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GÉRER LES
ENSEIGNANTS
AUTREMENT
Une réforme qui reste à faire
Rapport public thématique
Gérer les enseignants autrement – octobre 2017
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sommaire
Délibéré
..........................................................................................................
7
Introduction
...................................................................................................
9
Chapitre I
Le métier d’enseignant : adapter le cadre d’exercice
...........
19
I - Un effort de formation au métier à amplifier
............................................
19
A - Une formation initiale restaurée, une articulation à parfaire entre
professionnalisation et concours
...........................................................................
20
B - Une formation continue peu intégrée à la gestion de la carrière
.....................
26
II - Les obligations de service : des réformes partielles aux effets peu
tangibles
.........................................................................................................
29
III - Les pratiques enseignantes : des réformes insuffisamment
exigeantes
.......................................................................................................
31
A - Le faible impact de l’évaluation des enseignants pour améliorer les
pratiques professionnelles
.....................................................................................
31
B - Des leviers nouveaux de faible intensité pour favoriser le travail en
équipe
...................................................................................................................
35
C - Des mesures limitées pour rendre effectif le socle commun
...........................
36
IV - Les responsables d’établissements : un rôle incertain vis-à-vis des
enseignants
.....................................................................................................
40
A - Une responsabilité décisive à exercer dans une position ambiguë
..................
40
B - Des marges de manoeuvre trop restreintes vis-à-vis des enseignants
..............
43
Chapitre II
L’affectation des enseignants : mieux répondre aux
besoins des élèves
..........................................................................................
49
I - Une répartition imparfaite des effectifs selon les besoins
.........................
49
A - L’absence de connaissance précise des acquis de chaque élève : une
limitation regrettable
.............................................................................................
50
B - Des méthodes de répartition des moyens enseignants à améliorer
..................
51
C - L’amorce d’un rééquilibrage nécessaire en faveur de l’enseignement
primaire
................................................................................................................
54
II - L’affectation à un poste : un dispositif resté rigide
..................................
58
A - Des processus d’affectation trop uniformes
....................................................
58
B - Les postes à profil : un outil sous-utilisé
.........................................................
60
C - La présence peu satisfaisante d’agrégés au collège
.........................................
62
III - Les difficultés particulières du métier : une prise en compte
insatisfaisante
.................................................................................................
62
A - L’insuffisante personnalisation de la gestion des ressources humaines
..........
63
Gérer les enseignants autrement – octobre 2017
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COUR DES COMPTES
4
B - Les difficultés d’attractivité de certains postes, principalement en
éducation prioritaire
..............................................................................................
65
IV - Un révélateur des rigidités de gestion : les remplacements
....................
69
A - Un besoin mal appréhendé, créé en partie par le fonctionnement de
l’institution scolaire
..............................................................................................
70
B - La reproduction des rigidités des modes de gestion pour couvrir un
besoin différent
.....................................................................................................
72
C - Une défaillance systémique dans le second degré
..........................................
73
Chapitre III
Emploi, rémunération, temps de travail : construire
une stratégie d’ensemble
..............................................................................
79
I - La priorité à l’évolution des effectifs, un choix peu adapté
.......................
79
A - Les emplois prévus par la loi de 2013 : une programmation
globalement respectée
...........................................................................................
80
B - Sur longue période, l’évolution différente des effectifs et de la
démographie
.........................................................................................................
82
C - Les difficultés croissantes de recrutement
......................................................
84
II - Les rémunérations et le temps de travail : deux paramètres majeurs
insuffisamment liés
........................................................................................
88
A - L’évolution des rémunérations : un effort important
......................................
89
B - Le temps de travail : un dispositif trop contraint, mal mesuré,
faiblement adaptable
.............................................................................................
93
III - Pour une stratégie coordonnée de gestion des ressources
enseignantes
...................................................................................................
97
A - Le cadre d’une possible stratégie de réforme
..................................................
97
B - Les différents leviers d’action
.........................................................................
99
Conclusion générale
...................................................................................
105
Récapitulatif des recommandations
.........................................................
109
Glossaire
.....................................................................................................
111
Annexe
........................................................................................................
113
Réponses des administrations concernées
................................................
115
Gérer les enseignants autrement – octobre 2017
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Les rapports publics de la Cour des comptes
- Élaboration et publication -
La Cour des comptes publie, chaque année, un rapport public annuel et
des rapports publics thématiques.
Le présent rapport est un rapport public thématique.
Les rapports publics de la Cour s’appuient sur les contrôles et les
enquêtes conduits par la Cour des comptes ou les chambres régionales des
comptes et, pour certains, conjointement entre la Cour et les chambres
régionales ou entre les chambres. En tant que de besoin, il est fait appel au
concours d’experts extérieurs, et des consultations et des auditions sont
organisées pour bénéficier d’éclairages larges et variés.
Au sein de la Cour, ces travaux et leurs suites, notamment la préparation
des projets de texte destinés à un rapport public, sont réalisés par l’une des sept
chambres que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs
chambres.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de
la Cour des comptes, ainsi que des chambres régionales et territoriales des
comptes, et donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que
l’élaboration des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la
collégialité.
L’
indépendance
institutionnelle
des
juridictions
financières
et
statutaire de leurs membres garantit que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique que toutes les constatations et appréciations
ressortant d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations
et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux
responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne peuvent
être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y
a lieu, après audition des responsables concernés.
La publication d’un rapport public est nécessairement précédée par la
communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.
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COUR DES COMPTES
6
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication.
Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Leur
rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs d’observations et de
recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de
façon collégiale, par une chambre ou une autre formation comprenant au moins
trois magistrats, dont l’un assure le rôle de contre-rapporteur, chargé
notamment de veiller à la qualité des contrôles. Il en va de même pour les
projets de rapports publics.
Le contenu des projets de rapport public est défini, et leur élaboration
est suivie, par le comité du rapport public et des programmes, constitué du
Premier président, du Procureur général et des présidents de chambre de la
Cour, dont l’un exerce la fonction de rapporteur général.
Enfin, les projets de rapport public sont soumis, pour adoption, à la
chambre du conseil où siègent en formation plénière ou ordinaire, sous la
présidence du Premier président et en présence du Procureur général, les
présidents de chambre de la Cour, les conseillers maîtres et les conseillers
maîtres en service extraordinaire.
Ne prennent pas part aux délibérations des formations collégiales,
quelles qu’elles soient, les magistrats tenus de s’abstenir en raison des
fonctions qu’ils exercent ou ont exercées, ou pour tout autre motif
déontologique.
*
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site internet de la Cour des comptes et des chambres régionales et
territoriales des comptes : www.ccomptes.fr.
Ils sont diffusés par
La Documentation Française
.
Gérer les enseignants autrement – octobre 2017
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Délibéré
La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil en formation
ordinaire, a adopté le présent rapport intitulé
Gérer les enseignants
autrement, une réforme qui reste à faire.
Le rapport a été arrêté au vu du projet communiqué au préalable aux
administrations concernées et des réponses adressées en retour à la Cour.
Les réponses sont publiées à la suite du rapport. Elles engagent la
seule responsabilité de leurs auteurs.
Ont participé au délibéré : M. Migaud, Premier président,
MM. Durrleman, Briet, Vachia, Paul, Duchadeuil, Mme Moati, M. Morin,
Mme de Kersauson, présidents de chambre, Mme Froment-Meurice,
M. Lefas, Mme Ratte, présidents de chambre maintenus en activité,
M. Andréani, Mme Morell, M. Perrot, Mme Françoise Saliou, MM. Barbé,
Courtois, Vivet, Pétel, Maistre, Martin, Mmes Trupin, Podeur, MM. de
Gaulle, Le Mer, Rosenau, Rabaté, Jamet, Mme Casas, M. Rolland,
Mme Faugère, MM. Allain, Lallement, Mmes Girardin, Hamayon, Riou-
Canals,
M.
Levionnois,
Mme
Thibault,
conseillers
maîtres,
MM. Blanchard-Dignac et Margueron, conseillers maîtres en service
extraordinaire.
Ont été entendus :
en sa présentation, Mme Moati, présidente de la chambre chargée
des travaux sur lesquels le rapport est fondé et de la préparation du projet
de rapport ;
en son rapport, M. Paul, rapporteur général, rapporteur
du
projet
devant
la
chambre
du
conseil,
assisté
de
M. Guibert, conseiller maître, rapporteur devant la chambre chargée de le
préparer, et de M. Barbé, conseiller maître, contre-rapporteur devant cette
même chambre ;
en
ses
conclusions,
sans
avoir
pris
part
au
délibéré,
M. Johanet, Procureur général, accompagné de M. Guérin, avocat général.
M. Lefort, secrétaire général, assurait le secrétariat de la chambre du
conseil.
Fait à la Cour, le 26 septembre 2017.
Gérer les enseignants autrement – octobre 2017
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COUR DES COMPTES
8
Le projet de rapport soumis à la chambre du conseil a été préparé,
puis délibéré le 23 juin 2017, par la troisième chambre, présidée par
Mme Moati, présidente de chambre, et composée de Mme Froment-
Vedrine, MM. Le Roy, Urgin, Mme Vergnet, MM. Samaran, Tersen,
Mme Riou-Canals, conseillers maîtres, ainsi que, en tant que rapporteur,
M. Guibert, et, en tant que contre-rapporteur, M. Barbé, conseiller-maître.
Le projet de rapport a été examiné et approuvé, le 4 juillet 2017, par
le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes,
composé de M. Migaud, Premier président, MM. Durrleman, Briet,
Vachia, Paul, rapporteur général du comité, Duchadeuil, Mme Moati,
M. Morin, Mme de Kersauson, présidents de chambre, et M. Johanet,
Procureur général, entendu en ses avis.
Gérer les enseignants autrement – octobre 2017
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Introduction
Plus de 12 millions d’élèves sont scolarisés en France à la rentrée
2016 : 6 806 624 dans le premier degré (dont 2 539 454 dans le
préélémentaire) et 5 579 354 dans le second degré
1
. Pour prendre en charge
ces élèves, 874 800 enseignants
2
exercent leur métier, tous secteurs
confondus, dans le système scolaire.
Le service public de l’enseignement scolaire a pour vocation de
transmettre des connaissances et des savoirs à ces millions d’élèves. Il a
aussi pour mission de leur faire acquérir des compétences et des valeurs
permettant leur insertion professionnelle et sociale. Ce grand service public
joue ainsi depuis deux siècles un rôle déterminant pour la cohésion
nationale et notre capacité collective à affronter les défis du présent et de
l’avenir, ce qui implique d’y consacrer des moyens importants.
D’importantes lois successives ont fixé des objectifs quantifiés,
80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat
3
et 100 % d’une classe
d’âge ayant acquis le socle commun de connaissances, de compétences et
de culture (article L. 122-1-1 du code de l’éducation)
4
. La notion de
réussite de tous les élèves, concrétisée par la maîtrise de ce socle commun
à la fin de sa scolarité obligatoire, est introduite par la loi d’orientation et
de programme pour l’avenir de l’école du 24 avril 2005. Ces objectifs
quantitatifs et qualitatifs ont été confirmés par la loi pour la refondation de
l’école du 8 juillet 2013.
La nécessité d’améliorer la performance du système scolaire
Au cours des quatre dernières décennies, l’école a relevé les défis
du doublement du nombre d’élèves entre 1960 et 1985 et de l’élévation du
niveau de diplôme des générations scolarisées. Dans les années 1990, alors
1
Les effectifs d’élèves du premier degré privé sont 933 619, de 1 180 518 dans le
second degré privé.
2
Année scolaire 2015-2016.
3
Loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989, article 3.
4
Loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école.
Gérer les enseignants autrement – octobre 2017
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COUR DES COMPTES
10
que l’augmentation massive des effectifs
5
s’achevait, le niveau de
formation de l’ensemble de la population française continuait de croître.
Cette réussite incontestable marque le pas depuis le début des années
2000. Selon les comparaisons internationales, le système scolaire français
montre des déficiences en termes de niveau de résultats et d’équité.
Confirmant les précédentes enquêtes OCDE-PISA, celle de 2015
établit que les résultats des élèves français se situent dans la moyenne des
pays de l’OCDE derrière l’Allemagne et la Belgique. Alors que les niveaux
de compréhension de l’écrit sont légèrement au-dessus de la moyenne, les
performances des élèves français en mathématiques se sont, selon cette
enquête, significativement dégradées entre 2003 et 2012 et stagnent depuis.
Cette dégradation est générale : la part des élèves de 15 ans ayant atteint
les niveaux maximaux est passée de 15 à 11 % et les niveaux minimaux de
17 à 22 %. L’étude internationale TIMMS 2015
6
, qui mesure les
performances des élèves à la fin de la quatrième année de scolarité
obligatoire, confirme ce constat : en mathématiques et en sciences, la
France se situe en deçà de la moyenne internationale et européenne.
Le système scolaire français reste relativement défaillant en termes
d’équité. Les inégalités de niveau, qui se sont légèrement creusées dans la
dernière décennie 2000/2010
7
, ne se sont pas améliorées depuis, la
proportion des élèves en difficulté passant de 21 % en 2006 à 22 % en
2015
8
. Si la part de bons élèves est stable et un peu supérieure à la moyenne
de l’OCDE
9
, l’échec scolaire touche 20 % des élèves en 2013, contre 15 %
neuf ans plus tôt. Les élèves issus des milieux les plus défavorisés ont
quatre fois plus de risque d’être parmi les élèves en difficulté, contre trois
fois en moyenne dans l’OCDE.
5
Le nombre d’élèves est passé de 7 millions en 1990 à 6,7 millions en 2010 dans le
premier degré et de 6 à 5,8 millions dans le second degré.
6
MENESR-DEPP, Note d’information n° 33, novembre 2016.
7
Entre 2000 et 2009, la proportion d’élèves de 15 ans connaissant des grandes
difficultés de maîtrise de la langue écrite a par exemple augmenté d’environ 30 %.
8
OCDE,
Vers un système d’éducation plus inclusif en France ? Point d’étape sur les
enjeux en matière d’égalité du système d’éducation et sur les réformes en cour
s, note
de travail, juillet 2015.
9
La part des élèves « performants » selon les critères retenus par l’enquête PISA 2015
est de 21 % en France, contre 19 % en moyenne dans l’OCDE.
Gérer les enseignants autrement – octobre 2017
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INTRODUCTION
11
Ces résultats sont à mettre en regard d’une dépense intérieure
d’éducation
10
équivalente à celle de nos partenaires de l’OCDE (5,2 % du
PIB), en deçà de celle du Royaume-Uni, de la Finlande, des Pays-Bas et de
la Suède, mais nettement supérieure à celle de l’Allemagne (4,3 %),
l’Espagne et l’Italie
11
. La dépense moyenne française par élève est
inférieure à la moyenne de l’OCDE dans le premier degré mais nettement
supérieure dans le second degré, avec un écart d’un niveau atypique parmi
les pays comparables.
L’enseignement scolaire est le premier poste de dépenses
12
du
budget de l’État (67,7 Md€ en crédits exécutés 2016 et 68,4 Md€ en loi de
finances initiale en 2017
13
), soit 21,5 % des crédits de son budget général.
Le décalage entre le caractère moyen et trop inégal des résultats et
l’ampleur des moyens consacrés au système scolaire pose la question de sa
performance. Son amélioration est un enjeu d’efficacité pour mieux
répondre aux objectifs fixés au service public d’enseignement, mais aussi
d’efficience pour augmenter l’effet d’une dépense publique comparable à
celle des autres pays européens.
La gestion des enseignants : un levier insuffisamment utilisé
Pour élever l’efficience du système scolaire, plusieurs leviers
d’action existent. Il n’appartient pas à la Cour de porter des appréciations
sur l’organisation de l’instruction, le contenu des programmes scolaires ou
le choix des méthodes pédagogiques. En revanche, l’organisation du
service public de l’enseignement, et, au premier rang, les conditions de la
gestion des enseignants, justifient de sa part un examen attentif.
Dans un rapport public thématique publié en 2013 « Gérer les
enseignants autrement »
14
, la Cour avait mis en évidence l’importance
d’une réforme d’ensemble.
10
La dépense intérieure d'éducation comptabilise toutes les dépenses en matière
d’éducation, de l’école maternelle à l’enseignement supérieur compris, hors la
formation professionnelle, effectuées par l’ensemble des agents économiques
(administrations publiques centrales et locales, entreprises, ménages). En moyenne la
part publique de la dépense intérieure est de 84 %.
11
Source : OCDE,
Regards sur l’éducation
(2017). Les dernières comparaisons
internationales disponibles sont celles de 2014.
12
Hors mission «
Remboursements et dégrèvements
».
13
Hors enseignement scolaire agricole.
14
Cour des comptes,
Rapport public thématique : Gérer les enseignants autrement
. La
Documentation française, mai 2013, 211 p., disponible sur www.ccomptes.fr
Gérer les enseignants autrement – octobre 2017
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COUR DES COMPTES
12
Les principales observations du rapport public de 2013 :
« Gérer les enseignants autrement »
Le cadre d’exercice du métier enseignant est caractérisé par un
décalage entre l’évolution des missions des enseignants et leurs obligations
de service, définies sur une base hebdomadaire. Celles-ci n’intègrent pas
(second degré) ou mal (premier degré) les activités hors heures de cours. La
gestion des enseignants est segmentée (rupture entre le premier et le second
degré) ce qui ne correspond pas à la notion de « socle commun » (de l’école
à la fin du collège).
En dépit de la reconnaissance législative de la dimension collective
du travail de l’enseignant, son organisation reste définie sur une base
individuelle. Ni les directeurs d’école, ni les chefs d’établissement ne
peuvent jouer correctement le rôle d’impulsion et de pilotage du travail
collectif, que les textes leur reconnaissent pourtant.
La répartition des moyens enseignants et l’affectation des
enseignants ne s’effectuent pas selon les difficultés scolaires constatées. Les
enseignants ne sont pas affectés en fonction de leurs expériences
personnelles, ni selon les besoins des élèves concernés. En l’absence
d’adaptation du cadre de service (modulation du temps de travail et des
rémunérations) à la difficulté des fonctions, certains postes souffrent d’un
manque d’attractivité. Une gestion dominée par l’uniformité des règles en
matière d’évaluation, d’avancement et de rémunération, souvent au
détriment des jeunes enseignants et des postes les plus sensibles, a un effet
démotivant et freine toute adaptation des moyens aux besoins.
Si les enseignants sont nombreux, ils sont moins rémunérés que les
autres cadres de la fonction publique de l’État et que leurs homologues
étrangers. Il n’y a pas de programmation pluriannuelle des effectifs, en dépit
de ce qui est prévu par la loi, dans une gestion de l’offre de formation qui
favorise le second degré (lycée) au détriment de l’enseignement primaire.
En conclusion, la Cour préconisait une réforme d’ensemble de la
gestion des enseignants dont les objectifs seraient une meilleure adéquation
des modalités de recrutement et de formation aux exigences du métier
d’enseignement, une adaptation des obligations de service aux besoins en
établissement, la rénovation des mécanismes de répartition et d’affectation
des enseignants, pour prendre résolument en compte les besoins des élèves.
Pour ce faire, la Cour a formulé dans ce rapport 19 recommandations.
Les dépenses liées aux personnels enseignants représentent environ
57 % de la dépense intérieure d’éducation et 92 % des crédits de la mission
budgétaire qui finance le système scolaire en 2016. Le total des
rémunérations des enseignants du secteur public a augmenté de 3,577 Md€
de 2012 à 2016 (+ 7,5 %), contre 4,258 Md€ pour la totalité de la masse
Gérer les enseignants autrement – octobre 2017
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INTRODUCTION
13
salariale de l’État dans la même période (2,5 %). Or, depuis la publication
de ce rapport, l’État n’a pas mis à profit cet effort budgétaire important et
croissant pour procéder à des réformes structurelles.
Une occasion a certainement été manquée même si plusieurs
mesures ont été prises. La loi de refondation de l’école a réinstauré la
formation initiale des enseignants, dont la montée en charge a été supportée
par le programme pluriannuel globalement respecté de créations d’emplois
(60 000 postes en plus dont 54 000 à l’éducation nationale). Cet effort en
effectifs a aussi permis de faire face à l’accroissement du nombre d’élèves
(+ 1,4 % dans le primaire et + 3 % dans le secondaire entre 2011 et 2016)
en infléchissant l’allocation des moyens au bénéfice du premier degré.
S’agissant du cadre d’exercice du métier d’enseignant, les
obligations règlementaires de services ont été modifiées dans le second
degré. Des possibilités nouvelles de travail en équipe et de soutien
individualisé ont été mises en place, notamment lors de la réforme du
collège. Les écarts d’attractivité des postes ont été davantage pris en
compte pour les établissements relevant de l’éducation prioritaire. En fin
de période, des décisions ont revalorisé les rémunérations et les carrières.
Ces différentes mesures, à l’impact limité en termes structurels,
n’ont ni visé, ni permis une transformation en profondeur de la gestion des
enseignants. Les mesures sur les effectifs, prises dès 2012, ou sur les
rémunérations, arrêtées en 2016, n’ont pas été assorties de contreparties
portant sur le cadre d’exercice du métier d’enseignant, par exemple sur
l’organisation et la durée du temps de travail.
De nombreuses études, notamment des évaluations comparatives
internationales conduites par l’OCDE
15
montrent pourtant l’importance
d’une politique active des ressources humaines enseignantes. Elles en font
la démonstration sur de nombreux points.
L’impact de la gestion des enseignants : les analyses de l’OCDE
L’OCDE, dans ses différentes études, montre l’impact des réformes
de la gestion des enseignants pour améliorer la performance du système
éducatif.
15
OCDE,
Les défis du système éducatif français et les bonnes pratiques
internationales,
PISA 2015. Les exemples internationaux cités sont issus de cette étude.
Gérer les enseignants autrement – octobre 2017
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COUR DES COMPTES
14
La formation initiale et continue des enseignants a joué un rôle
important, par exemple en Finlande dès les années 1970 ou au Japon grâce
à un système de tutorat et une formation continue quotidienne déterminante
pour les évolutions de carrière
16
.
La mise en place d’incitations pour amener les enseignants
expérimentés à travailler dans les établissements défavorisés a permis
d’améliorer la performance et l’équité du système éducatif, par exemple en
Corée, dont les résultats sont élevés (PISA 2015). Aux États-Unis en
Caroline du Nord, une prime « de fidélisation » a diminué le taux de rotation
des enseignants de 17 %.
La mise en place d’un soutien ciblé aux écoles primaires en difficulté
sélectionnées sur la base des résultats des élèves et d’une plus grande marge
de manoeuvre donnée aux établissements pour s’adapter aux besoins
particuliers des élèves a permis au Canada (Ontario) de réduire de deux tiers
en dix ans le nombre d’écoles primaires présentant une forte proportion
d’élèves en échec scolaire.
Plusieurs pays (Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni) ont mis en place
une gestion plus décentralisée des enseignants pour permettre aux
établissements de recruter en fonction de leurs besoins spécifiques. Au
Pays-Bas, le financement reçu par tous les établissements est pondéré en
fonction du nombre d’élèves défavorisés qu’ils accueillent.
À Singapour, où la profession est très valorisée, les enseignants sont
évalués chaque année sur le fondement de leur contribution au
développement personnel et académique des élèves, de leur collaboration
avec les parents et le reste de la communauté, ainsi que leur contribution au
travail collectif au sein de l’établissement. Les enseignants les plus
performants reçoivent une prime sur cette base.
La démarche de la Cour
Depuis les rapports publics thématiques de 2010
17
et de 2013
18
, la
Cour a enrichi et approfondi ses analyses. Le rapport public thématique sur
16
Une loi adoptée en 2009 impose aux enseignants de prouver tous les dix ans qu’ils
sont à jour de leurs compétences.
17
Cour des comptes,
Rapport public thématique : L’éducation nationale face à
l’objectif de la réussite de tous les élèves.
La Documentation française, mai 2010,
220 p., disponible sur www.ccomptes.fr
18
Cour des comptes,
Rapport public thématique : Gérer les enseignants autrement
. La
Documentation française, mai 2013, 211 p., disponible sur www.ccomptes.fr
Gérer les enseignants autrement – octobre 2017
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INTRODUCTION
15
l’accompagnement individualisé des élèves (mars 2015)
19
a illustré
l’entrave à maintes pratiques innovantes que constitue le cadre de la gestion
des enseignants. Celui sur le coût du lycée (septembre 2015)
20
a montré le
déséquilibre
existant
avec
l’école
primaire,
la
nécessité
d’une
rationalisation d’une offre de formation onéreuse, et la part que la
modification de la gestion des enseignants pouvait y prendre. L’enquête
sur la formation continue des enseignants
21
a mis en lumière sa faible
utilisation pour accompagner le travail des enseignants.
La Cour a mené en 2016 plusieurs enquêtes touchant la gestion des
ressources humaines, qui ont mis en évidence la position toujours ambigüe
des fonctions de direction par rapport aux enseignants, qu’il s’agisse des
postes de directeurs d’école ou de chefs d’établissement (observations
définitives de novembre 2016), la faible efficience des modes de gestion
du remplacement des enseignants
22
. Elle a aussi attiré l’attention du
ministère sur le déploiement en cours de son nouveau système
d’information et de gestion des ressources humaines
23
. Enfin les conditions
de la mise en oeuvre de la réforme de la formation initiale des enseignants
ont été examinées en 2017.
.
