principales
anomalies relevées par les CRC en ce qui
concerne le rattachement des charges
et des produits à l’exercice, l’application
du principe de prudence en matière
de provisions et la connaissance du
patrimoine (suivi de l’inventaire et
lacunes en matière d’amortissements) .
Les carences en matière de ratta-
chement des charges et des produits
peuvent avoir des incidences directes
sur l’estimation exacte du résultat
financier dégagé par une collectivité . Le
développement de procédures de suivi
des engagements par des contrôles
internes plus rigoureux, voire par l’inter-
vention de contrôles externes, permettrait
de remédier aux anomalies encore
fréquentes dans ce domaine .
La connaissance de leur patrimoine
par les collectivités apparaît le plus
souvent comme lacunaire alors que
la fiabilisation de la comptabilité
patrimoniale constituait l’une des
ambitions premières de la réforme
des instructions comptables intervenue
en 1997 . Le principe de valorisation
retenu, excluant toute réévaluation du
bilan et reposant sur une reconstitution
au coût historique, devait permettre de
réunir les données comptables relatives
aux immobilisations .
La fiabilité des comptes
publics locaux
2
9
Cour des comptes,
Rapport public thématique : Les finances publiques locales.
La Documentation
française, octobre 2013, 475 p ., disponible sur www .ccomptes .fr
14
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Les
différents
constats
dressés
confirment
que,
si
des
progrès
sont
enregistrés
dans
la
tenue
des comptes, d’importants efforts
restent encore à accomplir . Une plus
grande maîtrise des notions comptables
de prudence est indispensable au respect
du cadre résultant des engagements
communautaires . Concernant l’actif, un
enregistrement et un suivi rigoureux
des biens d’une collectivité par le
comptable public associés à une étroite
collaboration avec l’ordonnateur sont
susceptibles de réduire considérablement
ces anomalies .
Les leviers d’amélioration
de la qualité des comptes
publics locaux
La fiabilité des comptes publics locaux
comme la qualité des processus de
contrôle
interne
sont
essentielles
pour évaluer la situation financière
des collectivités territoriales à un
moment où celles-ci doivent exercer
une vigilance renforcée sur l’évolution
de leurs dépenses du fait de la réduction
des concours financiers de l’État, des
incertitudes diverses sur leurs recettes
fiscales (variations conjoncturelles de
la CVAE, de la TICPE et des DMTO ;
réforme de la taxe d’habitation) et
des coûts de transition inhérents à
la réforme territoriale .
Le renforcement du rôle du comptable
public dans le contrôle de la qualité
des comptes, sa collaboration étroite
avec l’ordonnateur, la construction
d’un compte financier unique
10
, ainsi
que le développement du contrôle
interne comptable et financier demeurent
des axes forts pour améliorer la qualité
des comptes publics locaux .
Malgré les progrès enregistrés depuis une
vingtaine d’années dans l’amélioration de
la qualité comptable, il reste beaucoup
à faire . La DGFiP, par sa capacité de
mobilisation du réseau de comptables
publics, doit contribuer pleinement à
cette amélioration . Par leurs observations
constructives, les chambres régionales
des comptes continueront à encourager
l’amélioration de la qualité de l’infor-
mation financière à laquelle le public
est légitimement attentif .
Enfin, l’expérimentation de la certification
des comptes publics locaux doit être
un puissant levier d’amélioration de
la qualité des états financiers des
collectivités territoriales et de leurs
établissements publics .
En vertu de l’article 110 de la loi NOTRé,
la Cour des comptes conduit, en
liaison avec les chambres régionales
des comptes, une expérimentation
destinée à permettre d’établir les
conditions préalables et nécessaires
à la certification des comptes du
secteur public local . Cette démarche
repose sur le volontariat de 25 entités
expérimentatrices,
collectivités
territoriales et groupements inter-
communaux, de toutes catégories
et taille démographique . Commencée
en 2017 avec l’établissement pour
chaque entité d’un diagnostic global
d’entrée, elle doit se poursuivre jusqu’en
2022 . Cette démarche, qui doit conduire
à l’élaboration de « dispositifs destinés
à assurer la régularité, la sincérité et la
fidélité des comptes des collectivités
territoriales et de leurs groupements »
11
,
s’inscrit dans la recherche d’une
amélioration
de
la
qualité
des
comptes publics locaux .
La fiabilité des comptes publics locaux
10
L’IGF et l’IGA ont été chargées par lettre de mission du 1
er
mars 2017 d’élaborer un projet de compte
financier unique (CFU) dans le cadre budgétaire et comptable des collectivités locales . L’adoption de
la norme relative aux états financiers est de nature à encourager la mise en œuvre du CFU .
11
Article 110 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 .
15
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Depuis les lois fondatrices de mars
1982 et juillet 1983 en passant par
la loi d’août 2004 dite Acte II de la
décentralisation, les responsabilités
de chaque niveau de collectivités ont
été renforcées sans se préoccuper de
la gouvernance de l’ensemble . Il en
résulte une superposition des niveaux
d’administration et un enchevêtrement
de leurs compétences respectives,
facteurs de surcoûts et de perte
d’efficacité dans la conduite des
politiques publiques . De multiples
rapports parlementaires ou adminis-
tratifs au cours des vingt dernières
années
ainsi
que
des
enquêtes
conjointes de la Cour des comptes
et des chambres régionales des
comptes ont montré à quel point la
simplification si souvent évoquée
de ce « millefeuille territorial » était
une nécessité .
Partant de ce constat, la réforme
territoriale mise en œuvre en application
de plusieurs lois adoptées en 2014 et
2015 a poursuivi deux buts principaux :
renforcer les responsabilités des régions
par rapport à celles des départements et
réduire le nombre des intercommunalités
pour en faire des structures de proximité
et d’efficacité au service de l’action locale .
Le paysage des collectivités locales a été
modifié, leurs territoires comme leurs
compétences . Toutefois,
la volonté
initialement affichée de faire disparaître
le
département
12
ne
s’est
pas
concrétisée . Il a conservé nombre
de ses compétences de proximité
13
La
réforme n’a que partiellement simplifié
l’architecture institutionnelle locale et
la répartition des compétences entre
catégories de collectivités, qui demeurent
d’une grande complexité .
