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COMMUNICATION A LA C
COMMUNICATION A LA C
COMMUNICATION A LA C
COMMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANC
OMMISSION DES FINANC
OMMISSION DES FINANC
OMMISSION DES FINANCES DE
ES DE
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L
’A
’A
’A
’A
SSEMBL
SSEMBL
SSEMBL
SSEMBLEE NATIONALE
E NATIONALE
E NATIONALE
E NATIONALE
A
RTICLE
RTICLE
RTICLE
RTICLE
58
58
58
58-2°
DE LA LOI ORGANIQUE
DE LA LOI ORGANIQUE
DE LA LOI ORGANIQUE
DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE
RELATIVE AUX LOIS DE
RELATIVE AUX LOIS DE
RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES DU
FINANCES DU
FINANCES DU
FINANCES DU
1
ER
ER
ER
ER
AOUT
AOUT
AOUT
AOUT
2001
2001
2001
2001
L’évolution et les
L’évolution et les
L’évolution et les
L’évolution et les
conditions de
conditions de
conditions de
conditions de
maîtrise du
maîtrise du
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maîtrise du crédit
rédit
rédit
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d’
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mp
mp
mpôt en faveur de
ôt en faveur de
ôt en faveur de
ôt en faveur de
la
la
la
la recherche
echerche
echerche
echerche
Juillet 2013
SOMMAIRE
AVERTISSEMENT
......................................................................................
7
RÉSUMÉ
.......................................................................................................
9
RECOMMANDATIONS
...........................................................................
13
INTRODUCTION
.....................................................................................
15
CHAPITRE I
- UNE RÉFORME MAJEURE AUX CONSÉQUENCES
MAL ANTICIPÉES
...................................................................................
17
I
- Un dispositif ancien profondément réformé par la loi de
finances pour 2008
......................................................................
17
A - Une évolution continuelle
.........................................................
17
B - Une réforme majeure en 2008
.................................................
19
II
- Une réforme adoptée sur la base de chiffrages sous-estimés et
sans instrument de suivi
.............................................................
20
A - Des rapports ne concluant pas à la nécessité d’une réforme ... 20
B - Une annonce plus ambitieuse que les préconisations des
administrations centrales concernées
...........................................
21
C - Des chiffrages sous-estimés
......................................................
21
III
- Une mobilisation utile dans le cadre du plan de relance en
2008 et 2009
................................................................................
24
IV
- De nouvelles évolutions depuis 2008
...................................
26
A - Une succession de rapports
......................................................
26
B - Une sous-estimation récurrente du coût du CIR dans les lois de
finances entre 2008 et 2012
...........................................................
28
C - Des adaptations et évolutions en 2011 et 2012
.......................
29
4
COUR DES COMPTES
CHAPITRE II
- UN INSTRUMENT AVANTAGEUX, D’UN COUT
ÉLEVÉ POUR LES FINANCES PUBLIQUES
.......................................
37
I
- Un mécanisme avantageux au regard des pratiques de nos
partenaires
..................................................................................
37
A - Un dispositif utilisé dans de nombreux pays
............................
37
B - Des comparaisons internationales placent la France en tête de
l’OCDE pour l’avantage fiscal accordé à la R&D
.............................
43
II
- Un coût en très forte hausse, encore appelé à croître
...........
45
A - Des rythmes différents d’évolution de la créance et de la
dépense fiscales
.............................................................................
45
B - Une estimation de la dépense fiscale aux bases fragiles
..........
46
C - Un risque pour les finances publiques à horizon 2014 et au-delà
........................................................................................................
51
CHAPITRE III - LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACIT
É
DU CIR
.....................................................................................................................
57
I
- Un nombre croissant de bénéficiaires
......................................
58
A - Un doublement du nombre de bénéficiaires entre 2007 et 2011
........................................................................................................
59
B - Des dépenses déclarées moins dynamiques
.............................
61
C - L’impact de la réforme sur le niveau de la créance par taille
d’entreprises
..................................................................................
67
II
- Des effets encore incertains sur la dépense de R&D des
entreprises
..................................................................................
68
A - Des travaux économétriques peu conclusifs, faute de données
disponibles et d’un recul suffisant
.................................................
68
B - Une évolution de la dépense de R&D des entreprises non
proportionnelle à l’avantage fiscal accordé
...................................
78
C - Des indicateurs de performance à revoir
..................................
82
III
- Une interrogation sur l’efficacité en matière d’attractivité
.....
84
A - La baisse du coût du chercheur
................................................
84
B - L’augmentation de la R&D des entreprises étrangères
en France : un phénomène difficile à interpréter
..........................
85
C - Les projets d’implantations étrangères de centres de R&D
.....
87
D - L’attractivité de la France pour la R&D, au-delà du CIR
...........
88
SOMMAIRE
5
IV
- Le CIR et la fiscalité des entreprises
.......................................
89
A - La fiscalité de la propriété intellectuelle et l’optimisation fiscale
internationale.
................................................................................
90
B - Un instrument d’allègement sélectif de l’impôt sur les sociétés
........................................................................................................
94
CHAPITRE IV
- UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE
FRAUDE
...................................................................................................
105
I
- La gestion de leur déclaration par les entreprises
................
105
A - La fiscalité de groupe et l’optimisation fiscale
........................
106
B - Les autres aspects de la gestion du CIR par les entreprises
....
107
C - La montée en puissance des dispositifs de sécurisation
.........
112
II
- La gestion du CIR par les services fiscaux
.........................
117
A - Des vérifications légères lors de l’imputation sur l’impôt sur les
sociétés
.........................................................................................
118
B - Une procédure lourde en cas de remboursement
..................
119
III
- Le contrôle fiscal
..............................................................
124
A - Des zones de risques propres au CIR
......................................
124
B - Une procédure de contrôle spécifique
...................................
134
C - Une programmation toujours déficiente pour des
redressements en très nette augmentation
................................
136
CHAPITRE V - LES PARAMÈTRES D’ÉVOLUTION POSSIBLES DU
CIR
............................................................................................................
143
I
- Les types de dépenses éligibles
............................................
143
A - Les dépenses actuellement éligibles ne relevant pas de la
recherche
......................................................................................
143
B - La question de l’articulation des assiettes du CIR et du CICE . 148
II
- Les modes de calcul de la dépense
......................................
151
A - Le calcul de la sous-traitance
..................................................
151
B - Le forfait de dépenses de fonctionnement
.............................
153
C - Les doublements d’assiette prévus pour la sous-traitance
publique et les jeunes docteurs
...................................................
156
6
COUR DES COMPTES
III
- La méthode de calcul et de constatation du crédit d’impôt
.................................................................................................
160
A - La problématique de l’intégration fiscale pour les grands
groupes
.........................................................................................
160
B - Les mécanismes de remboursement
......................................
162
IV
- Les taux appliqués
............................................................
165
A - Une simplification bienvenue de la structure des taux
applicables en 2012
......................................................................
165
B - Simulation de l’effet d’évolutions du taux du crédit d’impôt à
moyen terme
................................................................................
166
CONCLUSION G
É
NÉRALE
..................................................................
179
ANNEXES
.................................................................................................
183
Avertissement
Par lettre du 13 décembre 2012, annexée au présent rapport, le
président de la commission des finances, de l’économie générale et du
contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale a demandé à la Cour des
comptes de mener une enquête sur l’évolution et les conditions de
maîtrise du crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR), en application
de l’article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)
du 1
er
août 2001. La demande de l’Assemblée nationale a été précisée lors
d’une réunion de travail avec le député Alain Claeys, rapporteur spécial.
Dans une lettre du 11 mars 2013 au président de la commission,
également annexée au présent rapport, le Premier président a formalisé le
champ et les modalités de l’enquête.
L’enquête a été conduite sur pièces et sur place avec le ministère
de l’enseignement supérieur et de la recherche, le ministère de l’économie
et des finances, le ministère du redressement productif, l’agence nationale
de
la
recherche
et
Oséo.
Elle
a
approfondi
les
constats
et
recommandations formulés par la Cour lors d’une instruction menée
durant l’année 2012 en vue de la préparation du rapport public thématique
sur le financement public de la recherche
1
. Les investigations se sont
déroulées dans des conditions satisfaisantes, à l’exception de l’accès aux
données d’exécution pour la dépense fiscale de 2012, qui n’ont été
obtenues que le 5 juillet 2013.
Deux ateliers de travail ont été organisés avec les chercheurs
engagés dans des travaux scientifiques de mesure de l’impact du CIR en
France, l’un en septembre 2012, l’autre en juin 2013 qui
a associé la
direction générale pour la recherche et l’innovation, la direction générale
du Trésor et la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des
services.
La Cour a cherché à parangonner ce crédit d’impôt avec les
mécanismes d’incitation fiscale existant à l’étranger en s’appuyant sur les
travaux de l’OCDE et en organisant des missions au Canada, au
Royaume-Uni et en Allemagne, pays ayant des pratiques différenciées en
la matière.
Elle a, dans le même temps, rencontré un ensemble de
groupements, fédérations et confédérations patronales représentatifs des
1
Cour des comptes,
Rapport public thématique
,
Le financement public de la
recherche, un enjeu national
. La Documentation française, juin 2013, 283 p.,
disponible sur
www.ccomptes.fr
8
COUR DES COMPTES
différentes catégories d’entreprises concernées par le CIR, ainsi que
l’ordre des experts comptables ou encore l’agence française des
investissements internationaux.
Enfin, des investigations sur la gestion et le contrôle du crédit
d’impôt recherche ont été menées sur pièces et sur place aux différents
niveaux
d’intervention
de
la
direction
générale
des
finances
publiques (DGFiP) : administration centrale, directions régionales,
directions nationales spécialisées dans les enquêtes fiscales, les
vérifications nationales et internationales ou les grandes entreprises.
La Cour a exploité les réponses écrites à un relevé d’observations
provisoires de synthèse et procédé aux auditions du directeur général pour
la recherche et l’innovation, de la directrice de la législation fiscale, du
directeur du budget, de services et directions de la direction générale des
finances publiques ainsi que du Medef.
Le présent rapport, qui constitue la synthèse définitive de l’enquête
effectuée, a été délibéré le 4 juillet 2013 par la troisième chambre,
présidée par M. Lefas, président de chambre, et composée de
MM. Frangialli, Andréani, Barbé, Tournier, Mme Moati, MM. Sabbe,
Clément,
de
Nicolay,
Senhaji
et
Bouvard,
conseillers
maîtres,
MM. Blairon et Marland, conseillers maîtres en service extraordinaire,
M. Gros, conseiller maître en service extraordinaire, représentant la
deuxième chambre, ainsi que, en tant que rapporteurs, M. Glimet,
conseiller maître, Mmes Charolles, conseillère référendaire, Costes,
rapporteure, et, en tant que contre-rapporteure, Mme Seyvet, conseillère
maître.
Il a ensuite été examiné et approuvé le 16 juillet 2013 par le comité
du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de
MM. Migaud, premier président, Bayle, Bertrand, rapporteur général,
Mme Froment-Meurice, MM. Durrleman, Levy, Lefas, Briet, et
Mme Ratte, présidents de chambre, et M. Johanet, procureur général,
entendu en ses avis.
Résumé
Créé en 1983, le crédit d’impôt en faveur de la recherche a connu
une réforme majeure dans la loi de finances pour 2008. Depuis cette date,
il correspond à 30 % des dépenses de recherche et développement des
entreprises jusqu’à 100 M€ de dépenses, 5 % au-delà, le franchissement
de ce seuil étant calculé filiale par filiale dans les groupes. Cinq ans après
cette réforme, la Cour a analysé, à la demande de la commission des
finances de l’Assemblée nationale, l’évolution et les conditions de
maîtrise du crédit d’impôt recherche (CIR).
Le nouveau régime a été adopté fin 2007 sur la base de chiffrages
sous-estimés, à savoir 2,7 Md€ pour le nouveau régime du CIR. Dès cette
date, les estimations produites par les administrations chargées de la
recherche et des politiques économiques indiquaient que le coût serait
bien plus élevé, de l’ordre de 4 à 5 Md€. Cette sous-estimation a perduré
jusqu’à la loi de finances pour 2012 incluse.
Le crédit d’impôt a été utilement mobilisé dans le cadre des plans
de relance de 2008 et 2009. Cette mobilisation a également révélé le coût
du dispositif, conduisant à en adapter certains paramètres dans la loi de
finances pour 2011. En 2013, la loi de finances a introduit une part de
crédit d’impôt réservée aux dépenses d’innovation des PME.
Le crédit d’impôt recherche français est aujourd’hui le mécanisme
de soutien fiscal à la recherche et développement des entreprises le plus
généreux de l’OCDE si l’on rapporte son montant au PIB (0,26 %), loin
devant le Canada qui occupe la deuxième place. Le droit à crédit d’impôt
constitué par les entreprises au titre du CIR est de 5,17 Md€ en 2011,
dernier chiffre connu, et devrait se situer entre 5,5 et 6,2 Md€ en 2014.
Or, du fait des mécanismes qui permettent aux entreprises de
reporter durant quatre exercices leur droit à crédit d’impôt et de la mise
10
COUR DES COMPTES
en oeuvre du plan de relance (2009-2010), le niveau de la dépense fiscale
incluse dans la première partie des lois de finances est bien plus faible. En
2013, un ressaut de 1,05 Md€ a été intégré dans le budget de l’État. En
2014, un ajustement d’une ampleur plus importante sera nécessaire : il
devra être d’au moins 2 Md€, correspondant à une dépense fiscale d’au
moins 5,3 Md€. La dynamique du CIR devrait se poursuivre par la suite
pour converger rapidement vers 6 Md€, puis 7 Md€.
Entre 2007 et 2011, le nombre d’entreprises déclarant du CIR a
doublé pour atteindre 19 700, soit 0,5 % des entreprises. Les dépenses
déclarées ont connu une évolution beaucoup moins marquée, qui s’inscrit
dans la ligne de celle constatée durant les années précédentes. Le
triplement du crédit d’impôt constitué par les entreprises au titre du CIR
est ainsi, pour une très large part, lié au nouveau taux du crédit d’impôt.
En 2011, les entreprises de moins de 250 salariés représentent 88 % des
déclarants et 35 % du crédit d’impôt. Près de 90 % des déclarations
portent sur des dépenses de R&D inférieures à 1 M€.
L’efficacité du CIR au regard de son objectif principal
- l’augmentation de la dépense de recherche et développement des
entreprises -, est à ce jour difficile à établir. Faute de données avec un
recul suffisant, mais aussi d’un accès des chercheurs aux données
disponibles, les études existantes ne portent en effet que pour une faible
part sur la période postérieure à 2008.
L’évolution qu’a connue la dépense intérieure de recherche et
développement des entreprises n’est pas à ce jour en proportion de
l’avantage fiscal accordé aux entreprises. Si l’intensité en R&D des
entreprises est dynamique, elle est masquée par l’évolution de la structure
de production, en particulier la baisse de l’industrie dans la valeur
ajoutée. Cette situation appelle la mise en place d’indicateurs d’impact
plus fins que ceux actuellement utilisés pour mesurer l’effet du CIR.
L’effet du CIR peut également être examiné au regard de
l’attractivité de l’économie française pour les investisseurs étrangers et de
la baisse ciblée de l’impôt sur les sociétés qu’il représente pour les
secteurs les plus exposés à la concurrence internationale.
En termes d’attractivité, la dépense de R&D provenant de filiales
d’entreprises étrangères a augmenté en 2009 et 2010, mais enregistre un
fléchissement à partir de 2011. Dans la fiscalité des entreprises, le CIR se
combine avec une imposition à taux réduit des cessions et concessions de
brevets qui devrait faire l’objet d’un réexamen. D’une manière générale,
coexistent en France un taux élevé d’impôt sur les sociétés et
d’importantes mesures fiscales qui en réduisent l’assiette et, par voie de
conséquence, le rendement des recettes encaissées par l’État. Cette
RÉSUMÉ
11
situation n’est pas conforme à un objectif de neutralité fiscale et diffère
de celle qui prévaut en Allemagne, comme l’a montré le rapport public
thématique de la Cour sur les prélèvements fiscaux et sociaux en France
et en Allemagne
2
.
Faute, notamment, d’une dématérialisation de sa déclaration, la
gestion du CIR est lourde, tant pour les services fiscaux que pour les
entreprises. 17 % d’entre elles font état de déductions de rémunérations
de consultants extérieurs pour établir leur déclaration en 2011. Parmi les
procédures de sécurisation mises à disposition des entreprises, le rescrit
monte en puissance, et ses résultats devraient s’améliorer depuis que les
projets de recherche en cours peuvent en bénéficier. L’analyse des
déclarations effectuées entre 2007 et 2011 ne fait pas apparaître que les
groupes fiscalement intégrés aient à ce stade modifié le périmètre de leurs
filiales pour mieux bénéficier du plafond de 100 M€, celui-ci étant de ce
point de vue déjà optimal.
En matière de contrôle fiscal, la direction générale des finances
publiques n’est pas en mesure de cibler ses interventions sur les
entreprises les plus à risque, celles en particulier qui font un usage
frauduleux des mécanismes de remboursement anticipé du CIR en place
depuis 2009. Face à ce risque, ce n’est que tardivement qu’une vigilance
accrue a été exercée. Et le ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche ne dispose pas d’un budget suffisant pour que les experts qu’il
mandate dans le cadre de ces contrôles puissent intervenir dans des
conditions satisfaisantes pour les entreprises.
Comme l’a demandé la commission des finances de l’Assemblée
nationale, la Cour a examiné les principaux paramètres d’évolution
possibles du CIR, à savoir l’assiette des dépenses éligibles, les modes de
calcul de la dépense, la méthode de constatation du crédit d’impôt et les
taux appliqués. Sur ce dernier point, elle a simulé, à partir des 19 700
déclarations de 2011, les effets d’évolutions possibles du taux du crédit
d’impôt à moyen terme avec une palette de scénarios : réintroduction
d’un plafond, baisse uniforme ou plus grande modulation des taux, taux
différenciés par taille d’entreprise.
La Cour a également examiné certains ajustements de nature à
assurer une meilleure maîtrise du coût du CIR à court terme, sans nuire à
son objectif principal et dans une perspective de simplification :
suppression de l’assiette des dépenses qui ne relèvent pas de la R&D
(hors crédit d’impôt innovation et PME), ajustement du forfait de
2
Cour des comptes,
Rapport public thématique : les prélèvements fiscaux et sociaux
en France et en Allemagne
. La Documentation française,
Mars 2011, disponible sur
www.ccomptes.fr
12
COUR DES COMPTES
dépenses de fonctionnement, suppression du doublement d’assiette pour
la sous-traitance publique et du forfait de dépenses de fonctionnement de
200 % pour l’embauche de docteurs. Selon les hypothèses retenues, ces
différentes mesures conduiraient à une réduction de la dépense fiscale de
400 à 600 M€ par an.
Enfin, afin de garantir que le crédit d’impôt soit bien utilisé pour
son objet, la Cour estime que le bénéfice du CIR pourrait être réservé aux
groupes dont les conventions d’intégration fiscale prévoient le retour du
crédit d’impôt à la filiale qui a effectué les recherches éligibles au CIR.
Sur la base de ces analyses, la Cour formule 17 recommandations.
Elle considère en particulier que la dématérialisation de la déclaration de
CIR devrait constituer une priorité, eu égard à la simplification que celle-
ci représenterait pour les entreprises, à la capacité qu’elle donnerait aux
services fiscaux de mieux cibler leurs contrôles et à l’amélioration des
prévisions de coût associées au CIR qui en résulterait.
Recommandations
Au titre du suivi de l’évolution du coût du CIR
1.
améliorer la qualité des chiffrages prévisionnels associés au CIR ;
2.
accélérer la production des données d’exécution relatives au CIR,
affiner leur analyse et faire apparaître les incertitudes qui entourent
le chiffrage du CIR dans les documents annexés aux lois de finances ;
3.
tenir compte de la dynamique prévisible de la dépense fiscale lors de
l’élaboration des lois de finances.
Au titre de la mesure de l’impact du CIR
4.
renforcer les études d’impact sur le CIR pour disposer de résultats
portant sur le régime issu de la réforme de 2008 et assurer à nouveau
aux chercheurs l’accès aux données économiques des entreprises ;
5.
retenir comme indicateur de performance principal du CIR
l’évolution du ratio de dépense intérieure de R&D des entreprises
sur PIB et le compléter par des indicateurs par grands secteurs
d’activité ;
6.
procéder à un réexamen de la mesure fiscale instaurant un taux
d’imposition réduit pour les cessions et concessions de brevet ;
7.
intégrer le CIR dans les travaux qui s’engagent entre la France et
l’Allemagne sur l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés.
Au titre de la gestion et du contrôle du CIR
8.
faire d’Oséo uniquement un point d’entrée pour les rescrits ;
9.
clarifier les justificatifs mis à disposition des services fiscaux par les
entreprises en cas de demande de remboursement anticipé ;
10.
publier sur les sites internet des ministères de l’économie et des
finances et de l’enseignement supérieur et de la recherche une fiche
type commune sur la description des projets de recherche demandée
lors d’un contrôle fiscal ;
11.
élargir le vivier des experts du ministère de l’enseignement supérieur
et de la recherche en prévoyant les budgets adéquats et renforcer le
caractère contradictoire de leurs interventions ;
12.
cibler la programmation des contrôles fiscaux sur la base d’une
analyse de risque et d’une intégration, dans le système d’information
14
COUR DES COMPTES
du ministère de l’économie et des finances, du suivi de la créance et
de ses rectifications ;
13.
dématérialiser la déclaration de CIR.
Au titre de la maîtrise du régime du CIR
14.
simplifier l’assiette et la méthode de calcul du CIR : définition des
dépenses éligibles correspondant au manuel international de
référence, suppression du doublement d’assiette pour la recherche
partenariale et du forfait de fonctionnement à 200 % pour
l’embauche de docteurs, ajustement enfin du calcul des frais de
fonctionnement ;
15.
publier rapidement une instruction fiscale clarifiant les dépenses
d’innovation éligibles et mettre en place un suivi ad hoc du crédit
d’impôt innovation ;
16.
exclure de l’assiette du crédit d’impôt compétitivité et emploi les
rémunérations déclarées dans le cadre du CIR, ou inversement ;
17.
réserver le bénéfice du CIR aux conventions d’intégration fiscale qui
prévoient la rétrocession du crédit d’impôt aux filiales ayant généré
les dépenses éligibles, ou proposer aux entreprises d’en faire une
bonne pratique.
Introduction
Créé en 1983, le crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR) a
été profondément réformé par la loi de finances pour 2008. Il correspond
désormais à 30 % des dépenses de recherche des entreprises jusqu’à
100 M€ de dépenses, 5 % au-delà, le franchissement de ce seuil étant
apprécié filiale par filiale pour les groupes. Le droit à crédit d’impôt
constitué à ce titre par les entreprises a fortement crû pour atteindre
5,17 Md€ en 2011, dernier chiffre connu.
Cette réforme, qui a fait l’objet d’adaptations en 2011 et 2013,
visait à stimuler l’activité de recherche et développement des entreprises,
élément essentiel pour la croissance potentielle
3
de l’économie. Dans le
cadre de la stratégie dite de Lisbonne de 2000, qui avait pour but de faire
de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus
compétitive et la plus dynamique du monde », le sommet européen de
Barcelone avait fixé, en 2002, l’objectif de consacrer au moins 3 % du
PIB des États membres à la recherche et développement (R&D).
Face à cet objectif, l’effort de R&D était alors de 2,15 % en
France. En 2007, il s’était contracté et n’était plus que de 2,08 %. Cette
situation était, pour l’essentiel, le fait d’une R&D des entreprises d’un
niveau plus faible que la plupart de nos partenaires : 1,31 % en 2007,
contre 1,77 % en Allemagne, 1,93 % aux États-Unis, 2,70 % au Japon.
Cinq ans après la mise en oeuvre de la réforme de 2008,
l’Assemblée nationale a demandé à la Cour d’analyser les conditions
d’évolution et de maîtrise du crédit d’impôt recherche.
Pour ce faire, outre les éléments de procédure figurant dans
l’avertissement, la Cour s’est dotée d’une capacité d’analyse et de
simulation des bénéficiaires et du coût du dispositif. Elle a ainsi retraité
les bases des déclarations de CIR pour les années 2007, 2009, 2010 et
2011. Les chiffrages présentés dans le dernier chapitre en réponse à la
question de la maîtrise du dispositif ont ainsi été réalisés à partir des
19 700 déclarations effectuées par les entreprises en 2011. Il en va de
même des estimations sur la dynamique prévisible de la dépense fiscale,
qui sont présentées au chapitre II : celle-ci devrait en effet atteindre au
minimum 5,3 Md€ en 2014 et converger rapidement vers 6 Md€, puis
7 Md€.
3
La croissance potentielle du PIB qui est utilisée par le gouvernement dans la
présentation des programmes de stabilité à la Commission européenne et au Conseil
de l’Union européenne est la croissance maximale que peut atteindre une économie à
un moment donné compte tenu des possibilités de variation de ses facteurs de
production.
16
COUR DES COMPTES
Le rapport est organisé en cinq chapitres qui analysent
successivement :
-
la réforme du CIR de 2008, notamment ses conditions
d’adoption ;
-
l’évolution des bénéficiaires et du coût du crédit d’impôt, y
compris dans une perspective prospective ;
-
l’impact du nouveau régime du CIR au regard de l’objectif de
faire progresser la dépense de R&D des entreprises mais aussi
de la baisse de l’impôt ciblée sur les secteurs les plus exposés à
la concurrence qu’il constitue ;
-
les conditions de gestion et de contrôle du crédit d’impôt dans
la double perspective des entreprises et des services fiscaux ;
-
les paramètres d’évolution possibles du CIR.
Chapitre I
Une réforme majeure aux conséquences
mal anticipées
Créé il y a trente ans, le CIR a été modifié à de multiples reprises.
Il a connu en 2008 une réforme majeure.
I
-
Un dispositif ancien profondément réformé par
la loi de finances pour 2008
A - Une évolution continuelle
Le crédit d’impôt recherche permet aux entreprises d’imputer en
réduction de leur impôt sur les sociétés une part de leurs dépenses de
R&D. L’imputation peut être étalée sur quatre exercices au cas où elle
excède l’impôt dû, l’éventuel reliquat étant remboursé par l’État à la fin
de la quatrième année.
Ce crédit d’impôt a été créé en 1983, sur un mode très proche de
celui instauré deux ans plus tôt aux États-Unis. Il équivalait alors à 25 %
de l’accroissement des dépenses de recherche d’une entreprise d’une
année sur l’autre et était plafonné à 3 MF (457 347 €). Etaient éligibles
les dépenses de personnel de recherche, les amortissements des dépenses
immobilisées
en
vue
d’opérations
de
recherche,
des
frais
de
fonctionnement (fixés forfaitairement à 55 % des dépenses de personnel),
18
COUR DES COMPTES
auxquels s’ajoutaient les dépenses externalisées en direction d’acteurs
publics et les frais de prise et de maintenance de brevets.
De sa création à 2003, le dispositif
a été progressivement étendu,
tout en conservant la même architecture
4
:
-
en 1985, la loi relative à la recherche et au développement
technologique relève le taux du CIR à 50 % et son plafond à
5 MF (762 245,09 €) ;
-
en 1988, l’assiette est étendue aux amortissements des brevets
acquis en vue de réaliser des opérations de recherche. Y sont
ajoutées en 1990 les dépenses de normalisation ;
-
la loi de finances pour 1991 fait porter le calcul du crédit
d’impôt sur la différence entre les dépenses de l’exercice et la
moyenne des deux années précédentes, relève les frais de
fonctionnement à 75 % des dépenses de personnel et rehausse
le plafond du crédit d’impôt à 40 MF (6 097 960,69 €) ;
-
en 1992, le bénéfice du CIR est ouvert aux entreprises agricoles
et les dépenses éligibles sont étendues à la conception de
collections d’habillement dans le cadre d’un crédit d’impôt
collection rattaché au CIR.
Le nombre d’entreprises concernées par le dispositif baissant
depuis 1994, une première réforme de l’architecture du crédit d’impôt est
intervenue dans la loi de finances pour 2004 et ses effets ont été renforcés
dans la loi de finances pour 2006 : une part de crédit d’impôt calculée sur
le volume de la dépense de R&D des entreprises est introduite. Elle
correspond à 5 %, puis à 10 % de ces dépenses, la part du crédit d’impôt
établie sur l’accroissement de ces dépenses étant réduite à 45 % puis à
40 %. Le plafond du crédit d’impôt est relevé à 8 M€ en 2004, puis à
16 M€ en 2006.
Le régime du CIR est également adapté sur d’autres points. Les
frais de défense des brevets et les dépenses relatives à la veille
technologique (dans la limite de 60 000 €) deviennent éligibles. La
recherche partenariale et l’emploi de jeunes docteurs sont encouragés : à
compter de 2004, les dépenses confiées par les entreprises aux
organismes publics de recherche sont prises en compte pour le double de
leur montant réel ; il en va de même pour les dépenses relatives à
l’emploi de jeunes docteurs durant les 12 premiers mois, ces dépenses
bénéficiant, en outre, d’un forfait de fonctionnement égal à 200 % de leur
4
Excepté entre 1988 à 1990, où un crédit d’impôt en volume a été ouvert en option
aux entreprises qui n’avaient pas réalisé de R&D en 1987 : au taux de 30 %, son
montant était plafonné à 900 000 FR (197 204 €).
UNE REFORME MAJEURE AUX CONSEQUENCES MAL ANTICIPEES
19
montant. En 2004, conformément aux règles communautaires, la
condition de réalisation en France des dépenses de R&D est supprimée,
un plafond de 2 M€ pour les dépenses externalisées est instauré. Ce
plafond est porté en 2005 à 10 M€ sous réserve qu’il n’existe pas de lien
entre le donneur d’ordre et l’entreprise. La loi de finances de l’année
suivante supprime le plafond applicable à la prise et à la maintenance des
brevets et élargit l’assiette aux certificats d’obtention végétale.
B - Une réforme majeure en 2008
La réforme annoncée à l’été 2007 et mise en oeuvre à l’article 69
de la loi de finances pour 2008 modifie profondément l’architecture du
CIR. Cette réforme s’inscrit plus généralement dans la volonté de réduire
l’imposition des entreprises.
Ainsi, la part calculée sur l’accroissement des dépenses de
recherche et développement est supprimée, le crédit d’impôt étant
désormais entièrement établi sur le volume de ces dépenses. Son taux est
fixé à 30 % des dépenses de recherche et développement des entreprises
jusqu’à 100 M€ de dépenses et 5 % au-delà ; ce taux est porté, pour les
entreprises nouvelles ou qui n’ont pas bénéficié du CIR depuis 5 ans, à
50 % la première année et 40 % la deuxième ; le plafonnement du crédit
d’impôt est supprimé.
À ces modifications majeures, qui transforment l’économie
d’ensemble du crédit d’impôt, s’ajoutent des ajustements dans son mode
de calcul : les dispositions destinées à encourager la première embauche
des docteurs sont étendues aux 24 premiers mois ; les avances
remboursables sont désormais déduites de l’assiette du crédit d’impôt et
réintégrées l’année de leur remboursement. Des mesures viennent enfin
renforcer la sécurité juridique du dispositif pour les entreprises : le délai à
l’issue duquel l’absence de réponse de l’administration vaut approbation
passe de six à trois mois pour l’accord préalable que les entreprises
peuvent demander dans le cadre du rescrit ; le contrôle sur demande est
ouvert à toutes les entreprises.
Ces réformes successives ont conduit à multiplier par deux et demi
le nombre d’entreprises concernées et par dix l’avantage fiscal accordé au
titre du CIR. En moyenne, entre 1991 et 2003, la créance constituée par
les entreprises était de 500 M€ pour 7 200 déclarants. À la suite des
réformes de 2004 et 2006, le nombre de déclarants s’établit à 9 800 en
2007 et le droit à crédit d’impôt à 1,8 Md€. Avec la refonte du dispositif
en 2008, la créance passe à 4,5 Md€ dès 2008 pour 13 400 déclarants. En
2011, 19 700 entreprises déclarent du CIR pour un droit à crédit d’impôt
de 5,2 Md€.
20
COUR DES COMPTES
II
-
Une réforme adoptée sur la base de chiffrages
sous-estimés et sans instrument de suivi
A - Des rapports ne concluant pas à la nécessité d’une
réforme
Au moment où la réforme de 2008 est intervenue, il existait deux
rapports de référence sur le CIR qui incitaient plutôt à attendre que les
effets du nouveau régime introduit en 2004 et 2006 se matérialisent.
Le rapport du ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche sur le CIR, remis au Parlement en décembre 2006
5
, venait à
l’appui de la réforme de 2004. Le bilan positif de l’introduction d’une
part en volume était assorti du rappel de l’impératif de stabilité du
dispositif et de la nécessité d’évaluations et d’études d’impact avant toute
réforme. Le rapport concluait ainsi : « Il semble donc qu’une période de
stabilité soit souhaitable pour l’ensemble des acteurs concernés par cette
mesure. »
Le second rapport émanait de la Cour et constituait un chapitre de
son rapport public annuel de février 2007
6
. Après avoir rappelé les enjeux
de la dépense fiscale, la Cour mettait en évidence des pratiques
contestables, comme le contournement des plafonds par les
holdings
ou la
double prise en compte des avances remboursables. Elle soulignait les
limites de la méthode de calcul en accroissement, qui conduisait à
subventionner des secteurs dynamiques en expansion, mais pénalisait les
plus gros secteurs industriels, dont les budgets R&D stagnaient. L’analyse
faisait ressortir l’intérêt de la part en volume, qui apportait des
réponses
aux failles constatées dans le mécanisme du CIR.
La Cour ne recommandait pas de nouvelle réforme du CIR. Elle
soulignait la nécessité d’une plus grande stabilité du dispositif, d’une
clarification des procédures de contrôle et des dépenses éligibles. Elle
mettait en avant le fait qu’une assiette en volume était bien plus coûteuse
qu’une assiette en accroissement et invitait les pouvoirs publics à mieux
évaluer le CIR.
5
En application de l’article 34 de la loi de programme n° 2006-450 pour la recherche
6
Cour des comptes, Rapport public annuel 2007, Tome I, Le crédit d’impôt
recherche,
p.
139
à
157,
La
Documentation
française,
disponible
sur
www.ccomptes.fr
UNE REFORME MAJEURE AUX CONSEQUENCES MAL ANTICIPEES
21
B - Une annonce plus ambitieuse que les préconisations
des administrations centrales concernées
Dans sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée
nationale le 3 juillet 2007, le Premier ministre fait part de son intention
d’engager une « simplification radicale du crédit d’impôt recherche ». Le
Président de la République annonce le contenu de la réforme le
30 août 2007 : prise en compte de toutes les dépenses de recherche dans
les dépenses éligibles, triplement du taux du crédit d’impôt, avec une
majoration de 50 % la première année, simplification des procédures.
Le dispositif retenu se situe au-delà des préconisations des
principales directions d’administration centrale impliquées dans la
réforme du CIR.
Les éléments transmis à la Cour par la direction générale pour la
recherche et l’innovation montrent que celle-ci avait défendu, en juin
2007, une augmentation du coût du CIR un peu supérieure à 2 Md€ par an
et fondée sur une assiette en volume : taux de 30 % pour les seules PME,
de 18 % à 20 % pour les autres entreprises, maintien du plafonnement du
CIR à 16 M€ par société, afin que le CIR bénéficie relativement plus aux
petites et moyennes entreprises.
La direction générale du Trésor et des politiques économiques
avait, quant à elle, proposé d’instaurer un CIR en volume reposant sur
trois tranches de taux : 30 % jusqu’à 2 M€ de R&D, puis 15 % jusqu’à
160 M€ et 8 % au-delà. Elle recommandait de calculer le franchissement
de ces seuils au niveau des groupes et non de leurs filiales. Elle estimait le
coût de ce régime du CIR à 2 040 M€, soit un surcoût de 620 M€ par
rapport au régime en vigueur.
Le dispositif proposé dans le projet de loi de finances est beaucoup
plus large que celui envisagé par les services de l’État chargés de la
recherche et de l’innovation et des politiques économiques, s’agissant en
particulier des grandes entreprises.
C - Des chiffrages sous-estimés
La réforme de 2008 a été annoncée alors que la transformation du
CIR de 2004, avec l’introduction d’une part en volume, n’était pas encore
pleinement à l’oeuvre, du fait des mécanismes de liquidation du crédit
d’impôt sur quatre exercices. L’évolution de la dépense fiscale reste ainsi
limitée en 2007 : elle passe de 470 M€ en 2003 à 1 000 M€, soit une
hausse de 113 %, le plein effet des réformes de 2004 et 2006 pour les
finances publiques ne devant intervenir qu’en 2010.
22
COUR DES COMPTES
Le changement de régime du CIR dans le projet de loi de finances
pour 2008 est antérieur à l’obligation de réaliser des études d’impact à
l’appui des textes législatifs
7
. Le projet de loi de finances n’en comporte
donc pas.
L’exposé des motifs présente la réforme comme le moyen de
rendre le crédit d’impôt « plus simple, plus efficace et plus attractif ». Il
ne contient aucun chiffrage du coût du nouveau régime. C’est dans le
dossier de presse du projet de loi de finances (p. 2) que celui-ci apparaît :
« Ces modifications, qui feront du crédit d’impôt recherche l’un des
dispositifs les plus incitatifs parmi ceux proposés par les pays membres
de l’OCDE, conduisent à un effort supplémentaire de 800 M€ en 2009 et
de 1,3 Md€ en régime de croisière, portant la dépense totale à 2,7 Md€ en
régime de croisière. »
8
La discussion budgétaire au Parlement a permis de préciser les
enjeux de la réforme. Elle a souffert cependant de reposer sur des
estimations de son coût très inférieures à ce qui a été constaté.
L’absence d’éléments d’appréciation sur les effets du dispositif a
été relevée lors de la réunion en commission élargie du 8 novembre 2007
sur la mission interministérielle de recherche et d’enseignement supérieur
(MIRES), réunissant les trois commissions permanentes concernées
(finances,
affaires
culturelles,
familiales
et
sociales
et
affaires
économiques). Lors de cette séance, la ministre de l’enseignement
supérieur et de la recherche indique disposer d’une évaluation qui « a fait
apparaître qu’un euro de crédit d’impôt recherche génère 2,40 € de
recherche, contredisant ceux qui doutaient que le CIR ait la moindre
efficacité. » Il s’agit des travaux de M. Emmanuel Duguet publiés en
2006 dans le rapport du ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche déjà évoqué. Cette étude fait le constat que 1 € de crédit
d’impôt s’accompagne d’une dépense de R&D de 2,4 €, crédit d’impôt
compris, soit 1,4 € net. Mais ce résultat correspond aux années 1993-
2003, avant que la part en volume ait été introduite et alors que la dépense
fiscale s’élevait à environ 500 M€. Il ne pouvait donc constituer une base
solide pour estimer l’effet du nouveau dispositif proposé au Parlement.
Le rapporteur général de la commission des finances de
l’Assemblée nationale propose une esquisse d’étude d’impact établie sur
la base du chiffrage réalisé par la direction de la législation fiscale. Ce
chiffrage sera largement mis en défaut par la suite, la direction de la
législation fiscale faisant valoir à cet égard que les estimations qu’elle
produit dans les projets de loi de finances sont établies toutes choses
7
Prévue par la loi organique n° 2009-45 du 15 avril 2009.
8
Le coût retenu pour le dispositif avant réforme est de 1,4 Md€.
UNE REFORME MAJEURE AUX CONSEQUENCES MAL ANTICIPEES
23
égales par ailleurs et ne tiennent donc pas compte d’un possible effet
d’entraînement de la mesure proposée.
Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat
souligne, dans son rapport, que « le dispositif aura des conséquences
financières notables et croissantes ». Il fait état d’estimations obtenues du
ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (MINEFI)
légèrement supérieures à celles initialement produites : de 2008 à 2012, le
ministère évaluait le surcroît de dépenses à 1 323 M€, portant le coût
estimé du CIR à 2 823 M€ en régime de croisière.
Tableau n° 1 : prévision du coût du nouveau dispositif proposée par
l’administration en 2007
Année
Dépense fiscale
estimée (en M€)
Dont coût du dispositif proposé
par le présent article (en M€)
2008
1 390
0
2009
2 281
816
2010
2 339
881
2011
2 447
947
2012
2 823
1 323
2013
2 823
1 323
Source : ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (extrait du
rapport du rapporteur général du Sénat)
En réalité, le surcroît de dépense sera bien supérieur. Dès 2008, la
créance constituée par les entreprises au titre du CIR s’élève à
4,155 Md€, pour atteindre 4,7 Md€ en 2009, puis 5,05 Md€ en 2010. Or
c’est bien le niveau de la créance annuellement constituée par les
entreprises qui détermine le coût du dispositif pour les finances publiques.
Cette sous-estimation était déjà manifeste en 2007. Ainsi le rapport
du Sénat montrait que le calcul du MINEFI se fondait sur une base de
dépenses déclarées stables, alors que la réforme avait pour but
d’augmenter le nombre de déclarants et le montant des dépenses
déclarées. Il estimait ainsi que la dépense fiscale se chiffrerait en rythme
de croisière probablement entre 3,5 et 4,5 Md€.
Dans sa note du 29 octobre 2007, la direction générale du Trésor et
des politiques économiques faisait état de chiffrages encore supérieurs,
qui se sont révélés globalement concordants avec la réalité. Constatant
que la réforme prévue dans le projet de loi de finances « va
mécaniquement entraîner une forte augmentation de la dépense publique
en faveur de la R&D privée », elle estime le surcoût annuel de la réforme
à « 2,3 Md€ en 2013 par rapport au scénario sans réforme (soit environ
4,1 Md€ de CIR cette année-là, en euros 2005), indépendamment de
l’effet de stimulation attendu de cette réforme ». En tenant compte d’un
24
COUR DES COMPTES
effet de stimulation, la direction générale du Trésor et des politiques
économiques estime le niveau du CIR entre 4,6 et 5,1 Md€ en 2013.
Ni le projet de loi ni la loi de finances ne comportent de
dispositions visant à mettre en place des instruments de suivi, concernant
notamment l’estimation du coût et la mesure de l’efficacité de ce crédit
d’impôt.
Alors que l’avantage fiscal accordé au titre du CIR représentait
jusqu’en 2004 environ 500 M€, l’introduction d’une part en volume en
2004 et son renforcement en 2006 l’ont porté à 1,68 Md€ en 2007. La
réforme de 2007 a triplé à nouveau le coût du CIR pour le porter à 5 Md€
deux ans plus tard. Si le CIR représentait l’équivalent de 8 % du budget
de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur
(21,35 Md€) en 2007, il atteint l’équivalent de 20 % en 2010.
La réforme de 2008 a ainsi considérablement accru la perte de
recettes fiscales que représente pour les finances publiques le crédit
d’impôt recherche. Mise en oeuvre avant que la précédente réforme ait
produit ses fruits, elle a été décidée sans que son impact financier ait été
correctement évalué et sans que des instruments de suivi aient été prévus.
Elle a dû être adaptée dès la fin 2010.
III
-
Une mobilisation utile dans le cadre du plan
de relance en 2008 et 2009
En 2008 et 2009, le CIR a été mobilisé dans le plan de relance : les
entreprises ont pu obtenir le remboursement du crédit d’impôt dès la
première année si celui-ci était supérieur à l’impôt dû, alors que ce
remboursement n’intervient normalement qu’à l’issue de la quatrième
année.
L’article 95 de la loi n° 2008-1443 de finances rectificative pour
2008 a permis aux entreprises d’obtenir le remboursement anticipé de
leurs créances de CIR constitué au titre des exercices 2005 à 2008.
L’article 5 de la loi n° 2009-1673 de finances pour 2010 a prorogé cette
disposition d’un an, en l’appliquant à la créance de CIR constituée en
2009. Enfin, pour les créances correspondant aux dépenses de recherche
de 2008 et 2009, un remboursement accéléré était prévu, au terme duquel
les entreprises pouvaient disposer par anticipation, dès le début de
l’exercice, du remboursement d’une estimation de leur excédent de CIR.
Les entreprises ont ainsi pu déduire de leur imposition en 2009 et
2010 toutes leurs créances de CIR, en obtenir le remboursement au cas où
celle-ci dépassait le montant de leur imposition due et demander la prise
UNE REFORME MAJEURE AUX CONSEQUENCES MAL ANTICIPEES
25
en compte de ces créances dès le début de l’exercice. La dépense fiscale
associée au CIR a alors connu une très forte poussée : elle s’est située à
6,2 Md€ en 2009 et a constitué la première dépense fiscale du budget de
l’État. En 2010, elle était de 4,9 Md€.
La dépense fiscale a deux composantes : d’une part, de moindres
recettes fiscales, qui correspondent aux créances imputées par les
entreprises ; d’autre part, des dépenses budgétaires, qui correspondent aux
montants remboursés par l’État aux entreprises à l’issue de quatre ans, de
manière anticipée pour certaines d’entre elles et pour toutes les
entreprises dans le cadre du plan de relance. La dépense fiscale exécutée,
établie par la direction générale des finances publiques, distingue ces
deux composantes
9
.
Tableau n° 2 : montant des imputations et des restitutions au titre du
CIR par année fiscale (en M€)
2008
2009
2010
2011
Imputations (1)
932,9
1 582,5
1 382,2
1 652,2
Restitutions (2)
562,4
4 634,4
3 519,7
1 420,6
Dépenses fiscales (1)+(2)
1 495,2
6 216,9
4 902,0
3 072,8
Source : DGFiP/GF3C
Le
coût
budgétaire
strict
du
CIR,
correspondant
à
des
décaissements de la part de l’État (à savoir les restitutions), a été très
fortement rehaussé par la mise en place du plan de relance : 562,4 M€ en
2008, 4 634,4 M€ en 2009, 3 519,7 M€ en 2010. Les entreprises n’ont
toutefois pas utilisé à plein les facultés de remboursement ouvertes dans
le plan de relance, le niveau de remboursement étant, par exemple, de 92
et 93 % pour les créances 2009 et 2010.
Au total, le coût du plan de relance est estimé à 3,6 Md€ en 2009
(correspondant à 4,2 Md€ de décaissements supplémentaires et 0,6 Md€
de moindre imputation) et à 2,4 Md€ en 2010 (correspondant à 3,2 Md€
de décaissements supplémentaires et 0,8 Md€ de moindres imputations)
10
.
En 2011, les restitutions s’établissent à 1,4 Md€. Ce niveau
correspond à un point bas, seules les PME pouvant désormais demander
un remboursement anticipé et les autres entreprises ayant largement apuré
en 2009 et 2010 leurs droits à remboursement au bout de quatre ans.
La mobilisation du CIR dans le plan de relance, unanimement
saluée par les entreprises, leur a apporté des liquidités dans une période
9
Des éléments complémentaires sont présentés en annexe sur les moyens utilisés
(« L’établissement des données d’exécution de la dépense fiscale »)
10
Données fournies par la direction de la législation fiscale.
26
COUR DES COMPTES
cruciale. Elle a été utile sur le plan macro-économique. Les statistiques
désormais disponibles montrent en effet que, contrairement à ce qui a pu
se passer dans d’autres phases de tensions économiques, la dépense
intérieure de R&D des entreprises n’a pas fléchi durant cette période.
IV
-
De nouvelles évolutions depuis 2008
A - Une succession de rapports
Les mesures de relance ont immédiatement révélé que le crédit
d’impôt était beaucoup plus onéreux que sa présentation ne l’avait fait
apparaître, suscitant une succession de rapports.
Les rapports sur le CIR depuis 2008
Le rapport d’information de l’Assemblée nationale de juillet 2009
sur
l’application des mesures fiscales contenues dans les lois de finances et dans
la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat
11
fait le bilan de
trois mesures, dont la réforme du CIR. Il constate qu’il s’agit d’« un
dispositif efficace mais coûteux et qui profite principalement aux grandes
entreprises ».
Le rapport public du conseil des prélèvements obligatoires
d’octobre
2009, consacré aux « prélèvements obligatoires des entreprises dans une
économie globalisée », estime que « le coût budgétaire du CIR représentera à
terme l’équivalent d’une baisse de 2 à 3 points du taux d’IS (…).
L’appréciation de son efficacité n’en est que plus impérative. » En octobre
2010, un autre rapport public du conseil des prélèvements obligatoires,
intitulé
« Entreprises et niches fiscales et sociales. Des dispositifs
dérogatoires nombreux », propose des pistes en vue d’améliorer l’efficacité
du CIR sans en revoir l’architecture (plafonnement, notamment).
Le rapport d’information du Sénat sur le «bilan de la réforme et
l’évaluation de la politique du crédit d’impôt recherche » de mai 2010
12
recommande de conserver le dispositif pour les trois années à venir et trace
des pistes d’amélioration : clarification des dépenses éligibles, codification
distincte du crédit impôt collection, meilleure information des usagers,
remboursement immédiat pour les PME, suppression de la tranche de 5 % et
appréciation du plafond de 100 M€ au niveau de la société-mère.
11
Rapport d’information n° 1794 présenté par M. le député Carrez.
12
Rapport d’information n° 493 du sénateur Gaudin pour la commission des finances.
UNE REFORME MAJEURE AUX CONSEQUENCES MAL ANTICIPEES
27
Le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée
nationale sur le crédit d’impôt recherche
13
de juillet 2010
fait un « bilan
nuancé » de la réforme de 2008 et constate l’« évolution galopante » du coût
du CIR depuis 2008. Il invite en conséquence à certains ajustements avec
neuf
propositions
prioritaires
parmi
lesquelles
la
pérennisation
du
remboursement immédiat pour les PME indépendantes, l’abaissement du
forfait pour les frais de fonctionnement à 33 % avec un régime de frais réel
optionnel, le calcul du plafond de 100 M€ à l’échelle du groupe, la rédaction
d’une nouvelle instruction fiscale et la mise en place d’outils de suivi
14
.
Le rapport de l’inspection générale des finances de septembre
2010
15
constate que la réforme du CIR place la France en tête des pays
membres de l’OCDE pour l’aide fiscale à la R&D des entreprises. Il estime
qu’une étude économétrique doit être conduite en 2013 et que les
conséquences doivent en être tirées avec trois options possibles : soit que le
système soit jugé efficace et n’ait pas à être modifié, soit qu’il s’avère moins
efficace pour les grandes entreprises, justifiant de réduire le niveau d’aide en
leur faveur, ou encore qu’apparaisse une perte d’efficacité globale, devant
conduire à réduire l’aide fiscale pour tous les bénéficiaires.
Le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des
niches sociales de juin 2011
présidé par M. Henri Guillaume, passe en revue
538 mesures dérogatoires fiscales et sociales représentant près de 104 Md€ et
les classe en quatre catégories (scores allant de 0 à 3). Le CIR obtient la note
de 3, apparaissant ainsi comme une mesure efficiente selon la typologie
retenue par le comité : sur les 60 Md€ de dépenses fiscales évaluées, le CIR
se situe dans les 9,3 Md€ de dépenses obtenant la note maximale.
L’évaluation conduite retient l’hypothèse qu’un euro de CIR se traduit par un
euro de dépense privée supplémentaire et estime sur cette base que la réforme
du CIR pourrait entraîner d’ici 15 ans une hausse du PIB de 0,3 point. La
dépense fiscale prise en compte est de 2,1 Md€ en 2011.
Le rapport de la Cour des comptes,
remis, en octobre 2011, à la
commission des finances de l’Assemblée nationale et intitulé « Les aides aux
entreprises en matière d’innovation et de recherche : la cohérence des
dispositifs fiscaux et budgétaires », constate qu’il n’existe ni mise en
perspective ni cohérence globale de ces dispositifs. Dans son rapport sur « les
résultats et la gestion budgétaire 2011» de mai 2012, la Cour alerte sur le
13
Rapport d’information n° 2686 de
MM. les députés Claeys, Gorges et Lasbordes
14
Les autres propositions portent sur le suivi des financements publics par type de
financement et taille d’entreprise, une obligation de réemploi des créances de CIR au
profit des entreprises ou services ayant réalisé les recherches, la formation des réseaux
consulaires, la création d’équipes de contrôle communes entre les services fiscaux et
le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
15
Rapport n° 2010-M-035-02 de septembre 2010 établi par L. Martel et A. Massé,
sous la supervision de F. Lustman.
28
COUR DES COMPTES
coût du CIR, qui pourrait être en régime de croisière d’environ 2 Md€
supérieur à celui estimé dans les lois de finances en 2011 et 2012. Les
rapports de juillet 2012 sur « l’État et le financement de l’économie » et sur
« la situation et les perspectives des finances publiques » relèvent également
ce sujet, tout comme le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de
mai 2013. Enfin, en dernier lieu, le rapport public thématique sur « le
financement public de la recherche, un enjeu national » de juin 2013 souligne
l’importance des montants en jeu ainsi que les fragilités entourant son
estimation et son efficacité.
Le rapport d’information du Sénat sur le CIR
de juillet 2012
16
estime
que le coût du CIR devrait atteindre 5 à 6 Md€ en 2014, puis augmenter
comme le PIB. Il évalue l’impact de la réforme de 2008 sous la forme d’une
augmentation du PIB de 0,5 point en 15 ans, tout en soulignant les aléas qui
entourent de telles estimations ; une fois pris en compte l’effet dû au
financement de la réforme, l’incidence sur le PIB serait réduite de moitié. Sur
cette base, le rapport fait 12 propositions parmi lesquelles la réduction du
taux applicable à 20 % pour les grandes entreprises et son augmentation à
40 % pour les PME et ETI indépendantes, dans le cadre d’orientations fixées
pour cinq ans
17
.
Enfin,
l’avis du conseil supérieur de la recherche et de la technologie
de septembre 2012 recommande de stabiliser les principes fondamentaux du
CIR, tout en relevant que ce dispositif suscite des interrogations.
Durant cette période, le ministère de l’enseignement supérieur et
de la recherche a rendu publics chaque année les chiffres clés du CIR
(correspondant à l’exercice n-2) et adressé trois rapports au Parlement en
application de la loi de finances rectificative pour 2006, de la loi de
finances pour 2009 et de la loi de finances pour 2010
18
.
B - Une sous-estimation récurrente du coût du CIR
dans les lois de finances entre 2008 et 2012
L
a double situation, de montée en puissance du CIR et de
modification de son mode de liquidation dans le plan de relance, explique
les évolutions de la dépense fiscale constatée entre 2007 et 2011. Ce
contexte exceptionnel ne pouvait qu’avoir un impact sur la fiabilité de la
16
Rapport n° 667 de M. Michel Berson au nom de la commission des finances
17
Les autres propositions principales du rapport concernent le remboursement
accéléré des créances des PME et ETI, l’exclusion des interventions sur les marchés
financiers des dépenses éligibles, l’assouplissement des conditions associées au
doublement des dépenses pour les jeunes chercheurs et les collaborations avec des
laboratoires publics, le détachement du crédit impôt collection du CIR.
18
Rapports au Parlement sur le crédit d’impôt recherche 2007, 2009 et 2010
UNE REFORME MAJEURE AUX CONSEQUENCES MAL ANTICIPEES
29
prévision associée au CIR, pourtant réputée avoir été bonne durant toute
la période dans les documents budgétaires associés aux lois de finances
19
.
En réalité, il apparaît d’importants écarts entre la prévision de
dépense fiscale figurant à l’appui du projet de loi de finances initiale et la
dépense fiscale constatée pour le même exercice deux lois de finances
initiales plus tard, ces écarts ayant toujours été orientés à la hausse
20
.
Tableau n° 3 : évaluation de la dépense fiscale dans les lois de
finances initiales
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Projet de loi de finances 2009
1 000
1 390
2 010
Projet de loi de finances 2010
1 500
5 800
4 000
Projet de loi de finances 2011
6 200
4 500
2 100
Projet de loi de finances 2012
4 900
2 275
2 300
Projet de loi de finances 2013
3 070
2 853
3 350
Source : Cour des comptes à partir des fascicules voies et moyens
L’écart avec la prévision de dépense fiscale est de 900 M€ en
2010, 970 M€ en 2011, et 1 070 M€ en 2012, sur la base d’une dépense
fiscale qui s’est finalement élevée à 3 370 M€. L’écart est donc en
moyenne de 980 M€, soit 26 % de la dépense fiscale prévue.
Les projets de lois de finances initiales ont ainsi souffert d’une
sous-estimation récurrente et fourni au mieux des ordres de grandeur de la
dépense fiscale finalement constatée. La situation s’est toutefois
améliorée avec le projet de loi de finances pour 2013 qui présente une
chronique plus réaliste pour la dépense fiscale attendue en 2012 et 2013.
C - Des adaptations et évolutions en 2011 et 2012
1 -
La loi de finances pour 2011
Dans le prolongement du rapport de la mission d’évaluation et de
contrôle de l’Assemblée nationale et du rapport des états généraux de
l’industrie
21
, la loi de finances pour 2011 a adapté le régime du CIR.
19
Des éléments plus détaillées figurent en annexe (« le chiffrage du CIR dans les
documents annexés aux lois de finances »).
20
Du fait de la possibilité ouverte aux entreprises de procéder à des déclarations
rétroactives, il subsistera toujours un écart entre les créances estimées et les données
définitives quatre ans plus tard. Ce dont il est question ici est différent et porte sur
l’ordre de grandeur de la créance.
21
Rapport du 1
er
février 2010, dont la mesure 18 vise à pérenniser le remboursement
anticipé du CIR pour les PME et à clarifier les conditions d’éligibilité des dépenses.
30
COUR DES COMPTES
Ainsi le remboursement anticipé des créances de CIR est pérennisé
à compter de 2010 pour les PME, les justificatifs à produire par les
entreprises nouvelles étant renforcés. Le forfait de dépenses de
fonctionnement est ramené à 50 % des dépenses de personnel, un forfait
de 75 % des dépenses d’investissement éligibles étant ajouté. Les
dépenses sous-traitées ne deviennent éligibles que si elles représentent
moins des deux tiers des dépenses déclarées. Les rémunérations versées à
des consultants pour l’obtention du CIR sont déduites de l’assiette du
crédit d’impôt. Les taux majorés applicables au titre des deux premières
années sont abaissés à 40 % et 35 % et leur usage est encadré. Les
entreprises déclarant plus de 100 M€ de dépenses de recherche doivent
produire un état de leurs travaux. Ces mesures visaient à contenir
l’augmentation du coût du crédit d’impôt et à en assurer un meilleur
contrôle.
2 -
Deux instructions fiscales en 2012
En janvier 2012, une première instruction fiscale a précisé les
nouvelles modalités de calcul du CIR issues de la loi de finances pour
2011. Suivant la recommandation des États généraux de l’industrie, un
groupe de travail s’est réuni afin de clarifier les conditions d’éligibilité
des dépenses au CIR. Ses travaux ont abouti à la publication d’une
seconde instruction fiscale en février 2012. Préparée par la direction de la
législation fiscale, cette instruction avait fait l’objet d’une consultation
publique à l’été 2011. Cette dernière a donné lieu à 96 réponses que la
Cour a examinées. Les sujets les plus souvent abordés par les entreprises
concernent les logiciels et l’informatique, le traitement des brevets et de
la normalisation mais aussi la définition de ce qui relève de la R&D.