C’est dans cette vision élargie qu’une enquête spécifique couvrant
la période 2012-2016 a été menée pour établir un bilan des mesures prises,
examiner leur portée réelle et identifier les problèmes en partie nouveaux
qu’elles posent, avant d’apporter un éclairage budgétaire d’ensemble. Le
choix a été fait de se limiter aux enseignants du secteur public (cf. encadré
infra
).
Ce rapport met en lumière qu’il n’a pas été négocié en contrepartie
d’efforts budgétaires importants, une modification des conditions de
gestion des enseignants qui souffrent de nombreuses rigidités et d’une
forme d’immobilisme pour faire face aux exigences du système éducatif.
19
Cour des comptes,
Rapport public thématique : Le suivi individualisé des élèves : une
ambition à concilier avec l’organisation du système éducatif
, La Documentation
française, mai 2015, 173 p., disponible sur www.ccomptes.fr
20
Cour des comptes,
Rapport public thématique : Le coût du lycée
, La Documentation
française, septembre 2015, 133 p., disponible sur www.ccomptes.fr
21
Cour des comptes,
Référé,
La formation continue des enseignants
, 30 janvier 2015,
6p., disponible sur www.ccomptes.fr
22
Cour des comptes,
Référé,
Le dispositif de remplacement des enseignants des premier
et second degrés
, 23 décembre 2016, 6 p., disponible sur www.ccomptes.fr
23
Cour des comptes,
Référé sur le programme SIRHEN (système d’informations et de
gestion de ressources humaines du MENSR)
, 19 décembre 2016, 4p., disponible sur
www.ccomptes.fr
Gérer les enseignants autrement – octobre 2017
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COUR DES COMPTES
16
La Cour en appelle à une stratégie de réformes d’ensemble qui reste à
mener.
Le rapport examine ainsi en premier lieu la cohérence entre le cadre
d’exercice du métier des enseignants, les missions qui leur sont assignées
et les attentes de plus en fortes qui s’expriment à leur égard (partie I).
Il analyse les modalités de gestion de l’affectation et de la répartition
des enseignants au regard de la demande accrue d’autonomie, d’adaptation
aux contextes locaux et aux profils des élèves (partie II).
Il retrace enfin le bilan des mesures prises en matière d’effectifs, de
rémunérations et de temps de travail, en montrant qu’elles n’ont été ni
reliées entre elles, ni mises en regard de modifications structurelles du
mode de gestion des enseignants. Face à ce constat, il indique des pistes
possibles de stratégie coordonnée d’évolution, fondée sur une démarche
budgétaire pluriannuelle assortie de contreparties (partie III).
Les enseignants du secteur privé
Dans les établissements sous contrat d’association, les plus
nombreux (ils scolarisent 97 % des 2, 1 millions d’élèves du secteur privé),
les enseignants sont contractuels de droit public (et non fonctionnaires) et
ont pour employeur l’État. Dans les établissements sous contrat simple, pour
la plupart du premier degré, les enseignants, rémunérés par l’État et agréés
par l’autorité académique, sont des personnels de droit privé. Pour les
établissements hors contrat, le ministère s’assure qu’ils disposent des titres
requis et respectent le contenu de l’instruction obligatoire, mais les
enseignants n’ont aucun lien avec l’État.
Pour les enseignants exerçant dans les établissements sous contrat et
employés par l’État,
soit 141 416 personnes et 16 % des effectifs
d’enseignants, le déroulement de carrière, la rémunération brute, les
possibilités de promotions, les obligations réglementaires de service (ORS)
sont les mêmes que dans l'enseignement public. Il existe en revanche
plusieurs spécificités : recrutement au niveau du master (mêmes épreuves et
jurys) mais selon des concours spécifiques, système de formation propre au
secteur privé, plus grande autonomie des chefs d’établissement dans le
recrutement et l’organisation du travail, modes de répartition et
d’affectation des enseignants spécifiques mais sous l’égide des rectorats,
retraite relevant du régime général de la sécurité sociale et non de celui des
fonctionnaires.
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INTRODUCTION
17
Si la Cour est compétente pour procéder à une enquête sur
l’ensemble des programmes budgétaires qui financent l’enseignement
public et privé (le financement par l’État de l’enseignement privé
représente, en 2016, 7,2 Md€, inscrits au programme 139 « Enseignement
privé du premier et du second degrés »), elle ne l’est pas pour contrôler les
modes d’organisation de l’enseignement privé et de gestion des personnels
au sein des établissements, qui emportent les spécificités précitées. Aussi la
Cour a limité ses investigations à la gestion des enseignants du secteur
public lorsqu’il s’agit des modes de gestion qui n’ont pas un caractère
général (par exemple les modalités de mise en place du remplacement).
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Chapitre I
Le métier d’enseignant :
adapter le cadre d’exercice
La qualité de la formation des enseignants, l’organisation de leur
service, l’évaluation de celui-ci et les marges de manoeuvre dont disposent
les directeurs d’école et les chefs d’établissement pour organiser le travail
de la communauté enseignante d’une unité scolaire, sont des leviers
essentiels au bon fonctionnement du système éducatif.
À l’exception du rétablissement de la formation initiale, le cadre
d’exercice du métier a peu évolué au cours des dernières années. Il reste,
comme le rapport de la Cour de 2013 l’avait relevé, en décalage avec les
objectifs fixés au système scolaire, qui rendent nécessaire une inflexion
progressive de la culture professionnelle.
I - Un effort de formation au métier à amplifier
La qualité de la formation des enseignants est un facteur majeur de
performance du système éducatif. Le rétablissement, dans la période
récente, d’une formation initiale plus substantielle portant sur les aspects
spécifiques du métier d’enseignant constitue une avancée incontestable.
Des efforts de moindre ampleur ont également été entrepris en matière de
formation continue. Des progrès doivent être encore faits pour que ces
dispositifs soient pleinement adaptés aux besoins du métier.
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COUR DES COMPTES
20
A - Une formation initiale restaurée, une articulation
à parfaire entre professionnalisation et concours
Annoncée en 2008 et entrée en vigueur à la rentrée 2010/2011, la
« mastérisation », a fait passer de la licence au master le niveau de
qualification universitaire requis pour accéder par concours aux emplois
d’enseignant du premier et du second degré
24
. Elle s’est accompagnée de
la suppression de l’année de formation par voie d’alternance à l’issue des
concours de recrutement. La Cour avait critiqué cette dernière mesure
25
,
même si celle-ci avait permis un gain d’environ 10 000 emplois
26
.
La loi du 8 juillet 2013 a créé les écoles supérieures du professorat
et de l'éducation (ÉSPÉ), au sein des universités
27
, en intégrant une
formation en alternance durant l’année de stage. Le territoire national
compte désormais 32 ÉSPÉ, soit une par académie, rattachées à un
établissement, université ou communauté d’universités. Leurs missions
sont plus larges que celles des anciens IUFM, puisqu’elles comprennent
aussi la formation continue et la recherche. 27 000 nouveaux emplois ont
été prévus à cet effet, dont 26 000 fonctionnaires-stagiaires.
24
Arrêté du 31 décembre 2009 fixant les diplômes et les titres permettant de se présenter
aux concours externes et internes de recrutement des personnels enseignants des 1
er
et
2
nd
degrés (…) relevant du ministre chargé de l’éducation nationale.
25
Cour des comptes,
Rapport public annuel 2012
, Tome I, Les observations. La
formation initiale et le recrutement des enseignants, p. 765-803. La Documentation
française, février 2012, 1 079 p., disponible sur www.ccomptes.fr
26
Cf. l’insertion au RPA de 2012 suscitée «
Dans le plafond d’emplois ministériel fixé
par la loi de finances pour 2011, cette réforme s’est traduite par la suppression de
18 202 postes d’enseignants stagiaires des instituts universitaires de formation des
maîtres. Toutefois, le plafond d’emplois a dû intégrer également la création simultanée
de 2 802 emplois de titulaires pour compenser cette perte de potentiel d’enseignement
et de 5 833 emplois d’étudiants de deuxième année de master effectuant des stages en
responsabilité devant les élèves. Au total, il en résult
e
une suppression de 9 567
ETPT. »
27
Comme c’était le cas des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM)
depuis la loi du 23 avril 2005.
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LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : ADAPTER LE CADRE D’EXERCICE
21
1 -
La création d’un nouveau parcours de formation
Un nouveau master « métiers de l'enseignement, de l'éducation et de
la formation » (MEEF)
28
a été institué dans le cadre de droit commun des
diplômes universitaires de master (M1 et M2)
29
et est enseigné dans les
ÉSPÉ
.
Il peut être préparé sous quatre mentions : « premier degré »,
« second degré » (formation des enseignants), « encadrement éducatif »
(formation des CPE), « pratiques et ingénierie de la formation ». Seules les
trois premières mentions conduisent en fin de M1 à un concours de
recrutement de la fonction publique. À la rentrée 2015-16, 65 698
étudiants
30
étaient inscrits en master MEEF.
Le tronc commun de formation des master MEEF
Le tronc commun vise à faire acquérir à tous les futurs enseignants,
quelle que soit leur voie de recrutement, un socle commun de connaissances
et de compétences autre que le cadre strict de la transmission de
connaissances.
Il
s’agit
en
premier
lieu
d’acquérir
« les
gestes
professionnels liés aux situations d'apprentissage, dont la conduite de
classe […], la prise en compte de la diversité des publics {…], les méthodes
de différenciation pédagogique et de soutien aux élèves en difficulté »
;
en
second lieu,
« les connaissances liées au parcours des élèves, dont
l'approche par les compétences, le socle commun de connaissances, de
compétences et de culture, les spécificités des niveaux d'enseignement, […]
les méthodes d'évaluation des élèves, le processus d'orientation des élèves,
les processus d'apprentissage des élèves »
et enfin d’avoir reçu
« les
enseignements liés aux principes et à l'éthique du métier, dont
l'enseignement de la laïcité, la lutte contre les discriminations et la culture
de l'égalité entre les femmes et les hommes. ».
Chaque ÉSPÉ a été accréditée sur la base d’une construction
spécifique des parcours de formation (répartition des enseignements entre
les années de M1 et M2, nature des interventions, formats pédagogiques) tel
que prévu par l’arrêté qui définit le master MEEF
.
28
Un arrêté du 27 août 2013 fixe le cadre national des formations dispensées au sein
des masters MEEF.
29
Arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme national de master, qui prévoit notamment
la maîtrise d’une langue vivante et une initiation à la recherche durant la formation.
30
29 954 étudiants sont inscrits en M1 et 35 744 en M2. Au total, ils représentent 16 %
des étudiants inscrits en université à ce niveau d’études.
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COUR DES COMPTES
22
Le parcours en master MEEF s’appuie sur un référentiel rénové du
métier d’enseignant adopté en 2013
31
. Celui-ci donne une importance
accrue à la transmission des valeurs et aux principes éthiques dans la
fonction enseignante. Il accorde une reconnaissance plus importante à
l’utilisation des langues vivantes, ainsi qu’à la maîtrise des ressources et
usages numériques.
Une fois le concours d’entrée dans les corps d’enseignants réussi en
fin de M1 (hors corps des agrégés), les étudiants deviennent fonctionnaires-
stagiaires. Pendant l'année de M2, un premier mi-temps est consacré à des
enseignements orientés vers la pratique du métier, le deuxième à un stage
devant une classe
32
. Le fonctionnaire-stagiaire bénéficie d’un tutorat mixte
dispensé à la fois par un tuteur universitaire et par un enseignant
expérimenté dans l’établissement où il effectue son stage. Pour ces
derniers, une certification d’enseignant formateur a été créée dans le
second degré
33
, ses modalités ont été révisées dans le premier degré
34
, et
un dispositif d’allégement de service a été mis en place.
Ce parcours reste « consécutif », c’est-à-dire commencé par une
formation académique suivie d’une période de professionnalisation, plutôt
que « simultané », fondé sur une alternance progressive mais précoce entre
parcours académique et insertion professionnelle. Comparé aux autres
grands pays développés, notre pays professionnalise ses enseignants
tardivement, après la licence, alors que d’autres pays amorcent cette
professionnalisation dès les premières années de l’enseignement supérieur.
2 -
La complexité des parcours, la diversité des publics
Les deux principales difficultés tiennent à la complexe articulation
entre les masters et les concours de recrutement et à la diversité des
parcours antérieurs, des profils et des statuts des candidats, les masters
MEEF n’étant pas la voie unique de recrutement aux concours.
31
Arrêté du 1
er
juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des
métiers du professorat et de l'éducation qui a abrogé le précédent arrêté du 12 mai 2010.
32
Quelques stages d’observation ou de mise en contact de courte durée sont aussi
organisés en année de M1.
33
Décret n° 2015-885 du 20 juillet 2015 relatif aux conditions de nomination des
personnels enseignants du second degré et des conseillers principaux d'éducation aux
fonctions de formateur académique.
34
Décret n° 2015-883 du 20 juillet 2015 relatif à la fonction de maître formateur et de
conseiller pédagogique dans le premier degré.
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LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : ADAPTER LE CADRE D’EXERCICE
23
Pour le premier degré, si la majorité des lauréats des concours de
professeur des écoles est issue de la première année de master 1 MEEF
(58,5 % des lauréats à la session 2015), 40 % proviennent de parcours
« alternatifs »
dont
la
plupart
correspond
à
des
reconversions
professionnelles. Pour le second degré (CAPES), un lauréat sur six
(14,4 %) est un étudiant issu d’un autre master disciplinaire que le MEEF,
tandis qu’un tiers d’entre eux provient d’autres horizons professionnels.
Si la quasi-totalité des reçus aux concours suivent bien le master 2
MEEF, environ 50 % d’entre eux ne proviennent pas du master 1 MEEF.
L’effectivité du suivi de cette année de master 2 par les agrégés semble en
outre aléatoire. Certains étudiants des ÉSPÉ ne sont pas par ailleurs reçus
au concours alors qu’ils ont validé leur master 1 (les « reçus-collés »), ils
restent étudiants (et non fonctionnaires-stagiaires) et peuvent s’inscrire en
master 2 MEEF. Les ÉSPÉ doivent alors ajuster leur formation car la
plupart de ces étudiants tenteront une nouvelle fois les concours d’accès à
la fonction publique enseignante. Il a ainsi fallu définir des parcours
adaptés pour ces différentes catégories, dont les caractéristiques n’avaient
pas été anticipées lors de la création des écoles.
D’autres difficultés tiennent à la priorité que les étudiants accordent
logiquement à la réussite des concours. En master 1 MEEF, l’année
universitaire sert avant tout à leur préparation, les enseignements relatifs
au tronc commun et les périodes d’observation en milieu scolaire ne
présentant à leurs yeux un intérêt que s’ils améliorent sensiblement les
chances de réussite. Les aspects de la formation liés à la pratique du métier
d’enseignant sont ainsi pénalisés.
Lors de l’année de master 2, l’équilibre au sein d’un parcours en
alternance entre le stage et la formation est complexe à obtenir. Les
fonctionnaires-stagiaires accordent une priorité à la préparation de leurs
cours devant leurs élèves, parfois au détriment du reste de la formation.
3 -
Le renforcement de la professionnalisation
Le ministère a engagé une rénovation des concours de recrutement
avec l’objectif d’évaluer la capacité du candidat à transmettre des
connaissances et à exercer le métier d’enseignant dans toutes ses
dimensions
35
. La rénovation des concours à compter des sessions 2014 a
35
Arrêté daté du 19 avril 2013 et annexes.
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COUR DES COMPTES
24
consisté à introduire des épreuves spécifiques, principalement orales
36
,
portant sur les compétences professionnelles à la lumière du nouveau
référentiel du métier d’enseignement
37
.
Les effets de ces nouvelles dispositions devront être analysés dans
le temps. Les candidats issus d’une première année de master MEEF sont
a priori
mieux préparés à ces nouvelles épreuves orales. Celles-ci ne
comportent cependant pas de notes éliminatoires permettant d’éviter de
recruter un candidat qui ne présenterait pas les qualités requises.
La place des concours au sein du parcours de formation mérite
réflexion. Ils pèsent sur l’organisation de la première année du master et
constituent un frein à la disponibilité pour la formation au métier.
L’ambition de former au métier difficile d’enseignant en un an seulement
après le recrutement mérite également attention. Faire face à une grande
diversité d’élèves aux besoins très différents exige, au-delà de la maîtrise
des savoirs disciplinaires, des compétences pédagogiques affirmées.
Débuter la professionnalisation plus tôt dans le cursus universitaire
pourrait permettre d’éviter des erreurs d’orientation, qui conduisent à un
taux non négligeable de démissions des stagiaires ou des nouveaux
titulaires
38
, mais aussi de préparer les étudiants plus en amont aux
enseignements communs du master MEEF, dont ils tireraient alors
davantage profit.
Conscient de ces problèmes, le ministère a mis en place des
dispositifs spécifiques, « les emplois avenirs professeurs »
39
puis à la
rentrée 2015 les « étudiants apprentis professeurs », avec une forme de
« pré-recrutement » dès l’année de L2 ou L3. Les étudiants suivent un
cursus en alternance en contrepartie d’une rémunération sous statut
36
Dans le 1
er
degré, les épreuves écrites d’admissibilité comportent aussi un volet visant
à évaluer le candidat en relation avec des pratiques de la classe.
37
Mise en situation professionnelle, analyse de situation professionnelle ou entretien
sur dossier. Comme le souligne l’inspection générale du ministère dans son rapport
n° 2015-076 de septembre 2015, les compétences à évaluer font l’objet d’épreuves
« faisant une place plus ou moins importante à la transposition didactique, à la
réflexion pédagogique ou à la connaissance du système éducatif ».
38
Certes faible en poids relatif, les démissions de titulaires (1 046 en 2015-16) sont en
hausse de 18 % depuis 2010-11 ainsi que les démissions de stagiaires (723 en 2015-
16), en hausse de 246 % depuis 2010-11. Durant la même période, le nombre d’admis
aux concours a crû de 40 % pour atteindre 24 896 en 2015-16.
39
Les « emplois avenirs professeurs » avaient aussi l’objectif de favoriser l’insertion
professionnelle des étudiants d’origine modeste et de contribuer aux besoins de
recrutement de l’éducation nationale.
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LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : ADAPTER LE CADRE D’EXERCICE
25
d’apprenti. Les flux restent cependant très marginaux (950 postes recrutés
en 2016-2017) et l’incidence sur la réussite aux concours est à évaluer.
Il est en tous cas indispensable d’envisager un continuum renforcé
entre la formation initiale et la formation continue dans les premières
années d’exercice du métier, afin de raffermir l’accompagnement des
enseignants durant leurs premières années d’exercice.
4 -
Trois interrogations majeures pour les ministères
de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur
L’organisation de la scolarité pourrait être infléchie : la proposition
de placer en fin de L3 (licence) au moins une partie des épreuves du
concours de professorat des écoles devrait être étudiée. Il s’agirait de tenir
les épreuves d’admissibilité du concours à la fin de la licence et celles
d’admission durant la première année du master MEEF. La première année
du master serait recentrée sur son objectif d’acquisition des bases de la
pratique enseignante. Plus de disponibilité serait dégagée pour la séquence
professionnalisante du parcours, une partie du concours ayant été acquis
plus tôt
40
.
L’offre de formation en amont par les universités pourrait mieux
tenir compte des besoins du système scolaire. La mise en place au sein des
universités de licences bivalentes en plus grand nombre, avec une majeure
et une mineure, mérite d’être examinée. Cette orientation offrirait
notamment une plus grande diversification de la formation des professeurs
des écoles, dans un contexte où les futurs enseignants sont souvent issus de
filières littéraires alors que la question du niveau des élèves en
mathématiques est préoccupante.
Enfin le renforcement de l’effort de soutien aux nouveaux
enseignants est indispensable. Le repérage des fragilités et des lacunes des
stagiaires n’est pas suffisamment garanti, il est très inégal selon les écoles,
alors que les incertitudes sur la qualité des recrutements (
cf. infra
) rendent
nécessaire un effort spécifique et formalisé d’accompagnement.
40
Cf. le rapport des inspections générales du ministère de septembre 2015 portant sur
le bilan de la première session des concours rénovés (IGEN et IGAENR, La
professionnalisation des concours de recrutement, rapport n° 2015-076, septembre
2015).
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COUR DES COMPTES
26
B -
Une formation continue peu intégrée
à la gestion de la carrière
La formation continue doit permettre aux enseignants d’adapter
leurs pratiques aux évolutions technologiques (numérique), sociales
(nombre et caractéristiques des élèves en difficulté) et pédagogiques
(sciences cognitives par exemple). Elle ne constitue pas pourtant une
obligation pour tous les enseignants et reste peu développée et mal utilisée.
1 -
Une obligation restreinte, un droit inégalement utilisé
Depuis la loi du 8 juillet 2013, le code de l’éducation dispose que
« chaque enseignant est encouragé à se former régulièrement » (article
L. 912-1-2). La formation continue est un droit pour l’ensemble des
enseignants, mais elle n’est une obligation que pour les enseignants du
premier degré (trois jours par an).
Dans la majorité des pays européens, elle constitue une obligation
professionnelle ou une condition pour obtenir une promotion. De fait, les
enseignants français sont moins nombreux à y participer que dans la
moyenne des pays de l’OCDE et pour des durées plus courtes.
Le cadre juridique de la formation continue des enseignants
En dehors du cadre général du droit de la fonction publique issu de
la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction
publique qui reconnaît le droit à la formation professionnelle tout au long
de la vie aux fonctionnaires, les dispositions du code de l’éducation
applicables à tous les enseignants sont peu nombreuses et ont une portée
normative limitée. La seule règle réellement contraignante, tant pour
l’enseignant que pour l’administration est, dans le premier degré, le temps
obligatoire de 18 heures intégré au temps de service (décret n° 2008-775 du
30 juillet 2008).
La formation continue était l’un des thèmes de la concertation sur la
refondation de l’école, initiée par le ministère de l’éducation nationale, qui
s’est déroulée de l’été à l’automne 2012. Les conclusions de cette
concertation, qui invitait à « rendre effective l’obligation de formation
continue », n’ont pas trouvé de traduction. La loi du 8 juillet 2013 n’a pas
modifié le cadre juridique de la formation continue des enseignants, si ce
n’est par la création des ÉSPÉ, qui sont chargées « d’organiser » (article
L. 721-2) et de « participer » (article L. 625-1) à des actions de formation
continue.
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LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : ADAPTER LE CADRE D’EXERCICE
27
Le coût de cette politique de formation n’est pas négligeable (un peu
plus d’1 Md€ par an en incluant le traitement des formateurs et celui des
stagiaires
41
). Pourtant, 54,4 % seulement des enseignants en bénéficient en
2014-2015 dans le premier degré et 57 % dans le second degré
42
. La durée
moyenne de formation est de trois jours et demi par an, chiffre comparable
à l’ensemble de la fonction publique mais inférieur à celui des seuls agents
de catégorie A pour lesquels la moyenne annuelle est de 4 jours
43
.
Les taux de présence et d’assiduité sont faibles. Selon une enquête
nationale de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO),
en 2014-2015, 35 % des enseignants convoqués ne se sont pas présentés
dans le premier degré (27 % dans le second degré) et seuls 60 % ont assisté
aux deux tiers de la formation (65 % dans le second degré). Aucune
conséquence n’est tirée de ces défauts d’assiduité.
2 -
Des efforts de professionnalisation à poursuivre
Dans son rapport de 2013, la Cour avait invité à adapter la formation
continue à la diversité des situations pédagogiques et des fonctions
occupées. La circulaire de rentrée 2016 mentionne la nécessité d’une
formation continue « davantage en phase avec les besoins des personnels,
tant du point de vue des contenus, du format que des modalités retenues »,
preuve que le ministère a conscience des insuffisances du système actuel.
Des mesures allant dans cette direction ont été prises au cours des
dernières années. Une mission « accompagnement et formation » a été
mise en place au sein du ministère (DGESCO). Pour la réforme du collège,
un effort important a été accompli, y compris pour la formation des équipes
de formateurs (5 à 6 jours en moyenne). Dans le cadre de la refondation de
l'éducation prioritaire, 300 formateurs ont été préparés entre 2014 et 2016
41
Le calcul établi en réponse à l’enquête (2016) de la direction générale de
l’administration et de la fonction publique (DGAFP) dans le cadre du rapport annuel
sur l’état de la fonction publique permet d’établir une dépense de formation
professionnelle de 1,07 Md d’euros en 2014. Comme indiqué par la Cour dans son
référé de 2015, le chiffrage de la dépense associée à la politique de formation continue
n’est pas de lecture directe dans les documents budgétaires.
42
Selon le dernier bilan social publié par la direction générale de l’enseignement
scolaire.
43
Cour des comptes, Référé
La formation continue des enseignants,
30 janvier 2015,
6 p., disponible sur www.ccomptes.fr. L’enquête annuelle 2016 de la DGAFP confirme
ce décalage.
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COUR DES COMPTES
28
pour accompagner les équipes des REP+. L’offre de formations hybrides
(en présentiel et à distance) a été fortement enrichie. Depuis la rentrée
2016, des modules d’autoformation sont en accès libre pour les enseignants
qui le souhaitent. Des dispositifs collectifs sont proposés concernant
l’ensemble d’une équipe d’enseignants. La situation reste toutefois très
différenciée selon les contextes locaux.
L’investissement des ÉSPÉ, considérées comme des opérateurs
pivots
44
dans ce domaine, est très variable, tant celles-ci ont dû focaliser
leur effort sur la maîtrise du processus de formation initiale. Selon le
ministère, un tiers d’entre elles sont réellement impliquées.