L’architecture encore complexe
du paysage institutionnel local
Cette nouvelle architecture est marquée
par la réduction du nombre des acteurs
territoriaux (régions, EPCI, communes)
et l’affirmation des métropoles avec
l’idée sous-jacente qu’une plus grande
dimension permet d’atteindre une effi-
cience supérieure grâce à la mutualisation
des services et à la rationalisation des
politiques publiques .
De
grandes régions
ont vu le jour
en application de la loi du 16 janvier
2015 relative à la délimitation des
régions, qui a ramené de 22 à 13 le
nombre des régions métropolitaines .
Cependant, plus grandes en superficie et
en population, elles ne peuvent toujours
pas être comparées à leurs voisines
européennes
aux
compétences
beaucoup plus larges . Ainsi, le seul
budget de la Bavière correspond au
double du budget de l’ensemble des
régions françaises . Par ailleurs, les
régions fusionnées devront adapter
L’état d’avancement
de la réforme territoriale
3
12
Discours de politique générale du Premier ministre à l’Assemblée nationale, 8 avril 2014 .
13
Du fait de modifications substantielles apportées par le Sénat au projet de loi NOTRé .
16
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
leurs processus de décision et leurs
modes de gestion pour pouvoir admi-
nistrer de vastes territoires, à l’instar
de la Nouvelle-Aquitaine qui s’étend
sur 84 000 km², soit la superficie de l’Au-
triche .
Des
métropoles
fédèrent désormais
les grandes aires urbaines, sous l’ef-
fet de la loi du 27 janvier 2014 de
modernisation de l’action publique
territoriale et d’affirmation des métro-
poles (MAPTAM), avec pour mission
de « faire jeu égal avec les métropoles
européennes », d’être des « locomo-
tives » du développement régional et
de dynamiser les territoires environ-
nants . Toutefois, leur multiplication
(15 après la loi MAPTAM puis poten-
tiellement 22 avec la loi « Paris » de
2017
14
) et leur répartition inégale sur
le territoire ne paraissent pas totale-
ment cohérentes avec ce projet . De
plus, l’effet réel d’irrigation des terri-
toires avoisinants par les métropoles
fait débat .
L’état d’avancement de la réforme territoriale
14
Loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain .
Les métropoles au sein des nouvelles régions
Corse
Île-de-France
Bretagne
Hauts-
de-France
Pays-
de-la-Loire
0
100 km
Cour des comptes/SRPP - AA- Juillet 2017
Provence-Alpes
Côte d’Azur
Corse
Île-de-France
Nouvelle-
Aquitaine
Normandie
Grand-Est
Bourgogne-
Franche-
Comté
Occitanie
Auvergne-
Rhône-Alpes
15 métropoles créées par la loi MAPTAM
7 métropoles créées par la loi Paris
Orléans
Métropole
Dijon
Métropole
Metz
Métropole
Clermont-
Auvergne
Métropole
Toulon
Provence
Méditérranée
Tours Métropole
Val de Loire
Saint-
Étienne
Métropole
Aix-Marseille
Provence
Métropole de Nice
Métropole de Lyon
Eurométropole
de Strasbourg
Bordeaux
Métropole
Toulouse
Métropole
Métropole
européenne
de Lille
Métropole
Rouen
Normandie
Métropole
du Grand Paris
Nantes
Métropole
Rennes
Métropole
Brest
Métropole
Océane
Métropole du Grand
Nancy
Grenoble Alpes
Métropole
Montpellier
Méditerranée
Métropole
Source : Cour des comptes
17
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Une carte intercommunale resserrée a
été mise en place par l’État en application
de la loi du 7 août 2015 portant
nouvelle
organisation
territoriale
de la République (NOTRé) . Depuis
le 1
er
janvier 2017, elle ne compte
que 1 266 EPCI
15
à fiscalité propre
au lieu de 2 062 un an plus tôt, soit une
baisse de 39 % . Considérablement plus
étendus, les territoires des communautés
de communes et des communautés
d’agglomération sont aussi devenus
plus composites, rendant moins claire
la distinction entre ces deux catégories .
La nouvelle carte intercommunale
appelle une nouvelle gouvernance
locale . En particulier, la taille moyenne
des EPCI a fortement augmenté, 22 %
d’entre eux sont composés de plus
de 50 communes . Sur d’aussi vastes
territoires, leur fonctionnement en
tant que structures de proximité peut
s’avérer délicat . Pour peser davantage
en leur sein, des communes choisissent
de fusionner dans le cadre du dispositif
offert par la loi de mars 2015 sur les
communes nouvelles
16
, qui a connu un
franc succès (517 communes nouvelles
créées en 2015 et 2016) .
En définitive, la réforme territoriale ne
remédie pas à la complexité du paysage
institutionnel local . Elle ne supprime
aucun niveau d’administration publique,
hormis sur le territoire de la métropole
de Lyon, et en ajoute même un sur
celui des métropoles du Grand Paris et
d’Aix-Marseille-Provence .
Une clarification timide
de la répartition des compétences
L’objectif de la réforme territoriale
était,
selon
l’exposé
des
motifs
de la loi NOTRé, d’aboutir à une
articulation plus efficace, plus claire
et moins coûteuse des interventions
des différents niveaux de collectivités .
Si la suppression de la clause générale
de compétence des départements et
des régions représente une avancée,
le
mouvement
de
rationalisation
reste inachevé et la répartition des
compétences demeure compliquée .
La faible ampleur des transferts
de compétences
Les transferts des compétences des
départements vers les régions et les
métropoles ont été limités au regard
du projet de loi NOTRé qui prévoyait
de transférer des pans entiers de
compétences vers les régions (voirie,
collèges, transports) . Finalement, seuls
l’ont été les transports, essentiellement
interurbains
et
scolaires,
pour
un
montant, en charges transférées, de
2,28 Md€, soit 3,9 % des dépenses de
fonctionnement des départements et
10 % de celles des régions . Les transferts
aux métropoles, laissés dans une large
mesure à la discrétion des collectivités,
se sont faits
a minima
et ne représentent
que 160 M€, soit 0,3 % des dépenses de
fonctionnement des départements et
2,6 % des recettes de fonctionnement
des métropoles .