La nouvelle instruction précise la définition des opérations de
R&D au sens du régime du CIR et l’illustre d’exemples, notamment sur la
démarche à retenir par les entreprises pour déterminer si leur projet entre
dans
cette
catégorie
de
dépenses,
qu’il
s’agisse
de
recherche
fondamentale, de recherche appliquée ou de développement expérimental.
L’entreprise doit en particulier apprécier l’état des techniques existantes,
ou état de l’art. Pour être éligibles, les dépenses doivent aller au-delà de
cet état de l’art et viser à lever des verrous scientifiques ou techniques.
Le travail de clarification ainsi mené est de qualité et procède
d’une démarche utile, même si tous les sujets n’ont pas encore été réglés.
3 -
La loi de finances pour 2013
Le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi de
novembre 2012 a prévu de stabiliser sur la durée du quinquennat le crédit
UNE REFORME MAJEURE AUX CONSEQUENCES MAL ANTICIPEES
31
d’impôt recherche ainsi que quatre autres dispositifs fiscaux jugés
importants pour l’investissement et la vie des entreprises
22
.
La loi de finances pour 2013 a introduit trois modifications dans le
régime du CIR : d’une part, le crédit d’impôt a été élargi à certaines
dépenses d’innovation pour les PME, à savoir celles portant sur les
activités de conception de prototypes de nouveaux produits ainsi que les
installations pilotes dans la limite de 400 000 € par an et à un taux de
20 % ; d’autre part, les taux majorés accordés aux entreprises pour les
deux premières années de recours au CIR ont été supprimés ; enfin, les
conditions de recours au rescrit ont été assouplies. Le coût net de ces
mesures est estimé à 152 M€ en 2014 et à 200 M€ en régime de croisière.
La loi de programmation des finances publiques pour 2012-2017
comporte en outre, à son article 17, une disposition qui s’applique au CIR
et qui prévoit une évaluation régulière des niches fiscales.
4 -
Le régime du CIR en 2013
Le crédit d'impôt recherche est défini aux articles 244 quater B et
199 ter B du Code général des impôts.
Les dépenses éligibles, établies en référence au « manuel de
Frascati » de l’OCDE qui définit au plan international les dépenses de
R&D, concernent : les dépenses de personnel de recherche, les
investissements liés aux opérations de recherche (au travers des dotations
aux amortissements qui les concernent), les frais de fonctionnement
(établis forfaitairement à 50 % des dépenses de personnel et à 75 % des
dépenses d'investissement), les dépenses de sous-traitance (jusqu'à
certains plafonds). Il s'y ajoute les dépenses relatives à la protection de la
propriété industrielle, à la normalisation et à la veille technologique.
Des doublements d'assiette sont pratiqués pour la sous-traitance
réalisée avec des organismes publics et la première embauche de titulaires
d'un doctorat. Le secteur du textile-cuir-habillement peut déclarer les
dépenses relatives à la création de nouvelles collections dans des
conditions spécifiques. Enfin, les PME peuvent déclarer les dépenses
engagées depuis 2013 pour la conception de prototypes ou d’installations
pilotes de nouveaux produits au titre du crédit d’impôt dit innovation dans
la limite de 400 000 € par an.
22
Décision n° 26 du relevé de décision du 6 novembre 2012. Les quatre autres
régimes fiscaux sont les dispositifs favorisant la détention et la transmission
d’entreprises (« pactes d’actionnaires »), les jeunes entreprises innovantes, les
incitations aux investissements dans les PME, la contribution économique territoriale.
32
COUR DES COMPTES
Le taux du crédit d'impôt est de 30 % de ces dépenses jusqu'à
100 M€ de dépenses exposées et de 5 % au-delà. Ce taux est de 20 %
pour le crédit d’impôt innovation. Dans les groupes, le crédit d'impôt est
liquidé au niveau de la société mère, mais le seuil de 100 M€ s'apprécie
filiale par filiale.
Le crédit d'impôt obtenu est imputé sur l'impôt sur les sociétés de
l'année ou, au cas où il excède l'impôt dû, est reporté sur les trois
exercices suivants, l'éventuel reliquat étant alors remboursé par l'État à
l'entreprise. Les PME, ainsi que les jeunes entreprises innovantes, les
entreprises nouvelles et les sociétés placées en procédure collective,
bénéficient de ce remboursement dès la première année.
L
e régime détaillé du crédit impôt recherche
en 2013
Le CIR est déclaratif : pour en bénéficier, les entreprises renseignent le
formulaire 2069A dans lequel elles font figurer leurs dépenses éligibles. Au-
delà de 100 M€, elles produisent un état de leurs recherches.
1 – Sont éligibles au crédit d’impôt :
- les
dépenses de personnel
afférentes aux chercheurs et techniciens de
recherche directement et exclusivement affectés à la réalisation d’opérations
de
recherche
scientifique
et
technique,
y
compris
rémunérations
supplémentaires et justes prix pour les salariés auteurs d’une invention ;
- les
investissements
affectés à ces opérations, au travers des dotations aux
amortissements qui les concernent ;
- les
frais de fonctionnement
, fixés forfaitairement à 50 % des dépenses de
personnel et à 75 % des dépenses d'investissement éligibles ;
- les
dépenses de recherche sous-traitées
auprès d’entités installées dans
l’Espace économique européen : ces dépenses ne sont éligibles que si elles
représentent moins des deux tiers des dépenses totales déclarées et sont
retenues dans la limite de trois plafonds (2 M€ pour la sous-traitance à des
entreprises dépendantes du donneur d’ordre, 10 M€ en l’absence de lien de
dépendance, 12 M€ à raison des travaux confiés à des institutions publiques
de recherche) ;
- les dépenses relatives à la
protection de la propriété intellectuelle
: frais de
prise et de maintenance de brevets et de certificats d’obtention végétale
(COV), primes d’assurance liées dans la limite de 60 000 € par an, dotations
aux amortissements des brevets et COV acquis pour des opérations de R&D ;
- les dépenses de
normalisation
: elles sont constituées, pour la moitié de leur
montant, des charges de personnel liées à la participation aux réunions
officielles de normalisation, augmentées d’un forfait de fonctionnement de
30 % des salaires correspondant et d’un forfait journalier de 450 € pour la
présence des chefs d’entreprise et assimilés à ces réunions ;
UNE REFORME MAJEURE AUX CONSEQUENCES MAL ANTICIPEES
33
- les dépenses de
veille technologique
exposées lors de la réalisation
d’opérations de recherche, dans la limite de 60 000 € par an.
Cas particulier du crédit d’impôt dit collection :
les entreprises du secteur
textile-habillement-cuir peuvent déclarer dans le cadre du CIR leurs dépenses
ou celles confiées à des stylistes ou bureaux de style lorsqu’elles concernent
l’élaboration de nouvelles collections. Ce dispositif est soumis au régime
de
minimis
de l’Union européenne.
Cas particulier du crédit d’impôt dit innovation :
le crédit d’impôt
innovation est
réservé aux PME
. Y sont éligibles : i) les
dépenses de
personnel
directement et exclusivement affectées à la réalisation d’opérations
de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits ; ii)
les
investissements
affectés à ces opérations au travers des dotations aux
amortissements qui les concernent ; iii) des dépenses de
fonctionnement
correspondant à 50 % des dépenses de personnel et 75 % des dépenses
d’investissement ; iv) les frais de
propriété intellectuelle
associés (dépôt,
prise, maintenance, amortissement et défense des brevets, COV, dessins et
modèles). Ces dépenses peuvent être sous-traitées à des entreprises, bureaux
d’études et d’ingénierie agréés selon des modalités fixées par décret. Est
considéré comme un
nouveau produit
un bien qui n’est pas encore mis à
disposition sur le marché et qui se distingue des produits existants ou
précédents par des performances supérieures sur le plan technique, de
l’écoconception, de l’ergonomie ou de ses fonctionnalités.
2 – Modes de calcul de la dépense
Doublement d’assiette pour les jeunes docteurs :
durant les deux ans, les
dépenses de personnel liées à la première embauche sur un contrat à durée
indéterminée de titulaires d’un doctorat ou d’un diplôme équivalent sont
prises en compte pour le double de leur montant, avec des frais de
fonctionnement de 200 % de ces dépenses, à condition que l’effectif salarié
de l’entreprise ne soit pas inférieur à celui de l’année précédente.
Doublement d’assiette pour la sous-traitance publique :
les dépenses de
sous-traitance auprès d’entités publiques sans lien de dépendance avec le
donneur d’ordre sont retenues pour le double de leur montant.
Traitement des subventions de recherche :
les subventions publiques
reçues au titre des activités de recherche sont déduites des bases de calcul.
Traitement des prestations de conseil :
les prestations de conseil pour
l’octroi du CIR sont déduites de l’assiette du crédit d’impôt.
3 – Contrôle
Le CIR peut faire l’objet d’un contrôle fiscal dans les trois ans suivant la date
de dépôt légal de la déclaration. L’entreprise devra alors être en mesure
d’attester que les dépenses réalisées correspondent (hors crédit d’impôt
innovation et crédit d’impôt collection) à des activités de R&D, et en
34
COUR DES COMPTES
particulier à des travaux se situant au-delà de l’état de l’art disponible. En cas
de demande de remboursement, les services fiscaux peuvent également
solliciter des justificatifs de la part des entreprises.
Si le renforcement du dispositif est incontestable, de même que la
simplification
du
calcul
du
crédit
d’impôt,
la
succession
des
modifications législatives intervenues depuis 2008 continue à faire du
CIR un système instable et complexe.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATION
_________
La réforme du crédit d’impôt en faveur de la recherche en 2008
participe d’une volonté plus large de réduction du taux d’imposition des
entreprises.
Elle a été conduite alors qu’une première transformation du CIR
en 2004 et 2006 ne s’était pas encore pleinement traduite dans les faits.
Le coût pour les finances publiques du passage, en 2008, à un taux de
30 % jusqu’à 100 M€ de dépenses a été manifestement sous-estimé :
l’adoption de la réforme par le Parlement a reposé sur un chiffrage du
crédit d’impôt de 2,7 Md€ en régime de croisière, alors que la créance
constituée par les entreprises est de 5,2 Md€ en 2011. Les éléments
produits dès 2007 par les directions chargées de la recherche et des
politiques économiques montraient que le coût du CIR serait de cet ordre
de grandeur. Cette sous-estimation a perduré jusqu’en 2012 : presque un
milliard d’écart entre la dépense prévue dans les lois de finances initiales
et la dépense exécutée entre 2010 et 2012.
Le CIR a été mobilisé dans le plan de relance, et les entreprises
ont pu obtenir, en 2008 et en 2009, le remboursement de leur crédit
d’impôt dès la première année, leur apportant des liquidités dans une
période cruciale. Cette mobilisation a été utile.
Elle a également révélé que le dispositif était beaucoup plus
onéreux que sa présentation ne l’avait fait apparaître. Cette situation a
suscité de nombreux rapports et études sur le CIR ainsi qu’un ajustement
de son régime dans la loi de finances initiale pour 2011. Celui-ci a été
également modifié fin 2012, en particulier pour introduire un crédit
d’impôt innovation en faveur des PME. Ainsi, depuis 2008, le CIR a
continué à évoluer chaque année.
UNE REFORME MAJEURE AUX CONSEQUENCES MAL ANTICIPEES
35
À la lumière de ces développements, la réforme de 2008 apparaît
rétrospectivement mal préparée. Il aurait été préférable qu’elle puisse
d’emblée s’appuyer sur des éléments de constat et de prévision solides
permettant aux pouvoirs publics de décider des moyens affectés à cette
politique et d’en déduire les modalités adaptées du crédit d’impôt. La
stabilité du dispositif aurait été mieux assurée, gage de l’efficacité d’une
dépense fiscale en faveur de la R&D des entreprises.
La Cour formule en conséquence la recommandation suivante :
1.
améliorer la qualité des chiffrages prévisionnels associés au CIR.
Chapitre II
Un instrument avantageux, d’un coût
élevé pour les finances publiques
Avec la réforme de 2008, la France s’est dotée du régime fiscal le
plus avantageux des pays membres de l’OCDE en matière de R&D. Il
représente pour l’État un coût en très forte hausse et encore appelé à
croître.
I
-
Un mécanisme avantageux au regard des
pratiques de nos partenaires
A - Un dispositif utilisé dans de nombreux pays
1 -
Panorama d’ensemble
En 2011, 26 des 34 pays membres de l'OCDE offraient des
incitations fiscales en faveur de la R&D, ainsi que plusieurs économies
émergentes comme l’Inde ou le Brésil. Malgré la diversité des dispositifs
mis en place, plusieurs stratégies d’allègement fiscal peuvent être
distinguées.
La
« super-déduction »
permet
aux
entreprises,
pour
l’établissement de leur résultat fiscal, de déclarer un montant de dépenses
de
R&D
supérieur
aux
dépenses
réellement
exposées.
Jusqu’à
38
COUR DES COMPTES
récemment, la super-déduction était le seul système au Royaume-Uni
(cf. encadré). Au total, huit pays de l’OCDE pratiquent ce système, dont
l’Autriche, le Danemark, le Royaume-Uni et les Pays-Bas (pour les
dépenses autres que les salaires). La principale critique adressée à ce
dispositif est qu’il ne procure aucun avantage à une entreprise en pertes.
Les réductions de taxe sur les salaires se pratiquent en Belgique et
aux Pays-Bas sous la forme d’exemptions de charges et impôts sur les
salaires des employés travaillant sur des projets de R&D. En Belgique,
l’exemption de taxe aboutit à une réduction du coût du chercheur de
25 %. Aux Pays-Bas, l’exemption peut aller jusqu’à 50 % des charges
pour les start-ups.
Les crédits d'impôt recherche ont été adoptés par l'Australie, le
Canada, la Corée, l'Espagne, les États-Unis, la France, l'Italie, l'Irlande, le
Japon, la Norvège et le Portugal. Les taux et les modalités de ces crédits
d'impôt diffèrent entre les pays :
les systèmes peuvent être fondés, soit sur le volume des dépenses
(France,
Canada,
Royaume-Uni,
notamment),
soit
sur
l’accroissement des dépenses (États-Unis). Le
système peut aussi
être mixte (Espagne). Les systèmes fondés sur l’accroissement des
dépenses sont considérés comme plus efficaces pour éviter les effets
d’aubaine. À l’inverse, ces systèmes sont jugés complexes et moins
incitatifs par les entreprises ;
l’assiette des dépenses éligibles est généralement établie à partir du
manuel de Frascati de l’OCDE, avec des variantes. Dans plusieurs
pays, l’assiette est fondée sur la masse salariale du personnel de
R&D, soit exclusivement (Finlande), soit en accordant aux dépenses
de personnel un taux supérieur (Espagne). Au Canada (jusqu’à 2013)
et en Espagne, les dépenses d’investissement liées à la R&D sont
éligibles ;
des différenciations sont fréquemment introduites selon la taille de
l’entreprise (Canada, Royaume-Uni, Corée, Australie) ou le volume
des dépenses (France), et des dispositions plus favorables sont
accordées aux PME ;
le crédit d’impôt est généralement imputable sur les pertes passées et
reportables sur les pertes à venir ; dans certains cas (Canada pour les
PME, France au bout de 4 ans, Royaume-Uni à partir de 2013), le
crédit d’impôt est remboursable.
La tendance observée ces dernières années se caractérise par
l’apparition de crédits d’impôt recherche dans les pays qui n’en
disposaient pas (Finlande en 2013, par exemple), la mise en place de
systèmes
plus
généreux
(Royaume-Uni,
Japon,
Irlande)
et
la
UN INSTRUMENT AVANTAGEUX, D’UN COUT ELEVE POUR LES
FINANCES PUBLIQUES
39
simplification des dispositifs, privilégiant ceux fondés sur le volume des
dépenses de R&D.
À partir de 2008, avec la crise économique, les gouvernements se
sont trouvés confrontés à deux objectifs contradictoires : le soutien de la
R&D pour permettre la reprise économique et la nécessité de restreindre
les dépenses fiscales dans une optique d'austérité budgétaire. La difficulté
pour déterminer les modalités optimales du système d'incitations et la
concurrence fiscale entre États ont amené les gouvernements à revoir
leurs dispositifs de soutien à de nombreuses reprises.
2 -
Quelques exemples de stratégies d'allègement fiscal
23
Les cas du
Royaume-Uni
et du
Canada
illustrent deux stratégies
divergentes.
Au Royaume-Uni, le crédit d’impôt recherche a été renforcé en
2013, dans un souci affiché d’attractivité du territoire britannique.
La réforme du crédit impôt recherche au Royaume-Uni
La recherche privée au Royaume-Uni est estimée, en 2010, à 1,07 %
du PIB. Les filiales d’entreprises étrangères réalisent 47 % du total de la
dépense intérieure de recherche et développement des entreprises (DIRDE).
Les mesures fiscales représentent actuellement un poids limité : 0,07 % du
PIB. À compter de l’exercice budgétaire avril 2013/mars 2014, le Royaume-
Uni a revu son système de crédit impôt recherche, en rendant le dispositif
plus favorable pour les grandes entreprises.
Jusqu’à présent, la législation prévoyait un système de « super-
déduction » : pour 100 £ de dépenses de R&D, les PME et les entreprises de
taille moyenne (total du bilan jusqu’à 86 M€ ou chiffre d’affaires inférieur à
100 M€) pouvaient déduire de leur bénéfice fiscal 225 £ et les grandes
entreprises 130 £. Pour les PME, cette super-déduction est remboursable.
10 700 entreprises ont bénéficié du dispositif en 2010-2011, dont 8 000 PME
et entreprises moyennes. La dépense fiscale s’élève pour 2010-2011 à
1,1 milliard £, dont 750 M£ pour les grandes entreprises. Depuis trois
exercices, la dépense est stable, légèrement au-dessus du milliard de livres,
mais a fortement augmenté depuis 2004-2005 où elle n’atteignait que
600 M£.
23
Voir en annexe une présentation détaillée des systèmes de CIR étrangers (« Les
systèmes d’incitation fiscale à la R&D dans le monde »).
40
COUR DES COMPTES
Le système est administré par l’administration fiscale, qui a mis en
place un réseau de spécialistes pour conseiller les entreprises. En revanche,
les procédures de rescrit pour les PME ont été abandonnées après une phase
pilote, en raison de leur charge administrative. Le ministère chargé de la
recherche définit les lignes directrices pour l’éligibilité des dépenses, alignées
sur le manuel de Frascati de l’OCDE. Il n’intervient pas dans les relations
avec les contribuables.
Le nouveau système met en place un crédit d’impôt remboursable,
équivalent à 10 % des dépenses de R&D. L’ancien système pour les PME et
entreprises moyennes reste en vigueur jusqu’en 2016. La réforme du crédit
impôt recherche s’inscrit dans le cadre de l’allègement de l’IS dont le taux est
ramené progressivement de 28 % en 2008 à 20 % en 2015. Après un
processus de consultation publique, la réforme du CIR a été incluse dans les
mesures du budget 2013/2014 visant à soutenir l’innovation et l’attractivité.
L’une des motivations de la réforme était que, dans le précédent système, les
grandes entreprises enregistrant des pertes ne bénéficiaient pas de l’avantage
fiscal. Le changement de système a aussi été justifié par un besoin de
simplification pour faciliter les projets d’investissements (le crédit d’impôt
remboursable pouvant être traité comme une subvention dans l’analyse
financière des projets). Le changement a été soutenu par les filiales
d’entreprises américaines, le crédit d’impôt étant pris en compte dans le cadre
de la taxation au niveau mondial applicable aux États-Unis.
La réforme du CIR est complétée par la mise en place d’un nouveau
système dit «
Patent Box
», qui permettra à une entreprise d’être imposée au
taux de 10 % sur les « bénéfices qu’elle tire de la propriété intellectuelle ».
À l’inverse, après les travaux d’une commission d’experts, le
Canada a réorienté le soutien public à la R&D vers des programmes
ciblés d’aides directes, en réduisant les incitations fiscales pour les
grandes entreprises.
Le crédit impôt recherche au Canada
Avec la France, le Canada est le pays où le CIR représente l’aide plus
importante (0,21 % du PIB). Toutefois, les subventions publiques à la R&D
des entreprises sont limitées : 0,03 % du PIB (0,14 % en France). Le
programme est différencié : le taux pour les PME (dont le bénéfice est
plafonné à 3 millions de dollars canadiens) est de 35 % au niveau fédéral
(+ des crédits provinciaux, jusqu’à 37,5 %) et de 20 % pour les grandes
entreprises (+ des crédits provinciaux, jusqu’à 17,5 %). Les crédits d’impôt
des PME sont remboursables, ceux des grandes entreprises seulement
reportables. L’assiette du crédit d’impôt est comparable au système français,
à l’exception des investissements qui sont éligibles. 24 000 demandes sont
UN INSTRUMENT AVANTAGEUX, D’UN COUT ELEVE POUR LES
FINANCES PUBLIQUES
41
traitées chaque année (20 000 pour des PME, 4 000 pour les grandes
entreprises). Les grandes entreprises représentent deux tiers des crédits
d’impôt.
Le CIR canadien fonctionne sur la base d’un accord préalable de
l’administration fiscale. Les entreprises canadiennes jugent le système lourd,
et cette complexité a favorisé le développement de cabinets de conseil,
souvent rémunérés au pourcentage. L’administration fiscale emploie
500 personnes pour la gestion du système. Pour traiter les 24 000 demandes,
l’agence Revenu Canada a développé une méthode de ciblage, pour se
concentrer sur les dossiers risqués.
En 2011, un groupe d’experts nommés par le gouvernement a remis
un rapport « Innovation Canada : le pouvoir d’agir » (dit
rapport Jenkins
, du
nom du président du groupe d’experts) proposant des évolutions au système
de financement de la R&D. Ce rapport estime que le crédit d’impôt permet de
baisser le coût de la R&D, mais sans orientation stratégique. Sur le long
terme, le CIR n’avait pas contrebalancé les handicaps du Canada (taille de
l’économie, importance des filiales d’entreprises étrangères). Le rapport
préconise de rendre plus restrictif le système du crédit d’impôt recherche et
de réallouer une partie des sommes économisées au soutien direct à la R&D
des entreprises.
Ces propositions ont été pour l’essentiel reprises par le gouvernement
et sont applicables à compter du budget 2013. Ces économies représenteront
15 % du coût du programme. Les évolutions sont les suivantes : la réduction
du crédit d’impôt pour les grandes entreprises de 20 à 15 % (qui représente
60 % des économies), l’exclusion des dépenses d’investissement, la
diminution de la prise en compte des frais généraux et de la sous-traitance. La
gestion du programme a été revue : refonte des instructions fiscales, droit à
un deuxième examen scientifique, encadrement des pratiques des consultants.
Les économies seront redéployées vers des programmes de soutien
direct : 500 millions de dollars canadiens pour le capital-risque, 500 millions
de dollars canadiens pour le programme d’aide à la recherche industrielle
(PARI) et la recherche technologique, 350 millions de dollars canadiens pour
la valorisation et un soutien accru pour le secteur aéronautique et la défense.
D’autres exemples étrangers méritent d’être analysés.
Créé en 1981, le dispositif d’incitation fiscale aux États-Unis est
une mesure provisoire, qui a été reconduite quatorze fois depuis 1981. Le
dispositif avait expiré le 31 décembre 2011 et le président Obama avait
souhaité le rendre pérenne. Il a finalement été reconduit en janvier 2013
pour deux exercices. Le
Research Credit
est un crédit d'impôt en
accroissement, sur la base de deux modes de calcul. Le régime américain
fait l’objet de critiques pour sa complexité et son caractère peu attractif :
42
COUR DES COMPTES
le cabinet
Deloitte
estime ainsi le crédit d’impôt effectif maximum de
6,5 % ou 9,1 %, selon le mode de calcul choisi. En 2009, le CIR
représentait 0,05 % du PIB aux États-Unis, tandis que les subventions aux
entreprises pour la R&D atteignaient 0,30 % du PIB.
L’Espagne dispose d’un crédit d’impôt non remboursable, qui
repose
sur
un
volet
« volume »
(taux
de
30 %)
et
un
volet
« accroissement »
(taux
de
50 %).
Un
crédit
d’impôt
sur
les
investissements (10 %) existe, ainsi qu’un crédit d’impôt innovation
(12 %) et un système préférentiel pour les dépenses de salaires. Depuis
2007, de nombreuses modifications ont affecté le dispositif. Le dernier en
date, dans un projet de loi approuvé en mai 2013, prévoit de rendre le
CIR remboursable. Malgré des taux élevés, la dépense fiscale reste
limitée (327 M€), en raison de sa faible utilisation par les entreprises
espagnoles (2 800 déclarants en 2011). Le système espagnol est jugé peu
attractif pour les entreprises espagnoles, qui sont peu orientées vers la
R&D et frappées par la crise.
La Corée est, avec le Canada et la France, l’un des pays les plus
attractifs en termes d'incitations fiscales en faveur de la R&D. Le crédit
d'impôt peut être calculé, soit en fonction du volume des dépenses de
recherche, soit de l'accroissement, et les taux sont modulés en faveur des
PME. En 2010, le coût de ce dispositif représentait 0,18 % du PIB.
3 -
Le cas des pays n’ayant pas mis en place de CIR
En Suède, il n’existe pas de crédit d’impôt recherche, mais le
soutien direct à la recherche des entreprises par subventions est élevé
(0,15 % du PIB). La part du financement public dans l’effort de recherche
des entreprises suédoises reste cependant faible (5,9 %, pour une
moyenne de l’OCDE de 8,9 %), en raison du niveau particulièrement
élevé de la R&D privée en Suède qui représente 2,35 % du PIB en 2010.
La Suède occupe le 1
er
rang dans le classement
Innovation Union
Scoreboard
de la Commission européenne pour son climat en faveur de
l’innovation.
En Allemagne, le sujet du crédit impôt recherche revient
régulièrement dans le débat politique. Le contrat de coalition prévoyait la
mise en place, au cours de la législature, d'un instrument de soutien fiscal
à la R&D, « à la condition que l’état des finances publiques le permette ».
Le programme de consolidation des finances publiques en juin 2010 en a
repoussé la mise en oeuvre. La recommandation de mettre en place un
CIR a été formulée par la commission d'Experts Recherche et Innovation,
EFI (qui effectue chaque année un audit du système de recherche à
destination du gouvernement), dans la perspective du gouvernement qui
UN INSTRUMENT AVANTAGEUX, D’UN COUT ELEVE POUR LES
FINANCES PUBLIQUES
43
sera mis en place après les élections de septembre 2013. Ce débat doit
cependant être replacé dans le contexte de l’évolution de la fiscalité
allemande, qui s’est caractérisée par un allègement de l’impôt sur les
sociétés depuis 10 ans. Le taux nominal effectif de taxation des bénéfices
est ainsi passé de 57 % en 1998 à 31 % en 2008.
La
proposition
du
rapport
de
MM.
Cromme
et
Beffa
« Compétitivité et croissance en Europe » (mai 2013) visant à généraliser
à l’échelle européenne les systèmes de CIR permettrait d’harmoniser
« facialement » la situation entre États membres. Toutefois, une telle
harmonisation interviendrait dans des systèmes fiscaux très divers, où
certains ont privilégié des taux élevés d’impôt sur les sociétés et des
mécanismes d’incitation (la France, par exemple) et d’autres, des taux bas
et plus de neutralité fiscale (l’Allemagne, par exemple). Ce rapport
recommande à la France et à l’Allemagne de définir des objectifs de
convergence fiscale.
B - Des comparaisons internationales placent la France
en tête de l’OCDE pour l’avantage fiscal accordé à la
R&D
La réforme du crédit d'impôt recherche en 2008 a eu d'importantes
conséquences sur la position de la France dans le classement international
des mécanismes d’incitation fiscale pour la R&D. L’OCDE recourt pour
ce classement à deux indicateurs : le
B-Index
qui établit le taux d’aide
fiscale par euro de R&D et le rapport de la subvention fiscale au PIB. Du
fait du déplafonnement et des taux élevés, le dispositif français apparaît
particulièrement généreux, quel que soit l’indicateur utilisé.
La France prend ainsi la 3
ème
place du classement des pays en
fonction de l’aide fiscale pratiquée pour un euro de R&D (
B-Index
).
44
COUR DES COMPTES
Graphique n° 1 : comparaison internationale du taux de
subvention fiscale par euro de R&D
Source : OCDE, 2013 (données 2011)
Cet indicateur a l’avantage de neutraliser les différentiels d'impôt
sur les sociétés et de prendre en compte l'ensemble des mécanismes
fiscaux retenus pour soutenir la R&D des entreprises (crédits d'impôt,
super-déductions). En mettant l'accent sur le taux et non pas sur le
volume réel des dépenses fiscales, il occulte toutefois des disparités
importantes entre pays. Alors que l'Espagne occupe la deuxième position
pour le taux d’aide, la part du PIB consacrée aux dépenses fiscales pour la
R&D montre le caractère limité du dispositif espagnol.
Une autre mesure de l'incitation fiscale consiste à rapporter le
montant de la dépense fiscale en faveur de la R&D au montant du PIB.
Dans cette optique, les mesures mises en place par la France en 2008 dans
le cadre du CIR ont considérablement accru le coût du dispositif pour
atteindre 0,26 % du PIB en 2010 et la France se situe désormais loin
devant ses partenaires.
UN INSTRUMENT AVANTAGEUX, D’UN COUT ELEVE POUR LES
FINANCES PUBLIQUES
45
Graphique n° 2 : comparaison internationale de la part des
dépenses fiscales et du soutien direct pour la R&D dans le PIB
Source : OCDE 2013 (données 2010 ou dernière année connue)
Avec la réforme de 2008, la France s’est ainsi dotée d’un
mécanisme qui la place en tête dans les comparaisons internationales.
Ainsi en 2010, le coût du crédit d'impôt recherche en France représentait
0,26 % du PIB contre 0,21 % au Canada, 0,18 % en Corée (2009), 0,05 %
aux États-Unis, 0,07 % au Royaume-Uni, avant les mesures récentes.
II
-
Un coût en très forte hausse, encore appelé à
croître
A - Des rythmes différents d’évolution de la créance et
de la dépense fiscales
La créance de CIR correspond au droit à crédit d’impôt constitué
par les entreprises au titre d’un exercice. La dépense fiscale annuelle
représente le coût du crédit d’impôt pour l’État. Si, en régime de
croisière, ces deux montants ont vocation à être similaires, tel n’est pas le
cas lorsque le régime du crédit d’impôt change.
C’est ainsi que la créance constituée par les entreprises au titre du
nouveau régime du CIR est, depuis 2008, d’un niveau de plus de 4,5 Md€
et croît régulièrement pour atteindre 5,2 Md€ en 2011, alors que la
dépense fiscale a connu de très fortes variations de niveau.
46
COUR DES COMPTES
Ces variations résultent d’un double mécanisme.
D’une part, le nouveau mode de calcul du CIR, applicable à partir
de 2008, a eu une incidence sur la dépense fiscale à compter de 2009,
mais devait s’étaler sur les trois années suivantes en raison des règles
d’imputation de la créance de CIR et n’atteindre sa pleine mesure qu’en
2012.
D’autre part, dans le cadre du plan de relance, les entreprises ont
bénéficié du remboursement anticipé de l’ensemble de leurs créances de
CIR en 2009 et 2010 : cette mesure s’est traduite par une forte
augmentation de la dépense fiscale pour ces deux exercices. Le stock de
créances de CIR des entreprises ayant été largement apuré à cette
occasion, la dépense fiscale des trois exercices suivants, à savoir 2011,
2012 et 2013, s’en est trouvée réduite d’autant et s’est située nettement
au-dessous de son régime de croisière.
C’est ainsi sur cinq ans que le plan de relance induit des effets sur
le niveau de la dépense fiscale associée au CIR, en raison de l’avantage
de trésorerie accordé aux entreprises en 2009 et 2010. La dépense fiscale
présentée dans le projet de loi de finances pour 2011 constitue de ce fait
un point bas, suivi d’un ressaut très significatif durant les trois exercices
suivants.
B - Une estimation de la dépense fiscale aux bases
fragiles
La prévision du montant de dépense fiscale repose sur un certain
nombre d’hypothèses concernant le niveau de la créance fiscale
constituée par les entreprises et la manière dont celle-ci se traduira dans le
temps en dépense effective.
En pratique, le chiffrage de la dépense fiscale liée au CIR est
réalisé par la direction de la législation fiscale sur la base d’estimations de
créances effectuées par la direction générale pour la recherche et
l’innovation et par la direction générale du Trésor. Les résultats sont
confrontés lors d’une ou plusieurs réunion(s) qu’organise à l’été, depuis
2010, la direction du budget dans le cadre de la préparation du projet de
loi de finances de l’année suivante, et à laquelle participent la direction
générale pour la recherche et l’innovation, la direction de la législation
fiscale, la direction générale du Trésor, ainsi que la direction générale des
finances publiques et la direction des affaires financières du ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche.
UN INSTRUMENT AVANTAGEUX, D’UN COUT ELEVE POUR LES
FINANCES PUBLIQUES
47
1 -
L’estimation de l’évolution de la créance de CIR
Au moment de l’élaboration du projet de loi de finances d’une
année n, seule la créance de CIR de l’année n-3 est connue, soit celle de
2011 pour l’élaboration du projet de loi de finances pour 2014
24
. Cela
suppose, dans la perspective de la programmation triennale des finances
publiques, d’effectuer une prévision sur quatre années. À cette fin, la
direction générale pour la recherche et l’innovation et la direction
générale du Trésor ont développé une méthode d’estimation.
Les méthodes utilisées par les deux directions diffèrent mais font
toutes deux intervenir de nombreux paramètres : les estimations du PIB,
le lien entre l’évolution du PIB et la dépense intérieure de R&D des
entreprises, le lien entre cette dépense et le CIR, avec, pour la direction
générale du Trésor, la prise en compte d’effets d’entraînement du crédit
d’impôt
25
.Cette direction présente ses résultats sous la forme d’un
scénario haut et d’un scénario bas. La direction générale pour la
recherche et l’innovation pour sa part produit une estimation moyenne,
avec un intervalle de confiance.
Les simulations effectuées sur ces bases ont présenté des écarts
importants jusqu’en 2011 inclus.
Tableau n° 4 : estimations de la créance par la direction générale du
Trésor et la direction générale de la recherche et l’innovation en 2011
(en M€)
2011
2012
2013
2014
Prévision
2011
DG Trésor effet additif
5 094
5 268
5 476
5 684
DG Trésor effet levier de 2
5 399
5 731
6 104
6 332
DGRI estimation moyenne
4 727
4 935
5 153
DGRI intervalle de confiance
4 600-
4 854
4 671-
4 742
5 207-
5 586
Chiffre retenu dans le projet de loi de
finances 2012
5 094
5 268
5 476
Source : réponses de la direction général du Trésor et de la direction
générale pour la recherche et l’innovation à la Cour
Ainsi pour la préparation du projet de loi de finances pour 2012, le
scénario bas de la direction générale du Trésor (5,1 Md€ pour la créance
2011) n’était pas compris dans l’intervalle de confiance des résultats de la
24
Les données sont celles de la base GECIR de la direction générale pour la recherche
et l’innovation.
25
Les méthodologies sont présentées de façon plus détaillée en annexe « Les
méthodes d’estimation de la créance de la direction générale pour la recherche et
l’innovation et de la direction générale du Trésor ».
48
COUR DES COMPTES
direction générale pour la recherche et l’innovation et le scénario haut
menait à des résultats supérieurs (5,4 Md€). Il fut finalement décidé de
retenir pour l’estimation des créances fiscales 2010 et 2011 le scénario
bas de la direction générale du Trésor.
Les estimations produites pour 2012 et 2013 reproduisent le même
type d’écarts : les chiffrages de la direction générale pour la recherche et
l’innovation (4,9 Md€ en 2012 et 5,2 Md€ pour 2013) sont nettement au-
dessous du scénario bas de la direction générale du Trésor (5,3 Md€ en
2012 et 5,7 Md€ en 2013). Tout au plus peut-on noter un début de
convergence dans les estimations présentées pour 2013.
La direction de la législation fiscale a précisé les estimations
retenues pour la préparation des lois de finances en faisant état de
fourchettes : entre 4 et 4,2 Md€ de créance pour 2008 et 2009 dans le
projet de loi de finances pour 2010
; entre 4,1 et 4,7 Md€ pour 2009 et
4,1 et 5,075 Md€ pour 2010 dans le projet de loi de finances pour 2011;
entre 5,1 et 5,35 Md€ pour la créance 2010 et entre 4,2 et 5,4 Md€ pour la
créance 2011 dans le projet loi de finances pour 2012. L’ampleur de la
fourchette pour la créance 2011 montre les incertitudes entourant la
prévision de créance de CIR lors de la préparation des lois de finances.
2 -
La traduction de la créance sous forme de dépense fiscale
Le passage de la créance constituée par les entreprises à la dépense
fiscale présentée dans les lois de finances est estimé selon une clé de
répartition définie par la direction de la législation fiscale. Cette clé
repose sur l’analyse de la dépense fiscale, dont la dernière année
d’exécution connue lors de l’élaboration de la loi de finances est l’année
n-2, soit 2012 pour la préparation de la loi de finances pour 2014
26
.
L’estimation du coût de la dépense fiscale des années n et n-1 était
effectuée avant la mise en oeuvre du plan de relance et, en 2011, sur la
base d’une clé d’imputation des millésimes de créances de CIR de 40 %
la première année, 10 % les deux années suivantes et 40 % la dernière
année. Cette clé reposait sur les imputations observées avant 2008.
26
Cf. annexe « Établissement des données d’exécution de la dépense fiscale ».
UN INSTRUMENT AVANTAGEUX, D’UN COUT ELEVE POUR LES
FINANCES PUBLIQUES
49
Tableau n° 5 : clé constatée pour les imputations (I) et les restitutions
(R) (en M€)
En grisé, données impactées par le plan de relance ;
Source : Cour des comptes à partir des données de GF3C
Les données disponibles tendent à montrer que la clé de répartition
utilisée jusqu’à l’été 2011 a eu pour effet de trop lisser dans le temps
l’imputation des créances de CIR et les restitutions par rapport aux
tendances observées : le niveau d’imputation et de restitution en première
année est ainsi de 49 % pour la créance 2007.
Cette clé de répartition peut être sensible à la conjoncture
économique, la part des restitutions devant augmenter aux points bas du
cycle. En augmentant le droit à crédit d’impôt, la réforme de 2008 peut
avoir en outre modifié les capacités d’imputation des entreprises qui ne
sont pas concernées par le remboursement anticipé et générer des
restitutions plus importantes à l’issue de quatre ans. Enfin, la mise en
oeuvre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui repose sur
les mêmes mécanismes de constatation que le CIR et qui est prévu pour
se monter à 20 Md€, pourra à l’avenir jouer sur la capacité des entreprises
à imputer leur créance de CIR sur l’impôt dû et venir également renforcer
la part des restitutions effectuées à l’issue de quatre ans.
Sur les bases retenues dans le projet de loi de finances pour 2012,
la dépense fiscale était réputée rester à peu près stable en 2011 et 2012
(2,3 Md€) et devait connaître en 2013 une première dynamique pour
atteindre 3,14 Md€. En réalité, la dépense de 2011 s’est élevée à
3,07 Md€ et celle de 2012 à 3,37 Md€.
La prévision de la mobilisation des créances de CIR sert à évaluer
la dépense fiscale effective. Elle repose aujourd’hui sur des bases ténues,
sans que les incertitudes méthodologiques soient indiquées dans les
documents budgétaires.
3 -
Le projet de loi de finances pour 2013
Dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de 2011
publié en mai 2012, la Cour a mis notamment l’accent sur les dépenses
Année Créance
I
R
%
I
R
%
I
R
%
I
R
%
2011
5 150
1 718,4
867,7 50%
2010
5 050
475,5 172,7 13%
2009
4 700
1 205,7
3 187,6
93%
11,7
51,4
1%
2008
4 500
1 355,4
2 783,4
92% 169,8 195,3
8%
1,2
51,1
1%
2007
1 800
729,3
151,0 49% 171,3 795,5 54%
3,9
30,7
2%
0%
2006
1 500
149,7
37,2 12% 29,5 570,3 40%
2,1
64,4
4%
2005
1 000
28,6
7,9
4% 24,3 373,4 40%
2004
950
24,4 318,1 36%
N+1
N+2
N+3
N+4
50
COUR DES COMPTES
fiscales et alerté sur les incertitudes et les risques liés au chiffrage du
CIR. Les données provisoires d’exécution alors disponibles (2,86 Md€ de
dépense
fiscale
provisoire
en
2011)
venaient
corroborer
cette
préoccupation sur la sous-estimation de la dépense fiscale prévue en 2011
et en 2012 et le ressaut très significatif qu’il serait dès lors nécessaire de
constater en 2013 et 2014.
Dans ce contexte, les estimations de créances effectuées à l’été
2012 par la direction générale pour la recherche et l’innovation et la
direction générale du Trésor se sont rapprochées des valeurs élevées qui
portent la créance de CIR entre 5,3 et 6 Md€ en 2014, la direction
générale pour la recherche et l’innovation ayant notamment pris en
compte une évolution positive du ratio de R&D sur PIB.
Tableau n° 6 : estimation de la DGRI et de la direction générale du
Trésor (été 2012, M€)
Estimation
moyenne de
la DGRI
Intervalle de
confiance pour la
DGRI (95 %)
Estimation DG Trésor
Scénario haut :
effet de levier de 2
Scénario bas :
effet d’addition pur
2011
5 277
(5 231 – 5324)
5 248
4 890
2012
5 527
(5 430 – 5625)
5 488
4 988
2013
5 751
(5 591 – 5915)
5 782
5 132
2014
6 012
(5 792 – 6238)
5 982
5 309
Source : direction générale de la recherche et de l’innovation et
direction générale du Trésor
La dépense fiscale qui en résulte est de 3,4 à 3,7 Md€ en 2013 et
de 5,1 à 5,5 Md€ en 2014 pour la direction générale du Trésor. La
projection sous forme de dépense fiscale des estimations de la direction
générale pour la recherche et l’innovation aboutit à un résultat
comparable pour 2014 (5,4 Md€) et inférieur pour 2013 (3,2 Md€).
Si les estimations de créance ont ainsi convergé vers des valeurs
élevées à l’été 2012, des incertitudes n’en subsistent pas moins, liées
notamment à l’impact des ajustements du dispositif décidés dans la loi de
finances pour 2011. Surtout, des inconnues très fortes existent sur les
modalités d’imputation de leurs créances par les entreprises. Il est urgent
que les services de la direction générale des finances publiques renforcent
leurs capacités d’analyse sur ce sujet.
Le projet de loi de finances pour 2013 retient le chiffre de
3,35 Md€ pour la dépense fiscale 2013. Ce montant se situe entre les
prévisions de la direction générale pour la recherche et l’innovation et
celles de la direction générale du Trésor. La direction de la législation
fiscale en rend compte par une estimation affinée de la clé de ventilation
de la créance (45,38 % la première année, 8,2 % les deux suivantes et
UN INSTRUMENT AVANTAGEUX, D’UN COUT ELEVE POUR LES
FINANCES PUBLIQUES
51
38,22 % la dernière année), avec des estimations de créance de 5,25 Md€
en 2011et 5,5 Md€ en 2012.
Les travaux d’estimation de la dépense fiscale dans le cadre de la
préparation du projet de loi de finances pour 2014 n’avaient pas été
menés au moment où la Cour achevait son rapport.
La disposition de la loi de programmation des finances publiques,
qui prévoit une évaluation annuelle des dépenses fiscales par cinquième
chaque année, n’a pas concerné le crédit d’impôt recherche, celui-ci
faisant partie, selon la réponse de la direction de la législation fiscale,
« des dispositifs d’ores et déjà sanctuarisés. »
C - Un risque pour les finances publiques à horizon
2014 et au-delà
Au-delà des fragilités qui entourent l’estimation du coût du CIR,
les ordres de grandeur en jeu permettent de tirer un certain nombre de
constats. Ceux-ci sont de trois types.
1 -
Une créance comprise entre 5,5 Md€ et 6,2 Md€ en 2014
Les estimations des administrations convergent à horizon 2014
vers une créance de CIR de 6 Md€ : à l’été 2012, la direction générale du
Trésor estimait la créance 2014 entre 5,3 Md€ et 6 Md€ ; la DGRI
l’estime à 6 Md€ dans un intervalle de confiance compris entre 5,8 et
6,2 Md€. Ces chiffres ne tiennent pas compte de la mise en place du
crédit d’impôt innovation dans la loi de finances pour 2013 dont le coût
net est estimé à 200 M€, portant ainsi à 6,2 Md€ l’estimation de la
créance fiscale. Le CIR deviendrait la première dépense fiscale du budget
de l’État, compte non tenu du crédit d’impôt en faveur de la compétitivité
et de l’emploi.
La créance de CIR de 2011 est désormais connue : 5,2 Md€. Elle
tient compte de l’effet des ajustements du régime du CIR adoptés dans la
loi de finances initiale pour 2011. Ces ajustements avaient été chiffrés à
471 M€ pour 2011 par la direction générale pour la recherche et
l’innovation
27
. Au vu des déclarations effectuées en 2011, ils se montent
finalement à 400 M€ et devraient atteindre 500 M€ en régime de
croisière. Ainsi, sans ces mesures, la créance aurait atteint 5,6 Md€ en
2011. La créance de 2011 corrobore l’estimation moyenne fournie par la
27
Le détail est présenté en annexe « Les effets des mesure d’ajustements décidés dans
la loi de finances initiale pour 2011 ».
52
COUR DES COMPTES
direction générale pour la recherche et l’innovation à l’été 2012 ainsi que
le scénario haut proposé par la direction générale du Trésor.
Les estimations de créance sont surtout sensibles aux hypothèses
relatives à l’effet d’entraînement du CIR et au rythme des entrées et
sorties des bénéficiaires. Pour estimer comment la créance de 2011 peut
évoluer entre 2012 et 2014, une hypothèse basse consiste à retenir
l’évolution la moins dynamique proposée par les administrations dans
leurs scénarios. Dans cette hypothèse basse, la créance serait de 5,5 Md€
en 2014, compte tenu de l’introduction du crédit d’impôt innovation. Une
hypothèse moins dégradée, plus réaliste mais néanmoins prudente,
conduirait à retenir une dynamique annuelle de la créance de 4 %, ce qui
porte la créance autour de 5,7 Md€ en 2014.
Il est donc réaliste de considérer qu’à l’horizon 2014, la créance
sera
a minima
de 5,5 Md€ et pourrait atteindre 6,2 Md€.
2 -
Un ressaut inéluctable de la dépense fiscale en 2014
Dans tous les cas de figure, le niveau de la dépense fiscale associée
au CIR rejoindra en 2014 celui de la créance fiscale en 2014.
En effet, à cet horizon, quatre années de dispositif post-plan de
relance se seront écoulées et les entreprises pourront obtenir le
remboursement de leurs créances non imputées sur l’impôt sur les
sociétés des exercices précédents. Ce sera donc dans le projet de loi de
finances pour 2014 que, pour la première fois depuis la fin du plan de
relance, la dépense fiscale correspondra à l’équivalent de 100 % de la
créance constituée par les entreprises.
Tableau n° 7 : passage de la créance à la dépense fiscale
Dépense fiscale
millésime de créance
2011
2012
2013
2014
2010
45,38 %
8,2 %
8,2 %
38,22 %
2011
45,38 %
8,2 %
8,2 %
2012
45,38 %
8,2 %
2013
45,38 %
Dépense fiscale en % de créance
45,38 %
53,58 %
61,78 %
100 %
Source : Cour des comptes à partir de la clé de répartition de la DLF
Ce résultat n’est pas sensible à la clé de répartition retenue pour
imputer les créances sur les quatre exercices possibles. Le rythme auquel
se fera la remontée entre 2012 et 2014 y est, en revanche, sensible.
UN INSTRUMENT AVANTAGEUX, D’UN COUT ELEVE POUR LES
FINANCES PUBLIQUES
53
Ce ressaut est inéluctable. Il tient en effet à des créances qui sont
déjà installées (2010 et 2011), en cours d’installation (2012) ou pour
lesquelles la loi de finances ne prévoit pas de changements d’échelle
(2013)
28
, quel que soit l’impact du cycle économique.
Dès 2013, un ressaut de 1,05 Md€ a été prévu dans l’équilibre du
budget de l’État, en cohérence avec une prévision de dépense fiscale de
3,35 Md€. Ce ressaut est sans commune mesure avec les crédits nouveaux
prévus pour l’ensemble de la mission interministérielle recherche et
enseignement supérieur (100 M€ au total).
En 2014, un ajustement d’une ampleur plus grande sera nécessaire.
Il devra être de plus de 2,2 Md€ si l’on retient les prévisions de créance
de la direction générale pour la recherche et l’innovation et de la direction
générale du Trésor en tenant compte de la mise en place du crédit d’impôt
innovation (soit 2,25 Md€ et 2,35 Md€ pour porter le niveau de la
dépense fiscale à 5,6 et 5,7 Md€).
Même si l’on retient un scénario dégradé et si l’on estime le niveau
de la créance
a minima
, la dépense fiscale de 2014 ne devrait pas se situer
en dessous du point bas de 5,3 Md€, supposant un ajustement minimum
de 2 Md€ dans la loi de finances pour 2014.
L’ajustement à financer en trésorerie sera d’un niveau moins élevé
puisqu’il se fera par rapport à la dépense fiscale effectivement portée en
2013, dont l’exécution en 2012 laisse à penser qu’elle se situera au-dessus
des 3,35 Md€ prévus. Une partie du ressaut du CIR sera ainsi constatée
dans l’exécution du déficit de l’État.
Etant donné les contraintes qui pèsent sur les finances publiques,
l’augmentation du coût du crédit d’impôt recherche constitue un sujet
d’attention pour la construction du projet de loi de finances pour 2014.
3 -
Une dépense fiscale appelée à augmenter après 2014
Le rapport du sénateur Berson en juillet 2012 estime que le coût du
CIR devrait atteindre 5 à 6 Md€ en 2014, puis évoluer comme le PIB.
C’est une hypothèse qui paraît pessimiste au regard de la dynamique
passée du CIR et de l’objectif de politique publique qui lui est attaché, à
savoir porter à 2 % du PIB la dépense de R&D des entreprises.
Estimer que le coût du CIR devrait se comporter comme le PIB,
c’est en effet partir d’une double hypothèse :
28
À l’exception de l’ajout de 200 M€ pour la création du crédit d’impôt innovation.
54
COUR DES COMPTES
-
premièrement, que les entreprises ne vont pas à l’avenir tirer
de mieux en mieux parti du dispositif de façon à déclarer au
CIR l’équivalent de ce qu’elles déclarent dans leurs dépenses
intérieures de R&D et qui est éligible au crédit d’impôt ;
-
deuxièmement, que le taux de dépense intérieure de R&D des
entreprises sur PIB sera stable, alors que la visée du CIR est de
l’améliorer pour le rapprocher de 2 %.
Dans le cadre de l’instruction conduite par la Cour en 2012, il a été
demandé à la direction générale pour la recherche et l’innovation de
fournir les éléments permettant d’estimer ce que serait la créance de CIR
si les entreprises présentaient au CIR l’équivalent des dépenses qu’elles
déclarent dans l’enquête sur leurs dépenses de R&D éligibles au crédit
d’impôt
29
.
Par ailleurs, deux projections ont été établies pour estimer la
dynamique potentielle du CIR en cas de réalisation totale ou partielle de
l’objectif de Barcelone. En cas d’atteinte de l’objectif de Barcelone, soit
un ratio de 2 % de dépense de R&D des entreprises dans le PIB, la
créance de CIR s’établirait entre 9,7 et 13 Md€
2010
, avec une valeur
médiane estimée à 11 Md€
2010,
soit 0,6 point de PIB. Dans l’hypothèse
d’un ratio de dépenses de R&D des entreprises sur PIB de 1,6 %, soit la
réalisation de la moitié de l’objectif fixé, le coût du CIR se situerait entre
8 Md€
2010
et 10,6 Md€
2010
, avec une hypothèse médiane à 9 Md€
2010
, soit
0,5 point de PIB. Or les paramètres du crédit d’impôt recherche n’ont pas
été pensés en fonction de ces hypothèses, bien que la France ait réitéré
dans la stratégie Europe 2020 l’objectif de parvenir à un taux de dépense
intérieure de R&D des entreprises de 2 % du PIB.
Si la progression vers l’objectif de Barcelone n’est pas acquise, en
revanche, la convergence entre les déclarations de CIR et les dépenses
éligibles retracées dans l’enquête sur la R&D des entreprises est en train
de se réaliser.
29
Une annexe précise la méthodologie retenue ainsi que les chiffrages détaillés
obtenus pour cette simulation et les deux projections qui lui sont associées.
UN INSTRUMENT AVANTAGEUX, D’UN COUT ELEVE POUR LES
FINANCES PUBLIQUES
55
Tableau n° 8 : simulation de créance crédit d’impôt
recherche 2010, en cas de convergence de déclaration avec
l’enquête R&D
(*) Les dépenses éligibles au crédit d’impôt recherche ne sont pas un concept
de l’enquête R&D. Un retraitement explicité en annexe permet de construire
cet indicateur approximé.
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche-Sies,
calculs Cour des comptes
En cas de convergence avec l’enquête sur la recherche et
développement des entreprises, la créance de CIR s’établirait entre 6 Md€
et 8 Md€ avec une hypothèse médiane à 7 Md€ en valeur 2010, soit
0,4 point de PIB.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Le crédit d’impôt recherche français est aujourd’hui le mécanisme
de soutien fiscal à la R&D le plus généreux de l’OCDE, si l’on prend en
compte son montant rapporté au PIB (0,26 %), loin devant le Canada
(0,21 %).
L’estimation de la créance constituée par les entreprises au titre
du CIR, comme sa traduction en dépense fiscale, sont particulièrement
délicates tant que le crédit d’impôt n’aura pas trouvé son régime de
croisière. Il n’est possible de donner en l’état qu’un ordre de grandeur
dans les lois de finances initiales. Il importe à cet égard que l’État
accélère la production des données sur le CIR : la créance constituée par
les entreprises au titre d’une année n’est aujourd’hui connue qu’un an et
demi plus tard. Une meilleure mobilisation des estimations effectuées à
l’automne de l’année suivant la déclaration permettrait d’affiner les
chiffrages utilisés lors de l’adoption des lois de finances.
La créance de CIR s’est montée à 5,17 Md€ en 2011. Elle devrait
se situer entre 5,5 et 6,2 Md€ en 2014. Dans ces conditions, un important
ressaut de la dépense fiscale est inéluctable en 2014. En effet, à compter
de cette date, les conséquences du plan de relance ne se feront plus sentir
Dépenses
éligibles au
CIR*
Créance de
convergence à
l’enquête
estimée
Créance de
convergence à
l’enquête
estimée
à structure de
déclaration
constante
sous hypothèse
que tout est
déclaré sous le
seuil des 100M€
21,71
6,1
7,5
23,62
6,8
8,0
A partir des données 2010 SD
en milliards d'euros
Hypothèse basse :
la sous-traitance
en France est déclarée par les
donneurs d’ordre
Hypothèse haute :
la sous-traitance
en France est déclarée par les sous-
traitants comme une dépense
intérieure
56
COUR DES COMPTES
et la dépense fiscale, entrée en régime de croisière, correspondra à
l’équivalent de 100 % de la créance constituée par les entreprises. Dès
2013, un ressaut de 1,05 Md€ a été prévu dans l’équilibre de la loi de
finances. En 2014, un ajustement d’une ampleur plus grande sera
nécessaire. Il devrait être d’au moins 2 Md€, correspondant à une
dépense fiscale d’au moins 5,3 Md€.
La dynamique du CIR devrait se poursuivre par la suite : la
dépense fiscale pourrait rapidement converger vers 6 Md€ et atteindre
7 Md€
2010
dans le cas où les entreprises déclareraient au crédit d’impôt
recherche toutes leurs dépenses de R&D éligibles figurant dans l’enquête
statistique sur la R&D, soit 0,4 point de PIB. En cas d’amélioration du
ratio de dépenses de R&D sur PIB, cette dynamique serait plus soutenue.
Cette situation pose la question de la soutenabilité du dispositif actuel au
regard des autres priorités des finances publiques.
Au vu de ces éléments, la Cour formule les recommandations
suivantes :
2.
accélérer la production des données d’exécution relatives au CIR,
affiner leur analyse et faire apparaître les incertitudes qui entourent
le chiffrage du CIR dans les documents annexés aux lois de finances ;
3.
tenir compte de la dynamique prévisible de la dépense fiscale lors de
l’élaboration des lois de finances.
Chapitre III
La difficile mesure de l’efficacité du
CIR
Le crédit d’impôt en faveur de la recherche a été conçu comme une
aide à la R&D des entreprises. Son objectif premier, de nature structurelle
et de long terme, est de stimuler cette dépense, considérée comme un
élément clé de la compétitivité du tissu économique et du développement
futur de l’emploi. Face à cet objectif explicite, la mesure de l’efficacité du
CIR consiste à examiner si la dépense de R&D des entreprises a été
effectivement stimulée par l’aide fiscale apportée.
Le CIR et sa réforme en 2008 s’inscrivent également dans un
objectif plus large d’attractivité du territoire, à la fois pour attirer des
investissements étrangers et pour éviter des délocalisations de la part
d’entreprises françaises.
Enfin, l’impact du CIR peut s’apprécier vis-à-vis du système fiscal,
à la fois sur le domaine de la propriété intellectuelle (au-delà de la seule
phase de recherche) et au regard de la politique générale suivie en matière
d’impôt sur les sociétés. Il peut en effet être présenté, et il l’a été, comme
une baisse de l’impôt sur les sociétés ciblée sur les secteurs les plus
exposés à la concurrence internationale.
C’est en regard de ces objectifs que l’efficacité du CIR doit être
examinée, compte tenu de l’évolution des bénéficiaires du crédit d’impôt
depuis 2008.
58
COUR DES COMPTES
I
-
Un nombre croissant de bénéficiaires
En 2011, près de 19 700 entreprises ont déposé une demande de
crédit d’impôt en faveur de la recherche, soit 0,5 % des entreprises en
France
30
. Le montant des dépenses déclarées a atteint 18,4 Md€, et génère
un crédit d’impôt de 5,17 Md€, correspondant à un taux moyen de crédit
d’impôt de 28,1 %. Cette situation est très éloignée de celle de 2007 : le
CIR concernait moins de 10 000 entreprises, dont les 15,4 Md€ de
dépenses déclarées généraient une créance de 1,81 Md€ (soit un taux de
crédit d’impôt de 11,8 %).