Enfin, le contenu de la formation continue reste principalement
utilisé, comme par le passé
45
, comme un vecteur de transmission des
réformes plutôt que de développement professionnel des enseignants.
Pour toutes ces raisons, les enquêtes traduisent le scepticisme des
enseignants sur l’aide de la formation continue dans leur travail quotidien.
Selon l’étude précitée de l’OCDE, les enseignants français sont ceux qui
se sentent le moins bien préparés sur le plan de la pédagogie ou des
pratiques de classe
46
. Cela vaut en particulier dans les matières
scientifiques : les enseignants français déclarent se sentir moins à l’aise que
leurs collègues européens pour améliorer la compréhension des élèves en
difficulté pour les sciences (45 % contre 68 % en moyenne) et les
mathématiques (61 % contre 79 %)
47
. Près de la moitié des enseignants
français considèrent l’absence de mesures incitatives comme un frein à leur
participation et 42 % invoquent l’inadaptation de la formation.
Une formation continue adaptée est une attente importante des
enseignants, ce qui contraste avec la faible assiduité constatée. C’est
pourquoi un effort important reste à mener sur le volume de la formation
continue, ses modalités et son contenu, condition indispensable pour lui
donner le moment venu un caractère obligatoire.
44
Circulaire de rentrée pour l’année scolaire 2013-2014.
45
L’inspection générale de l’éducation nationale relevait en 2010 sur longue période le
caractère inadapté de la formation continue, le décalage entre les attentes des
enseignants et celle des décideurs et l’utilisation de la formation continue comme un
outil d’accompagnement des réformes
.
Rapport 2010-111 : évaluation de la formation
continue des enseignants des premier et second degrés (sur la période 1998-2010),
octobre 2010.
46
Seuls 6 enseignants sur 10 déclarent être bien ou très bien préparés dans ces
domaines, alors qu’ils sont 9 sur 10 en moyenne dans les 30 pays étudiés.
47
Étude internationale TIMMS précitée.
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LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : ADAPTER LE CADRE D’EXERCICE
29
3 -
Un levier de gestion des ressources humaines sous-exploité
La participation d’un enseignant à la formation continue constitue
un élément parmi d’autres de son évaluation par les inspecteurs, sans que
des conséquences directes puissent en être tirées : compte tenu des
conditions particulières de leur évaluation, il n’existe pas pour les
enseignants d’entretien annuel de formation, alors que la pratique en est
aujourd’hui généralisée dans la fonction publique.
Le déroulement de carrière, notamment les aspects liés au régime
indemnitaire ou l’accès à des responsabilités supplémentaires, n’est pas lié
à l’implication des enseignants dans la démarche de formation continue,
hormis le cas particulier de la préparation à des concours internes
(agrégation, accès aux fonctions de personnel de direction). Le suivi
individuel des formations des enseignants ne permet pas de retracer leurs
parcours, en particulier quand ils changent d’académie, ce qui est pourtant
un préalable à la prise en compte de la formation dans leur carrière.
II -
Les obligations de service :
des réformes partielles aux effets peu tangibles
Les enseignants disposent d’un régime dérogatoire au sein de la
fonction publique d’État pour définir et quantifier leur temps de travail.
Des décrets fixent ainsi leurs obligations réglementaires de service (ORS).
Celles-ci ont été pendant longtemps limitées, selon les décrets du 25 mai
1950, au temps passé devant élèves. Ces dispositions ont été réformées par
le décret du 30 juillet 2008 dans le premier degré et celui du 20 août 2014
dans le second degré, seuls les enseignants de classe préparatoire restant
soumis au régime antérieur. Ces décrets ne modifient pas cependant le
nombre d’heures obligatoires devant élèves.
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COUR DES COMPTES
30
Graphique n° 1 :
nombre d’heures statutaires devant la classe
Source : Cour des comptes à partir des données du Ministère de l’éducation nationale
Dans le primaire, le décret de 2008 transforme 3 heures
hebdomadaires en 108 heures annuelles, consacrées à des activités hors
classe. La répartition de ce contingent horaire
48
a été précisée par la
circulaire du 4 février 2013 prise dans le cadre de la réforme des rythmes
scolaires : les soixante heures d’aide personnalisée aux élèves se
décomposent en trente-six heures consacrées à des activités pédagogiques
complémentaires (APC) et vingt-quatre heures à un temps de travail
correspondant à l’organisation de ces APC ainsi qu’à l’identification des
besoins des élèves.
Dans le secondaire, le décret du 20 août 2014 indique que les
obligations de service s’inscrivent « dans le cadre de la réglementation
applicable à l'ensemble des fonctionnaires en matière de temps de travail »
(article 2). Cette mention utile peut constituer un levier ultérieur pour
mieux appréhender la mesure du service fait par les enseignants. Elle
s’accompagne cependant d’une référence aux « statuts particuliers
respectifs » des enseignants, qui dans le second degré ne prévoient
d’obligations horaires précises que sur une base hebdomadaire et devant la
classe, et non de façon globale au sein de l’établissement.
48
60 heures d’aide personnalisée, 24 heures pour les travaux en équipes pédagogiques,
les relations avec les parents, les projets personnalisés de scolarisation pour les élèves
handicapés, 18 heures d’animation et de formation pédagogique, 6 heures de
participation aux conseils d’école.
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LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : ADAPTER LE CADRE D’EXERCICE
31
Plusieurs missions liées directement au service d’enseignement
effectuées hors la classe sont certes reconnues, ce qui est bienvenu : la
préparation des cours, le suivi, l’évaluation et l’aide à l’orientation des
élèves, le travail en équipe pédagogique ou pluri-professionnelle, les
relations avec les parents d’élèves. Mais elles ne font pas l’objet d’un
forfait horaire précis et annualisé comme dans le premier degré.
En outre plusieurs missions ne sont toujours pas prises en compte
dans ce cadre rénové, alors qu’elles constituent des aspects majeurs ou du
bon fonctionnement du service public scolaire, le remplacement, ou de
l’exercice du métier, la formation continue
49
.
Contrairement aux recommandations de la Cour dans son rapport de
2013, aucune souplesse nouvelle n’a ainsi été introduite concernant le
rythme hebdomadaire d’heures passées devant élèves, permettant de les
moduler et de progresser vers l’annualisation des horaires. En l’état, cette
réforme n’a et ne devrait avoir que peu d’effets tangibles.
III -
Les pratiques enseignantes :
des réformes insuffisamment exigeantes
Pour améliorer la performance du système éducatif, des exigences
sont apparues ou se sont renforcées ces dernières années. La pratique
professionnelle des enseignants a besoin d’être évaluée pour leur apporter
des soutiens et des conseils personnalisés. Le travail des enseignants doit
être plus collectif et interdisciplinaire. La priorité donnée à la maîtrise du
socle commun de connaissances, de compétences et de culture ne s’est pas
traduite concrètement pour faciliter les transitions entre le premier et le
second degré.
A -
Le faible impact de l’évaluation des enseignants
pour améliorer les pratiques professionnelles
L’évaluation des enseignants est un outil de gestion de la carrière
des enseignants (avancement, mobilité, rémunérations), mais aussi de
49
Seule, la circulaire « refondation de l'éducation prioritaire » du 4 juin 2014 prévoit
en REP+ le principe de trois jours de formation en appui sur la pondération dans le
second degré et sur le remplacement de 18 demi-journées dans le premier degré.
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COUR DES COMPTES
32
soutien pédagogique et d’aide au perfectionnement individuel et collectif.
Jusqu’à présent, les professeurs des écoles font l’objet d’une note et d’une
appréciation pédagogique sur proposition de l’inspecteur de l’éducation
nationale de la circonscription. Les professeurs du second degré se voient
de leur côté appréciés et notés sur « la valeur de l’action éducative et de
l’enseignement donnés » par les membres des corps d’inspection de la
discipline académique (pour 60 % de la note) et sur « la manière de servir »
par le recteur sur proposition du chef d’établissement (pour 40 %).
Les enseignants font l’objet d’inspections pédagogiques périodiques
qui déterminent les conditions de leur avancement, bien que les statuts des
corps n’établissent pas de lien explicite entre l’inspection individuelle et
l’attribution de la note, ni entre l’évaluation des professeurs et leur
avancement d’échelon ou de grade. Cette organisation entraîne environ
170 000 inspections par an, soit 7 à 8 inspections en moyenne sur la durée
d’une carrière complète, ou encore une inspection tous les 5 à 6 ans
50
.
L’évaluation reste insuffisamment organisée pour être un soutien
aux enseignants. Aucune articulation n’existe entre le repérage des
enseignants en difficulté et l’organisation des inspections, sauf pour les
enseignants débutants à l’occasion de leur titularisation. Aucun standard
n’est défini pour le déroulement des inspections, en dehors d’un outil
d’accompagnement élaboré très récemment et destiné aux enseignants
débutants. La continuité des rapports des inspections n’est pas assurée,
ceux-ci ne faisant apparaître aucun suivi explicite d’une inspection à la
suivante pour un même enseignant. Un nouveau dispositif d’évaluation des
enseignants est entré en vigueur à la rentrée 2017 (cf.
infra
).
50
La Cour a analysé les notes obtenues tout au long de leur carrière par les 13 886
enseignants partis à la retraite en 2015. En moyenne, ils ont fait l’objet chacun de
5,2 notations soit une tous les 7 ans et leur dernière évaluation est intervenue 6,7 années
avant leur départ en retraite. Dans le premier degré, le nombre moyen de notes est de
7 soit une tous les 5 ans. Dans le second degré, le nombre de notes varie
considérablement d’une matière à l’autre, l’enseignement professionnel arrivant en tête
de classement (5 à 6 notes par carrière contre 2 à 4 pour les langues et les matières
générales).
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LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : ADAPTER LE CADRE D’EXERCICE
33
Le nouveau dispositif d’évaluation des enseignants arrêté en 2016
Chaque enseignant bénéficie de quatre rendez-vous de carrière pour
faire le point sur son parcours. Une nouvelle grille de critères
51
et une
appréciation d’ensemble se substituent à la notation.
Des accélérations de carrière ou des perspectives de promotion plus
rapides sont prévues. Au premier grade (au 6
ème
et au 8
ème
échelon), 30 %
des personnels enseignants peuvent bénéficier d’une accélération de leur
carrière d’une année. Avant la fin de la classe normale, et à partir de deux
ans d’ancienneté dans le 9
ème
échelon, les personnels peuvent accéder à la
hors-classe à un rythme reconnaissant leur parcours et leur engagement
professionnels.
Ils peuvent enfin accéder à un 3
ème
grade, la classe exceptionnelle,
destinée à promouvoir le parcours et l’engagement professionnel des
personnels. Celle-ci sera prioritairement accessible (à hauteur de 80 % des
promotions) aux personnels enseignants qui, à partir du 3
ème
échelon de la
hors-classe, auront exercé en éducation prioritaire ou occupé des missions
ou responsabilités particulières pendant au moins huit ans. Elle sera
également accessible (à hauteur de 20 % des promotions) aux autres
enseignants, situés au dernier échelon de la hors-classe, pour tenir compte
de parcours professionnels remarquables.
Il est trop tôt pour évaluer précisément ce nouveau système, qui ne
modifie pas en profondeur les fondements du dispositif actuel
52
mais en
rationalise les procédures. Rien ne garantit que le critère d’ancienneté qui
prévaut jusqu’à présent ne continue pas à jouer un rôle majeur. Tous les
enseignants se voient en outre garantir de terminer leur carrière dans le
grade de la « hors classe ». Les conséquences d’une bonne ou d’une
mauvaise appréciation demeurent ainsi limitées au rythme d’avancement
et au plan financier.
51
Le ministère réfléchit à un projet de grille d’évaluation professionnelle des
enseignants comprenant des thèmes tels que « coopérer au sein d’une équipe »,
« construire, mettre en oeuvre et animer des situations d’enseignement et
d’apprentissage prenant en compte la diversité des élèves ». Les critères liés à la
participation collective et à l’individuation des pratiques apparaissent plus nettement.
52
Le dispositif prévu dispose que les propositions annuelles de promotion seront basées
sur un « barème » qui prendra en compte deux éléments : l’appréciation finale du
troisième rendez-vous de carrière, et le nombre d’années de présence de l’enseignant
dans la plage d’appel statutaire à la hors-classe. Il prévoit que tous les enseignants ayant
une carrière complète atteindront la hors classe.
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34
Le système d’évaluation des enseignants demeure atypique au plan
international. Contrairement à ce qui se pratique dans de nombreux pays,
il reste un dispositif administratif qui n’incorpore aucun paramètre tenant
aux résultats des élèves, et n’associe pas les membres de la communauté
éducative (parents d’élèves, élèves eux-mêmes).
Un modèle français d’évaluation atypique au plan international
53
À la différence de nombreux pays étrangers, les progrès des élèves
ne sont pas un des critères d’évaluation des enseignants en France.
L’incorporation de l’opinion des « parties prenantes » (parents
d’élèves, élèves eux-mêmes) y est en outre moins répandue : d’après
l’OCDE, seuls 13 % des élèves français fréquentent un établissement
pratiquant un « retour d’information écrit » des usagers contre 60 % en
moyenne dans l’OCDE et seuls 23 % fréquentent un établissement dont le
chef d’établissement indique que les évaluations des élèves sont utilisées
pour évaluer l’efficacité des enseignants contre 50 % en moyenne dans
l’OCDE.
À l’inverse, le recours à un tiers extérieur à l’établissement
(inspections pédagogiques) pour suivre les pratiques des enseignants est
moins pratiqué à l’étranger. Dans les pays de l’OCDE, seuls 27 % des élèves
en moyenne sont scolarisés dans des établissements dont le chef déclare que
cette méthode est utilisée contre 78 % qui se fondent sur les évaluations des
élèves, 60 % qui mettent en oeuvre une revue par les pairs et 69 % qui ont
recours au chef d’établissement lui-même.
En tout état de cause, au-delà de la question de l’ampleur souhaitable
des différenciations de carrière, la mise en place du nouveau système devra
être l’occasion de renforcer les instruments de conseil et l’appui aux
enseignants, y compris pour apporter une meilleure réponse aux difficultés
repérées de certains. C’est en cela qu’il peut constituer un moteur de
changement de la culture professionnelle.
53
OCDE (2014),
Résultats du PISA 2012 : les clés de la réussite des établissements
d’enseignement : ressources, politiques et pratiques
» (Volume IV).
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LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : ADAPTER LE CADRE D’EXERCICE
35
B -
Des leviers nouveaux de faible intensité
pour favoriser le travail en équipe
L’article 72 de la loi de 2013 (nouveau article L. 912-1 du code de
l’éducation) complète et renforce les dispositions datant de 2005 sur le
travail collectif des enseignants. « L’encouragement au travail transversal
et pluridisciplinaire et l'innovation pédagogique » constituent une nouvelle
mission des enseignants, au sein d’équipes intégrant les personnels
spécialisés, notamment les psychologues scolaires.
De nombreux dispositifs éducatifs exigent un mode de travail plus
collectif. Dans le primaire, le dispositif « plus de maître que de classe »
(
cf. infra
) oblige à une concertation sur les modalités d’intervention de cet
enseignant supplémentaire. La faculté de disposer de 18 demi-journées
dans les réseaux de l’éducation prioritaire (REP+) pour conduire des
réflexions collectives, sous l’égide des inspecteurs de circonspection du
premier degré, va dans le même sens.
Dans le second degré, la réforme du collège (décret et arrêté du
19 mai 2015) suppose une concertation accrue de la communauté
enseignante pour la mise en place des temps d’accompagnement
personnalisé et des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI). Dans
les établissements de l’éducation prioritaire (REP+), 10 % du temps de
service devant la classe est libéré notamment pour renforcer le temps
collectif accordé aux réponses aux difficultés rencontrées. La répartition de
ce temps de travail n’est cependant ni précisée ni quantifiée.
La réforme des obligations règlementaires de service du second
degré de 2014 a inscrit le travail collectif dans la liste des missions liées au
service public d’enseignement. Ces équipes pédagogiques peuvent être
appelées à travailler en «
équipe pluri professionnelle
», associant d’autres
types de personnel (personnels de santé, sociaux, d’orientation, etc.).
La création de l’indemnité pour mission particulière (décret du
25 avril 2015) offre enfin un levier dans les mains des chefs
d’établissement. Ceux-ci en définissent les critères d’attribution afin de
valoriser les fonctions de coordination disciplinaire et pluridisciplinaire. Ce
dispositif améliore la reconnaissance des fonctions de coordination (de
discipline, d’enseignement) qui favorisent l’interaction entre les équipes
pédagogiques.
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36
Le travail collectif et la liberté pédagogique
L’article L. 912-1 du code de l’éducation pose le principe de la liberté
pédagogique des enseignants. Mais il indique aussi que celle-ci s’exerce dans
le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de
l’éducation nationale et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement,
avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d’inspection.
Le même article indique que les enseignants « travaillent au sein
d’équipes pédagogiques ». Il n’y a donc aucun obstacle de principe à ce que
ce travail oriente l’activité de chaque enseignant, dès lors que les principales
dispositions arrêtées (ex : modalités du soutien scolaire, coordination entre
les disciplines, etc.) figurent dans le projet d’école ou d’établissement.
Toutes ces mesures sont positives. Mais rien ne garantit qu’elles
seront véritablement utilisées pour intensifier le travail collectif, dès lors
que le cadre d’ensemble de la gestion des enseignants n’est pas modifié.
Les prérogatives des chefs d’établissement d’organiser le travail en équipe,
notamment par les projets d’établissement, restent de facto limitées (
cf.
infra
). Les affectations et les mutations des enseignants se décident sans
tenir compte des besoins de l’équipe de l’établissement. L’évaluation
collective de la performance est peu développée et reste seconde par
rapport à la notation individuelle.
De façon générale, les incitations concrètes au travail en équipe
restent marginales par rapport à la logique privilégiant l’ancienneté qui
prévaut dans la gestion des carrières et des affectations. L’autonomie
limitée des responsables d’établissement constitue un important frein
comme en témoignent les difficultés de mise en place de pratiques
éducatives plus collectives lors de la récente réforme des collèges.
C -
Des mesures limitées pour rendre effectif
le socle commun
Selon la loi de 2005 précisée par plusieurs textes ultérieurs, la
scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève l’acquisition d’un socle
commun de connaissances, de compétences et de culture (article
L. 122-1-1 du code de l’éducation). Il est organisé en trois cycles, celui des
apprentissages
fondamentaux
(CP,
CE1,
et
CE2),
de
la
consolidation (CM1, CM2, 6
ème
), enfin des approfondissements (5
ème
, 4
ème
et 3
ème
). Le cycle de consolidation, fondé sur un continuum école/collège,
aurait dû entraîner des adaptations importantes de la gestion des
enseignants. Or les mesures prises sont de faible portée.
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LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : ADAPTER LE CADRE D’EXERCICE
37
1 -
Une segmentation persistante entre le primaire et le secondaire
Dans la logique du socle commun, les passerelles entre les
professeurs des écoles et les enseignants du second degré auraient dû être
multipliées. Si des avancées existent, elles demeurent partielles et inégales.
Dans certaines académies, une réflexion spécifique sur le cycle 3 du
socle commun s’est organisée, des espaces numériques de travail (ENT) se
développent pour permettre à des enseignants d’une école ou d’un collège
de communiquer entre eux et de mutualiser leurs ressources. Un conseil
école-collège a été mis en place depuis la rentrée 2015
54
mais l’effectivité
de son rôle, comme les éventuels travaux qu’il impulse, demeurent mal
connus, en l’absence de tout bilan.
L’animation de la circonscription du premier degré, qui regroupe les
écoles d’un territoire, est une responsabilité des inspecteurs d’académie, au
sein des directions des services départementaux de l'éducation nationale
(DASEN) : elle est primordiale pour créer des liens entre les écoles et les
collèges. D’après un rapport de l’inspection générale de l’administration
nationale (IGAENR) sur cette circonscription scolaire, cet axe de travail
est pris en mains de façon très inégale.
Il n’a pas été tenté, même de façon expérimentale, de réduire les
obstacles structurels et statutaires à la mise en place de passerelles entre les
deux degrés d’enseignement. Les affectations croisées entre écoles et
collèges n’existent pas. Les régimes de gestion sont distincts, les
obligations règlementaires de services différentes (nombre d’heures devant
la classe, existence ou non d’un forfait horaire pour les activités hors
classe), les cadres disciplinaires (monovalence des enseignants du second
degré et polyvalence de ceux du premier degré) semblent indépassables.
Les possibilités de détachement ne sont pratiquement pas utilisées et leurs
modalités manquent de souplesse.
En dehors de la situation particulière de l'enseignement adapté
55
, il
n'existe aucune disposition encadrant la situation d'un enseignant qui
assurerait des séquences d'enseignement hors de son degré d'origine. À
défaut d’un tel cadre, même temporaire, une affectation dans les deux
degrés reste une option virtuelle.
54
Celui-ci rassemble des enseignants du collège et des écoles du secteur de celui-ci
pour améliorer la concertation. Il se réunit au moins deux fois par an.
55
Dans les sections d'enseignement général et professionnel adapté des collèges
(Segpa), destinées aux élèves présentant des difficultés scolaires graves et persistantes,
le service peut être effectué par des enseignants du premier degré.
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COUR DES COMPTES
38
2 -
La spécialisation des enseignants du second degré :
une limitation aux échanges entre degrés d’enseignement
Alors que les enseignants du premier degré sont polyvalents, ceux
du second degré sont spécialisés dès les premières années dans la discipline
pour laquelle ils ont été recrutés. La bivalence ou l’enseignement de deux
disciplines n’existe que pour les professeurs de lycée professionnel dans
les disciplines générales (lettres-histoire ou maths-sciences physiques), et
pour certaines matières précises (l’histoire et la géographie, les sciences
économiques et sociales, les sciences de la vie et de la terre, la physique et
la chimie, les lettres, les langues régionales et le tahitien). Un tiers
seulement des sections du CAPES ont un caractère bivalent.
L’extinction il y a dix ans du corps des professeurs d'enseignement
général de collège (PEGC) a fait baisser le nombre d’enseignants bivalents.
Il est possible de confier à un enseignant qui ne peut assurer la totalité de
son service dans sa spécialité, à titre de complément, un enseignement dans
une autre discipline (décret du 20 août 2014) mais cette faculté est soumise
à l'accord de l’intéressé.
La prédominance de la monovalence présente l’inconvénient de
rendre plus difficile la transition entre le CM2 et la 6
ème
et plus largement
entre le premier cycle et le collège. La continuité de l’organisation de la
scolarité est assez brutalement rompue. La logique du socle commun aurait
pourtant voulu que soient aménagés des enchainements pratiques,
notamment au bénéfice des élèves en difficulté dans les réseaux de
l’éducation prioritaire (REP +).
Le choix quasi intangible dans la façon de répartir les disciplines
entre les enseignants rigidifie la gestion des affectations et l’organisation
des emplois du temps, par exemple pour les remplacements. La préférence
pour la monovalence contribue à l’existence de surnombres ou de déficits
disciplinaires et aux pertes de service (en particulier pour les établissements
de petite taille).
Des efforts ont été faits ces dernières années pour restreindre ces
effets. Les pertes de potentiel liées directement à la monovalence (quotités
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LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : ADAPTER LE CADRE D’EXERCICE
39
trop faibles
56
et surnombres disciplinaires
57
) ont eu tendance à diminuer
mais n’en continuent pas moins à représenter 1 642 équivalents temps plein
(ETP) en 2015 (contre 2 526 en 2011).
Des pratiques allant vers la polyvalence des enseignements ont été
encouragées. Elles demeurent d’impact limité car très encadrées et de mise
en oeuvre aléatoire. Pour les classes bi-langues, un enseignant d’une
discipline peut faire quelques heures de sa discipline dans une langue
étrangère pour ses propres élèves. La mise en place de l’option « Histoire
des arts » a permis à des enseignants de lettres ou d’histoire et géographie
d’ajouter à leurs pratiques un volet artistique et culturel. La prise en charge
par des enseignants d’autres champs disciplinaires dans le cadre d’un
travail d’équipe (co-enseignement) a fait l’objet d’expérimentations
locales, parfois académiques (Paris, Lyon, Limoges) dans le cadre de la
politique de prévention contre le décrochage scolaire.
La réduction du nombre de filières de compétence, et des concours,
constitue une manière plus structurante de traiter ce sujet, qui est une
source diffuse de pertes de potentiel d’enseignement. Depuis 2010, les
sections de concours ont légèrement diminué (de 375 à un peu plus de 350)
car la réforme de la filière des sciences et technologies industrielles (STI)
en 2011-2012 et la refonte du baccalauréat professionnel y ont contribué.
En revanche, le nombre des filières ouvertes en 2016 pour les concours du
seul second degré est en augmentation (195 sections contre 161 en 2011)
en raison de maquettes de formation inchangées dans les voies générales et
technologiques.
Un effort plus vigoureux d’ajustement du cadre d’exercice du métier
d’enseignant doit être entrepris, pour répondre à un objectif de maîtrise
d’un socle commun couvrant l’enseignement primaire et le premier cycle
du secondaire (collège) constamment réaffirmé.
56
Les « quotités trop faibles » correspondent à un taux inférieur à 33 % de l’obligation
règlementaire de services l’ORS, résultant généralement de besoins fragmentés liés à la
taille des établissements et/ou à la géographie rurale de certaines académies. Le chiffre
indiqué correspond à une agrégation de ces reliquats.