L’état d’avancement de la réforme territoriale
15
EPCI : établissement public de coopération intercommunale .
16
Loi du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des
communes fortes et vivantes .
18
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Une répartition des compétences
entre collectivités toujours compliquée
La répartition des compétences n’a
guère été simplifiée . Certes, la loi
NOTRé a retiré aux départements
leur compétence dans le domaine du
développement
économique
dont
les régions reçoivent en propre la
« responsabilité », notion dont la
portée juridique nouvelle est plus
large que celle de « chef de file »,
précédemment retenue . En particulier,
les régions arrêtent désormais le régime
d’aides aux entreprises, qui s’impose aux
autres collectivités de leur territoire .
La portée limitée de la logique
de spécialisation
En dépit de la volonté initiale de
clarification, la loi NOTRé prévoit le
maintien de compétences partagées
dans plusieurs domaines (égalité
hommes-femmes,
culture,
sports,
tourisme, langues régionales, éducation
populaire) . En outre, la mission de
solidarité territoriale reconnue aux
départements leur laisse la capacité de
financer des opérations ne relevant
pas strictement de leur champ de
compétence en finançant des projets
dont les communes ou leurs groupe-
ments sont maîtres d’ouvrage . Même
dans le domaine du développement
économique,
les
départements
conservent des compétences résiduelles
dans des cas limitativement définis
par la loi .
Au total, l’objectif de rationalisation
des interventions des collectivités et
de moindres enchevêtrements de leurs
compétences n’est que partiellement
atteint .
Des coûts de transition
qui restent à évaluer
La mise en œuvre de la réforme
territoriale se traduit par l’ouverture
de nombreux chantiers administratifs
au sein des collectivités concernées
(réorganisation
institutionnelle
et
administrative, refonte des fonctions
support, territorialisation de l’action
publique, fusion des organes satellites) .
L’ensemble de ce processus complexe
prendra plusieurs années et induira
inévitablement des coûts de transition
dont certains sont d’ores et déjà
enregistrés .
Au-delà, des surcoûts pérennes de
gestion, liés notamment, dans les
collectivités fusionnées (régions, EPCI,
communes nouvelles), à l’harmonisation
par le haut des régimes indemnitaires,
du temps de travail et des politiques
publiques,
pourraient
obérer
les
économies structurelles attendues
à moyen et long terme . La Cour
appelle les collectivités à une vigilance
particulière sur ces risques de dépenses .
Au total, la réforme territoriale engagée
devrait être considérée comme une
première étape . Différentes pistes
d’évolution sont ouvertes comme,
par exemple, simplifier les catégories
d’EPCI ou reproduire la réforme mise en
œuvre à Lyon .
L’état d’avancement de la réforme territoriale
19
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
D’une population totale de 1,9 million
d’habitants, les départements d’outre-
mer, hors Mayotte, possèdent une
organisation institutionnelle constituée
d’un nombre relativement limité de
collectivités locales . Avec 112 communes,
ils ne souffrent pas du même émiette-
ment communal qu’en métropole .
Ils sont entièrement couverts par
des
groupements
intercommunaux
(18 EPCI au total) mais ceux-ci n’exercent
réellement que peu de compétences, y
compris s’agissant des infrastructures
de réseau . Un conseil départemental
et un conseil régional coexistent sur
le même territoire à La Réunion et en
Guadeloupe alors que deux collectivités
territoriales uniques ont été créées en
Guyane et Martinique le 1
er
juillet 2016 .
Les
départements
d’outre-mer
(DOM) présentent des caractéristiques
particulières
qui
ont
un
impact
sur la situation financière de leurs
collectivités locales . Ils ne sont pas
confrontés aux mêmes enjeux démo-
graphiques : La Réunion et la Guyane
présentent
une
forte
croissance
démographique, que ne connaissent
plus la Guadeloupe et la Martinique .
En revanche, ils connaissent tous des
difficultés économiques, quoique à
des degrés différents, avec un produit
intérieur brut (PIB) qui s’établit en
moyenne à 59 % de celui enregistré en
métropole en 2013-2014, un revenu
moyen par habitant inférieur de 60 % en
2015 à celui de l’hexagone (hors Paris) et
un taux de chômage qui atteint plus
du double de celui de l’hexagone .
Dans ce contexte, les départements
d’outre-mer
ont
une
économie
très dépendante du secteur public
(commande publique, emplois, aides
et prestations) .
La situation financière
des collectivités des départements
d’outre-mer
17
4
17
Les constats de la Cour s’appuient sur l’exploitation des travaux des chambres régionales des
comptes La Réunion, Mayotte et Guadeloupe, Guyane, Martinique ainsi que sur une instruction
menée auprès des services préfectoraux de ces départements, des services déconcentrés de
la DGFiP et des administrations centrales concernées .
20
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
La situation financière des collectivités
des départements d’outre-mer
Une situation financière
paradoxale : des ressources
élevées, un autofinancement
faible
Des recettes à la structure atypique
et globalement élevées
La situation financière des collectivités
locales est plus dégradée dans les
départements
d’outre-mer
qu’en
métropole malgré leur niveau de
recettes supérieur permis par l’octroi
de mer, que se partagent les communes
et les régions, et la taxe spéciale sur la
consommation de carburants, qui va
uniquement à ces dernières . En 2016,
ces recettes propres à l’outre-mer
représentaient 19,1 % des recettes
de
fonctionnement
en
Martinique,
22,5 % en Guyane, 20,8 % en Guadeloupe
et 15,7 % à La Réunion .
À l’inverse, les produits des impôts
directs locaux sont proportionnellement
moins importants dans les départe-
ments d’outre-mer . Dans les communes
de Guadeloupe, de Martinique et de La
Réunion, ils sont inférieurs de 20 % à 30 %
à ceux des communes de métropole, et
même de 40 % dans celles de Guyane .
Les impôts directs locaux ont un faible
rendement à cause des nombreuses
exonérations accordées et du recen-
sement lacunaire des bases fiscales,
auquel la DGFiP a entrepris de remédier
progressivement en partenariat avec les
collectivités .
Par ailleurs, les collectivités d’outre-mer
bénéficient également de mécanismes
de péréquation horizontaux et verticaux
particuliers, faisant appel à des moda-
lités de calcul spécifiques . Il n’est pas
certain que ceux-ci soient globalement
à l’avantage des collectivités d’outre-
mer dont la situation est en moyenne
plus dégradée que dans l’hexagone .