Pour mesurer l’évolution du dispositif, la Cour a analysé et retraité
les déclarations de CIR pour la période 2007 à 2011, année pour laquelle
les données sont disponibles depuis mai 2013
31
.
La base de données de gestion du crédit d’impôt recherche, seule
source d’information sur le contenu des déclarations 2069A initiales
Depuis 1994, le ministère chargé de la recherche entretient une base
de données de gestion du CIR (GECIR) à partir du deuxième exemplaire du
Cerfa 2069A que les entreprises doivent lui adresser. GECIR archive à la fois
l’historique des déclarations et des procédures.
La base GECIR est la seule base de données comportant l’intégralité
des lignes de la déclaration fiscale. Le calendrier de réception des
déclarations qui s’étale sur trois ans, amène régulièrement à actualiser les
bases. Toutefois l’exhaustivité des déclarations n’est pas assurée, car rien ne
garantit le respect de la procédure d’envoi au ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche de la déclaration.
La qualité de ces bases n’a, en
outre, jamais été expertisée. Depuis plusieurs années, les grandes entreprises
font l’objet d’un suivi particulier qui assure qu’en mai n+2, leurs déclarations
pour le CIR au titre de l’année n soient bien intégrées.
30
Champ : France ; activités marchandes hors agriculture, Source INSEE.
31
Voir annexe « Base de données des déclarations 2069A pour demande de crédit
d’impôt en faveur de la recherche (GECIR) ».
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
59
Les bases GECIR délivrent une information sur la déclaration initiale
des entreprises. Les informations relatives aux redressements fiscaux ou aux
déclarations rectificatives des entreprises n’y sont pas prises en compte. À
défaut de dématérialisation de la déclaration de CIR, c’est la seule source
utilisée par les administrations pour connaître le nombre de bénéficiaires, les
dépenses déclarées et la créance du CIR.
A - Un doublement du nombre de bénéficiaires entre
2007 et 2011
En 2011, le nombre d’entreprises déclarant des dépenses de R&D
pour bénéficier du crédit d’impôt recherche est de 19 690. Ce chiffre est
en augmentation de 11 % par rapport à celui de 2010 (17 710). Entre
2007 et 2011, le nombre de déclarants a été multiplié par deux,
essentiellement du fait des fortes entrées dans le dispositif en 2008
(+3 500 entreprises) et en 2009 (+3 200 entreprises). Le ralentissement de
la progression du nombre de déclarants et de bénéficiaires observé en
2010 n’est pas confirmé en 2011.
Tableau n° 9 : évolution des déclarants et bénéficiaires du CIR, 2007-
2011
Déclarants/bénéficiaires
On distingue les « bénéficiaires du CIR » des « déclarants au CIR ».
Les premiers sont moins nombreux que les seconds, du fait des déclarations
concernant les groupes fiscalement intégrés où la maison mère bénéficie du
CIR pour ses filiales. C’est le cas de plus de 2 500 groupes fiscalement
intégrés, dont la taille est très variable.
Contrairement au choix qui est fait dans les publications du ministère
de l’enseignement supérieur et de la recherche, le concept de déclarant est
privilégié dans les analyses qui suivent. Il permet de rendre compte des
déclarations effectuées à l’intérieur des groupes intégrés et de leurs
évolutions.
bénéficiaires du CIR
année fiscale
nombre
évolution
n/n-1
nombre
évolution
n/n-1
2007
9 840
7 020
2008
13 360
36%
9 920
41%
2009
16 550
24%
12 340
24%
2010
17 710
7%
12 850
4%
2011
19 690
11%
14 880
16%
évolution 2007-2011
112%
déclarants au CIR
100%
Sources : Chiffres du CIR 2010 , MESR mai 2012 et calculs Cour des Comptes
60
COUR DES COMPTES
L’évolution du nombre de déclarants est bien plus forte que la
démographie des entreprises de R&D sur la même période (+ 50 %). Elle
révèle l’effet de l’attractivité du dispositif fiscal après 2008, plus qu’une
implication de nouvelles entreprises dans des activités de R&D.
En 2011, 80 % des déclarants au crédit d’impôt recherche (que ce
soit pour leur compte propre ou au sein d’une intégration fiscale) sont des
entreprises de moins de 250 salariés, dont la grande majorité (74 %) sont
fiscalement indépendantes. Seules 5 % des déclarants ont plus de
500 salariés. Les entreprises de plus de 5 000 salariés représentent un
petit nombre de déclarants (60 en 2007, 86 en 2011) et sont toutes
intégrées fiscalement.
Intégration fiscale et calcul du CIR
Pour le crédit d’impôt recherche, la notion d’entreprise indépendante
est entendue en référence à l’intégration fiscale des groupes. Le régime de
l’intégration fiscale est défini à l’article 223A du code général des impôts.
C’est une option que peut prendre une société mère pour intégrer dans le
calcul de son bénéfice fiscal les bénéfices de ses filiales détenues à plus de
95 %. La société mère paye ainsi l’impôt sur les sociétés pour l’ensemble de
ses filiales intégrées. Dans le cas du CIR, les filiales déclarent les dépenses
de R&D et calculent leur CIR, la société mère cumulant les crédits d’impôt
de ses filiales et bénéficiant du crédit d’impôt.
L’évolution de la structure par taille des entreprises qui déclarent
du
CIR entre 2007 et 2011 est assez difficile à analyser à partir des bases
de données GECIR du fait de la non-déclaration
32
du nombre de salariés
en 2007 dans 18 % des cas. Toutefois la part des entreprises « se
déclarant » de moins de 250 salariés augmente de dix points sur la
période, passant de 70 % à plus de 80 %. En nombre, l’écart est très
marqué : en 2011 plus de 14 000 entreprises de moins de 250 salariés ont
bénéficié du CIR (soit 7 % des entreprises de moins de 250 salariés en
France
33
), elles étaient moins de 7 000 en 2007.
32
dans le Cerfa 2069A
33
Champ : France ; activités marchandes hors agriculture, Source Insee.
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
61
Tableau n° 10 : évolution de la structure par taille des déclarants au
CIR et statut fiscal
Source : Cour des Comptes à partir des bases GECIR
La part des entreprises indépendantes fiscalement a augmenté de
10 points (de 58 % en 2007 à 69 % en 2011).
B - Des dépenses déclarées moins dynamiques
1 -
Une évolution régulière des dépenses déclarées au CIR entre
2000 et 2011
Les dépenses déclarées au CIR sont passées d’un peu plus de
10 Md€ en 2000 à 18,4 Md€ en 2011, soit une augmentation en 11 ans de
47 % à prix constants (en volume). Cette croissance suit une tendance
assez régulière dans le temps et correspond à un taux de croissance
annuel moyen de 4 % par an entre 2000 et 2011. Cette croissance
représente le double de l’évolution des dépenses de recherche et
développement des entreprises : la DIRDE croît en moyenne de 2 % par
an sur la période. Entre 2008 et 2010, l’écart est plus significatif : les
dépenses déclarées au CIR croissent de 15 % (soit en moyenne + 7 %
par
an), alors que les dépenses de R&D des entreprises restent sur la même
tendance (2 % par an en moyenne). Entre 2010 et 2011, les dépenses
déclarées au CIR marquent un palier et baissent en euros constants.
2007
2011
2007
2011
moins de 10 salariés
30%
91%
10 à 49 salariés
32%
75%
50 à 99 salariés
9%
53%
100 à 249 salariés
10%
41%
moins de 250 salariés
70%
80%
70%
74%
250 à 499 salariés
5%
5%
28%
29%
500 à 1 999 salariés
4%
23%
2 000 à 4 999 salariés
1%
15%
5 000 et plus
1%
0%
18%
7%
18%
10%
31%
70%
TOTAL
100%
100%
58%
69%
Toutes entreprises
Entreprises
indépendantes
fiscalement
6%
23%
62
COUR DES COMPTES
Graphique n° 3 : évolution des dépenses déclarées au CIR, et de la
créance de 2000 à 2011
L’évolution de la créance constituée par les entreprises sur les dix
dernières années reflète, quant à elle, les évolutions de la législation :
premier seuil en 2004 avec l’élargissement d’assiette et l’introduction
d’une part en volume (5 %) ; deuxième palier en 2006 correspondant au
passage à 10 % de la part en volume et au rehaussement du plafond du
CIR ; enfin réforme de 2008.
2 -
La moitié des entreprises déclarent moins de 181 000 € en
2011
La distribution des dépenses déclarées en 2011 est à l’image de la
structure par taille des déclarants au CIR : 88 % des déclarations
concernant moins d’un million d’euros
34
.
Au-delà, un peu moins de mille entreprises déclarent entre 1 et
2 M€ et moins de cinquante entreprises déclarent des dépenses au-delà de
50 M€. Seul un tout petit nombre d’entre elles déclarent des dépenses de
R&D d’un montant supérieur au seuil de 100 M€ (17 entreprises). De fait,
le plafond des 100 M€ concerne très peu d’entreprises, un plafond naturel
se dessinant au-delà de 30 M€.
34
Cette distribution est conforme aux statistiques nationales de R&D : en 2010, 5 %
des entités effectuant des travaux de recherche et développement (R&D), réalisent
70 % de la DIRDE (RERS 2012, MEN-MESR).
(montant en M€ courants)
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Dépenses de R&D déclarées
10 250
10 700
11 700
11 350
12 500
13 500
13 700
15 400
15 600
17 000
18 200
18 400
Montant du CIR - Créance
550
500
500
450
950
1 000
1 500
1 800
4 500
4 700
5 050
5 150
10 000
11 000
12 000
13 000
14 000
15 000
16 000
17 000
18 000
19 000
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Dépenses de
R&D déclarées -
M€ constants
Dépenses de
R&D déclarées -
M€ courants
Dépenses déclarées au CIR
Sources : MESR
0
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Créance du CIR -
M€ constants
Créance du CIR -
M€ courants
Créances CIR
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
63
Graphique n° 4 : distribution des dépenses de R&D déclarées au CIR
en 2011
Parmi les déclarations portant sur des montants de moins d’1 M€
35
,
les quatre cinquièmes des entreprises déclarent des dépenses inférieures à
500 000 €, et la moitié des entreprises déclarent moins de 181 000 €. La
distribution est très ramassée autour de 40 000 € et un quart des
entreprises déclarent moins de 55 000 €.
La première moitié des entreprises (celles déclarant moins de
181 000 € de dépenses de R&D) déclare dans son ensemble 730 M€, soit
4 % du total déclaré (18,4 M€) ; les entreprises déclarant plus de 30 M€
(0,4 % des entreprises) déclarent à elles seules 7 Md€, soit 38 % du total
déclaré.
Les entreprises exposant les plus petits montants de R&D ne sont
pas forcément les plus petites entreprises en nombre de salariés. Les
entreprises de moins de 250 salariés (80 % des entreprises déclarantes)
présentent 5,2 Md€ de dépenses (soit 28 % du total déclaré). À titre de
comparaison, la somme des déclarations de moins d’1 M€ représente
18 % du total exposé (par les 88 % plus petits déclarants). À l’inverse, les
entreprises de plus de 5 000 salariés (0,4 % des déclarantes) soumettent
7 Md€, soit 38 % du total déclaré.
35
Voir annexe « Analyses statistiques complémentaires ».
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
1000
<1 1
2
3
4
5
6
7
8
9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 +
50
> 15 000 entreprises
Sources : MESR GECIR 2011, retraitements Cour des Comptes
Lecture : Moins de 350 entreprises déclarent des dépenses de R&D comprises entre 2 M€ et 3 M€
par tranche de 1 mi lion d'euros
F
R
E
Q
U
E
N
C
E
64
COUR DES COMPTES
Tableau n° 11 : dépenses de R&D déclarées au CIR par taille
d’entreprises déclarantes
Sur la période 2007-2011, l’accroissement des dépenses déclarées
(+ 3 Md€) est surtout le fait des entreprises de moins de 250 salariés
(+ 1,9 Md€) et des très grandes entreprises (+ 2,4 Md€). La contribution
des entreprises indépendantes de moins de 250 salariés est importante
puisqu’elle correspond à une augmentation de 2,1 Md€
36
. À l’inverse, les
plus grandes entreprises indépendantes (de plus de 500 salariés) ont
globalement maintenu leur niveau.
Si l’on raisonne par activité principale des entreprises, on constate
un glissement entre les activités industrielles et les services : on passe
d’un partage 70 %-30 % en 2007 à un partage 55 %-45 % en 2011. Selon
cette approche, les deux premiers secteurs industriels déclarants sont
l’industrie électrique et électronique, et l’automobile. Cette distribution
coïncide avec celle obtenue à partir de l’enquête statistique sur la R&D
des entreprises quand on s’appuie sur l’activité principale de l’entreprise
(voir annexe statistique). Cette présentation n’est pas celle retenue par les
instances européennes qui préconisent une présentation par branche
d’activité bénéficiaire des travaux de R&D. Afin de s’approcher de cette
présentation pour le CIR, le ministère de l’enseignement supérieur et de
la recherche retraite les dépenses des
holding
et du secteur de la
« recherche et développement » pour les affecter aux secteurs ayant
bénéficié de la R&D.
36
Ce qui veut dire aussi que les entreprises de moins de 250 salariés faisant partie
d’une intégration fiscale ont globalement déclaré 200 M€ de moins entre 2007 et
2011.
2007
2011
2007
2011
moins de 10 salariés
1 000
900
10 à 49 salariés
2 000
1 800
50 à 249 salariés
2 200
1 500
moins de 250 salariés
3 300
5 200
2 100
4 200
250 à 499 salariés
1 300
1 100
500
500
500 à 1 999 salariés
3 000
800
2 000 à 4 999 salariés
2 000
200
5 000 salariés et plus
4 600
7 000
200
100
taille non renseignée
1 200
100
200
100
TOTAL
15 400
18 400
3 700
5 900
Source : MESR, retraitements Cour des Comptes
Toutes entreprises
Entreprises
indépendantes
fiscalement
5 000
700
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
65
Tableau n° 12 : dépenses de R&D déclarées au crédit d’impôt
recherche par secteur d’activité des bénéficiaires, 2007 et 2011
Après ce retraitement,
l’industrie électrique se classe au premier
rang (15 % des dépenses déclarées), suivie de près par le secteur
pharmaceutique (12,5 %), puis par l’automobile (10 %). Pour les services,
la redistribution se fait au bénéfice des services d’architecture et
d’ingénierie mais surtout de l’industrie. Dans ces conditions, la part des
services dans les dépenses déclarées au CIR s’établit
in fine
à 34 %. Les
entreprises de conseil et d’assistance informatique représentent 11 % de
l’ensemble des dépenses déclarées au CIR, et un peu moins d’un tiers des
dépenses des entreprises des services.
Au sein des services, les entreprises des secteurs de la banque et de
l’assurance
déclarent
1,7 %
des
dépenses
totales
alors
qu’elles
représentent 1 % des dépenses de R&D des entreprises. Le dynamisme
des déclarations dans ce secteur est marqué : 90 M€ de dépenses
déclarées en 2007 (soit environ 10 M€ de crédit d’impôt) et 310 M€ de
dépenses déclarées en 2011 (soit environ 90 M€ de crédit d’impôt).
distribution après
réaffectation des
secteurs holdings et R&D
dépenses déclarées (en %)
2007
2011
2011
Industries manufacturières
70,9
55,4
64,2
Industrie électrique et électronique
19,5
13,7
15,3
Pharmacie, parfumerie, entretien
7,3
4,7
12,5
Industrie automobile
13,5
9,4
10,1
Construction navale, aéro et ferroviaire
9,4
6,4
5,1
Chimie, caoutchouc, plastiques
5,2
4,3
6,1
Industrie mécanique
3,4
3,4
Textile, habillement, cuir
2,1
1,9
1,9
Autres industries manufacturières
10,7
6,9
9,4
Gestion des holdings industriels
3,3
4,7
0,4
Services
28,0
43,3
33,9
Conseil et assistance en informatique
6,3
10,7
10,6
Services d’architecture et d'ingénierie
8,9
9,6
Services de télécommunication
1,3
1,4
1,5
Services bancaires et assurances
0,6
1,7
1,7
Recherche et développement
11,7
12,1
0,2
Autres services
8,1
8,5
10,2
Autres secteurs
0,7
1,3
1,9
Source : MESR
distribution selon la nomenclature*
des déclarations
(*) la nomenclature d'activité a été révisée en 2008, de ce fait certaines lignes ne sont pas renseignées pour
l'année 2007
66
COUR DES COMPTES
3 -
Les postes de dépenses déclarées
Tableau n° 13 : principaux postes des déclarations de dépenses
au CIR
a)
Les dépenses déclarées au CIR sont à plus de 90 % des dépenses
internes à l’entreprise
Que ce soit en 2007 ou en 2011, les dépenses de R&D engagées en
interne par l’entreprise représentent plus de 90 % de l’assiette des
dépenses éligibles au CIR : 94 % en 2007, 91 % en 2011.
Les quatre cinquièmes des dépenses déclarées correspondent aux
rémunérations des chercheurs et techniciens de recherche, ainsi qu’aux
frais de fonctionnement établis forfaitairement. Ces dépenses s’élèvent en
2011 à 15 Md€. En valeur, ces deux postes ont connu entre 2007 et 2011
une croissance de 14 %. Les autres dépenses engagées en interne par les
entreprises s’élèvent en 2011 à 1,7 Md€.
b)
Des dépenses de sous-traitance multipliées par deux
La recherche externalisée représente une part croissante de
l’assiette finale des dépenses éligibles au CIR : 8 % en 2007, 10 % en
2009, 11 % en 2010, 13 % en 2011. Même si les dépenses de recherche
sous-traitées sont plafonnées dans l’assiette du CIR, ce poste a été
multiplié par deux (de 1,2 Md€ en 2007 à près de 2,4 Md€ en 2011).
c)
Un crédit d’impôt collection d’un coût marginal
Le crédit d’impôt collection ne porte pas sur la R&D mais sur
l’activité de stylisme. Ses bénéficiaires sont des entreprises industrielles
des secteurs du cuir-textile-habillement qui élaborent de nouvelles
collections. Un millier d’entreprises dépose une demande de crédit
d’impôt collection en 2011, soit presque le double du nombre de
déclarants en 2007. Le montant des dépenses de collection a augmenté
entre 2007 et 2008 ; après avoir été stationnaire en 2009 et 2010, il
en milliards d'euros courants
2007
2009
2010
2011
Dépenses de R&D engagées en propre*
14,5
15,5
16,8
16,7
dont Dotations aux amortissements
0,9
0,8
1,0
1,0
dont Personnel chercheurs et techniciens
7,5
8,0
8,5
9,3
dont Dépenses de fonctionnement
5,6
6,0
6,5
5,5
Dépenses de sous-traitance de R&D retenues après plafond*
1,2
1,7
2,0
2,4
Dépenses de R&D : montant net total (R&D + THC)
15,4
17,0
18,2
18,4
(*) avant prise en compte des subventions
Sources : MESR, GECIR - retraitements Cour des Comptes
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
67
décroît en 2011. Les dépenses déclarées représentent, avant prise en
compte des subventions et plafonds, 300 M€ en 2011. Moins des deux
tiers seront en moyenne retenus dans la créance. Cette créance se monte à
environ 50 M€ en 2011.
C - L’impact de la réforme sur le niveau de la créance
par taille d’entreprises
Sur la période 2007-2011, le montant global du crédit d’impôt
recherche est passé de 1,81 Md€ à 5,17 Md€ : la créance a été
globalement multipliée par près de 3.
La part de la créance qui revient aux entreprises déclarantes de
moins de 250 salariés est restée stable sur la période autour de 35 %. On
observe un glissement dans la répartition de la créance entre les
entreprises de 500 à 5 000 salariés et celles de plus de 5 000 salariés : ces
dernières bénéficient de 17 % de la créance en 2011 contre 15 % en 2007.
En 2011, comme en 2007, les entreprises indépendantes bénéficient du
tiers de la créance, les entreprises de groupes fiscalement intégrés des
deux tiers.
Tableau n° 14 : montant de la créance CIR par taille d’entreprises
Rapportée aux dépenses déclarées, la créance est passée de 12 % à
28 %, ce mouvement étant intervenu en 2008
37
. Ce ratio varie
relativement peu avec la taille de l’entreprise sauf pour les cas extrêmes :
en 2011, les entreprises de moins de 10 salariés ont une créance
correspondant à 33 % des dépenses de R&D déclarées ; pour celles de
plus de 5 000 salariés, ce ratio est de 20 %.
37
Voir tableau en annexe « Analyses statistiques complémentaires ».
en millions d'euros
2007
2011
2007
2011
moins de 10 salariés
301
246
10 à 49 salariés
673
528
50 à 99 salariés
306
193
100 à 249 salariés
522
251
moins de 250 salariés
636
1 802
424
1 218
250 à 499 salariés
183
484
62
157
500 à 1 999 salariés
1 138
230
2 000 à 4 999 salariés
480
59
5 000 salariés et plus
276
867
5
21
1 730
395
51
137
TOTAL
1 810
5 166
634
1 821
Source : MESR, GECIR - retraitements Cour des Comptes
Toutes entreprises
Entreprises
indépendantes
fiscalement
634
91
Ne sont ventilées par taille que les entreprises pour lesquelles la taille de l'entreprise est
renseignée dans GECIR
68
COUR DES COMPTES
La créance moyenne par entreprise est très différente selon la taille
des entreprises, comme le sont les dépenses déclarées : en 2011 en
moyenne, les très petites entreprises déclarantes (de moins de 10 salariés)
bénéficient d’un crédit d’impôt de 58 000 €, les entreprises de plus de
5 000 salariés de 11,4 M€.
Graphique n° 5 : montant moyen de la créance CIR par taille
d’entreprises
Source : Cour des comptes à partir des données GECIR
Au total, entre 2007 et 2011, la créance moyenne des entreprises
de moins de 250 salariés a augmenté de 40 %, celle des entreprises de
plus de 5 000 a plus que doublé (+ 130 %).
II
-
Des effets encore incertains sur la dépense de
R&D des entreprises
A - Des travaux économétriques peu conclusifs, faute de
données disponibles et d’un recul suffisant
Les aides à la R&D des entreprises trouvent en général leur
justification, pour les pouvoirs publics, dans la réalisation de l’objectif de
3 % de dépenses de R&D dans le PIB. Cet objectif place la politique de
soutien à la R&D des entreprises dans le cadre de l’amélioration de la
compétitivité de l’économie.
Au plan théorique, les économistes rapportent la légitimité d’une
aide à la R&D des entreprises aux externalités positives liées à ce type de
dépenses, c’est-à-dire aux retombées qui résultent pour l’ensemble de
92 000 €
354 000 €
1 055 000 €
4 930 000 €
58 000 €
121 000 €
187 000 €
302 000 €
128 000 €
582 000 €
1 581 000 €
11 412 000 €
0 €
2 000 000 €
4 000 000 €
6 000 000 €
8 000 000 €
10 000 000 €
< 10 sal.
10 à 49 sal.
50 à 99 sal.
100 à 249
sal.
< 250 sal.
250 à 499
sal.
500 à 4
999 sal.
5 000 et
plus
2011
2007
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
69
l’économie du développement du stock de connaissances. L’existence
d’externalités tient au fait qu’une part du produit de la recherche conduite
par une entreprise bénéficiera à un cercle plus large et peut donc inciter
des entreprises à sous-investir dans ce domaine. C’est cet effet qui vient
justifier, du point de vue de la théorie économique, le soutien public à la
R&D, et ce indépendamment des objectifs de la stratégie de Lisbonne.
Des études académiques ont été menées pour mesurer l’effet du
crédit d’impôt recherche, mais elles portent encore aujourd’hui sur des
données antérieures à sa réforme de 2008. Ces travaux sont de deux
natures : les évaluations micro-économiques et les évaluations macro-
économiques. Les premières visent en général à établir, pour une unité
d’aide fiscale à la R&D, le niveau d’investissement privé obtenu. Les
études macro-économiques s’appuient en général sur ces travaux micro-
économiques et estiment les effets sur le PIB et parfois l’emploi de la
stimulation de la R&D issue de l’aide fiscale. Dans les deux cas, ces
études peuvent être conduites
ex ante
, en s’appuyant sur des modèles
sous-jacents, ou
ex post
, tentant alors de mesurer l’effet de la politique
menée sans modèle sous-jacent
38
.
1 -
Les études micro-économiques existantes
Plusieurs travaux micro-économiques ont été publiés sur le CIR
avant la réforme de 2008. D’un point de vue méthodologique, ces études
ont en commun de viser à établir, pour une unité d’aide fiscale à la R&D,
le niveau d’investissement privé obtenu. Avec un euro d’investissement
supplémentaire pour un euro de CIR, il y a un simple effet d’addition. On
obtient un effet d’entraînement lorsqu’un euro de CIR conduit à plus d’un
euro de dépense privée (l’entreprise augmente sa R&D au-delà de l’aide
apportée). En-dessous d’un euro d’investissement supplémentaire, il y a
effet de substitution (une partie de l’aide fiscale n’est pas utilisée par
l’entreprise pour ses activités de R&D).
Ces travaux micro-économiques sur le CIR sont présentés en
annexe dans leur ordre de parution. Ils soulignent l’effet positif d’un
crédit d’impôt recherche, qui se traduit au moins par un effet d’addition
(E. Duguet), si ce n’est par un véritable effet de levier, comme le mettent
en évidence B. Mulkay et J. Mairesse dans leur étude de 2008, complétée
en 2011 par le rapport présenté ci-dessous. Ces études portent toutefois
sur un crédit d’impôt reposant sur l’accroissement de la dépense de R&D
des entreprises et non sur leur volume.
38
La difficulté est alors d’estimer un contrefactuel, c’est-à-dire ce qu’aurait été la
situation sans la mesure mise en oeuvre (cf éléments complémentaires en annexe).
70
COUR DES COMPTES
« Évaluation de l’impact du Crédit Impôt Recherche »,
par B. Mulkay et J. Mairesse, novembre 2011
Ce rapport réalisé pour le ministère de l’enseignement supérieur et
de la recherche a été publié en novembre 2011. Ses sources, sa
méthodologie et ses résultats détaillés sont présentés en annexe.
Les conclusions de ce rapport font apparaître un effet de levier
implicite de l’augmentation du CIR positif à compter de 2011, de l’ordre
de 1,31 en moyenne sur 2012-2015. Elles doivent néanmoins être prises
avec précaution, comme le soulignent d’ailleurs les auteurs du rapport,
qui précisent que leurs résultats « méritent d’être approfondis dès qu’on
disposera des données permettant un recul suffisant sur la réforme».
D’une part, cette étude ne retient que les entreprises qui figurent
dans l’échantillon pendant cinq années constitutives et ne permet donc
pas d’analyser les entreprises qui ont commencé à faire de la R&D après
2004, ni celles qui en réalisent de manière intermittente.
D’autre part, l’estimation de l’effet du coût de la R&D sur le
capital optimal pour l’entreprise sur laquelle repose la simulation de
l’impact de la réforme du CIR est pour partie non significative au plan
statistique
39
. De fait, la méthode retenue fait l’hypothèse qu’une élasticité-
prix puisse être appliquée sur la base des données issues d’un dispositif
de CIR en accroissement ou en accroissement et en volume à un dispositif
entièrement en volume. C’est une hypothèse forte.
Enfin, cette étude est une simulation
ex ante
de l’effet de la
réforme de 2008 et non pas une évaluation
ex post
de son impact. Les
données utilisées s’arrêtent en effet en 2007. Si le texte du rapport est
clair sur ce point, l’intitulé du rapport (« Évaluation de l’impact du crédit
d’impôt recherche ») peut prêter à confusion. Il le peut d’autant plus que,
depuis 2011, les rapports et projets annuels de performances annexés aux
lois de finances ont utilisé cette étude comme indicateur d’impact du
crédit d’impôt recherche, « obtenu à partir d’études économétriques qui
estiment l’impact effectif de la mesure », mettant en avant le chiffre de
1,31 € à compter de 2012. La présentation de ces résultats dans les
documents annexés aux lois de finances mérite d’être clarifiée.
39
L
es estimations de long terme sont statistiquement significatives pour 1981-2007 et
2004-2007, mais ne le sont pas pour les entreprises de plus de 250 salariés entre 2004
et 2007, ni, sur la même période, pour les entreprises de moins de 1 000 salariés. Les
auteurs rapportent cette situation à l’influence du CIR sur les PME qui jouerait plus
sur la décision de commencer une activité de R&D que sur l’accroissement de son
volume, point que le choix de l’échantillon ne permettait pas de traiter.
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
71
2 -
Les études macro-économiques effectuées sur cette base
À côté de ces travaux, et pour une large part sur leur base, des
simulations de l’effet macro-économique du CIR ont été produites et
leurs résultats mis en avant.
a)
La lettre Trésor-Éco n° 50 de la DG Trésor : « Les effets
économiques de la réforme du Crédit d’Impôt Recherche de 2008 »
Publié en janvier 2009 et signé par P. Cahu, L. Demmou et E.
Massé, cet article
40
a été largement utilisé dans la communication sur
l’impact du CIR. De fait, les résultats présentés dans sa synthèse
apparaissent particulièrement positifs : « Les effets de la réforme seraient
très importants : ils devraient induire un surcroît de PIB de 0,6 point au
bout de 15 ans (…), ce qui signifie que chaque euro dépensé par l’État
sous forme de CIR se traduit par une augmentation du PIB de 4,5 €. »
Le contenu de l’étude est plus nuancé. Il procède en trois temps.
Premièrement,
l’effet de l’augmentation du CIR sur la dépense de R&D
est estimé, avec deux scénarios : un effet de levier de 2 € pour 1€ de CIR,
en lien avec les résultats publiés par J. Mairesse et B. Mulkay en 2004 ;
un effet d'addition de 1 €, fondé sur l’étude d’E. Duguet de 2008.
Après avoir estimé l’impact de l’augmentation des dépenses de
R&D des entreprises sur l’emploi des chercheurs en France (+ 25 000
chercheurs d’ici 2022), l’étude s’achève par la simulation de son effet sur
l’activité économique, en faisant intervenir une élasticité entre le taux de
croissance du PIB et celui des dépenses de R&D de 0,075
41
.
Deux résultats sont alors présentés : un surcroît de PIB de 0,3 point
du PIB en cas d’effet d’addition pure du CIR et un surcroît de 0,6 point
en cas d’effet de levier de 2. La conclusion ne retient que cette dernière
hypothèse.
L’article de la lettre Trésor-Eco est une simulation
ex ante
des
effets attendus de la réforme qui s’appuie sur des études économétriques
effectuées sur le CIR lorsqu’il était entièrement fondé sur une assiette en
accroissement, soit jusqu’en 2003. Dans le cadre du nouveau régime du
CIR reposant sur une assiette en volume, le choix de retenir de façon
préférentielle une simulation reposant sur un effet de levier de 2 est loin
d’aller de soi. Les estimations micro-économiques réalisées depuis lors
aboutissent en effet à des résultats nettement plus nuancés, tout comme
les données sur l’évolution effective de la dépense de recherche et
40
Ensuite publié dans une revue académique.
41
Des éléments plus détaillés sont fournis en annexe.
72
COUR DES COMPTES
développement des entreprises depuis 2008, présentées dans la section
suivante. Ces résultats vont plutôt dans le sens d’un effet additif du CIR,
même s’il ne s’agit que d’éléments de court terme, qui plus est dans une
période de tension économique. Si l’on s’en tient à ce type d’effet, la
conclusion selon laquelle le PIB potentiel serait accru de 0,3 point
apparaît comme l’hypothèse à privilégier.
En tout état de cause, ces chiffrages, élaborés en 2008 dans le
cadre d’une modélisation économique spéculative, doivent être pris
comme tels : ils présentent les effets attendus de la réforme du CIR sous
certaines hypothèses.
b)
La notation du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des
niches sociales
Le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales,
dans son rapport de juin 2011, a attribué au CIR le score de 3, soit le
score maximal correspondant à la catégorie des mesures efficientes
42
.
La notation du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des
niches sociales repose sur une estimation des effets du CIR plus prudente
que celle la lettre Trésor-Eco et aboutit au bas de la fourchette des
estimations qui y sont effectuées, soit une augmentation du PIB de
0,3 point en 15 ans.
Cependant la comparaison entre le bénéfice attendu de la mesure
en termes de PIB et son coût pour les finances publiques est effectuée,
pour des raisons d’homogénéité de traitement entre les différents
dispositifs examinés, par rapport à la dépense fiscale prévue dans les
documents budgétaires annexés au projet de loi de finances pour 2011,
soit 2,1 Md€.
Au vu des données désormais disponibles qui portent la créance de
CIR à 5,2 Md€ en 2011, soit 0,25 point de PIB, on peut s’interroger sur le
score qu’accorderait aujourd’hui le comité d’évaluation des dépenses
fiscales et des niches sociales au CIR, le caractère raisonnable du coût de
la mesure au regard de son efficacité faisant partie des critères retenus
pour établir ce score. Le rapport du comité, dont des éléments plus
détaillés sont présentés en annexe, relève d’ailleurs que l’appréciation
portée sur le CIR méritera d’être complétée par des éléments
d’information nouveaux attendus en 2013.
42
Ce rapport est présenté au chapitre I.
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
73
c)
Les estimations du rapport d’information du Sénat de juillet 2012
Les simulations effectuées dans le rapport d’information du Sénat
sur le CIR reposent, comme celles du comité d’évaluation des dépenses
fiscales et des niches sociales, sur un effet de levier de 1. Elles reprennent
l’élasticité du PIB au stock de connaissance estimée dans la lettre Trésor-
Eco de 2009 (0,075). Elles n’en arrivent pas moins à une simulation de
l’impact du CIR sur le PIB nettement plus dynamique que celle présentée
par la note Trésor-Eco pour le même effet de levier : + 0,5 point de PIB,
avec une marge d’erreur importante, situant le résultat entre + 0 et + 2
points de PIB. Après prise en compte du financement de la mesure, le
bénéfice attendu est divisé par 2 : + 0,25 point de PIB.
Le coût plus élevé qu’annoncé du crédit d’impôt recherche et les
incertitudes qui entourent encore l’estimation de son impact sur la R&D
des entreprises conduisent à recommander la prudence dans l’exploitation
de ces simulations macro-économiques.
3 -
Les développements attendus
a)
Le calendrier et la nature des travaux en cours
Lors des deux ateliers de travail organisés à la Cour, en septembre
2012 et juin 2013
43
, avec les chercheurs impliqués dans les études sur le
CIR, les travaux récents ou en préparation ont été présentés
44
.
Trois
études
sont
menées
à
l’initiative
du
ministère
de
l’enseignement supérieur et de la recherche.
La première étude est une actualisation des travaux de B. Mulkay
et J. Mairesse. Parue en mai 2013
45
, elle repose sur le même corpus et
aboutit, sur la base d’une corrélation toujours établie sur des données
portant sur la période qui a précédé la réforme de 2008, à estimer les
investissements et dépenses de R&D des entreprises de 12 % supérieurs à
ce qu’ils auraient été sans cette réforme. À long terme, le multiplicateur
budgétaire implicite est cette fois estimé à 0,7. Cette étude ne permet
43
La liste des participants figure en annexe. La direction générale pour la recherche et
l’innovation, la direction générale du Trésor et la direction générale de la
compétitivité, de l’industrie et des services ont également participé au second atelier.
44
En novembre 2011, un atelier de travail international sur les méthodes et les
résultats de l’évaluation de l’impact des politiques de soutien à la R&D s’était tenu à
l’initiative du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il avait réuni
la communauté des chercheurs impliqués dans ce domaine.
45
Sous forme d’un document de travail du
national bureau of economic
research
(Cambridge).
74
COUR DES COMPTES
toutefois pas d’évaluer l’ensemble des effets entraînés par la réforme. Elle
n’indique notamment pas si le dispositif a pu inciter des entreprises qui ne
faisaient pas de R&D à en faire, en particulier des PME, du fait du champ
retenu. Le travail que mènent actuellement les chercheurs et dont il est
prévu de rendre compte dans le rapport du ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche sur l’impact du CIR vise à répondre à ces
deux difficultés : disposer de données postérieures à la réforme pour être
en mesure d’effectuer une analyse
ex post
de son effet, tenir compte des
nouveaux entrants. Lors de l’atelier de travail de juin 2013, il est apparu
que les difficultés d’accès aux données rendaient peu probable la
présentation de résultats complets sur ces points avant 2015.
La deuxième étude est un travail nouveau qui vise à évaluer les
effets de différents niveaux, ou doses, de soutien public apportés à la
dépense de R&D des entreprises. Cette étude couvre à la fois les dépenses
fiscales et les subventions et tente de déterminer si certaines doses d’aides
sont plus efficaces que d’autres. Ses résultats préliminaires ont été
présentés à la Cour.
« Évaluation de l’impact des aides directes et indirectes à la R&D en
France » (S. Lhuillery, M. Marino et P. Parrotta)
Les résultats préliminaires soulignent la diversité et l’évolution rapide
des taux retenus pour les dispositifs d’incitation fiscales en faveur de la R&D
dans le monde. Cette diversité suggère que les décideurs publics n’ont pas
une vision claire du schéma optimal d’aide fiscale à la R&D, ni des effets des
modifications introduites dans le temps.
L’étude vise à définir l’évolution du niveau de dépenses de R&D des
entreprises en fonction du coût du crédit d’impôt et à déterminer un niveau
optimal grâce un critère d’efficacité simple, l’égalité des coûts marginaux et
des bénéfices marginaux pour un dispositif fiscal donné. Grâce aux données
du MESR et de l’INSEE sur la période 1991-2009, les chercheurs définissent
un échantillon de 374 000 entreprises auxquelles ils appliquent une
méthodologie dite de
Continuous Treatment Matching
. Leurs résultats
préliminaires conduisent à mettre en évidence un effet d’addition qui ne
serait pas linéaire. L’effet de l’aide serait notamment plus élevé pour les très
faibles doses de traitement ou les doses importantes.
On relève toutefois que le traitement statistique supposé par cette
méthode est très exigeant et que le choix de ne retenir que trois doses (faible,
moyenne et forte) et de situer la dose la plus élevée à un niveau de 150 000 €
(niveau qui correspond à une dépense de R&D inférieure à 1,5 M€ et ne
permet donc pas de discriminer entre entreprises de taille intermédiaire et
grandes entreprises) peut conduire à ne pas pouvoir aisément déterminer à
partir de cette étude des conclusions de politique économique.
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
75
La dernière étude porte sur les effets du CIR sur le recrutement des
jeunes docteurs. Conduite par le ministère de l’enseignement supérieur et
de la recherche, avec un comité de pilotage ouvert à des spécialistes
extérieurs et auquel participe la direction générale du Trésor, elle vient de
débuter. Cette étude, dont aucun résultat n’est disponible à ce stade,
devrait notamment permettre d’évaluer la pertinence des doublements
d’assiette du CIR pour les jeunes docteurs. Son avancement se heurte
actuellement à des problèmes de données.
L’objectif du ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche est de produire fin 2013 ou début 2014 un rapport dressant un
état des travaux existant sur l’impact du CIR, en incluant l’analyse des
travaux internationaux produits sur les aides fiscales à la R&D. C’est un
objectif ambitieux en termes de délai. Surtout, peu de ces études porteront
spécifiquement sur les effets du régime du CIR mis en place en 2008,
faute de données disponibles avec un recul suffisant.
La direction générale du Trésor a également indiqué avoir débuté
une étude interne qui vise à mesurer l’impact de la réforme de 2008 sur
l’effet d’entraînement du CIR. Il s’agira d’analyser comment le passage à
un système de soutien fondé uniquement sur le volume des dépenses de
R&D a modifié l’efficacité du dispositif.
Enfin, la Banque de France a demandé à l’école d’économie de
Paris et au CREST de travailler sur l’impact que pourrait avoir le CIR en
termes de dépôts de brevets. Les résultats de cette étude n’étaient pas
connus au moment de la transmission du présent rapport à l’Assemblée
nationale.
Deux travaux qui ne concernent pas directement le CIR mais ne
sont pas sans lien avec la mesure de son impact ont, en outre, été publiés.
Une étude de la lettre Trésor-Eco de novembre 2011, présentée en
annexe, tend à montrer, à partir d’une modélisation économétrique, que le
taux de chômage élevé des titulaires de doctorat ne serait pas lié à des
biais de sélection des entreprises au détriment de cette catégorie de
personnels. L’étude rapporte les difficultés rencontrées par les docteurs
pour s’insérer sur le marché du travail à des problèmes d’orientation des
étudiants au sein des écoles doctorales, notamment dans le choix des
filières retenues par rapport aux besoins des entreprises. Au plan
statistique, l’étude relève que, si les titulaires de doctorats travaillent
majoritairement dans le secteur public en France, leur place dans le
76
COUR DES COMPTES
secteur privé se compare favorablement aux résultats de l’Allemagne et
du Japon mais non à ceux des États-Unis
46
.
L’INSEE, en liaison avec la direction générale de la compétitivité,
de l’industrie et des services, a publié en avril 2013 une étude sur les
effets de la participation aux pôles de compétitivité des PME et
entreprises de taille intermédiaire. Cette étude traite de la période 2005-
2009 avec certaines données sur 2010 ; elle ne porte pas spécifiquement
sur le CIR mais ce dernier est inclus dans son champ d’investigation. Les
constats qui s’en dégagent, s’agissant du CIR, et qui sont présentés de
façon plus détaillée en annexe ne font apparaître ni effet de substitution,
ni effet d’entraînement : les entreprises ont globalement augmenté leur
R&D à hauteur des soutiens publics reçus, qu’elles aient bénéficié du
crédit d’impôt recherche ou de subventions.
b)
Les orientations à partir des travaux en cours
De ces ateliers de travail, cinq constats principaux se dégagent.
Premièrement, aucune des études d’impact sur le CIR publiées à ce
jour, ni les études en cours ne portent sur des données postérieures à la
réforme de 2008 (à l’exception de l’étude de M. Lhuillery qui couvre
l’année 2009). Cela est dû à l’important délai qui existe dans la
publication des données liées au CIR, mais aussi aux difficultés d’accès
aux données économiques des entreprises que rencontrent les chercheurs.
Le rendez-vous de 2013 pour une évaluation de la réforme de 2008 ne
pourra pas être tenu.
Les chercheurs butent en effet, depuis 2009, sur une nouvelle
difficulté : l’impossibilité d’obtenir les données économiques sur les
entreprises, le service statistique du ministère de l’économie et des
finances intervenant désormais dans la production de ces statistiques et
n’en ouvrant pas l’accès aux chercheurs, au motif du secret fiscal, bien
qu’il s’agisse de données économiques et non fiscales qui intéressent le
travail des chercheurs. Il s’agit des données FARE.
46
En France, les docteurs représentaient 13,5 % des chercheurs en entreprises (en
2007), contre 5 % au Japon (donnée 2005). Ils représentaient 7,7 % du personnel de
R&D des entreprises industrielles (en 2007), contre 5,7 % en Allemagne (donnée
2005). La comparaison avec les États-Unis
est, en revanche, défavorable : 12,6 % des
salariés du secteur privé travaillant dans la R&D et diplômés du supérieur dans une
matière scientifique y sont docteurs (donnée 2006), alors que la proportion des
docteurs parmi les chercheurs et techniciens des laboratoires de R&D des entreprises
n’est que de 8,7 % en France (donnée 2007).
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
77
Les données FARE
Pour les exercices allant de 1993 à 2007, les enquêtes annuelles
d'entreprises tous secteurs (EAE) permettaient aux chercheurs, habilités par le
Comité du secret du CNIS, d’appréhender les caractéristiques économiques
des entreprises. À partir de l’exercice comptable 2008, ces enquêtes menées
par l’INSEE ont été remplacées, dans un souci de simplification des
démarches administratives, par les fichiers approchés des résultats ESANE
(FARE) élaborés à partir des liasses fiscales.
En juin 2013, les fichiers FARE de l’exercice 2009 ne sont toujours
pas accessibles aux chercheurs.
Deuxièmement, si un consensus se dégage quant au caractère
positif du crédit d’impôt en faveur de la recherche, les travaux actuels,
partant de méthodes et d’approches diverses, convergent plutôt vers un
multiplicateur de l’ordre de 1 (1 € de CIR se traduisant par 1 € de R&D
dans l’entreprise). On se situerait ainsi dans un effet d’addition. Cet effet
se situerait un peu en-dessous ou un peu au-dessus de 1 selon les cas et
pourrait ainsi comporter des effets d’éviction (1 € de CIR supplémentaire
générant moins d’1 € de R&D supplémentaire). Lors de la présentation de
leurs travaux à la Cour, Jacques Mairesse et Benoît Mulkay ont
notamment mis en avant un effet de levier du CIR de 0,82 point (0,7 dans
la publication de leur étude en anglais). Ces chiffres, qui se situent en
dessous de l’effet de levier de 1,31 présenté pour la période 2012-2015
dans leur étude de novembre 2011, résultent du même corpus que cette
étude mais reposent sur une autre méthode statistique
47
. Ils pourraient
ainsi signifier qu’à partir d’un certain stade le coût supplémentaire du
CIR serait supérieur au bénéfice supplémentaire pour les entreprises.
Troisièmement, la mesure de l’impact du CIR ne se résume pas à
celle
du
multiplicateur.
En
effet,
les
retombées
attendues
du
développement de la R&D sous forme d’externalités positives, en
particulier les externalités les plus générales, qualifiées de « sociétales »,
n’y sont pas retranscrites. La mesure de l’impact du CIR, et surtout son
évaluation, peuvent être ainsi plus complexes qu’attendu.
Quatrièmement, un axe d’étude se dégage à l’heure actuelle autour
d’effets multiplicateurs différenciés, avec potentiellement des seuils de
dépenses de R&D ou d’activité des entreprises où l’aide publique jouerait
un rôle plus important. Emmanuel Duguet, en reprenant les conclusions
de ses derniers travaux, a également mis l’accent sur le fait qu’il était
47
La méthode utilisée est la méthode des moments généralisés. Les écarts types liés à
la simulation de l’effet
ex ante
de la réforme étant importants, les deux résultats (0,82
et 1,31) ne sont pas contradictoires.
78
COUR DES COMPTES
possible qu’au-dessus d’un certain seuil l’efficacité du dispositif baisse.
Les travaux de Stéphane Lhuillery mettent en avant, pour leur part, un
effet d’addition mais qui ne serait pas linéaire
48
.
Cinquièmement, aucune des études micro-économiques ne tient
compte des problématiques liées au financement de la mesure et à son
coût. Il s’agit en effet de travaux économétriques pour lesquels l’objet
d’étude est l’entreprise et non l’État. Il n’est ainsi pas évident que les
pouvoirs publics puissent tirer des enseignements des seuls travaux de
recherche sur l’efficacité du CIR pour orienter les politiques publiques.
Les travaux d’évaluation du CIR disponibles aujourd’hui portent
sur des données antérieures à la réforme de 2008 et doivent être pris
comme tels. Ils doivent être poursuivis de façon à porter sur des données
postérieures à la réforme et comparés aux résultats d’études conduites
dans des pays ayant adopté un dispositif en volume. Ils pourraient
apporter, dans une perspective de moyen terme, des éléments nouveaux.
B - Une évolution de la dépense de R&D des entreprises
non proportionnelle à l’avantage fiscal accordé
La stabilité de l’effort de recherche en France (DIRD/PIB)
49
au
cours des dix dernières années, l’impact sur cet indicateur du recul de
l’industrie dans l’économie française et le rôle de la recherche des
entreprises dans ce résultat quelque peu décevant, constituent les
principaux constats sur les indicateurs de R&D du rapport public
thématique sur le financement public de la recherche publié le
10 juin 2013 par la Cour
50
. Cette analyse est ici prolongée par l’étude des
données sur les cinq années disponibles depuis la réforme du crédit impôt
recherche (2008-2012).
48
La présentation effectuée par P. Arqué Castells et P. Mohnen, lors de l’atelier de
travail international organisé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche les 3 et 4 novembre 2011, allait dans le même sens. Portant sur un
échantillon d’entreprises espagnoles et sur les subventions publiques, elle mettait en
avant une efficacité des dispositifs publics d’aides à la R&D surtout sensible au
moment de l’engagement des premières dépenses de R&D.
49
L’effort de recherche et développement est reflété par un agrégat principal de
comptabilité nationale, la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD)
rapportée au PIB. Celle-ci se subdivise en DIRD des administrations (la DIRDA) et
DIRD des entreprises (la DIRDE). Elle obéit à une définition méthodologique
commune aux pays membres de l'OCDE, contenue dans un document de cette
organisation appelé « Manuel de Frascati ».
50
Cour des comptes,
Rapport public thématique : Le financement public de la
recherche, un enjeu national
. La Documentation française, juin 2013, disponible sur
www.ccomptes.fr
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
79
La faiblesse de la R&D des entreprises en France a justifié le
renforcement et la création de nouveaux dispositifs de soutien en faveur
de celles-ci, principalement le crédit d'impôt recherche. Si la situation
s’est améliorée en cinq ans, elle demeure loin de l’objectif : entre 2007 et
2012, la R&D des entreprises est passée de 1,31 % à 1,45 % du PIB, une
part de cette évolution étant à rapporter à la faible dynamique du PIB
durant la période
51
.
Cette évolution, + 0,14 pt de pourcentage, est inférieure à celle de
l’Allemagne (+ 0,17 point) et de la Corée (+ 0,64 point). Elle est, en
revanche, supérieure à celle des États-Unis, du Japon, de la Suède ou du
Royaume-Uni, dont la dépense de R&D des entreprises a baissé en
pourcentage du PIB entre 2007 et 2011.
Tableau n° 15 :
Source : OCDE (PIST 2013-1), MESR-SIES Pôle Recherche et INSEE
En France, l’évolution de la dépense de R&D des entreprises dans
le PIB est légèrement inférieure à celle de la créance du CIR rapportée au
PIB : 0,10 % en 2007, 0,26 % en 2011.
En montant, la recherche des entreprises françaises a augmenté
régulièrement en trente ans : sa croissance annuelle moyenne de 6 % (en
euros courants) masque des évolutions plus fortes (de 1981 à 1992) ou
moindres (de 1992 à 1998). À titre de comparaison, le taux annuel de
croissance de la recherche des entreprises en Allemagne sur cette même
période est de 4 %, également marqué par des ruptures de rythme.
51
Le ratio DIRDE sur PIB est en effet sensible à l’évolution du PIB, une phase de
récession ou de tension économique se traduisant, à niveau de dépense de R&D
constant, par une augmentation du ratio DIRDE/PIB.
2007
Etats-Unis
2,02
(j)
1,93
(j)
2,04
(j)
2,03
(j)
1,93
(j)
1,89
(j, p)
Japon
2,13
2,70
2,72
2,54
2,49
2,61
Allemagne
1,74
1,77
1,86
1,91
1,88
1,94 (p)
Corée du Sud
1,70 (g)
2,45
(a) 2,53
2,64
2,80
3,09
France
1,34 (a)
1,31
1,33
1,40
1,42
1,44 (p)
Royaume-Uni
1,18
1,11
1,10
1,11
1,10
1,09 (p)
Finlande
2,37
2,51
2,75
2,81
2,72
2,66
Suède
n.d.
2,47
2,74 (c)
2,53
2,33 (c)
2,34 (c)
Union européenne (UE 28)
1,11 (b)
1,11
(b) 1,15
(b)
1,17 (b)
1,17 (b)
1,20 (bp)
OCDE
1,53 (b)
1,58
(b) 1,63
(b)
1,61 (b)
1,58
(b)
1,59 (bp)
(a) Discontinuité dans la série avec l'année précédente pour laquelle les données sont disponibles.
(b) Estimation ou projection du Secrétariat fondée sur des sources nationales.
(j) Dépenses en capital exclues (toutes ou en partie).
(g) Sciences sociales et humaines exclues.
(p) Provisoire.
(n.d.)
non disponible
2000
2008
2009
2010
2011
DIRDE/PIB
en %
Effort de recherche des entreprises des principaux pays de l'OCDE
80
COUR DES COMPTES
L’intensité en R&D des entreprises en France s'élève à 3,2 % en
2009. Elle correspond aux dépenses intérieures de R&D des entreprises
par rapport à leur chiffre d’affaires. C’est un niveau proche de celui de
l’Allemagne (3,5 %)
52
.
La France a été, avec la Corée, l’un des rares pays membres de
l’OCDE où les entreprises ont continué à augmenter leurs dépenses
intérieures de R&D pendant la crise de 2008. Corrigées de l’évolution des
prix, ces dépenses intérieures ont augmenté de 4,5 % en France sur la
période 2008-2010, alors qu'elles ont stagné en Allemagne (+ 0,1 %) et
diminué au Royaume-Uni (- 5,4 %) et au Japon
(- 9,6 %).
Tableau n° 16
52
Note d'information 12-09, "Un déficit de recherche des entreprises françaises ?
Comparaison France-Allemagne", MESR, juillet 2012.
Dépenses intérieures de R&D en 2008 et 2010, selon la catégorie d’entreprises en 2009
2008
(Md€)
2010
(Md€)
Contribution à
l'évolution 2008/2010
Petites et moyennes entreprises (PME)
3,2
4,1
3,2%
Entreprises de taille intermédiaire (ETI)
6,5
6,9
0,9%
Grandes entreprises
16
16,4
0,3%
Catégorie inconnue (**)
<0,1
<0,1
0,1%
Ensemble
25,8
27,4
4,5%
Sources : MESR, Note d'information 13-01
(**) Il peut s’agir d’entreprises actives en 2008 et cessées en 2009, ou à l’inverse d’entreprises créées en 2010
(*) évolution en volume
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
81
Les nouvelles catégories d’entreprises
Le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères
permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les
besoins de l'analyse statistique et économique pris en application de l'article
51 de la loi de modernisation de l'économie a défini ce que sont dorénavant
les micro-entreprises, les petites et moyennes entreprises (PME), les
entreprises de taille intermédiaires (ETI) et les grandes entreprises (GE).
Cette définition nécessite de connaître les valeurs de trois variables
(effectif, chiffre d'affaires, total du bilan) pour les entreprises, la notion
d’entreprise étant révisée par rapport à l’unité légale jusqu’alors au
fondement du système de statistiques français en matière d’entreprise. Le
terme d’« entreprise » s’applique désormais aux unités légales indépendantes,
aux divisions opérationnelles des groupes, lorsqu’elles existent, ou aux
groupes dans leur entier.
Cette identification de la catégorie d’entreprise sera mise en place
progressivement dans les statistiques d'entreprises à horizon 2013-2014. Il
n’existe donc pas actuellement de répertoire officiel et partagé donnant la
catégorie de chaque entreprise en France.
Certains travaux statistiques visent à donner une valeur approchée de
ces catégories d’entreprises, comme c’est le cas dans la note d’information
13.01 « Les PME, des acteurs méconnus de la recherche en France » du
ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Tableau n° 17 : estimation des dépenses de R&D selon les
nouvelles catégories d’entreprises
La France doit cette meilleure résistance de la recherche des
entreprises au dynamisme de l’activité de recherche des PME
53
. Corrigées
de l’évolution des prix, leurs dépenses ont augmenté de 26 % entre 2008
et 2010 et ont contribué, pour plus des deux tiers, à la croissance de la
R&D des entreprises (3,2 %). Les entreprises de taille intermédiaire ont,
quant à elles, contribué à hauteur de 0,9 % et les grandes entreprises de
0,3 %, en lien avec une diminution des investissements en R&D dans
l’industrie automobile et l’industrie pharmaceutique.
53
Note d'information 13-01, "Les PME, des acteurs méconnus de la recherche en
France", MESR, février 2013.
Dépenses intérieures de R&D et
financement public par catégorie
d’entreprises en 2010
Dépenses
intérieures
de R&D
(en Md€)
financement
public total
(en Md€)
dont CIR et JEI
(en Md€)
part du soutien
CIR et JEI dans la
DIRDE
(en %)
Nombre
d'entreprises *
Petites et moyennes entreprises (PME)
4,0
2,0
1,4
35%
11 000
Entreprises de taille intermédiaire (ETI)
6,6
1,8
1,4
21%
1 800
Grandes entreprises
16,8
4
2,3
14%
200
Ensemble
27,4
7,7
5,2
19%
13 000
* Nombre d’entreprises arrondi à la centaine.
Sources : enquête R&D, GECIR, MESR ; Esane et Lifi, Insee ; Acoss ; Note Information 13-01 MESR
82
COUR DES COMPTES
Au total, entre 2007 et 2011, la dépense intérieure de R&D des
entreprises est passée de 24,75 Md€ à 28,77 Md€, soit une augmentation
de 4 Md€, alors que la créance de CIR a augmenté de 3,4 Md€ sur la
période. En montant cumulé entre 2008 et 2011, l’augmentation de la
dépense intérieure de R&D des entreprises par rapport à 2007 est de
9,4 Md€ et la créance cumulée de CIR de 19,4 Md€.
C - Des indicateurs de performance à revoir
1 -
Le poids de la structure économique nationale
L’effort de recherche rapporte les dépenses de R&D au PIB
54
,
l’intensité en R&D les rapporte au chiffre d’affaires ou à la valeur ajoutée
des entreprises.
L’intensité en R&D n’est pas uniforme dans les différentes
branches d’activité : les dépenses en R&D sont particulièrement fortes au
regard de la valeur ajoutée dans les activités industrielles comme les
produits informatiques et électroniques, les matériaux de transports,
l’industrie pharmaceutique ou l’automobile, alors que l’intensité en R&D
est plus faible au sein de la grande majorité des activités de services.
Ainsi, bien que l’intensité en R&D ait globalement progressé à la
fois dans l’industrie (9,7 % en 2009 contre 7,4 % en 2001) et, de manière
plus limitée, dans les services (0,51 % en 2009 contre 0,46 % en 2001), le
recul de l'industrie dans l’économie française a contribué négativement à
la croissance de l’effort en R&D de l’ensemble des entreprises mesurée
par rapport au PIB. En 2009, 12 % de la valeur ajoutée émane des
branches industrielles qui concentrent 80 % des dépenses de recherche ;
en 2001, ces mêmes branches industrielles représentaient 17 % de la
valeur ajoutée et investissaient 83 % des dépenses de recherche.
Pour illustrer cet effet négatif, une double simulation a été réalisée
par le ministère chargé de la recherche
55
. Si la structure économique de la
France était restée constante depuis 2001, le seul effet de l’augmentation
de l’intensité de recherche aurait porté le ratio DIRDE/PIB de 1,39 % à
2,04 %. Inversement, à intensité de recherche constante depuis 2001, le
seul effet de la désindustrialisation de l’économie française aurait conduit
à un ratio DIRDE/PIB de 0,98 %. Cet indicateur synthétise donc deux
54
Voir l’annexe « Analyses statistiques complémentaires ».