57
Les surnombres disciplinaires correspondent, de manière forfaitaire, au potentiel
dépassant le chiffre conventionnel des 6 % de la ressource enseignante nécessaire au
remplacement.
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COUR DES COMPTES
40
IV -
Les responsables d’établissements :
un rôle incertain vis-à-vis des enseignants
Les sciences de l’éducation ont mis en évidence un «
effet chef
d’établissement
», relatif et variable mais réel, dans l’efficacité et l’équité
du système scolaire. Le directeur d’école ou le chef d’établissement peut
jouer un rôle clé dans
la motivation et l’organisation collective du travail
des enseignants, notamment par une animation active des projets
d’établissement et par l’emploi des moyens fongibles dont il dispose en
dotations d’heures d’enseignement et d’heures supplémentaires.
Or, si les textes ont consacré de façon constante l’accroissement de
leurs responsabilités, en particulier pour mettre en oeuvre les réformes
éducatives récentes, leur marge de manoeuvre effective, vis-à-vis des
enseignants, reste marquée par d’importantes ambiguïtés, qui obèrent de
facto leur action. L’indétermination du statut plus ou moins autonome des
établissements du second degré, n’est pas étrangère à cette situation.
A -
Une responsabilité décisive à exercer
dans une position ambiguë
Dans le premier degré, le directeur d’école est obligatoirement un
enseignant, instituteur ou professeur des écoles, qui a effectué au moins
deux années de service en école maternelle ou élémentaire. La plupart du
temps, il n’occupe pas cette fonction à temps plein et bénéficie d’un régime
de décharges d’enseignement variable selon le nombre de classes de son
école
58
. Il exerce un rôle de coordination entre les enseignants, d’animation
de l’équipe pédagogique et veille au bon déroulement des enseignements
59
.
Même si un référentiel « métier » concernant les directeurs d’école
a été élaboré pour la première fois par la circulaire du 1
er
décembre 2014,
le cadre d’exercice de leurs missions reste inchangé, en l’absence de
reconnaissance d’un véritable statut.
58
Plus d’un tiers des directeurs d’école (36 %) sont affectés dans des écoles comprenant
moins de 4 classes et ne bénéficient de ce fait d’aucune décharge.
59
Décret n° 89-122 du 24 février 1989 relatif aux directeurs d’école.
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LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : ADAPTER LE CADRE D’EXERCICE
41
Si le directeur d’école exerce un pouvoir d’affectation des
enseignants aux classes
60
, il n’a pas autorité sur eux. Pourtant les réformes
récentes ont
de facto
entraîné un renforcement de son rôle envers le corps
enseignant. La gestion de la modification des rythmes scolaires ou du
dispositif « plus de maîtres que de classes » a reposé largement sur lui
61
,
tant pour l’organisation pratique que la réflexion pédagogique. Comme le
relève le rapport de la Cour de 2013, le véritable supérieur hiérarchique des
enseignants dans le premier degré n’est pourtant pas le directeur d’école
mais l’inspecteur de l’éducation nationale de circonscription.
Dans
le
second
degré,
une
fonction
de
direction
s’est
progressivement structurée. Les chefs d’établissement constituent un corps
spécifique et exercent leurs fonctions à plein temps. Leur recrutement par
concours est ouvert à d’autres profils que les enseignants, même si dans les
faits, ils sont très majoritairement issus de ce corps
62
. Contrairement au
directeur d’école, le chef d’établissement a autorité sur l’ensemble des
personnels affectés à l’établissement
63
même si pour les enseignants, son
pouvoir se limite à s’assurer de leur contribution à la continuité de
l’enseignement
64
. Il confectionne les emplois du temps et participe à la
notation.
Si son statut est plus affirmé, le chef d’établissement voit lui aussi
sa légitimité partagée, voire contestée, par celle accordée aux inspecteurs
qui demeurent aux yeux de nombreux enseignants la seule autorité réelle
en raison de leurs compétences disciplinaires. La liberté pédagogique des
enseignants devant leur classe est souvent invoquée pour expliquer cette
situation. Les textes définissant cette notion (cf.
supra
) montrent cependant
qu’elle comporte elle-même des limitations.
Ces incertitudes contrastent avec l’élargissement régulier de leurs
missions. Le ministère a, ces dernières années, reconnu progressivement
des prérogatives plus étendues aux chefs d’établissement, qu’il s’agisse de
60
Après avis du conseil des maîtres qu’il préside.
61
D’après un rapport conjoint des inspections générales, « en contact direct avec ses
collègues enseignants, le directeur d’école est le véritable garant d’une mise en oeuvre
efficace du dispositif » (Rapport n° 2014-031 : « le dispositif plus de maîtres que de
classes : projet et mise en oeuvre pédagogique » IGEN et IGAENR, juin 2014).
62
La part des enseignants a augmenté entre 2009 (77 %) et 2014 (82 %).
63
Décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux
d’enseignement.
64
Article L. 912-1 du code de l’éducation : « les enseignants contribuent à la continuité
de l’enseignement sous l’autorité du chef d’établissement en assurant des
enseignements complémentaires ».
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COUR DES COMPTES
42
dotations financières utilisables plus librement ou de leur pouvoir d’arrêter
des projets d’établissement. Ils jouent un rôle clé dans les réformes du
système éducatif : ils en animent les instances de pilotage.
L'accompagnement pédagogique des élèves institué par le décret du
18 novembre 2014 conforte le rôle central du chef d’établissement. Pour sa
mise en place, les équipes pédagogiques sont placées sous son autorité, en
associant l'élève et ses représentants légaux
65
. C’est sous sa présidence que
l'équipe pédagogique établit une synthèse du suivi de l’élève,
régulièrement transmise à ce dernier et à ses représentants légaux
66
.
Le statut du directeur d’école : un débat non tranché
Depuis une vingtaine d’années, de nombreux rapports (de la
Commission Fauroux en 1996
67
au rapport de concertation pour la
refondation de l’école de 2012) se sont prononcés en faveur en faveur d’un
statut des directeurs d’école.
Plusieurs tentatives ont échoué et les facteurs de blocage sont
nombreux. Le premier, d’ordre financier, est lié aux coûts qui en
résulteraient. Mais surtout, l’octroi d’un statut impliquerait que les
enseignants acceptent de reconnaître une forme de prééminence de leur
ancien
collègue.
Les
directeurs
d’école
eux-mêmes
se
montrent
circonspects, craignant qu’un statut ne leur fasse perdre leur légitimité
auprès de leurs collègues enseignants.
La question du statut se heurte aussi à l’hétérogénéité des écoles, et
à leur nombre. Il parait évident que la création de postes de directeur est liée
à la rationalisation de la carte des unités du premier degré et/ou l’application
d’un seuil démographique. Nombre d’écoles (à partir de 10 classes)
atteignent d’ores et déjà la taille de certains collèges.
Dans la réforme du collège, une plus grande marge de manoeuvre est
laissée aux établissements dans la gestion de leur dotation horaire pour
l’accompagnement
personnalisé
et
les
enseignements
pratiques
interdisciplinaires. Un des objectifs est de favoriser le travail en groupes à
effectifs réduits, les interventions conjointes de plusieurs enseignants, et de
mettre en place les enseignements de complément.
65
Codifié à l’article D.332-6 du code de l’éducation.
66
Codifié à l’article D.341-2 du code de l’éducation.
67
Commission Fauroux : « Pour l’école », rapport au Premier ministre (avril 1996).
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LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : ADAPTER LE CADRE D’EXERCICE
43
Malgré ces évolutions, le rôle des chefs d’établissement et des
directeurs d’écoles comme animateurs et responsables de l’équipe
d’enseignants reste peu valorisé par rapport aux responsabilités qui leur
sont confiées. Leur rémunération est par exemple inférieure à celle
pratiquée dans d’autres pays européens
68
et peu différenciée en fonction
des mérites de chacun.
La notion d’équipe de direction dirigée par un supérieur
hiérarchique est inexistante dans le premier degré, où le directeur d’école
exerce seul les missions qui lui sont confiées, sans adjoint et le plus souvent
sans aide pour la réalisation des tâches administratives. Elle est
imparfaitement structurée dans le second degré, où le chef d’établissement
peut s’appuyer sur un adjoint appartenant au même corps que lui mais qu’il
ne choisit pas et qu’il n’évalue pas. La capacité des chefs d’établissement
à s’imposer et à piloter repose dès lors pour l’essentiel sur leur autorité
« naturelle », la bonne volonté de leurs collaborateurs, et la possibilité de
s’appuyer sur une relation constructive avec les autorités rectorales.
Cette question va de pair avec celle de l’autonomie des
établissements, qui n’a jamais été abordée dans toutes ses dimensions. Son
contenu reste insuffisamment cerné à la fois sur les plans juridique et
pédagogique, alors que de nombreuses dispositions y concourent
(personnes morales pour le secondaire, procédures de contractualisation
tripartite avec les collectivités locales et l’État, projets d’établissement,
fongibilité des enveloppes de moyens, etc.).
B -
Des marges de manoeuvre trop restreintes
vis-à-vis des enseignants
Les directeurs d’école et les chefs d’établissement ne disposent pas
de moyens solides pour animer une équipe alors qu’ils sont les seuls en
situation de le faire.
68
Eurydice – Facts and Figures, «
Teachers’ and School Heads’ Salaries and
Allowances in Europe
, 2014/15 ».
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COUR DES COMPTES
44
1 -
Un pouvoir inexistant dans les affectations,
très encadré dans l’évaluation
Le directeur d’école ou le chef d’établissement ne peut d’abord pas
choisir l’équipe enseignante de l’établissement, ni participer aux décisions
d’affectation
69
. Même pour les postes à profil, la décision est prise au
niveau ministériel ou rectoral et pour le premier degré, au niveau de
l’inspection de l’éducation nationale, la direction de l’établissement ou de
l’école n’étant pas sollicitée
70
.
La seule expérimentation donnant aux chefs d’établissement une
véritable responsabilité en matière de recrutement des enseignants est
intervenue dans le cadre du programme d’éducation prioritaire ECLAIR
71
,
mis en place en 2011: les décisions d’affectation y étaient prises par le
recteur sur avis du chef d’établissement
72
. Cette disposition n’a pas été
reconduite à partir de 2012 et aucun véritable bilan n’en a été fait.
Comme cela a déjà été indiqué (cf.
supra
), le directeur d’école ne
joue aucun rôle dans l’évaluation et la notation des enseignants. Dans le
second degré, le chef d’établissement contribue à la note à hauteur de 40 %
mais les seuls critères limitatifs sur lesquels il se fonde portent sur le
comportement de l’enseignant dans la classe (ponctualité et assiduité,
activité et efficacité, autorité et rayonnement)
73
. La proposition de note
peut en outre être modifiée ultérieurement du fait des péréquations
académiques puis nationales et peut enfin, selon le droit commun, être
contestée par l’enseignant devant une commission administrative
paritaire
74
.
Malgré l’intérêt de l’entretien d’évaluation, l’exercice a donc
une portée limitée. La récente réforme de l’évaluation supprime la notation
69
Sauf dans l’enseignement catholique privé sous contrat, où le candidat enseignant est
sélectionné par le directeur de l’établissement pour le premier comme pour le second
degré, le recteur validant dans la quasi-totalité des cas ce choix.
70
Tout au plus pour les RASED, les modalités d’intervention sont-elles concertées avec
le conseil des maîtres des écoles concernées (circulaire n° 2014-107 du 18 août 2014).
71
Écoles, Collèges, Lycées pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite.
72
Le rapport IGEN / IGAENR n° 2012-076 portant sur l’élargissement du programme
CLAIR au programme ECLAIR de juillet 2012 qualifie les postes à profil
d’« expérimentation porteuse de réussites » même si « des interrogations subsistent ».
73
Le rapport précité de l’IGEN indique, non sans une certaine ironie, que «
la mission
et les personnes qu’elle a sollicitées n’ont pas réussi à identifier le texte à l’origine des
trois critères très anciens utilisés dans les académies
».
74
La notation pédagogique est quant à elle susceptible d’un recours devant l’auteur de
la note ou un autre membre des corps d’inspection (article 10 du décret du 4 juillet 1972
relatif au statut particulier des professeurs certifié).
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LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : ADAPTER LE CADRE D’EXERCICE
45
mais ne modifie pas fondamentalement cette situation, où la hiérarchie
fonctionnelle pèse dans le processus de gestion de l’enseignant.
2 -
Une organisation de l’enseignement
soumise à de fortes contraintes
Le vrai pouvoir des directeurs d’école et des chefs d’établissement
vis-à-vis des enseignants porte en réalité sur l’organisation de
l’enseignement.
Dans le premier degré, celle-ci constitue une responsabilité du
directeur d’école sous le contrôle de l’inspecteur de l’éducation nationale.
Il affecte les enseignants à une classe et organise les emplois du temps, en
particulier pour les cent huit heures annuelles prévues dans les obligations
réglementaires de service. Il fait une proposition d’utilisation de ces heures,
validée ensuite par l’inspecteur d’académie
75
. Il peut moduler la répartition
du temps de service en fonction des besoins, mais avec l’accord de
l’enseignant.
Dans le second degré, le chef d’établissement affecte lui aussi les
professeurs à une classe et organise les emplois du temps. Il peut imposer
à un enseignant en sous-service d’effectuer des heures de cours de
remplacement, uniquement dans la même discipline. Il peut imposer à
l’enseignant d’effectuer une première heure hebdomadaire supplémentaire
dans sa discipline même si l’intéressé n’est pas d’accord, mais ne peut aller
au-delà en cas de désaccord de ce dernier.
Pour le remplacement de courte durée, qui est un des facteurs
importants de la continuité du service public et demeure mal pris en compte
(cf.
infra
), il ne peut mobiliser les enseignants qu’avec leur accord grâce aux
« heures supplémentaires effectives » (HSE)
76
. Il pourrait en principe
l’imposer à l’enseignant, conformément au dispositif prévu par le décret du 26
août 2005 qui désigne le chef d’établissement comme pilote en la matière.
Encore faudrait-il, pour désigner les remplaçants parmi les
enseignants de l’établissement, qu’un protocole d’établissement fût conclu
75
Circulaire n° 2013-019 du 4 février 2013 sur les obligations de service : « Les
directeurs contribuent à l’organisation et à la coordination au sein de leur école des
soixante heures d’activités pédagogiques complémentaires et de travail en équipe
pédagogique afférent ».
76
Décret n° 2005-1035 du 26 août 2005 relatif au remplacement de courte durée des
personnels enseignants dans les établissements d'enseignement du second degré,
renvoyant à la conclusion d’un protocole la gestion des remplacements.
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COUR DES COMPTES
46
en ce sens. Cette disposition ayant suscité une forte défiance des intéressés,
ce dispositif n’a pas été mis en oeuvre et le remplacement de courte durée
a continué à s’appuyer exclusivement sur le volontariat des enseignants.
Le ministère vient, dix ans plus tard, de réactiver ce dispositif en
demandant aux chefs d’établissement de présenter ces protocoles au cours
de l’année scolaire 2016-2017. On peut douter que cette initiative soit
suivie d’effets car elle ne s’est pas accompagnée de pouvoirs
supplémentaires donnés aux chefs d’établissement pour imposer les heures
supplémentaires nécessaires.
Pour les tâches hors de la classe, correspondant aux missions liées
au service d’enseignement dans les nouvelles obligations règlementaires
de service, le chef d’établissement dépend de la bonne volonté des
enseignants car il ne dispose pas de leviers particuliers pour leur exercice.
Par exemple, la participation aux conseils de classe ou le suivi des élèves
font l’objet d’une « indemnité de suivi et d’orientation des élèves » (ISOE)
attribuée de manière fixe à tous les enseignants, indépendamment de leur
investissement effectif dans ces domaines.
Sa principale marge de manoeuvre pour valoriser le travail et les
initiatives des enseignants résidait jusqu’en 2014 sur des décharges de
service et sur des heures supplémentaires-établissements (HSE) utilisées
parfois comme une simple prime. Celles-ci étaient alors accordées selon
les missions réalisées et non en fonction des heures effectuées.
La création de « l’indemnité pour mission particulière » (IMP)
clarifie la méthode et les procédures et permet d’interdire de telles
pratiques par une circulaire de 2015. La procédure d’attribution de cette
nouvelle prime n’accorde toutefois aux chefs d’établissement qu’une
responsabilité encadrée (enveloppe notifiée par le recteur, barème,
conformité aux orientations académiques, avis du conseil d’administration
et du conseil pédagogique sur le dispositif). C’est le recteur qui,
in fine
,
prend les décisions individuelles d’attribution, en fonction de l'importance
effective et des conditions d'exercice de la mission.
Par l’ambiguïté de la position des personnels dirigeants des
établissements scolaires, le ministère se prive d’un échelon majeur de
direction et d’animation, au plus près des équipes enseignantes, de
l’ensemble de la communauté éducative, des parents d’élèves et des
responsables locaux. Les difficultés de mise en oeuvre de certaines
réformes peuvent trouver une de leurs causes dans cette faiblesse.
Pour l’opinion publique, et au premier rang pour les parents
d’élèves, il persiste un
hiatus
entre la perception du rôle central des chefs
d’établissement et la réalité de leurs prérogatives.
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LE MÉTIER D’ENSEIGNANT : ADAPTER LE CADRE D’EXERCICE
47
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
La nécessité d’améliorer les performances moyennes du système
éducatif implique une évolution du cadre dans lequel s’exerce le métier
d’enseignant. Comme le montrent les comparaisons internationales, la
qualité de leur formation, l’organisation de leur travail dans et en dehors
de la classe, la pertinence de leur évaluation, leur capacité à assurer une
continuité entre l’école et le collège, ainsi que leurs relations avec les
directeurs d’école et les chefs d’établissement jouent un rôle majeur dans
la performance d’ensemble du système et pour la réussite des réformes.
Plusieurs adaptations du métier sont intervenues au cours des dernières
années, mais elles demeurent insuffisantes. Les rigidités du cadre de
gestion font encore obstacle à la prise en compte des exigences de plus en
plus fortes à l’égard des enseignants.
Le rétablissement d’une formation initiale constitue une avancée
incontestable. Cependant des efforts en faveur de la professionnalisation
doivent être poursuivis, passant notamment par une simplification de
l’architecture d’ensemble du dispositif. Il en va de même pour la formation
continue, qui répond encore mal aux besoins des enseignants, alors qu’elle
devrait être pour le ministère un levier d’accompagnement et de gestion
des ressources humaines.
La redéfinition des obligations réglementaires de service dans le
second degré a peu d’effets tangibles du fait du maintien du cadre
hebdomadaire et non annuel, ainsi que de l’absence de prise en compte du
remplacement et de la formation continue. Aucune obligation de présence
dans l’établissement n’est en outre fixée en dehors des heures de cours.
L’évaluation, largement déterminée par l’ancienneté, n’intègre
aucun paramètre tenant aux résultats des élèves et n’a que peu d’effet sur
la qualité des pratiques, en particulier le développement du travail en
équipe.
La segmentation rigide entre les professeurs des écoles et les
enseignants du second degré limite la portée effective de la notion de
« socle commun ». La spécialisation de ces derniers laisse en outre peu de
place à une polyvalence disciplinaire, qui serait propice à la continuité de
l’enseignement entre l’école et le collège.
Le positionnement incertain des directeurs d’école et des chefs
d’établissement vis-à-vis des enseignants ne leur permet pas de disposer
de marges de manoeuvre suffisantes pour favoriser le travail en équipe et
adapter au plus près l’organisation de l’enseignement aux besoins des
élèves, alors même qu’ils sont les mieux placés pour le faire.
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COUR DES COMPTES
48
C’est pourquoi la Cour émet les recommandations suivantes :
1.
compléter la liste des missions liées au service d’enseignement du
second degré en intégrant le remplacement et la formation continue ;
prévoir le respect de l’ensemble de ces missions dans un forfait
annuel ;
2.
annualiser les obligations de service des enseignants du second degré,
en prévoyant notamment un contingent d’heures effectuées au sein de
l’établissement au titre des missions liées à l’enseignement, en
réservant dans un premier temps ce cadre aux nouveaux enseignants
devant être titularisés ;
3.
renforcer le développement du travail collectif, en donnant un rôle
central à l’équipe pédagogique, en organisant en son sein de manière
systématique les fonctions de coordination et d’appui et en
développant l’évaluation collective ;
4.
mettre en place le cadre juridique permettant les expérimentations
d’échanges ou d’affectations de professeurs des écoles au collège et
d’enseignants du second degré à l’école primaire, et les développer
quand elles sont utiles pour assurer la continuité de la scolarité entre
l’école primaire et le collège ;
5.
instituer, dès la formation initiale, la possibilité de bivalence ou la
polyvalence disciplinaire pour les enseignants du second degré
intervenant au collège ; ouvrir la possibilité, pour les enseignants déjà
en fonction et présentant les compétences requises, d’opter pour
l’enseignement de deux disciplines ; développer la polyvalence en
classe de 6
ème
;
6.
dans le premier degré, associer les directeurs d’école à l’évaluation
des enseignants par l’inspecteur de l’éducation nationale ;
7.
donner aux chefs d’établissement la responsabilité, dans certaines
limites, de moduler la répartition annuelle des heures de service (et
supplémentaires) devant la classe en fonction des postes occupés et
des besoins des élèves.
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Chapitre II
L’affectation des enseignants :
mieux répondre aux besoins des élèves
L’amélioration de la performance et de l’équité du système scolaire
exige une capacité d’adaptation plus forte aux contextes locaux et aux profils
des élèves. Il s’agit d’infléchir une tradition d’uniformité des modes
d’organisation de l’enseignement et de gestion des enseignants, qui en réalité
ne garantit plus que formellement une égalité de traitement des élèves.
Des efforts ont été faits ces dernières années dans cette direction. Ils
restent cependant peu susceptibles de permettre une allocation des moyens
différenciée en fonction des besoins des élèves, en particulier dans le
primaire et l’éducation prioritaire, pour garantir l’adéquation entre le profil
des enseignants et celui des postes, notamment les plus difficiles, et pour
permettre une gestion efficace des remplacements.
I -
Une répartition imparfaite des effectifs
selon les besoins
L’article L. 111-1 du code de l’éducation dispose que la répartition
des moyens du service public de l'éducation tient compte des différences
de situation, notamment en matière économique et sociale. Il fonde par
exemple le renforcement de l'encadrement des élèves dans les écoles et
établissements d'enseignement situés dans des zones d'environnement
social défavorisé et des zones d'habitat dispersé. De façon générale, et
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COUR DES COMPTES
50
comme le rapport public de 2013 l’avait déjà indiqué, les besoins des élèves
devraient être davantage pris en compte comme critère de répartition et
d’affectation des effectifs, ce qui n’est toujours pas le cas.
Face à l’ampleur des mouvements annuels des effectifs pour assurer
la rentrée scolaire (de l’ordre de 65 000 enseignants), une telle orientation
ne peut qu’être appliquée de façon sélective (éducation prioritaire en
premier lieu), puis mise en oeuvre selon un processus de long terme. Un tel
objectif est cependant souhaitable pour sortir d’une gestion trop
indifférenciée par rapport aux besoins des élèves.
A -
L’absence de connaissance précise des acquis
de chaque élève : une limitation regrettable
Le système d’évaluation des acquis en niveaux et compétences de
chaque élève ne peut se limiter aux taux de réussite des établissements en
fin de troisième (brevet/DNB) ou de terminale (baccalauréat). Ces
diplômes ne concernent pas le premier degré d’enseignement, qui ne
dispose d’aucun dispositif d’évaluation certificative de ce type. Ils
n’apportent aucune information sur l’évolution des acquis, ni au début d’un
cycle ou d’une classe, ni en cours de scolarité.
Le besoin de disposer d’informations intercalaires, et notamment de
se mettre en mesure de vérifier l’atteinte du socle commun (primaire et
collège) par le plus grand nombre, n’est pas contesté, que ce soit pour situer
les acquis de chaque élève par rapport aux objectifs de fin de cycle et
permettre aux enseignants d’apporter une aide personnalisée aux élèves qui
en ont besoin.
Les évaluations nationales exhaustives, dites « diagnostique » ou
« bilan », fournissent des résultats utilisables directement au niveau de la
classe, de l’établissement ou de l’académie. Elles ont été réalisées chaque
année de 1989 à 2006 en début de CE2 et de 6
ème
, puis en CE1 et CM2.
Non dématérialisées, elles représentaient une charge de travail non
négligeable, compensée par une prime. Leur caractère obligatoire a été
supprimé pour la rentrée 2013. Dans le secondaire, des évaluations
nationales de fin de 5
ème
ont été de leur côté organisées en 2012 et 2013.
À la rentrée 2015, il a été mis un terme à ces évaluations nationales,
qui permettaient pourtant de confectionner des synthèses départementales,
académique puis nationale constituant autant d’instruments utiles de
pilotage. Elles ont été remplacées par des évaluations du niveau des élèves
en début de CE2 en français et en mathématiques, en principe obligatoires,
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L’AFFECTATION DES ENSEIGNANTS : MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS DES
ÉLÈVES
51
mais réalisées à la seule initiative des enseignants, « au moment choisi par
eux et en fonction des objectifs poursuivis au sein de la classe » et donc
sans remontée des données au-delà de la circonscription. Ces évaluations,
facultatives, mentionnées dans les circulaires de rentrée 2015 et 2016, ne
le sont plus dans celle de la rentrée 2016/2017.