C’est la raison pour laquelle la Cour
recommande de procéder aux simu-
lations nécessaires en vue d’aligner
sur le droit commun les modalités de
répartition de la péréquation verticale
et horizontale des collectivités des
départements d’outre-mer .
Des charges de personnel élevées
Le montant moyen des recettes par
habitant nettement plus élevé qu’en
métropole favorise un niveau très
supérieur de dépenses de fonction-
nement . Cette dérive est observée
globalement dans les communes de
Guadeloupe, Martinique et La Réunion,
ainsi que dans les départements de
Guadeloupe et de La Réunion .
Le surcroît de recettes, au lieu de
répondre aux besoins d’équipements
des territoires, alimente des niveaux
élevés de dépenses de fonctionnement .
La forte propension à la dépense
publique locale se manifeste particu-
lièrement en matière de personnel .
Les collectivités locales d’outre-mer se
caractérisent par le niveau excessif de
leur masse salariale, qui résulte d’effectifs
manifestement surdimensionnés au
regard des besoins du service public .
Cette anomalie est aggravée par la
majoration peu justifiée du traitement
des agents territoriaux .
La loi du 26 janvier 1984 autorise en
effet les collectivités territoriales à
accorder une majoration de traitement
à leurs agents titulaires selon un
principe de parité avec les régimes
indemnitaires des services de l’État .
Cette « sur-rémunération » varie de
40 % (Guadeloupe, Guyane, Martinique)
à 54 % (La Réunion) du traitement
21
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
La situation financière des collectivités
des départements d’outre-mer
brut de base . Elles ne correspondent
pas à des contraintes réelles dans la
fonction publique territoriale mais
pèsent lourdement sur l’équilibre
des comptes locaux .
Le poids des charges de personnel
résulte également d’effectifs supérieurs
à ceux des collectivités de métropole
avec un taux d’administration d’un tiers
plus élevé . Pour 1 000 habitants, les
collectivités locales disposent en
moyenne en outre-mer de 10 agents
de plus qu’en métropole (25,1 ‰) .
Ces sureffectifs passent notamment
par un recours massif aux contrats
aidés comme à La Réunion .
Une situation financière dégradée
Les deux tiers des 136 collectivités de
ces quatre départements connaissent
une
situation
financière
fragile,
dégradée ou critique . Ainsi, la moitié
des communes de Martinique et de
Guyane, et un tiers de celles de
Guadeloupe ont une épargne brute
négative . Les départements de La
Réunion et de la Guadeloupe ne par-
viennent à dégager qu’une faible
épargne nette . Quant aux deux
collectivités
uniques,
nouvellement
créées, de Martinique et de Guyane,
elles traversent aussi de graves
difficultés financières .
Évolution du taux d’épargne brute
des communes d’outre-mer
Évolution du taux d’épargne brute
des intercommunalités d’outre-mer
16 %
14 %
12 %
10 %
8 %
6 %
4 %
2 %
0 %
- 2 %
2016
2013
2014
2015
2,30 %
- 0,20 %
2,80 %
2,90 %
2,00 %
2,30 %
3,60 %
7,90 %
6,15 %
8,30 %
5,60 %
10,95 %
3,33 %
7,80 %
7,30 %
9,40 %
14,70 %
13,40 %
13,90 %
14,90 %
- 5 %
0 %
5 %
10 %
15 %
20 %
25 %
30 %
35 %
2016
2013
2014
2015
Guadeloupe
France entière
Guyane
La Réunion
Martinique
Guadeloupe
France entière
Guyane
La Réunion
Martinique
7,5 %
1,6 %
3,0 %
0 %
11,8 %
12,2 %
15,1 %
13,8 %
14,3 %
15,9 %
18,5 %
18,5 %
32,5 %
21,9 %
21,2 %
18,3 %
23,1 %
33,0 %
11,7 %
9,9 %
8,2 %
Source : Cour des comptes d’après données DGFiP
Source : Cour des comptes d’après comptes de
gestion des intercommunalités
Cependant, cette faiblesse de l’autofi-
nancement due à la mauvaise qualité
de la gestion courante n’empêche
pas les collectivités d’investir, dans
l’ensemble, de façon croissante et
plus
importante
qu’en
métropole
grâce aux subventions reçues de l’État
et de l’Union européenne, et au recours
prononcé à l’emprunt .
22
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Moyenne 2013-2015 des dépenses
d’investissement par habitant
des collectivités d’outre-mer,
hors emprunt
Source : Cour des comptes – données DGFiP.
La référence nationale résulte de la moyenne
2012, 2013, 2015 établie par l’Observatoire
des finances locales pour les communes de
métropole hors Paris, les communautés d’ag-
glomération, les départements de métropole
hors Paris, les régions de métropole hors Île-
de-France.
Les difficultés des services
publics locaux
Les collectivités des départements
d’outre-mer se caractérisent par un
moindre niveau de service public .
En particulier, les services publics
d’eau
potable,
d’assainissement
et de gestion des déchets rencontrent
d’importants problèmes d’exploitation,
liés aux caractéristiques géographiques
(l’isolement) et climatiques (l’usure
prématurée des matériels) de ces
territoires mais également à la situa-
tion financière des collectivités locales .
L’absence de ressources suffisantes,
issues notamment de la tarification des
services, ne leur permet pas de dégager
une capacité d’autofinancement suffi-
sante pour financer des investissements
d’extension et de renouvellement des
réseaux pourtant particulièrement
nécessaires . La maîtrise des charges
d’exploitation, tant dans le domaine de
l’eau et de l’assainissement que dans
celui de la gestion des déchets, revêt
un intérêt capital .
La nécessité d’une action forte
d’accompagnement par l’État
des efforts des collectivités
Le redressement de cette situation
financière très préoccupante passe
d’abord par un effort de gestion de la
part de l’ensemble des collectivités
locales . Comme le rappellent souvent
les travaux des chambres régionales
des comptes La Réunion, Mayotte et
Guadeloupe, Guyane, Martinique, les
principaux leviers d’action sont à la
main des collectivités qui doivent agir
tant sur l’assiette et le recouvrement
de leurs recettes que sur l’évolution de
leurs dépenses de fonctionnement
et en particulier de personnel afin
de dégager des moyens pour investir .