55
Note d'information 12-01, "Dans une économie tournée vers les services, la
recherche industrielle française reste dynamique", ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche, avril 2012.
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
83
dimensions économiques distinctes : l’évolution de la recherche et celle
de la structure économique.
De même, si la France avait la structure industrielle de
l’Allemagne tout en gardant l’intensité de recherche des entreprises
situées en France, l’effort de recherche des entreprises atteindrait 2,75 %
du PIB français et serait donc bien supérieur à celui de l'Allemagne
(1,91 %). À l’inverse, si on applique les intensités de recherche des
entreprises installées en Allemagne à la structure économique française,
le DIRDE/PIB tomberait à 1 %.
L’augmentation de l’effort de recherche ne peut ainsi faire
abstraction de la structure de l’économie française. Les incitations
fiscales en ce sens doivent être replacées dans le contexte plus large des
politiques visant à soutenir le développement de l’industrie, secteur où le
ratio de R&D sur PIB est le plus élevé.
L’indicateur DIRDE/PIB n'est pas un outil de comparaison
internationale de l’effort de recherche pleinement satisfaisant, compte
tenu des différences de structure économique, ni un indicateur pleinement
pertinent au niveau national.
2 -
Un meilleur suivi sectoriel
Cette situation devrait conduire à affiner les indicateurs retenus
dans les lois de finances en matière de CIR. Depuis le projet de loi de
finances pour 2012, un indicateur complémentaire figure dans le projet
annuel de performances, et vient s’ajouter à l’indicateur principal portant
sur l’impact du CIR déjà analysé. Cet indicateur porte sur le taux de
croissance de l’intensité en R&D des secteurs marchands et correspond
au taux de croissance de la DIRDE par rapport à la valeur ajoutée des
secteurs industriels et de services aux entreprises. S’il ne s’agit pas d’un
indicateur d’impact, au sens où son évolution ne dépend pas uniquement
du CIR, cet indicateur est clairement relié à l’objectif affiché par le CIR
qui consiste à faire progresser l’intensité en R&D des entreprises.
L’objectif de cet indicateur est d’être positif, ce qui signifie une
croissance de la R&D des entreprises supérieure à celle de leur valeur
ajoutée. Cet indicateur complémentaire est nettement plus facile à
renseigner et à manier que l’indicateur principal, tout en portant sur
l’objectif assigné au CIR et aux autres aides à la R&D des entreprises.
Une réserve peut toutefois être émise sur le champ choisi pour le
renseigner, à savoir les secteurs industriels et de services aux entreprises.
En effet, l’intensité en R&D des secteurs industriels est plus élevée que
l’intensité en R&D des services aux entreprises, cette dernière étant plus
84
COUR DES COMPTES
élevée que l’intensité en R&D des services aux particuliers. L’indicateur
retenu donne ainsi une vision de l’évolution de la situation française
moins favorable que ne le serait une vision centrée sur le seul secteur
manufacturier. En revanche, il donne une image plus favorable que ne le
serait celle qui prendrait en compte tous les secteurs de production.
Des indicateurs par grands secteurs d’activité, pondérés par leur
poids dans la valeur ajoutée, donneraient une vue plus précise et plus
juste de l’évolution de la R&D des entreprises. La direction générale pour
la compétitivité, l’industrie et les services propose en outre de compléter
cet indicateur par celui de la part de l’industrie dans le PIB afin de refléter
l’évolution de la part des secteurs intensifs en R&D dans le PIB.
III
-
Une interrogation sur l’efficacité en matière
d’attractivité
Bien que la dimension de l’attractivité n’ait pas été mise en avant
lors de la réforme inscrite dans la loi de finances pour 2008, le crédit
impôt recherche est devenu par la suite en France un axe majeur de
communication gouvernementale vis-à-vis des investisseurs étrangers. Ce
lien entre le CIR et la politique d’attractivité se retrouve également à
l’étranger : au Royaume-Uni, l’objectif affiché de la réforme du CIR de
2013 est d’attirer les centres de R&D de grandes entreprises.
A - La baisse du coût du chercheur
Les études menées par l’association nationale recherche et
technologie (ANRT)
tendent à démontrer, à partir de données déclaratives
de dix grands groupes, que le coût du chercheur en entreprise en France
est très compétitif du fait du CIR. Après CIR, le chercheur en France est
moins onéreux qu’en Suède ou en Allemagne. Certains pays sont proches
de la France : Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas, Singapour. Les chercheurs
des pays émergents sont moins onéreux, d’au moins 40 %.
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
85
Graphique n° 6
Source : association nationale de la
recherche et de la technologie
Cette baisse du coût du chercheur bénéficie également aux
entreprises françaises ; en cela, le CIR joue donc probablement un rôle
dans les décisions de localisation de la R&D des grandes entreprises
françaises. L’étude ANRT de 2012 estime ainsi que les groupes
multinationaux d’origine française exécutent 43 % de leur R&D sur le
territoire national, soit une proportion bien plus importante que la part de
la France dans leur chiffre d'affaires total.
Sans qu'il soit possible de dépasser le stade des constats
empiriques, la baisse du coût du chercheur a donc vraisemblablement un
effet sur les stratégies des grandes entreprises françaises et le CIR vient
contrebalancer d'autres facteurs qui poussent à la délocalisation des
capacités de R&D, comme la pression de pays émergents pour installer
sur place des centres de R&D ou le souhait de développer en zone dollar
des capacités de recherche (c’est le cas par exemple du secteur
aéronautique).
B - L’augmentation de la R&D des entreprises
étrangères en France : un phénomène difficile à
interpréter
Entre 2001 et 2007, la R&D effectuée par les filiales d’entreprises
étrangères a représenté en moyenne 21,5 % du total de la DIRDE,
évoluant sans tendance particulière (entre 19,4 et 23,5 %).
Le tableau ci-dessous montre une hausse de la part de la R&D des
filiales d’entreprises étrangères dans la DIRD, avec un niveau à 28 % en
86
COUR DES COMPTES
2009 et 29 % en 2010. En volume, entre 2005 et 2010, la DIRDE des
entreprises étrangères a donc augmenté de 53 %, tandis que la DIRDE
totale n’augmentait que de 11 %.
Tableau n° 18 : les dépenses de recherche en France des entreprises
étrangères
À 29 %, la France est maintenant proche de la moyenne de
l’OCDE (32,6 %) et du niveau observé dans d’autres pays européens :
Pays-Bas (33 %), Suède (30 %), Espagne (34 %) ou Canada (32 %).
Alors qu’auparavant, la part de la R&D des filiales étrangères en
Allemagne était supérieure au niveau observé en France, la France
dépasse l’Allemagne à partir de 2009 (28 % contre 27 %).
La France se distingue au milieu des deux extrêmes au sein de
l’OCDE : le Royaume-Uni (47 %) et la Belgique (54 %), où la R&D des
entreprises étrangères joue un rôle essentiel ; à l’inverse, aux États-Unis
(15 %) et au Japon (5 %), les appareils de recherche privée restent
largement sous contrôle national.
L’augmentation de la DIRDE des filiales étrangères en 2009 et
2010 appelle cependant plusieurs commentaires :
- la hausse constatée en France en 2009 et 2010 est d’autant plus
exceptionnelle qu’elle est intervenue dans un contexte de crise
économique mondiale. En 2009, l’ensemble des dépenses de R&D des
entreprises de la zone OCDE a fléchi de 4,5 % (seuls deux pays, la France
et la Corée, ont enregistré une hausse de la DIRDE) et, en 2010, la reprise
n’a pas permis de retrouver les niveaux antérieurs à 2009 ;
- l’amélioration constatée est fragile et réversible. La R&D
conduite par les filiales de groupes étrangers est par nature volatile car,
pour leurs nouveaux projets, les entreprises étrangères mettent en
compétition les différents territoires où conduire leur R&D et peuvent
remettre en cause leur implantation ;
- une hausse de plus de 50 % en cinq ans de la DIRDE des filiales
étrangères conduit à s’interroger sur le caractère artificiel de ce résultat ;
celui-ci peut également s’expliquer par des déclarations de R&D plus
exhaustives à partir de 2008 (compte tenu de l’avantage fiscal en
découlant), une meilleure collecte des données par le MESR ou par l’effet
Millions d'euros
2005
2006
2007
2008
2009
2010
DIRDE
des
filiales sous contrôle
étranger
5 286
4 999
5 161
5 808
7 420
7 912
DIRDE
22 503
23 911
24 753
25 761
26 426
27 403
Part de la DIRDE étrangère dans la
DIRDE en France
23%
21%
21%
23%
28%
29%
Source : MESR, Sies Enquêtes R&D
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
87
de la méthodologie retenue : en effet, le transfert du siège social d’une
entreprise de la France vers l’étranger peut conduire à des variations, sans
que ceci corresponde à un changement de nationalité du centre de
décision
56
. En raison de ces incertitudes, le ministère de l’enseignement et
de la recherche n’a pas produit pour 2011 de chiffre de DIRDE réalisée
par les filiales d’entreprises étrangères.
Au total, l’augmentation de la DIRDE réalisée par des filiales
étrangères, souvent mentionnée comme preuve d’un effet du CIR en
matière d’attractivité, ne constitue pas un indicateur fiable.
C - Les projets d’implantations étrangères de centres de
R&D
Les chiffres de l’agence française pour les investissements
internationaux figurant dans le tableau ci-après montrent une forte
augmentation des projets d’implantations en 2009 et 2010, puis un
tassement relatif en 2011 et 2012. Cependant les résultats de 2012 restent
supérieurs à ceux constatés entre 2003 et 2008.
Tableau n° 19 : projets d’implantation de centres de R&D
(2001-2012)
Toutefois, cette statistique ne dit rien des implantations finalement
réalisées et ne tient pas compte des départs (fermetures ou délocalisations
des centres de R&D). Il n’existe pas d’outil de suivi des investissements
étrangers en matière de R&D, tenant compte des entrées et sorties.
D’autres sources donnent une image moins favorable de
l’attractivité française. Ainsi le baromètre
Ernst & Young
de l’attractivité
de la France, publié en juin 2013 (cf. tableau ci-après), confirme les
56
C’est notamment le cas pour la branche aéronautique et spatiale, dont la DIRDE
réalisée par des filiales de groupes étrangers est passée entre 2008 et 2010 de 48 M€ à
2,15 Md€, tandis que le total de la R&D de la branche augmentait seulement de 2,72 à
2,96 Md€.
Evolution des centres de R&D en France (2001-2012)
Projets
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Croissance
2001-2012
R&D
22
15
28
29
25
27
25
21
42
51
40
45
7%
Emplois
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Croissance
2001-2012
R&D
1251 1885
854
2 046
659
1 054
938
720
1 645
1 640
1 173
1 557
2%
Source : Bilan France AFII, 2012
88
COUR DES COMPTES
résultats de l’AFII, avec de bons résultats en 2009 et 2010 et un tassement
à partir de 2011, alors que les implantations étrangères progressent en
Allemagne et au Royaume-Uni. En termes d’emplois créés, la France se
place au 9
ème
rang (avec 302 emplois créés, contre 1 790 au Royaume-Uni
et 1094 en Irlande)
Graphique n° 7 : évolution des 5 premières destinations R&D en
Europe 2008-2012 (nombre d’implantations étrangères)
Source : Ernst & Young, 2013
D - L’attractivité de la France pour la R&D, au-delà du
CIR
Dans sa réponse à la Cour, la direction générale du Trésor rappelait
les conclusions d’une étude conduite par le ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche à l’automne 2009 : « Les facteurs
déterminants pour la localisation des activités de R&D sont la proximité
au marché ainsi que la qualité des personnels de R&D. Viennent dans un
second temps l’accès aux aides publiques, la coopération avec la
recherche publique, puis le coût de la R&D ».
Le
CIR
est
certes
un
axe
majeur
de
communication
gouvernementale, mais les observateurs du secteur privé pointent
également les insuffisances du système d’innovation, qui pénalisent
l’image et l’attractivité de la France. Sont notamment mentionnés : la
faible valorisation de la recherche publique par le secteur privé, le
développement insuffisant du capital-risque, les choix de politiques
publiques (par exemple, pour les sciences du vivant et la médecine : la
politique du médicament, la politique hospitalière).
Au-delà des enquêtes d’opinion, ces carences sont reflétées dans le
classement annuel de la Commission européenne en matière d’innovation
(cf. tableau ci-après), qui repose sur une liste de 25 indicateurs
statistiques, tels que les publications scientifiques, les dépôts de brevets,
l’emploi dans les secteurs intensifs en connaissance, le nombre de
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
89
doctorants non ressortissants de l’Union européenne, etc. La France n’est
qu’au 9
ème
rang, parmi les « suiveurs ». Ce classement montre aussi que,
sur les quatre premiers États membres du classement, deux n’ont pas de
CIR (Suède et Allemagne) et un (la Finlande) ne l’a introduit qu’en 2013
et de manière très limitée (pour les embauches dans les PME).
Graphique n° 8 : indicateur de performance en matière d’innovation
des États membres de l’Union européenne (de 0 à 1)
Source : Innovation Union Scoreboard, Commission européenne, 2013
Une politique d’attractivité du territoire français pour la R&D ne
peut pas reposer uniquement sur le CIR. L’important effort financier
consenti par l’État ne doit pas dispenser de traiter les insuffisances de
notre système de recherche, notamment les liens entre recherche publique
et privée, comme la Cour l’a mis en évidence dans son récent rapport
public sur le financement public de la recherche. En effet, la concurrence
dans ce domaine ne se fonde pas uniquement sur des avantages fiscaux,
mais aussi sur la qualité des « écosystèmes de l’innovation » dans chaque
pays.
IV
-
Le CIR et la fiscalité des entreprises
Le CIR peut être apprécié, à la fois vis-à-vis de la fiscalité
applicable
à
la
propriété
intellectuelle,
dans
un
contexte
de
développement rapide des investissements immatériels et vis-à-vis de la
cohérence d’ensemble de l’impôt sur les sociétés.
90
COUR DES COMPTES
A - La fiscalité de la propriété intellectuelle et
l’optimisation fiscale internationale.
Le développement du capital lié à la connaissance (
knowledge-
based capital
) est une tendance observée au cours des dernières années.
Dans les pays membres de l’OCDE, ce type d’investissements (R&D,
achats de données, de brevets, acquisition de savoir-faire, etc.) s’est
développé plus rapidement que les investissements physiques (machines,
bâtiments, etc.)
Ce phénomène a des répercussions dans le domaine de la fiscalité.
La concurrence fiscale se développe non seulement au stade du projet de
recherche, avec le CIR, mais également, en aval, au stade des revenus liés
aux titres de propriété intellectuelle (revenus, cessions). Pour les grandes
entreprises, ces différents dispositifs incitatifs entrent dans les stratégies
d’optimisation des prix de transfert, impliquant des actifs incorporels.
1 -
L’essor des régimes de fiscalité privilégiée pour les revenus
liés à la propriété intellectuelle.
Les crédits d’impôt recherche ne sont pas les seuls dispositifs
d’incitation fiscale en matière de R&D. Beaucoup de pays ont également
mis en place des régimes fiscaux privilégiés pour les revenus liés à la
propriété intellectuelle, dits «
Patent Box
», dans l’optique d’attirer ces
revenus. Ces régimes prévoient des taux d’impôt réduits sur les
redevances ou les cessions de brevets et autres titres de propriété
intellectuelle ainsi que, pour certains d’entre eux, la commercialisation de
produits incorporant une invention de l’entreprise. Le régime applicable
aux Pays-Bas taxe les revenus liés à l’innovation à 5 % (taux normal de
l’IS : 20 à 25 %). Le Royaume-Uni et la Belgique ont mis en place une
Patent Box
, inspirée du régime néerlandais, aboutissant à des
exonérations d’impôt sur les sociétés de 80 % en Belgique (taux effectif
de 6,8 %) et de 50 % au Royaume-Uni (taux effectif de 10 %).
Ces régimes ne sont généralement pas conçus pour des
holdings
passives de détention de brevets. Ainsi, le régime britannique prévoit que
la société doit avoir contribué « significativement » à l’innovation.
L’intention est bien d’attirer les droits de propriété intellectuelle et leur
exploitation économique sur le territoire du Royaume-Uni. En revanche,
d’autres régimes particulièrement généreux existent pour la propriété
intellectuelle détenue par des
holdings
dans certains États membres
(Luxembourg, Chypre). Dans le cas néerlandais, le régime de
patent box
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
91
est couplé avec des possibilités de transfert de bénéfices vers des paradis
fiscaux
57
.
La disposition fiscale applicable en France (art. 39 terdecies du
CGI) permet de taxer les plus-values de cessions de brevets et les
redevances au taux réduit des plus-values à long terme (15 %), au lieu du
taux d’IS de droit commun. Dans le projet de loi de finances 2013, le coût
de cette mesure était estimé à 810 M€ en 2010, 850 M€ en 2011 et
680 M€ en 2012, soit des montants significatifs. Le bénéfice du dispositif
est très concentré : 150 bénéficiaires environ. En 2007, les dix premiers
bénéficiaires concentrent 89 % du coût du dispositif, la pharmacie étant le
secteur le plus bénéficiaire. L’inspection générale des finances estime que
le taux réduit concernant les redevances constitue une part « très
majoritaire » du coût du système. Le rapport du comité d’évaluation sur
les dépenses fiscales et les niches sociales (juin 2011) avait donné à cette
mesure la note 1 (de 0 à 3, par degré d’efficacité)
Une pression existe pour renforcer le régime français, en abaissant
le
taux
à
10 %.
L’Agence
française
pour
les
investissements
internationaux a proposé cette mesure pour renforcer l’attractivité de la
France. Il faut toutefois noter que le taux « facial » de 15 % est, selon
certains spécialistes
58
, aussi intéressant que le taux de 10 % du Royaume-
Uni, compte tenu des différences d’assiette et de frais déductibles. En
revanche, la direction de la législation fiscale estime que le volet de la
patent box
britannique, qui s’applique aux produits incorporant des
inventions, serait très difficile à transposer en France.
L’inclusion des cessions de brevets dans le champ de la mesure a
fait l’objet d’un aller-retour : inclusion en 1971 lors de la création du
dispositif, puis exclusion de 1997 à 2008 suivie d’une réincorporation en
2008. La justification traditionnellement avancée est d’inciter les
entreprises à céder des brevets inscrits à leur bilan mais qu’elles
n’exploitent pas.
On peut s’interroger sur la logique économique sous-jacente d’une
mesure fiscale incitant à la cession de brevets, dans un contexte où une
part de ces cessions de brevets est effectuée vers l’étranger, au détriment
de la valorisation en France. On peut noter que ce taux réduit s’applique à
un actif, le brevet, qui a souvent déjà fait l’objet au stade de la recherche
d’une aide fiscale avec le CIR. La direction de la législation fiscale estime
pour sa part que la suppression de cet avantage fiscal pour les cessions de
brevets pourrait conduire à des délocalisations vers des pays à fiscalité
57
L’utilisation de ces dispositifs par les grandes sociétés internationales du domaine
de l’internet a fait l’objet de nombreux articles de presse au début 2013.
58
UK patent box : la France conserve tout son attrait
. Option Finance, juin 2013.
92
COUR DES COMPTES
plus avantageuse que la France, dès lors que l'entreprise a pris la décision
de céder ses actifs.
Cette mesure fiscale a un coût significatif : elle a représenté en
2011 plus du quart de la dépense fiscale du CIR (850 M€ contre
3 072 M€). Pourtant, son impact n'a jamais fait l'objet d'une évaluation,
en contraste avec le nombre de rapports consacrés au CIR. Il conviendrait
de disposer, de la part de l’administration fiscale, des données réelles sur
le montant de la dépense fiscale et sur le nombre de bénéficiaires, au-delà
des estimations fournies. La concentration du bénéfice de cette niche
fiscale sur un petit nombre de bénéficiaires mériterait également d'être
explicitée.
Au total, un réexamen de cette mesure, dans son bien-fondé et ses
modalités de mise en oeuvre, parait aujourd’hui justifié. Ce réexamen
devrait prendre en compte l'essor des régimes de
patent box
en Europe et
les risques de délocalisation. Une telle évaluation permettrait une décision
éclairée sur les trois options envisageables :
-
soit le maintien à l'identique de la mesure, au nom de
l'impératif de stabilité fiscale ;
-
soit la remise en cause de ce dispositif, complète ou partielle
(par exemple, en excluant les cessions de brevet) ;
-
ou encore un rapprochement avec les dispositifs britannique ou
néerlandais (ce qui implique un taux d'imposition plus bas et
l'extension à la vente de produits incorporant les brevets), étant
entendu que cette dernière option dégraderait le solde
budgétaire.
2 -
Un domaine où existent des risques d’optimisation fiscale par
les grands groupes
L’existence de ces différents dispositifs incitatifs amène à
s’interroger sur les risques d’optimisation fiscale pour les grandes
entreprises. En effet, celles-ci sont en mesure d’utiliser successivement
les meilleurs systèmes disponibles de CIR pour leurs projets de recherche,
puis la fiscalité la plus intéressante pour la taxation des revenus liés à
l’innovation. De telles stratégies sont complexes, parfois à la limite de
l’abus de droit ou de l’acte anormal de gestion. Seules les très grandes
entreprises implantées dans plusieurs pays peuvent y recourir.
Le rapport sur les niches fiscales en 2011 estimait que « le
dispositif
français
[de
taxation
réduite
pour
les
brevets]
peut
s’accompagner d’optimisation fiscale au sein de groupes internationaux,
au travers d’un choix adéquat de facturation interne de R&D ». De fait, le
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
93
droit fiscal français a recherché un équilibre entre la gestion de la
propriété intellectuelle au sein d’un groupe et les risques d’optimisation
fiscale, en mettant en place dans l’article 39 terdecies des dispositifs anti-
abus, revus à plusieurs reprises. Notamment, il a été mis fin à la
distorsion aboutissant à rendre plus intéressante une cession ou une
concession de brevet à une filiale étrangère, par rapport à une filiale
française.
En 2012, l’OCDE a entamé des recherches sur ce sujet dans le
cadre de ces travaux sur l’érosion fiscale et les actifs incorporels. Dans
ses premières conclusions (mai 2013)
59
, elle estime que les indicateurs
traditionnels de mesure de l’incitation fiscale (telles que le «
B Index
»,
cf. supra) prennent mal en compte les stratégies d’optimisation fiscale
d’entreprises multinationales et sous-estiment le bénéfice qu’elles en
retirent. Elle va même jusqu’à dire que cette situation place dans une
situation défavorable les PME indépendantes, qui ne peuvent mettre en
place de telles stratégies, et recommande de réserver les avantages fiscaux
liés à la R&D aux PME.
Dans son rapport aux ministres de juin 2013
Lutter contre
l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices
, l’OCDE a
identifié des stratégies d’optimisation fiscale impliquant des actifs
incorporels, reprenant des exemples tirés de travaux du Congrès
américain. L’annexe
60
présente le cas (tiré des travaux du Congrès
américain), dans lequel une grande entreprise bénéficie du crédit d’impôt
recherche dans un pays développé, alors que la R&D réalisée lui est
remboursé par ses filiales. Dans ce rapport, l’OCDE note également que
les normes fiscales internationales n’ont pas évolué au même rythme que
les pratiques des entreprises au niveau mondial dans le domaine des actifs
incorporels.
Dans le cadre de la réflexion sur les prix de transfert, l’OCDE
recommande de développer la coopération internationale sur les enjeux de
transfert des actifs incorporels, de répartition artificielle de la propriété
d’actifs entre entités juridiques d’un même groupe, et de transactions
entre entités qui seraient exceptionnelles entre parties indépendantes.
La DGFiP a confirmé que, dans les vérifications sur le prix de
transfert, les flux financiers relatifs à des actifs incorporels constituaient
un sujet systématique d’investigation. Le contrôle s’efforce de vérifier le
destinataire final de la redevance, en cas de sous-concession de brevet et
une attention particulière est portée aux pays ayant une fiscalité nettement
59
“New sources of growth : knowledge-based capital and policy conclusions”
OCDE
Comité des affaires fiscales.
60
« Un cas d’optimisation fiscale impliquant R&D et propriété intellectuelle ».
94
COUR DES COMPTES
plus avantageuse que la France. De même, l’administration fiscale vérifie
que ces flux de redevances portent sur des actifs réels et ont un montant
correspondant à la valeur économique de la prestation fournie.
Dans plusieurs cas, des entreprises ont été redressées pour avoir
refacturé à une autre entreprise du groupe établie à l’étranger, le coût de
la R&D effectuée en France moins le montant du CIR obtenu. Il a été
demandé aux entreprises de refacturer la R&D selon le principe « coût
plus pourcentage » («
cost +
»).
Par ses caractéristiques, le crédit d’impôt français peut constituer
un mécanisme intéressant pour une grande firme : il n’est pas plafonné,
est remboursable et génère donc des flux de trésorerie. Les récents
travaux de l’OCDE, tendent à montrer que l’évaluation traditionnelle des
CIR (
B Index
) sous-estime les effets de l’optimisation internationale des
grands groupes et, donc, le bénéfice retiré par ces entreprises des mesures
d’incitation fiscale à la R&D.
Ceci justifie d’accorder une importance particulière à l’étude du
segment des très grandes entreprises, en cas d’évolution du dispositif.
B - Un instrument d’allègement sélectif de l’impôt sur
les sociétés
Le CIR ne peut être examiné isolément de la situation française en
matière d’impôt sur les sociétés, qui se caractérise par un taux élevé et
des possibilités de dérogations nombreuses.
1 -
Le CIR constitue jusqu’à présent la principale dépense fiscale
associée à l’impôt sur les sociétés
Au regard du volume des recettes de l’impôt sur les sociétés
(52,3 Md€ dans le projet de loi de finances 2013), le crédit d’impôt
recherche représente un montant significatif (3,35 Md€ en projet de loi de
finances 2013). On pourrait y ajouter le coût de la mesure fiscale
concernant les brevets (680 M€), les deux mesures concourant à l’objectif
de soutenir la recherche et l’innovation en France.
Les pertes de recettes d’IS relatives à cet objectif devraient donc
s’élever en 2013 à environ 4 Md€, soit 6 % du produit de l’impôt pour le
seul CIR, 7,1 % pour les deux mesures. En 2011, le CIR (3,07 Md€) a
représenté 7,9 % du produit de l’IS, les deux mesures, 9 %. Le point d’IS
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
95
brut théorique 2011 s’élevant à 1,25 Md€
61
, le CIR a représenté, en 2011,
2,45 points d’IS.
Ce mécanisme d’allègement très ciblé améliore la compétitivité
des entreprises qui ont une activité de recherche : il y a moins de 20 000
entreprises déclarantes au CIR sur 1,4 million d’entreprises relevant de
l’impôt sur les sociétés.
Il doit désormais aussi se différencier du crédit d’impôt
compétitivité emploi (CICE). Cette mesure fiscale massive, introduite
dans la LFI pour 2013, vise à alléger les charges des entreprises sur les
salaires inférieurs à 2,5 fois le SMIC
62
. Le coût du CICE est estimé par le
Gouvernement à terme à 20
Md€ (9,8 Md€ en 2014, 16,3 en 2015).
On peut s’interroger sur la lisibilité d’une situation consistant à
laisser inchangé le taux de l’impôt sur les sociétés (33,33 %), tout en
adoptant des mesures d’allègement ciblées de grande ampleur qui
influencent, dans un cas, l’investissement dans la recherche et, dans
l’autre, le travail peu ou moyennement rémunéré.
2 -
La France a échappé au mouvement de baisse du taux de
l’impôt sur les sociétés constaté au sein de l’OCDE depuis 2000
Dans son rapport pour la réunion ministérielle de juin 2013,
l’OCDE rappelle que la baisse des taux de l’impôt sur les bénéfices des
sociétés a débuté avec les réformes fiscales engagées au Royaume-Uni et
aux États-Unis au milieu des années 80, qui ont eu pour effet de réduire
les taux et d’élargir la base d’imposition (en durcissant les règles
d’amortissement fiscal et en supprimant des niches).
La baisse des taux s’est poursuivie ces dernières années. Ainsi, le
taux légal de l’impôt sur les sociétés dans les pays membres de l’OCDE a
diminué de 7,2 points en moyenne entre 2000 et 2011, passant de 32,6 %
à 25,4 %. 31 pays ont réduit leur taux et seuls deux pays l’ont augmenté :
le Chili et la Hongrie.
L’OCDE a montré également qu’en 1981, les taux d’IS étaient
proches dans les grandes économies (49,6 %), les moyennes (44 %) et les
petites économies (48,1 %). En 2011, l’écart a fortement augmenté : le
taux maximum dans les grandes économies s’élevait à 32,8 %, dans les
moyennes à 27,4 % et à 24,6 % dans les petites. Ceci pourrait traduire la
pression et la concurrence fiscale qui s’exercent, les grandes économies
étant plus à même de préserver leur « souveraineté fiscale ».
61
Source : DGFiP juin 2013.
62
Voir la description du CICE au chapitre V.
96
COUR DES COMPTES
Au sein de l’Union européenne, le taux maximum ajusté de l’IS en
2012 était de 23 % (avec 36,1 %, la France est au 1
er
rang parmi les États
membres de l’Union européenne).
Graphique n° 9 : taux maximum de l’impôt sur les sociétés en 2000 et
en 2011 dans les pays de l’OCDE (Source : OCDE)
3 -
La France se situait en 2008 au-dessus de la moyenne
européenne en matière de taux implicite d’impôt sur les sociétés
Le taux de taxation implicite
63
Pour évaluer la charge que l’IS représente réellement pour les
entreprises, un des indicateurs privilégiés, notamment dans les
comparaisons internationales, est le taux implicite d’imposition, soit le
ratio entre les recettes d'impôt sur les sociétés et son assiette
économique mesurée par l'excédent net d'exploitation. Cet indicateur
diffère du taux nominal de 33,33 % pour deux grandes catégories de
raisons :
63
La direction générale du Trésor précise par ailleurs que le taux implicite d'impôt sur
les sociétés est un concept qui doit être utilisé avec précaution, du fait de l'absence de
disponibilité de données pour certains pays (notamment pour l'Allemagne) et de la
construction de l'indicateur dans d'autres. En outre, l'impôt pris en compte est celui
payé une année donnée et non l'impôt dû au titre d'une année.
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
97
– les règles d'assiette (déductibilité des intérêts d'emprunt
notamment) et de taux (taux réduit de 15 % applicable à une fraction
des bénéfices des petites et moyennes entreprises (PME) jouent à la
baisse sur le taux implicite ;
– la démographie des entreprises, combinée aux règles de
report des déficits, explique que certains déficits constatés une année
ne puissent jamais ouvrir droit à une réduction d'impôt ultérieure et
joue à la hausse sur le taux implicite.
Graphique n° 10 : taux implicite d’imposition en Europe en 2008
Source : Trésor-Eco n° 88, juin 2011
Les données publiées en mai 2013 par EUROSTAT et la
Commission européenne jusqu’en 2011 (in
Taxation Trends in the
European Union
) confirment et amplifient ces données. Pour un taux
implicite moyen de 19,8 % en 2011 dans l’UE 25, la France se situe au
1
er
rang à 26,9 %, l’Italie à 24,8 %, la Suède à 20,6 %, le Royaume-Uni à
18,8 %, la Belgique à 17 % et les Pays-Bas à 7,1 %. En 2000, la France se
situait à 2,9 points au-dessus de la moyenne UE25 et en 2011, elle se
situait à 7,1 points.
4 -
La comparaison avec l’Allemagne
En 2011, la Cour des comptes, dans son rapport public sur les
prélèvements fiscaux et sociaux en France et en Allemagne
64
, établi sous
sa seule responsabilité mais après concertation avec son homologue, la
Bundesrechnungshof
et le ministère fédéral des finances, avait étudié de
manière détaillée les différences de régime d’impôt sur les sociétés en
France et en Allemagne.
64
Mars 2011
98
COUR DES COMPTES
En Allemagne, après une première réforme en 2000 qui a fait
passer le taux maximum de 52 à 38 %, le taux d’IS a été à nouveau
abaissé jusqu’à 30 % en 2008, avec une assiette significativement élargie.
Sur la période 2008-2011, malgré un taux plus bas, l’IS a représenté en
moyenne 2,40 % du PIB en Allemagne, contre 2,05 % en France. De
même, l’analyse des taux effectifs moyens d’imposition montre que
l’Allemagne s’est rapprochée de la moyenne européenne entre 2005 et
2009, à la différence de la France.
Graphique n° 11 : taux moyens effectifs d’imposition des sociétés
(en %, 2005 et 2009)
Le taux effectif moyen d’imposition
Le taux effectif moyen d’imposition
(EATR)
reflète la
réduction de la valeur actualisée nette d’un investissement rentable
provoquée par l’impôt (un investissement rentable étant celui qui a un
taux de rendement supérieur au coût du capital).
Même si sa signification ne doit pas être surestimée, les taux
ainsi déterminés étant des taux simulés et non des taux réels, cet
indicateur est particulièrement utile pour évaluer l’impact de la
localisation d’un investissement sur son rendement après impôt.
L’EATR est donc un indicateur d’attractivité.
Les résultats pour 2012 publiés par l’institut allemand ZEW et
repris
par
la
Commission
européenne
montrent
un
très
léger
rapprochement entre la France (34,2 % en 2012) et l’Allemagne (28,2 %).
En revanche, l’écart de la France avec la moyenne de l’Union européenne
(20,9 %) s’est légèrement accru. Les États-Unis (36,5 %) et le Japon
(38,6 %) ont réduit leur écart avec l’Europe.
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
99
De même, l’impôt sur les sociétés allemand a évolué vers une plus
grande neutralité fiscale : on constate une convergence des taux effectifs
moyens d’imposition en fonction du mode de financement (émission
d’actions, dette, bénéfices réinvestis) et de la nature de l’investissement
(immobilier, machine, actif incorporel, etc.), à la différence de la situation
française où les écarts restent sensiblement les mêmes.
Alors qu’en France, les pouvoirs publics ont fait de la fiscalité l’un
des supports de la politique industrielle en lui donnant un rôle
d’orientation des investissements et des comportements des entreprises, le
choix a été fait en Allemagne, dans le cadre de l’« économie sociale de
marché », mise en place au lendemain de la seconde guerre mondiale, de
privilégier les processus de marché dans l’allocation des facteurs de
production. De ce fait, la fiscalité y est moins sollicitée qu’en France pour
orienter les comportements des acteurs économiques.
5 -
La dépense fiscale du CIR s’inscrit dans un contexte peu
lisible sur le niveau effectif de l’impôt sur les sociétés en France
Le taux nominal d’impôt sur les sociétés en France (33,33 %) est
l’un des plus élevés de l’Union européenne, de même que le taux
maximum ajusté, calculé par la Commission européenne (36,1 %) ;
en matière de taux implicite moyen, la France se situe en 2011 au
1
er
rang du classement EUROSTAT à 26,9 %, (pour une moyenne
européenne de 19,8 %) ;
le taux implicite est variable selon la taille des entreprises : en se
fondant sur les données du projet de loi de finances 2013, le taux
implicite
65
d’impôt sur les sociétés en 2011 s’établissait à 42,5 %
pour les PME, à 29,8 % pour les entreprises de taille intermédiaire et
à 24,9 % pour les grands groupes, pour un taux moyen de 31,1 %. Le
gouvernement estime que les mesures prises en loi de finances pour
2013 permettront « à terme » un resserrement de l’écart entre PME
et grandes entreprises de 3 points ;
il est possible que la croissance anticipée du CIR vienne contrecarrer
cette correction, dans la mesure où les grandes entreprises sont celles
qui bénéficient le plus de ce mécanisme
66
. Le CIR peut donc
65
Source : projet de loi de finances 2013, rapport sur les prélèvements obligatoires.
Sur la base de l’impôt perçu au titre de 2011 (le taux implicite mentionné dans le
projet de loi de finances 2013 est calculé selon une méthodologie différente
d’Eurostat).
66
En 2011, 75 entreprises ont déclaré plus de 25 M€ au titre du CIR et ont représenté
45 % du total déclaré. Ceci reflète la concentration de la DIRDE en France : les
grandes entreprises (5 % du nombre des entreprises) réalisent 70 % de la DIRDE.
100
COUR DES COMPTES
aggraver l’un des défauts de l’impôt sur les sociétés en France, à
savoir qu’il pèse plus sur les petites entreprises que sur les grandes ;
le crédit impôt compétitivité emploi introduit un élément de
complexité supplémentaire : le CICE est un dispositif horizontal, qui
allège l’impôt sur toutes les entreprises, tandis que le CIR ne
bénéficie qu’aux entreprises réalisant un effort de recherche. En
outre, il est possible de cumuler les deux crédits d’impôt, de manière
inhabituelle. Sur la base d’un CIR à 6 Md€ et d’un CICE atteignant à
terme à 20 Md€ (estimation du gouvernement), ce serait donc une
part très significative du produit de l’IS qui serait entamée, afin
d’améliorer la compétitivité des entreprises.
À législation constante, le coût du CIR est appelé à augmenter pour
atteindre un niveau « de croisière », entre 5,1 et 6 Md€. Aujourd’hui,
rapporté aux recettes nettes d’IS prévues dans le projet de loi de finances
2013 (hors CIR), le CIR représente 6,1 % de la recette d’impôt sur les
sociétés.
Avec une dépense fiscale de 5,1 Md€, le CIR représenterait
3,3 points d’IS, soit l’équivalent d’un taux d’IS abaissé à 30 %.
Tableau n° 20 : équivalence d’une dépense fiscale de CIR en point
d’impôt sur les sociétés
2011
LFI 2013
H1
H2
Recettes nettes d’IS
39,1 Md€
51,4 Md€(*)
51,4 Md€
51,4 Md€
Dépenses fiscales CIR
3,07 Md€
3,35 Md€
5,1 Md€
6 Md€
Part du CIR sur l’IS hors CIR
7,3 %
6,1 %
9 %
10,4 %
Effet
sur
le
taux
nominal
(33,33 %)
2,45 points
2,04 points
3,3 points
3,9 points
(*) montant d’impôt sur les sociétés pour 2013 révisé dans le programme de
stabilité
H1 : dépense fiscale à 5,1 Md€ ; H2 : dépense fiscale à 6 Md€.
Une dépense fiscale en faveur de la recherche d’un montant élevé
par rapport au produit de l’IS est un enjeu en termes de cohérence de la
politique fiscale menée en matière d’impôt sur les sociétés, de lisibilité
vis-à-vis des entreprises et de neutralité fiscale.
La
comparaison
avec
l’Allemagne
montre
une
opposition
d’inspiration, entre un système français fondé sur un taux élevé et de
nombreux mécanismes dérogatoires (quelle que soit la forme technique
que prennent ces dispositifs : réduction de l’assiette, crédits d’impôt,
etc.), et un système allemand fondé sur une assiette large et des taux
faibles. Le dispositif du crédit impôt recherche - particulièrement
avantageux en France et absent en Allemagne - illustre très exactement ce
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
101
propos. Cette dimension devra être prise en compte dans la réflexion sur
l’avenir du CIR.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Depuis la réforme de 2008, le nombre d’entreprises déclarant du
CIR a doublé, passant de moins de 10 000 entreprises en 2007 à 19 700
en 2011 (dernière année connue). Les dépenses déclarées ont connu une
évolution beaucoup moins marquée qui s’inscrit dans la ligne de celle
constatée durant les années précédentes (15,4 Md€ en 2007 ; 18,4 Md€
en 2011). Le triplement de la créance constituée par les entreprises entre
2007 et 2011 est ainsi, pour une très large part, lié à la puissance du
régime mis en place en 2008. En 2011, si plus de 88 % des déclarants
sont des entreprises de moins de 250 salariés, ces entreprises ne
représentent que 35 % du montant total du CIR. Près de 90 % des
déclarations portent sur des dépenses de R&D inférieures à 1 M€.
L’efficacité du crédit d’impôt recherche peut être examinée au
regard de différents objectifs.
Par rapport à l’objectif premier du CIR, à savoir stimuler les
dépenses de R&D des entreprises dans la perspective que la compétitivité
et la croissance s’en trouvent accrues, aucune des études publiées ne
repose sur des données postérieures à la réforme de 2008. Le score
accordé par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches
sociales repose, pour des raisons d’homogénéité de traitement, sur le
coût de la dépense fiscale présenté dans la loi de finances pour 2011 :
2,1 Md€, soit moins de la moitié de la créance des entreprises en 2011. Et
l’étude servant de fondement à l’indicateur d’impact présenté à l’appui
des lois de finances est une simulation ex ante des effets de la réforme.
Des deux ateliers de travail qu’elle a organisés avec les
chercheurs impliqués dans la mesure de l’impact du CIR, la Cour retient
que, si un rapport est prévu par le ministère de l’enseignement supérieur
et de la recherche en fin d’année 2013 sur cet impact, celui-ci ne
comportera en fait que très peu de données postérieures à la réforme de
2008, en raison notamment de problèmes d’accès à ces données. De ce
fait, le rendez-vous annoncé pour une évaluation du CIR en 2013 ne sera
pas tenu. Les orientations qui se dessinent des travaux en cours, laissent
à penser que le nouveau régime du CIR se caractériserait globalement
par un effet additif, sans effet de substitution, ni effet d’entraînement. Des
analyses plus fines mettent l’accent sur l’efficacité du dispositif pour
certains types de dépenses ou d’entreprises.
102
COUR DES COMPTES
Les données sur l’évolution de la dépense intérieure de R&D des
entreprises dont on dispose jusqu’à 2012 pour de premières estimations
corroborent ces constats : cette évolution n’a pas été en proportion de
l’avantage fiscal accordé. Si l’intensité en R&D des entreprises qui font
de la recherche et développement se compare favorablement avec celle
des autres pays membres de l’OCDE, la France souffre d’un nombre trop
limité d’entreprises engagées dans ces activités et d’une spécialisation
sur des secteurs peu intensifs en R&D, en lien avec la baisse de la part de
l’industrie dans le PIB.
Les effets du CIR en matière d’attractivité sont difficiles à établir.
En 2009 et 2010, la dépense intérieure de R&D provenant de filiales
d’entreprises étrangères a augmenté, mais des incertitudes sur la qualité
de l’outil statistique amènent à prendre ce résultat avec prudence. Pour
les entreprises françaises, le CIR a joué comme un instrument « anti-
délocalisation », grâce à une baisse du coût du chercheur. On peut
cependant s’interroger sur le caractère durable de cette embellie : les
enquêtes d’opinion montrent en effet un fléchissement des projets de
création de centres de R&D par des entreprises étrangères, à partir de
2011. L’ensemble des paramètres du climat en faveur de l’innovation
sont pris en compte par les investisseurs étrangers et les faiblesses du
système français, notamment l’insuffisante valorisation de la recherche
publique par le secteur privé, nuisent à l’attractivité de la France.
Le CIR doit également être replacé dans la perspective de la
politique fiscale. S’agissant du domaine de la propriété intellectuelle, au-
delà des crédits d’impôt, on assiste dans les pays de l’OCDE au
développement de régimes préférentiels pour la taxation de la propriété
intellectuelle, ainsi qu’à des mécanismes d’optimisation des flux liés aux
actifs immatériels. Dans un contexte de concurrence fiscale, le processus
d’innovation se trouve largement sous-imposé et les grandes entreprises
ont des possibilités d’optimisation que n’ont pas les PME et les
entreprises de taille intermédiaire.
Dans ce cadre, la mesure fiscale d’imposition à taux réduit des
cessions et concessions de brevet devrait faire l’objet d’un réexamen. On
peut enfin s’interroger sur la lisibilité et la cohérence de l’impôt sur les
sociétés, où coexistent un taux élevé et d’importantes mesures fiscales qui
réduisent la recette. Cette situation n’est pas conforme à un objectif de
neutralité fiscale et diffère de celle qui prévaut en Allemagne.
Au vu de l’importance des montants en jeu dans le crédit d’impôt
recherche et des objectifs qu’il poursuit, il est regrettable que les moyens
n’aient pas été dégagés en amont pour procéder à une évaluation de ce
dispositif, tenant compte de la structure de l’impôt sur les sociétés et de
sa cohérence avec les autres aides à la R&D des entreprises, comme l’a
LA DIFFICILE MESURE DE L’EFFICACITÉ DU CIR
103
recommandé la Cour dans son rapport public thématique de juin 2013
sur le financement public de la recherche.
Dans ce contexte, la Cour formule les recommandations
suivantes :
4.
renforcer les études d’impact sur le CIR pour disposer de résultats
portant sur le régime issu de la réforme de 2008 et assurer à nouveau
aux chercheurs l’accès aux données économiques des entreprises ;
5.
retenir comme indicateur de performance principal du CIR
l’évolution du ratio de dépense intérieure de R&D des entreprises
sur PIB et le compléter par des indicateurs par grands secteurs
d’activité ;
6.
procéder à un réexamen de la mesure fiscale instaurant un taux
d’imposition réduit pour les cessions et concessions de brevet ;
7.
intégrer le CIR dans les travaux qui s’engagent entre la France et
l’Allemagne sur l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés.
Chapitre IV
Une gestion lourde, des risques de
fraude
La déclaration de CIR est déposée par les entreprises en même
temps que leur déclaration d’impôt sur les sociétés. Le crédit d’impôt
recherche est alors soit imputé en réduction de l’impôt dû, soit reporté sur
l’exercice suivant, soit, s’agissant des PME, remboursé par les services
fiscaux à l’entreprise. Dans les trois ans suivant la date de dépôt légal de
la déclaration, le CIR peut faire l’objet d’un contrôle fiscal. Des
investigations ont été menées par la Cour sur chacune de ces trois étapes.
I
-
La gestion de leur déclaration par les
entreprises
Pour bénéficier du CIR, les entreprises doivent produire une
déclaration spéciale, l’imprimé Cerfa 2069 A, qui n’est à ce jour pas
dématérialisé. Sa structure s’est compliquée au fur et à mesure que le
régime du CIR s’est précisé, notamment pour le calcul de la sous-
traitance. Depuis 2011, les entreprises qui exposent plus de 100 M€ de
dépenses de R&D doivent présenter, à l’appui de leur déclaration, un état
de leurs travaux de recherche. Les états que la Cour a consultés décrivent
succinctement la politique de R&D suivie par les entreprises.
106
COUR DES COMPTES
Trois aspects de la gestion par les entreprises de leur déclaration
retiennent particulièrement l’attention : la fiscalité de groupe et
l’optimisation fiscale, le recours à des consultants, enfin l’usage de
dispositifs de sécurisation propres au CIR.
A - La fiscalité de groupe et l’optimisation fiscale
1 -
La rétrocession des créances de CIR aux filiales
Pour bénéficier du régime de l’intégration fiscale, les groupes
doivent opter pour ce régime, conclure des conventions d’intégration
fiscale avec les entités concernées et tenir celles-ci à disposition des
services fiscaux lors des contrôles.
La Cour a examiné les conventions fiscales de neuf groupes,
correspondant à ceux pour lesquels des contrôles étaient en cours au sein
de la direction des vérifications nationales et internationales. Ces neuf
conventions prévoient que les filiales seront placées dans une situation
comparable à celle qui aurait été la leur en l’absence d’option pour le
régime d’intégration fiscale, ce qui implique une rétrocession des crédits
d’impôts aux entités qui en sont à l’origine. Le CIR est explicitement
mentionné dans cinq des neuf conventions examinées.
2 -
L’évolution du périmètre d’intégration fiscale des groupes au
regard de l’optimisation du CIR
Les groupes intégrés fiscalement au sens de l’article 223 A du code
général des impôts peuvent optimiser légalement les résultats présentés à
l’administration fiscale en faisant rentrer ou sortir des entreprises du
périmètre de leur intégration.
La direction des grandes entreprises, chargée de la gestion de
l’impôt des grandes entreprises au sein de la direction générale des
finances publiques, vérifie ponctuellement les neutralisations opérées lors
de l’entrée d’une entreprise dans une intégration ou de sa sortie mais ne
va pas au-delà. Pour cette direction, si les périmètres des intégrations
fiscales sont en constante évolution, une stratégie d’optimisation en vue
d’accroître leur seul gain au CIR est peu probable. Si optimisation de
l’intégration fiscale il y a, alors elle vise d’abord, selon cette direction,
l’impôt sur les sociétés.
La direction des vérifications nationales et internationales indique
de même ne pas avoir constaté d’évolution spécifiquement liée au CIR
depuis 2008.
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
107
La direction de la législation fiscale fait également valoir qu’à sa
connaissance, « les montages supposés ne sont pas démontrés. Selon le
ministère chargé de la recherche, aucune donnée ne vient en appui de
l’affirmation
selon
laquelle
les
groupes
intégrés
auraient
systématiquement accru le nombre de leurs filiales entre 2007 et 2008
pour maximiser les effets du CIR ».
L’analyse des bases GECIR 2007 et 2011 laisse apparaître que le
nombre d’intégrations fiscales entre 2007 et 2011 a augmenté des deux
tiers. Cette évolution ne traduit pas pour autant une dynamique
d’ensemble
67
. Par ailleurs, il n’y pas eu au cours des trois dernières
années de bascules significatives des quelques déclarations d’entreprises
excédant de beaucoup le plafond de 100 M€ vers d’autres entreprises du
groupe.
De fait, le plafond de 100 M€ de dépenses de R&D par filiale, sous
lequel le taux de 30 % de crédit d’impôt s’applique, est suffisamment
élevé pour ne pas susciter chez l’essentiel des déclarants le besoin
d’optimiser le périmètre d’intégration fiscale au regard du CIR. En
d’autres termes, le régime actuel du CIR apparaît déjà largement optimisé
pour les groupes.
Cette question doit néanmoins être examinée de manière non pas
statique mais dynamique. Des stratégies d’optimisation, visant à
maximiser l’avantage fiscal accordé au titre du CIR, peuvent se
développer dans la durée. D’après le rapport
68
de l’inspection générale
des finances sur l’évasion fiscale, « à mesure des fusions, acquisitions,
cessions ou réorganisations, les groupes multinationaux optimisent la
fiscalité de leurs activités en fonction du droit applicable ». Cette analyse
est reprise par la direction générale du Trésor.
B - Les autres aspects de la gestion du CIR par les
entreprises
1 -
Le recours aux consultants
Les entreprises peuvent s’adjoindre le concours de consultants
pour préparer leur déclaration de CIR. Cette pratique s’est fortement
67
Pour les intégrations fiscales qui apparaissent dans la base GECIR à la fois en 2007
et 2010, plus de la moitié n’ont pas modifié le nombre d’entreprises qui les compose,
moins du quart ont augmenté ce nombre, et le reste l’a diminué.
68
Page 9 du rapport de l’inspection générale des finances, note n° 2012-M-032-03
« Mission de comparaisons internationales sur la lutte contre l’évasion fiscale via les
échanges économiques et financiers intra-groupes »
108
COUR DES COMPTES
accentuée depuis la réforme du CIR sans qu’il soit possible de la chiffrer
précisément. Le rapport de l’inspection générale des finances de 2010
avait indiqué que 25 % des entreprises rencontrées avaient eu recours à
des cabinets pour réaliser leur déclaration de CIR.
Selon les entreprises, le rôle du cabinet conseil est variable et peut
s’avérer de ce fait, selon la direction générale pour la recherche et
l’innovation, « vertueux ou pervers » : « La taille de l’entreprise de ce
point de vue n’est pas déterminante. Certaines petites entreprises se
laissent séduire par des démarches marketing agressives et peuvent tenter
de déclarer du CIR alors qu’elles ne font pas de R&D. Dans les grandes
entreprises le rôle du cabinet peut être de mettre en forme des
informations collectées au cours de l’année par l’entreprise ou peut être
plus structurant ».
Depuis 2011, les rémunérations allouées à des tiers au titre de
prestations de conseil pour l’obtention du CIR sont, dans certains cas,
déduites de l’assiette du CIR. Ces déductions s’élèvent à 67,9 M€. Aussi
la Cour a-t-elle pu analyser, à partir de la base des déclarations
d’entreprises de 2011, les déductions effectuées, la typologie des
entreprises et les montants des déclarations concernées.
Tableau n° 21 : le recours aux consultants en 2011 déduit de l’assiette
du CIR
Parmi les 19 700 déclarants au CIR répertoriés dans la base
GECIR du ministère de la recherche en 2011, 3 400 entreprises ont déduit
des rémunérations de conseil, soit 17 % d’entre elles. Il s’agit pour les
trois-quarts de PME. Les déclarations de créance concernées s’élèvent au
total à 1 106 Md€ (soit 21,5 % de la créance totale)
69
. Toutes les
prestations de consultants ne faisant pas l’objet d’une déduction, ces
données constituent une valeur minimale du recours à ces consultants.
69
Une annexe précise les conditions dans lesquelles les conseils interviennent auprès
de leurs clients.
Salariés
Entreprises déclarant
des prestations de
conseil
Distribution
des
entreprises
Part dans le
total des
déclarants
Créance
concernée
(en M€)
1 à 249
2550
75%
17%
303,7
250 à 499
230
7%
27%
93,0
500 à 1999
210
6%
28%
221,3
> ou égal à 2000
50
1%
24%
356,2
Non renseigné
360
11%
12%
131,9
Total
3400
100%
17%
1 106,1
Source : base GECIR
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
109
L’agrément des consultants par l’administration est parfois une
solution invoquée pour assurer que leur intervention se réalise dans les
meilleures conditions. Une telle solution représenterait toutefois un
alourdissement des procédures associées au CIR, sans pouvoir garantir au
cas par cas la qualité des prestations effectuées. Il pourrait néanmoins être
souhaitable que des labels de qualité, reposant sur des bonnes pratiques et
un cahier des charges précis, soient mis en place par la profession.
2 -
La comptabilisation du CIR
Le crédit d’impôt recherche constitue pour l’entreprise un produit
qu’elle doit faire figurer dans ses comptes. Il existe en la matière un
hiatus entre les règles applicables aux comptes sociaux et celles
applicables aux comptes consolidés. Ces dernières conduisent à
comptabiliser le CIR sous forme de subvention, l’impôt sur les sociétés
apparaissant dès lors avant imputation et restitution de crédit d’impôt
recherche et celui-ci dans les produits d’exploitation, sous la rubrique
subvention.
D’un point de vue économique, la comptabilisation sous forme de
subvention est la plus proche de la nature du crédit d’impôt recherche
70
.
Les règles de comptabilisation du CIR
En application des normes IAS (
International Accounting Standards
),
le CIR est comptabilisé au titre des produits d’exploitation, sous la forme
d’une subvention publique (norme IAS 20). Ce référentiel comptable est
utilisé pour établir les comptes consolidés et concerne toutes les grandes
entreprises. Cette comptabilisation du CIR améliore le résultat d’exploitation
et permet de mettre le crédit d’impôt en regard des dépenses qui l’ont justifié.
Pour l’établissement des comptes sociaux, le plan comptable général,
à portée nationale, admet deux méthodes de comptabilisation : une
comptabilisation par imputation sur la dette d’impôt sur les sociétés ou une
comptabilisation en subvention d’exploitation. Par note d’information du
11 janvier 2011, le collège de l’autorité des normes comptables a précisé que
les produits issus du CIR devaient être enregistrés dans les comptes sociaux
en diminution de l’impôt sur les sociétés, cette position étant notamment
rapportée aux règles d’établissement de la cotisation sur la valeur ajoutée des
entreprises que la comptabilisation du CIR en subvention aurait eu pour effet
d’augmenter.
70
Dans la mesure notamment où il prévoit un remboursement, qui garantit à
l’entreprise le versement du crédit d’impôt quel que soit son niveau d’imposition.
110
COUR DES COMPTES
3 -
La mobilisation et le préfinancement du CIR
Les entreprises peuvent avoir recours à différents moyens pour
obtenir, avant l’imputation de leur crédit d’impôt ou son remboursement
par les services fiscaux, les liquidités correspondantes.
a)
La mobilisation de créance
La créance de CIR peut être mobilisée auprès d’un établissement
financier
ou
d’Oséo.
L’entreprise
cédera
alors
sa
créance
à
l’établissement financier et obtiendra en contrepartie une part des
liquidités correspondantes, moyennant rémunération de l’établissement
financier. Les services fiscaux rembourseront directement l’établissement
financier propriétaire de la créance
71
.
La mobilisation de créance avait perdu de son intérêt lors du plan
de relance, les entreprises pouvant obtenir directement et sans frais le
remboursement
de
leur
créance
par
l’État.
Depuis
2011,
le
remboursement immédiat a été pérennisé pour les PME et certaines autres
entreprises. La mobilisation de créance ne concerne donc désormais que
les autres entreprises, en particulier les entreprises de taille intermédiaire
(ETI). L’exemple d’Oséo permet d’illustrer cette pratique.
Oséo et la mobilisation de créance
Oséo mobilise des créances de CIR depuis environ 10 ans. Cette
activité s’inscrit dans le cadre des missions historiques de l’établissement, au
titre desquelles il soutient environ 10 000 entreprises qui ont notamment des
difficultés à obtenir des encours supplémentaires de la part d’autres acteurs
financiers. Depuis 2011, cette activité concerne essentiellement des ETI.
Dans le processus de mobilisation de créances de CIR, Oséo intervient
comme une banque de court terme, en offrant à l’entreprise une avance de
trésorerie en fonction du montant de sa créance de CIR mobilisable. Le coût
d’une mobilisation se compose de frais de dossier et d’expertise de l’ordre de
quelques milliers d’euros, d’une commission d’engagement de 1 % et d’un
taux d’intérêt correspondant au taux Euribor à 1 mois plus 3 % à 4 %, soit un
coût global de près de 5 % de la créance mobilisée.
Si la mobilisation de créance de CIR occupe une place limitée dans le
produit net bancaire d’Oséo, cette activité est en forte croissance en 2012.
L’encours est actuellement de l’ordre du triple de ce qu’il était il y a quelques
années, soit 167 M€.
71
Ce mécanisme est régi par la loi Dailly, et ses modalités pratiques sont précisées
dans l’instruction fiscale n° 180 du 26 novembre 2004, 4-A-10-04.
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
111
b)
Le préfinancement
Dans le cadre du Pacte national pour la croissance, la compétitivité
et l’emploi du 6 novembre 2012, un préfinancement du CIR avec le
concours de la nouvelle Banque publique d’investissement a été prévu
72
.
Depuis la fin 2012, ce préfinancement permet à une entreprise de disposer
d’une avance de trésorerie pour couvrir ses dépenses de R&D dès l’année
où elles sont engagées. Le dispositif dispense ainsi l’entreprise d’attendre
un an pour obtenir le remboursement de son CIR. Il est applicable aux
PME de plus de 3 ans, et ayant déjà bénéficié au moins une fois du CIR.