Il existe par ailleurs des évaluations sur échantillon. Celles dites
Cédre (Cycle des évaluations disciplinaires) réalisées depuis 2003
mesurent les acquis des élèves en fin d’école et de collège avec un
changement chaque année de domaine disciplinaire sur un cycle de 6 ans.
D’autres réalisées depuis 2014 sur « la maîtrise des éléments essentiels aux
compétences du socle commun de connaissances » ont lieu selon un cycle
de 3 ans par palier d’acquisition du socle commun de connaissances (CE1,
CM2, 6
ème
), mais ne portent que sur certaines compétences (maîtrise de la
langue, principaux éléments de mathématiques). La méthode fondée sur un
échantillon permet de déduire des résultats pour l’ensemble de la
population étudiée mais qui ne sont pas exploitables localement.
Au total, les évaluations existantes portent ou sur des disciplines, ou
sur un ensemble de compétences liées à des cycles scolaires, selon des
temporalités différentes, sans continuité dans le temps, ni cohérence de
méthodes. Cette dispersion et cette instabilité, qui témoignent d’une
doctrine incertaine du ministère, ne permettent pas une évaluation précise
et pleinement exploitable du niveau des élèves.
Enfin ces dispositifs n’ont pas été suffisamment conçus pour
enrichir le dialogue de gestion, afin que l’allocation des moyens
enseignants soit davantage liée aux besoins des élèves estimés par les
évaluations. Ceci supposerait de pouvoir agréger les données sur les acquis
scolaires selon les établissements et les circonscriptions territoriales pour
en déduire les moyens enseignants adaptés. Même lorsque le ministère
produit des indicateurs de performance relative des établissements (par
exemple la valeur ajoutée pour les lycées), il n’en déduit pas une doctrine
d’utilisation dans le dialogue de gestion.
B -
Des méthodes de répartition
des moyens enseignants à améliorer
L’objectif de maîtrise du socle commun de connaissance suppose de
renforcer les moyens là où les difficultés scolaires sont les plus fortes. La
Cour a en 2013 critiqué les dispositifs d’allocation des effectifs
d’enseignants, très peu conçus en fonction de cet objectif.
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COUR DES COMPTES
52
Pour le premier degré, le modèle de répartition a été réformé en 2014
pour mieux prendre en compte les variables socio-économiques. Celui du
second degré reste à adapter. La réforme de la carte de l’éducation
prioritaire intègre mieux qu’auparavant la réalité des difficultés des élèves,
mais sa portée reste faible en matière de répartition des effectifs.
1 -
Pour le premier degré, un nouveau modèle
intégrant mieux les variables socio-économiques
Jusqu’en 2014, le modèle d’aide à la décision pour la répartition des
moyens d’enseignement reposait sur trois étapes : la prise en compte des
évolutions démographiques relatives des académies, appréciées à travers le
ratio P/E (nombre de professeurs pour 100 élèves), corrigée d’un indicateur
de contraintes structurelles, puis le rééquilibrage en fonction de critères
territoriaux (classant les académies en quatre familles : urbaines, rurales,
contrastées, outre-mer) et sociaux (taux de bénéficiaires du RSA,
pourcentage de professions et catégories socioprofessionnelles défavorisés
et de chômeurs), enfin la prise en compte des contraintes de gestion des
ressources humaines. Cette méthode ne prenait pas suffisamment en
compte les territoires socialement défavorisés.
La nouvelle méthode mise en oeuvre à partir de la rentrée 2014 reste
fondée sur l’appréciation des évolutions démographiques, tout en
incorporant deux nouveaux critères au niveau communal : la classification
du territoire (urbaines, intermédiaires, rurales) et un indicateur social
reposant sur le revenu fiscal des ménages par unité de consommation (hors
revenus de transfert, par exemple l’allocation logement).
La première année de mise en oeuvre a bénéficié aux académies
concentrant les difficultés économiques et sociales, urbaines et à forte
densité (les académies d’Aix-Marseille, Amiens, Créteil, Lille et
Montpellier ont ainsi obtenu plusieurs centaines de postes en plus à la
rentrée 2014 par rapport aux dotations dont elles auraient bénéficié par
application des critères de l’ancien modèle).
Si ces tendances observées en 2014 se prolongeaient, ce nouveau
modèle conduirait à une progressive convergence des taux d’encadrement
entre régions rurales et urbaines. Cette évolution pourrait être facilitée par
la poursuite de la diminution régulière depuis plusieurs années du nombre
d’établissements du premier degré, passé pour les seules écoles publiques
de 50 290 en 2006 à 46 435 en 2015. Celui des écoles à classe unique a
suivi la même évolution (5 681 en 2006, 4 125 en 2015).
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L’AFFECTATION DES ENSEIGNANTS : MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS DES
ÉLÈVES
53
2 - Pour le second degré, une méthode inchangée
Le modèle de répartition utilisé depuis 2002 est d’abord fondé sur
les évolutions démographiques prévisionnelles, en utilisant l’indicateur
« nombre d’heures d’enseignement par élève » (H/E) par niveau (collèges,
LEGT, lycées professionnels) et le cas échéant par filière. Le besoin
d’enseignement qui en découle est pondéré par le taux de remplissage des
structures, et concernant les collèges, par la prise en compte de la catégorie
des collèges recensés au sein de l’académie (petits collèges ruraux, relevant
de l’éducation prioritaire, et n’appartenant à aucune des deux autres
catégories). Il est ajusté ensuite en fonction des priorités ministérielles
(récemment la réforme du collège ou la rénovation de l’éducation prioritaire).
Les critères sociaux sont marginalement pris en considération,
puisque seule l’appartenance d’un collège à l’éducation prioritaire est prise
en compte. Là encore, le modèle se caractérise par l’absence de critères
adossés à une connaissance fine et précise du niveau des élèves, de leurs
résultats scolaires et de leurs difficultés. Le ministère a, ces dernières
années, engagé le chantier de la rénovation du mode de répartition, mais
cette démarche n’a pas encore abouti.
3 - Pour l’éducation prioritaire, une réforme à évaluer
Dans son rapport de 2013 et dans des publications ultérieures, la
Cour avait critiqué la carte de l’éducation prioritaire et les défaillances de
cette politique pour prendre en compte efficacement les besoins des élèves.
Une réforme du dispositif est intervenue en 2014 pour une application à la
rentrée 2015. Les critères de définition de la nouvelle carte de l’éducation
prioritaire ont été modifiés, avec notamment la prise en compte du taux
d'élèves en retard à l'entrée en 6
ème
.
Les réseaux d’éducation prioritaire sont aujourd’hui au nombre de
731 (REP) et de 364 (REP+). Ils concernent 19,8 % des écoliers du public
(7,6 % en REP+) et 20,8 % des collégiens du public (6,5 % en REP+). 195
collèges (et 1 174 écoles) sont sortis de l’éducation prioritaire, 206 collèges
(et 1 547 écoles) y sont entrés, ce qui représente des chiffres non
négligeables. Les collèges entrants comportent respectivement 55 % de
catégories socio-professionnelles défavorisées et 44 % de boursiers (contre
respectivement 42 % et 30 % pour les sortants). La convergence avec la
politique de la ville progresse elle aussi : désormais, 87 % des collèges en
éducation prioritaire (834 sur 963 hors DOM) sont en quartier de la
politique de la ville.
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54
L’appartenance à un réseau prioritaire continue en revanche à
n’entraîner pour le moment qu’une faible différenciation des taux
d’encadrement des élèves. Le nombre d’élèves par classe en 2016 en REP+
et pour l’ensemble de l’éducation prioritaire est respectivement de 22,3 et
22,5 élèves, par rapport à une moyenne nationale de 24,6. Dans plusieurs
départements, il est plus important dans les classes du réseau d’éducation
prioritaire que la moyenne départementale (Alpes de Haute Provence,
Corse-du-Sud, Aube, Tarn-et-Garonne) ou très proche (ex : Yonne, Aude,
Finistère, Hautes Pyrénées).
Ces données ne prennent pas en compte la prise en charge des
besoins éducatifs par des dispositifs particuliers (CLIS, RASED). Le
nombre d’enseignants affectés à ces tâches a diminué de 2010 à 2012 (de
19 288 à 16 826) et a légèrement augmenté depuis (17 263 en 2015).
C -
L’amorce d’un rééquilibrage nécessaire
en faveur de l’enseignement primaire
Les enquêtes internationales montrent que la France consacre moins
de moyens que d’autres pays comparables à l’enseignement primaire. À
l’inverse les dépenses pour le lycée en France sont plus élevées qu’ailleurs.
La loi de 2013 a ainsi accordé une priorité à l’enseignement primaire pour
l’attribution des nouveaux postes.
Un rééquilibrage s’est amorcé tout en restant limité. Les nouveaux
moyens d’enseignants se sont élevés entre 2012 et 2016 à 17 134 ETP dans
le primaire (public et privé), contre 14 504 dans le second degré (public et
privé), se traduisant par une hausse de la dépense par élève du premier
degré de 12 % contre 7,3 % pour celle des collégiens et 4,7 % des lycéens.
Entre 2011 et 2015, le nombre d’enseignants du premier degré
public a augmenté plus vite (3,2 %) que celui des élèves (1,4 %). Le nombre
de postes pour 100 élèves (public et privé) s’est régulièrement amélioré
(5,25 en 2011, 5,4 en 2016) du fait de l’évolution plus rapide du nombre
d’enseignants que d’élèves. Sur la même période, le nombre d’enseignants
dans le second degré public a progressé à un rythme légèrement moins
rapide (+ 1 %) que celui des élèves (+ 1,6).
Outre la prise en compte de l’augmentation des effectifs d’élèves et
de l’amélioration du dispositif de décharge des directeurs d’écoles, ces
nouveaux effectifs ont été affectés à deux actions : le dispositif « plus de
maîtres que de classes » et l’accueil des enfants de moins de trois ans.
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L’AFFECTATION DES ENSEIGNANTS : MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS DES
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55
1 -
Le dispositif « plus de maîtres que de classes »
Ce dispositif, prévu par la circulaire du 18 décembre 2012, repose
sur l’affectation dans le primaire public d’un maître supplémentaire par
rapport au nombre de classes. L’objectif est de permettre la mise en place
de nouvelles organisations pédagogiques, en priorité au sein même de la
classe et de prévenir la difficulté scolaire
.
Les emplois affectés à ce dispositif s’élèvent à 3 220 à la rentrée
2016 dont environ les trois-quarts en réseau d’éducation prioritaire.
L’académie de Versailles est de loin la principale bénéficiaire (230 emplois
en 2015) devant celles de Lille (162) et de Lyon (161). Le dispositif est en
revanche quasi inexistant dans les départements les moins peuplés (ex :
Lozère un emploi, Cantal trois emplois).
Une convention 2013/2015 avec le ministère de la ville fixe
l’objectif que 25 % des moyens relatifs à cette mesure soient affectés dans
les quartiers de la politique de la ville (QPV). À la rentrée 2015 (métropole
+DOM), 25,8 % des ETP y sont affectés.
Les premiers éléments d’évaluation
77
montrent une très grande
diversité de modalités de mise en oeuvre, effet de la grande souplesse
laissée aux académies sur l’affectation des postes ainsi que sur
l’organisation pédagogique (sept modalités d’application relevant de trois
catégories, le co-enseignement, la co-présence, la co-intervention). Il sera
indispensable de mener le moment venu une enquête exhaustive sur ce
dispositif afin d’en confirmer ou non l’intérêt.
2 -
La scolarisation des moins de trois ans
La loi de refondation de l’école de 2013 (article L. 113-1 du code de
l’éducation) indique que «
les enfants peuvent être accueillis dès l'âge de
deux ans
» et que cet accueil «
est organisé en priorité dans les écoles
situées dans un environnement social défavorisé
». Les enfants de moins
de trois ans sont comptabilisés dans les prévisions d'effectifs d'élèves pour
la rentrée.
77
« Le dispositif PDMQDC : projet et mise en oeuvre pédagogique », Rapport n° 2014-
031, IGEN, Juin 2014, rapport de l’IGEN de Juin 2014.
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56
La scolarisation à moins de 3 ans
Les neurosciences ont montré que la sensibilité du cerveau au
développement des émotions, des aptitudes sociales, linguistiques et du
calcul atteint son maximum dans les trois premières années. Les études
menées soulignent que la qualité de l’accueil des plus jeunes enfants
améliore leurs résultats ultérieurs et qu’elle est un moyen efficace de lutter
contre les inégalités
78
.
La France est l’un des quelques pays de l’OCDE où la scolarisation
à l’âge de trois ans est généralisée (taux proche de 100 % contre 78 % en
moyenne)
79
. L’admission des enfants de moins de trois ans dans des
structures éducatives de la petite enfance semble en revanche plus faible que
la moyenne
80
.
Le nombre des nouveaux emplois créés dans ce but est cependant
resté limité (1 275 en 2016 pour un objectif initial de 3 000). Le taux de
scolarisation des enfants de moins de trois ans
81
, qui avait très fortement
diminué passant de 35 % au début des années 2000 à 11,2 % en 2012
82
, est
resté à ce même niveau depuis cette date, avec une légère amélioration
(11,9 % en 2016, soit 96 600 enfants
83
).
78
OCDE
, Regards sur l’éducation 2016
. Année de référence : 2013.
79
Idem
80
Ces chiffres doivent cependant être maniés avec précaution, la France ne disposant
pas de statistiques sur les structures éducatives de la petite enfance autres que l’école.
81
Public et privé (y compris les DOM mais hors Mayotte).
82
Selon un rapport IGEN-IGAENR de juin 2014 « scolarité des enfants de moins de
trois ans : une dynamique d’accroissement des effectifs et d’amélioration de la qualité
à poursuivre » cette forte baisse dans les années 2000 s’explique par deux facteurs :
l’évolution démographique - l’importance des générations du début des années 2000
limitant le nombre de places ; et la réduction du nombre d’emplois consacrés à cet
accueil entre 2008 et 2012, les effectifs n’étant en général plus pris en considération
dans les prévisions de carte scolaire.
83
DEPP, «
les élèves du premier degré à la rentrée 2016
», Note d’information N° 40,
décembre 2016
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L’AFFECTATION DES ENSEIGNANTS : MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS DES
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Graphique n° 2 :
taux de scolarisation des enfants
de moins de trois ans
Source : Cour des comptes à partir des données du Ministère de l’éducation nationale
Les efforts sont plus marqués en éducation prioritaire, où 20,8 % des
enfants de moins de trois ans sont scolarisés à la rentrée 2016 (contre 19,3
% en 2015 et 17,5 % en 2012), mais les objectifs fixés sont encore loin
d’être atteints sur l’ensemble du territoire. Si 13 académies
84
atteignent
l’objectif de 30 % de taux de scolarisation des enfants de moins de trois
ans en REP, seules deux (Rennes et Dijon) atteignent celui de 50 % en
REP+. À l’inverse, ce taux ne dépasse pas les 10 % dans plusieurs
académies, dont Créteil (7,6 % en REP, 10 % en REP+) et Paris (5,6 % en
REP, 9 ,1 % en REP+), comme c’était déjà le cas en 2012.
L’inflexion donnée à l’allocation des moyens enseignants en faveur de
l’enseignement primaire et préélémentaire est réelle, mais encore de faible
portée. Le renforcement de cette tendance nécessiterait des décisions plus
structurelles et des arbitrages entre degrés d’enseignement, sans lesquelles
les ajustements d’effectifs trouveront vite leurs limites.
84
Besançon, Rennes, Lille, Lyon, Nancy-Metz, Nantes, Grenoble, Clermont-Ferrand,
Poitiers, Dijon, Caen, Orléans-Tours, Toulouse.
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58
II -
L’affectation à un poste :
un dispositif resté rigide
L’affectation des enseignants dans les postes selon l’application
quasi systématique d’un barème ne comporte pas de dimension qualitative
prenant en compte la difficulté des postes, l’expérience acquise par
l’enseignant, la nature des projets d’établissement, et la cohérence des
équipes pédagogiques. Le développement des postes à profil reste marginal
et n’infléchit que peu cette gestion uniformisée.
A -
Des processus d’affectation trop uniformes
1 -
Le rôle toujours prégnant du barème
Les mouvements annuels interviennent d’abord entre académies
(inter académiques) et concernent chaque année un peu plus de 1 % des
effectifs d’enseignants dans le primaire (3 948 en 2016) et 5 % dans le
secondaire (21 126 en 2016). Ils sont ensuite intra académiques, ce qui
porte alors la totalité du mouvement annuel à plus de 70 000 personnes
concernées.
L’augmentation
des
recrutements
depuis
2012
a
mécaniquement accru leur nombre.
Les critères pour affecter les enseignants se fondent sur leur
situation administrative et individuelle (rapprochement de conjoint,
handicap, exercice dans une zone en difficulté, ancienneté) et l’expression
de leurs voeux. Ce barème est appliqué de façon automatique dans le
secteur public, les directeurs d’école comme les chefs d’établissement ne
participant pas, à aucune étape de la procédure, même pour des
établissements sensibles, à l’affectation des enseignants
85
.
L’administration ne pouvant pas déroger à la liste des voeux
exprimés, les mutations hors liste de voeux ne concernent que la première
affectation. Elles ont augmenté dans la dernière période (de 1 326 en 2011
à 1 592 en 2015) pour revenir à un niveau en 2016 proche de celui de 2011
(1 311). Ces évolutions s’expliquent par la part croissante dans les
mouvements de mutation des néo titulaires (8 892 en 2011, 13 726 en
2016).
85
Dans l’enseignement privé, l’affectation se déroule en revanche sur avis du chef
d’établissement.
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ÉLÈVES
59
Ces règles permettent par leur effet mécanique de garantir la plus
grande partie de la couverture des besoins d’enseignement, y compris sur
des postes moins attractifs en raison de leur isolement géographique ou de
leurs conditions particulières d’exercice qui sont alors pourvus en cas de
manque de candidature par les nouveaux enseignants.
A contrario
, elles
rendent plus difficile une adaptation fine des caractéristiques des
enseignants aux besoins des élèves.
2 -
De très fortes rigidités dans la gestion des carrières
La carrière des enseignants comporte trois paramètres principaux :
l’avancement de grades (avec comme conséquence une progression des
rémunérations), l’accès à un corps de niveau supérieur (mais l’agrégation,
par exemple, ne conduit pas à un changement de fonction ou de
responsabilité) et le changement géographique d’affectation (sur la base du
barème).
S’agissant de l’avancement, les conséquences financières d’une
bonne ou d’une mauvaise appréciation sont restreintes. En théorie, un
enseignant exceptionnellement performant sera toujours promu au grand
choix (le plus rapide) et un enseignant très insuffisant le sera toujours à
l’ancienneté et, en principe, jamais à la hors classe. En pratique, le passage
à la hors classe n’intervient jamais avant le 10
ème
échelon et presque tous
les enseignants finissent par y accéder quels que soient leurs mérites, ce
que la réforme en cours sur le processus d’évaluation a consacré.
S’agissant des rémunérations, les écarts de traitement en fonction
des performances sont faibles. Ils sont insignifiants les 15 premières années
de carrière, à une période où les incitations financières sont pourtant le plus
susceptibles d’avoir un effet. L’évaluation n’a pratiquement plus d’impact
sur les écarts de traitement après le passage à la hors classe.
S’agissant des promotions, les possibilités ouvertes sont restées
relativement stables depuis 2013. Le taux de promotion pour l’accès à la
hors classe du corps des professeurs des écoles (PE) a été amélioré
(revalorisation progressive de 2 % en 2013 à 5 % en 2016). L’accès du
corps des professeurs certifiés à celui des agrégés est passé de 1061 en 2011
à 1218 en 2015. L’accès au corps des professeurs de chaires supérieures,
plafonné à 2 250 agents, a diminué ces dernières années, passant de 177 en
2011 à 122 en 2015.
S’agissant des mobilités sur des postes ou des attributions
spécifiques (ex : directeur d’école dans le premier degré, participation dans
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60
les instances collectives de l’école ou de l’établissement, professeur
principal, postes à profil, etc.), aucune ne correspond à une étape de
carrière. Les enseignants du premier degré peuvent postuler aux fonctions
de directeur d’école sans qualification préalable, ce qui constitue la plus
grande part de leurs possibilités de mobilité interne. Ils peuvent aussi passer
des examens professionnels pour exercer par exemple les fonctions de
maître formateur ou de conseiller pédagogique. Les enseignants du second
degré ont la possibilité d’intégrer un des trois corps d’encadrement, par
concours ou liste d’aptitude. Au cours des cinq dernières années, le nombre
de ces mouvements a diminué, passant de 557 en 2011 à 465 en 2015,
principalement pour l’intégration aux corps de chef d’établissement (de
456 en 2011 à 360 en 2015).
Les effectifs de personnels bénéficiant d’une mobilité « extérieure »
sont globalement stables et faibles depuis 2011. 5 300 enseignants du
premier degré (soit environ 2 % des effectifs de titulaires en activité) et
8 100 personnels enseignants, d’éducation et d’orientation du second degré
(2,3 % des effectifs de titulaires en activité) exercent des fonctions en
dehors de leur administration d’origine. Le nombre des détachements en
France a diminué, avec pour débouché principal les ministères, les
collectivités territoriales, les établissements publics, et le secteur associatif
et mutualiste. Celui des établissements d’enseignement étrangers
homologués pour accueillir des fonctionnaires en détachement a en
revanche augmenté
86
.
Les possibilités de déroulement et de diversification de carrières
n’ont pas été substantiellement modifiées ou améliorées depuis que la Cour
a fait en 2013 un constat de forte inertie de la gestion des carrières.
B -
Les postes à profil : un outil sous-utilisé
Les postes à profil constituent la principale exception aux règles
précitées. Dans ces cas, le choix s’effectue en fonction de l’adéquation des
qualités des enseignants aux postes à pourvoir. Leur création peut être
décidée au niveau du ministère, des rectorats (second degré) ou des
inspections d’académie départementales (premier degré).
Dans le premier degré, une note de service du 10 novembre 2015
précise que ces postes, qui exigent «
une adéquation étroite avec les
86
Mais ces détachements s’effectuent à un coût élevé, comme l’a indiqué un rapport de
la Cour pour la commission des finances du Sénat d’octobre 2016 sur l’enseignement
français à l’étranger.
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61
compétences de la personne
», font l’objet d’un repérage en concertation
avec les inspecteurs de l’Éducation nationale. Les enseignants volontaires
sont choisis à l’issue d’un processus de sélection. Ils sont proposés au
mouvement intradépartemental et non interdépartemental.
Le champ des postes est ouvert et indicatif. Leur réalité est très
hétérogène : on y retrouve les fonctions de directeur d’école, de conseiller
pédagogique et de coordonnateur éducation prioritaire. Depuis la rentrée
scolaire 2015, des recommandations ont été faites afin de mettre sur des
postes spécifiques (à profil) les directions d’écoles les plus complexes
(notamment celles situées en REP+) et les postes de coordonnateurs de
réseaux de l’éducation prioritaire, ce qui n’était pas curieusement le cas
jusqu’à présent.
Dans le second degré, il existe des postes à profil nationaux soumis
à des mouvements de mutation spécifiques, dont la liste est arrêtée par le
ministre. Leur nombre a légèrement augmenté depuis 2012 (6 646,
+ 5,2 %). Il s’agit pour l’essentiel de postes à spécificité disciplinaire plutôt
que correspondant à des caractéristiques d’expérience professionnelle ou
d’adaptation générale au poste proposé (ex : théâtre, disciplines artistiques,
classes préparatoires aux grandes écoles). Les postes à profil académique
(10 707 en 2016) ont augmenté de 14 % depuis 2011 mais leur nombre
demeure marginal par rapport aux postes d’enseignants du second degré
public (396 000 en 2016). Ils ont été essentiellement ouverts dans le champ
de l’éducation prioritaire, où ils représentent une part significative
87
et leur
champ a été étendu en 2015
.
L’utilisation des postes à profil reste soumise à une logique
d’ensemble restrictive. Si leur accroissement est réel depuis 2011, elle est
d’une ampleur insuffisante pour modifier les conditions de l’allocation des
enseignants aux postes. Dans un système contraint, marqué par
l’indifférenciation des affectations par rapport aux besoins, ils constituent
pourtant une solution certes partielle mais réelle d’adaptation. Encore
faudrait-il qu’au-delà de leur volume, leur mode de création soit changé.
La procédure de création de ces postes comme de leur pourvoi exclut
au moins au plan formel les chefs d’établissement. Ils devraient au
contraire en être les premiers prescripteurs, selon un cadre prédéfini et
contrôlé par le rectorat, afin de forger des équipes pédagogiques adaptées
aux besoins.
87
L’éducation prioritaire représente environ 47 000 affectations par an.
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62
C -
La présence peu satisfaisante d’agrégés au collège
Selon leurs statuts, les agrégés ont vocation à enseigner au lycée, en
classes préparatoires ou dans les premiers cycles de l’université, leur
affectation au collège étant qualifiée d’exceptionnelle. Ceux dans cette
situation sont cependant au nombre de 9 066 en 2016 (pour un effectif de
49 000), en accroissement de 1,1 % par rapport à 2011, et constituent 5,3 %
des enseignants devant élève dans le collège public.
Les académies sont encouragées à définir des bonifications
significatives pour affecter, dans le cadre du mouvement intra académique,
les professeurs agrégés en lycée. Ces mesures n’ont toutefois qu’une très
faible portée pour des enseignants n’ayant aucun motif particulier de
changer d’affectation.