Les services de l’État, préfectures et
directions
des
finances
publiques,
ainsi
que
l’Agence
française
de
développement sont très présents
auprès des collectivités . Le soutien
qu’ils leur apportent doit toutefois
devenir plus structurel pour les aider à
réaliser des efforts pérennes .
Les recommandations de la Cour
consistent notamment à réorienter
une partie des recettes spécifiques
(octroi de mer, taxe spéciale sur les
carburants) du fonctionnement vers
l’investissement et, d’autre part, à
soutenir les collectivités en moyens
d’expertise et d’ingénierie en vue de
renforcer leur gestion administrative
et budgétaire, et le pilotage de projets
d’investissement .
La situation financière des collectivités
des départements d’outre-mer
0 %
100 %
200 %
300 %
400 %
500 %
600 %
Guadeloupe
Référence
nationale
Guyane
La Réunion
Martinique
Communes
EPCI
Département
Régions
23
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Pour une part, les dépenses des
départements dans l’exercice de
leurs
compétences
en
matière
d’aide sociale correspondent au
versement d’allocations de solida-
rité : le revenu de solidarité active
(RSA),
l’allocation
personnalisée
d’autonomie (APA), la prestation de
compensation du handicap (PCH)
et l’allocation compensatrice pour
tierce personne (ACTP), cette dernière
tendant à disparaître . Elles concernent,
d’autre part, le paiement de frais de
séjour et d’hébergement dans le cadre
de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ainsi
que l’aide aux personnes âgées et aux
personnes handicapées . Ces dépenses
sociales s’élevaient à 32 Md€ en 2016 .
Les constats de la Cour s’appuient
notamment sur les observations issues
des contrôles opérés en 2016 par les
chambres régionales des comptes dans
25 départements et sur l’analyse des
comptes de gestion de l’ensemble des
départements
18
Les dépenses sociales, facteur
de dégradation de la situation
financière des départements
Le poids croissant des dépenses
sociales (de 50 % des dépenses de
fonctionnement en 2010 à 55 % en
2016) et leur forte augmentation
(+ 25 % de 2010 à 2016) ont contribué
à la dégradation d’ensemble de la
situation financière des départements .
La part croissante des dépenses de
RSA (31 % des dépenses sociales des
départements en 2016 contre 28 %
en 2010) explique près de la moitié de
l’augmentation des dépenses sociales
sur cette période .
L’impact budgétaire des dépenses
sociales varie fortement selon les
départements . Le rapport illustre
ces disparités de situation par différents
exemples . L’importance des dépenses
sociales dépend en effet de facteurs
démographiques et socio-économiques,
notamment celles de RSA (taux de
chômage) et d’APA (part des personnes
de plus de 75 ans dans la population) . En
matière de handicap et d’aide sociale à
l’enfance, la plus grande latitude dont
disposent les départements pour fixer le
montant des aides génère d’importants
écarts de coût par bénéficiaire .
L’impact des dépenses sociales
sur l’équilibre financier
des départements
5
18
Le champ de cette analyse financière ne prend en compte ni le département du Rhône,
dont une part des dépenses sociales a été transférée à la métropole du Grand Lyon en
2015, ni le département de Mayotte du fait de sa situation particulière qui a fait l’objet d’un récent
rapport de la Cour (
Rapport public thématique : La départementalisation de Mayotte : une réforme
mal
préparée, des actions prioritaires à conduire.
La Documentation française, janvier 2016, 164 p .,
disponible sur www .ccomptes .fr), ni les départements de Guyane et de Martinique, qui ont fusionné
avec les régions pour former des collectivités uniques en 2016 .
24
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Part des dépenses sociales dans les dépenses de fonctionnement des départements en 2016
Ensemble des départements hors Rhône, Guyane et Martinique
Source : Cour des comptes – données DGFiP
Les dépenses sociales des départements
sont en partie couvertes par des
financements spécifiques de l’État
décidés lors du transfert des compé-
tences correspondantes . S’y ajoute,
depuis 2013, le bénéfice du fonds de
solidarité en faveur des départements
(FSD) et de la dotation de compensation
péréquée (DCP) .
Pour autant, le taux de couverture
des
dépenses
d’allocation
par
ces
financements spécifiques s’est dégradé
de 59 % en 2011 à 57 % en 2015 . Alors
que les dépenses sociales (allocations et
aides à la personne) ont augmenté de
4,6 Md€ au cours de cette période, ces
financements n’ont progressé que de
1,5 Md€ . La part des dépenses sociales
non couvertes s’est accrue de 3,1 Md€,
soit nettement plus que les autres
recettes de fonctionnement des
départements
(+
1,8 Md€) .
Une
partie de cette différence est venue
dégrader leur épargne brute dont
la baisse de 25 % au cours de cette
période est principalement imputable
aux dépenses sociales .
Des marges d’action à mieux
exploiter
Les départements pourraient mieux
employer les leviers dont ils disposent
en vue de maîtriser l’évolution de
leurs dépenses sociales . Certes, ils ne
sont pas entièrement libres d’exercer
leur compétence de droit commun
en matière d’action sociale . Leurs
responsabilités
sont
partagées
localement avec de nombreux acteurs
et leur rôle de chef de file est affaibli
par l’éclatement des dispositifs de
coordination . Pourtant, cette orga-
nisation complexe leur laisse des
marges d’action variables selon
les prestations . Le présent rapport
cite en la matière des exemples de
bonnes pratiques relevées par les
chambres régionales des comptes
au cours de leurs contrôles .
Le pouvoir de décision
des départements
L’exercice
de
leurs
responsabilités
par les départements est soumis
à un encadrement juridique strict
L’impact des dépenses sociales sur l’équilibre
financier des départements
25
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
s’agissant du versement du RSA : le
montant de l’allocation, les critères
d’éligibilité, les modalités d’attribution
et les décisions de revalorisation sont
fixés par l’État et laissent peu de
pouvoir de décision aux départements .