Le préfinancement du CIR est un prêt. Le gain d’impôt ou le
remboursement doivent apporter à l’entreprise les fonds nécessaires pour
s’acquitter de sa dette à l’égard de l’organisme de financement. La
créance étant mobilisée avant même sa création effective, l’organisme qui
accepte de préfinancer le CIR d’une entreprise le fait sans sûreté. Le
dispositif de préfinancement ne prévoit en effet aucune garantie sur les
actifs
de
l’entreprise,
ni
de
caution
personnelle.
Lorsque
le
préfinancement est assuré par un établissement bancaire, il est prévu
qu’Oséo puisse se porter garant à hauteur de 50 % dans le cas d’un crédit
de court terme, et 60 % pour un crédit de moyen terme.
Le préfinancement du CIR par Oséo : le PREFICIR
Au sein de sa gamme de produits visant à soutenir financièrement
les entreprises dans leurs projets de développement, Oséo propose depuis le
19 décembre 2012 le préfinancement du CIR sous la forme du PREFICIR. En
pratique, ce dernier s’adresse aux PME innovantes de plus de trois ans. Oséo
ne propose pas cette solution aux ETI pour lesquelles elle ne dispose pas d’un
fonds de garantie.
Le PREFICIR constitue un prêt d’une durée de deux ans avec un
différé d’amortissement de 18 mois. Il peut s’élever jusqu’à 80 % du CIR
attendu au titre des dépenses de R&D engagées pendant l’année.
L’intervention d’Oséo varie entre 30 000 € et 2,5 M€. Le taux pratiqué inclut
une prime tenant compte du risque pris.
Au 31 mai 2013, le nombre de demandes reçues par Oséo était de
120, dont 62 crédits mis en place pour un montant de 14 M€.
Le dispositif de préfinancement du CIR apparaît ainsi coûteux pour
les entreprises et risqué pour les organismes financeurs. Il n’a suscité
jusqu’ici que peu de demandes.
72
Décision n° 8 du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.
112
COUR DES COMPTES
C - La montée en puissance des dispositifs de
sécurisation
Le législateur a prévu trois dispositifs permettant de sécuriser
l’usage du CIR pour les entreprises : l’agrément, le contrôle sur demande
et le rescrit.
1 -
L’agrément
L’agrément est utilisé pour la sous-traitance dans le cadre du CIR.
Il est accordé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche à des entités installées en France ou dans l’Espace économique
européen. L’agrément informe le donneur d’ordres que l’entreprise a le
potentiel requis pour faire de la recherche. Les dépenses sous-traitées à
des entreprises qui ne bénéficient pas d’un agrément sont exclues de
l’assiette du CIR
73
.
L’agrément est réputé acquis pour les opérateurs publics de
recherche,
les
universités,
les
établissements
privés
et
publics
d’enseignement supérieur délivrant un diplôme conférant le grade de
Master, et les établissements publics de coopération scientifique.
Les autres entités doivent demander leur agrément au ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche
74
. Ce dernier vérifie, sur
présentation d’un dossier (comprenant une description de l’activité de la
société, de son personnel, des projets de recherche qu’elle a
antérieurement menés), qu’elles ont la capacité de faire de la recherche.
Afin d’éviter toute incertitude sur la catégorie dont relèvent
certaines entités, créées notamment dans le cadre du programme des
investissements d’avenir, la liste des structures dispensées de l’agrément
doit être régulièrement actualisée.
L’agrément est une activité récurrente du ministère chargé de la
recherche. Entre 2010 et 2012, il a agréé en moyenne 2 400 entités par an.
2 -
Le contrôle sur demande
À compter du 1
er
janvier 2008, la procédure du contrôle sur
demande a été ouverte à toutes les entreprises au titre du CIR
75
. Cette
73
Cour administrative d’appel de Versailles, SA BP France, 29 novembre 2007
74
Cette demande peut être faite par voie postale ou par voie dématérialisée.
75
Cette procédure est prévue à l’article L. 13 CA du livre des procédures fiscales. Les
modalités de prise en compte du CIR sont précisées dans le bulletin officiel des
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
113
procédure est ouverte sur demande écrite émanant de l’entreprise. Le
contrôle sur demande est resté confidentiel. La direction des grandes
entreprises a procédé à trois contrôles sur demande entre 2008 et 2011.
Aucun contrôle n’a été sollicité en 2012.
3 -
Le rescrit
Prévu par la loi de finances pour 1997, le rescrit en matière de
crédit d’impôt recherche a vu le nombre de ses guichets et son champ
d’application s’élargir afin d’être plus attractif pour les entreprises. Il
permet à une entreprise
76
de s’assurer qu’un projet de recherche ouvre
droit au crédit d’impôt recherche. L’entreprise saisit alors d’une demande
de rescrit :
-
soit l’administration fiscale (article L. 80 B 3 du livre des
procédures fiscales) ;
-
soit le ministère de la recherche, l’Agence nationale de la
recherche (ANR) ou Oséo (article L. 80 B 3 bis du livre des
procédures fiscales).
Présenté par la réforme de 2008 comme un vecteur de sécurité
juridique pour les entreprises, il a été renforcé dans ce sens : le délai de
réponse de l’administration a été raccourci de 6 à 3 mois et la non-
réponse de l’administration dans ce délai vaut acceptation tacite de
l’éligibilité du projet au crédit d’impôt. L’acceptation du projet engage
l’administration fiscale en cas de contrôle fiscal
a posteriori
, pour autant
que le projet conduit ait bien été celui décrit au titre du rescrit.
Les entreprises peuvent également solliciter un rescrit dit général,
qui n’est pas réservé au CIR, procédure qui existe depuis 1987 (article
L83 B 1 du livre des procédures fiscales). Dans ce cas, seule une réponse
expresse de l’administration fiscale l’engage.
Dans tous les cas, l’entreprise peut faire appel de la décision de
l’administration et demander un second examen de son dossier
77
.
impôts n° 63 du 26 juin 2009. Voir annexe « Éléments complémentaires sur le rescrit
et le contrôle à la demande ».
76
Réservé initialement aux entreprises imposées selon un régime réel, il a été accordé
depuis le 1
er
avril 2004 à certaines entreprises exonérées d’impôt sur les bénéfices,
comme les jeunes entreprises innovantes.
77
Des éléments complémentaires sur le rescrit et le contrôle sur demande sont
présentés en annexe.
114
COUR DES COMPTES
Tableau n° 22 : synthèse des procédures de rescrits applicables au
CIR
a)
Le nombre de rescrits
Les rescrits CIR auprès de l’administration fiscale existent depuis
1997. Le nombre de rescrits traités dans ce cadre a augmenté
sensiblement entre 2007 et 2010, passant de 60 dossiers traités à 340
dossiers. Il est en baisse depuis (250 dossiers reçus en 2012).
Les rescrits CIR auprès du ministère de l’enseignement supérieur
et de la recherche, d’Oséo et de l’ANR ont été prévus par la loi de
modernisation de l’économie du 4 août 2008. Ils fonctionnent depuis le
1
er
juillet 2009. Le nombre de dossiers déposés monte en puissance,
passant de 100 à 175 entre 2010 et 2012.
Dépôt de la demande
Interlocuteur
auprès duquel la
demande est
déposée
Opposabilité de la décision à
l'administration fiscale
Accord tacite/expresse
Délai
Rescrit général (
°
)
L. 83 B.1 du LPF
A tout moment
DGFIP
Avis rendu par la DGFIP. Le
MESR, Oséo et l'ANR
peuvent rendre des avis ne
liant pas la DGFIP.
Seule une réponse
expresse engage la
DGFIP
3 mois
Rescrit CIR (¹)
L. 83 B. 3° LPF
Avant le début des
travaux de recherche ou,
pour les travaux
commencés*, dans un
délai maximun de 6 mois
avant le dépôt légal de la
déclaration CIR
DGFIP
Avis du MESR, Oséo, ANR
opposable à l'adminsitration
fiscale sur l'éligibilité des
travaux de recherche
Une absence de
réponse engage la
DGFIP
3 mois
Rescrit CIR (
²
)
L. 83 B. 3° bis
LPF
Avant le début des
travaux de recherche ou,
pour les travaux
commencés*, dans un
délai maximun de 6 mois
avant le dépôt légal de la
déclaration CIR
MESR, ANR,
OSEO
Avis du MESR, Oséo, ANR
opposable à l'adminsitration
fiscale sur l'éligibilité des
travaux de recherche
Une absence de
réponse engage la
DGFIP
3 mois
(*) En application de l'article 71 de la oi n°2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013
(
°)
Créé par la loi n°87-502 du 8 juillet 1987
(¹) Mis en place par la loi n°96-1181 du 30 décembre 1996 article 105
(²) Mis en place par la loi n°2008-776 du 04/08/2008 loi de Modernisation de l'économie
Source : Cour des comptes
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
115
Tableau n° 23 : évolution des demandes de rescrits CIR de 2010 à
2012
On enregistre moins de 500 demandes par an entre 2010 et
2012 tous interlocuteurs confondus, soit moins de 2 % des déclarants au
CIR en 2011. Ce chiffre est faible en valeur absolue.
Le rescrit s’adresse néanmoins en priorité aux entreprises
nouvellement déclarantes au CIR, hors jeunes entreprises innovantes
que leur activité et l’agrément dont elles bénéficient placent en position
de connaître leurs droits en matière de crédit d’impôt recherche. De fait,
l’entreprise type qui dépose un rescrit est une PME primo-déclarante ;
elle adresse dans la majorité des cas sa demande à l’administration
fiscale. Ramenées à ce champ, les demandes de rescrits correspondent à
l’équivalent de 22 % des nouveaux déclarants au CIR en 2011.
Comme la Cour l’a déjà relevé dans son rapport public
thématique sur les relations de l’administration fiscale avec les
particuliers et les entreprises, une meilleure communication à
destination des entreprises sur l’existence d’un rescrit CIR et sur ses
conditions de mise en oeuvre est souhaitable pour que cet outil de
sécurité juridique soit davantage utilisé.
b)
Les suites des rescrits
Une des explications de la lente montée en puissance du rescrit
peut provenir des suites réservées aux demandes.
Des rescrits traités par la DGFiP, l’ANR et Oséo en 2012, il
ressort que plus de 50 % des demandes de rescrit donnent lieu à un rejet
au fond ou sur la forme, 35 % des dossiers étant totalement acceptés et
les autres partiellement acceptés. Un des motifs de cette situation est lié
au fait que, jusqu’au 1
er
janvier 2013, les demandes de rescrit devaient
être formulées préalablement au début des travaux de recherche pour
2010
2011
2012
Rescrit article L. 80 B 3 (1)
(dossiers reçus par la DGFIP)
390
259
248
Dossiers traités dans l'année
342
255
235
Opérateurs saisis par la DGFIP
186
237
235
- Oséo
1
1
2
- ANR
0
14
17
- MESR
185
222
216
Rescrit article L. 80 B 3 bis
(2)
99
110
175
Entitée saisie par l'entreprise
- Oséo
38
51
103
- ANR
18
13
20
- MESR
43
46
52
Total demandes de rescrit CIR
(1) + (2)
489
369
423
Source : DGFIP, MESR, Oséo, ANR
116
COUR DES COMPTES
être recevables. À titre d’exemple, les deux tiers des refus opposés par
Oséo en 2012 proviennent du fait que les travaux de recherche pour
lesquels le rescrit était sollicité avaient déjà débuté.
Tableau n° 24 : suites données aux demandes de rescrits
78
auprès de
la DGFiP, de l’ANR et d’Oséo
La loi de finances pour 2013 a utilement ouvert la procédure de
rescrit aux travaux en cours
79
. Les résultats obtenus au fond sur la
procédure de rescrit ne pourront que s’en trouver améliorés, et l’intérêt
de cette procédure pour les entreprises en sera renforcé.
c)
La question du positionnement d’Oséo
Deux procédures distinctes de rescrit existent en matière de
CIR et font intervenir des experts de la DGFiP, du MESR, de l’ANR et
d’Oséo. Pour éviter que des pratiques différenciées ne voient le jour, un
comité de coordination du rescrit a été mis en place. Il a rendu en
décembre 2012 un premier bilan de son activité. Outre l’harmonisation
des expertises réalisées, ce comité permet des échanges réguliers sur
l’application des textes relatifs au CIR mais aussi sur les pratiques des
différents opérateurs. Il joue un rôle utile.
À l’occasion de ces comités de coordination, des échanges ont
porté sur le positionnement d’Oséo, s’agissant tout d’abord des
questions soulevées par l’établissement sur une éventuelle facturation
du rescrit (Oséo estimant le coût du traitement d’une demande de rescrit
à 3 000 €), mais aussi s’agissant de potentiels conflits d’intérêt entre la
mission confiée à Oséo au titre du rescrit et ses missions commerciales
d’accompagnement financier des entreprises. Dans ces conditions, Oséo
78
Interrogée par la Cour sur les suites données aux rescrits qu’elle instruit, la direction
générale pour la recherche et l’innovation a produit des résultats portant uniquement
sur l’année 2012 et sur les 52 rescrits traités au titre de l’article B3bis. Sur ce champ,
les résultats sont de 73 % d’avis favorables, 6 % d’avis partiellement favorables et
21 % d’avis défavorables ou de rejets.
79
Et jusqu’à 6 mois avant la date de dépôt légal de la déclaration de CIR.
2010 2011 2012 2010 2011 2012 2010 2011
2012
Rejet au fond
37% 30% 35%
8%
6%
16%
Demande refusée (travaux en cours, ...)
6% 15% 16%
39%
31%
39%
Acceptation totale
44% 42% 40%
44%
31%
11%
24%
33%
29%
Acceptation partielle
13% 13%
9%
0%
8%
5%
29%
29%
16%
Source : DGFIP, MESR, Oséo, ANR
(¹ ) : saisine en vertu des dispositions des articles L.80 B 1. et L. 80 B. 3. LPF, rescrits traités par les directions
(²) : saisine en vertu des dispositions des articles L. 80B 3 bis du LPF
56%
62%
84%
DGFIP(¹ )
ANR(²)
OSEO(²)
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
117
a organisé une séparation étanche entre ses services en charge du rescrit
et ceux en charge des autres activités de l’établissement.
Depuis la fin 2012, Oséo intervient dans le préfinancement du
CIR. Afin là encore d’éviter tout conflit d’intérêt, il est prévu que
l’établissement ne puisse pas préfinancer d’entreprises auxquelles elle
aurait accordé un rescrit. La vérification du respect de cette condition
complique le traitement des dossiers de rescrit au sein d’Oséo. Dans ce
nouveau contexte, il serait à la fois plus simple et plus prudent de ne
plus faire d’Oséo l’un des organes de traitement du rescrit
80
.
L’établissement pourrait, en revanche, demeurer un point d’entrée pour
le dépôt de demandes et transmettre les demandes reçues au ministère
de l’enseignement supérieur et de la recherche sans intervenir dans leur
traitement
81
.
II
-
La gestion du CIR par les services fiscaux
Le droit à crédit d’impôt constitué par les entreprises au titre des
dépenses de recherche est utilisé pour payer l’impôt sur les sociétés
82
, en
imputant la créance sur l’impôt dû. Si le crédit d’impôt est supérieur à
l’impôt, le solde est reporté et imputé sur l’impôt à payer des trois années
suivantes. S’il y a lieu, le reliquat de la créance de CIR qui n’a pu être
imputé, est alors remboursé par l’État à l’entreprise. Ce dernier
mécanisme, de remboursement ou de restitution, est applicable dès la
première année pour les PME et certaines autres catégories d’entreprises
définies par la loi.
En pratique, la déclaration de CIR est adressée par l’entreprise au
service des impôts des entreprises où elle dépose sa déclaration d’impôt
sur les sociétés. Cette déclaration sur support papier n’est pas intégrée
dans la structure du système d’information de la direction générale des
finances publiques, ce qui interdit un suivi détaillé des différents éléments
de gestion, en particulier le montant de la créance, les imputations ou
reports, les remboursements et les rectifications.
80
L’agence nationale de la recherche est dans une position différente puisqu’elle n’a
pas d’activités commerciales et n’intervient qu’au stade du rescrit.
81
Sur ce point, la direction générale pour la compétitivité, l’industrie et les services
fait valoir que les modalités de gestion du rescrit destinées à annihiler les sources
potentielles de conflit d’intérêt ne semblent pas poser de problèmes de gestion. La
direction générale pour la recherche et l’innovation estime pour sa part qu’Oséo
devrait, soit demeurer un opérateur à part entière, soit ne plus intervenir dans la
procédure du rescrit.
82
Le CIR peut également être imputé pour payer un impôt à caractère professionnel
ou l’impôt sur le revenu, dans les mêmes conditions.
118
COUR DES COMPTES
La déclaration fait l’objet d’un examen en la forme et au fond par
les services fiscaux, qui diffère selon que l’entreprise sollicite la
restitution de sa créance ou qu’elle demande son imputation ou son
report.
A - Des vérifications légères lors de l’imputation sur
l’impôt sur les sociétés
Si dans certains cas, la créance CIR est restituable, elle est surtout
imputable ou reportable sur l’impôt sur les sociétés dû par les entreprises.
Cette imputation
83
se fait au moment du paiement de l’impôt dû
84
. Il n’y a
pas de procédure systématique de contrôle de la déclaration CIR lors de
l’imputation de la créance sur l’impôt sur les sociétés.
Ainsi les services fiscaux de Paris font-ils valoir qu’en l’absence
de demande de restitution, les vérifications sur pièces étaient peu
fréquentes sur le CIR, même s’ils élargissent actuellement leur démarche
de vérifications sur pièces aux CIR imputés sur l’impôt sur les sociétés. À
la même question, les services de la direction régionale des finances
publiques du Rhône évoquent le contrôle effectué par leurs services des
demandes de restitution du CIR. Interrogés sur la stratégie de contrôle sur
pièces des déclarations de CIR, les services de la direction générale des
finances publiques indiquent que « depuis le bureau, la sécurisation des
déclarations de crédit d’impôt en faveur de la recherche est assurée dans
le cadre de l’instruction des demandes de restitution et du contrôle sur
pièces d’initiative organisé en fonction des enjeux et des risques. »
De fait, si la direction générale des finances publiques a adressé à
son réseau deux notes, l’une en 2009, l’autre en 2013, sur le traitement
des restitutions de CIR, il n’existe aucune instruction spécifique
concernant le contrôle de l’imputation de la créance de CIR sur l’impôt
sur les sociétés. Ce contrôle relève d’un contrôle de bureau traditionnel
du dossier professionnel d’une entreprise.
Compte tenu du dispositif du plan de relance, les CIR de 2008 et
2009 ont été principalement remboursés aux entreprises. Cela n’est plus
le cas aujourd’hui : les imputations ou reports sont redevenus, en volume,
le mode premier de constatation du CIR, bien que le nombre de dossiers
de remboursement traités soit supérieur
.
83
Articles 199 ter B et 220 B du code général des impôts.
84
Après avoir calculé l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice, l’entreprise
devra imputer tout d’abord les créances fiscales de l’exercice à caractère non
restituable, puis les créances fiscales reportables (dont le CIR), enfin les créances
fiscales restituables (article 49 septies L de l’annexe II au code général des impôts).
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
119
Tableau n° 25 : choix d’affectation de la créance CIR des entreprises
déposant auprès de la direction des grandes entreprises (en euros)
Comme l’illustre le tableau ci-dessus, au titre de 2011, la créance
de CIR imputée par les entreprises déposant leurs déclarations de résultats
à la direction des grandes entreprises (DGE) s’élève à près de 1,4 Md€ et
la créance reportable à 1,6 Md€. Ces créances font l’objet d’un examen
simplifié, sans qu’il soit procédé à des vérifications spécifiques sur
pièces.
Si les services fiscaux gèrent plus d’une vingtaine de crédits
d’impôt sur les sociétés, tous n’ont pas le même impact budgétaire. Eu
égard aux enjeux liés à l’imputation du CIR, il est étonnant que la
direction générale des finances publiques n’appelle pas ses agents à plus
de vigilance en la matière. Sa capacité de vigilance est néanmoins
aujourd’hui fortement limitée par l’absence de dématérialisation de la
déclaration de CIR, qui interdit de réaliser des contrôles de cohérence de
façon automatique. Une procédure d’alerte pour les crédits d’impôt les
plus significatifs éviterait certains contrôles sur place de sociétés par la
suite et sécuriserait le dispositif pour toutes les parties prenantes.
B - Une procédure lourde en cas de remboursement
La restitution de la créance de CIR aux entreprises peut intervenir
après quatre ans ou, dans un nombre de cas fixés par la loi, tel que celui
des PME au sens communautaire
85
, dès la première année. Dans le cadre
du plan de relance, toutes les entreprises ont pu demander le
remboursement anticipé de leur créance de CIR au titre de 2008 et 2009.
Cette demande de restitution, c’est-à-dire de remboursement par l’État,
s’analyse juridiquement comme une demande contentieuse et fait donc
l’objet d’une instruction spécifique.
85
Article 199 ter B II 2° du code général des impôts. Sont également concernées les
entreprises ayant fait l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, d’un
redressement ou d’une liquidation judiciaire, les jeunes entreprises innovantes et les
entreprises nouvelles.
Créances CIR
Installées
Créances CIR
Imputées
Créances CIR
restituées
Créances CIR
Disponibles
CIR 2008
3 000 542 638
1 041 196 993
1 912 100 488
47 245 157
CIR 2009
3 044 783 436
1 002 852 115
2 034 552 965
7 378 356
CIR 2010
3 155 152 139
1 266 025 450
14 576 125
1 874 550 564
CIR 2011
3 042 281 225
1 391 269 527
5 497 742
1 645 513 956
Source : DGFIP/ DGE
120
COUR DES COMPTES
En effet, en vertu de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales,
l’administration contrôle « les documents déposés en vue d’obtenir des
déductions, restitutions ou un remboursement. » Cet examen a pour objet
de s’assurer que les documents sont correctement renseignés et que toutes
les pièces justificatives ont été fournies. À l’occasion de ce contrôle sur
pièces, qualifié également de contrôle « du bureau », les services fiscaux
vérifient systématiquement que la déclaration de CIR est cohérente avec
l’activité déclarée par l’entreprise, son bilan et son compte de résultat.
La confusion autour de la notion de contrôle
Les représentants des entreprises rencontrés ont souvent l’impression
que les services fiscaux engagent une procédure de contrôle fiscal dès qu’une
entreprise dépose une déclaration de CIR. La mise en oeuvre d’une procédure
contentieuse en cas de demande de restitution peut effectivement prêter à
confusion, même si les contrôles effectués dans ce cadre n’ont rien à voir
avec ceux qui sont réalisés en cas de contrôle
a posteriori
.
De fait, l’utilisation du mot « contrôle » peut être source de confusion
pour l’entreprise, car elle reflète deux réalités très différentes :
- d’une part, le « contrôle sur pièces », contrôle
a priori
effectué de
leur bureau par les agents de l’administration fiscale, en particulier pour les
demandes de remboursements. Il s’agit de vérifications de la déclaration
produite ou de la demande de remboursement effectuée. Les services fiscaux
peuvent demander l’assistance d’experts du ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche pour s’assurer que les dépenses déclarées par
l’entreprise s’inscrivent dans un vrai projet de R&D. L’entreprise peut être
amenée à produire des documents justificatifs si des anomalies sont relevées,
sans pour autant qu’un vérificateur intervienne en ses locaux ;
- d’autre part, le « contrôle sur place », contrôle
a posteriori
,
généralement appelé contrôle fiscal externe. Dans ce cas, un avis de
vérification est adressé à l’entreprise lui indiquant que l’administration
souhaite intervenir sur place, pour examiner sa comptabilité. Ce contrôle est
formalisé et encadré afin de garantir les droits des contribuables vérifiés.
Comme la Cour l’a recommandé dans un rapport d’évaluation de
politique publique sur les relations de l’administration fiscale avec les
particuliers et les entreprises
86
, l’information des contribuables sur ces
différentes procédures mérite d’être améliorée.
La demande de restitution était télédéclarée pour les grandes
entreprises jusqu’à la fin 2012, mais à compter des créances déclarées
pour l’année 2012, elle doit être
effectuée sur la déclaration de CIR.
86
Février 2012.
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
121
Elle redevient donc une déclaration papier
87
.
En réponse aux interrogations de la Cour sur ce point, qui marque
un retrait par rapport à la situation antérieure, la direction générale des
finances publiques indique qu’un projet a été inscrit à son plan annuel
d’activité informatique et devrait se concrétiser en fin d’année 2013, afin
que les demandes de restitution de créance puissent être à nouveau
effectuées de manière dématérialisée. Une telle procédure est dans
l’intérêt de l’administration fiscale qui dispose, pour procéder au
remboursement de CIR, d’un délai légal de six mois au-delà duquel elle
verse des intérêts moratoires à l’entreprise.
La demande de restitution suit un circuit particulier qui fait
intervenir plusieurs services. Il s’agit pour l’administration fiscale de
vérifier la créance de CIR de l’entreprise avant que l’État ne la rembourse
et ne décaisse donc des crédits budgétaires. Il est en la matière nécessaire
que l’État s’entoure de garanties avant de procéder à des remboursements
de crédit d’impôt recherche, d’autant plus que l’existence d’un
remboursement anticipé pour les petites et moyennes entreprises ou les
entreprises nouvelles fait naître le risque que des sociétés éphémères ne se
créent pour bénéficier du crédit d’impôt et disparaissent ensuite, au
moment du déclenchement d’un contrôle fiscal
a posteriori
. Tout l’enjeu
est de cibler les vérifications sur les entreprises présentant des risques
particuliers.
La direction générale des finances publiques a produit deux
instructions à ses services sur la procédure de remboursement du CIR.
La première note, du 13 juillet 2009, s’inscrit dans le cadre de la
mise en oeuvre du plan de relance et porte notamment sur les opérations
de contrôle des créances restituées de manière anticipée. Elle appelle
l’attention des services sur « la nécessité d’effectuer rapidement le
remboursement des créances
». Il était indiqué en conséquence sur le site
intranet de la direction régionale des finances publiques du Rhône que
« le contrôle doit donc avoir lieu a posteriori, dans le cadre des opérations
normales de contrôle des entreprises ».
87
En effet, d’une part, depuis le 1
er
octobre 2012, toutes les entreprises soumises à
l’impôt sur les sociétés, quel que soit leur chiffre d’affaires, ont l’obligation de
recourir aux télé-procédures pour déclarer leurs résultats et payer leur impôt. Et,
d’autre part, depuis le 1
er
janvier 2013, les sociétés ne peuvent plus demander la
restitution de leurs créances sur le relevé de solde n° 2572 (comme c’était le cas
antérieurement pour les entreprises dont les dossiers fiscaux étaient gérés par la
DGE). Dorénavant, les demandes de restitution de créances au titre de l’exercice
(créances 2012) doivent être formulées sur la déclaration relative au crédit d’impôt. Si
la demande de restitution porte sur un crédit d’impôt au titre d’un exercice antérieur,
elle doit être effectuée sur l’imprimé n° 2573-SD.
122
COUR DES COMPTES
Une seconde instruction du directeur général des finances
publiques à son réseau de services et directions a été diffusée le
8 mars 2013. Elle porte sur le traitement des demandes de restitution de
CIR et met à la disposition des différents services des impôts une grille
d’analyse de risques élaborée par un groupe de travail mis en place à cette
fin en 2011. Elle comble ainsi une lacune puisqu’il n’existait pas
jusqu’alors de cadre méthodologique harmonisé au niveau national
comparable à celui élaboré et régulièrement mis à jour pour les
remboursements de taxe sur la valeur ajoutée. Ce cadre vise à concilier la
sécurisation des restitutions des deniers publics avec la compétitivité des
entreprises, à mettre en place un traitement uniforme des demandes sur
l’ensemble du territoire et à « répondre à la préoccupation du Parlement à
l’égard du risque de fraude et aux attentes de la Cour des comptes et de
l’Inspection générale des finances en matière de sécurisation de la
dépense fiscale que représente le CIR ».
Le document décompose la procédure de traitement des restitutions
de CIR, pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, en sept
étapes reproduites en annexe
88
. Il définit une cotation des risques qui
permet d’aiguiller ce traitement selon un circuit court (où la demande est
traitée par le service des impôts des entreprises) ou long (faisant
intervenir des vérifications plus substantielles (au niveau des pôles de
contrôle et d’expertise). Les cotations de risques sont établies au niveau
national, la détermination du seuil d’enjeu significatif et des secteurs à
risque étant laissée à la discrétion des services vérificateurs.
Cette instruction ne constitue toutefois qu’une première étape,
fixant le circuit suivi par la demande de remboursement mais non le
contenu des investigations à mener en cas de circuit long. La direction
générale des finances publiques est consciente de ce manque et travaille à
l’élaboration d’un guide d’aide à l’instruction des demandes de restitution
qui aurait également vocation à être utilisé dans le cadre des contrôles
a
posteriori
. Annoncé pour le premier semestre 2013 dans la circulaire du
8 mars, la production de ce guide n’interviendra qu’au second semestre,
voire en 2014.
Ce n’est donc que tardivement et encore incomplètement qu’une
procédure de traitement des remboursements de CIR reposant sur une
analyse de risque a été mise en place. Les enjeux en termes de montants
financiers mais aussi d’activité pour les services fiscaux sont pourtant
importants depuis 2009 (plus de 11 500 dossiers traités en 2012).
88
Annexe n° 16 : « Étapes du traitement d’une demande de restitution de CIR par les
services fiscaux à compter de 2013 ».
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
123
Tableau n° 26 : nombre de demandes de restitutions de CIR et
montants concernés
L’examen des résultats de l’activité des services fiscaux fait
ressortir des écarts dans les délais de traitement des demandes de
restitution. Par exemple, la direction régionale des finances publiques
Rhône-Alpes a remboursé les créances CIR de sa compétence dans un
délai moyen de 47 jours au cours de l’année 2011 contre un délai moyen
de 126 jours à la direction régionale des finances publiques de Paris pôle
fiscal de Paris-Centre la même année.
Les remboursements rejetés ont également été analysés. Ainsi la
direction régionale des services fiscaux de Rhône-Alpes a traité, en 2012,
274 demandes de restitution de CIR supérieures à 50 000 €, pour un
montant cumulé de demandes de remboursement de 63,31 M€. Après
instruction des demandes, elle a procédé à un remboursement total de
52,67 M€. La direction générale des finances publiques a produit, en
réponse à la Cour, des statistiques sur le traitement des demandes
supérieures à 50 000 €
89
. La différence entre les montants demandés et les
montants accordés va croissant (235 M€ sur 1,2 Md€ en 2012), témoin du
renforcement récent des vérifications opérées en la matière.
Tableau n° 27 : demandes de restitution de CIR supérieures à
50 000 € reçues et traitées (2008-2012)
Là encore, la dématérialisation de la déclaration du crédit d’impôt
recherche et son intégration dans la structure informatique des services
fiscaux ne pourraient qu’accélérer les procédures et en sécuriser le
résultat tant pour l’État que pour les entreprises.
89
Les applications informatiques ne permettent pas de faire apparaître l’ensemble des
dossiers.
2008
2009
2010
2011
2012
Nombre de demandes
2 808
16 035
12 103
11 118
11 525
Montant restitué (en Md€)
0,22
4,5
3,4
1,42
1,16
Source : DGFIP
2008
2009
2010
2011
2012
Total
Nombre de demandes reçues
195
1 577
6 936
6 499
5 974
21 183
Nombre de demandes traitées
165
1 368
6 482
6 098
5 866
19 979
Montants demandés
246 386 725
2 817 857 948
3 558 333 536
1 523 203 245
1 239 029 886
9 384 811 340
Montants accordés
237 892 825
2 790 179 597
3 461 095 792
1 289 299 629
1 005 799 135
8 784 266 978
Nombre d'admission totale
141
1 280
5 934
5 028
4 606
16 989
Nombre d'admission partielle
6
47
314
442
578
1 387
Source DGFIP / CF-JF
124
COUR DES COMPTES
III
-
Le contrôle fiscal
Le contrôle fiscal, ou contrôle
a posteriori
90
, fait apparaître des
zones de risques propres au crédit d’impôt recherche, qui ont justifié la
mise en place d’une procédure spécifique. Face à la montée en puissance
du crédit d’impôt, les redressements connaissent également une forte
croissance.
A - Des zones de risques propres au CIR
Les principaux motifs de rectification portant sur le crédit
d’impôt recherche sont de trois ordres : l’éligibilité des projets de
recherche et développement, le calcul des dépenses de personnel éligibles
et l’établissement des dépenses de sous-traitance. En l’absence d’outil de
suivi informatique, ils ne peuvent être précisément quantifiés. D’autres
motifs de redressements apparaissent, avec notamment une montée en
puissance de la fraude caractérisée.
1 -
Le problème de la qualification des dépenses de R&D
La définition des opérations de recherche éligibles au crédit
d’impôt recherche, fixée à l’article 49 septies F de l’annexe III du code
général des impôts, s’appuie sur le « manuel de Frascati » de l’OCDE.
Les retours de pratique des enquêtes statistiques sur la R&D auprès des
entreprises
montrent
leur
difficulté
à
extraire
la
recherche
et
développement du reste de leurs activités et à les chiffrer.
a)
Une question au centre du contrôle du CIR
L’entreprise doit pouvoir fournir, à l’appui de sa demande de
crédit d’impôt recherche, un dossier décrivant le contexte scientifique de
ses travaux de recherche, identifiant les objectifs visés et les
performances à atteindre, analysant l’état de l’art existant et disponible au
moment des travaux, indiquant les aléas et incertitudes scientifiques et
techniques, les verrous technologiques et les problèmes techniques à
résoudre, et montrant en quoi l’état de l’art précédemment analysé ne
permettait pas de les résoudre. L’absence de l’état de l’art dans un dossier
90
Selon la dénomination de la direction générale des finances publiques, il s’agit du
contrôle fiscal externe. Cour des comptes,
Rapport public annuel 2012
, Tome I. Le
pilotage national du contrôle fiscal, p. 229-266. La Documentation française, février
2012, disponible sur
www.ccomptes.fr
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
125
ne peut conduire à rejet de la demande ; l’administration doit alors faire la
démonstration que le projet n’est pas de la R&D
91
.
La constitution d’un tel dossier paraît parfois difficile au sein de
l’entreprise, notamment en ce qui concerne la démonstration que les
travaux menés par l’entreprise vont au-delà des connaissances existantes.
Ce n’est pourtant que sur la base d’un tel dossier que le crédit d’impôt
pourra être sécurisé lors d’un contrôle fiscal.
L’éligibilité au CIR des projets et dépenses déclarés
Tout au long de l’enquête, la question de l’éligibilité des projets et
dépenses déclarées au CIR a été mise en avant tant par les services fiscaux
que par les entreprises.
Pour la direction des vérifications nationales et internationales,
« l’essentiel des enjeux en matière de CIR concerne l’éligibilité des projets.
Or cette question ne peut pas être examinée par un non-spécialiste.
L’efficacité de l’action de contrôle dépend donc largement de la capacité de
l’administration (DGFiP, ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche) à mobiliser des spécialistes ». Ce constat rejoint celui fait par la
direction générale pour la recherche et l’innovation : « Le recours à
l’expertise est nécessaire pour apprécier précisément l’éligibilité. Les experts
sont au fait de l’état des techniques existantes et leur travail consiste à
identifier si les travaux déclarés vont au-delà et génèrent de nouvelles
connaissances. L’état des techniques existantes est une donnée objective qui
ne dépend pas de l’expert ou de l’entreprise ».
Les dépenses de personnel attachées à ces travaux sont, en outre,
parfois déterminées de façon insuffisamment claire. Ainsi, pour la
direction
des vérifications nationales et internationales
, « une des difficultés du
contrôle du CIR réside dans le fait que l’entreprise déclare le nombre de
personnes qui sont affectées aux projets et le temps qu’elles y consacrent. La
vérification du bien-fondé de ces éléments est difficile. Les contrats de
travail, les fiches de postes et fichiers horaires ne permettent généralement
pas d’avoir un avis précis et sûr sur ce point. »
Pour mener à bien ses missions la direction des vérifications
nationales et internationales (DVNI) s’est dotée d’experts informatiques
afin d’augmenter son potentiel de vérification de l’éligibilité
92
. Les
vérificateurs formés par le ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche travaillent sur l’aspect fiscal ainsi que sur l’éligibilité.
91
Voir annexe « Démarche générale d’identification des activités de R&D et
d’éligibilité du CIR ».
92
Cent dossiers ciblés sur le CIR sont examinés par an, soit le double du potentiel
d’expertise du ministère en charge de la recherche pour le compte de cette direction.
126
COUR DES COMPTES
Dans sa démarche de ciblage des contrôles, la DVNI constate que
« le CIR s’est étendu à tous les secteurs socio-professionnels, y compris
des secteurs où l’existence d’une activité de recherche n’est pas intuitive.
Tel est le cas par exemple des banques, des assurances, de la grande
distribution et des transports. Dans ces secteurs, le CIR porte souvent sur
des modèles mathématiques et des projets informatiques. La pénétration
du CIR dans ces sociétés est souvent corrélée avec l’arrivée d’une
officine spécialisée. C’est par rapport à cette zone de risque
93
que la
DVNI a décidé de mettre en place un plan spécifique de contrôle de
l’éligibilité des CIR portant sur des projets informatiques dont les
premiers résultats sont prometteurs. »
b)
Le cas de l’informatique
Ainsi, pour la première fois en 2012, la « feuille de route » de la
direction des vérifications nationales et internationales, qui fixe la
stratégie de la direction à court et moyen terme, fait figurer le suivi du
crédit d’impôt recherche dans les orientations prioritaires pour 2012-
2014.
La problématique de l’utilisation abusive du CIR dans le secteur
informatique est mise en avant. Cette vigilance envers les crédits d’impôt
recherche déclarés dans le secteur informatique est partagée par le
ministère en charge de la recherche qui a renforcé ses capacités
d’expertise en la matière. Dans le domaine informatique, un exemple
abusif assez répandu est la prise en compte en matière de CIR de la mise
au point d’un site internet.
En 2011, plus de 2 400 entreprises du secteur informatique ont
présenté une demande de CIR. Leurs dépenses déclarées s’élèvent au total
à 1,45 Md€ et la créance associée à
444 M€. En 2007, elles étaient
moins
de 1 000, déclaraient 591 M€ et bénéficiaient de 137 M€ de CIR.
De fait, en 2010 et 2011, le crédit d’impôt recherche représente la
quasi-totalité des restitutions opérées sur l’impôt sur les sociétés dans le
secteur de l’informatique, ce qui singularise ce secteur.
93
Lorsque des cabinets conseils sont impliqués, ces derniers exigent que toutes les
voies de recours soient utilisées.
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
127
Tableau n° 28 : détail des restitutions pour les entreprises
informatiques
(en M€)
Restitutions
en 2008
R
estitutions
en 2009
Restitutions
en 2010
Restitutions
en 2011
CIR
44,5
319,3
262,4
184,6
Ensemble des restitutions
51,6
354,3
266,5
187,5
Source : DGFiP GF- 3C
En termes de contrôles, les entreprises de l’informatique ont été
moins contrôlées entre 2009 et 2011 qu’en 2008, année particulièrement
haute en termes de droits rappelés (153 M€ contre 80 M€ en 2011). Pour
autant sur les trois dernières années, la part des montants rappelés au titre
du CIR augmente significativement (10 % en 2009 ; 26 % en 2012). Elle
est de 18 M€ en 2012, soit l’équivalent de 10 % des restitutions de CIR
de l’année précédente.
Tableau n° 29 : récapitulation des résultats du contrôle fiscal
externe concernant les entreprises de l’informatique
Source : DGFiP CF1
D’une manière générale, la part des secteurs de services dans le
crédit d’impôt recherche, plus élevée que celle qu’ils représentent dans la
dépense intérieure de R&D des entreprises, appelle une certaine
vigilance.
La claire perception par les entreprise de la nature des projets
éligibles, et notamment la préparation du dossier d’éligibilité sur l’état de
l’art dès le dépôt de la déclaration, serait de nature à mieux sécuriser leurs
droits à crédit d’impôt recherche.
2 -
Des clarifications attendues en particulier sur le périmètre des
dépenses de personnel éligibles et les impôts et taxes
La question des personnels éligibles dans les dépenses retenues au
titre du CIR est un élément clé qui ressort des contrôles fiscaux, qu’il
Les entreprises du secteur informatique (APE 62.0 et 63.1)
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Nombre d'opérations de contrôle
861
613
608
659
791
Montant total des droits simples rappelés
(en milliers d'euros)
153 038
79 794
56 602
80 930
122 920
au titre de
l' Impôt sur les sociétés
(
en milliers d'euros
)
48 245
24 257
23 176
21 411
70 838
dont crédit impot recherche
(en milliers d'euros)
0
2 429
3 869
5 618
18 146
part du CIR dans les droits rappelés au titre de l'IS
0%
10%
17%
26%
26%
128
COUR DES COMPTES
s’agisse de la qualification des personnels mais aussi du temps réellement
affecté aux activités de recherche.
S’agissant de la qualification des personnels, la doctrine
administrative définit les chercheurs comme « des scientifiques ou
ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances,
de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont
assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans remplir les conditions de
diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. » Les
dépenses de personnels éligibles correspondent à celles afférentes aux
chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement
affectés aux opérations de recherche.
Des zones d’ombre persistent quant à la nature et au niveau des
dépenses de personnel que les entreprises peuvent prendre en compte
dans leur déclaration de CIR, ce qui nuit à la sécurité juridique des
entreprises. Ainsi, il conviendrait de pouvoir apporter une réponse claire
aux questions sur les personnes entendues comme étant « en étroite
collaboration avec les chercheurs », ce qu’est « un soutien indispensable
aux travaux de recherche et développement » et ce qui peut être inclus
dans les « charges obligatoires ». Le contrôle des dossiers de CIR ainsi
que les questions directement posées par les entreprises au ministère de
l’enseignement
supérieur
et
de
la
recherche
soulèvent
nombre
d’interrogations sur ces points.
Le cas de la DCOFI Rhône-Alpes-Bourgogne
Dans une approche locale, après consultation papier des dossiers, la
DCOFI Rhône-Alpes-Bourgogne indique que sur 151 dossiers vérifiés entre
2007 et juin 2012, 45 rectifications étaient liées au calcul du CIR sur la base
des salaires (soit près de 30 %). Les autres directions fiscales rencontrées font
le même constat : une incertitude pèse sur la base des personnels et des
salaires à prendre en compte dans les déclarations de CIR.
À titre d’exemple, dans un arrêt du 20 décembre 2012, la cour
administrative d’appel de Nantes a infirmé la position de l’administration
fiscale en indiquant que les entreprises peuvent prendre en compte
l’intéressement et la participation dans les dépenses de personnel éligibles
au CIR.
De même, une décision du Conseil d’État du 20 mars 2013
statuant sur le montant des droits à participation des salariés a remis en
cause la doctrine administrative qui considérait que « l’impôt sur les
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
129
sociétés retenu pour le calcul de la réserve
94
s’entend, en outre, après
imputation de tous les crédits et réductions d’impôt afférents aux revenus
inclus dans le bénéfice imposable de droit commun »
.
En conséquence,
l’impôt sur les sociétés ne doit plus être diminué des crédits et réductions
d’impôt dont peuvent bénéficier les entreprises (par exemple, le CIR), ce
qui suppose une mise à jour de la doctrine fiscale en la matière.
La direction de la législation fiscale a indiqué qu’un projet
d’instruction était en cours d’élaboration sur ces sujets. Il conviendrait
qu’il soit rapidement soumis à consultation publique.
Cette instruction devra définir précisément les notions de
chercheur, docteur et technicien avec des critères objectifs, et préciser les
éléments de rémunération éligibles. Elle devra prendre position sur des
sujets comme les charges sociales patronales, l'intéressement, la
participation ou encore les mutuelles complémentaires.
3 -
La complexité de la prise en compte des dépenses de sous-
traitance
Les modes de calcul de la sous-traitance entraînent une
complexité supplémentaire de déclaration pour les entreprises
95
.
Ils accroissent également la charge des vérificateurs fiscaux.
Dans le cas de grandes entreprises, ceux-ci doivent en effet analyser des
cinquantaines de projets de recherche et des dizaines de contrats
d’externalisation. Il faudrait, pour pouvoir correctement examiner le
dossier de ces entreprises, contrôler de manière exhaustive tous les
prestataires, ce qui est hors de portée des services de contrôle.
La sous-traitance apparaît en outre à la direction générale pour la
recherche et l’innovation comme une source de fraude potentielle : « En
effet, il est difficile de vérifier si les dépenses confiées au sous-traitant
sont de véritables opérations de R&D – même si le sous-traitant est en
France, mais encore plus s’il est situé dans un pays de l'UE ». Une
entreprise ne peut déclarer une sous-traitance qu’à la condition que le
sous-traitant ait été agréé par le ministère de l’enseignement supérieur et
de la recherche. Pour autant, ce n’est pas parce qu’une entreprise a été
agréée, que toutes les prestations qu’elle réalise sont des travaux de R&D
(et non du conseil, de l’ingénierie, des développements informatiques, ou
de la production, etc.). Il n’est, de plus, pas rare que plusieurs contrats
94
En application de l’article L. 3324-1 du code du travail, la réserve spéciale de
participation est calculée d’après le bénéfice imposable diminué de l’impôt.
95
Voir annexe « La complexité de la déclaration de la sous-traitance en 2011 ».
130
COUR DES COMPTES
soient passés entre l’entreprise donneuse d’ordre et une même entreprise
sous-traitante pour des travaux de recherche, ou d’autres motifs.
Afin d'éviter une double prise en compte des dépenses de R&D,
un système de neutralisation est prévu par les textes : le sous-traitant
déclare la totalité de sa R&D et déduit de son assiette les montants
encaissés correspondant au montant facturé et pris en compte dans
l'assiette du donneur d'ordre. Selon la direction générale pour la recherche
et l’innovation, « cette procédure de neutralisation n'est pas toujours
respectée, particulièrement lorsque le donneur d'ordre a atteint son
plafond de dépense éligible (2 ou 10 M€ selon les cas), l'absence de prise
en compte
par le donneur d'ordre
pour le
motif de dépassement du
plafond n'exonérant pas le sous-traitant de déduire le montant encaissé ».
La gestion de la sous-traitance dans le cadre du CIR pose
d’autres difficultés qui ne sont pas propres au contrôle fiscal et qui sont
examinées dans le chapitre suivant, au titre des principaux paramètres
d’évolutions possibles du CIR.
4 -
Le cas du crédit d’impôt collection
Du point de vue des contrôles fiscaux, les problèmes liés au crédit
d’impôt collection commencent à être assez bien circonscrits.
La direction des vérifications nationales et internationales a mis en
place un protocole de suivi pour les entreprises du luxe qui demandent
indûment un crédit d’impôt recherche. Elle a pratiqué des rectifications en
matière de crédit d’impôt collection aux motifs que l’entreprise vérifiée
n’était pas une entreprise industrielle au sens de l’article 244 quater B, II-
H du code général des impôts, ne portant pas les risques de la fabrication
et de la commercialisation
96
. Des recours ont été engagés par les sociétés
devant les tribunaux, mais sont toujours pendants. Dans l’attente,
l’administration maintient son interprétation de l’article 244 quater B.
La DRFiP de Paris-Centre reconnaît qu’il y a un risque spécifique
sur le crédit collection. Elle estime
97
à près d’un tiers la part des dossiers
rectifiés qui contiennent une demande de crédit d’impôt collection à
96
Dans son instruction 4A-0-01, l’administration indique qu’il est admis que : « les
entreprises industrielles peuvent bénéficier du dispositif, y compris lorsqu’elles sous-
traitent leur fabrication à des tiers. Le bénéfice du dispositif ne peut donc être refusé
aux entreprises ayant recours à la sous-traitance dès lors qu’elles sont propriétaires de
la matière première et qu’elles assurent tous les risques de la fabrication et de la
commercialisation ».
97
À partir du bilan d’activité du contrôle fiscal externe sur le CIR du 1
er
janvier 2007
au 15 juin 2012, dressé manuellement par défaut d’outils informatiques permettant
cette synthèse, et remis en réponse au questionnaire de la Cour.
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
131
Paris-Centre. Les montants rectifiés, de 2007 à 2012, sur ces dossiers
s’élèvent à 2,3 M€, certains d’entre eux étant encore en cours
d’instruction. Ce montant correspond à plus de la moitié des rectifications
de la période (4,3 M€). Le motif est principalement la « remise en cause
du CIR »
98
.
La direction générale pour la recherche et l’innovation souligne en
outre que certains cabinets incitent désormais des entreprises qui
pratiquent le crédit d’impôt collection à déclarer également des dépenses
de R&D et que les contrôles qui ont commencé sur des entreprises de ce
profil se soldent par des redressements importants, voire complets.
5 -
La difficulté de contrôler les subventions déclarées
Le code général des impôts dispose que « les subventions
publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit
au crédit d’impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu’elles
soient définitivement acquises par elles ou remboursables ». Le texte
n’indique pas la date à laquelle ces subventions doivent être déduites de
l’assiette du CIR. C’est le BOI-BIC-RICI-10-10-30-20 qui précise que les
subventions reçues « doivent être déduite de la base de calcul du crédit
d’impôt calculé au titre de l’année au cours de laquelle elles ont été
versées ».
Comme le souligne la direction de la législation fiscale, cette
rédaction est problématique dès lors notamment que les entreprises qui
ont exposé un faible montant de dépenses de recherche au titre de l’année
du versement de la subvention ne sont plus tenues par la suite d’imputer
le reliquat de la subvention sur le montant des dépenses de recherche
financées par cette dernière au titre des années antérieures. On peut alors
assister à des ruptures de comportement déclaratif en fonction du montant
des dépenses de recherche de l’entreprise et des subventions reçues pour
une année déterminée. Une évolution doctrinale est souhaitable afin que
l’esprit du dispositif, qui consiste à ce que les dépenses de recherche ne
puissent bénéficier d’un double financement public, soit respecté.
Son application mérite aussi d’être vérifiée à l’occasion des
contrôles
a posteriori
et des vérifications sur pièces des services fiscaux.
98
Le motif détaillé n’est pas précisé. Dans la plupart des cas les demandeurs de crédit
collection ne sont pas des exécutants de R&D.
132
COUR DES COMPTES
6 -
La fraude caractérisée
Les contrôles fiscaux ont mis en évidence un phénomène nouveau :
des pratiques de fraude caractérisées, se traduisant par l’application de
pénalités exclusives de bonne foi lors d’un contrôle fiscal.
À titre d’exemple, la direction des vérifications nationales et
internationales a notifié pour 2012 près de 150 dossiers avec des
rectifications
en
matière
de
CIR
comportant
l’application
de
manquements délibérés sur 22 dossiers, soit environ 15 % des dossiers
traités.
De même, la direction nationale d’enquêtes fiscales a effectué pour
cette même année et pour la première fois, trois perquisitions fiscales sur
des affaires ayant trait au CIR. Elle s’interroge ainsi sur l’ampleur de la
fraude organisée, y compris dans le cadre d’opérations de blanchiment.
En outre, le service du contrôle fiscal de la direction générale des
finances publiques fait valoir que certains contrôles ont été programmés
eu égard au faible chiffre d’affaires des entreprises concernées, de la
nature de leur activité et du montant élevé des remboursements demandés
au titre du CIR. Le contrôle de ces 18 dossiers a abouti à chaque fois à
des rectifications.
Les encadrés ci-dessous présentent certains cas de fraudes
rencontrés par les services fiscaux
99
.
99
Les procédures de contrôles n’étant pas achevées, il s’agit à ce stade de
présomptions de fraude.
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
133
Vérification effectuée par les services de la DRFiP Paris pôle fiscal
Centre
La société X---- avait fait appel à deux établissements scientifiques en
matière de recherche sur ----- afin de se faire délivrer des devis. La société
n’a pas donné suite aux devis mais elle a, au moyen de ces devis, pu obtenir
le statut de jeune entreprise innovante (JEI).
Par la suite, elle a demandé à bénéficier du crédit d’impôt recherche
en incluant des factures provenant de sociétés éphémères, créées par le gérant
de X----, sociétés sans aucune activité et basées dans des domiciliations
commerciales.
Dès que le montant du CIR a été versé par l’administration, la société
X--- a procédé aux paiements des factures fictives aux sociétés créées par ses
soins et a procédé à sa liquidation.
Montant de l’escroquerie : 450 000 €
Enquêtes effectuées par les services de la direction nationale d’enquêtes
fiscales
Cas n° 1
En 2009 et 2010, sept des neuf sociétés appartenant au même groupe
déclaraient avoir bénéficié de prestations de R&D de la part de l’une des
sociétés dudit groupe, pour un montant global de 6 900 000 €. Chacune de
ces entreprises a demandé à bénéficier du CIR.
La brigade de contrôle a pu mettre en évidence la fictivité des
prestations rendues : 7 des 9 entreprises créées ne l’avaient été que pour
l’obtention du CIR. Ces 7 sociétés qui ont demandé du CIR pour des
prestations de recherche et de développement n’avaient aucune réalité.
Montant de la fraude : 2 700 000 €
Cas n° 2
Entre 2008 et 2010, l’entreprise X, chargée de la commercialisation et
du service après-vente de matériel de géolocalisation, a déposé des
déclarations de CIR pour un montant total d’environ 400 000 €, au titre
d’activité de recherche devant porter sur la mise au point de logiciels
informatiques.
La quasi-totalité de sa créance supérieure à l’IS lui a été remboursée.
Il est apparu que cette société n’employait qu’un seul ingénieur, et,
a priori
,
aucun personnel de recherche.
134
COUR DES COMPTES
Or, face à ce risque de fraude ce n’est que récemment - en 2012 -
qu’une vigilance accrue a été manifestée, et encore sans qu’une directive
d’ensemble n’ait été donnée par la direction générale des finances
publiques. Le fait que, depuis 2009, le CIR soit associé à des
remboursements anticipés, d’abord applicables à toutes les entreprises et
désormais réservés aux PME, avait pourtant fortement accru dès cette
date le risque de fraude potentiel. En la matière, des contrôles plus ciblés
devraient être mis en place afin de détecter très rapidement d’éventuels
comportements frauduleux.
B - Une procédure de contrôle spécifique
La procédure de contrôle du CIR est spécifique : elle peut faire
intervenir le ministère de la recherche du fait de la dualité des
compétences requises pour apprécier le bien-fondé du crédit d’impôt.
Ainsi, l’administration fiscale fait intervenir des experts assermentés,
mandatés par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Leur rôle est déterminant pour se prononcer sur l’éligibilité du projet de
recherche, mais il n’est que consultatif, l’administration fiscale
garantissant les droits du contribuable vérifié durant la procédure de
contrôle
100
.
Depuis 2008, le nombre d’expertises demandées au ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche a fortement crû, à la fois au
niveau de l’administration centrale et à celui des délégations régionales
pour la recherche et la technologie (DRRT).
Tableau n° 30 : nombre de contrôles fiscaux faisant appel au
ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
2008
2009
2010
2011
2012
Évolution
2012/2008
Administration centrale
et Île-de-France
193
238
245
284
337
+ 75 %
Dont DVNI
13
15
35
44
40
+ 208 %
DRRT
265
332
824
1098
1241
+ 368 %
Total
458
570
1069
1382
1578
+ 244 %
Source : DGRI
En 2010, le ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche a réalisé 57 contrôles pour des régions hors Ile de France, qui
sont comptabilisés à la ligne DRRT. Pour 2011, ce chiffre a été de 47.
100
Des éléments plus détaillés sur la procédure de contrôle figurent en annexe
« Éléments complémentaires sur la procédure fiscale en matière de CIR ».
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
135
Cette situation pose des problèmes de gestion au ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche mais également aux services
fiscaux pour garantir la réalisation des expertises dans les délais impartis
par les procédures fiscales.
Le montant des émoluments versés aux experts est passé de
150 000 € à 1 M€ en 2012 au sein de la direction générale pour la
recherche et l’innovation qui estime ses besoins de crédits en expertise à
1,3 M€ en 2013. Par note du 6 novembre 2012, le directeur de la direction
des vérifications nationales et internationales, qui gère les dossiers de
contrôles les plus complexes, a alerté sa direction générale sur cette
situation. Constatant la croissance du nombre d’entreprises concernées
par le CIR, ainsi que le recentrage quasi-exclusif des débats sur
l’éligibilité des projets, il indique que la capacité d’expertise allouée par
le ministère en charge de la recherche pour sa direction est de l’ordre de
50 dossiers par an alors que ses besoins sont de l’ordre du double. Il
estime dès lors « indispensable d’abonder le budget du MESR à ce niveau
ou à défaut d’ouvrir un budget spécifique à la DVNI.»
Il convient que cette situation, qui n’est pas propre à la direction
des vérifications nationales et internationales, soit rapidement prise en
compte, afin que les contrôles fiscaux se déroulent dans des conditions
satisfaisantes pour toutes les parties.
Les entreprises posent en effet de manière récurrente la question de
leurs relations avec l’expert, en particulier de leur capacité à obtenir une
rencontre avec celui-ci et à contester l’avis rendu. Le décret du 5 février
2013 a utilement précisé les relations de l’expert avec l’entreprise. Il
reconnaît à l’entreprise la faculté de demander un entretien avec l’expert.
Il encadre également le délai de réponse de l’entreprise aux demandes
d’information de l’expert et rend obligatoire un avis motivé de l’expert.
Ces délais de réponse pourront engendrer un allongement des procédures
de contrôle, problématique qui risque de se poser de façon plus récurrente
lors du contrôle du crédit d’impôt innovation.
Un meilleur ciblage des contrôles sur les entreprises à risque serait
de nature à permettre de mieux programmer les interventions des experts
du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans un
contexte où leur rémunération est fixée selon un barème forfaitaire dont le
niveau maximal est de 1 000 €. Ce niveau suscite des difficultés pour leur
recrutement et ne permet pas d’envisager un dialogue aussi approfondi
avec les entreprises que ce qu’elles souhaiteraient.
136
COUR DES COMPTES
C - Une programmation toujours déficiente pour des
redressements en très nette augmentation
1 -
Une programmation des contrôles devant pouvoir reposer sur
une déclaration dématérialisée
La politique de contrôle fiscal de l’administration fait l’objet d’une
note de cadrage triennal sous la forme de plans interrégionaux de contrôle
fiscal. Les notes de cadrage pour 2006-2008 et 2010-2012, ce dernier
étant encore en vigueur, mettent l’accent sur le renforcement de la lutte
contre la fraude et l’amélioration de la couverture du tissu fiscal, sans se
focaliser sur un type d’impôt ou une catégorie de contribuables. Le CIR
n’est pas mentionné dans ces documents.
Les services fiscaux sont encore aujourd’hui démunis pour
pratiquer une programmation efficiente en matière de CIR. À ce jour, il
n’existe en effet pas de grille d’analyse de risque reposant sur des outils
informatiques partagés au sein des services fiscaux qui permettraient de
cibler les contrôles sur les entreprises à risque.