Il n’est pas raisonnable de faire intervenir des agrégés devant les
mêmes classes que les enseignants certifiés et avec des obligations de
service et un traitement différents (15 heures contre 18 heures et un
traitement supérieur de 25 % pour les agrégés par rapport aux certifiés).
Dans son rapport précédent, la Cour avait recommandé de mettre fin
à ce type d’affectation. Elle avait rappelé cette nécessité dans son rapport
sur le coût du lycée. Enfin une telle politique d’affectation serait cohérente
avec l’objectif d’une meilleure continuité dans la période bac -3, bac + 3.
Le règlement de cette question ne pourra passer que par
l’introduction d’une obligation statutaire de mobilité, qui serait effectuée
dans la même ville mais dans un autre établissement. Si la situation actuelle
devait perdurer, un alignement des durées de service des agrégés affectés
au collège sur celles des enseignants certifiés devrait intervenir.
III -
Les difficultés particulières du métier :
une prise en compte insatisfaisante
Le
difficile
métier
d’enseignant
rencontre
des
problèmes
d’attractivité. Cette difficulté indéniable implique de davantage tenir
compte des différences entre les postes et les situations des enseignants, de
promouvoir un suivi plus individualisé.
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63
A -
L’insuffisante personnalisation
de la gestion des ressources humaines
En 2013 la Cour avait observé « une gestion distante et
essentiellement administrative des enseignants ». Ce constat reste
globalement inchangé même si des efforts pour traiter les cas des
enseignants en difficulté ont été entrepris dans la plupart des académies.
Les services déconcentrés appliquent des procédures uniformes et
automatisées, très encadrées par le niveau central, dont le but est de gérer
le mouvement annuel d’affectation qui conditionne la bonne réalisation de
la rentrée scolaire. Cet impératif majeur ne justifie pas pour autant la
faiblesse de la fonction de gestion des ressources humaines.
La quasi-totalité des moyens de gestion des personnels enseignants
sont mobilisés pour des tâches d’administration du personnel. Depuis
plusieurs années, le « ratio d’efficience de la gestion des ressources
humaines » retracé dans les documents budgétaires du programme 214 du
ministère de l’éducation nationale « Soutien de la politique de l’éducation
nationale » est de 0,7 %, soit un gestionnaire pour 143 agents. Comparé à
celui d’autres administrations publiques, ce ratio est faible.
Graphique n° 3 :
nombre de dossiers d’agents gérés
par un gestionnaire
Source : Cour des Comptes à partir des documents budgétaires
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64
Ces moyennes nationales recouvrent de fortes disparités entre les
académies : ce nombre par agent est de 166 dans l’académie de Limoges,
par exemple, contre presque le double dans celle de Montpellier (324)
88
.
En distinguant les enseignants du premier et du second degrés, ces
moyennes nationales sont respectivement de 227 et de 240
89
. Dans
certaines académies sous tension, il n’est que peu différent de ces
moyennes (à Créteil, il est de 215 dans le premier degré, à Versailles de
230 dans le deuxième degré) alors qu’elles auraient besoin d’un
renforcement de leur capacité de gestion.
Ces données traduisent une bonne productivité apparente, mais un
suivi individuel et qualitatif des enseignants peu développé. Celui-ci
consiste à traiter les personnels en difficulté en raison pour l’essentiel de
leur état de santé.
Ceux-ci peuvent bénéficier d’un dispositif particulier d’adaptation
du poste de travail, avec des allégements de service au titre d'une année
scolaire (non pérenne mais pouvant être renouvelés avec une quotité
dégressive) ou d'une affectation sur un poste adapté hors enseignement,
généralement après un congé long. À la rentrée 2015, 15 704 heures
hebdomadaires d'allégements ont été attribuées à 3 361 agents, 1 333
enseignants ont été affectés sur des postes adaptés pour une courte durée et
444 pour une longue durée. Il faut y ajouter les 677 enseignants affectés au
CNED et rémunérés sur le contingent prévu pour cet établissement.
Les situations de désadaptations au poste de travail, plus délicates,
sont insuffisamment traitées. En 2015, sept agents ont été affectés dans une
autre fonction de leur corps, 61 ont été reclassés dans un autre corps et 293
sont entrés dans un processus de reclassement
.
Le réseau de conseillers mobilité-carrière mis en place en 2008 dans
chaque académie a pour mission d’accompagner les enseignants dans le
cadre de l’évolution de leur carrière (élaboration de leur projet
professionnel, bilan de compétences, information sur les possibilités
d’évolution de carrière). Il accompagne le personnel enseignant en
difficulté, y compris pour construire avec l’intéressé un projet de
reconversion professionnelle. Cette action devrait être plus systématique,
sans laisser perdurer des cas avérés d’insuffisance professionnelle au
détriment des élèves.
88
La moyenne des cinq académies où la charge de gestion est la moins élevée (hors
académies d’outre-mer) est de 193 (Limoges, Corse, Besançon, Paris et Lille), tandis
qu’elle est de 295 pour les cinq académies où cette charge est la plus lourde
(Montpellier, Caen, Bordeaux, Grenoble et Strasbourg).
89
Enquête annuelle « SERACA » du ministère. Chiffres 2015
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L’AFFECTATION DES ENSEIGNANTS : MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS DES
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65
Les départs d’enseignants titulaires ou stagiaires constituent des
indicateurs de l’adaptation de la gestion des ressources humaines. Depuis
2011, le nombre de licenciements et de radiations d’enseignants titulaires
est stable, un peu plus de 200 par an. Le même indicateur pour les stagiaires
augmente en revanche fortement, de 308 en 2010-2011 à 635 en 2015-
2016. Cette évolution, qui tient pour une part à la forte hausse des
recrutements, illustre aussi les difficultés d’adaptation au métier.
Les démissions sont en forte hausse dans le premier degré (de 455 en
2010-2011 à 1 004 en 2015-2016), pour les titulaires (+ 55 % sur la
période) et surtout les stagiaires (multiplication du nombre par près de
5 entre 2011 et 2016). Dans le second degré, l’augmentation est moins
élevée (de 638 en 2011 à 765 en 2016), concentrée sur les stagiaires. Le
rythme d’accroissement des démissions dans le premier degré est
préoccupant. Il mériterait un suivi et une attention particulière, afin d’en
examiner les causes et de les prendre en compte, par un suivi spécifique.
Pour parvenir à une gestion plus qualitative des ressources
humaines, le projet SIRHEN
90
devrait doter entre 2020 et 2023 le ministère
de l’éducation nationale d’un nouvel outil de gestion des ressources
humaines. Il permet un déploiement de fonctionnalités susceptibles
d’améliorer la gestion qualitative des personnels enseignants, par exemple
un dossier unique et accessible pour chaque agent, ou de nouveaux outils
de pilotage de type tableaux de bord déclinés jusqu’au niveau des
établissements. Au stade de développement de ce programme, il s’agit
encore de potentialités dont il appartiendra aux gestionnaires de se saisir
pour moderniser la gestion des ressources humaines enseignantes.
Au total la fonction de gestion des ressources humaines n’a pas
évolué. La hausse du nombre des démissions, tant des titulaires que des
stagiaires, devrait néanmoins conduire le ministère à en examiner finement
les causes, en premier lieu dans le premier degré. De façon générale,
l’accompagnement des enseignants reste un enjeu faiblement assuré.
B -
Les difficultés d’attractivité de certains postes,
principalement en éducation prioritaire
Les établissements difficiles, souvent en réseau prioritaire, reçoivent
beaucoup d’enseignants débutants et connaissent une forte instabilité des
90
La Cour a, par référé du 19 décembre 2016, appelé l’attention du ministère sur la
vigilance nécessaire pour la conduite de ce projet.
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66
équipes. Les efforts pour différencier les conditions de travail et de
rémunération en fonction de la difficulté des tâches sont réels mais les
mesures restent peu novatrices face à la diversité et l’intensité des
problèmes rencontrés.
1 -
Une attractivité différenciée pour les enseignants,
pénalisante pour les élèves
Les académies les moins attractives connaissent chaque année des
affectations d’enseignants débutants dans des proportions très élevées. Le
ratio divisant les effectifs des enseignants du second degré de 50 ans ou
plus par ceux de 30 ans ou moins est supérieur à deux dans certaines
académies (Paris, Strasbourg, Rennes, Corse, Martinique, Montpellier) et
inférieur à un dans d’autres (Créteil, Versailles, Guyane, Amiens) pour une
moyenne globale de 1,4.
S’agissant d’un âge moyen nettement plus élevé et d’une proportion
de jeunes faible ou très faible, trois académies se distinguent : la Corse,
Limoges et Montpellier. Celles où la moyenne d’âge est la moins élevée
sont Créteil et Lille. Il est révélateur que le seul département où la moyenne
d’âge est inférieure à 40 ans soit la Seine-Saint-Denis (moyenne 39,3 ans,
18,5 % d’enseignants de moins de 30 ans).
Le nombre de néo-titulaires affectés en établissements réputés
« difficiles »
91
a fortement augmenté depuis 2011, passant de 1 738 en
2011 à 3 185 en 2016. La proportion des néo-titulaires affectés dans ce type
d’établissements a crû (20 % en 2011, 23,6 % en 2016) et est plus élevée
que ce même chiffre pour l’ensemble du mouvement, néo titulaire ou non
(15,3 % en 2011, 18,8 % en 2015).
La tendance à affecter les enseignants débutants sur les postes
difficiles (ou sur des postes de remplacement, 34 % en 2015) n’a pas été
inversée, elle s’est même accentuée. Outre le manque d’expérience
pédagogique devant la classe, cette pratique a pour inconvénient
d’accroître l’instabilité des équipes pédagogiques dans les établissements
qui connaissent la plus grande difficulté scolaire.
91
En 2011, établissements en zone d’éducation prioritaire, sensibles et réseau
« ambition réussite ». En 2015, établissements sensibles, REP et REP+.
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L’AFFECTATION DES ENSEIGNANTS : MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS DES
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67
2 -
Des mesures importantes mais peu innovantes
Plusieurs mesures portant sur l’éducation prioritaire ont visé à
redonner de l’attractivité aux postes difficiles.
S’agissant de l’organisation du travail, la circulaire du 4 juin 2014
reconnaît la nécessité pour l’enseignant en réseau d’éducation prioritaire
de disposer de temps, que ce soit pour le travail en équipe, le suivi des
élèves les plus difficiles, ou pour la formation. Depuis la rentrée 2014, le
service des enseignants en REP+ est aménagé. Dans le premier degré,
18 demi-journées
par
année
scolaire
sont
libérées
du
service
d'enseignement pour participer aux travaux en équipe nécessaires à
l'organisation et aux actions de prise en charge des besoins particuliers des
élèves, ainsi qu'aux relations avec les parents d'élèves
92
. Ce dispositif est
organisé sous la responsabilité des inspecteurs de l'éducation nationale,
afin qu’il serve effectivement ces objectifs.
Des moyens de remplacement spécifiques ont été affectés pour
compenser ces temps d’enseignement. Mais en conséquence, les élèves
dans les établissements REP+ travaillent l’équivalent de 9 jours par an avec
un enseignant remplaçant. En outre cela a majoré structurellement les
besoins de remplacement.
Dans les établissements du second degré, la réforme des obligations
règlementaires de service met en place une pondération dans les
établissements REP+ de sorte qu’une heure d’enseignement « vaut »
1,1 heure dans le calcul du service des enseignants
93
. Ce dispositif, qui
donne un temps supplémentaire pour le travail en équipe et les relations
avec les parents d'élèves, souffre d’un problème de mesure. La circulaire
elle-même indique que ce travail hors-classe n’a pas « vocation à se
traduire par une comptabilisation ».
Contrairement au premier degré, la responsabilité et le contrôle de
l’application effective de ces dispositions ne sont pas précisés. Il existe
ainsi un risque que ce dispositif soit compris comme une simple décharge
et non comme l’obligation d’effectuer des travaux alternatifs utiles.
92
Décret du 20 août 2014 sur les obligations de service des enseignants du premier
degré, qui a fixé les missions des maîtres formateurs et des conseillers pédagogiques
mais ne modifie pas les paramètres des obligations de service des enseignants du
premier degré.
93
Circulaire du 4 juin 2014 confirmé par l’article 8 du décret du 20 août 2014.
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68
L’utilisation de ces temps pour la formation des personnels dans le
primaire comme dans le secondaire n’est enfin pas prévue comme une
obligation dans le décret, seul son intérêt est envisagé dans la circulaire du
4 juin 2014.
S’agissant des mesures spécifiques de rémunération, le régime
indemnitaire a été amélioré pour les enseignants en REP et REP+ avec un
doublement des taux annuels (2 312 € en REP+, 1 734 € en REP)
94
. Des
clauses de sauvegarde prévoient leur maintien pour un enseignant affecté
dans un établissement ne faisant plus partie de l’éducation prioritaire (taux
plein pendant trois ans, de manière dégressive pour les deux dernières
années). Les différents classements et zonages antérieurs, qui se
chevauchent pour partie, continuent à exister
95
. Les avantages ne se
cumulent pas, mais l’enseignant bénéficie du régime le plus favorable.
Des mesures de carrière ont enfin été prises. Le barème pour l’accès
à la hors classe intègre mieux depuis 2015 l’éducation prioritaire :
respectivement deux et un point sont accordés dans le primaire pour les
fonctions exercées en REP+ et REP, au-delà des droits de mutation
prioritaire et de l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains
agents de l'État affectés dans les quartiers urbains particulièrement
difficiles
96
. Dans le second degré, le barème indicatif pour les professeurs
agrégés (gestion non déconcentrée)
97
, qui avait très peu évolué jusqu’en
94
Arrêté du 28 août 2015 pris en application du décret du 28 août 2015.
95
Les dispositifs antérieurs sont les suivants :
- le dispositif ECLAIR (105 EPLE) prévoit une indemnité spécifique de 1 156 €
(décret du 12 septembre 2011) ;
- le dispositif quartier sensible (174 EPLE), prévoit que la NBI « ville » est majorée de
30 points (1667 €) (décret du 3 mai 2002). La part modulable de l’ISOE pour les
enseignants exerçant la fonction de professeur principal (de 895 € à 1 409 €) peut être
servie à deux enseignants par division, contre un seul dans les autres établissements ;
- le dispositif ZEP (875 EPLE, 5570 écoles), prévoit une indemnité spécifique de
1 556 € (décret du 11/09/90) ;
- pour les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité
particulièrement difficiles (548 EPLE, 2359 écoles), le décret du 21 mars 1995 prévoit
un avantage spécifique d’ancienneté (ASA), égal à trois mois pour les trois premières
années de service dans les zones concernées, puis de deux mois par année
supplémentaire. Les fonctionnaires ont un droit de mutation prioritaire avec cinq ans au
moins de services continus accomplis dans cette zone.
96
Décret du 21 mars 1995 et arrêté de janvier 2001.
97
Celui-ci est fixé nationalement et révisée annuellement. Il tient compte de la notation
de l’enseignant, son parcours de carrière et son parcours professionnel.
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L’AFFECTATION DES ENSEIGNANTS : MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS DES
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69
2015, a été réformé en 2016 dans le même sens
98
. Les années d’exercice
en éducation prioritaire seront notamment prises en compte pour bénéficier
d’un avancement dans la future classe exceptionnelle.
En définitive, différentes mesures ont été prises pour rendre des
postes en établissements réputés difficiles plus attractifs et leur tenue plus
stable. Celles portant sur les décharges présentent l’inconvénient d’être
fondées sur la diminution du temps de travail devant la classe et d’accroître
la tension sur les moyens enseignants. S’agissant des mesures
indemnitaires, les difficultés de recrutement dans certaines académies
montrent qu’elles risquent d’avoir des effets incitatifs insuffisants, ce qu’il
sera indispensable de vérifier au fil du temps.
Il sera nécessaire de s’interroger sur l’arbitrage entre des mesures
d’allégement du temps d’enseignement et des avantages statutaires et
indemnitaires, en raison de leurs effets sur l’attractivité des postes et sur
l’organisation de l’enseignement.
Les instruments utilisés pour répondre au manque d’attractivité sont
surtout peu novateurs. Ils ne répondent pas par exemple aux questions
tenant au logement des jeunes enseignants en région parisienne. Ils ne
remettent pas en cause les modes traditionnels d’affectation des
enseignants.
IV -
Un révélateur des rigidités de gestion :
les remplacements
La question des remplacements est emblématique des contraintes
qui pèsent sur l’organisation du service public scolaire et limitent son
efficacité. Le choix, pour faire face au remplacement, de retenir un
dispositif identique à celui de la gestion courante, a répliqué les contraintes
du cadre d’exercice du métier sur les règles de couverture d’un besoin qui
exige au contraire de la réactivité et de la proximité. Les remplacements de
courte durée dans le second degré sont ainsi mal couverts.
Le ministère a décidé récemment de prendre des mesures
supplémentaires par la circulaire du 17 mars 2017, qui vise à mieux
98
Une bonification complémentaire de 10 points (15 points en REP+) est accordée aux
professeurs agrégés enseignant en établissement relevant de l'éducation prioritaire
depuis au moins quatre ans, de manière continue, et qui ont reçu un avis très favorable
ou favorable de leur chef d'établissement.
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70
anticiper les absences générées par l’institution, à prévoir la possibilité sur
la base du volontariat de formations pendant les petites vacances scolaires
et à définir le plan de formation en tenant compte des constats de
saisonnalité des absences sur une année scolaire. Il conviendra d’en évaluer
la portée réelle, car aucune ne modifie les fondements contraignants de la
gestion actuelle du remplacement.
A -
Un besoin mal appréhendé, créé en partie
par le fonctionnement de l’institution scolaire
Les absences des enseignants de l’enseignement public représentent
13,6 millions de journées en 2014-2015
99
. L’ampleur comparée de cet
absentéisme au sein de la fonction publique est délicate à apprécier en
raison des conditions d’exercice du métier. Il est regrettable que le
ministère n’ait pas mis en place un dispositif adapté pour son suivi (en
heures d’enseignement plutôt qu’en jours dans le second degré).
La nature du métier rend plus complexe que dans d’autres secteurs
le lien entre les absences et les besoins de remplacement. L’absence d’un
enseignant pendant un jour ou deux peut n’avoir aucune répercussion en
termes d’heures de cours perdues ; inversement, un enseignant présent peut
ne pas assurer son enseignement en classe s’il participe à des conseils de
classe, à un jury, à une sortie scolaire. Enfin, l’impact d’événements qui
privent certains élèves de leurs enseignants sans que ces derniers soient
déclarés absents, comme la fermeture d’un lycée où se déroulent les
épreuves du baccalauréat, n’est pas précisément connu.
Pour les jours d'arrêt pour congé maladie, l'éducation nationale avec
11,4 jours par an par agent dont 6,6 pour maladie ordinaire (CMO)
peut paraître moins affectée que les autres ministères (13,5 et 7,8)
100
.
L'absentéisme maladie enseignant est également plus court puisque
0,8 jour des 6,6 (contre 0,5 des 7,8 pour les autres) correspond à des
absences inférieures à quatre jours.
99
La majorité est liée aux congés pour maladie ordinaire (CMO) (42,1 %), aux congés
longs (29,6 %) et aux congés maternité (24,7 %), le poids de ces derniers étant
directement lié au fort taux de féminisation de la profession (69,2 %). Ce décompte est
par ailleurs incomplet car seuls les congés pour raisons de santé et pour la
formation sont recensés. L’unité de mesure est en outre la demi-journée (premier degré)
ou la journée (second degré) d’absence, ce qui en limite l’intérêt dans le second degré,
où le service d’enseignement s’apprécie en heures de cours.
100
Rapport annuel sur l'état de la fonction publique, dernier indicateur disponible 2012.
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L’AFFECTATION DES ENSEIGNANTS : MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS DES
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71
Ces données sont en réalité difficilement comparables car les
enseignants ont un nombre annuel de jours de travail plus réduit et
effectuent leurs services pour une large part sur moins de cinq jours par
semaine et sur un nombre de semaines inférieur à celui des autres
fonctionnaires.
La part des agents ayant pris un congé maladie durant l’année est de
26,5 % dans l'enseignement contre 13,3 % dans les autres administrations.
Les accidents du travail et maladies professionnelles représentent 3,5 %
des jours d'arrêt pour raison de santé chez les enseignants contre 11,1 %
dans les autres ministères.
La proportion de salariés absents au moins un jour au cours d'une
semaine pour raison de santé, indicateur faisant désormais l'objet d'une
mise à jour, est passée de 2,5 en 2013 à 3 en 2014 et 2015 chez les
enseignants (+ 20 %). Elle progresse moins ou pas chez les autres
fonctionnaires. Aucune étude approfondie des causes de cette situation n’a
été menée à la connaissance de la Cour.
Certaines absences sont dites « institutionnelles » car dues au
fonctionnement même de l’institution scolaire (formations, décharges,
participations à des examens ou concours, etc.). Dans le second degré, elles
représentent de 20 % à 40 % des besoins de remplacement courts (moins
de 15 jours) et elles ont augmenté dans le premier degré avec les
modifications du régime de décharges des directeurs d’école
101
. Cet
absentéisme est en principe plus facile à compenser que les congés maladie
de courte durée, souvent imprévisibles.
Au-delà de l’absentéisme, les besoins de remplacement dépendent
aussi des postes non pourvus à la rentrée ou non affectés au mouvement
102
,
qui amoindrissent la capacité de remplacement. L’augmentation de ces
vacances dans la dernière période
103
, due aux difficultés de recrutement,
impose de mobiliser dès le début de l’année une partie des moyens destinés
au remplacement, dégradant alors la capacité à gérer l’absentéisme courant.
101
À compter de la rentrée scolaire 2014, la décharge de rentrée et de fin d’année
scolaire est passée de deux à quatre jours ; à compter de la rentrée scolaire 2015-2016,
la décharge des directeurs d’écoles de huit classes et plus a augmenté.
102
Dans le second degré, les chefs d’établissement peuvent constituer pour une année
un poste provisoire appelé « bloc de moyens provisoires », qui ne figure pas dans les
postes mis au mouvement.
103
Le nombre de postes non pourvus a augmenté entre 2011 et 2015 de 20 % dans le
premier degré et de 16 % dans le second degré.
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72
B -
La reproduction des rigidités des modes
de gestion pour couvrir un besoin différent
Le dispositif actuel de remplacement repose sur un principe qui se
veut ambitieux : il vise à remplacer un enseignant absent par un autre en
tout point comparable et bénéficiant du même statut. Cette obligation est
plus exigeante dans le premier degré, où un professeur des écoles est
remplacé dès le premier jour d’absence, que dans le second degré, où elle
n’intervient que pour les absences de durée égale ou supérieure à 15 jours.
Une partie des enseignants de chaque corps et de chaque discipline
est affectée à une catégorie de « titulaires remplaçants » : en 2015, le
remplacement mobilise 12 % des titulaires de premier degré et 7,4 % de
ceux du second degré, souvent en début de carrière
104
et qui restent
quelques années dans cette position. La gestion des moyens de
remplacement est entièrement déconcentrée.
Dans la pratique, ces « titulaires remplaçants » constituent une
catégorie réservoir dont tous les membres ne sont pas à même d’exercer
cette mission. On y affecte notamment ceux en grande difficulté
professionnelle et en incapacité temporaire de faire classe. Dans le second
degré, une affectation partielle en zone de remplacement permet de
régulariser les situations de sous-services
105
et de surnombre disciplinaire.
L’administration puise également dans le vivier des remplaçants titulaires
pour attribuer des missions temporaires (mise en place du numérique, appui
à la gestion du remplacement, par exemple).
Entre deux remplacements ou en situation de « sous-service », les
titulaires remplaçants sont rémunérés et doivent rester dans leur école de
rattachement (premier degré) ou à la disposition de l’établissement de leur
rattachement administratif (second degré) mais cette obligation de service,
quelquefois difficile à mettre en oeuvre
106
, est très inégalement respectée.
Elle ne fait pas l’objet de contrôles systématiques.
104
La moyenne d’âge des remplaçants est plus basse que celle de l’ensemble des
titulaires : respectivement 36,8 ans dans le 1
er
degré et 38,1 dans le 2
nd
degré vs 42,2 ans
et 44,1 ans en moyenne.
105
Lorsqu’un enseignant reçoit un emploi du temps comportant moins d’heures
d’enseignement que son obligation règlementaire de service, les heures manquantes
sont artificiellement affectées au remplacement. En pratique, elles sont très difficiles à
mobiliser : la coïncidence entre la disponibilité de cet enseignant et le besoin est rare,
compte tenu des contraintes de discipline, de localisation et d’emploi du temps.
106
La difficulté consiste à repérer les tâches pouvant être confiées à des remplaçants
susceptibles de repartir sur une nouvelle mission de remplacement.
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73
C -
Une défaillance systémique dans le second degré
La couverture des absences est préoccupante pour le remplacement
de courte durée dans le second degré alors qu’une organisation plus flexible
du temps de travail des enseignants pourrait y pourvoir.
1 -
Dans le premier degré, des assouplissements récents
Dans le 1
er
degré, le taux de couverture moyen des absences est de
80,2 % en 2016
107
. La baisse de ce taux, proche de 90 % avant 2013, peut
toutefois s’expliquer par l’amélioration de la mesure depuis qu’un outil
informatique fiable recense les absences et les remplacements. Les
absences longues en cours d’année ont été compensées à hauteur de 93,2 %
en 2014-15 mais le taux de couverture des absences courtes
108
n’a atteint
que 77,6 %.