En pratique, les services départementaux
interviennent
peu
dans
l’instruction
des demandes, assurée par les CAF et
les caisses de MSA
19
, ainsi que dans le
paiement de l’allocation, l’information
sur les droits et devoirs des bénéfi-
ciaires et le contrôle de leur respect, la
récupération des indus et la lutte contre
la fraude .
En revanche, les départements disposent
d’un pouvoir de décision plus étendu dans
l’octroi des autres prestations sociales .
La définition des plans d’aide
La définition des plans d’aide aux
personnes âgées ou aux personnes
handicapées
laisse
une
marge
d’appréciation
aux
départements
dont beaucoup se saisissent pour
tenter de maîtriser l’évolution des
dépenses
correspondantes .
Ainsi,
la participation moyenne des dépar-
tements aux plans d’aide à domicile
destinés aux personnes âgées a sensi-
blement diminué entre 2009 et 2014 .
Certains départements ont harmonisé
leur évaluation de la dépendance et
diminué le nombre d’heures de service
prescrites . Des référentiels ont été
élaborés pour établir les plans d’aide
et plafonner le nombre d’heures ou les
montants accordés à la personne âgée .
Cette logique pourrait être étendue en
définissant le financement public en
fonction du mode de prise en charge
le moins onéreux compte tenu du
niveau de dépendance de la personne .
D’autres départements qui appliquaient
des conditions plus favorables que celles
fixées par la réglementation ont réduit
leurs dépenses en se conformant à cette
dernière .
Concernant les personnes handicapées,
la réduction du montant moyen des
plans d’aide passe notamment par une
compensation plus stricte de la dépen-
dance, souvent couplée avec le choix
de privilégier la rémunération d’aidants
familiaux plutôt que l’intervention de
prestataires extérieurs .
L’impact des dépenses sociales sur l’équilibre
financier des départements
19
Et quelques autres acteurs comme les centres communaux d’action sociale (CCAS) et des
associations .
Montant des plans d’aide APA à domicile par bénéficiaire
et montant moyen des plans d’aide PCH par bénéficiaire en 2015
4252
6991
2594
3916
4742
5752
11383
2723
4687
7095
0
2000
4000
6000
8000
10000
12000
Médiane
Maximum
Minimum
Quartile 1
(max des 25 %
moins chers)
Quartile 3
(max des 25 %
plus chers)
APA
PCH
Source : Cour des comptes d’après données DREES et DGCL
pour l’ensemble des départements
26
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Le choix du mode d’hébergement
Afin de mieux maîtriser leurs dépenses
sociales, la plupart des départements
cherchent à éviter l’hébergement en
établissement . Ainsi, en matière d’aide
sociale à l’enfance (ASE), le principal
déterminant
de
la
disparité
des
dépenses est la part du placement
familial : les départements où celle-ci
est élevée par rapport au placement
en établissement
présentent
des
dépenses par enfant nettement
inférieures à la moyenne . De plus,
depuis la loi du 5 mars 2007, les
départements
doivent
s’efforcer
de privilégier le placement au sein
de structures permettant l’accueil
temporaire, voire le maintien des
enfants
dans
leur
famille .
Les
chambres régionales des comptes
ont constaté que des départements
ont recours à ces mesures alterna-
tives au placement qui contribuent
également à la maîtrise de la dépense .
L’insertion sociale et professionnelle
des bénéficiaires du RSA
Le développement des actions
d’insertion favorise la sortie du
dispositif d’allocations d’une partie des
bénéficiaires du RSA et constitue un
moyen de maîtriser les dépenses
sociales . Or, les moyens consacrés
par les départements aux actions
d’insertion sont orientés à la baisse
depuis 2011 . Du fait de leur accroisse-
ment, le suivi individuel des allocataires
du RSA par les services départementaux
est souvent lacunaire . Plus de la moitié
des bénéficiaires du RSA (orientés vers
la voie professionnelle) ne sont pas
suivis directement par les services
du département .
Certains départements ont renforcé leurs
actions en améliorant les procédures
de suivi des bénéficiaires et en mettant
l’accent sur l’insertion professionnelle
des allocataires et le lien avec les
besoins d’embauche des entreprises .
Ces démarches s’appuient souvent sur
la création de groupements d’intérêt
public et associent l’ensemble des
acteurs concernés (État, Pôle Emploi,
région, département, communautés
de communes, chambres consulaires,
entreprises) .
La régulation de l’offre d’hébergement
et de services
Les départements jouent un rôle
majeur en matière de régulation
de
l’offre
des
établissements
du
secteur médico-social . Ils adoptent
des
schémas
d’organisation
qui
visent à adapter l’offre aux besoins
des publics concernés . Ces schémas
souffrent parfois d’un manque de
détail, notamment sur le nombre
et les types de places à créer, la
planification des réalisations ou
leur budget prévisionnel . Certains
départements ont engagé des actions
de mise en réseau des établissements
d’hébergement et de mutualisation
de leurs moyens afin de rapprocher
les EHPAD
21
et de leur permettre de
diminuer leurs coûts de fonctionnement
et leurs tarifs .
L’exercice de l’autorité tarifaire
Les départements sont responsables
de la tarification des établissements
d’hébergement et des services à
la personne . Ils arrêtent le taux
d’évolution des tarifs d’hébergement
à travers l’objectif d’évolution des
dépenses (OED), voté par le conseil
départemental .
De
plus,
certains
L’impact des dépenses sociales sur l’équilibre
financier des départements
20
Cour des comptes,
Rapport public thématique : Le maintien à domicile des personnes âgées
en perte d’autonomie, Une organisation à améliorer, des aides à mieux cibler.
La Documentation
française, juillet 2016, 198 p ., disponible sur www .ccomptes .fr
27
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
départements
se
sont
dotés
de
moyens pour cerner les coûts facturés
par les établissements . D’autres se
sont engagés dans une démarche de
convergence tarifaire en fonction
du coût à la place dans chaque
établissement par comparaison avec
la moyenne départementale .
Dans la perspective de la généralisation
des contrats pluriannuels d’objectifs
et de moyens (CPOM) entre les dépar-
tements et les établissements sociaux
et médico-sociaux (ESMS), prévue par
la loi ASV
22
, le développement d’outils
permettant un dialogue de gestion plus
performant avec les établissements est
indispensable . La Cour recommande
ainsi à l’État et à la Caisse natio-
nale de solidarité pour l’autonomie
(CNSA) de construire, en lien avec
les ESMS, des référentiels de coût
applicables aux différentes catégories
de prestations relevant de la compétence
des départements .