À côté de l’initiation d’un contrôle fiscal lorsqu’une anomalie est
relevée dans une déclaration de CIR, la programmation des contrôles est
laissée à l’appréciation
de la direction des finances publiques
territorialement compétente
101
. Pour effectuer cette programmation, les
services fiscaux disposent d’outils informatiques
102
mais ceux-ci ne
comportent en matière de CIR que le seul montant du CIR, quand celui-ci
est renseigné.
La direction nationale d’enquêtes fiscales et la direction des
vérifications nationales et internationales ont chacune élaboré des
requêtes informatiques comportant un axe CIR mais qui ne repose que sur
le seul montant du CIR, à défaut de dématérialisation de sa déclaration.
Face aux montants que représente le CIR et aux zones de risques
qu’il comporte, il est urgent que les administrations fiscales se dotent
d’une analyse de risque qui permette de cibler les contrôles sur les
entreprises à risque. Ceci ne peut que prendre appui sur une
dématérialisation de la déclaration de CIR.
101
À titre d’exemple, les services fiscaux Rhône-Alpes-Bourgogne avaient confié à
leur brigade d’enquête et de programmation le soin de programmer des contrôles sur
le CIR en fonction de critères spécifiques.
102
Le compte fiscal des professionnels qui reprend les déclarations de résultats des
entreprises ; OASIS qui comporte les liasses fiscales et déclarations de TVA des
entreprises ; Sirius Pro, encore en phase d’expérimentation qui permet pour les mêmes
données d’opérer des requêtes non prédéfinies.
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
137
S’agissant de cette dématérialisation, la direction générale des
finances publiques fait valoir que, si elle s’inscrit dans cette volonté, « les
coûts induits par ce projet, évalués, suivant les hypothèses, entre 1 et
2 M€, semblent disproportionnés eu égard au faible nombre d’entreprises
concernées (environ 16 000 déclarations n° 2069-A sont déposées chaque
année) et aux gains d’emplois estimés par la direction générale de la
recherche et de l’innovation à 8 équivalents temps plein.» La Cour ne
partage pas cette analyse qui néglige les économies qui en résulteraient au
ministère en charge de la recherche qui procède à la ressaisie de toutes les
déclarations à des fins statistiques
103
mais surtout la capacité des services
fiscaux à mieux programmer sur cette base les vérifications opérées lors
des restitutions et les contrôles fiscaux et ainsi à sécuriser le crédit
d’impôt recherche
104
.
2 -
Un nombre de contrôles et un niveau de rectifications en très
nette croissance
Lors de son enquête, la Cour a disposé des données portant sur le
contrôle fiscal jusqu’à l’année 2012. Ce recul de quatre années après la
réforme de 2008 permet de porter une première appréciation.
Le nombre de contrôles fiscaux, dits contrôles externes, a
progressé plus rapidement que le nombre de bénéficiaires du CIR pour
atteindre 1 178 en 2012.
De même, les contrôles fiscaux externes progressent en matière
de CIR alors que l’ensemble des contrôles pratiqués par les services
fiscaux reste globalement stable sur la période 2005-2010. Le taux de
rectifications de CIR s’établit à 3,6 % en 2011 et progresse moins
nettement que le nombre de contrôles en raison de la dynamique des
déclarants au CIR. Au total, entre 2005 et 2012, la proportion des
rectifications de CIR dans le total des contrôles fiscaux augmente
fortement, passant de 0,4 % à 2,29 % en 2012, ces rectifications se situant
dans les trois quarts des cas dans le cadre de contrôles qui n’ont pas porté
exclusivement sur le CIR.
103
Pour un coût annuel de 41 000 €
104
Il a été demandé à la DGFiP et à la direction générale de la recherche et de
l’innovation une estimation du coût de la gestion du CIR. Celle-ci n’étant pas
individualisée et rentrant dans le chiffrage du coût global de gestion de l’impôt sur les
sociétés, aucun chiffre n’a été avancé par la DGFiP. La direction générale de la
recherche et de l’innovation a indiqué que la gestion du CIR représente près de 15
ETP en délégation régionale à la recherche et à la technologie et 10 ETP au niveau
central.
138
COUR DES COMPTES
Tableau n° 31 : résultats du contrôle fiscal externe des entreprises au
régime réel d’imposition
La montée en puissance du contrôle fiscal en matière de CIR
touche toutes les entreprises, des PME aux très grandes entreprises. Ainsi
sur 1178 rectifications en contrôle externe réalisées en 2012 en matière de
CIR, 150 ont concerné des grandes sociétés ou des groupes intégrés
fiscalement, 610 des sociétés de taille intermédiaire et 418 des PME.
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
1) Nombre d'entreprises au régime réel d'imposition*
1 093 476
1 929 374
1 954 749
1 977 606
2 007 853
2 103 997
2 118 868
2 147 597
2 147 597
2) Nombre de contrôle fiscaux sur des entreprises au
réel
35 836
36 758
37 416
37 026
36 819
36 371
36 368
35 667
36 182
3) Taux de contrôle fiscal (2/1)
3,28%
1,91%
1,91%
1,87%
1,83%
1,73%
1,72%
1,66%
1,68%
4) Nombre de déclarants CIR (source : MESR)
6 369
7 400
8 071
9 839
13 361
16 552
17 710
19 686
ND
5) Nombre de rectifications CIR en contrôle externe
233
209
244
232
269
295
436
702
1 178
6) Taux de rectification CIR en contrôle externe (5/4)
3,66%
2,82%
3,02%
2,36%
2,01%
1,78%
2,46%
3,60% -
7) Montants des rectifications sur CIR en contrôle
externe (en millions d'€)
74
28
29
44
36
33
66
109
162
8) Nombre des vérifications ponctuelles (VP) sur le CIR
52
24
33
31
25
41
83
154
268
9) % VP CIR / rectifications CIR (8/5)
22,32%
11,48%
13,52%
13,36%
9,29%
13,90%
19,04%
21,94%
22,75%
10) Total des contrôles externes (CIR et hors CIR)
51 964
52 226
52 429
52 292
52 010
51 615
51 572
51 441
51 529
11) Nombre de rectifications CIR / total des contrôles
(5/10)
0,45%
0,40%
0,47%
0,44%
0,52%
0,57%
0,85%
1,36%
2,29%
12) Nombre de rectifications CIR en contrôle externe
avec autres rappels
179
163
183
176
213
223
323
484
691
13) Contrôles avec rectification CIR et autres rappels /
Total (12/5)
76,82%
77,99%
75,00%
75,86%
79,18%
75,59%
74,08%
68,95%
58,66%
* reprise des données 2011 en l'absence des données 2012
Source : DGFIP/CF1
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
139
Tableau n° 32 : évolution du nombre de contrôles fiscaux en
matière de CIR
Si le nombre de rectifications notifiées aux sociétés en matière de
CIR progresse, les montants financiers associés suivent la même
évolution. Les montants des rectifications de CIR progressent nettement
entre 2006 et 2012, avec toutefois une rupture durant les années 2008 et
2009 marquées par la mise en oeuvre du plan de relance et du
remboursement anticipé des créances de CIR qui s’est répercutée sur la
pratique de contrôle
a posteriori
.
Le montant moyen des redressements passe de 119 000 € en
2006 à 138 000 € en 2012, soit le niveau médian de la créance de CIR des
entreprises (60 000 €). Le montant total des redressements est en forte
croissance : 29 M€ en 2006, 162 M€ en 2012, avec une dynamique
marquée sur la période 2010-2012. Le nombre des rectifications liées au
CIR reste toutefois limité : 232 en 2007, 1 178 en 2012, soit l’équivalent
de 6 % des entreprises déclarant du crédit d’impôt recherche en 2011.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La Cour a examiné la gestion du CIR du point de vue des
entreprises, du point de vue des services fiscaux et du point de vue du
contrôle fiscal.
La déclaration que les entreprises doivent produire s’est
complexifiée à mesure que le régime du CIR se précisait, notamment en
matière de sous-traitance. Les entreprises, et en particulier les PME, ont
recours dans un nombre de cas élevé à des consultants pour produire
cette déclaration : 17 % des déclarants en 2011 sont concernés par la
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Nbre de rectifications CIR en contrôle externe
244
232
269
295
436
702
1 178
dont échelon Départemental
93
108
96
114
160
261
418
échelon Régional
130
97
133
147
207
338
610
échelon National
21
27
40
34
69
103
150
Nbre de contrôles fiscaux sur entreprises au réel
37 416
37 026
36 819
36 371
36 368
35 667
36 182
dont échelon Départemental
34 248
34 197
34 058
33 775
33 529
33 257
33 404
échelon Régional
16 000
15 918
15 789
15 738
15 836
15 940
16 008
échelon National
1 333
1 318
1 300
1 250
1 350
1 330
1 419
Part des rectifications / contrôles fiscaux
0,7%
0,6%
0,7%
0,8%
1,2%
2,0%
3,3%
dont échelon Départemental
0,3%
0,3%
0,3%
0,3%
0,5%
0,8%
1,3%
échelon Régional
0,8%
0,6%
0,8%
0,9%
1,3%
2,1%
3,8%
échelon National
1,6%
2,0%
3,1%
2,7%
5,1%
7,7%
10,6%
Montant total des rectifications sur CIR (M€)
29
44
36
33
66
109
162
Montant moyen des rectifications sur CIR (M€)
0,119
0,190
0,134
0,112
0,151
0,155
0,138
Lecture : par année de réalisation du contrôle fiscal.
Source : DGFIP, base Alpage, retraitée Cour des comptes
140
COUR DES COMPTES
déduction des frais de conseil. Enfin, s’agissant de la question
régulièrement soulevée de l’optimisation fiscale, le CIR permet aux
groupes de déclarer 100 M€ de dépenses éligibles par filiale avec un taux
de crédit d’impôt de 30 %, 5 % au-delà. Il est de ce fait déjà largement
optimal pour les groupes.
Les dispositifs visant à sécuriser l’usage du CIR pour les
entreprises, en particulier le rescrit, montent en puissance au regard de
la population potentiellement concernée. L’assouplissement, en 2013, des
conditions de recevabilité du rescrit le rendra plus aisé
à utiliser. Il a été
confié à Oséo fin 2012 une nouvelle mission de préfinancement du CIR.
Dans ces conditions, Oséo devrait se concentrer sur cette mission et ne
plus
traiter
au
fond
les
demandes
de
rescrit
pour
lesquelles
l’établissement pourrait demeurer toutefois un point d’entrée.
La gestion de la déclaration de CIR est lourde pour les services
fiscaux, en particulier lorsque les entreprises demandent à l’État le
remboursement de leur créance. De telles demandes ont vocation à
demeurer nombreuses dans la durée, du fait de la pérennisation du
mécanisme de remboursement anticipé pour les PME.
Les vérifications opérées par les services fiscaux dans le cadre des
demandes de remboursement de CIR sont souvent confondues par les
entreprises avec des contrôles fiscaux, faute d’une communication
suffisamment claire. S’agissant de demandes qui se traduisent par des
versements de la part de l’État aux entreprises, il est normal qu’il
s’entoure de garanties. Or ce n’est qu’au début 2013 que les services
fiscaux se sont dotés d’outils d’analyse de risque leur permettant de
détecter les demandes de remboursement qui pourraient reposer sur un
usage abusif du CIR. Les justificatifs mis à disposition des services
fiscaux mériteraient à cet égard d’être clarifiés de sorte que soit mieux
garantie l’effectivité des travaux de R&D présentés. La sécurité des
entreprises ne pourrait qu’en être renforcée.
Les résultats des contrôles fiscaux menés entre 2008 et 2012
montrent la difficulté rencontrée pour caractériser les activités de R&D,
la croissance des redressements effectués et l’émergence d’une fraude
organisée au CIR. Ce n’est que tardivement qu’une plus grande vigilance
a été exercée face à ce risque.
La procédure de contrôle fiscal fait intervenir dans la majorité des
cas les services fiscaux et des experts mandatés par le ministère en
charge de la recherche en raison de la technicité des sujets concernés.
Cette procédure a été utilement adaptée pour permettre aux entreprises
d’avoir un échange avec les experts mandatés. Toutefois, les crédits du
ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ne sont pas à ce
UNE GESTION LOURDE, DES RISQUES DE FRAUDE
141
jour suffisants pour faire face à l’afflux de demandes d’expertises et
pouvoir les réaliser dans des conditions satisfaisantes pour toutes les
parties.
Pour simplifier les contrôles et sécuriser les entreprises, il serait
en outre souhaitable que les deux ministères mettent à disposition des
entreprises sur leur site Internet une fiche type commune sur la
présentation des projets de recherche demandée lors d’un contrôle fiscal
afin que les entreprises puissent établir ce document dès leur déclaration.
Le CIR n’est pas retenu dans les axes de programmation de
contrôle du ministère de l’économie et des finances. En l’absence de
dématérialisation de la déclaration de CIR, les services fiscaux ne sont
pas en mesure de programmer les contrôles fiscaux sur les entreprises les
plus à risque. La dématérialisation de la déclaration de CIR et la mise en
place d’une analyse de risque apparaissent à cet égard à la Cour comme
une priorité qui doit permettre à la fois de centrer l’activité des services
fiscaux sur les entreprises qui font un usage détourné du CIR et de
simplifier la gestion du CIR par les entreprises.
Afin de simplifier et sécuriser l’usage du CIR, la Cour formule les
recommandations suivantes :
8.
faire d’Oséo uniquement un point d’entrée pour les rescrits ;
9.
clarifier les justificatifs mis à disposition des services fiscaux par les
entreprises en cas de demande de remboursement anticipé ;
10.
publier sur les sites des ministères de l’économie et des finances et de
l’enseignement supérieur et de la recherche une fiche type commune
sur la description des projets de recherche demandée lors d’un
contrôle fiscal ;
11.
élargir le vivier des experts du ministère de l’enseignement supérieur
et de la recherche en prévoyant les budgets adéquats et renforcer le
caractère contradictoire de leurs interventions ;
12.
cibler la programmation des contrôles fiscaux sur la base d’une
analyse de risque et d’une intégration, dans le système d’information
du ministère de l’économie et des finances, du suivi de la créance et
de ses rectifications ;
13.
dématérialiser la déclaration de CIR.
Chapitre V
Les paramètres d’évolution possibles du
CIR
Les paramètres d’évolution possible du crédit d’impôt en faveur de
la recherche sont de quatre natures : les types de dépenses éligibles (I), les
modes de calcul de la dépense (II), la méthode de calcul et de constatation
du crédit d’impôt (III), et les taux appliqués (IV).
I
-
Les types de dépenses éligibles
A - Les dépenses actuellement éligibles ne relevant pas
de la recherche
1 -
La veille technologique, la normalisation et la gestion des
brevets
Au fil du temps, l’assiette des dépenses éligibles pour bénéficier du
crédit d’impôt recherche s’est élargie
105
, au-delà du périmètre dessiné par
le manuel de Frascati, pour s’étendre aux dotations aux amortissements
des brevets acquis en vue de réaliser des opérations de recherche, puis
aux dépenses de normalisation afférentes aux produits de l’entreprise, et
enfin aux frais de défense des brevets et aux dépenses relatives à la veille
105
Lois de finances initiales pour 1988, 1990 et 2004.
144
COUR DES COMPTES
technologique, dans la limite de 60 000 €. Lors du comité interministériel
pour la modernisation de l’action publique du 17 juillet 2013, le
Gouvernement a annoncé qu’il proposerait pour 2014 l’élargissement de
la prise en compte des frais de prise, de maintenance et de défense des
brevets au niveau mondial (aujourd’hui, ces dépenses ne sont prises en
compte que si elles sont engagées au sein de l’Union européenne et de
l’Espace économique européen).
Tableau n° 33 : détail des dépenses déclarées au titre de la
gestion des brevets ou de la veille technologique
En 2011, ces dépenses représentent 680 M€ soit 4 % de l’assiette
totale, et correspondent à une créance d’environ 190 M€. Elles ne
constituent pas des activités de R&D au sens des références
internationales et on peut s’interroger sur le bien-fondé du maintien de
leur caractère éligible dans le cadre du CIR.
Les règles de calcul spécifiques de ces dépenses, en matière
notamment de veille technologique compliquent le calcul du CIR. Par
parallélisme avec le crédit d’impôt innovation, il pourrait être envisagé
d’en réserver le bénéfice aux PME : les dépenses déclarées seraient alors
réduites de 420 M€ et la créance de CIR de 160 M€.
D’une manière générale, la question se pose de savoir si le CIR est
l’instrument adéquat pour favoriser ce type d’activités effectivement
essentielles en termes d’innovation. Les pouvoirs publics agissent déjà en
la matière par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) dont le
tarif des redevances est particulièrement attractif pour les PME, s’agissant
du brevet français, d’une part, et lorsque l’entreprise demande une
extension européenne de celui-ci, d’autre part (le rapport de recherche
européen, obligatoire dans les deux cas, est facturé par l’INPI aux PME à
un prix inférieur à la moitié du coût facturé par l’Office européen des
brevets et il sert pour les deux procédures). Les redevances ne constituent
qu’une partie minoritaire du coût de la protection industrielle dont la part
principale est constituée d’honoraires de conseils.
en millions d'euros courants
2007
2009
2010
2011
Dépenses engagées au titre de
Prise et maintenance de brevets et de certificats d'obtention végétale
337
408
426
481
Dépenses de défense de brevet et de certificats d'obtention végétale
54
74
61
67
Dotations aux amortissements de brevets acquis en vue de la
recherche et du développement expérimental et de certificats
d'obtention végétale (COV)
22
21
25
22
Dépenses liées à la normalisation
8
6
6
7
Primes et cotisations
ou part des primes et cotisations afférentes à
des contrats d'assurance de protection juridique prévoyant la prise en
charge des dépenses exposées dans le cadre de litiges portant sur un
brevet ou un certificat d'obtention végétale dont l'entreprise est titulaire
(<60 000€)
0
1
0
Veille technologique
(<60 000€)
23
57
82
101
Sous total
443
566
600
679
Sources : MESR, GECIR - retraitements Cour des Comptes
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
145
2 -
Le crédit d’impôt collection
Le crédit d’impôt collection est plus un dispositif d’incitation
industrielle que de R&D. De fait, seule la direction générale de la
compétitivité, de l’industrie et des services a exposé des arguments
favorables à cette composante du CIR. Elle met à cet égard en avant le
fait que « les collections sont de fait le ressort de l’innovation et
correspondent, pour les métiers de la mode et du luxe, à ce que la R&D
est aux métiers à forte composante technologique. Nombre d’entreprises
ne pourraient pas survivre sans ce dispositif fiscal. »
La gestion de cette composante du CIR introduit une complexité
supplémentaire dans la déclaration et le calcul de la créance, du fait de la
réglementation
de minimis
.
Il est regrettable qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de bilan
chiffré du coût effectif du crédit d’impôt collection, déduction faite des
redressements fiscaux. Le coût ainsi affiché se situerait très en dessous du
coût estimé initialement, de l’ordre de 50 M€ en 2011
106
.
Différents rapports ont déjà recommandé de clarifier le périmètre
du CIR en retirant les dépenses liées aux collections. La question est
toutefois de déterminer le coût que représenterait, en termes de gestion, la
mise en place d’un dispositif autonome.
L’éligibilité des prototypes dans le cadre de l’élargissement du
CIR aux dépenses d’innovation pose en outre cette question en termes
nouveaux et mériterait de faire l’objet d’une évaluation spécifique.
3 -
Le crédit d’impôt innovation
La loi de finances pour 2013 a élargi le CIR aux dépenses liées à la
conception de prototypes de nouveaux produits et aux installations pilotes
des PME dans la limite de 400 000 € par an et à un taux de crédit d’impôt
de 20 %. Le coût est estimé à 300 M€ en régime de croisière.
La mise en place d’un crédit d’impôt en faveur de l’innovation
était souhaitée par la direction générale de la compétitivité, de l’industrie
et des services. Elle estime en effet que le soutien à la phase aval de
l’innovation est un enjeu essentiel pour orienter l’économie vers une
spécialisation sectorielle plus compétitive. De fait, les entreprises
françaises ne sont pas assez nombreuses à s’engager dans des démarches
d’innovation (moins d’un tiers de PME françaises ont mis en place une
106
Cf. développements du chapitre IV montrant l’importance des redressements
effectués sur ce sous-ensemble du crédit d’impôt recherche.
146
COUR DES COMPTES
innovation de produit ou de procédé contre 54 % des PME allemandes
107
)
et elles pratiquent moins l’innovation non technologique (23 % des
entreprises françaises, contre 47 % des entreprises allemandes).
Interrogées à l’été 2012, les autres administrations se montraient
réservées sur ce type de crédits d’impôt (direction générale du Trésor,
direction générale pour la recherche et l’innovation, direction de la
législation fiscale).
Trois séries d’arguments invitent en effet à la prudence dans la
mise en place de tels dispositifs. Tout d’abord, les externalités positives
liées aux dépenses d’innovation sont moindres que celles liées aux
dépenses de R&D du fait notamment d’une meilleure capacité
d’appropriation des résultats par l’entreprise et de risques moindres et ne
justifient pas, du point de vue de la théorie économique, le même niveau
de soutien que pour les activités de recherche et développement. En
second lieu, la notion même d’innovation ne bénéficie pas d’un cadre de
référence aussi stabilisé que celui qui existe en matière de R&D, alors
même qu’il apparaît déjà de nombreuses questions sur l’éligibilité des
dépenses de recherche. La notion de nouveauté est en particulier difficile
à cerner
108
. Enfin, et à titre accessoire, se pose la question du
développement d’une nouvelle expertise dans ce domaine en vue de la
conduite des contrôles fiscaux.
Le manuel d’Oslo
Ce n’est que depuis 1992 qu’il existe pour les dépenses d’innovation
un manuel de référence, le manuel d’Oslo. Développé par l’OCDE et utilisé
par Eurostat, il offre aux pays membres un cadre leur permettant de mener
des enquêtes sur l’innovation comparables à l’échelle internationale. Une
grande partie des données sont toutefois de nature qualitative et des
difficultés de mesure subsistent pour recueillir des données fiables. Les
entreprises ne sont en effet pas toujours en mesure d’isoler la composante
« innovation » de leurs dépenses ou de présenter des montants de dépenses
probants pour certaines activités d’innovation (source : OCDE).
Toutes ces raisons conduisent à considérer comme périlleuse
l’extension du CIR au-delà des dépenses de R&D des entreprises.
107
Innovation Union Scoreboard 2011
.
108
La direction générale pour la recherche et l’innovation et la direction de la
législation fiscale renvoient à cet égard aux difficultés rencontrées dans la mise en
oeuvre du crédit d’impôt métiers d’art qui couvre les dépenses d’innovation de ce
secteur.
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
147
En limitant le crédit d’impôt innovation aux prototypes des PME,
en fixant son taux à 20 %, et surtout en plafonnant le niveau des dépenses
éligibles à 400 000 € par an (soit un crédit d’impôt maximal de 80 000 €
par entreprise), la loi de finances pour 2013 a toutefois encadré l’usage du
crédit d’impôt innovation.
Les contours réels du crédit d’impôt innovation dépendront
néanmoins de la définition précise qui sera donnée à la notion
d’innovation. Une instruction fiscale est en cours de préparation et devrait
être produite prochainement. Un débat existe pour savoir s’il convient de
retenir la notion d’innovation pour l’entreprise ou pour le marché. Dans le
premier cas, les entreprises qui introduisent un produit nouveau déjà
utilisé par d’autres entreprises seraient éligibles au crédit d’impôt
innovation, réservant en cela le même traitement aux entreprises qui
produisent des nouveautés et aux entreprises imitatrices. Dans le second,
seules les entreprises qui innovent au regard du marché seraient éligibles
au crédit d’impôt innovation. Afin que le crédit d’impôt innovation
corresponde bien à son objet, il ne peut qu’être recommandé que cette
dernière hypothèse soit retenue dans l’instruction fiscale.
Le chiffrage du crédit d’impôt innovation souffre en outre de
reposer sur des bases fragiles. Il a été établi par la direction générale de la
compétitivité, de l’industrie et des services à partir de l’enquête
innovation conduite par l’Union européenne et par l’INSEE. Si cette
enquête permet de connaître les entreprises ayant déclaré des activités de
« préparation de la mise en oeuvre des innovations de produits ou de
procédés », elle ne permet pas de disposer des dépenses relatives à ces
activités. Le volume des dépenses concernées a dès lors été estimé en
retenant l’hypothèse d’un ratio de 2 € de dépense de prototype pour 1 €
de dépense de R&D pour les petites structures. Les contours du crédit
d’impôt innovation ont ensuite été choisis pour correspondre à un coût de
300 M€.
Dans une note de janvier 2013, la direction générale pour la
recherche et l’innovation estime le coût du crédit d’impôt innovation à
des niveaux plus élevés, tout en supposant que le crédit d’impôt moyen
par entreprise ne correspondra qu’à la moitié du plafond autorisé
(40 000 € par entreprise) : 410 M€ en cas de recours au critère de produit
nouveau pour le marché, 555 M€ en cas de recours au critère de produit
nouveau
pour l’entreprise, avec selon la définition retenue entre 10 000
et 14 000 entreprises concernées
109
.
109
Si les innovations de procédés avaient été incluses par la loi dans les dépenses
éligibles, le ministère en charge de la recherche considère que 25 000 PME auraient
été concernées, engendrant une créance fiscale de près d’1 Md€.
148
COUR DES COMPTES
Les pouvoirs publics disposent enfin d’outils spécifiques pour
soutenir l’innovation, en particulier au travers d’Oséo qui consacrait en
2011, 569 M€ à l’aide à l’innovation
110
. Ces instruments non fiscaux ont
vocation à se développer dans le cadre de la création de la banque
publique d’investissement
111
.
Compte tenu de l’absence de dématérialisation des déclarations de
CIR et des délais dans lesquels celles-ci sont actuellement traitées pour
établir la base GECIR, ce n’est que mi-2015 que de premières données
seront disponibles sur la portée réelle du crédit d’impôt innovation
112
.
Pour disposer de données plus rapidement, il conviendrait que les
demandes de remboursement effectuées dans le cadre du CIR comportent
une mention des montants réclamés au titre du crédit d’impôt innovation,
ce qui n’est pas pour l’heure prévu
113
.
Au cas où il apparaîtrait que le crédit d’impôt innovation est
beaucoup plus dynamique que ne le prévoient les estimations réalisées à
l’été 2012, la question de l’ajustement de ses paramètres et notamment du
niveau du plafonnement pratiqué méritera d’être posée.
B - La question de l’articulation des assiettes du CIR et
du CICE
Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi a été introduit
par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2012. Il consiste en un
crédit d’impôt correspondant à 4 % (2013) puis 6 % des rémunérations
versées aux personnels dont les salaires sont inférieurs à 2,5 Smic.
110
La lettre Trésor-Eco n° 112 de mai 2012 présente à cet égard une étude qui montre
qu’Oséo sélectionne les projets de façon efficace et que ses financements ont un effet
sur les dépenses des PME.
111
Ses contours ont été précisés lors du comité interministériel du 11 septembre
2012 : ayant pour objectif de soutenir les PME et ETI en matière d’innovation et
d’exportation, elle disposera d’une capacité d’intervention de plus de 30 Md€, en
prêts et en capital et aura également vocation à mobiliser les financements privés de
sorte à créer un effet de levier ; elle regroupera l’ensemble des instruments existants
(banque Oséo, interventions du fonds stratégique d’investissement en faveur des
PME, filiale de la Caisse des dépôts et consignations consacrée aux PME et réseau de
l’agence pour le développement international des entreprises), en y ajoutant de
nouveaux moyens.
112
Le crédit d’impôt innovation porte sur les dépenses réalisées à compter de 2013.
Les premières déclarations interviendront en 2014.
113
Le crédit d’impôt innovation s’adresse en effet aux PME qui ont la capacité de
demander la restitution de leur créance de CIR dès la première année de déclaration.
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
149
Le régime du CICE
Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est prévu à l’article
244 quater C du code général des impôts. Il bénéficie à toutes les entreprises
et porte sur l’ensemble des rémunérations versées aux salariés au cours d’une
année civile qui n’excèdent pas 2,5 fois le Smic, le calcul de ce plafond étant
établi hors heures complémentaires et supplémentaires, celles-ci étant ensuite
retenues dans l’assiette du crédit d’impôt.
Les règles d’imputation et de remboursement du CICE ont été
calquées sur celles du CIR, et comportent donc un remboursement anticipé
pour les PME et entreprises en difficulté.
Le CICE dispose également d’un mécanisme de préfinancement de la
créance en germe, dont les conditions sont plus avantageuses que celles
retenues pour le CIR, du fait notamment d’une assiette de dépenses éligibles
plus aisée à déterminer
114
.
Il résulte des articles 244 B et C du code général des impôts
portant respectivement sur le CIR et sur le CICE que les deux dispositifs
peuvent se cumuler sur l’assiette qui leur est commune (rémunérations de
techniciens et de docteurs ou titulaires d’un diplôme équivalent
inférieures à 2,5 Smic).
Comme le relève la direction de la législation fiscale en réponse
aux questions de la Cour, le fait que deux crédits d’impôt puissent être
obtenus sur une même base éligible constitue une exception aux principes
généraux retenus dans les dispositifs les plus récents de crédits d’impôts.
En effet, une même dépense ne peut en principe ouvrir droit à plusieurs
crédits d’impôt
115
. La direction de la législation fiscale fait toutefois valoir
que, s’agissant avec le CICE et le CIR, de deux mesures phares du pacte
national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, le législateur
disposait du choix souverain d’autoriser le cumul. Elle relève également
qu’il n’apparaissait pas souhaitable de priver les entreprises éligibles au
CIR du bénéfice du CICE qui constitue une mesure générale applicable à
l’ensemble des entreprises.
Des éléments recueillis lors de l’instruction, il ressort que cette
exception aux pratiques fiscales usuelles, proposée dans le projet de loi
114
Cf. annexe n° 20 « Le préfinancement du CICE ».
115
Le principe du non cumul est d’ailleurs retenu pour le crédit d’impôt métiers d’art,
les rémunérations retenues dans l’assiette du CICE ne pouvant l’être dans le crédit
d’impôt métiers d’art (article 244 quater O du code général des impôts). Voir
également en ce sens le crédit d’impôt en faveur des maîtres-restaurateurs (article 244
quater Q du CGI), en faveur des débitants de tabac (article 244 quater R) ou au titre
des primes d’intéressement (article 244 quater T).
150
COUR DES COMPTES
du Gouvernement, l’a été au double motif que les deux dispositifs avaient
des objets différents et que les recoupements seraient en pratique limités.
S’agissant des visées différentes des deux crédits d’impôt, on
relève que le CICE est présenté dans le pacte national pour la croissance,
la compétitivité et l’emploi, le projet de loi de finances rectificative et les
documents de communication du ministère de l’économie et des finances
comme ayant « pour objet le financement de l’amélioration de la
compétitivité des entreprises, à travers notamment des efforts en matière
d’investissement,
de
recherche,
d’innovation,
de
formation,
de
recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition
écologique et énergétique et de reconstitution de leurs fonds de
roulement
116
». Les deux dispositifs que constituent le CIR et le CICE ne
sont donc pas totalement disjoints quant à leurs objectifs.
S’agissant du chiffrage des recoupements potentiels entre les deux
dispositifs, la Cour a interrogé les administrations sans pouvoir obtenir
d’estimation des montants en jeu
117
. Il est finalement apparu que seule une
interrogation spécifique de l’Acoss, qui gère l’activité de recouvrement
du régime général de la sécurité sociale aurait permis d’obtenir des
données étayées. Un tel travail n’était pas compatible avec les délais de
production du présent rapport. La Cour estime que ce travail devrait être
demandé par les pouvoirs publics.
Il devrait permettre de clarifier les montants effectivement en jeu
dans le recoupement des dispositifs, qui sont potentiellement significatifs.
S’il n’a pas été possible d’obtenir un chiffrage précis, une valeur
approchée peut en effet être donnée en faisant appel aux résultats de
l’enquête statistique sur les dépenses de R&D des entreprises et en posant
116
Instruction du 13 février 2013 du directeur général des finances publiques portant
présentation du CICE au réseau des directeurs de la direction générale des finances
publiques.
117
La direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services a apporté les
éléments de réponse les plus précis, faisant valoir que 14 000 entreprises dans la base
du CIR sont employeuses de salariés au-dessous du seuil du CICE, ces entreprises
employant au total 2,3 millions de salariés concernés par le CICE. Elle n’était
toutefois pas en mesure de donner rapidement un chiffrage des montants en jeu et
mettait en avant le fait que les personnels éligibles au CIR dans les entreprises de
haute-technologie sont rarement rémunérés au-dessous de 2,5 smic. La direction de la
législation fiscale fait valoir que le système d’information de la direction générale des
finances publiques ne permet pas à ce jour de déterminer les entreprises qui versent
des rémunérations inférieures à 2,5 smic. La direction générale pour la recherche et
l’innovation indique n’avoir pas produit d’analyses sur l’articulation entre le CIR et le
CICE mais estime qu’il existera des adhérences entre les deux dispositifs,
particulièrement dans les secteurs qui emploient beaucoup de techniciens, le niveau de
2,5 smic correspondant
a priori
au niveau de rémunération d’un technicien.
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
151
des hypothèses sur les niveaux de rémunérations relatifs des chercheurs et
des techniciens de recherche
118
. On peut estimer ainsi que le
recouvrement entre le CICE et le CIR concernerait entre 20 % et 15 %
des dépenses de personnel déclarées au CIR (soit entre 560 M€ et
400 M€).
Au vu de ces éléments, la Cour estime que les pratiques fiscales
usuelles devraient s’appliquer et qu’il ne devrait pas être possible de
bénéficier à la fois du CICE et du CIR sur une même assiette.
Le crédit d’impôt recherche étant d’un taux plus élevé que le
CICE, la solution la plus avantageuse pour les entreprises consisterait à
introduire une disposition dans le code général des impôts excluant de
l’assiette du CICE les rémunérations déclarées dans le cadre du CIR. En
pratique, les attestations fournies par les commissaires aux comptes pour
le préfinancement du CICE ou les déclarations de CICE devraient alors
extraire les rémunérations présentées dans le cadre du CIR.
Une autre solution, moins avantageuse pour les entreprises,
consisterait, à l’instar de ce qui a été prévu pour le crédit d’impôt métiers
d’art, à prévoir que les rémunérations déclarées dans le cadre du CICE ne
puissent l’être dans le CIR, centrant de fait le CIR sur les salaires au-
dessus de 2,5 smic et conservant au CICE son caractère de mesure de
portée générale
119
. Enfin, il serait possible de laisser aux entreprises le
choix de l’option qu’elles privilégient.
II
-
Les modes de calcul de la dépense
A - Le calcul de la sous-traitance
1 -
Le lien entre le donneur d’ordre et le sous-traitant
On pourrait s’étonner que les entreprises ne cherchent pas, dans
leurs déclarations de CIR, à optimiser le gain globalement tiré des règles
applicables à la sous-traitance. Or les plus de 4 Md€ d’externalisation
déclarés par les entreprises donneuses d’ordre se traduisent par 2,4 Md€
de dépenses éligibles au CIR, alors que, si ces dépenses étaient déclarées
118
À partir des effectifs en équivalent temps plein des chercheurs et techniciens de
recherche, ainsi que les dépenses de rémunérations totales des personnels de
recherche (données de l’enquête R&D de 2010), on prend pour hypothèses que les
chercheurs sont rémunérés le double (H1) ou le triple des techniciens (H2).
119
La direction générale du Trésor fait valoir qu’une telle exclusion pourrait inciter
les entreprises à augmenter les rémunérations des personnels déclarés dans le cadre du
CIR au-dessus de 2,5 smic.
152
COUR DES COMPTES
par les sous-traitants, ce sont à peu près
4,3 Md€ qui seraient éligibles,
soit une perte de moitié pour les entreprises. Bien évidemment, ce ne sont
pas les mêmes entreprises qui bénéficieraient dans ce cas du crédit
d’impôt, mais le coût de la recherche pourrait s’en trouver diminué d’une
façon globale pour les entreprises.
La question, en réalité, semble relever plutôt de la stratégie de
marché qui lie le donneur d’ordre et ses sous-traitants, le donneur d’ordre
pouvant trouver, à déclarer lui-même le CIR, un avantage dans ses
relations avec ses sous-traitants.
2 -
La sous-traitance exécutée à l’étranger
La direction générale du Trésor
120
rappelle dans sa réponse que le
CIR n’est pas une aide d’État en raison de son caractère transversal :
«
lier le bénéfice du CIR à un critère territorial autre que le paiement de
l’impôt en France pourrait remettre en cause ce statut, dans un sens
contraire aux règles communautaires
». Elle rappelle, en particulier, que
le plafonnement des dépenses de sous-traitance a déjà été mis en place
afin de limiter les cas de subvention de R&D conduite à l’étranger.
3 -
Le surcoût engendré par une décision de tout faire déclarer
par les exécutants de la recherche
Il pourrait être choisi de supprimer de la déclaration au CIR les
dépenses de sous-traitance de R&D. Bénéficieraient alors directement du
CIR les exécutants de la recherche sur le territoire français et non leurs
donneurs d’ordre, ce qui permettrait de résoudre de fait les problèmes à la
fois de complexité de la déclaration, de son contrôle et celui de la
rémunération d’une R&D délocalisée.
Cette décision a un coût, difficilement chiffrable à partir des bases
actuelles de gestion du CIR. Pour utiliser les enquêtes annuelles sur les
moyens consacrés à la R&D
121
à cet effet, il faut raisonner selon
l’hypothèse d’une similitude de déclaration au dispositif fiscal (CIR) et
aux questionnaires statistiques
122
.
120
La direction générale du Trésor dit avoir recommandé, lors de la préparation du
projet de loi de finances 2011, «
de supprimer toute possibilité de recours à la sous-
traitance afin de simplifier le dispositif
».
121
Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sies.
122
Voir les hypothèses de convergence exposées dans l’annexe « Détails des calculs
entrant dans l’élaboration de simulations de créance du CIR ».
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
153
Tableau n° 34 : simulations* de créance CIR, selon le mode de
déclaration de la sous-traitance
À partir des données R&D 2010 SD
En milliards d’euros
Dépenses
éligibles au
CIR**
Créance
associée
Hypothèse basse : toute la sous-traitance en
France est déclarée par les donneurs d’ordre
21,71
5,1
Hypothèse haute : la sous-traitance en France est
déclarée
par
les
sous-traitants
comme
une
dépense intérieure
23,62
5,8
(*) Sous l’hypothèse d’une similarité de déclaration au dispositif fiscal
(CIR) et aux questionnaires statistiques à structure de déclaration
constante ;
(**) les dépenses éligibles au CIR ne sont pas un concept de l’enquête
R&D. Un retraitement spécifique des données individuelles de chaque
entreprise explicité en annexe permet de construire cet indicateur
approximé.
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche-Sies,
calculs
Cour des comptes
En prenant la statistique de R&D de 2010 pour référence, l’écart de
dépenses éligibles entre les deux hypothèses est de 1,91 Md€, ce qui
induirait 700 M€ de créance supplémentaire si la sous-traitance réalisée
en France était entièrement déclarée par les sous-traitants.
Si la décision était prise de supprimer à l’avenir la déclaration de la
sous-traitance, le surcoût par rapport à la créance actuelle devrait être
bien plus élevé. En effet, les dépenses de sous-traitance déclarées (avant
plafonnement) s’élèvent pour le CIR en 2010 à 4 Md€ alors qu’elles sont
de 7,3 Md€ dans l’enquête sur la R&D des entreprises. Il n’est pas
possible d’estimer les effets induits d’un tel changement de déclaration
sur les pratiques des donneurs d’ordre, en particulier sur leurs relations
avec les sous-traitants.
La simplification que représenterait la suppression des déclarations
de sous-traitance au bénéfice d’une déclaration par les sous-traitants serait
en tout état de cause d’un coût très significatif. Ce n’est que dans le cadre
d’une évolution plus globale du régime du CIR et notamment de ses taux
qu’une telle mesure de simplification pourrait trouver matière à être mise
en oeuvre.
B - Le forfait de dépenses de fonctionnement
Lors de l’instauration du CIR en 1983, le niveau du forfait de
dépenses de fonctionnement fut fixé à 55 % des dépenses de personnel. Il
a été ensuite relevé à 75 % par la loi de finances initiale pour 1991. Le
154
COUR DES COMPTES
CIR était à l’époque un crédit d’impôt sur l’accroissement des dépenses
de R&D de l’entreprise, 50 % de cet accroissement venant en crédit
d’impôt
123
. Quelles qu’en aient été les modalités de calcul, l’effet
financier de ce dispositif était donc limité, puisqu’il ne couvrait que 55 %,
puis 75 % de l’accroissement des dépenses de personnel.
La réforme de 2007, en mettant en place un crédit d’impôt fondé
sur le volume des dépenses avec un taux de 30 % jusqu’à 100 M€, a
rendu le dispositif plus attractif pour les entreprises et plus coûteux pour
les finances publiques : en 2010, le forfait de dépenses de fonctionnement
représente 1,8 Md€ des 5,05 Md€ de créance de CIR.
Tableau n° 35 : frais de fonctionnement retenus dans le CIR et
créance associée
(en M€)
2007
2009
2010
2011
montant déclaré
5 625
6 045
6 546
5 529
taux de CIR effectif
12,11 %
28,04 %
27,79 %
28,09 %
créance associée
681
1 723
1 820
1 555
Source : GECIR, retraitements et calculs Cour des comptes
Le forfait retenu pour le calcul des dépenses de fonctionnement
représente ainsi un paramètre important, qui mérite d’être établi au plus
près de ce qui est réellement constaté par les entreprises.
Or on dispose, grâce à l’enquête sur les dépenses de R&D des
entreprises menée par le ministère en charge de la recherche, de ce coût
en pourcentage des dépenses de personnel. Celui-ci était de 56 % des
dépenses de personnel en 2010
124
, soit bien en deçà des 75 %.
Certes, ce coût est différent selon les branches d’activités, allant,
en 2010, de 104 % pour les industries extractives à 22 % dans les
télécommunications avec, pour les branches d’activités parmi les plus
intensives en R&D, 69 % dans l’industrie pharmaceutique, 58 % dans
l’industrie automobile et 39 % dans les activités informatiques et les
services d’information. Mais, sauf à mettre en place une déclaration de
123
La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du
4 février 1995 a introduit, en son article 15, un dispositif limitant ce pourcentage à
65 % pour les chercheurs et techniciens de recherche qui exercent tout ou partie de
leur activité dans la région Île-de-France et portant ce dernier à 100 % pour ceux
affectés exclusivement dans les territoires ruraux de développement prioritaire et dans
les zones d’aménagement du territoire mentionnés à l’article 1465 du code général des
impôts. Ce régime particulier a été supprimé par la loi de finances rectificative du
30 décembre 1999.
124
Les données détaillées sont produites en annexe « Dépenses de fonctionnement
dans les dépenses courantes (enquête R&D 2010) ». Le niveau moyen, soit
légèrement au-dessus de 55 %, est globalement stable d’une enquête R&D à l’autre.
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
155
frais réels, c’est bien sur une situation moyenne que le forfait de dépenses
de fonctionnement devait être établi. À cet égard, la règle des 75 % était
bien trop généreuse par rapport à cette situation moyenne.
C’est dans ces conditions que la loi de finances initiale pour 2011
a, suite à un amendement parlementaire, abaissé le niveau du forfait de
dépenses de fonctionnement à 50 %. Ce forfait est cohérent avec le
niveau moyen des dépenses de fonctionnement déclarées par les
entreprises dans l’enquête R&D.
La loi de finances pour 2011 a également ajouté un plafond de
75 % pour les amortissements d’immobilisations déclarées dans le cadre
du CIR. Cet ajout, qui visait à mieux couvrir les frais de fonctionnement
des secteurs industriels dans lesquels l’équipement scientifique joue un
rôle important, a un impact financier significatif.
La simulation du taux effectif de frais de fonctionnement résultant
de ce mode de calcul à partir de la créance déclarée en 2010 établit celui-
ci à 67 % des dépenses de personnel. Même abaissé, le forfait de
dépenses de fonctionnement demeurait ainsi plus élevé que celui constaté
en moyenne dans l’enquête sur la R&D des entreprises. La structure des
dépenses déclarées a évolué en 2011, rendant l’écart moins sensible avec
les dépenses de fonctionnement de l’enquête sur la R&D des entreprises
mais toujours positif.
Tableau n° 36 : impact de la modification du mode de calcul des frais
de fonctionnement entre 2010 et 2011
en milliards d'euros et en %
Régime 2010
dépenses de personnel déclarées
8,51
dépenses de fonctionnement déclarées (soit 75% des dépenses de personnel
et 200% jeunes chercheurs)
6,55
Taux effectif de frais de fonctionnement
77%
Régime 2011
dépenses de personnel déclarées
9,31
dépenses de fonctionnement déclarées (soit 50% des dépenses de personnel,
200% jeunes chercheurs, et 75 % des dotations aux amortissements)
5,53
Taux effectif de frais de fonctionnement
59%
Source : GECIR 2010 et 2011, retraitements Cour des comptes
Pour la créance 2011, le forfait de frais de fonctionnement retenu à
compter de 2011 aboutit à un taux de 59 % de frais de fonctionnement par
rapport aux dépenses de personnel. L’écart entre la simulation sur la
créance de 2010 et le taux de 2011 s’explique par une forte hausse des
dépenses de rémunération des chercheurs et techniciens déclarés entre
2010 et 2011 (+ 9,5 %), qui augmente la base sur laquelle le forfait de
156
COUR DES COMPTES
fonctionnement est établi.
Pour que le forfait de fonctionnement utilisé dans le calcul du CIR
corresponde à celui constaté en moyenne, il conviendrait, soit de revenir à
un taux unique de 55 % des dépenses de personnel, soit, pour rendre
compte des situations différenciées de l’industrie et des services, de
conserver le forfait calculé sur les dépenses d’équipement et de ramener
celui sur les dépenses de personnel à 40 ou 46 %. Dans le premier cas, le
taux effectif de frais de fonctionnement pris en compte dans le CIR serait
de 55 %, dans le deuxième, il serait
in fine
de l’ordre de 49 %, et dans le
troisième de l’ordre de 55 %.
Ce dernier cas, qui revient à ajuster le forfait de fonctionnement
par rapport à sa valeur réelle, représenterait une économie de l’ordre de
300 M€ sur la dépense déclarée et de 95 M€ sur la créance. Avec un
forfait de fonctionnement à 50 %, l’ajustement se traduirait par une baisse
de 800 M€ des dépenses déclarées et de 225 M€ de la créance.
C - Les doublements d’assiette prévus pour la sous-
traitance publique et les jeunes docteurs
1 -
La sous-traitance publique
Le doublement des dépenses prises en compte au titre du CIR en
cas de sous-traitance à des laboratoires publics a été instauré par la loi de
finances pour 2004
125
. Il vise à renforcer les coopérations entre acteurs
publics et privés. La loi de finances pour 2008 a élargi les organismes
concernés aux établissements d’enseignement supérieur délivrant un
diplôme conférant un grade de master, aux fondations de coopération
scientifique et aux établissements publics de coopération scientifique
126
.
La loi de finances rectificative du 30 décembre 2009 a reprécisé et étendu
la liste des bénéficiaires
127
.
Près de 2 800 entreprises ont déclaré en 2011 des dépenses de
sous-traitance vis-à-vis de laboratoires publics
128
, pour un montant de
435 M€ avant doublement et plafonnement
129
, soit 870 M€ après
doublement. La créance correspondante se monte à 221 M€. Compte tenu
des mécanismes de plafonnement, le taux effectif du crédit d’impôt pour
ce dispositif ressort en effet à 25 % en 2011.
125
Article 87 2°a) de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003.
126
Article 101 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008.
127
Article 87.II de la loi n° 2009-1674 reproduit en annexe.
128
Laboratoires publics en France ou à l’étranger sans lien de dépendance.
129
Les mécanismes de plafonnement ont été présentés dans la section relative à la
sous-traitance.
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
157
La mise en oeuvre de ce doublement d’assiette est complexe, étant
donné les plafonnements qui l’encadrent, et ce même si la part des
déclarations de sous-traitance donnant lieu à plafonnement est faible. La
prise en compte de ces dépenses pour leur montant réel, c’est-à-dire sans
plafonnement et sans doublement, simplifierait le régime du CIR.
Ce doublement d’assiette a en outre été conçu dans le cadre d’un
crédit d’impôt recherche dont les taux étaient nettement plus faibles
qu’aujourd’hui. Dans le dispositif actuel, ce mécanisme équivaut à un
taux de soutien public de 60 % dès lors que le plafonnement n’est pas
atteint. Un tel taux n’est pas de nature à inciter les acteurs concernés à
négocier au plus juste les tarifs des prestations effectuées.
Surtout, les pouvoirs publics ont développé, depuis l’instauration
de ce dispositif en 2004, de nouveaux outils visant à renforcer les
coopérations publiques et privées en matière de R&D. Une part des
projets soutenus par l’Agence nationale de la recherche créée en 2005
repose sur l’association de laboratoires publics et d’entreprises. Plus
récemment, le programme des investissements d’avenir a prévu de
nouveaux outils d’intervention en la matière, avec notamment les Instituts
de recherche technologique. À ces dispositifs s’adjoigne un foisonnement
d’autres aides qui ont conduit la Cour à recommander leur simplification
dans son rapport public thématique de juin 2013 sur « le financement
public de la recherche, un enjeu national ».
Même si on peut admettre que, pour accompagner des sauts
qualitatifs dans les comportements des acteurs, un faisceau de mesures
puisse être dans certains cas justifié, le crédit d’impôt est un instrument
dont la force réside dans la simplicité d’usage, ce qui n’est pas compatible
avec la multiplication des dispositions dérogatoires en son sein.
La suppression de ce doublement d’assiette représenterait une
économie de 110 M€ par rapport à la dernière créance de CIR connue.
2 -
Les dépenses relatives aux jeunes docteurs
Le doublement des dépenses prises en compte au titre des jeunes
docteurs a été instauré par la loi de finances initiale pour 2006, deux ans
après celui prévu pour la sous-traitance publique : il concerne les
dépenses de personnel qui se rapportent à des titulaires d’un doctorat ou
d’un diplôme équivalent ; durant les douze premiers mois suivant leur
première embauche, ces dépense sont prises en compte pour le double de
leur montant à condition que les contrats de travail soient à durée
indéterminée et que l’effectif salarié de l’entreprise ne soit pas inférieur à
celui de l’année précédente.
158
COUR DES COMPTES
Les frais de fonctionnement rattachés à ces emplois bénéficiaient
déjà d’un régime particulier puisqu’ils étaient fixés forfaitairement depuis
la loi sur l’innovation et la recherche de 1999 à 100 % des dépenses de
personnel
130
. La loi de finances initiale pour 2006 a porté ce taux à 200 %
(contre 75 %, puis 50 % pour les autres frais de personnel).
La réforme de 2007 a maintenu ces avantages et en a porté la durée
à vingt-quatre mois.
La combinaison de ces deux modalités de calcul dérogatoires
aboutit à un crédit d’impôt correspondant à 120 % de la dépense de
personnel engagée par l’entreprise. Un tel taux de soutien public,
supérieur à la dépense engagée, n’apparaît pas justifié.
Tableau n° 37 : premier recrutement d'un docteur
dépense de personnel annuelle
30 000 €
dépense prise en compte dans le CIR :
- dépense de personnel pour le double de son montant
60 000 €
- frais de fonctionnement au taux de 200 %
60 000 €
total
120 000 €
montant du crédit d'impôt (taux de 30 %)
36 000 €
Taux du crédit d'impôt = 120 % de la rémunération avec charges sociales
Source: Cour des comptes, à partir de l’article 244 quater B du code général
des impôts
En 2011, 1 140 entreprises ont déclaré des dépenses dans ce cadre,
correspondant à des rémunérations de 63,5 M€ (avant doublement).
Compte tenu des deux mécanismes de doublement pratiqués, la créance
associée se monte à 71 M€.
Dans son bilan du CIR pour 2010, le ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche tire des conclusions positives de ce dispositif,
constatant que le nombre d’entreprises déclarant des salariés dans ce
cadre a doublé entre 2007 et 2010. En fait, étant donnée la dynamique des
entreprises ayant bénéficié du CIR, la proportion des entreprises qui
déclarent des jeunes docteurs est restée presque stable, autour de 5 %.
130
Article 8 de la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999.
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
159
Tableau n° 38 : évolution du nombre d’entreprises déclarant des
jeunes docteurs
2007
2008
2009
2010
2011
Nombre d’entreprises déclarantes au CIR
ayant utilisé les doublements jeunes docteurs
439
700
781
886
1 143
Taux de croissance
59 %
12 %
13 %
23 %
Proportion d’entreprises déclarantes au CIR
ayant utilisé les doublements jeunes docteurs
4,5 %
5,2 %
4,7 %
5,0 %
5,8 %
Sources : Bilan du CIR 2010 et Base GECIR 2011, retraitement Cour des comptes
Les effectifs d’entreprises concernées par ce dispositif sont ainsi
limités. Ils ne rendent d’ailleurs pas compte de la croissance de l’emploi
dans le domaine de la R&D.
Tableau n° 39 : effectifs de recherche dans les entreprises
en ETP
2007
2010
Evolution
Effectif de chercheurs
124 577
139 885
12,3 %
Effectif total de R&D
215 891
230 735
6,9 %
Source : MESR-SIES
NB : Parmi les chercheurs en entreprise, la part des docteurs est
stable sur longue période, soit environ 13 % entre 1997 et 2009.
L’étude actuellement conduite sous l’égide du ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’impact des doublements
pratiqués pour l’embauche des docteurs pourrait permettre d’éclairer les
motifs de cette situation
131
.
Il se peut qu’en la matière la clause réservant ces doublements aux
entreprises dont l’effectif salarié n’a pas baissé par rapport à l’année
précédente induise une certaine prudence dans l’usage de ce dispositif
très avantageux et explique le faible succès qu’il rencontre.
Tout comme pour la sous-traitance publique, les pouvoirs publics
disposent, en outre, d’autres outils d’intervention pour favoriser le
développement de l’emploi des chercheurs, que ce soit en amont de
l’obtention de la thèse (conventions CIFRE) ou dans le cadre de jeunes
entreprises innovantes. Or ces deux dispositifs ont été réduits dans le
131
La seule étude actuellement disponible est l’étude économétrique publiée en
novembre 2011 dans la revue Trésor-Eco et présentée dans le chapitre précédent selon
laquelle « le recrutement des docteurs dans les équipes de R&D privées n’est pas
inférieur à ce qui serait économiquement optimal ».
160
COUR DES COMPTES
cadre de la montée en puissance du CIR
132
. En la matière, il aurait été
préférable de ne pas compliquer le crédit d’impôt recherche par un
mécanisme dérogatoire et de conserver toute leur portée aux outils
spécifiques déjà existant pour favoriser l’insertion professionnelle des
docteurs et le développement de jeunes entreprises innovantes.
Quels que soient les résultats des travaux menés, il est souhaitable
d’éviter les situations dans lesquelles le soutien public excède le montant
de la dépense engagée par l’entreprise. Conserver le doublement
d’assiette pour les dépenses des jeunes docteurs avec un forfait de
dépenses de fonctionnement de droit commun, soit 50 % de la dépense de
personnel exposé, conduirait ainsi à un taux de soutien public de 75 %. À
démographie constante, l’ajustement de la créance serait de 20 M€.
III
-
La méthode de calcul et de constatation du
crédit d’impôt
A - La problématique de l’intégration fiscale pour les
grands groupes
Dans le cadre de l’intégration fiscale, la société mère présente
autant de déclarations de CIR de ses filiales qu’elle le souhaite, chacune
de ces déclarations étant traitée indépendamment au regard de
l’application des taux de 30 % et de 5 % (pour les dépenses éligibles
supérieures à 100 M€). La créance de CIR de l’intégration est imputée sur
l’impôt sur les sociétés de la société-mère qui l’utilise selon les modalités
qu’elle prévoit dans la convention d’intégration fiscale qui la lie à ses
filiales.
En dehors de la question de l’optimisation fiscale, traitée dans le
chapitre précédent sur la gestion et le contrôle du CIR, il convient
d’apprécier la différence de créance qui résulterait de l’application du
plafond de 100 M€ à l’échelle du groupe et non plus de chaque filiale.
On dénombre un peu moins de 3 000 intégrations fiscales déposant
au CIR en 2011. Les 7 600 entreprises qui les composent déclarent
ensemble 12,4 Md€ de dépenses de R&D et bénéficient d’une créance
totale de 3,32 Md€. Seule une vingtaine de sociétés en intégration fiscale
déclarent plus de 100 M€, et bénéficient d’une créance de 1,36 Md€.
132
Révision du mécanisme d’allègement des cotisations sociales patronales pour les
jeunes entreprises innovantes et diminution de 17 000 € à 14 000 € des aides versées
aux entreprises dans le cadre des conventions CIFRE.
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
161
Si le montant du CIR était calculé au niveau de chaque intégration,
et non des filiales, on peut estimer, d’après les données de la base
GECIR
2010
, l’économie qui en résulterait à 530 M€, la créance totale
passant de 3,47 Md€ à 2,95 Md€. Les intégrations fiscales dont la créance
serait modifiée perdraient globalement 40 % du montant de leur crédit
d’impôt recherche (de 1,37 Md€ à 0,84 Md€).
Situation des entreprises du CAC 40
Les entreprises du CAC 40 qui bénéficient du régime d’intégration
fiscale déclarent ensemble 4,7 Md€ de dépenses de R&D et bénéficient d’une
créance totale de 1 Md€ (source GECIR). Un tiers des entreprises du CAC40
serait concerné par un changement de prise en compte du plafond des
100 M€, la créance totale passant alors de 1 Md€ à 0,68 Md€.
Depuis 2008, le crédit d’impôt recherche des entreprises du CAC 40
est leur premier crédit d’impôt imputé. Il représente plus de 5 % de l’impôt
sur les sociétés brut, alors qu’il était de l’ordre de 2 % de l’impôt sur les
sociétés en 2006 et 2007.
Tableau n° 40 :
Alors que le nombre de contrôles fiscaux de ces entreprises est resté
stable entre 2008 et 2011, le montant des droits simples rappelés au titre du
CIR augmente (nul en 2008, 16 M€ en 2011), tout en restant infime : en
2011, il représente 1 % des droits rappelés au titre de l’impôt sur les socétés.