Pour remédier à ces difficultés, de nombreuses académies ont
recruté des non titulaires, en général en effectifs réduits. Le département
de la Seine-Saint-Denis est le seul à y recourir massivement, puisque la
moitié des contractuels remplaçants de premier degré de France
métropolitaine y est affectée en 2015-16.
Le recours aux contractuels dans le département
de la Seine-Saint-Denis
Depuis la fin des années 2000, des non titulaires complètent le vivier
des remplaçants (36 ETP en 2009-10, 78 ETP en 2010-11), principalement
au moment du pic hivernal d’absences. Le besoin devient structurel en
2011-2012, sous l’effet conjugué de plusieurs facteurs : démographie
scolaire dynamique, manque d’attractivité d’une académie à forte
proportion d’éducation prioritaire et à résultats scolaires dégradés,
déperdition constante des titulaires nouvellement recrutés. La proportion de
postes vacants et l’absentéisme se situent au-dessus de la moyenne
nationale.
107
L’affectation des remplaçants « à l’année » sur les postes non pourvus, décidée en
amont de la rentrée scolaire, n’entre pas dans cette statistique.
108
En 2014-2015, 1, 3 million de demi-journées d’absence n’étaient pas remplacées.
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74
L’académie a intensifié l’embauche des contractuels et modifié ses
pratiques (recrutement élargi, sélection en commission, constitution d’un
vivier). Les premiers contrats à l’année ont été proposés en 2013-14 (193
contrats) et ont été généralisés l’année suivante (671 contrats).
Un plan ministériel triennal a été annoncé en novembre 2014 : il
comprend neuf mesures dont les plus importantes visent à augmenter le flux
de nouveaux titulaires en instaurant un concours annuel supplémentaire
pour recruter sur une base nationale 500 titulaires supplémentaires et à
améliorer les conditions d’accueil et de formation des contractuels.
Des efforts ont été faits pour limiter le besoin pendant le pic hivernal
d’absences,
en
adaptant
le
calendrier
des
plans
de
formation
départementaux, et pour freiner le rythme des autorisations d’absence.
L’effet de ces dispositions est resté limité
109
.
Le décret du 9 mai 2017 supprime la segmentation du potentiel de
remplaçants
selon
le
périmètre
(département
ou
zone
infra-
départementale), la distance (20 km) et la durée du remplacement. Il
précise que les stagiaires pourront être chargés d’effectuer des missions de
remplacement et fixe le département comme périmètre de nomination et
d’intervention des remplaçants.
2 -
Dans le second degré, un recours structurel aux contractuels
pour le remplacement de longue durée
En 2014-15, la quasi-totalité des 8,5 millions de journées d’absences
longues du second degré public était remplacée. Le taux élevé de
remplacement
(98,7 %)
a
été
obtenu grâce
à un
recours
aux
contractuels (+ 10 000 entre 2008 et 2015). À la rentrée 2016, ils sont
légèrement plus nombreux que les titulaires remplaçants.
109
Le besoin de suppléance pour les stages de formation continue en période hivernale
représentait encore en 2014-2015 le quart du besoin de l’année (88 505 jours d’absence
à remplacer soit 26,4 %)
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75
Graphique n° 4 :
les remplaçants dans le second degré public
Source : Cour des Comptes à partir des données du ministère de l’éducation nationale
Cet afflux a suscité des initiatives locales pour trouver des candidats
(conventions avec Pôle Emploi par exemple), les sélectionner, former et
encadrer ceux qui étaient retenus. Les académies les plus concernées ont
mis en place des dispositifs pour les fidéliser, notamment des contrats
couvrant l’année scolaire dans les disciplines déficitaires et des méthodes
d’affectation inspirées de celles des titulaires (voeux).
Le ministère a adopté en août 2016 des dispositions
110
qui
améliorent les conditions d’emploi des contractuels, simplifient leur règles
de rémunération, alignent en partie leurs obligations de service sur celles
des titulaires et instaurent un dispositif de formation et d’évaluation. La
durée des contrats est étendue à l’année scolaire lorsque le besoin de
remplacement coïncide avec l’année scolaire. Les rigidités du cadre et du
mode de gestion du remplacement aboutissent ainsi à la création et au
renouvellement constant d’un vivier de recrutement complémentaire.
3 -
L’échec du remplacement de courte durée dans le second degré
Les données remontant des établissements ne sont pas exhaustives.
Alors que le ministère évalue à un tiers le taux de couverture de ces
absences, l’enquête conduite par la Cour auprès d’un échantillon
d’établissements fournit des chiffres plus bas (de 5 % à 20 %).
110
Décret n° 2016-1171 du 29 août 2016 relatif aux agents contractuels recrutés pour
exercer des fonctions d'enseignement, d'éducation et d'orientation dans les écoles, les
établissements publics d'enseignement du second degré ou les services relevant du
ministre chargé de l'éducation nationale.
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76
L’importance des cours non assurés représenterait selon le ministère 5 %
du temps scolaire, soit 1,8 semaine par an.
Cette situation reflète la grande difficulté à trouver des remplaçants
conformes (même niveau de formation, si possible même discipline) pour
des durées brèves et, souvent, en l’absence de préavis. Le recours aux
remplaçants titulaires gérés par le rectorat est peu pratiqué. Les chefs
d’établissement doivent donc trouver sur place les remplaçants. Cette
possibilité se heurte à de multiples obstacles pratiques : contraintes
d’emploi du temps et de locaux, réticences des enseignants, niveau de la
rémunération, désapprobation syndicale. Les chefs d’établissement ne
parviennent pas en outre à appliquer la règlementation sur les protocoles
(cf.
supra
) qui permettraient de demander à un enseignant d’assurer ce
remplacement sans qu’il puisse refuser. Des modes de remplacement plus
souples que le traditionnel face-à-face pédagogique (activités liées à
l’enseignement, travail à distance, etc.), pourtant autorisés par les textes,
ne sont mis en oeuvre que rarement.
Ces carences sont dans la logique des insuffisances d’obligations
réglementaires de service qui viennent pourtant d’être rénovées
(cf.
supra
) : la continuité de l’enseignement n’est pas mentionnée dans
leurs missions nouvelles ; le cadre hebdomadaire maintenu ne permet pas
la souplesse qui s’imposerait. Du coup, les absences de courte durée,
mêmes prévisibles, ne sont pas pour l’essentiel remplacées.
Améliorer le remplacement de courte durée appelle des actions
diverses et coordonnées (véritable suivi des absences, réduction des
absences institutionnelles, assouplissement des contraintes sur le temps de
travail des enseignants et pouvoirs accrus du chef d’établissement,
encouragement aux solutions alternatives) qui, pour la plupart, exigent de
revoir le cadre actuel des obligations de service.
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
La performance du système scolaire suppose de pouvoir répartir et
affecter les enseignants de manière différenciée en fonction des besoins.
Pour ce faire, aucune mesure fine et restituée selon plusieurs niveaux de
granularité des situations scolaires n’est à ce jour utilisable.
L’affectation des enseignants continue à être dominée par un
barème d’application automatique qui ne tient pas compte des besoins de
l’éducation nationale autre que de nature quantitative et n’intègre pas les
compétences spécifiques des enseignants, leur mode d’évaluation n’étant
pas prévu à cet effet. L’adéquation entre leur profil et le poste qu’ils sont
amenés à occuper est loin d’être garantie, d’autant que le nombre des
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77
postes dits à profil, laissant une marge accrue de décision à
l’administration, demeure limité et que, même dans ce dispositif, les chefs
d’établissement participent peu au choix.
L’organisation du service des enseignants reste déterminée par des
logiques de corps indifférentes aux conditions réelles d’exercice, ce qui est
source d’inégalités entre les enseignants eux-mêmes. L’affectation massive
d’enseignants en début de carrière et de remplaçants contractuels dans les
postes les plus exigeants demeure un obstacle majeur que le ministère ne
sait toujours pas surmonter, les dispositifs mis en place pour accroître
l’attractivité de certains de ces postes, principalement au sein de
l’éducation prioritaire, étant de trop faibles palliatifs.
La difficulté chronique pour couvrir les remplacements de courte
durée est révélatrice d’un système de gestion trop rigide pour s’adapter à
la réalité quotidienne des besoins du système éducatif, faute de gestion de
proximité, d’autonomie donnée aux chefs d’établissement, et de possibilité
de moduler le service des enseignants. Cette question illustre la propension
du système scolaire à ne pas s’affranchir de ses propres contraintes, quand
bien même il s’agit de répondre à des besoins de souplesse et de réactivité
accrues.
Dans ces conditions, la Cour émet les recommandations suivantes :
8.
mettre en place un système de mesure et d’analyse assurant une
connaissance précise et fiable des besoins des élèves, et en particulier
de leurs acquis et compétences ;
9.
poursuivre la mise en place d’un nouveau modèle de répartition pour
le second degré fondé sur la prise en compte des besoins des élèves,
notamment des acquis scolaires et des conditions socio-économiques ;
10.
afin de constituer des équipes cohérentes, mettre des postes à profil à
la disposition du chef d’établissement et en augmenter le nombre ;
plus généralement, prendre en compte dans les affectations
l’adaptation des profils professionnels aux besoins des élèves et au
projet d’établissement ;
11.
faire en sorte que les agrégés ne soient plus affectés au collège, y
compris en créant pour ces enseignants une obligation de mobilité ;
12.
poursuivre la mise en place de mesures réellement incitatives,
notamment en matière indemnitaire et de carrière, afin de compenser
les différences d’attractivité entre les postes.
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Chapitre III
Emploi, rémunération, temps de travail :
construire une stratégie d’ensemble
Les politiques concernant les effectifs, les rémunérations et le temps
de travail des enseignants sont menées de façon séparée et sans remise en
perspective pluriannuelle.
Des réformes profondes sont nécessaires pour améliorer la
performance du système éducatif, qu’il s’agisse du cadre d’exercice du
métier d’enseignant ou des mécanismes d’affectation et de répartition des
effectifs. Certains de ces changements ne sont pas faciles car ils procèdent
d’un changement de culture professionnelle profond. Aussi ils ne peuvent
être conduits que s’ils sont intégrés dans une stratégie d’ensemble qui
associe conditions et temps de travail, rémunérations et effectifs.
Cette approche globale, qui a fait défaut par le passé, devrait être
retenue à l’avenir tant les efforts budgétaires consentis ne peuvent
durablement être maintenus sans être assortis de réformes structurelles,
gage d’une efficience accrue du système scolaire.
I -
La priorité à l’évolution des effectifs,
un choix peu adapté
La question du nombre des enseignants a jusqu’ici été au coeur des
débats sur le système éducatif, que ce soit de 2007 à 2012, avec le non-
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COUR DES COMPTES
80
remplacement des départs en retraite dans le cadre de la révision générale
des politiques publiques, ou de 2013 à 2017 avec l’accroissement des
effectifs programmé par la loi du 8 juillet 2013.
Cette priorité a abouti à faire des moyens quantitatifs le principal
enjeu des politiques scolaires sans réflexion suffisante sur l’optimum des
niveaux d’effectifs et sur son articulation avec les évolutions de la
démographie des élèves. Elle a en outre abouti à des à-coups comportant
de forts inconvénients sur la régularité des niveaux de recrutement, risquant
d’altérer la qualité du service.
A -
Les emplois prévus par la loi de 2013 :
une programmation globalement respectée
La loi de 2013 a, dans son annexe, programmé la création de 60 000
emplois dans l'enseignement sur la durée de la législature, dont 54 000 au
ministère de l'éducation nationale, 5 000 à celui de l'enseignement
supérieur et 1 000 à celui de l’enseignement agricole.
Si tous les postes annoncés ont été effectivement budgétés et ouverts
au ministère de l’éducation nationale (54 140 emplois créés entre 2012 et
2017), les schémas d’emplois annuels du ministère n’ont pas tous été
respectés car les postes n’ont pu être tous pourvus. Entre 2012 et 2016, sur
les 42 338 emplois déjà créés, la réalisation des schémas d’emploi a permis
d’en pourvoir effectivement 36 586, ce qui laisse 17 554 emplois à
pourvoir en 2017 pour atteindre l’objectif.
L’écart entre les postes créés et les emplois pourvus s’explique par
les difficultés de recrutement rencontrées principalement en 2013
(3 917 emplois non pourvus)
111
et en 2016 (1 678 emplois non pourvus).
111
Pour y faire face, le ministère a utilisé les heures supplémentaires (cf.
infra
) et a
accru le nombre de contractuels en CDD, passé de 15 794 ETP en octobre 2012 à
19 034 ETP en octobre 2013. Ce chiffre n’a que légèrement diminué depuis (17 778 en
octobre 2014, 18 624 en octobre 2015).
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EMPLOI, RÉMUNÉRATION, TEMPS DE TRAVAIL : CONSTRUIRE UNE STRATÉGIE
D’ENSEMBLE
81
Graphique n° 5 :
réalisation du schéma d’emploi du MEN
Source : Cour des comptes, NEB 2012 à 2016
Les seuls nouveaux moyens d’enseignement
112
dégagés sur la
période 2012-2017 représentent 42 795 emplois à temps plein si tous les
postes sont pourvus en 2017.
Graphique n° 6 :
nouveaux moyens d’enseignement (en ETP)
Source : ministère de l’éducation nationale - DAF
112
Moyens mis devant les élèves dans les écoles et les établissements, en dehors du
temps en ÉSPÉ pour la formation initiale (mi-temps pour chaque enseignant stagiaire).
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COUR DES COMPTES
82
Au total, la programmation contenue dans la loi de 2013 devrait être
globalement respectée s’agissant des postes budgétaires ouverts. Les
informations sur la répartition des emplois selon le schéma prévisionnel
annexé à la loi de 2013 demeurent lacunaires, ce qui interdit d’en faire un
bilan mesure par mesure.
B -
Sur longue période, l’évolution différente
des effectifs et de la démographie
Les créations d’emplois effectuées depuis quelques années
s’inscrivent dans une logique de long terme où l’évolution des effectifs
améliore les taux d’encadrement mais de façon variable selon les périodes.
Depuis une vingtaine d’années, le nombre des enseignants a crû (+ 3 %)
alors que la population scolarisée diminuait légèrement (- 1,4 %).
Graphique n° 7 :
évolutions des effectifs
113
d’élèves et d’enseignants
(base 100 en 1995)
Source : MENESR, L’état de l’école (2016)
113
Champ
:
France métropolitaine + DOM y compris Mayotte à partir de 2011, public
et privé sous contrat.
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EMPLOI, RÉMUNÉRATION, TEMPS DE TRAVAIL : CONSTRUIRE UNE STRATÉGIE
D’ENSEMBLE
83
L’évolution des effectifs d’enseignants est relativement continue et
liée à la démographie des élèves dans le premier degré. Elle s’effectue
beaucoup plus par à-coups pour les enseignants du secondaire.
1 -
Dans le premier degré, une amélioration progressive
du taux d’encadrement
Depuis 1995, le nombre d’enseignants du premier degré a augmenté
de 6 % alors que le nombre d’élèves est revenu à un niveau à peu près
identique à celui d’il y a vingt ans. Depuis 2011, le nombre d’enseignants
du premier degré public a augmenté plus vite (3,2 %) que celui des élèves
(1,4 %). La progression des non titulaires, qui ne représentent qu’une part
très faible des effectifs (0,4 %), est plus importante compte tenu des
stagiaires suivant la formation initiale. Le nombre de postes pour 100
élèves s’est, dans cette dernière période, régulièrement améliorée depuis
(5,28 en 2015, 5,4 en 2016) du fait de l’évolution plus rapide du nombre
d’enseignants que d’élèves.
Le nombre moyen d’élèves par enseignant
114
, sur lequel s’appuient
les comparaisons internationales, reste cependant assez fortement
supérieur
115
en France (19 en 2015) à la moyenne des pays de l’OCDE (15)
et à nos principaux partenaires (Allemagne 15, Espagne 14, Italie 12).
2 -
Dans le second degré, des évolutions très divergentes
des effectifs d’enseignants et d’élèves selon les périodes
Les effectifs d’enseignants
116
sont à peu près les mêmes en 2015-
2016 qu’au milieu des années 1990 (environ 4 000 enseignants de plus),
alors que le nombre d’élèves est moins important qu’à l’époque
117
. Le
114
Deux indicateurs permettent de mesurer l’encadrement des élèves du premier degré :
le ratio donnant le nombre de postes d’équivalent temps plein (ETP) pour cent élèves
(P/E) et le ratio du nombre moyen d’élèves par classe (E/C).
115
OCDE, Regards sur l’éducation 2017 (données de 2015).
116
Les enseignants dans le secondaire public sont composés principalement de certifiés
(55 % du total), de professeurs de lycée professionnel (14,6 %), d’agrégés (10,6 %) et
de professeur d’éducation physique et sportive (6,8 %). Le nombre de contractuels
s’accroît assez fortement (de 16 990 en 2011 à 25 421 en 2015) et représente 5,4 % du
total.
117
5 994 000 en 1995 et 5 812 615 à la rentrée 2015 soit une baisse de 3 % des effectifs.
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COUR DES COMPTES
84
nombre d’élèves par enseignant est équivalent à la moyenne de l’OCDE
(13 élèves)
118
.
Les effectifs d’élèves
119
ont baissé entre 1995 et 2009 (- 6,8 %), puis
augmenté de nouveau depuis (+ 2,4 % depuis 2011). Les effectifs
d’enseignants ont connu une évolution divergente : ils ont augmenté de
8 % entre 1995 et 2003 avant de diminuer fortement (48 000 enseignants
du second degré en moins à la rentrée 2012 par rapport à 2003).
Le nombre d’enseignants dans le second degré public a progressé de
nouveau depuis 2012, à un rythme légèrement moins rapide (+ 1 %) que
celui des élèves (+ 1,6 %). Le nombre moyen d’élèves par structure
120
a
ainsi légèrement augmenté, de 24,4 en 2011 à 24,9 en 2015, dans
pratiquement toutes les structures (collège, lycée général et technologique,
lycée professionnel, etc.) à l’exception de l’enseignement adapté.
Le nombre d’établissements a de son côté légèrement diminué entre
2011-2012 et 2014-2015, passant de 11 417 à 11 342.
Au total, la démographie des élèves a joué un rôle limité dans
l’évolution des effectifs enseignants, en particulier dans le second degré.
Les évolutions s’expliquent par des décisions de maîtrise ou de
relâchement du volume des effectifs, prises indépendamment de la gestion
du
système
scolaire.
Mieux
prendre
en
compte
les
évolutions
démographiques et inscrire la politique des ressources humaines dans cette
perspective est un préalable trop souvent omis.
C -
Les difficultés croissantes de recrutement
Les difficultés de recrutement sont aggravées par ces à-coups : la
diminution du nombre de postes ouverts intervenue entre 2009 et 2013 a
pu décourager des étudiants de se projeter dans une carrière d’enseignant
dès le début de leur parcours universitaire. D’autres facteurs expliquent les
difficultés qui se sont accrues ces dernières années. La mastérisation a
mécaniquement réduit le vivier potentiel tout en plaçant le métier
d’enseignant en concurrence avec les autres professions recrutant à un
niveau de formation équivalent et offrant des rémunérations attractives
121
.
118
OCDE, Regards sur l’éducation 2017 (données de 2015).
119
Idem.
120
Le nombre moyen d’élèves par structure (groupe ou division) permet d’estimer le
nombre d’élèves dont un professeur a la charge en moyenne pendant une heure de cours.
121
Et aggravant la concurrence du secteur privé (notamment du secteur informatique)
dans certaines disciplines (mathématiques, sciences de l’ingénieur, etc.).
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EMPLOI, RÉMUNÉRATION, TEMPS DE TRAVAIL : CONSTRUIRE UNE STRATÉGIE
D’ENSEMBLE
85
1 -
Les limites rencontrées pour l’application
de la programmation pluriannuelle des recrutements
Le nombre de postes offerts a été très élevé en 2013 (38 850, dont
17 100 dans le premier degré et 21 750 dans le second) compte tenu de
l’existence cette année-là de deux sessions de concours. Il s’est établi
ensuite à 19 300 en 2014, 24 929 en 2015 et 26 511 en 2016. En 2013-2016
par rapport à 2008-2012, le nombre de postes dans le premier degré a
augmenté de 80 % en moyenne annuelle contre 53 % dans le second degré.
Graphique n° 8 :
nombre de postes offerts au concours
Source : Cours des comptes à partir de données du MEN – DGRH
La période 2012-2016 a connu une programmation globale de la
hausse des effectifs puisque celle-ci a été annexée à la loi de refondation
de l’école de 2013. Le schéma de créations d’emplois a été fixé sur trois
ans dans le cadre du triennal 2015-2017, ce qui a permis de fixer dans le
projet de loi de finances 2015 le volume des postes ouverts au concours en
2015, 2016 et 2017.
Une fois ce programme appliqué, il n’existera plus de dispositif
pluriannuel concernant les effectifs enseignants.
Aussi cet effort de programmation n’a pas débouché pour le moment
sur une planification pluriannuelle des recrutements pourtant prévue par
l’article L.911.2 du code de l’éducation. Une telle évolution supposerait
une continuité de la politique en la matière au-delà des choix électoraux.
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COUR DES COMPTES
86
Elle aurait, en autres avantages, celui de donner une vraie visibilité aux
étudiants voulant préparer le métier d’enseignant. Les à-coups de
recrutement ont pour conséquence des écarts excessifs de taux de
sélectivité des différents concours d’une année sur l’autre, préjudiciables
au lissage de la qualité du recrutement en général, et dans les académies ou
les disciplines en tension.
Dans la dernière période, les concours externes, les plus grands
pourvoyeurs d’enseignants (97,9 % dans le 1
er
degré et 83,8 % dans le 2
nd
degré en 2015), ont été les plus touchés
122
. Ceci a entraîné une plus faible
couverture des postes ouverts aux concours, une moindre sélectivité, et la
nécessité de recourir à des personnels contractuels pour pallier le manque
d’enseignants titulaires, notamment pour le remplacement
123
.
2 -
Dans le premier degré, une dégradation générale
du degré de sélection, accentuée dans les académies sous tension
Au concours externe et au troisième concours de professeur des
écoles (CRPE), le nombre d’admis a été en 2013 inférieur de plus d’un
millier de postes par rapport au nombre de postes offerts. Un rattrapage a
pu dans le premier degré être opéré en 2015 avec un nombre d’admis
nettement supérieur à celui des postes, grâce au jeu des listes
complémentaires. Malgré cela, sur la période 2008-2015, 1 232 postes
ouverts n’ont pas été pourvus, ce qui a provoqué, pour la première fois, le
recours à des enseignants contractuels dans le 1
er
degré.
Certaines académies n’ont pas pu pourvoir tous les postes ouverts
(13 académies en 2016, certaines pour quelques unités). Les taux de
présents aux concours par rapport aux postes ouverts est passé de 5,4 en
2012 à 2,6 en 2015 au niveau national. Les dix académies les plus
sélectives sont parmi les plus attractives. À l’inverse, les deux académies
les plus en difficultés sont celles de Créteil (déficit de 424 postes en 2016)
et Versailles (déficit de 210 postes en 2016).
Pour les concours de ces académies, le nombre de présents aux
épreuves par rapport aux postes ouverts, déjà faible, a régulièrement
diminué, passant à Créteil de 3,2 en 2010 à 1,3 en 2015, et de 4,4 à 1,7 à
Versailles, et ne garantit plus un bon niveau de sélectivité. Le ministère
122
Sur la période, le taux de sélectivité des concours internes, certifiés et agrégés
confondus, est resté plus élevé que celui des concours externes.
123
Cour des comptes,
Référé, Le dispositif de remplacement des enseignants des
premier et second degrés
. 23 décembre 2016, 6 p ., disponible sur www.ccomptes.fr
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EMPLOI, RÉMUNÉRATION, TEMPS DE TRAVAIL : CONSTRUIRE UNE STRATÉGIE
D’ENSEMBLE
87
estime qu'en deçà de deux présents pour un poste, la potentialité même du
recrutement devient très aléatoire, ce qui est le cas en 2016 dans quatre
académies (Guyane, Versailles, Reims, Créteil). Cette situation entraîne
des écarts marqués dans la qualité des recrutements : alors que la médiane
nationale des notes des derniers candidats reçus est de 10,7 en 2016, elle
est de 9,3 à Amiens, de 7,5 à Créteil et 8 à Versailles.
L'académie de Créteil a dû mettre en place chaque année depuis
2015 un concours supplémentaire de 500 postes (concours externe
uniquement), avec des épreuves écrites déconcentrées dans toutes les
académies, afin d’élargir au niveau national son recrutement. Une telle
mesure, très rare, témoigne de graves tensions.
S’il peut s’avérer que ces tensions soient ponctuelles, liées au
rehaussement des recrutements dans le premier degré, elles illustrent trois
entraves structurelles, constantes et corrélées du système éducatif : la
difficulté de recruter dans des aires géographiques urbaines et défavorisées,
la faible attractivité de certains segments du métier d’enseignant et le jeu
du système de remplacement.
3 -
Dans le second degré, des tensions importantes
dans certaines disciplines
Dans le second degré, les difficultés de recrutement ne sont pas
nouvelles. Depuis plusieurs années, les postes proposés ne sont pas tous
pourvus de manière récurrente dans plusieurs disciplines, soit faute de
candidats, soit compte tenu de leur niveau insuffisant. L’allemand, l’anglais,
l’éducation musicale, les lettres classiques, les lettres modernes, les
mathématiques sont les disciplines les plus concernées par ces difficultés.