Les leviers d’action dans la gestion
des services
Les contrôles des chambres régionales
mettent également en lumière les marges
de manœuvre des départements dans
la gestion de leurs services chargés de
l’action sociale .
L’adaptation des effectifs
et de l’organisation des services
sociaux
Les
services
sociaux
représentent
une part importante et croissante
des effectifs des départements, de
l’ordre de 40 % en moyenne dans
les départements contrôlés par les
chambres régionales des comptes .
Entre 2011 et 2015, leur masse salariale
a augmenté deux fois plus vite (14 %)
que celles des autres services départe-
mentaux (7 %)
23
Les départements ont
renforcé les effectifs de leurs services
sociaux pour faire face à la forte
augmentation du nombre de bénéfi-
ciaires de prestations, notamment en
matière de RSA . L’évolution des dépenses
de personnel des services sociaux est
aussi liée aux choix d’organisation
des départements . Les rapports des
chambres régionales des comptes
mettent
en
évidence
la
disparité
importante des effectifs de ces services
rapportés au nombre de bénéficiaires de
prestations .
Dans un souci de proximité vis-à-vis
des usagers, les services sociaux des
départements comportent souvent
des
antennes
locales,
implantées
dans les principaux bassins de vie et
rattachées à une direction centrale .
Cette territorialisation a un coût dont
la maîtrise suppose un pilotage efficace .
Les départements n’ont cependant pas
toujours mis en place des indicateurs de
gestion et n’adaptent pas suffisamment
la répartition territoriale de leurs
effectifs à l’évolution des besoins .
Le développement d’outils d’évaluation
des besoins à l’échelle des territoires
d’action sociale, notamment en fonction
du nombre de bénéficiaires, semble
indispensable à une organisation
plus efficiente .
L’impact des dépenses sociales sur l’équilibre
financier des départements
21
EHPAD : établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes .
22
Loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV) .
23
Données de l’Observatoire national de l’action sociale (ODAS) .
28
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
La mise en place d’un système
d’information performant
Les outils informatiques sont souvent
éclatés entre les différents domaines
de l’action sociale . La performance
du système d’information de l’action
sociale (SIAS) est donc stratégique
au regard des masses financières
et de la nécessité de sécuriser la
gestion de très nombreux dossiers
de bénéficiaires et d’interfacer les
applications métiers utilisées par
la
collectivité
et
ses
principaux
partenaires (maison départementale
des personnes handicapées, CAF, ESMS) .
Dans de nombreux départements,
l’évolution du SIAS vers un partage
plus large de données avec les parte-
naires reste souvent encore à l’état
de projet (intégration automatisée des
données des établissements sociaux
et médico-sociaux tarifés par le
département, échange de données
relatives aux allocataires du RSA avec
Pôle emploi, extranet partagé avec les
chambres notariales pour la gestion
des recours sur succession) .
Le développement des contrôles
Pour
contribuer
efficacement
à
la maîtrise des dépenses sociales,
différents types de contrôles devraient
être développés concernant :
l
le respect par les allocataires du RSA
de leur l’obligation d’entreprendre
les démarches nécessaires à une
meilleure insertion sociale ou
professionnelle ;
l
la justification des tarifs fixés par les
établissements sociaux et médico-
sociaux chargés de l’hébergement
sur
lesquels
les
départements
exercent une autorité tarifaire sans
pour autant disposer des informations
suffisantes sur leur gestion ;
l
l’effectivité des prestations réalisées
par des tiers : même si certains
départements obtiennent désormais
la production de factures avant
paiement, le contrôle de la réalité
des
prestations
fournies
reste
insuffisant et nécessite, en lien
avec les services d’aide à domicile
(SAAD),
des
systèmes
informa-
tiques de télégestion des données
permettant de suivre l’activité des
prestataires .
l
la lutte contre la fraude : peu de
départements
ont
engagé
des
démarches actives en la matière, la
plupart déléguant les contrôles aux
organismes payeurs . En termes de
montants ou d’allocataires, le RSA
est la prestation la plus concernée
par la fraude . Le total des prestations
versées à tort en 2014 a été estimé
par la CNAF à une somme comprise
entre 1,3 Md€ et 1,7 Md€, soit entre
1,8 % et 2,5 % du total . Or, une baisse
tendancielle des taux d’irrégularité
est constatée dans les départements
ayant mis en place des moyens propres
de contrôle .
Les conditions du financement
des dépenses sociales
des départements
En dépit de l’absence de modèle
unifié de prévision des dépenses
sociales
des
départements,
les
données disponibles (Insee, CNAF,
L’impact des dépenses sociales sur l’équilibre
financier des départements
29
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
DREES, CNSA) laissent prévoir un
ralentissement des dépenses de RSA
mais une accélération des dépenses
d’APA . Les dépenses sociales devraient
continuer de croître plus rapidement
que les produits de fonctionnement des
départements . Par conséquent, le
financement des dépenses sociales
des départements ne peut être assuré à
court terme qu’à deux conditions .
Les départements doivent d’une part
approfondir les efforts de gestion déjà
engagés en 2015 et 2016 pour mieux
maîtriser leurs dépenses de fonction-
nement,
notamment
leur
masse
salariale . Les simulations réalisées
par la Cour montrent qu’en l’absence
de nouveaux efforts de gestion, la
situation financière des départements
suivrait une trajectoire continue de
dégradation . La moitié d’entre eux
entrerait dans une zone de grande
difficulté avec un taux d’épargne
inférieur à 8 % en 2020 .
Les simulations montrent aussi que
la poursuite des efforts d’économies
sur les dépenses de fonctionnement
autres
que
les
dépenses
sociales
permettrait, d’autre part, de limiter la
dégradation de la situation financière des
départements qui se stabiliserait avec
un taux d’épargne réduit en moyenne
à 10 % . Toutefois, un tiers d’entre eux,
plus sensibles à l’impact budgétaire
des dépenses sociales, connaîtraient
de graves difficultés financières, qui
altèreraient fortement leur capacité à
exercer leurs autres compétences .