L’application du plafond de 100 M€ à l’échelle de l’intégration
fiscale pourrait trouver sa justification dans le fait que les groupes sont
mieux à même de s’approprier les externalités positives liées aux activités
de R&D (transfert entre filiales des résultats de la recherche). Or, ce sont
les externalités non appropriables par l’entreprise qui constituent, au plan
IS NET DES IMPUTATIONS ET DES RESTITUTIONS POUR LES
ENTREPRISES DU CAC40
Clôtures
en
2006
Clôtures en
2007
Clôtures en
2008
Clôtures en
2009
Clôtures en
2010
Montant de l'IS brut (IS+CSB+CRL)
7 772,60
9 129,60
4 570,20
5 978,20
5 507,60
Montant total des imputations
-268,1
-1 321,50
-1 085,60
-1 091,60
-1 009,20
dont Crédits d'impôts étrangers autres que sur valeurs
mobilières
17,4
258,2
206,7
155,7
151,9
dont Crédit d'impôt en faveur de la première
accession à la
propriété
34,9
141,2
107,6
344,3
NC
dont Crédit impôt mécénat
15,7
73,5
71,8
92,8
228,6
dont Crédit impôt recherche
123,8
171,5
405,8
356,5
404,9
MONTANT DE L'IS NET DES IMPUTATIONS
7 504,50
7 808,20
3 484,60
4 886,60
4 498,40
part du CIR dans imputations
-46%
-13%
-37%
-33%
-40%
part du CIR dans IS brut
2%
2%
9%
6%
7%
RESTITUTIONS DE CRÉANCES
Restitutions
en 2007
Restitutions
en 2008
Restitutions
en 2009
Restitutions
en 2010
Restitutions
en 2011
Ensemble des restitutions
568,3
446,4
2 814,90
932,1
666,2
IS NET DES IMPUTATIONS ET DES RESTITUTIONS (IS net des
imputations de N diminué des restitutions de N+1)
6 936,20
7 361,80
669,7
3 954,50
3 832,20
sources : DGFiP, GF-3C
162
COUR DES COMPTES
théorique, le motif avancé pour préconiser des mécanismes de soutien
public à la R&D.
Sur la question de l’application du plafond de 100 M€ à l’échelle
de l’intégration fiscale, la direction de la législation fiscale fait toutefois
valoir que « les groupes français seraient pénalisés par rapport aux
entreprises étrangères établies en France (…)
133
. Pour les entreprises
concernées, les pertes seraient très élevées, alors que les groupes sont les
principaux investisseurs en R&D ». Elle souligne également que le
passage à une appréciation du plafond de 100 M€ au niveau des sociétés
intégrées risquerait d’inciter à des montages d’optimisation fiscale.
L’application du plafond de 100 M€ à l’échelle de l’intégration
fiscale rendrait en outre encore moins clairs les principes d’attribution en
retour aux filiales du bénéfice du CIR.
En revanche, afin de s’assurer que le CIR n’est pas détourné de son
objet, le bénéfice de ce crédit d’impôt pourrait être utilement réservé aux
groupes dont les conventions d’intégrations fiscales prévoient la
réaffectation des créances de CIR aux filiales ayant généré les dépenses
de R&D
134
. Cette manière de procéder pourrait à tout le moins être mise
en avant au titre des bonnes pratiques en matière de gestion du CIR et
valorisée par les entreprises.
B - Les mécanismes de remboursement
L’imputation par millésime a profondément été modifiée par le
plan de relance qui a instauré, pour les créances établies entre 2005 et
2009, des dispositifs de remboursement anticipé et accéléré du CIR
applicables à toutes les entreprises. Ainsi, les restitutions au titre de la
créance de CIR 2009 se sont élevées à 3,6 Md€, soit 10 % de plus que les
restitutions au titre du CIR 2008 (3,1 Md€). Les restitutions au titre du
CIR de 2010 se sont élevées à 4,8 M€ en 2010. Compte tenu du délai de
traitement des demandes de remboursement de la créance de CIR par les
services fiscaux, ces restitutions seront essentiellement faites en 2011.
133
Puisque la société-mère est à l’étranger et ne dépose donc pas de déclaration pour
l’impôt sur les sociétés.
134
La direction de la législation fiscale fait valoir que, conformément à la logique
applicable aux groupes fiscalement intégrés, le CIR, comme tout crédit d’impôt,
bénéficie à l’ensemble du groupe et qu’il n’est pas envisagé d’introduire une
exception pour ce crédit d’impôt, la liberté de répartir la charge d’impôt entre
membres du groupe n’étant dès lors bornée que par l’action anormal de gestion, qui
caractériserait un mode de répartition qui porterait atteinte aux l’intérêt propre de
l’une des sociétés intégrés ou aux droits des associés ou des actionnaires minoritaires.
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
163
Pour la créance 2011, les restitutions effectuées en 2012 se montent à près
de 870 M€.
Tableau n° 41 : montant des restitutions d’impôt sur les sociétés au
titre du CIR par année fiscale et millésime
1 -
Le remboursement anticipé pour les PME
La loi de finances initiale pour 2011 a pérennisé le mécanisme de
remboursement anticipé pour les PME
135
. De fait, pour ces entreprises, la
disponibilité de la trésorerie associée au CIR représente un enjeu
particulier : leurs relations avec les établissements financiers sont
généralement moins structurées que celles des plus grandes entreprises et
ne leur permettent pas d’obtenir dans les mêmes conditions des facilités
de trésorerie. Les entreprises sont très attachées à ce dispositif et il existe
des propositions visant à accélérer les conditions dans lesquelles les
remboursements pourraient être effectués par les pouvoirs publics.
Ce mécanisme se traduit par des décaissements budgétaires
significatifs de la part de l'État et génère une charge de gestion importante
pour les services fiscaux. Surtout, les résultats des contrôles fiscaux
montrent qu'il suscite l'intérêt d'acteurs au comportement frauduleux dans
la mesure où il repose sur le versement de liquidités de la part de l'État.
Face à ce risque, il
a été proposé, dans le chapitre précédent consacré à la
gestion et au contrôle du CIR, de clarifier les justificatifs mis à
disposition des services fiscaux de sorte que soit mieux garantie
l'effectivité des travaux de R&D présentés lors des demandes de
remboursement anticipées.
135
Ainsi que pour certaines autres catégories d’entreprises (cf présentation du régime
détaillé du CIR à la fin du premier chapitre).
en millions d’euros
Restitutions
en 2008
Restitutions
en 2009
Restitutions
en 2010
Restitutions
en 2011
Restitutions
en 2012
Millésimes antérieurs
48
10
1
0
5
Millésime 2004
318
40
4
9
-
Millésime 2005
8
373
32
8
-
Millésime 2006
37
570
64
14
-
Millésime 2007
151
796
31
79
14
Millésime 2008
1
2 783
195
71
51
Millésime 2009
-
62
3 188
301
51
Millésime 2010
-
-
5
938
173
Millésime 2011
-
-
-
-
868
Total des restitutions
562
4 634
3 520
1 421
1 163
Source : DGFIP/GF3C
164
COUR DES COMPTES
D’autres réponses seraient également possibles :
-
réserver le bénéfice de ce mécanisme aux PME spécialisées dans le
domaine de la R&D et reconnues comme telles par exemple au
travers du statut de jeune entreprise innovante ;
-
limiter l'usage de ce dispositif aux périodes durant lesquelles il est
particulièrement utile pour les entreprises, à savoir les phases de
tension sur la croissance et s’en remettre, dans les autres phases
économiques, aux mécanismes de mobilisation de créance et de
préfinancement existant.
2 -
Le remboursement à l’issue de quatre ans pour les autres
entreprises
Pour les autres entreprises, si durant les trois exercices suivant la
déclaration de CIR l’impôt dû n’a pas été d’un montant suffisant pour
permettre d’imputer la totalité de la créance de CIR constituée, l’État
remboursera le solde de la créance de CIR à l’entreprise à l’issue de cette
quatrième année.
Ce mécanisme existe depuis la création du crédit d’impôt
recherche. Il a représenté dans la durée une part importante de la dépense
fiscale. Du fait du plan de relance qui a permis aux entreprises de faire
prendre en charge la totalité de leur créance de CIR en 2008 et 2010, le
niveau de ces remboursements est actuellement faible. Il connaîtra un
ressaut en 2014 et les années suivantes, une fois que le CIR sera entré en
régime de croisière
136
.
À la différence de l’imputation sur l’impôt, qui se traduit par une
moindre recette fiscale pour l’État, le remboursement se matérialise par
une dépense dans le budget de l’État, correspondant aux versements
effectués à ce titre aux entreprises.
Cette règle conduit en pratique à verser des liquidités soit à des
entreprises en difficulté et qui ne présentent pas de bénéfices, soit à des
entreprises dont le niveau de l’impôt sur les sociétés est optimisé.
On peut s’interroger sur le maintien de ce remboursement de la
créance de CIR, en particulier pour les groupes intégrés. Le régime de
l’intégration fiscale les dote en effet de capacités d’optimisation fiscale
dont ne disposent pas les autres entreprises.
136
Cf.
développements du chapitre II sur le coût du régime du CIR.
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
165
Une telle mesure ne se traduirait pas par une moindre créance de
CIR, ni, très vraisemblablement, par une moindre dépense fiscale. Il est
en effet probable que les sociétés concernées adapteraient leur niveau
d’impôt sur les sociétés de sorte à pouvoir imputer en totalité leur créance
de CIR. En revanche, elle aurait l’avantage pour l’État de réduire la
dépense budgétaire effective associée au CIR
137
. Le crédit d’impôt
recherche se transformerait alors, pour les groupes fiscalement intégrés,
en réduction d’impôt recherche
138
. Au vu de données sur les
remboursements à l’issue de quatre ans, soit en 2015, il sera possible de
mieux cerner les enjeux d’une telle évolution qui représenterait un
changement radical pour ces entreprises, en termes de comptabilisation
du CIR notamment, une réduction d’impôt n’étant pas considérée comme
une subvention.
IV
-
Les taux appliqués
A - Une simplification bienvenue de la structure des
taux applicables en 2012
Il existait jusqu’en 2012 inclus des taux majorés de crédit d’impôt
pour les entreprises nouvelles ou qui n’avaient pas bénéficié du dispositif
depuis cinq ans. Fixés à 50 % la première année et à 40 % la deuxième
année par la réforme de 2008, ces taux ont été abaissés à respectivement
40 % et 35 % par la loi de finances pour 2011.
En 2010, les taux majorés concernaient 4 700 entreprises, soit plus
d’un quart des déclarantes au CIR. Il s’agit pour l’essentiel d’entreprises
de moins de 49 salariés. Même avant leur abaissement en 2011, l’impact
des taux majorés sur la créance de CIR est modeste : 104 M€ en 2010.
Bien qu’ils représentent une part marginale du coût du CIR, ces
taux majorés n’en étaient pas moins source de complexité dans la gestion
du CIR, les services fiscaux devant s’assurer de l’absence de bénéfice du
CIR dans les cinq dernières années avant de verser à ces entreprises les
restitutions de CIR.
De plus, la différence entre les taux majorés et le taux général du
CIR était devenue si réduite que l’impact du dispositif ne pouvait qu’être
137
La part du CIR correspondant à une moindre recette d’impôt serait corrélativement
augmentée.
138
La différence entre un crédit d’impôt et une réduction d’impôt est la capacité ou
non à obtenir le versement des créances constituées lorsqu’elles sont supérieures à
l’impôt dû.
166
COUR DES COMPTES
difficilement établi. La direction générale de la compétitivité, de
l’industrie et des services estimait d’ailleurs à l’été 2012 ces taux majorés
d’une utilité marginale, la direction générale du Trésor considérant que
l’on se situait à un niveau de soutien public qui se traduisait à la marge
par un effet de substitution totale entre financement public et privé.
Enfin, il existe par ailleurs un statut de jeune entreprise innovante
et de jeune entreprise universitaire pour les sociétés qui dépendent
fortement de leurs activités de recherche. Ce statut offre un support
clairement identifié pour soutenir l’émergence de jeunes sociétés
spécialisées dans le domaine des technologies et de la recherche
139
.
La loi de finances pour 2013 a opportunément supprimé ces taux
majorés.
B - Simulation de l’effet d’évolutions du taux du crédit
d’impôt à moyen terme
Le taux retenu pour le crédit d’impôt est un paramètre essentiel,
structurant pour les entreprises mais aussi pour le coût du dispositif. Une
éventuelle évolution des taux du CIR doit pouvoir reposer sur une
évaluation de l’efficacité du dispositif existant actuellement. Cette
évaluation ne sera possible que dans un certain délai, d’autant que
l’adaptation des comportements des entreprises au régime fiscal introduit
en 2008 se fera dans la durée et suppose, pour se matérialiser, une
continuité dans l’action publique. C’est donc dans une perspective non
pas de court terme mais de moyen terme que la présente section examine
la question du taux du crédit d’impôt recherche.
1 -
La difficile question du taux de soutien public le plus efficace
En retenant un taux de 30 % pour les dépenses de R&D jusqu’à un
seuil de 100 M€, ce seuil étant constaté par filiale pour les groupes et non
au niveau du groupe lui-même, le dispositif mis en place en 2008 a peu
ou prou consisté à fixer à 30 % le taux du CIR.
En effet, seuls une vingtaine de groupes déclarent des dépenses de
R&D supérieures à 100 M€ au sein des sociétés qui les composent, seuil à
partir duquel le taux baisse brutalement à 5 %. Ainsi le taux effectif du
139
Une évaluation du dispositif jeune entreprise innovante publiée par la DGCIS en
septembre 2012 recense 20 000 emplois créés dans les jeunes entreprises innovantes
entre 2004 et 2009, dont 16 600 dus aux exonérations de charges sociales et fiscales
pratiquées.
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
167
crédit d’impôt est proche des 30% : 28,04 % en 2009, 27,79 % en 2010,
28,09 % en 2011, contre 12,11 % en 2007.
En 2007, la direction générale du Trésor estimait à 15 % environ le
taux qui créait l’effet de levier le plus fort sur la dépense privée de R&D
et à environ 30 % le taux qui se traduisait à la marge par un effet de
substitution totale entre financement privé et financement public.
Extrait de la note de la direction générale du Trésor et des politiques
économiques du 18 juin 2007
« Une réforme du mode de calcul du CIR devrait s’accompagner
d’une augmentation du taux pratiqué afin de le rapprocher du taux le plus
efficace (15 %) de soutien public à la R&D privée (…) La littérature
économique tend à montrer qu’il existe un taux de participation publique au
financement de la R&D privée, proche de 15 % (en moyenne), qui maximise
l’incitation des entreprises à investir davantage en R&D. (...). Au-delà,
l’entreprise utilise une part grandissante de fonds publics pour financer ses
projets, et ce jusqu’à la substitution de l’investissement public à
l’investissement privé (les fonds publics supplémentaires financent des
projets qui auraient été de toute façon réalisés). La réforme du mode de calcul
du CIR devrait permettre de rapprocher du niveau le plus efficace le taux de
soutien offert par le dispositif, tout en l’adaptant à la catégorie d’entreprise
bénéficiaire (afin notamment de tenir compte des imperfections de marchés
propres aux plus petites entreprises). »
La direction générale pour la compétitivité, l’industrie et les
services estime pour sa part que «
l’optimum
de 15 % parfois évoqué
repose sur un nombre d’études très faible et avec une démonstration peu
convaincante ».
La direction générale pour la recherche et l’innovation fait valoir
que peu d’études permettent de porter appréciation sur ce point. Elle cite
toutefois les travaux de MM. Guellec et Von Pottelsberghe
140
qui porte
sur les subventions à la R&D. Selon cette étude, subventions et crédits
d’impôts seraient partiellement substituables et l’effet des subventions sur
les dépenses de R&D serait maximal pour un taux de 10 %.
2 -
Simulation des effets de différentes évolutions du taux effectif
du CIR
Dans une perspective de moyen terme, quatre modalités peuvent
être retenues pour faire évoluer le taux effectif du crédit d’impôt
recherche :
140
Succinctement présentée en annexe
168
COUR DES COMPTES
-
le plafonnement du crédit d’impôt ;
-
une baisse uniforme du taux du CIR ;
-
une plus grande modulation du taux de CIR selon le niveau de
dépense déclaré ;
-
la mise en place de taux différenciés par taille d’entreprise.
Les développements qui suivent présentent les avantages et
inconvénients de chacune de ces méthodes ainsi que le chiffrage de
différents scénarios d’évolution. Ces chiffrages ont été réalisés à partir de
la base réelle des 19 700 déclarations de CIR pour 2011. Ils permettent
donc de déterminer, pour la structure des déclarants de 2011, l’effet des
évolutions possibles du taux effectif du CIR au niveau global et par type
d’entreprises.
Dans chacun des cas, une palette de scénarios a été simulée. Le
scénario le plus contraint a été établi en positionnant le CIR aux alentours
du niveau de dépense qui avait été mis en avant lors de l’adoption de la
réforme : soit 2,7 Md€, chiffre porté à 3 Md€ pour tenir compte de
l’intervention du crédit d’impôt innovation et de l’évolution du PIB
depuis 2008. Des scénarios moins contraints sont ensuite simulés.
a)
Le retour au plafonnement du crédit d’impôt
Le plafonnement a été utilisé dans le cadre du CIR de sa création
jusqu’à la réforme de 2008, le dernier plafond pratiqué étant de 16 M€
par entreprise. Un tel plafonnement existe dans certains dispositifs à
l’étranger, fondé sur le niveau du crédit d’impôt (plafonnement du crédit
d’impôt à 14 M€ aux Pays-Bas par exemple) ou sur la proportion qu’il
représente de l’impôt sur les sociétés (cas du Japon).
Ce type de mécanisme est efficace pour maintenir l’avantage fiscal
accordé par les pouvoirs publics dans des limites connues à l’avance,
mais présente l’inconvénient d’avoir un effet accentué de désincitation
une fois le plafond atteint
141
et peut conduire à la mise en place de
stratégies d’optimisation fiscale visant à créer de nouvelles entités lorsque
cette limite est franchie.
141
Ce qui n’était pas rare dans le dispositif antérieur à la réforme de 2007 dans la
mesure où le taux du CIR était limité.
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
169
Tableau n° 42 : impact de trois hypothèses de plafonnement de la
créance (3, 8 et 17 M€) par taille d’entreprise
Le plafonnement du CIR à 17 M€ est peu discriminant : il ne
concerne de façon significative que les entreprises de plus de 500 salariés,
engendrant une réduction modeste de la créance (- 400 M€, soit
4,74 Md€
2011
) et un taux de CIR moyen de 26 %. Des plafonnements plus
sévères ont un impact plus fort. Le plafond à 8 M€ fait porter sur les
entreprises de plus de 250 salariés près d’un milliard de baisse de créance,
celui à 3 M€ impacte significativement la créance des entreprises dès
qu’elles ont plus de 100 salariés (- 1,86 Md€).
b)
La baisse du taux de 30 % à structure inchangée
À l’heure actuelle, le dispositif du CIR comporte une modulation
en fonction du volume de la dépense, matérialisée par le passage à un
crédit d’impôt de 5 % au-delà d’une dépense éligible de 100 M€. En
pratique, le niveau élevé du seuil de déclenchement du taux de 5 % a pour
effet que c’est le taux de 30 % qui s’applique pour l’essentiel.
La baisse du taux de 30 % jusqu’à 100 M€ de dépenses est la
méthode la plus simple pour ajuster le coût du CIR.
Elle présente en revanche l’inconvénient de revenir sur l’élément
structurant de la réforme du CIR, à savoir un taux élevé de soutien public,
au moins pour certaines catégories d’entreprises ou volumes de dépenses.
L’appréciation du bénéfice coût/avantage d’une telle évolution
dépend du taux qui serait retenu. Selon que celui-ci serait assez proche du
Montant
RD
Créance
taux
de CIR
Créance
taux
de CIR
Créance
taux
de CIR
Créance
taux
de CIR
en millions d'euros
moins de 10 salariés
916
301
33%
286
31%
299
33%
301
33%
2 212
673
30%
655
30%
669
30%
673
30%
1 022
306
30%
304
30%
306
30%
306
30%
1 737
522
30%
467
27%
516
30%
522
30%
moins de 250 salariés
5 886
1 802
31%
1 713
29%
1 789
30%
1 802
31%
1 577
484
31%
370
23%
454
29%
484
31%
500 à 1 999 salariés
3 751
1 138
30%
654
17%
941
25%
1 084
29%
2 000 à 4 999 salariés
1 599
480
30%
186
12%
340
21%
460
29%
5 000 salariés et plus
4 346
867
20%
140
3%
310
7%
539
12%
taille non renseignée
1229
395
32%
247
20%
318
26%
367
30%
TOTAL
18 388
5 166
28%
3 310
18%
4 152
23%
4 736
26%
Sources : Calculs Cour des comptes à partir des données GECIR
10 à 49 salariés
50 à 99 salariés
100 à 249 salariés
250 à 499 salariés
Situation réelle 2011
Plafonnement
de le créance à
3M€
Plafonnement
de le créance
à
8M€
Plafonnement
de le créance à
17M€
170
COUR DES COMPTES
taux initial de 30 % ou beaucoup plus faible, l’évolution pratiquée
consisterait soit en un ajustement du régime du CIR, soit en une révision
de son régime, remettant ainsi en cause plus ou moins les anticipations
faites par les entreprises sur le coût de leur recherche et développement à
moyen terme.
Tableau n° 43 : impact de l’abaissement du taux de CIR (16 %, 20 %
et 25 %), par taille d’entreprise
Une baisse générale du taux de CIR pour les dépenses inférieures à
100 M€ a un impact quasi-uniforme sur toutes les entreprises, quelle que
soit leur taille. Un taux à 25 % conduit à une baisse de la créance totale de
900 M€, un taux à 16 % à une baisse de 2,3 Md€. Le seuil des 100 M€
avec passage à taux de 5 % concerne essentiellement les entreprises de
plus de 5 000 salariés : supprimer ce seuil leur apporte un gain
proportionnel au taux général retenu (200 M€ pour un taux de 16 % ;
270 M€ pour un taux de 20 %).
c)
Une plus grande modulation du taux de CIR selon le niveau de
dépense déclaré
La modulation du taux du CIR en fonction du volume de la
dépense de R&D telle qu’elle est actuellement pratiquée pourrait
également être renforcée. Deux ou trois taux pourraient être ainsi
retenus : un premier taux, attractif, pour les dépenses de R&D jusqu’à un
seuil fixé nettement plus bas qu’aujourd’hui et qui aurait vocation à
couvrir l’activité de R&D des PME et, selon les hypothèses retenues,
celle des entreprises de taille intermédiaire ; un second taux, moins élevé
pour les dépenses allant jusqu’à un niveau important de façon à couvrir
en millions d'euros
Montant
RD
Créance
taux
de CIR
Créance
taux
de CIR
Créance
taux
de CIR
Créance
taux
de CIR
Créance
taux
de CIR
Créance
taux de
CIR
moins
10 sal.
916
301
33%
153
17%
153
17%
190
21%
190
21%
235
26%
10 à 49 salariés
2 212
673
30%
354
16%
354
16%
443
20%
443
20%
553
25%
50 à 99 salariés
1 022
306
30%
164
16%
164
16%
205
20%
205
20%
256
25%
100 à 249 sal.
1 737
522
30%
280
16%
280
16%
350
20%
350
20%
437
25%
moins 250 sal.
5 886
1 802
31%
951
16%
951
16%
1 187
20%
1 187
20%
1 481
25%
250 à 499 sal.
1 577
484
31%
265
17%
265
17%
328
21%
328
21%
407
26%
500 à 1 999 sal.
3 751
1 138
30%
605
16%
605
16%
755
20%
755
20%
942
25%
2 000-4 999 sal.
1 599
480
30%
258
16%
258
16%
322
20%
322
20%
402
25%
> 5 000 sal.
4346
867
20%
695
16%
498
11%
869
20%
600
14%
727
17%
non renseigné
1229
395
32%
227
18%
224
18%
277
22%
272
22%
332
27%
TOTAL
18 388
5 166
28%
3 002
16%
2 801
15%
3 737
20%
3 463
19%
4 291
23%
Sources : Calculs Cour des comptes à partir des données GECIR
Situation réelle 2011
1 taux :
16% pour tous
2 taux :
16% jusqu'à
100M€
5% au-delà
1 taux :
20% pour tous
2 taux :
25% jusqu'à
100M€
5% au-delà
2 taux :
20% jusqu'à
100M€
5% au-delà
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
171
largement l’activité des plus grandes entreprises ; enfin, le cas échéant, un
dernier taux, réduit, pour les dépenses dépassant ce dernier plafond.
Ce type de distinction a une première justification dans le fait que
l’engagement dans une démarche de R&D, matérialisé par les premiers
millions d’euros de R&D dépensés, est un choix lourd pour les
entreprises que les pouvoirs publics peuvent décider d’appuyer
fortement
142
. En outre, les dépenses ultérieures génèrent des externalités
décroissantes du fait de l’appropriation croissante par l’entreprise des
avantages associés à la mise en oeuvre d’une démarche de R&D.
Une distinction fondée sur des taux dégressifs appliqués par
tranche de dépenses a en outre l’avantage de ne pas présenter les mêmes
effets de seuil que des taux fondés sur la taille des entreprises : lorsqu’une
entreprises grandit et voit sa dépense de R&D dépasser un certain seuil,
les dépenses qui dépassent ce seuil génèrent un crédit d’impôt réduit mais
le crédit d’impôt sur les dépenses en deçà de ce seuil reste acquis.
Une forte modulation du taux du CIR pour des seuils fixés à des
niveaux plus bas que le seuil actuel de 100 M€ présente en revanche le
risque d’être contournée par des stratégies d’optimisation fiscale, visant à
la création d’entités pour émietter la dépense de R&D et bénéficier du
taux de soutien public le plus élevé.
Une multitude de seuils et de taux peuvent être envisagés. Quatre
ont été simulés qui visent à donner une illustration de l’effet de différents
choix possibles. Tous conservent un taux d’entrée de 30 % :
-
30 % jusqu'à 2 M€ de R&D, 15 % jusqu’à 160 M€, 8 % au-
delà ;
-
30 % jusqu’à 2 M€, 15 % entre 2 M€ et 100 M€ ;
-
30 % jusqu’à 10 M€, 15 % entre 10 et 160 M€, 8 % au-delà ;
-
30 % jusqu’à 10 M€, 15 % entre 10 et 100 M€.
Le premier scénario correspond à la solution préconisée par la
direction générale du Trésor et des politiques économiques lors de la
préparation de la réforme de 2008
143
. Il positionne le taux de 30 % sur
environ 94 % des déclarants (dépenses déclarées inférieures à 2 M€),
retient ensuite le taux de soutien public pour lequel elle estime maximal
142
Certaines études économiques considérées comme robustes au plan international
corroborent cette hypothèse même si leur champ concerne les subventions à la R&D
(Mohnen).
143
Ce scénario ne retient pas le calcul de la dépense de R&D au niveau des sociétés
mères et constitue ainsi une variante plus favorable pour les groupes que celle
envisagée par la direction générale du Trésor et des politiques économiques.
172
COUR DES COMPTES
l’effet de levier (15 %) et prévoit un dernier seuil (160 M€) supérieur à
celui actuellement pratiqué et dont le taux est susceptible d’engendrer une
efficacité marginale (8 %).
Le deuxième scénario se situe dans la structure actuelle du crédit
d’impôt. Il introduit un seuil intermédiaire entre 2 M€ et 100 M€ à un
taux de 15% et supprime celui de 5 %, dont la direction de la législation
fiscale rapporte qu’il est inférieur au seuil à partir duquel l’OCDE estime
que les aides à la R&D ont un effet d’entraînement.
Le troisième scénario est une variante du premier, dans lequel le
taux de 30 % s’applique jusqu’à 10 M€, de façon à couvrir plus largement
les dépenses de R&D des entreprises de taille intermédiaire. Le dernier
scénario est une variante du deuxième, dans lequel le taux de 30 % est
également appliqué jusqu’à 10 M€.
Tableau n° 44 : impact de modulation du taux de CIR selon les
dépenses déclarées, par taille d’entreprise
Les taux de CIR appliqués par tranche de dépense permettent de
discriminer de façon relativement linéaire le soutien public, évitant ainsi
les effets de seuil.
Dans le premier scénario, le taux effectif du CIR reste élevé
(21 %), les taux effectifs de crédit d’impôt allant de 14 % pour les
entreprises de plus de 5 000 salariés à des fourchettes comprises entre 28
et 29 % pour les entreprises de moins de 50 salariés, entre 27 et 24 %
pour les entreprises de 50 à 250 salariés et entre 22 % et 17 % pour les
entreprises de plus de 250 salariés et moins de 5 000 salariés. Avec ces
en millions d'euros
Montant
RD
CIR
taux
de
CIR
Créance
taux de
CIR
Créance
taux de
CIR
Créance
taux de
CIR
Créance
taux
de CIR
moins
10 sal.
916
301
33%
266
29%
266
29%
277
30%
277
30%
10 à 49 salariés
2 212
673
30%
625
28%
625
28%
655
30%
655
30%
50 à 99 salariés
1 022
306
30%
272
27%
272
27%
306
30%
306
30%
100 à 249 sal.
1 737
522
30%
418
24%
418
24%
496
29%
496
29%
moins 250 sal.
5 886
1 802
31%
1 582
27%
1 582
27%
1 733
29%
1 733
29%
250 à 499 sal.
1 577
484
31%
354
22%
354
22%
436
28%
436
28%
500 à 1 999 sal.
3 751
1 138
30%
694
19%
694
19%
892
24%
891
24%
2 000-4 999 sal.
1 599
480
30%
269
17%
269
17%
335
21%
335
21%
> 5 000 sal.
4 346
867
20%
587
14%
400
9%
638
15%
451
10%
aille non renseignée
1229
395
32%
284
23%
279
23%
322
26%
317
26%
TOTAL
18 388
5 166
28%
3 770
21%
3 578
19%
4 356
24%
4 164
23%
Sources : Calculs Cour des comptes à partir des données GECIR
Situation réelle
2011
3 taux
30% jusqu'à
2M€
15% de 2 à
160M€
8% au-delà
2 taux
30% jusqu'à
2M€
15% de 2 à
100M€
3 taux
30% jusqu'à
10M€
15% de 10 à
160M€
8% au-delà
2 taux
30% jusqu'à
10M€
15% de 10 à
100M€
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
173
paramètres, la créance 2011 aurait été de 3,77 Md€ (- 1,4 Md€ par rapport
au régime de 2011).
Le deuxième scénario, en ne maintenant le taux de 30 % que
jusqu’à 2 M€, est celui qui réduit le plus le montant de la créance
(3,6 Md€). Les taux de CIR des entreprises de moins de 250 salariés sont
similaires à ceux du premier scénario, mais le plafond à 100 M€ a un fort
impact sur les entreprises de plus de 5 000 salariés (taux de CIR de 9 %).
Le positionnement du premier seuil à 10 M€ au lieu de 2 M€
(4
ème
scénario) attribue aux entreprises de moins de 500 salariés une
créance similaire à celle constatée en 2011, et profite aussi aux plus
grandes entreprises (taux moyen de CIR de 23 % avec une créance de
4,16 Md€).
d)
La mise en place de taux différenciés par taille d’entreprise
La problématique d’une plus grande modulation du crédit d’impôt
en fonction de la taille de l’entreprise est un élément clé d’un dispositif du
type crédit d’impôt en faveur de la recherche ; les exemples étrangers
montrent que dans nombre de pays une telle modulation est pratiquée,
surtout lorsque le dispositif repose sur le volume des dépenses de R&D
144
.
Une telle modulation ne trouve pas sa justification dans l’objectif
de 3 % de dépenses de R&D sur PIB. En effet, les grandes entreprises,
pourvoyeuses de dépenses de R&D d’un volume important, sont des
contributeurs essentiels à la réalisation de cet objectif, leur part dans les
dépenses intérieures de R&D étant prépondérante.
Elle trouve en revanche sa justification par rapport aux externalités
positives liées aux dépenses de R&D. En effet, les plus petites entreprises
sont moins bien armées que les autres pour tirer parti des externalités
positives liées à leur R&D. Comme le met en avant la direction générale
du Trésor, « plus une entreprise est grande, plus elle est en capacité de
s’approprier les fruits de sa R&D ». De fait, la taille de l’entreprise
constitue un avantage direct (capacité à disposer de services juridiques
compétents, capacité à assumer le coût des litiges) mais représente
également une bonne approximation d’autres caractéristiques réduisant
les externalités, comme la présence sur des marchés connexes où
l’innovation peut également être valorisée.
144
Cf. annexe présentant des éléments de comparaison internationale sur les stratégies
d’allègement fiscal en faveur de la R&D.
174
COUR DES COMPTES
Une telle modulation pourrait reposer sur la distinction entre trois
groupes
d’entreprises :
les
PME
indépendantes
(soit
moins
de
250 salariés), les ETI indépendants (entre 250 et 4 999 salariés) et les
grandes entreprises (plus de 5 000 salariés).
Les réponses des administrations à la Cour et les pratiques de
certains de nos partenaires européens tendent à infirmer l’argument
parfois avancé selon lequel une telle différenciation ne serait pas possible
au regard du droit européen, dans la mesure notamment où elle
s’appuierait sur une structuration de l’impôt sur les sociétés, elle aussi
différenciée en fonction de la taille des entreprises, ce qui est déjà le cas
pour les PME. La mise en avant des entreprises de taille intermédiaire
dans le cadre du CIR viserait quant à elle à répondre à la faiblesse
spécifique de cette catégorie d’entreprises en matière de R&D.
Ce type de mécanisme présente l’inconvénient d’induire des effets
de seuil lors du passage d’une catégorie à une autre qui pourraient dans
certains cas particuliers (cas d’une grosse PME fortement intensive en
R&D par exemple) nuire à la dynamique des entreprises.
Il a, en revanche, l’avantage d’une grande lisibilité pour les
entreprises, celles-ci pouvant estimer facilement leur taux du CIR.
Trois scénarios ont été simulés :
-
des taux fixés à 30 % pour les PME indépendantes et 15 % pour
les autres entreprises ;
-
des taux fixés à 30 % pour les PME indépendantes, 20 % pour
les entreprises de taille intermédiaire indépendantes et 15 %
pour les autres entreprises ;
-
des taux fixés à 30 % pour les PME indépendantes, 25 % pour
les entreprises de taille intermédiaire indépendantes et 20 %
pour les autres entreprises.
Le premier scénario réserve le taux de 30 % aux PME
indépendantes et fixe le taux de soutien public pour les autres entreprises
au niveau estimé comme engendrant l’effet de levier le plus important. Le
deuxième scénario introduit un taux spécifique (20 %) pour les
entreprises de taille intermédiaire. Le troisième repose sur la même
différenciation en trois taux mais à des niveaux plus élevés pour les
entreprises de taille intermédiaire (25 %) et pour les autres entreprises
(20 %).
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
175
Tableau n° 45 : impact de modulation du taux de CIR selon la
taille et le statut juridique de l’entreprise, par taille d’entreprise
La mise en place de taux différenciés par taille d’entreprise aboutit
à un système plus discriminant que les taux par niveau de dépenses de
recherche.
Dans l’hypothèse d’un taux de 30 % pour les PME, 20 % pour les
ETI et 15 % pour les grandes entreprises, le taux de CIR moyen ressort à
19 %, allant de 28 % pour les très petites entreprises à 15 % pour les
grands groupes, avec un niveau global de crédit d’impôt qui se situe
autour de 16 % entre 250 et 4 999 salariés. L’effet sur les finances
publiques est plus sensible, (- 1,67 Md€ de créance par rapport à 2011),
soit une créance de 3,50 Md€
2011
. Le premier scénario, en appliquant un
taux de 15 % aux entreprises non PME, est à court terme assez similaire
au deuxième, du fait du faible nombre d’ETI indépendantes identifiées
dans les déclarantes au CIR. Mécaniquement le troisième scénario avec
des taux de 25 % et 20 % pour les entreprises autres que PME, génère
800 M€ de créance supplémentaires.
Ces scénarios indiquent qu’il serait possible de conserver à terme
un taux de CIR de 30 % couvrant, soit une part prépondérante des
entreprises, soit toutes les entreprises pour une partie de leurs dépenses, et
de disposer ainsi d’un système incitatif pour toutes les catégories de
bénéficiaires, tout en améliorant le ratio coût/efficacité de la dépense
publique. Les différentes hypothèses présentées montrent la palette de
choix possibles ainsi que les coûts associés pour les finances publiques.
176
COUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Quatre séries de leviers sont à disposition du législateur pour faire
évoluer le régime du CIR : les types de dépenses éligibles, les modes de
calcul de la dépense éligible, les méthodes d’établissement et de
constatation du crédit d’impôt, les taux appliqués. Sur la base des
déclarations de CIR de 2011, comme l’Assemblée nationale l’avait
demandé, la Cour a simulé l’effet d’adaptations sur ces paramètres.
À court terme, certains ajustement dans le régime du CIR
pourraient permettre de mieux maîtriser son coût sans remettre en cause
ni son architecture d’ensemble, ni son efficacité : ajustement de la règle
de calcul des dépenses de fonctionnement pour que ces dernières
correspondent au niveau globalement constaté dans les dépenses de R&D
des entreprises ; suppression de la double assiette pour les dépenses
sous-traitées aux structures publiques, pour lesquelles il existe une
multitude d’autres instruments de soutien public ; suppression du forfait
de fonctionnement de 200 % pour l’embauche des docteurs, qui conduit à
un soutien public supérieur à la dépense engagée par l’entreprise.
Au-delà, la question se pose de savoir s’il convient de resserrer
l’assiette des dépenses éligibles au titre de la partie recherche et
développement du CIR à celles qui ressortent effectivement de cette
activité et donc de ne plus retenir les dépenses de normalisation, de veille
technologique et de prise, maintenance et défense des brevets,
considérant que le crédit d’impôt recherche n’est pas l’outil adéquat
pour soutenir de telles dépenses ou s’il convient d’en réserver le bénéfice
aux seules PME.
Ces différentes mesures conduiraient à un ajustement de la
créance compris entre 400 et 600 M€ selon les hypothèses retenues.
Le
traitement
réservé
à
la
sous-traitance
introduit
une
complication réelle. Si les entreprises sous-traitantes pouvaient elles-
mêmes déclarer leurs dépenses de R&D, le dispositif serait simplifié.
Cette mesure est toutefois d’un coût élevé (700 M€ a minima) et ne
pourrait être mise en place, à coût constant pour les finances publiques
que dans le cadre d’une évolution du taux du crédit d’impôt.
La loi de finances pour 2013 a instauré une part de crédit d’impôt
recherche calculée sur les dépenses d’innovation des PME. Les
paramètres retenus pour sa détermination (des dépenses éligibles
plafonnées à 400 000 € par an, un taux de 20 %) ont permis d’encadrer
son usage. Une instruction fiscale est en préparation pour préciser le
périmètre des dépenses concernées. En l’état actuel des applications
informatiques disponibles, ce n’est toutefois que mi-2015 que les
administrations disposeront d’un retour sur l’usage de ce dispositif, sauf
LES PARAMETRES D’EVOLUTION POSSIBLES DU CIR
177
à ce qu’un mécanisme de suivi
ad hoc
soit prévu à l’appui des demandes
de remboursement des PME. S’il apparaissait que le crédit d’impôt
innovation était beaucoup plus coûteux que les 300 M€ attendus, un
ajustement de ses paramètres de calcul, et notamment du plafond des
dépenses éligibles, pourrait se révéler nécessaire.
Depuis 2013, les entreprises peuvent déclarer leurs dépenses de
personnel de recherche inférieures à 2,5 Smic à la fois au crédit d’impôt
recherche et au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Le
bénéfice de deux crédits d’impôt sur une même assiette éligible constitue
une exception aux pratiques fiscales habituelles. Contrairement aux
apparences, les recoupements potentiels pourraient ne pas être
négligeables, les techniciens de recherche et une part des chercheurs
étant rémunérés en dessous de 2,5 Smic. La Cour estime que, s’agissant
de deux dispositifs dont les justifications sont proches, il devrait être mis
fin à cette exception aux pratiques fiscales usuelles.
Le CIR est établi par filiale dans les groupes mais perçu au niveau
de la société mère. L’application du plafond de 100 M€ à l’échelle du
groupe est un levier possible pour maîtriser le coût du CIR. Elle rendrait
toutefois moins clairs les principes d’attribution du crédit d’impôt en
retour aux filiales ayant généré les dépenses de R&D, risquant ainsi
d’atténuer l’impact du CIR sur ces dépenses. En contrepartie de cette
règle, le législateur pourrait toutefois exiger que les conventions
d’intégration fiscale prévoient la rétrocession des crédits d’impôt aux
filiales les ayant générés ou, à tout le moins le suggérer au titre des
bonnes pratiques en matière de gestion du CIR.
Le CIR est remboursé aux PME dès la première année suivant la
déclaration s’il excède l’impôt dû. Pour les autres entreprises, si l’impôt
sur les sociétés acquitté n’est pas d’un montant suffisant durant quatre
ans, l’État leur rembourse le reliquat de crédit d’impôt recherche. Cette
règle conduit à verser des liquidités à des sociétés dont le niveau de
l’impôt sur les sociétés est optimisé. Dès lors que l’on disposera de
données avec un recul suffisant, sa suppression, en particulier pour les
groupes intégrés, pourrait être un levier de maîtrise du crédit d’impôt,
mais il reviendrait à modifier en profondeur la nature du dispositif qui
deviendrait une réduction d’impôt pour les entreprises concernées, avec
des conséquences tant sur le plan de la recherche que sur le traitement
comptable.
Enfin, l’application d’un taux de 30 % de crédit d’impôt jusqu’à
100 M€ de dépense représente un niveau de soutien public élevé au
regard des pratiques de nos partenaires et des analyses économiques
existantes sur les niveaux de soutien public les plus efficaces. Il peut être
justifié au regard d’une priorité accordée au secteur de la recherche,
178
COUR DES COMPTES
pour autant que le CIR se révèle efficace. Les études économétriques
actuellement disponibles ne permettent pas aujourd’hui d’avoir un recul
suffisant sur l’efficacité du dispositif issu de la réforme de 2008, efficacité
qui doit en outre être appréciée dans la durée.
Si ces études faisaient apparaître à moyen terme une efficacité du
CIR moindre qu’escomptée, une évolution du taux effectif du crédit
d’impôt mériterait être étudiée. Elle pourrait prendre la forme d’un
plafonnement du CIR, d’une baisse uniforme de son taux, ou d’une plus
grande modulation de celui-ci, soit selon le niveau de dépense de R&D,
soit selon la taille de l’entreprise. Différents scénarios ont été simulés par
la Cour qui permettent soit de ramener le CIR à un niveau proche de
celui qui avait été présenté lors de l’adoption de la réforme de 2008
(2,7 Md€), soit de positionner le CIR à des niveaux intermédiaires. Il
serait, autour de ces deux derniers scénarios, possible de conserver un
CIR attractif, avec un taux d’appel maintenu à 30 % mais dont l’usage
serait plus modulé, concentré sur les niveaux de dépenses ou les types
d’entreprises qui engendrent les plus fortes externalités et justifient les
taux de soutiens publics les plus élevés. C’est dans une perspective de
moyen terme que ces scénarios ont été simulés.
Au vu de ces éléments, la Cour recommande de :
14.
simplifier l’assiette et la méthode de calcul du CIR : définition des
dépenses éligibles correspondant au manuel international de
référence, suppression du doublement d’assiette pour la recherche
partenariale et du forfait de fonctionnement
à 200% pour
l’embauche de docteurs, ajustement enfin du calcul des frais de
fonctionnement ;
15.
publier rapidement une instruction fiscale clarifiant les dépenses
d’innovation éligibles et mettre en place un suivi
ad hoc
du crédit
d’impôt innovation ;
16.
exclure de l’assiette du crédit d’impôt compétitivité et emploi les
rémunérations déclarées dans le cadre du CIR, ou inversement ;
17.
réserver le bénéfice du CIR aux conventions d’intégration fiscale qui
prévoient la rétrocession du crédit d’impôt aux filiales ayant généré
les dépenses éligibles, ou proposer aux entreprises d’en faire une
bonne pratique.
Conclusion générale
L’Assemblée nationale a demandé à la Cour des comptes un
rapport sur l’évolution et les conditions de maîtrise du crédit d’impôt en
faveur de la recherche. Ce rapport dresse un premier bilan de la réforme
du CIR de 2008, cinq ans après sa mise en oeuvre. Cette réforme a fait du
CIR l’aide fiscale à la R&D la plus puissante des pays de l’OCDE, dans
l’objectif notamment de répondre à la faiblesse spécifique de la France en
matière de dépenses de R&D des entreprises, élément clé pour la
croissance potentielle de l’économie et le développement de l’emploi.
Si l’impact de ce dispositif est estimé positif par les entreprises, il
est encore trop tôt pour dresser le bilan de son efficacité. Les études
disponibles ou attendues pour l’année 2013 doivent en effet être prises
avec précaution, faute de données offrant un recul suffisant. Ces travaux
tendent à montrer qu’il y aurait un effet additif du CIR, sans effet de
substitution, ni effet d’entrainement. C’est ce que suggère également
l’évolution des dépenses de R&D des entreprises qui, si elle a été
positive, n’a pas été en proportion de l’aide fiscale apportée par l’État au
titre du nouveau régime du CIR. Les travaux sur l’impact du crédit
d’impôt recherche doivent se poursuivre pour mieux pouvoir établir son
efficacité. Ils doivent également tenir compte du fait que le CIR ne peut
pas être regardé uniquement comme une aide à la R&D des entreprises
mais constitue aussi une baisse ciblée de la fiscalité des entreprises les
plus exposées à la concurrence.
L’évolution du crédit d’impôt recherche est très dynamique. La
Cour l’a examinée sur la base des dernières données disponibles, à savoir
l’année 2011, s’agissant du droit à crédit d’impôt constitué par les
entreprises. Entre 2007 et 2011, le nombre d’entreprises déclarant du CIR
a doublé, passant de 9 800 à 19 700 entreprises (+ 101 %) ; les dépenses
déclarées ont augmenté nettement moins sensiblement (+ 19 %, soit
15,4 Md€ en 2007 et 18,4 Md€ en 2011) ; compte tenu de la
180
COUR DES COMPTES
transformation du régime du CIR en 2008, le droit à crédit d’impôt des
entreprises, c’est-à-dire leur créance fiscale, est passé de 1,8 Md€ à
5,2 Md€ (+187 %, soit un quasi-triplement).
Cette dynamique a été mal anticipée et constamment sous-estimée
dans les lois de finances. L’adoption de la réforme, fin 2007, s’est en
particulier faite sur la base d’un chiffrage du crédit d’impôt à 2,7 Md€ en
régime de croisière, très en deçà de la réalité, alors que les
administrations en charge des politiques économiques et de la recherche
avaient établi l’ordre de grandeur du coût du nouveau régime du CIR.
Cette évolution est lourde à gérer pour les services de l’État, dans
un contexte où le niveau du crédit d’impôt et le fait qu’il puisse être dans
certains cas immédiatement remboursé entraîne des risques accrus de
fraude. Les services fiscaux en ont pris la mesure tardivement et
incomplètement.
La dynamique du CIR est appelée à se poursuivre, à un double
titre.
D’une part, compte tenu du mécanisme qui permet aux entreprises
de reporter durant quatre ans leur crédit d’impôt s’il est supérieur à
l’impôt dû et de se voir ensuite rembourser l’éventuel reliquat, la dépense
fiscale effectivement portée au budget de l’État est, dans la loi de finances
pour 2013, de 3,3 Md€. Or, le CIR entrera en régime de croisière en 2014,
la dépense fiscale à porter dans le budget de l’État devra alors
s’approcher du niveau des créances constituées par les entreprises. Un
important ressaut de la dépense fiscale devra donc être prévu dans la loi
de finances pour 2014. Sur la base des éléments disponibles en juillet
2013, ce ressaut, inéluctable, sera d’au moins 2 Md€.
D’autre part, la dépense fiscale devrait continuer à évoluer de
façon dynamique par la suite : elle devrait rapidement atteindre 6 Md€. Si
les entreprises déclaraient au CIR toutes leurs dépenses éligibles
répertoriées dans l’enquête statistique sur leur R&D, elle représenterait
7 Md€
2010
(soit 0,4 point de PIB). Ces montants seraient plus élevés si le
crédit d’impôt recherche devait se traduire par une amélioration du ratio
de dépenses de R&D sur PIB.
De ces constats, la Cour tire trois conclusions principales.
Premièrement, l’État doit se donner les moyens de connaître mieux
et plus rapidement le droit à crédit d’impôt constitué par les entreprises au
titre du CIR et la dépense fiscale associée. Compte tenu de l’enjeu
financier que représente ce crédit, la dématérialisation de sa déclaration
doit constituer une priorité. À défaut, le risque est que la sous-estimation
CONCLUSION GENERALE
181
du coût du CIR ne perdure. Cette dématérialisation constituera également
une simplification pour les entreprises.
Deuxièmement, les services de l’État doivent se donner les moyens
de lutter plus efficacement contre la fraude en matière de CIR.
L’existence d’un remboursement anticipé du crédit d’impôt crée en effet
le risque que des sociétés éphémères se constituent uniquement pour
bénéficier du CIR. En se dotant d’outils d’analyses de risques non
seulement pour traiter des remboursements de crédits d’impôt mais aussi
pour programmer les contrôles fiscaux
a posteriori
, les services fiscaux
seront mieux en mesure de dissuader ces comportements et de cibler leurs
contrôles sur les entreprises à risque. Les capacités d’intervention du
ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour diligenter
des expertises méritent également d’être renforcées pour que ces
expertises se réalisent dans de meilleures conditions. Les effets positifs
attendus de la réforme de 2008 ne pourront que s’en trouver renforcés.
Troisièmement, le crédit d’impôt recherche équivaut à une baisse
de la fiscalité ciblée sur les entreprises les plus exposées à la concurrence.
Ce point doit être intégré dans toute réflexion sur l’évolution du taux
d’impôt sur les sociétés, sa lisibilité, sa cohérence et sa neutralité. Le
ministère de l’économie et des finances devrait stabiliser sa méthodologie
de calcul des taux implicites d’impôt sur les sociétés, en prenant en
compte les différents mécanismes d’exonérations, de réductions et de
crédits d’impôts. Ces taux implicites devraient être régulièrement publiés.
En effet, le taux facial de 33,33 % donne une impression faussée de la
pression fiscale effectivement exercée sur les entreprises. La création du
crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi rend encore
plus nécessaire une vision d’ensemble de l’imposition sur les sociétés et
de ses taux effectifs.
Au-delà de ces trois conclusions, la Cour a exploré, comme
l’Assemblée nationale le lui avait demandé, les paramètres possibles
d’évolution du CIR dans la perspective d’une meilleure maîtrise de son
évolution, d’une simplification de son usage et d’une plus grande
efficacité. Avec la réforme du CIR de 2008, la France s’est en effet dotée
d’un mécanisme d’incitation fiscale plus puissant que celui de nos
partenaires mais également plus coûteux, ajoutant ainsi à court terme une
contrainte sur les finances publiques.
Certaines pistes permettraient de contenir le coût du CIR tout en
conservant l’architecture issue de la réforme de 2008. Il en va ainsi de la
suppression du doublement d’assiette pratiqué pour la sous-traitance
publique et du forfait de dépenses de fonctionnement de 200 % pour
l’embauche de docteurs, qui nuisent à la simplicité du crédit d’impôt, font
doublons avec d’autres aides publiques et conduisent, dans le cas de
182
COUR DES COMPTES
l’embauche de docteurs, à des taux d’aide excessifs. Il en va également de
la suppression de l’assiette des dépenses éligibles des activités qui ne
relèvent pas de la recherche mais de son aval (normalisation, veille
technologique, défense et dépôt de brevets), sources de complexité et
dont le bénéfice pourrait à tout le moins être réservé aux seules PME. Il
en va aussi de la fixation d’un mode de calcul des dépenses de
fonctionnement éligibles au CIR mieux en rapport avec celles
effectivement exposées par les entreprises.
La Cour a également examiné le nouveau crédit d’impôt
innovation, dont le chiffrage repose sur des bases fragiles et peut appeler,
si la dépense se révélait beaucoup plus élevée qu’annoncée, à une
réduction du plafond des dépenses éligibles. De même, elle estime que,
conformément aux pratiques fiscales usuelles, les entreprises ne devraient
pas pouvoir cumuler deux crédits d’impôt, en l’occurrence le CIR et le
CICE, sur une même assiette. L’imposition à taux réduit des cessions de
brevets et de leurs revenus pourrait également être réexaminée.
Le bénéfice du CIR pourrait être réservé aux groupes dont les
conventions d’intégration fiscale prévoient la rétrocession du crédit
d’impôt aux filiales ayant généré les dépenses éligibles ou, à tout le
moins, d’en faire une bonne pratique. Cette mesure permettrait de
s’assurer que le crédit d’impôt recherche est bien utilisé pour son objet. Il
serait également possible de transformer, pour les groupes intégrés, le
CIR en une réduction d’impôt afin que l’État ne se trouve pas en situation
de verser des liquidités à des sociétés dont le niveau de l’impôt est
optimisé, mais il s’agirait là d’un changement radical dans le régime du
CIR.
Par-delà ces questions, lorsque les études disponibles permettront
de mieux établir l’efficacité du régime du CIR, une réflexion pourra être
conduite sur les taux pratiqués pour le crédit d’impôt. Le taux de 30 %
jusqu’à 100 M€ de dépenses apparaît en effet élevé, et celui de 5 % faible
au regard des incitations qu’ils peuvent produire. La Cour a simulé les
effets de différentes hypothèses : réintroduction d’un plafond, baisse du
taux de 30 %, introduction de seuils plus discriminants, modulation du
taux en fonction de la taille de l’entreprise. Ces simulations visent à
dégager différentes modalités possibles pour concentrer le crédit d’impôt
recherche là où il serait le plus efficace. C’est dans une perspective de
moyen terme que ces simulations ont été effectuées, perspective qui doit
également s’inscrire dans la politique générale de la fiscalité des
entreprises.
Annexes
Annexe 1 :
lettre de saisine
Annexe 2 :
lettre de réponse du Premier Président
Annexe 3
liste des personnes rencontrées
Annexe 4 :
l’établissement des données d’exécution de la dépense
fiscale
Annexe 5 :
le chiffrage du CIR dans les documents annexés aux lois de
finances
Annexe 6 :
systèmes d'incitations fiscales à la R&D dans le monde
Annexe 7 :
les méthodes d’estimation de la créance de la DGRI et de la
DG Trésor
Annexe 8 :
les effets des mesures d’ajustement décidés dans la loi de
finances initiale pour 2011
Annexe 9 :
détails des calculs entrant dans l’élaboration de simulations
de créance du CIR
Annexe 10 :
base de données des déclarations 2069A pour demande de
crédit d’impôt en faveur de la recherche (GECIR)
Annexe 11 :
analyses statistiques complémentaires
Annexe 12 :
les études économiques sur l’impact du CIR (éléments
complémentaires)
Annexe 13 :
un cas d’optimisation fiscale impliquant R&D et propriété
intellectuelle
Annexe 14 :
la déduction des frais de conseil pour le calcul du CIR
Annexe 15 :
éléments complémentaires sur le rescrit et le contrôle à la
demande
184
COUR DES COMPTES
Annexe 16 :
étapes du traitement d’une demande de restitution de CIR
par les services fiscaux à compter de 2013
Annexe 17 :
démarche générale d’identification des activités de R&D et
d’éligibilité au CIR
Annexe 18 :
la complexité de la déclaration de la sous-traitance en 2011
Annexe 19 :
éléments complémentaire sur la procédure de contrôle fiscal
en matière de CIR
Annexe 20 :
le préfinancement du CICE
Annexe 21 :
dépenses de fonctionnement dans les dépenses courantes
(enquête R&D 2010)
Annexe 22 :
doublement d’assiette pour la sous-traitance publique
ANNEXES
185
Annexe n° 1 : lettre de saisine
186
COUR DES COMPTES
Annexe n° 2 : lettre de réponse du Premier Président
ANNEXES
187
188
COUR DES COMPTES
Annexe n° 3 : liste des personnes rencontrées
Direction générale pour la recherche et l’innovation
• Monsieur Roger GENET, Directeur général pour la recherche et
l’innovation
• Monsieur Christian ESTEVE, Chef du service SETTAR (Service des
entreprises, du transfert de technologie et de l’action régionale)
• Madame Frédérique SACHWALD, Adjointe au chef du service
SETTAR (Service des entreprises, du transfert de technologie et de
l’action régionale)
• Monsieur Patrick ENGELBACH, Chef du département des politiques
d'incitation à la R&D des entreprises
• Monsieur Robert PLANA, Chef du service Stratégie de la recherche et
de l’innovation
• Monsieur Vincent MOREAU, Service de la coordination stratégique et
des territoires, responsable de la coordination investissement d’avenir
• Monsieur Christian ORFILA, département des politiques d'incitation à
la recherche et développement des entreprises
• Monsieur Laurent GIRAUD, département des politiques d'incitation à la
recherche et développement des entreprises
• Madame Maryline ROSA, département des politiques d'incitation à la
recherche et développement des entreprises
Direction de la législation fiscale
• Madame Véronique BIED-CHARRETON, Directrice de la législation
fiscale
- Bureau B2 de la D.L.F. :
• M. Stéphane CREANGE, Chef du bureau B2 (2013)
• M. Matias DE SAINTE LORETTE, Chef du bureau B2 (2012)
• Mme Jocelyne AURIAULT, Inspecteur principal des finances
publiques, section 1
• Mme Marie-Sophie CHARLEMAGNE, Inspecteur des finances
publiques, division 1 section 1
- Bureau A de la D.L.F. :
• M. Aulne ABEILLE, Adjoint au chef du bureau A (2013)
• M. François-Robert GREMONT, Adjoint au chef du bureau A (2012)
• M. Gilles CLABECQ, Inspecteur principal des finances publiques,
division 6 du bureau A
Direction générale du Trésor
• Monsieur Emmanuel MASSE, Sous-directeur du service des politiques
publiques, politiques sectorielles
• Monsieur Pierre FERY, Chef du Bureau Politique industrielle,
Recherche et Innovation
ANNEXES
189
• Monsieur Benoît MASQUIN, Adjoint au chef du Bureau Politique
industrielle, Recherche et Innovation
• M. Henry DELCAMP, Adjoint au chef du bureau Politique industrielle,
Recherche et Innovation
• Mme Estelle DHONDT-PELTRAULT, Adjointe au chef du bureau
Politique industrielle, Recherche et Innovation
Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des
services
• Monsieur Alain SCHMITT, Chef du service de la compétitivité et du
développement des P.M.E.
• Madame Véronique BARRY, sous-directrice de l’innovation et de la
compétitivité et du développement des P.M.E.