Cette situation s’est généralisée et aggravée ces dernières années ;
le total des postes non pourvus est passé de 133 pour les trois années 2008-
2010 à 9 624 pour les années 2011-2015 (4 616 en 2014, 1 676 en 2015).
Ces problèmes apparaissent dorénavant plus nettement dans certaines
disciplines technologiques et professionnelles.
La baisse du vivier, conjuguée à l’augmentation récente de postes
ouverts, a entraîné une moindre sélectivité. L’augmentation des taux de
réussite aux concours à compter de 2010 et 2011 n’est pas tant due à une
meilleure réussite des candidats qu’à un effondrement de leur nombre: de
5,6 candidats pour un poste ouvert en 2008 au CAPES à 2,7 candidats en
2015. Pour plusieurs disciplines, ces taux atteignent des chiffres inférieurs
à deux : lettres classiques, lettres modernes, allemand. Au CAPES de
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COUR DES COMPTES
88
mathématiques et de lettres modernes, ce ratio a constamment baissé
depuis 2008 pour s’établir à 1,4 candidat en 2015. Dans plusieurs de ces
matières, la note des derniers reçus est inférieure à 8.
Au-delà des facteurs généraux précédemment cités, le manque de
lisibilité des politiques éducatives joue un rôle non négligeable. Les
annonces, parfois démenties, ouvrant des périodes d’incertitudes, sur le
devenir de l’enseignement de certaines disciplines, ont eu un effet certain:
le nombre de présents aux concours de professeur d’allemand, déjà faible,
a reculé nettement pour s’établir à 1,6 en 2015. Ces difficultés révèlent une
grande fragilité des capacités de recrutement du système éducatif et un
risque potentiel sur la qualité des futurs enseignants.
Le relatif affaissement des vocations s’observe dans un contexte de
fort taux de chômage des jeunes alors que ces carrières offrent une
rémunération dès la période de formation initiale et une garantie de
l’emploi.
Aussi le ministère doit anticiper les conséquences d’une éventuelle
forte reprise de l’emploi sur sa politique de recrutement. Il ne pourra pas
faire l’impasse d’une réflexion prospective sur l’attractivité du métier,
élargie aux raisons des démissions (premier degré).
II -
Les rémunérations et le temps de travail :
deux paramètres majeurs insuffisamment liés
La fin de la période 2012-2017 a été marquée par une revalorisation
salariale significative, qui a rapproché les rémunérations des enseignants,
à certains stades de leur carrière, des moyennes des comparaisons
internationales. La masse salariale enseignante a crû à un rythme nettement
supérieur à celui de l’ensemble de la fonction publique, en raison
notamment du plan de recrutement mis en oeuvre. Cet effort budgétaire
considérable n’a pas été l’occasion d’introduire de la différenciation dans
les rémunérations et surtout d’obtenir des contreparties sous la forme d’un
assouplissement du régime de temps de travail.
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EMPLOI, RÉMUNÉRATION, TEMPS DE TRAVAIL : CONSTRUIRE UNE STRATÉGIE
D’ENSEMBLE
89
A -
L’évolution des rémunérations : un effort important
Le choix a pendant longtemps été de privilégier au plan budgétaire
l’augmentation des effectifs plutôt que celle des rémunérations. Cette
arbitrage a entraîné en 2009 un écart négatif de 35 % de rémunération entre
un enseignant et un cadre non enseignant de la fonction publique,
principalement en raison de primes inférieures. Dans son rapport public sur
la gestion des enseignants de 2013, la Cour avait relevé cet écart pour
recommander une revalorisation pécuniaire « mais portant sur le montant
des indemnités et non sur celui du traitement indiciaire ».
Depuis cette date, les évolutions de la politique de rémunération ont
progressivement pris acte de cet écart, notamment en mettant en place un
recrutement au niveau des masters qui relève le niveau indiciaire des
enseignants. Elles ont accru le régime indemnitaire, ce qui a permis une
relative modulation. En fin de période, les mesures de revalorisation
indiciaire, inscrites dans un plan d’ensemble concernant la fonction
publique (
cf. infra
) ont eu et auront un impact significatif.
1 -
Une croissance de la masse salariale enseignante
trois fois plus rapide que celle de l’État
Celle-ci s’élève en 2016 à 20,155 Md€ pour le titre 2 du programme
140 correspondant aux enseignants du premier degré public (18,1 Md€ en
2012) et à 31,015 Md€ (29,493 Md€ en 2012) pour ceux du second degré
public, CAS pension inclus. Au total, la masse salariale des enseignants du
secteur public a augmenté de 3,577 Md€ entre 2012 et 2016, soit de 7,5 %
(environ 1,9 % par an), contre 2,5 % pour l’ensemble de la fonction
publique de l’État (enseignants compris).
Son évolution dépend chaque année de plusieurs facteurs. Le
premier est l’accroissement des effectifs. Sur la base d’un coût moyen par
emploi de 50 000 € (CAS pension inclus), et de 42 338 emplois créés, le
coût du programme contenu dans la loi de programmation de 2013 peut
être estimé en 2016 à 2,1 Md€, soit près de 60 % de la croissance de la
masse salariale.
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90
Graphique n° 9 :
évolution de la masse salariale
des enseignants du secteur public 2012-2016
Source : Cour des comptes à partir des chiffres du ministère de l’éducation nationale
L’autre composante, soit environ 1,477 Md€, se décompose en
plusieurs facteurs. Il s’agit d’abord des mesures générales. Jusqu’à l’année
2016, le seul mécanisme général qui a joué, est la garantie indemnitaire de
pouvoir d’achat (GIPA), censée compenser l’écart entre l’évolution sur
quatre ans de la rémunération de base et de l’inflation. Ce mécanisme a
coûté 92 M€ en 2014, 106 M€ en 2015 et 53 M€ en 2016 (hors CAS
pension). En 2016, la revalorisation de 0,6 du point d’indice au 1
er
juillet a
représenté 123 M€ (hors CAS pension).
Le solde s’explique par deux derniers facteurs, les nouvelles
mesures indemnitaires prises de 2012 à 2016 et le glissement vieillesse
technicité (GVT) qui a représenté ces dernières années un coût moyen
annuel évalué à environ 332 M€ par an.
2 -
Un rattrapage salarial découlant notamment
de la mastérisation
Les comparaisons internationales réalisées par l’OCDE permettent
de mesurer le niveau et l’évolution des rémunérations des enseignants
124
.
124 La comparaison la plus usuelle de l’OCDE porte sur le salaire statutaire des
enseignants sur la base des qualifications typiques à différentes étapes de leur carrière.
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EMPLOI, RÉMUNÉRATION, TEMPS DE TRAVAIL : CONSTRUIRE UNE STRATÉGIE
D’ENSEMBLE
91
Dans son rapport de 2013
125
, la Cour relevait que les enseignants français
des premier et second degrés gagnaient en début et milieu de carrière en
2009 entre 15 et 20 % de moins que leurs homologues des pays européens
et des autres pays membres de l’OCDE.
Pour le premier degré, l’écart par rapport aux autres pays de l’OCDE
s’est accru en 2014
126
par rapport à 2009 en milieu de carrière et est resté
pratiquement nul en fin de carrière. Il a en revanche diminué en début de
carrière par rapport à la moyenne de l’OCDE (9,2 % en 2015 contre 20,5 %
en 2009) et des pays européens
127
(5,2 % en 2015 contre 20,4 % en 2009).
La mastérisation décidée en 2010 s’est accompagnée d’un plan de
revalorisation de l’entrée dans la carrière appliquée en 2012 (relèvement
de l’indice des premiers échelons). Les mesures salariales prises en 2016,
notamment la revalorisation de l’indemnité de suivi et d’accompagnement
des élèves (ISAE) contribueront probablement à poursuivre cette
évolution.
Pour les enseignants du premier cycle du second degré (collèges),
l’écart était en 2009 légèrement plus réduit en début de carrière (15 %
environ) que pour ceux du premier degré, pour s’effacer en fin de carrière.
En 2015, l’écart est ramené à 3,1 % en début de carrière. Ce rattrapage ne
concerne pas le milieu de carrière. En fin de carrière, le salaire des
enseignants français sont équivalents à la moyenne de l’OCDE. Ces mêmes
évolutions peuvent être constatées pour les enseignants du deuxième cycle
du second degré.
Sur la base des données globales issues de l’OCDE (salaires
moyens, sans pondération par les effectifs ni prise en considération du
temps de travail et du niveau de qualification), les rémunérations de début
de carrière et des dix premières années sont en train de rattraper la
moyenne, celles après 10 et 15 ans de carrière restant en deçà, celles des
échelons les plus élevés de chacun des corps sont au niveau des standards
internationaux.
Il s’agit de chiffres forcément conventionnels puisque calculés en équivalent dollar
convertis sur la base des parités des pouvoirs d’achat pour la consommation privée.
125
Comparaison des rémunérations brutes annuelles 2009, sur la base des données de
l’OCDE (Regards sur l’éducation, 2011).
126
Les dernières séries publiées dans le document « OCDE - regards sur
l’éducation 2017 » portent sur l’exercice 2015.
127
Moyenne des 22 pays de l’Union européenne membres de l’OCDE.
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92
3 -
Le régime indemnitaire: un effort de modulation encore limité
Le montant des indemnités évolue en fonction des effectifs et de
facteurs exceptionnels, mais aussi des mesures catégorielles de leur
revalorisation ou de création de nouvelles. Elles ont représenté 2,075 Md€
en 2016, en accroissement de 23 % par rapport à 2013. Ce rythme élevé
s’explique par l’amélioration du régime de l’éducation prioritaire
(cf.
supra
), des nouvelles indemnités de sujétions spécifiques dans le
second degré (décrets du 27 avril 2015)
128
, et surtout des mesures prises de
création et d’extension de deux indemnités nouvelles.
L’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE) créée
pour les enseignants du premier degré par le décret du 30 août 2013 (400 €
brut par an) a été portée à 1 200 € à partir du 1
er
septembre 2016, l’alignant
ainsi sur l’indemnité applicable pour le second degré (ISOE). Le coût de
cette mesure, décidée sans contrepartie, s’est établi à environ 120 M€ par
an en 2014 et 2015. Il a atteint 184 M€ en 2016 et pourrait s’établir à
environ 310 M€ en 2017.
L’indemnité pour mission particulière (IMP), créée par le décret du
27 avril 2015, est destinée à rémunérer les enseignants du second degré qui
exercent
des
missions
complémentaires
avec
des
responsabilités
particulières
(décret
du
20
août
2014).
Certaines
129
donnent
automatiquement lieu à l'attribution de l'indemnité, d’autres sont décidées
par le recteur sur la base de la grille de taux
130
fixée au plan national.
S’agissant des missions d’établissement, elles sont fixées par leur
chef et présentées pour avis au conseil d'administration, après avis du
conseil pédagogique et dans le cadre de l'enveloppe notifiée par le recteur
d'académie. Jusqu’à présent, elles étaient rémunérées par des décharges ou
des heures supplémentaires, sans système formalisé, transparent et collectif
de prise de décision. Ce nouveau régime constitue donc une amélioration.
128
Concernant les enseignants assurant au moins six heures hebdomadaires dans les
classes de première et de terminale de la voie professionnelle et préparant à un certificat
d'aptitude professionnelle (400 € à compter du 1
er
septembre 2016) et ceux assurant au
moins six heures d’enseignement hebdomadaire devant un ou plusieurs groupes
d’élèves dont l’effectif est supérieur à 35 (1250 €).
129
Coordinateur de discipline, chargé en technologie de la gestion du laboratoire,
coordonnateur de cycle d'enseignement, coordonnateur de niveau d'enseignement,
référent culture, référent pour les ressources et usages pédagogiques numériques,
référent décrochage scolaire, coordonnateur des activités physiques, sportives et
artistiques, tutorat des élèves dans les classes des lycées d'enseignement général et
technologique et des lycées professionnels.
130
Cinq montants annuels sont possibles : 312,50 €, 625 €, 1 250 €, 2 500 € et 3 750 €.
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EMPLOI, RÉMUNÉRATION, TEMPS DE TRAVAIL : CONSTRUIRE UNE STRATÉGIE
D’ENSEMBLE
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Au-delà des mesures générales de revalorisation prises en fin de
période pour l’ensemble de la fonction publique, trois facteurs ont
convergé pour accroître la masse salariale enseignante : la reprise des
recrutements, la création d’indemnités nouvelles, la revalorisation des
rémunérations des débuts de carrière. Aucun d’entre eux n’a été mis au
regard de contreparties en termes d’organisation ou de temps de travail.
B -
Le temps de travail : un dispositif trop contraint,
mal mesuré, faiblement adaptable
Les réformes des obligations de service des enseignants n’ont pas
eu d’effets tangibles sur le temps de travail. Les quantum horaires
hebdomadaires du service (temps devant la classe) sont restés identiques.
Le recensement, incomplet, des missions liées au service d’enseignement
ne bénéficie d’un forfait horaire que dans le premier degré.
Le temps de travail, mal mesuré, a continué à s’inscrire dans un
cadre très contraint. Le régime des décharges a certes été partiellement
réformé, mais l’utilisation des heures supplémentaires est un instrument
qui reste très confiné et aucune étape n’a été franchie vers la nécessaire
annualisation des horaires.
1 -
L’absence de mesure fiable du temps de travail
Les systèmes d’information en ressources humaines (SIRH)
comptabilisent le temps devant la classe, les heures supplémentaires ainsi
que les décharges, le cas échéant, mais ne peuvent pas, bien sûr, intégrer le
temps de travail hors classe, qui n’est pas mesuré.
En 2015-2016
131
, le service moyen d’un enseignant du second degré
public (y compris ceux à temps partiel et heures supplémentaires) est de
18,3 heures, dont 17,3 heures d’enseignement par semaine. Parmi les
titulaires, il varie de 16,1 heures pour les professeurs agrégés et de chaire
supérieure à 18,8 heures pour les professeurs certifiés, les premiers
effectuant le plus d’heures supplémentaires (2,2 en moyenne). Le temps de
travail devant la classe est diminué par le régime de décharges dans le
second degré. Il n’est que faiblement augmenté par les heures
supplémentaires, dont l’utilisation est rigide.
131
MENESR- DEPP «
Repères et références statistiques
» (2016).
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Les comparaisons internationales disponibles portent elles aussi sur
le temps de travail en heures de cours « face à élèves », hors missions en
dehors de la classe
132
. Celui-ci est plus élevé en France que dans la
moyenne de l’OCDE et de l’Union européenne dans le premier degré (900
contre 794)
133
, mais inférieur dans le second degré (collège et lycée) par
rapport à des pays comparables (Allemagne, Royaume-Uni).
Graphique n° 10 :
nombre annuel d’heures d’enseignement
dans la classe « face à élèves » : comparaison internationale
Source : OCDE – Regards sur l’éducation 2016
S’agissant du temps de travail réel, la dernière enquête de nature
déclarative date de 2010
134
. Selon ces données, le temps de travail effectif
déclaré par les enseignants dans le premier degré serait de 44 heures de
travail par semaine (dont 60 % avec les élèves et près de 30 % aux activités
pédagogiques) et de 41 heures par semaine dans le second degré (dont la
moitié avec les élèves, 16 heures en moyenne pour les activités
pédagogiques et 3 heures pour les activités avec la communauté éducative).
132
Les comparaisons internationales sur les heures de présence dans l’établissement ne
sont pas par exemple pertinentes pour la France puisqu’il n’existe dans le second degré
aucune obligation de rester dans l’établissement en dehors de la classe et donc aucune
mesure de ce temps.
133
OCDE, Regards sur l’éducation 2017 (données de 2015).
134
Les dernières données disponibles sont issues de l’enquête « emploi du temps » de
l’Insee (2010).
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EMPLOI, RÉMUNÉRATION, TEMPS DE TRAVAIL : CONSTRUIRE UNE STRATÉGIE
D’ENSEMBLE
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Le ministère n’a pas mis en place des paramètres permettant
d’encadrer et de renouveler une enquête sur le temps de travail, qui date
aujourd’hui de sept ans. Une mesure récente du temps de travail effectif
des enseignants fait donc défaut.
Ce constat renforce les critiques sur l’absence dans le second degré de
toute idée de mesure du temps travaillé pour remplir les missions prévues dans
les obligations règlementaires de service. Il rend souhaitable la définition
d’un temps de présence, obligatoire et mesurable, dans l’établissement.
2 -
Une réforme inaboutie du régime des décharges
À la suite des critiques de la Cour dans ses rapports de 2010 et de
2013 sur le caractère obsolète du régime des décharges de services, les
motifs qui les justifiaient ayant disparu pour plusieurs d’entre eux, la
réforme de 2014 sur les obligations règlementaires de services dans le
second degré a introduit un nouveau régime.
Deux des décharges statutairement prévues par les décrets de 1950
sont maintenues, d’une heure respectivement, d’une part en cas de
complément obligatoire de service dans un ou plusieurs autres
établissements, d’autre part pour l’enseignement des sciences physiques et
des sciences de la vie et de la terre (SVT) dans les collèges où n'exercent
pas de personnels techniques chargés des tâches liées à l'entretien du
matériel (et non plus dans tous les cas).
La décharge dite « heure de première chaire » (enseignants de
classes de première et de terminale de l’enseignement général et
technologique) est remplacée par une pondération d’1,1 des heures
d’enseignement, dans la limite de dix heures. Cette nouvelle règle ne
change rien pour les enseignants à temps complet, mais limite l’effet de
cette décharge en la proratisant pour les enseignants à temps partiel. Ce
même régime est appliqué pour les enseignants en formations techniques
supérieures (pondération d’1,25).
L’allègement du service d’enseignement pour tenir compte du
nombre d’élèves ainsi que plusieurs décharges pour des fonctions précises
sont supprimés et remplacés par l’indemnité pour mission particulière. Les
dernières années montrent la forte diminution du nombre de décharges,
qu’elles soient statutaires (- 36,7 %) ou non statutaires (- 50 %),
académiques ou en établissement mais cette baisse est en partie artificielle
car une pondération des heures d’enseignement leur a été substituée. Les
décharges continuent de représenter près de 10 000 ETPT.
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3 -
Les heures supplémentaires :
un instrument de souplesse trop peu utilisé
Le régime des heures supplémentaires défini par le décret du
6 octobre 1950 n’a pas fait l’objet d’évolutions réglementaires depuis 2012.
Pour le premier degré, le recours aux heures supplémentaires
annuelles (HSA) inscrites à l’emploi du temps et donc effectuées tout au
long de l’année scolaire n’existe pas. Les heures supplémentaires effectives
(HSE), de nature ponctuelle, sont d’ampleur très réduite et en diminution
depuis 2012 (19,9 M€ en 2012, 13,9 M€ en 2015).
Pour le second degré, le chef d’établissement ne peut imposer à un
professeur qu’une HSA au-delà du maximum de service. Ce nombre était
de deux heures il y a quelques années. Pour un certifié de classe normale,
cette première heure représente une somme d’environ 140 € par mois. Une
HSE est rémunérée 1/36
ème
d’une HSA annuelle, soit environ 30 €. Les
HSA sont restées relativement stables sur la période car elles ont permis de
faire face aux ajustements nécessités par les difficultés. Pour les HSE, elles
diminuent assez fortement. Les créations d’emplois ont pu s’y substituer
partiellement. La création de l’indemnité pour mission particulière a rendu
possible l’interdiction d’utiliser des HSE comme des primes.
4 -
L’absence d’annualisation du temps de travail devant la classe
Le rapport de la Cour de 2013 avait souligné le décalage entre le
rythme variable des besoins tout au long de l’année scolaire et la définition
hebdomadaire du service des enseignants. Ce constat critique reste
entièrement valable et aucun progrès n’a été fait dans ce domaine, y
compris à l’occasion de la réforme des obligations règlementaires de
services. Le temps de travail reste strictement hebdomadaire et concentré
sur un nombre limité de semaines.
Une telle inflexion serait pourtant majeure pour assouplir les
contraintes pesant sur l’organisation de la scolarité au sein des
établissements, par exemple pour faciliter l’élaboration du tableau des
emplois du temps, s’adapter aux besoins des élèves en cours d’année,
assurer les remplacements de courte durée, voire alléger la gestion de ceux
de longue durée, actuellement onéreux, mieux gérer les périodes de fin
d’année scolaire marquées par des pertes de temps d’instruction dues aux
passages des examens, et prendre en compte les périodes de stage
notamment en lycée professionnel.
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EMPLOI, RÉMUNÉRATION, TEMPS DE TRAVAIL : CONSTRUIRE UNE STRATÉGIE
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Cet assouplissement comporte une limite constituée par l’emploi du
temps hebdomadaire des élèves. Cette contrainte pourrait être assouplie, en
prévoyant une autre répartition sur l’année du temps scolaire et l’inflexion
du rythme hebdomadaire dans certains cas ou pour certaines matières (par
exemple le regroupement sur une journée d’un moment pédagogique
consacré à une matière). L’annualisation serait d’autant plus efficace
qu’elle s’appuierait sur une réforme pédagogique permettant de
s’affranchir du cadre hebdomadaire de travail des élèves.
S’agissant du travail hors la classe, l’absence d’un forfait horaire
dans le second degré n’entraîne aucune obligation minimale de présence
dans l’établissement et présente pour les chefs d’établissement une gêne
fonctionnelle non négligeable.
III -
Pour une stratégie coordonnée de gestion
des ressources enseignantes
Dans son rapport précité, la Cour avait appelé en conclusion à une
action coordonnée sur l’ensemble des paramètres (réduction de l’offre de
formation au lycée, développement de la polyvalence au collège,
rationalisation de la carte des formations et des implantations), avec pour
point majeur d’appui une réforme d’ensemble des modalités de gestion des
personnels enseignants.
Ces orientations demeurent valables. L’analyse de la gestion des
dernières années illustre combien une stratégie d’ensemble des ressources
humaines a fait défaut. Elle est d’autant plus nécessaire qu’il ne sera pas
possible de poursuivre durant les exercices futurs la trajectoire récente
d’accroissement de la dépense salariale enseignante.
A -
Le cadre d’une possible stratégie de réforme
Il est difficile de trouver une grande organisation qui ne relie pas
l’évolution de ses effectifs, du temps de travail et des rémunérations avec
des réformes structurelles de la gestion de ses ressources humaines. C’est
pourtant le cas du ministère de l’éducation nationale. L’expérience de ces
dernières décennies a montré les inconvénients d’une action non
coordonnée sur l’emploi, la rémunération et le temps de travail.
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Pour éviter cet écueil, trois impératifs devraient être respectés.
Il s’agit d’abord de mettre en place une stratégie pluriannuelle. La
dernière décennie a montré l’inconvénient d’une approche concentrée sur les
seuls effectifs, que ce soit pour les augmenter (période 2012 – 2015) ou ne pas
remplacer tous les départs en retraite (période 2007 – 2013). L’arbitrage sur le
niveau des effectifs enseignants doit être la résultante d’une démarche
d’amélioration de la performance collective du système scolaire et non un pré
requis politique, trop soumis à des inflexions rapides qui déstabilisent la gestion
d’ensemble.
Le deuxième impératif est de répondre à un défi majeur du système
éducatif, les difficultés scolaires d’environ un cinquième d’une classe d’âge qui
altèrent gravement sa performance collective. Des mesures de gestion des
enseignants plus vigoureuses, certaines en rupture avec le cadre général,
devraient être prises pour donner une priorité aux élèves en difficultés et en
éducation prioritaire. Les écoles et les établissements en réseau prioritaire restent
peu avantagés, voire pénalisés, qu’il s’agisse du nombre d’enseignants par élève,
de leur diversité d’âge et d’expérience, et de la stabilité des équipes
pédagogiques.
La troisième exigence est la nécessité, pour toute mesure d’accroissement
des effectifs ou des rémunérations, de négocier des contreparties sur le cadre
d’exercice du métier d’enseignement. L’évolution des effectifs ne peut se fonder
de manière indifférenciée sur le critère du taux d’encadrement. Elle ne peut non
plus être déconnectée d’une réflexion et de mesures sur le temps de travail, les
heures supplémentaires ou les pertes de potentiel dans le second degré.
L’amélioration
des
rémunérations
doit
avoir
notamment
pour
contrepartie des obligations de service différentes, par exemple pour les
enseignants qui connaîtraient un temps de travail annualisé. Les améliorations
éventuelles des carrières ou des indemnités doivent s’effectuer selon des
modalités plus déconcentrées, confiant un rôle décisionnaire plus important au
directeur d’école (à condition de lui accorder un statut) et au chef
d’établissement.
Enfin cette stratégie devrait s’appuyer sur une analyse de la démographie
des élèves qui pourrait faciliter certaines évolutions. Le nombre total d’élèves
dans le secteur public devrait continuer d’augmenter en 2017, mais modérément
(+ 13 500) puis baisser en 2018 (- 20 000). Dans le premier degré, après cinq ans
d’augmentation continue, les effectifs d’élèves baisseraient dès les rentrées 2017
et 2018 (20 500 élèves de moins en 2017, 33 500 de moins en 2018), de manière
plus marquée dans le préélémentaire que dans l’élémentaire. Dans le second
degré, les effectifs d’élèves continueraient d’augmenter (34 000 élèves de plus
dans le second degré public en 2017, 13 000 en 2018).
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