Ainsi, le financement des dépenses
sociales des départements ne peut
être assuré sans une action sur la
répartition
de
leurs
ressources
visant à la rendre plus équitable .
Elle se caractérise en effet par
un cumul d’inégalités de richesse
fiscale et de charges en matière d’aide
sociale, qui fragilise considérablement
la situation financière de certains
départements . Un renforcement de la
péréquation « horizontale » permettrait
d’y remédier .
Comparaison de la dispersion des recettes fiscales
et du reste à charge en 2015
Ensemble des départements hors Rhône, Guyane et Martinique
Source : Cour des comptes – données DGFiP et DGCL
L’impact des dépenses sociales sur l’équilibre
financier des départements
30
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Les inégalités en termes de recettes
fiscales et de « reste à charge » se
cumulent .
Certains
départements
doivent faire face à un « reste à
charge » important alors que leurs
produits fiscaux sont relativement
faibles par rapport à leurs charges de
fonctionnement . D’autres, à l’inverse,
disposent à la fois d’un faible « reste
à charge » et d’un niveau élevé de
ressources fiscales .
Il conviendrait donc de renforcer
sensiblement
la
péréquation
« horizontale » qui est encore insuf-
fisamment développée au regard
de pareils déséquilibres . L’effort
devrait porter principalement sur
les départements qui bénéficient
des produits de DMTO
24
les plus
élevés grâce au dynamisme de leur
marché immobilier tout en étant
les moins touchés par la hausse
des dépenses sociales .
*
Alors que les dépenses sociales des
départements devraient, du fait de
facteurs
structurels,
continuer
à
croître plus rapidement que le total de
leurs produits de fonctionnement, la
recherche d’économies supplémentaires
sur les charges de fonctionnement
pour
compenser
ce
différentiel
risque de se heurter à des difficultés
croissantes et à priver ces collectivités
territoriales des moyens d’administrer
librement les autres compétences
qui leur sont attribuées par la loi . À
terme, le financement des dépenses
sociales n’est pas assuré, ce qui
pourrait conduire à réexaminer la
proposition consistant à recentraliser
le financement du RSA .
L’impact des dépenses sociales sur l’équilibre
financier des départements
24
DMTO : droits de mutation à titre onéreux .
31
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
En ce qui concerne les perspectives
d’évolution des finances locales :
Pour les collectivités locales :
1.
poursuivre les efforts de gestion
déjà engagés, notamment par une
meilleure maîtrise des effectifs .
Pour l’État :
2.
maintenir
l’exercice
d’une
contribution
des
collectivités
locales
au
redressement
des
finances publiques en l’adaptant de
façon à tenir davantage compte de la
diversité de leurs niveaux de richesses
et de charges ;
3.
renforcer la concertation avec
les représentants des collectivités
locales sur les prévisions relatives
à la trajectoire financière de ces
dernières en tenant compte de l’impact
budgétaire des normes, notamment
en matière de masse salariale ;
4.
conduire la réforme des concours
financiers aux collectivités locales
en abaissant la part des dotations
« forfaitaires » et en augmentant
celle des dotations de péréquation ;
5.
développer l’évaluation
a posteriori
de l’impact des décisions de l’État sur
les budgets des collectivités locales,
sur la base d’un échantillon sélectionné
par le CNEN, et dans une démarche
complémentaire au dispositif existant
d’évaluation
ex ante.
En ce qui concerne l’état d’avancement
de la réforme territoriale :
Pour l’État et les collectivités visées :
6.
prévoir dans le rapport d’orientation
budgétaire des nouvelles régions, EPCI
fusionnés et communes nouvelles, une
évaluation de l’impact financier de
la fusion identifiant les coûts de
transition, les économies réalisées
et les surcoûts pérennes ;
7.
évaluer le caractère reproductible
de la création de la métropole de
Lyon à partir d’un bilan de son
impact en termes d’efficacité et
d’efficience des politiques publiques
métropolitaines et départementales .
Pour l’État :
8.
mener une étude sur la pertinence
du maintien des quatre catégories
actuelles d’EPCI au regard de la
nouvelle carte intercommunale
et, le cas échéant, proposer une
simplification du cadre juridique
de l’intercommunalité .
En ce qui concerne la situation
financière des collectivités des
départements et régions d’outre-mer
:
Pour l’État :
9.
procéder aux simulations nécessaires
en vue d’aligner sur le droit commun
les modalités de répartition de la
péréquation verticale et horizontale
des collectivités des départements
d’outre-mer ;
Recommandations
32
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Recommandations
10.
affecter à la section d’investis-
sement du budget des collectivités
bénéficiaires l’accroissement annuel
des recettes propres (octroi de mer
et taxe spéciale de consommation
sur les carburants) .
Pour les collectivités et l’État :
11.
fixer des objectifs quantitatifs
d’évaluation
des
bases fiscales,
notamment en développant les
partenariats entre les DRFiP et les
collectivités, et le recouvrement
des produits des services ;
12.
réduire les charges de personnel
en agissant à la fois sur les effectifs
et sur les conditions d’attribution de
la majoration de traitement ;
13.
conditionner l’octroi des subven-
tions de l’État et des prêts bonifiés,
dans le cadre de contrats pluriannuels
entre la collectivité, l’État et l’AFD,
au respect d’objectifs chiffrés de
redressement financier .
En ce qui concerne l’impact des
dépenses sociales sur l’équilibre
financier des départements :
Pour l’État et les départements :
14.
engager le recensement, l’évaluation
et la diffusion des actions innovantes
prises par les départements pour
renforcer la maîtrise de leurs dépenses
sociales ;
15.
achever la mise en œuvre
de référentiels de coût applicables
aux différentes catégories d’établis-
sements sociaux et médico-sociaux
(ESMS) afin de permettre aux
départements de développer un
dialogue de gestion plus performant
avec eux .
Pour l’État :
16.
augmenter
la
péréquation
horizontale, notamment sur les DMTO,
afin de réduire substantiellement les
inégalités de ressources et de charges
entre les départements .
Pour les départements :
17.
poursuivre les efforts d’économie
et utiliser les leviers d’action mis en
évidence par les bonnes pratiques de
certains départements en matière
d’organisation et de gestion de leurs
compétences sociales .