• Madame Lise FOURNIER, Chef du bureau des politiques d’innovation
et de technologie
Direction du budget
• Monsieur Julien DUBERTRET, directeur du budget
Direction générale des finances publiques
- Services du Contrôle fiscal et bureau des études statistiques fiscales
• Monsieur Alexandre GARDETTE, chef du service du contrôle fiscal
• Monsieur Bastien LLORCA, sous-directeur du contrôle fiscal
Bureau GF3C :
• Madame Lorraine AEBERHARDT, Chef du bureau GF3C (2013)
• Madame Hélène PONCET, Chef du bureau GF3C (2012)
• Monsieur Pierre HARYMBAT, Administrateur des finances publiques
adjoint, division 1 section 4
• Madame Patricia LEMESLE, Administrateur des finances publiques
adjoint, division 1 section 5
Bureau CF1
• Madame Joëlle MASSONI, Chef du Bureau CF1
• Monsieur Cédric SAINT ANTOINE, Inspecteur principal des finances
publiques, division 1 section 3
- Direction Nationale d’Enquêtes Fiscales :
• Monsieur Frédéric IANNUCCI, directeur de la DNEF (2013)
• Monsieur Bernard SALVAT, Administrateur Général des Finances
Publiques, directeur de la DNEF (2012)
• Madame Marie-Aimée MUSY, Directrice départementale de la DNEF
• Madame Valérie LAPUJADE, Administratrice des Finances Publiques
adjointe
• Monsieur
Stéphane LOPEZ, Inspecteur Principal des Finances
Publiques, responsable de la 2ème brigade nationale d’investigation
190
COUR DES COMPTES
• Monsieur David GILLES, Inspecteur Principal des Finances Publiques,
responsable de la cellule Infocentre
- Direction des Vérifications Nationales et Internationales
• Monsieur
Olivier SIVIEUDE, Administrateur Général des Finances
Publiques, directeur de la DVNI
• Monsieur
Laurent BIGNON, Administrateur des Finances Publiques
Madame
Marie-Christine
BRUN, Administrateur
des
Finances
Publiques
• Monsieur
Jérôme DIAN, Inspecteur Principal des Finances Publiques
• Madame Nathalie DUMAISON, Inspecteur principal des Finances
Publiques, chef de la brigade luxe
• Messieurs Thierry BOURGUIGNON, Inspecteur principal des Finances
Publiques, chef de la 3ème BVCI et Eric ROBART
• M. Thierry GLAJEAN, Inspecteur principal des Finances Publiques,
chef d’une des brigades agro-alimentaire
• M. Stéphane TRUET, Inspecteur principal des Finances Publiques, chef
d’une des brigades du pôle informatique et service
• Madame Florence BOISSET-REPKAT, Inspecteur principal des
Finances Publiques,
chef de brigade dans le secteur industriel
• M. Jérôme MOUSSERIN, Inspecteur principal des Finances Publiques,
chef de brigade dans le secteur industriel
- Direction des Grandes Entreprises
• Monsieur Philippe MOUTIE, Administrateur Général des Finances
Publiques, directeur de la DGE
• Madame Annie CABROL, Administratrice des Finances Publiques,
directrice adjointe de la DGE
• Madame Caroline GEFFROY, Administratrice des Finances Publiques
adjointe, en charge de la division des affaires juridiques de la DGE
• Madame Valérie CHRISTIEN, Administratrice des Finances Publiques
adjointe, en charge de la division gestion fiscale de la DGE
• Monsieur Philippe DUCROCQ, Administrateur des Finances Publiques
adjoint en charge de la division contrôle fiscal et recouvrement de la DGE
-DRFIP Paris – pôle fiscal de Paris-Centre
• Madame Sylvie SANCHEZ, Administratrice générale des finances
publiques en charge du pôle fiscal de Paris-Centre
• Madame Fabienne DEGORCE, Administratrice des finances publiques,
directrice adjointe du pôle fiscal de Paris-Centre
• M. Georges BRUNAUD, Administrateur des Finances Publiques adjoint
en charge du contentieux
• Mme Daniele SZKLARZ, Inspecteur principal des finances publiques,
division 3
ANNEXES
191
• Monsieur Didier MILLAUD, Administrateur des Finances Publiques
adjoint en charge de la division du contrôle fiscal
-DRFIP Rhône-Alpes
• Monsieur Bernard MONCERE, Administrateur général des finances
publiques en charge de la DRFIP Rhône-Alpes
• Monsieur Patrick VARGIU, Administrateur des Finances Publiques,
Directeur adjoint en charge pôle gestion fiscale de la DRFIP Rhône Alpes
• Monsieur
Stéphane DURAND, Administrateur des Finances Publiques
adjoint en charge de la
division du contrôle fiscal
• Monsieur Olivier BODENES, Administrateur des Finances Publiques
adjoint en charge de la division des professionnels
• Monsieur Marc BENAVIDES, Inspecteur Principal des Finances
publiques, en charge du contentieux des professionnels
• Madame Nadine BLAIS, rédactrice à la division des Affaires juridiques
• Madame Chantal SEIMANDI, Inspecteur principal des finances
publiques, en charge du pôle contrôle expertise de Lyon
Presqu'île-Lyon 5
• Monsieur Didier JANVIER, Inspecteur principal des finances publiques,
en charge du service des impôts des entreprises de Lyon Ouest
• Monsieur Thierry GUYON, Inspecteur principal des finances publiques,
en charge de la 7ème brigade départementale de vérifications
-DRFIP Rhône-Alpes-Bourgogne
• Madame Chantal MARCHAND, Administratrice général des finances
publiques en charge de la DDFIP Rhône-Alpes
• Monsieur
Sébastien GEFFROY, Administrateur des Finances
Publiques adjoint en charge de la division animation du contrôle fiscal
• Madame Corinne CARRY, Inspectrice principale des finances
publiques en charge de la division stratégie pilotage
• Madame Patricia FILLIARD, Inspectrice principale des finances
publiques en charge de la 8ème brigade régionale de vérifications
• Monsieur
Nicolas BERNARD, Inspecteur principal des finances
publiques en charge de la 26ème brigade régionale de vérifications
• Monsieur
Jean Yves PICARD, Inspecteur principal des finances
publiques en charge de la 17ème brigade régionale de vérifications
• Monsieur
Frank LAFARGUE, Inspecteur principal des finances
publiques en charge de la 4ème brigade
Agence Française pour les Investissements Internationaux (AFII)
• Monsieur David APPIA, Ambassadeur délégué aux investissements
internationaux, Président de l’AFII,
• Monsieur Serge BOSCHER, Directeur Général
• Monsieur Gilles ORCIERE, Fiscaliste
Oséo
• Madame Laure REINHART, Directrice Générale Déléguée,
192
COUR DES COMPTES
• Monsieur Jean-Marie REVET, Responsable de l'Audit interne Oséo
• Monsieur Jean-Yves RENAUD, Directeur de l'Expertise Innovation
• Monsieur Jean-François LAFAYE, Responsable du Domaine transfert
de technologie et création d'entreprises,
• Monsieur, Vincent DAUFFY, Directeur du Développement et du
Marketing
• Monsieur Tien-My PHAN, Responsable du CIR
Délégations Régionales à la Recherche et à la Technologie
- DRRT Rhône-Alpes (entretien téléphonique)
• Madame Agnès GAHIGI, adjointe au Délégué Régional
- DRRT Nord-Pas-de-Calais (entretien téléphonique)
• Madame Cathy BUQUET, Déléguée Régionale
- DRRT Ile-de-France (entretien téléphonique)
• Monsieur Bao NGUYEN-HUY, Délégué Régional
MEDEF
• Monsieur Hugues-Arnaud MAYER, Président de la commission
Innovation et Nouvelles technologies
• Monsieur Laurent GOUZENES, représentant MEDEF du Conseil
supérieur de la recherche et de la technologie / CSRT et Président du
comité financement et développement de l'innovation
• Monsieur Patrick SCHMITT, Directeur Recherche – Innovation et
Nouvelles technologies
• Monsieur Jacques ANTZENBERGER, Directeur de mission – Direction
des Affaires fiscales
• Madame Marie-Pascale ANTONI,
Directrice des affaires fiscales
• Monsieur Franck DEBAUGE, animateur du groupe de travail CIR
Comité Richelieu
• Monsieur Philippe BERNA, Président du Comité Richelieu, et PDG de
la société Kayentis,
• Monsieur Christophe LECANTE, Président de la commission
Innovation du Comité Richelieu et PDG de la société TKM,
• Monsieur Thomas SERVAL, Vice-Président du Comité Richelieu et
PDG de la société Radioline
C.G.P.M.E.
• Monsieur Gérard ORSINI, Président de la Commission juridique et
fiscale de la CGPME
• Monsieur Pascal LABET, Directeur des affaires économiques et fiscales
Centre des jeunes dirigeants d’entreprises
• Monsieur Clément DE SOUZA, Délégué National du CJD en charge du
financement des entreprises
• Monsieur Antoine
PIVOT, Chargé de mission au CJD
ANNEXES
193
Conseil supérieur de l’ordre des experts comptables
• Monsieur Guillaume PROUST, Rapporteur adjoint du 67ème Congrès
de l’Ordre et Pilote du groupe de travail «Innovation» du Conseil
supérieur
• Madame Emmanuelle BADIN, Consultante en droit fiscal, Infodoc
Experts
• Monsieur Patrick COLLIN, Directeur des affaires fiscales
Association Française des Entreprises Privées (AFEP)
• Monsieur François SOULMAGNON, Directeur Général
• Madame Amina TARMIL, Directrice adjointe du service fiscal
• Monsieur Olivier CHEMLA, Chef économiste de l’AFEP
Chercheurs
• Monsieur Vincent DORTET-BERNADET, INSEE, Direction des
Etudes et Synthèses Economiques, Département des Etudes Economiques
d’Ensemble
• Monsieur Stéphane LHUILLERY, ICN Business School Nancy-Metz
• Monsieur Jacques MAIRESSE, CREST-ENSAE (Centre de Recherches
en Economie et Statistique - École nationale de la statistique et de
l'administration économique)
• Madame Marina MARINO, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne
• Monsieur Luis MIOTTI, Université Paris 13
• Monsieur Benoît MULKAY,
Université Montpellier 1, Faculté
d’Economie
• Monsieur Pierpalo PARROTTA, Aarhus University and Lausanne
University
• Madame Meriem ZAIEM, doctorante au CREST (Centre de Recherches
en Economie et Statistique)
Grands groupes
• Monsieur Gilles AUFFRET, directeur général de Rhodia
• Monsieur Louis NELTNER, directeur général recherche et innovation
du groupe Solvay
• Didier ROUX, directeur de la recherche et de l’innovation de St-Gobain
Avocats fiscalistes
• Monsieur Thomas PERRIN, TAJ, Tax Partner
• Monsieur Daniel BRIQUET, TAJ, Ingénieur-associé
Consultants
OCDE
• Monsieur Dominique GUELLEC, Directeur, Direction de la Science des
technologies et de l’Industrie
194
COUR DES COMPTES
• Madame Chiara CRISCUOLO, Economiste, Direction de la Science des
technologies et de l’Industrie
• Monsieur Steven CLARK, Chef d’unité, Division des politiques fiscales
et statistiques, Centre de politique et d’administration fiscale
Royaume-Uni
• Monsieur Stuart BARTHROPP, Innovation Policy, Department for
Business, Innovation & Skills
• Madame Carol JOHNSON, Senior Policy Advisor Patent Box and R&D
reliefs, Her Majesty Revenues & Customs
• Monsieur Andrew GROVES, Inspector of Taxes, R&D and Pharma,
HRMC
• Monsieur Timothy POWER, Policy Advisor, Excise and Enterprise Tax,
HM Treasury
Canada
• Monsieur Geoff TRUEMAN, Directeur, Division de l’impôt des
entreprises, Finances Canada
• Monsieur Nicolas BLOUIN, Chef de la section Développement
économique, Finances Canada
• Madame Eva AUDY, Economiste principale, Industrie et Economie du
savoir, Finances Canada
• Monsieur Daniel DUFOUR, Directeur, Direction générale des politiques
Science et Innovation, Industrie Canada
• Monsieur Brian FIELDS, Economiste, Direction générale de la
recherche économique, Industrie Canada
• Monsieur Gilles PATRY, Président-directeur général, Fondation
canadienne pour l’innovation
• Madame Roxane BRAZEAU-LEBLOND, Directrice, Recherche
Scientifique et développement (RS&DE), Agence du revenu du Canada
• Madame Nathalie LEGAULT, Directrice des Finances, Laboratoire
Servier Canada
• Monsieur Paul BERG DICK, MEKA and Associates
• Madame Elizabeth LANCE, The Ingenuity Group
• Monsieur Pierre SAVIGNAC, Emergex Subventions RS&DE
• Madame Delphine BURGAUD, Image Sept
• Madame Alexandra STERN, Lowendalmasaï, Senior Director Groupe
Management de l’Innovation•
Monsieur Pierre LASRY, Lowendalmasaï, Président du Directoire
ANNEXES
195
Annexe n° 4 : l’établissement des données d’exécution
de la dépense fiscale
Les données d’exécution sont établies à partir des données des
liquidations d’impôt sur les sociétés et des situations récapitulatives de
liquidation. La dépense fiscale correspond au montant des imputations et
des restitutions effectuées en n-2, sur la base des créances de CIR des
années n-3 à n-6. Ces données ne tiennent pas compte des redressements
effectués suite à des contrôles fiscaux
145
.
Les imputations sont extraites des situations récapitulatives de
l’impôt sur les sociétés constituées par les services de la DGFiP à l’issue
des opérations de liquidation de l’impôt sur les sociétés : « Il est pris pour
hypothèse que l’incidence budgétaire d’une imputation se situe
exclusivement au moment du paiement du solde de l’impôt. Dès lors, le
montant des CIR imputés au titre d’une année budgétaire N est présumé
correspondre au montant des imputations figurant sur les liquidations
d’exercices clos de septembre N-1 à août N. Par simplification,
l’incidence budgétaire est cependant calculée en année N par rapport aux
liquidations d’impôt sur les sociétés d’exercices clos en N-1, les exercices
clos au cours des mois de janvier à août N-1 étant jugés négligeables et
supposés se compenser d’une année sur l’autre », selon les réponses
communiquées au cours de la phase d’instruction. Dans la mesure où les
arrêtés des comptes semestriels, voire trimestriels se développent,
notamment dans les grands groupes qui sont des bénéficiaires importants
du CIR, cette simplification peut avoir des conséquences non
négligeables sur l’échéancier des imputations prises en compte dans les
lois de finances.
Les restitutions de créances de CIR proviennent des informations
recensées par une requête informatique effectuée auprès des services
déconcentrés. Cette requête a été mise en place dans le cadre du plan de
relance, puis pérennisée.
145
Cf. analyses du chapitre 4.
196
COUR DES COMPTES
Annexe n° 5 : le chiffrage du CIR dans les documents
annexés aux lois de finances
Dans le fascicule Voies et Moyens annexé au projet de loi de
finances pour 2009
146
, le CIR apparaît comme la 5
ème
dépense fiscale la
plus coûteuse
147
avec un total estimé à 2,01 Md€. La fiabilité du calcul,
considérée comme bonne
148
, est assurée au moyen d’une reconstitution de
base taxable à partir de données déclaratives fiscales. Un objectif est
associé à cette mesure (« augmenter les dépenses de recherche ») et un
indicateur est présenté à l’appui, à savoir la dépense de R&D
supplémentaire par € de CIR.
L’année suivante
149
, le CIR devient la deuxième dépense fiscale
avec une estimation de 4 Md€, derrière le taux de TVA réduit dans le
bâtiment et devant la prime pour l’emploi ; la qualité de la prévision
budgétaire est jugée inchangée ; l’objectif et l’indicateur associés au CIR
sont constants. En revanche, les coûts associés au CIR de 2009 et 2008
varient fortement par rapport au précédent fascicule Voies et Moyens.
Pour 2011
150
, le CIR bénéficie d’une augmentation, chiffrée à
311 M€, relative au remboursement anticipé des créances de CIR pour les
PME. Le CIR redevient la 5
ème
dépense fiscale de l’État, avec un coût
estimé à 2,1 Md€
151
, la qualification de la méthode de chiffrage, de
l’objectif et de l’indicateur associé restant inchangée. Cependant, comme
en 2010, le coût finalement exposé durant les deux années précédentes
marque une sensible augmentation.
Dans le fascicule Voies et Moyens annexé au projet de loi de
finances pour 2012, le CIR apparaît pour un coût de 2,3 Md€, restant la
146
Avant 2009, le fascicule Voies et Moyens contenait moins d’informations, le CIR
figure ainsi dans le fascicule annexé à la loi de finances pour 2008 avec un coût
estimé à 1 390 M€ mais qui porte sur le régime précédant du CIR.
147
Après le taux réduit de TVA pour les travaux dans les logements anciens
(5,4 Md€), la prime pour l’emploi (3,9 Md€), les exonérations et impositions réduites
pour la capitalisation et l’assurance-vie (2,8 Md€), et l’abattement de 10 % sur les
pensions et retraites (2,6 Md€).
148
Sur 469 dépenses fiscales, 50 sont non chiffrées, 195 chiffrées en ordre de
grandeur, 123 avec une fiabilité bonne et 101 avec une très bonne fiabilité selon les
voies et moyens associés au projet de loi de finances 2009.
149
Fascicule Voies et Moyens annexé au projet de loi de finances 2010
150
Fascicule Voies et Moyens annexé au projet de loi de finances 2011
151
Après le taux réduit de TVA pour les travaux dans les logements anciens
(5,05 Md€), la TVA réduite dans la restauration (3,13 Md€), la prime pour l’emploi
(2,98 Md€) et l’abattement de 10 % sur les pensions et retraites (2,7 Md€).
ANNEXES
197
cinquième dépense fiscale
152
, avec les mêmes objectifs et indicateurs
associés.
En 2011, les données d’exécution font apparaître un dépassement
de 575 M€ par rapport au cadrage du projet de loi de finances, soit une
exécution prévisionnelle de 2,853 Md€ pour 2,275 Md€ prévus dans le
projet de loi de finances
153
. Le cadrage de 2011 a pourtant été reproduit
presqu’à l’identique dans le projet de loi de finances pour 2012
(2,3 Md€).
152
Toujours derrière les mêmes dépenses et devant le crédit d’impôt au titre de
l’emploi d’un salarié à domicile (1,89 Md€), le crédit d’impôt au titre des intérêts
d’emprunt (1,825 Md€), le crédit d’impôt lié à la prestation d’accueil du jeune enfant
et à l’exonération des prestations familiales, de l’allocation adulte handicapé
(1,6 Md€) et le crédit d’impôt pour les dépenses d’équipement en faveur des
économies d’énergie (1,4 Md€).
153
Donnée DGFiP dans le cadre de la préparation du rapport d’exécution 2011,
cf. rapport d’exécution budgétaire de la mission « remboursements et dégrèvements ».
198
COUR DES COMPTES
Annexe n° 6 : systèmes d'incitations fiscales à la R&D
dans le monde
Les incitations fiscales pour le développement de la R&D sont
aujourd'hui largement répandues parmi les pays de l'OCDE. Sur les 34
pays de l'OCDE, 26 offrent des incitations fiscales pour la R&D. La
Chine, le Brésil, l'Inde, la Russie, Singapour ou encore l'Afrique du Sud
ont également mis en place des mesures similaires. Les pays comme
l'Allemagne, la Suisse ou la Suède, qui ne proposent pas ces mesures
fiscales, sont confrontés à une concurrence fiscale forte qui a entraîné des
débats quant à l'introduction de systèmes équivalents.
Deux stratégies sont pratiquées, pour diminuer le coût de la R&D
et augmenter le rendement après impôt : d’une part, les déductions de
l’assiette de l’impôt sur les sociétés des dépenses de R&D (avec des
restrictions particulières selon les pays), accompagnées parfois d'une
déduction supérieure à la dépense réelle, d’autre part, des systèmes de
crédit d’impôt recherche qui diminuent non pas l’assiette mais
directement le montant d’impôt sur les sociétés auquel l’entreprise est
assujettie. L'examen des dispositifs de différents pays fait apparaître la
diversité des systèmes mis en place, et souvent, leur complexité (cf.
tableau suivant)
Aujourd'hui, les principaux pays à avoir adopté un crédit d'impôt
recherche sont : l'Australie, l'Autriche, le Canada, la Corée du Sud,
l'Espagne, les États-Unis, la France, l'Italie, l'Irlande, le Japon, la
Norvège, les Pays-Bas et le Portugal. Les taux espagnols (30% du volume
et 50% de l’accroissement) sont plus généreux que les taux français (30%
puis 5%) mais la France a déplafonné son CIR, contrairement à l’Espagne
qui limite le crédit à 60% de l’impôt dû.
1 -
Positionnement de la France par rapport aux autres pays
disposant d’incitations fiscales à la R&D
En France, des taux très avantageux et une assiette déplafonnée
La comparaison des différents dispositifs fiscaux proposée par le
MESR indique qu’il existe trois sortes d’assiette pour le CIR : l’assiette
« tout
volume »
(Canada,
France,
Norvège),
l’assiette
« tout
accroissement » qui concerne les seuls États-Unis, l’assiette mixte qui
représente la majeure partie des pays. Les Pays-Bas, la Norvège, le Japon
et le Canada ont introduit des modulations en faveur des PME. Ni
l’Allemagne ni la Suède n’ont mis en place de dispositif fiscal.
ANNEXES
199
Différences dans les schémas des CIR dans les pays de l’OCDE
Conception
du
dispositif
Volume de R&D
Australie, Autriche, Belgique (capital), Canada, Chili
Danemark, France, Norvège.
Accroissement de la R&D
États-Unis
Système mixte
volume/accroissement
Irlande, Italie, Japon, Corée, Portugal, Espagne.
Abattements d’impôt
Belgique (capital), Brésil, Chine, Chili, Colombie,
République Tchèque, Finlande, Hongrie, Inde, Pays-Bas,
Russie, Singapour, Slovénie, Afrique du Sud, Turquie,
Royaume-Uni.
CIR fondé sur les dépenses de salaires
Belgique, Hongrie, Pays-Bas, Espagne, Turquie
Système préférentiel pour les PME
Australie, Canada, Hongrie, Japon, Corée, Pays-Bas,
Norvège, Portugal, Royaume-Uni
Ciblage
Energie
États-Unis, Royaume-Uni
Projets collaboratifs
Hongrie, Japon, Italie, Norvège
Nouveaux entrants
France (abrogé)
Start ups et entreprises
nouvelles
Belgique, Pays-Bas, Portugal.
Plafonds de crédit d’impôt
Autriche, Danemark, France, Irlande, Italie, Japon, Pays-
Bas, Norvège, Portugal, Singapour, Espagne, États-Unis,
Royaume-Uni.
Couverture des opérations
d’investissement
Pologne, Espagne, Canada (jusqu’à 2013)
Pas de CIR
Estonie, Allemagne, Israël, Mexique (abrogé), Nouvelle-
Zélande (abrogé), Suède
Source : OCDE 2013
Un financement fiscal des investissements de R&D qui place la France en
tête dans les classements
Du fait de la réforme du CIR en 2008, la France se place désormais
en tête du classement des pays en fonction de la subvention fiscale
pratiquée pour un euro de R&D (cf. graphique). Cette évolution a pu être
estimée dès 2007 grâce aux travaux, d’un atelier de l’OCDE cofinancé
par la France, qui reposaient sur le recueil de nouvelles données et
l’utilisation du
B-Index
pour établir une comparaison internationale des
mesures d’incitation fiscales en faveur de la R&D. Afin de mesurer
l’impact des réformes du gouvernement canadien sur le dispositif
d’incitations fiscales, D. McFetridge et J. Warda ont mis au point en 1983
un nouvel indicateur, le
B-index
. Algébriquement,
B = (1-A)/(1-
τ
)
, A étant
égal à la valeur actualisée nette des déductions pour amortissement, des
crédits d'impôt, des provisions spéciales sur éléments d'actif de R&D,
τ
étant égal au taux de l'impôt sur les bénéfices des sociétés. Si le
B-index
est supérieur à 1, les pays accordent peu d’incitations fiscales, et s’il est
inférieur à 1, les pays accordent des incitations fiscales.
200
COUR DES COMPTES
L’OCDE utilise un indice dérivé du B-Index, le taux de subvention
fiscale. Ce dernier est égal à 1 moins le B-Index. Plus ce dernier est élevé,
plus la subvention fiscale est faible, et donc moins le système est incitatif.
Parce que cet indice repose sur une approche du taux marginal effectif du
taux de taxation, il a pour principal avantage de neutraliser les
différentiels d'impôts sur les sociétés. De plus, il permet de prendre en
compte des dispositions qui ne sont pas forcément considérées comme
des dépenses fiscales (comme par exemple la déductibilité des dépenses
de R&D de l'assiette de l'IS). Mais en portant l'accent sur le taux et non
pas sur le volume réel des dépenses fiscales, le taux de subvention fiscale
occulte des disparités tout à fait importantes entre les pays. Alors que
l'Espagne occupe la deuxième position en termes de taux de subvention,
une comparaison de la part du PIB consacrée aux dépenses fiscales pour
la R&D montre la dimension mineure du dispositif espagnol.
Source : Rapport OCDE, 20 septembre 2011, The International Experience
with R&D Tax incentives (dernières données disponibles)
Royaume-Uni
République tchèque
Portugal
Pays-Bas
Norvège
Japon
Irlande
France
Hongrie
Espagne
États-Unis
Danemark
Corée du Sud
Canada
Belgique
Autriche
Australie
0
0,05
0,1
0,15
0,2
0,25
0,3
0,35
Part des dépenses fiscales pour la R&D dans le PIB
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Pourcentage du PIB
ANNEXES
201
Une autre mesure de l'importance de l'incitation fiscale est de
rapporter le montant de la dépense fiscale en faveur de la R&D sur le
montant total du PIB. Dans cette optique, les mesures mises en place par
la France en 2008 dans le cadre du CIR ont considérablement accru le
coût du dispositif pour atteindre 0,28 % du PIB en 2009 (0,26% en 2010).
Une concurrence fiscale accrue qui a entraîné la révision de nombreux
dispositifs d'incitation fiscale au développement de la R&D
L'accroissement au cours de la dernière décennie du nombre de
dispositifs fiscaux visant à améliorer l'attractivité de certains pays en
termes de financement de la R&D a abouti à une forte concurrence
fiscale. Les difficultés pour déterminer les modalités optimales d'un
système d'incitation fiscale ont eu pour conséquence d'amener les
gouvernements à revoir leurs politiques à de nombreuses reprises.
Néanmoins, ce développement de la concurrence fiscale a connu
d'importantes perturbations suite à la crise économique depuis 2008. En
effet, les gouvernements se sont trouvés confrontés à deux objectifs
contradictoires : le soutien de la R&D et de l'innovation pour permettre la
reprise économique, et de l'autre côté, la nécessité de restreindre les
dépenses fiscales dans une optique d'austérité budgétaire. Cette position
paradoxale offre une grille de lecture intéressante aux dernières
évolutions des dispositifs d'incitation fiscale à la R&D. Les mesures
prises pour redéfinir les bénéficiaires des crédits d'impôt, comme cela
peut être le cas au Canada en faveur des PME, se comprennent dans le
cadre de la nécessité d'une amélioration de l'efficacité d'un dispositif
coûteux. De même, la question de la stabilisation du programme
américain de crédit d'impôt recherche posée par le Président des États-
Unis est en lien direct avec la problématique de la compétitivité et de
l'attractivité de ce pays. Les conditions économiques récentes ont
certainement accentué les tensions de la concurrence fiscale mondiale,
provoquant une plus grande volatilité des mesures mises en place, une
perspective dans laquelle le CIR français s'inscrit aisément.
2 -
Quelques exemples particuliers
Plusieurs dispositifs fiscaux étrangers ont été étudiés, représentant
différents scénarios possibles et distincts du cas français. Deux font
l’objet d’un encadré dans le corps du rapport : le Canada, qui présente des
mesures d'un volume proche de la France mais qui module celles-ci en
faveur des PME et le Royaume-Uni qui vient de mettre en place un
véritable CIR. En outre, ont été examinés les États-Unis, qui proposent un
crédit cherchant à valoriser l’effort d’accroissement de l’intensité R&D
des entreprises, le Japon qui a mis en place un système mixte
accroissement/volume. L’Espagne se distingue par l’importance des
202
COUR DES COMPTES
mesures adoptées, tout comme la Corée du Sud, qui dispose d'un système
d'incitations fiscales au coût élevé.
a)
États-Unis
Le système de crédit d'impôt recherche aux États-Unis est une des
mesures de
l'Economic Recovery Tax Act
adopté en 1981.
Différences avec la France
un dispositif visant à limiter au maximum les effets
d’aubaine
mais en conséquence complexe et difficile à manier pour les
investisseurs potentiels ;
extension à certaines dépenses relevant de l’innovation ;
des procédures de contrôle qui sont très formalisées ;
des argumentaires pour l’extension du dispositif proches des
argumentaires français en faveur du CIR et rappelant les mêmes
enjeux d’attractivité et d’emploi.
Le dispositif
En 2008 (dernières données disponibles), le
Research Credit
(RETC) codifié en 1981 au §41 de l'
Internal Revenue Code
, concerne
12 736 entreprises pour un montant de crédit d’impôt de 8,3 Md$
154
.
Évolution du coût du RETC entre 1997 et 2008 en M$
155
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
860
2095
1675
1620
5310
6810
4910
4630
5110
2120
10260
7080
Le dispositif est provisoire et doit être régulièrement renouvelé par
le Congrès. Au cours de la dernière décennie, les renouvellements ont pu
avoir un effet rétroactif, ce qui explique les fortes fluctuations des
montants. Entre 2001 et 2008, le montant moyen est de 5,8 Md$.
Dépenses éligibles
La définition de la R&D est proche de celle du manuel de Frascati
et le code fiscal contient un test d’éligibilité des dépenses en quatre
parties, qui suit des raisonnements fidèles à Frascati. Par ailleurs, les
opérations éligibles sont à la fois plus larges, avec l’extension de
l’assiette à certaines dépenses d’innovation comme les prototypes
154
policy/Documents/Research%20and%20Experimentation%20report%20FINAL.PDF
p.5
155
Source : IRS. La différence avec le chiffre précédemment cité s’explique par le fait
que dans le second cas, il s'agit du coût du dispositif pour l’État qui est donc
inférieur à la somme totale des demandes faites par les entreprises.
ANNEXES
203
d’évaluation, et plus contraintes qu’en France, dans la mesure où les
opérations de recherche doivent viser à la réalisation d’un produit
commercialisable. Sont pris en compte : les salaires, les équipements
(jusqu’aux
prototypes),
65 %
des
externalisations,
75 %
des
externalisations en direction du secteur public à des fins de recherche
fondamentale.
Méthodes de calcul et taux
Il existe concurremment deux méthodes de calcul, qui dépendent
en particulier de la date de création de l’entreprise.
Calcul « normal » (
Traditional Credit Calculation
) : 20% de la
différence entre le total des dépenses R&D effectuées et le montant
base calculée selon une formule prenant en compte les dépenses R&D
et le chiffre d’affaires sur les cinq dernières années
Calcul
alternatif
simplifié
(
Alternative
Simplified
Credit
ou
ASC) introduit en 2007 : 14 % des dépenses R&D qui dépassent 50 %
de la moyenne des trois années précédentes.
Contrôle
Le crédit est un des axes de contrôle principaux, parmi les
dépenses fiscales, de l’IRS (
Internal Revenue Service
), qui a été amené en
conséquence à standardiser ses procédures en déterminant à l’avance les
modalités du contrôle, se concentrant sur le calcul de la base par
l’entreprise et sur la qualité des pièces justificatives.
Réformes récentes et perspectives futures
Le
Research Credit
a expiré fin 2011. Lors des débats budgétaires
de 2012, le Président des États-Unis a fait connaître ses projets de
réformes :
Rendre le RETC permanent : Depuis 1981, le RETC a été reporté
temporairement 14 fois, certaines extensions n'étant valables que
pour 6 mois. Ceci a pour conséquence de miner la planification de
long terme des entreprises et donc de diminuer l'efficacité du
dispositif fiscal. La nouvelle expiration à compter du 01/01/2012 a
fait l'objet de nombreuses critiques auxquelles le Président souhaitait
répondre. Néanmoins, si la stabilisation du RETC est souhaitée tant
par le parti démocrate que le parti républicain et a été proposée à
plusieurs reprises durant la dernière décennie, le Président et le
Congrès ont préféré le conserver sur une base temporaire, afin de
réduire de manière artificielle les projections de déficit.
Augmentation du taux de l'
Alternative Simplified Credit
(ASC) de
14 % à 17 % : Ceci permettrait de rendre la procédure simplifiée du
204
COUR DES COMPTES
RETC plus attractive et de simplifier les démarches administratives
des entreprises.
Le Président des États-Unis propose un financement de 100 Md$
sur 10 ans, répartis à hauteur de 85 Md$ pour la stabilisation du RC et
15 Md$ pour l'augmentation du taux de l'ASC. Dans cette optique, selon
les projections du
Department of Treasury
, le RETC devrait entraîner une
dépense fiscale d'approximativement 15 Md$ par an en 2022. Finalement,
dans la loi budgétaire «
American Taxpayer Relief Act
», signée par le
Président le 2 janvier 2013, le dispositif a été reconduit inchangé jusqu’à
la fin 2013.
En sus de ce dispositif, on observe, de manière générale, un
maintien de l’effort de soutien public à la R&D américaine. La loi
adoptée en 2009 face à la crise économique,
l’American Recovery and
Reinvestment Act
(
ARRA
), a autorisé des crédits de R&D de 17 Md$ en
vue de la mise au point de technologies énergétiques, climatiques et
d’avenir. La loi de finances (
Budget Control Act
) de 2011 ayant imposé
un gel du montant total de chaque poste budgétaire fédéral pour la
prochaine décennie, une diminution de l’investissement fédéral global
dans la R&D de 147 Md$ en 2010 à 140,8 Md$ en 2013 était attendue, du
fait d’une réduction des ressources allouées aux dépenses militaires. Pour
autant, l’aide du gouvernement fédéral à la recherche fondamentale et
appliquée pourrait augmenter, passant déjà de 59 Md$ en 2008 à 69,4
Md$ en 2013, ainsi que l’a confirmé le budget 2013.
b)
Espagne
Différences avec la France
Un crédit d'impôt qui dispose d'un volet « volume » et d'un volet
« accroissement » ;
Une dépense fiscale très faible comparée à la France.
Le dispositif
Chiffres
Malgré le fait que le dispositif d'incitations fiscales pour la R&D
est un des plus avantageux des pays membres de l'OCDE, le coût des
différentes mesures était de 205 M€ en 2002 et de 262 M€ en 2008. Le
coût relativement faible de la mesure peut être expliqué par le fait que les
procédures qui permettent de bénéficier de ces incitations fiscales sont
ANNEXES
205
rarement mises en oeuvre par les sociétés espagnoles, notamment à cause
des nombreuses difficultés administratives qu’elles suscitent
156
.
Mesures et taux
Les incitations fiscales pour la R&D en Espagne s'articulent autour
de trois mesures :
Un crédit d'impôt qui repose sur le volume et qui représente 30 %
des dépenses de R&D. Il existe un second crédit d'impôt qui repose
sur l'accroissement des dépenses. Il consiste en 50% des dépenses
supérieures à la moyenne des dépenses de R&D des deux années
précédentes. Ces deux crédits peuvent être additionnés. En outre, il
existe un troisième crédit d'impôt pour l'investissement en capital
dédié uniquement à la R&D (à l'exclusion de l'immobilier), de 10% ;
Un crédit d’impôt additionnel des salaires des personnels affectés à
la R&D de 20 points (soit 50% en volume, 70% en incrémental).
Enfin, un crédit d'impôt de 12 % sur les dépenses qui ont permis le
développement d'une innovation technologique. Il existe néanmoins
un plafond de 1 M€ pour l'acquisition de licences et de brevets.
Réformes récentes et perspectives
Les politiques gouvernementales de promotion de la R&D ont
connu de profonds changements depuis 2010. Une stratégie nationale
d'innovation (
Estrategia Estatal de Innovación
, E2I) a été élaborée pour
la période 2010-2015 pour améliorer le modèle de production de la
recherche en Espagne. Dans le même cadre, la Loi pour la Science (
Ley
de la Ciencia
) est entrée en vigueur en décembre 2011 pour remplacer la
loi précédente de 1986. Elle permet la création d'une agence étatique pour
la recherche et vise à associer plus étroitement les activités d'innovations
avec la recherche scientifique.
Dans cette optique, des réformes ont été adoptées quant aux
incitations fiscales pour la R&D. Entre 2007 et 2009, les taux offerts par
l’État espagnol pour les crédits d'impôts ont diminué (ils étaient
auparavant de 50 % pour le crédit incrémental et 25 % pour le crédit sur
le volume). Cela a permis de compenser la diminution sensible du
montant de l'IS. Le crédit d'impôt devait initialement se terminer en 2011,
une réforme l’a rendu permanent en 2009.
Les taux ont ensuite été revus à la hausse : le crédit sur le volume
est passé de 25 % à 30 %, et le crédit incrémental a retrouvé le niveau
qu’il avait avant 2007, en passant à 50 %.
156
206
COUR DES COMPTES
En juin 2011, le taux du crédit pour l'innovation est passé de 8 % à
12 %. Plus récemment, les mesures prévoyant des allègements pour les
charges
sociales
des
chercheurs
nouvellement
engagés
ont
été
supprimées. Enfin, le projet de loi « Entrepreneurs », approuvé par le
gouvernement espagnol en mai 2013, prévoit de rendre le crédit d’impôt
remboursable.
Ces différentes évolutions révèlent une certaine hésitation de la
part du gouvernement espagnol quant au système optimal. Les récentes
difficultés budgétaires n'ont pas facilité ce processus.
c)
Japon
Différences avec la France
Une forte sensibilité du dispositif à la conjoncture, qui voit sa
puissance diminuer lorsque les revenus des entreprises se
réduisent ;
Un crédit mixte avec une part en accroissement, déterminé à
partir de calculs complexes
Le dispositif
Chiffres
D’après le Ministère des finances du Japon, le coût du dispositif a
évolué de façon dynamique, passant de 0,8 Md€ en 2003 à 5 Md€ en
2008, retombant à 2 Md€ en 2009 en raison d’une conjoncture difficile,
qui a réduit les revenus des entreprises. En 2008, la dépense fiscale
équivalait à 0,14 % du PIB (651 Md¥) et en 2009 à 0,05 % du PIB
(254 Md¥).
Taux et méthodes de calcul
Les incitations japonaises reposent à la fois sur la prise en
considération du volume et de l’accroissement des dépenses de R&D : si
le dispositif considère essentiellement le volume des dépenses de R&D, le
Japon cherche en effet également à valoriser les entreprises les plus
intensives. Le montant du crédit d’impôt dépend ainsi de la taille de
l’entreprise (part en volume) et de l’intensité R&D de l’entreprise (part en
accroissement).
Pour la part en volume
:
o
Pour les PME, c’est-à-dire les entreprises dont le capital
n’excède pas JPY 100M (
770.000€), le crédit d’impôt
correspond à 12% du total des dépenses de R&D.
ANNEXES
207
o
Pour les grandes entreprises, le taux est compris entre 8 et
10%.
o
Le montant du crédit d'impôt ne peut dépasser 30% de l’impôt
sur les sociétés dû par l’entreprise avant application du crédit
d’impôt.
Pour la part en accroissement
:
Soit :
Lorsque les dépenses de R&D de la période considérée dépassent :
(i) la moyenne annuelle des dépenses de R&D des 3 exercices précédents,
et (ii) le niveau de dépenses annuelles de R&D le plus élevé des 2
exercices précédents, l’entreprise peut obtenir 5% de la différence entre
les dépenses de l’année considérée et la moyenne annuelle des dépenses
des trois années précédentes.
Soit :
Lorsque les dépenses de R&D de la période dépasse 10% du
chiffre d’affaire annuel moyen des 4 derniers exercices (incluant l’année
considérée), l’entreprise peut prétendre à un crédit calculé selon la
formule suivante: (dépenses de R&D moins [10 % du chiffre d’affaires
annuel moyen]), multiplié par le ratio R&D (réduit de 10 %), multiplié
par 20%. Le ratio R&D est le montant des dépenses de R&D pour l’année
en cours divisé par le chiffre d’affaires annuel moyen des 4 derniers
exercices (incluant l’année considérée).
Le montant de ce crédit d'impôt ne peut dépasser 10% de l’impôt
sur les sociétés dû par l’entreprise avant application du crédit d’impôt. Ce
crédit d’impôt additionnel est valable pour les exercices fiscaux
commençant entre le 1
er
avril 2008 et le 31 mars 2014.
Une incitation fiscale a également été introduite pour les
entreprises japonaises qui sont exclusivement engagées dans des activités
de R&D. Cette incitation n’est pas compatible avec le crédit d'impôt
R&D. Pendant les 5 premières années suivant l’obtention du titre de
centre de recherche, cette incitation permet à l’entreprise éligible de
déduire 20% de ses revenus attribuables aux activités de ce centre de
recherche.
Les exercices 2009 et 2010 ont bénéficié de mesures temporaires
décidées dans le cadre des plans de relance de l’économie. Le report du
crédit d’impôt est normalement limité à l’exercice suivant. Les crédits
d’impôt non utilisés pour les exercices fiscaux commençant entre le
1
er
avril 2009 et le 31 mars 2010 peuvent être reportés 3 ans. Pour les
exercices commençant entre le 1
er
avril 2010 et le 31 mars 2011, le report
est passé à 2 ans.
208
COUR DES COMPTES
Réformes récentes et perspectives
La DIRD du Japon a stagné entre 2005 et 2010, en raison du fort
recul des dépenses des entreprises pendant la crise. Les 8,6 Md$ alloués
par le gouvernement à la science et à la technologie n’ont pas suffi pour
compenser ce recul. Toutefois, on note que, en dépit des sévères
restrictions budgétaires mises en place par le Japon, les budgets
scientifiques et technologiques ont été préservés. Certains postes
budgétaires ont même été augmentés (énergie, technologies vertes,
science) : le budget 2012 a notamment accru le financement de la
recherche fondamentale pour soutenir la croissance économique future.
Le Japon semble ainsi porté à maintenir le soutien public en matière de
R&D.
Récemment, le Premier Ministre Shinzo Abe a annoncé, sous la
dénomination
“Three Arrows”
, un ensemble de mesures visant à
dynamiser
l’économie,
et
notamment
à
augmenter
la
part
des
investissements en R&D à 4% du PIB d’ici 5 ans. En ce sens, au début de
l’année 2013, le gouvernement nippon a approuvé le budget 2013-2014
prévoyant, en particulier, l’augmentation de la déduction d’impôt
maximale permise au titre du crédit d’impôt en faveur de la R&D, passant
ainsi de 20% à 30% des impôts initialement payables par les
entreprises
157
.
En 2010, le Programme de promotion de l’investissement entrant a
préconisé de favoriser les investissements au Japon, en particulier par le
biais d’une réduction de l’impôt sur les sociétés et de la dérégulation des
procédures d’investissement. En ce sens, le Cabinet du Japon a opté pour
une baisse de l’impôt sur les sociétés national, qui passera de 28 % à 25,5
% pour les périodes fiscales commençant après le 1
er
avril 2015, portant
la baisse de l’impôt sur les sociétés total (taxes locales comprises) de 38
% à 36 %.
d)
Corée
Différences avec la France
Une modulation des taux entre PME et grandes entreprises ;
Un système de crédit d'impôt qui prend en compte le volume et
l'accroissement.
157
ANNEXES
209
Le dispositif
La Corée offre un crédit d'impôt général pour les dépenses de
R&D, un crédit pour les investissements de R&D liés aux programmes de
développement économique de certains secteurs (
New Growth Engine
Industry et Original Source Technology
) et un crédit additionnel
temporaire pour les investissements en équipements liés à la R&D. En
2008, cette dépense fiscale représentait approximativement 1 300 M€,
soit 0,19 % du PIB de la Corée du Sud.
Modalités et taux
Pour les PME, les incitations sont les suivantes :
Un crédit d'impôt égal soit à 50 % des dépenses supérieures à la
moyenne des dépenses de R&D des quatre années précédentes,
soit à 25 % des dépenses courantes de R&D.
Un crédit d'impôt de 30 % des dépenses de R&D associées à l'un
des deux programmes gouvernementaux de développement
économique (New Growth Engine Industry ou Original Source
Technology).
Si une PME achète un titre de propriété intellectuelle, elle peut déposer
une demande pour obtenir un crédit d'impôt à hauteur de 7% du montant
de l'achat.
Pour les grandes entreprises, un crédit d'impôt égal :
soit à 40 % des dépenses supérieures à la moyenne des dépenses
de R&D des quatre années précédentes,
soit sur la base des dépenses de l’année en cours : 8% + un taux
additionnel défini comme : 3%+ 50 % du ratio de dépenses de
R&D/chiffre d’affaires ; ce taux additionnel étant plafonné à 6%
Un crédit d'impôt de 20 % des dépenses de R&D associées à l'un
des deux programmes gouvernementaux de développement
économique.
Les PME et les grandes entreprises peuvent demander un crédit
d'impôt de 10 % de l'investissement total pour certains équipements.
Réformes récentes et perspectives
Après l'augmentation en 2008 des taux de crédit d'impôt pour les
accroissements de dépenses de R&D (de 15 % à 25 % pour les PME et de
7 % à 10 % pour les investissements en équipements), de nouvelles
incitations fiscales ont été créées en 2010 pour soutenir les deux
programmes de développement économiques mis au point par le
210
COUR DES COMPTES
gouvernement sud-coréen. La loi de réforme de l'impôt adoptée en août
2012 conserve les mesures d'incitations fiscales à la R&D déjà en place.
En mai 2013, le gouvernement sud-coréen a annoncé de nouvelles
mesures d’incitations fiscales afin de renforcer les activités de R&D
158
.
Ces mesures visent en effet à encourager les investissements et à
consolider les entreprises sud-coréennes ayant des activités de R&D. La
déduction fiscale pour les investissements allant jusqu'à KRW50m
(
33 700€) sera augmentée de 30 % à 50 %, et la limite de déduction sur
le bénéfice annuel sera portée de 40 % à 50 %. En outre, le gouvernement
fournira des avantages fiscaux pour les fusions et acquisitions impliquant
des entreprises opérant dans la R&D et l’innovation technologique.
En termes de politique de recherche, l’Initiative 577, décidée en
2008 par le Comité national de la science et de la technologie, a indiqué
l’ambition du gouvernement sud-coréen de consacrer 5% du PIB du pays
à la R&D d’ici à 2012, avec une répartition de ces fonds vers sept
domaines clefs d'innovation et de technologie. Le but déclaré était de
placer la Corée parmi les sept pays les plus avancés technologiquement.
Pour atteindre ces objectifs, les pouvoirs publics ont augmenté les
dépenses publiques de R&D et eu recours à diverses incitations fiscales
en faveur de l’investissement privé dans la R&D. Conformément à la
tendance depuis 10 ans, l’aide publique a privilégié les PME aux grandes
entreprises.
L’expansion du secteur du développement durable constitue
également l’une des grandes ambitions de la Corée. Dans la période
2009-2013, les entreprises de ce secteur ont bénéficié d’un soutien
important de l’État, d’environ 27 Md€ pour la période 2009-2013. Le
pays cherche essentiellement à développer la compétitivité de ses
entreprises en visant à la fois le développement de nouvelles technologies
et l’amélioration des technologies existantes. Les secteurs ciblés dans ce
domaine concernent notamment les énergies renouvelables (électricité
photovoltaïque et éolienne), les véhicules électriques, les transports
urbains, les techniques du bâtiment et de la construction. Des mesures
ciblées sur ces secteurs sont à attendre dans les prochaines années.
La Corée dispose ainsi d'un système avantageux, stable et
dynamique.
158
ANNEXES
211
Sources
:
-Contributions des attachés fiscaux et des services économiques en Espagne, au
Royaume-Uni, aux États-Unis et en Italie.
-Rapport OCDE, 20 septembre 2011, The International Experience with R&D
Tax incentives
-Rapport OCDE, Science, Technology and Industry Outlook 2012
-Rapport OCDE, Science, Technology and Industry Outlook 2011
-Rapport OCDE, novembre 2010, R&D Tax Incentives : rationale, design,
evaluation
-Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur le crédit
d'impôt recherche, Sénat, Session 2011-2012
-Rapport au Parlement sur le crédit d’impôt recherche 2009, MESR, 2009.
-Sites internet des différentes institutions publiques étrangères (Ministères des
Finances du Japon).
-Rapport Deloitte : Global Survey of R&D Tax Incentives, mars 2013
212
COUR DES COMPTES
Synthèse des différentes mesures fiscales en faveur de la R&D dans le
monde
Pays
Réforme
récente
Taux d'IS
Type d'incitation fiscale
Taux
Assiette
Reportable / Remboursable
Plafond et Limites
Localisation
de la R&D
éligible dans
le pays
Localisation
des résultats
de la
recherche
dans le pays
Restrictions
concernant les
secteurs
industriels
éligibles
Super déduction
150%
Amortissement accéléré
50% pour la première année, 30% la
deuxième, 20% la troisième
Allemagne
-
≈ 30%
Néant
-
-
-
-
-
-
-
45%
remboursable
recettes brutes
inférieures à 20M$
et pas de contrôle
par des entités
exemptées
40%
non remboursable / reportable
indéfiniment
toutes les autres
entités éligibles,
sans plafonds ni
limites
Autriche
2012
25%
Crédit d'impôt
10%
Volume des dépenses de R&D
remboursable
1 M€ max / an pour
sous traitance
oui (ou dans
l'Espace
économique
européen)
non
non
Crédit d'impôt ou superdéduction
CIR : 15,5% ou superdéduction : 122,5%
Volume des investissements R&D
amortissement accéléré
3 ans
Equipements utilisés dans la R&D
Abattement pour les revenus des
brevets
80%
Revenus des brevets
Exonération de la taxe sur les salaires
75%
Impact évalué à -25% du coût salarial d'un
chercheur
Super déduction
160%
Volume des dépenses de R&D
+10% ou +20%
Si accroissement du nombre de
chercheurs exclusivement dédiés à la
recherche par rapport à l'année
précédente (jusqu'à 5% : +10%, au-delà:
+20%)
+20%
Coûts de dévelopement des brevets
Amortissement accéléré pour les
équipements destinés à la R&D
100% la 1ere année
oui
La propriété
intellectuelle
doit être
créée en
Afrique du
Sud, mais elle
n'a pas besoin
d'y être
détenue.
oui
oui, sauf si la
R&D ne peut
être
développée
en Australie
non
non
non
oui
non
ni reportable
ni remboursable
28%
(de 0% à 28%
pour les PME)
30%
33,99%
2011
Crédit d'impôt
Volume des dépenses de R&D
Volume des dépenses de R&D
abatement
taxe sur
salaires : R&D
enBelgique
CIR : non /
super-
déduction :
localisation de
la PI en
Belgique
non
Afrique du
Sud
2012
non
n/a
Belgique
2012
crédit d'impôt reportable puis
remboursable après 5 ans
non
Australie
Brésil
-
Non
34%
Super déduction renforcée
ANNEXES
213
Pays
Réforme
récente
Taux d'IS
Type d'incitation fiscale
Taux
Assiette
Reportable / Remboursable
Plafond et Limites
Localisation
de la R&D
éligible dans
le pays
Localisation
des résultats
de la
recherche
dans le pays
Restrictions
concernant les
secteurs
industriels
éligibles
Super déduction
150%
Amortissement accéléré
50% pour la première année, 30% la
deuxième, 20% la troisième
Alemagne
-
≈ 30%
Néant
-
-
-
-
-
-
-
45%
remboursable
recettes brutes
inférieures à 20M$
et pas de contrôle
par des entités
exemptées
40%
non remboursable / reportable
indéfiniment
toutes les autres
entités éligibles,
sans plafonds ni
limites
Autriche
2012
25%
Crédit d'impôt
10%
Volume des dépenses de R&D
remboursable
1 M€ max / an pour
sous traitance
oui (ou dans
l'Espace
économique
européen)
non
non
Crédit d'impôt ou superdéduction
CIR : 15,5% ou superdéduction : 122,5%
Volume des investissements R&D
amortissement accéléré
3 ans
Equipements utilisés dans la R&D
Abattement pour les revenus des
brevets
80%
Revenus des brevets
Exonération de la taxe sur les salaires
75%
Impact évalué à -25% du coût salarial d'un
chercheur
Super déduction
160%
Volume des dépenses de R&D
+10% ou +20%
Si accroissement du nombre de
chercheurs exclusivement dédiés à la
recherche par rapport à l'année
précédente (jusqu'à 5% : +10%, au-delà:
+20%)
+20%
Coûts de dévelopement des brevets
Amortissement accéléré pour les
équipements destinés à la R&D
100% la 1ere année
oui
La propriété
intelectuelle
doit être
créée en
Afrique du
Sud, mais elle
n'a pas besoin
d'y être
détenue.
oui
oui, sauf si la
R&D ne peut
être
développée
en Australie
non
non
non
oui
non
ni reportable
ni remboursable
28%
(de 0% à 28%
pour les PME)
30%
33,99%
2011
Crédit d'impôt
Volume des dépenses de R&D
Volume des dépenses de R&D
abatement
taxe sur
salaires : R&D
enBelgique
CIR : non /
super-
déduction :
localisation de
la PI en
Belgique
non
Afrique du
Sud
2012
non
n/a
Belgique
2012
crédit d'impôt reportable puis
remboursable après 5 ans
non
Australie
Brésil
-
Non
34%
Super déduction renforcée
214
COUR DES COMPTES
Pays
Réforme
récente
Taux d'IS
Type d'incitation fiscale
Taux
Assiette
Reportable / Remboursable
Plafond et Limites
Localisation
de la R&D
éligible dans
le pays
Localisation
des résultats
de la
recherche
dans le pays
Restrictions
concernant les
secteurs
industriels
éligibles
Abattement immédiat
100%
reportable indéfiniment
PME:
- Etat: 35%
- provinces: jusqu'à +37,5%
remboursable pendant 3 ans,
reportable pendant 10 à 20 ans
(selon provinces)
Grandes entreprises:
- Etat: 15%
- provinces: jusqu'à +17,5%
non remboursable / reportable
pendant 10 ou 20 ans (selon
provinces)
Super déduction
150%
Volume des dépenses de R&D
Abaissement du taux d'IS pour les
entreprises certifiées nouvelles
technologies (HNTE) et technologies
avancées (TASE)
15%
IS
Exonération d'impôts pour les
transferts de technologie
-
Diverses exonérations pour les
entreprises informatiques
-
Diverses réductions fiscales possibles
pour certaines entreprises étrangères
-
Pour les PME:
Soit 50% des dépenses supérieures à la
moyenne des dépenses de R&D des trois
années précédentes, soit 25% des
dépenses de R&D
30% des dépenses correspondant aux
programmes gouvernementaux
7% pour l'achat d'une licence d'un
opérateur sud-coréen
Pour les grandes entreprises:
Soit 40% des dépenses supérieures à la
moyenne des dépenses de R&D des trois
années précédentes, soit 8% des dépenses
de R&D plus un taux additionnel de 3%
20% des dépenses correspondant aux
programmes gouvernementaux
10% pour des investissements en
équipement de R&D
Volume des dépenses d'investissement
en R&D
Abattement
100% pour les dépenses de R&D
Abattement additionnel
3% pour les dépenses de R&D,
sous certaines conditions
non
non
Les
prestataires
de services en
R&D n'ont pas
droit aux
crédits
d'impôt.
Domaines
HNTE
(2)
non
oui
La propriété
intellectuelle
doit
être détenue
en Chine pour
le statut HNTE
oui (tolérance
de 10% des
dépenses
effectuées à
l'étranger)
non
-
Certaines
limitations pour les
crédits d'impôt aux
grandes entreprises
2012
Corée
-
-
Crédit d'impôt
non remboursable
/ reportable pendant 5 ans
Chine
-
non remboursable / reportable
pendant 5 ans
Les activités HNTE
peuvent être
développées en
dehors de Chine à
hauteur de 40%
25%
Canada
(1)
Plafond à 3M$ pour
le taux à 35% pour
les PME (au-delà :
15%)
Pas de limitation
2013
(entrée
en
vigueur
progressi
ve jusqu'à
2015)
Volume des dépenses en R&D ou
accroissement par rapport aux trois
années précédentes
Volume des dépenses de R&D
11% - 24,2%
11%-31%
(selon la taille
de l'entreprise,
la propriété et la
province)
Volume des dépenses de R&D
Crédit d'impôt
ANNEXES
215
Pays
Réforme
récente
Taux d'IS
Type d'incitation fiscale
Taux
Assiette
Reportable / Remboursable
Plafond et Limites
Localisation
de la R&D
éligible dans
le pays
Localisation
des résultats
de la
recherche
dans le pays
Restrictions
concernant les
secteurs
industriels
éligibles
Croatie
-
20%
Super déduction
250% pour la recherche fondamentale
225% pour la recherche appliquée
200% pour la recherche développée
175% pour les études de faisabilité
technique
Volume des dépenses en R&D
non remboursable / reportable
pendant 5 ans en cas de pertes
Non
non
non
non
30%
Volume des dépenses en R&D
50%
Accroissement des dépenses par rapport
à la moyenne des deux années
précédentes
plus 20%
crédit d'impôt additionnel pour les
salaires des chercheurs (soit crédit de
50/70%)
10%
Volume des investissements en R&D
(sauf immobilier)
12%
Dépenses d'innovation max 1M€
Abattement pour les revenus des
brevets
50%
Recettes issues des brevets
-
Accroissement par rapport à une base
déterminée
Accroissement par rapport à la moyenne
des trois années précédentes
Super déduction
200%
Volume des dépenses de R&D
Abattement pour les brevets
50%
Volume des dépenses de R&D
en cas de création de brevets
Cession de brevets
exemption
-
200%
Volume des dépenses internes de R&D
(sauf terrains et bâtiments)
100%
Volume des autres dépenses de R&D non
concernées (sauf terrains)
125%-200% pour les commandes à des
instituts de recherche
Volume des paiments effectués
Abattement
100% pendant les 3 années avant l'activité
pour les salaires et les matériaux
employés
Volume des salaires et des matériaux
employés
Le super
abattement
de 200% est
limité à la
biotechno-
logie et aux
produits manu-
facturés.
Hongrie
-
Inde
2012
non
non
non
oui (ou dans
l'Espace
économique
européen)
non
non
oui
non
oui
non
non
non reportable
/ non remboursable
Non
non remboursable / reportable
pendant 8 ans en cas de pertes
Super abattement
10% jusqu'à
≈1,75M€,
19% au-delà
32,45%
Crédit d'impôt
2013
non remboursable
/ reportable pendant 18 ans
Plafond à 50% de
l'impôt si les
dépenses éligibles
dépassent 10% de
l'impôt.
Plafond à 25% de
l'impôt si les
dépenses éligibles
ne dépassent pas
10% de l'impôt.
Non
Espagne
2012
15% - 35%
Etats-Unis
Crédit d'impôt
20% pour le crédit d'impôt traditonnel
ou
14% pour le crédit alternatif simplifié
report en arrière (sur pertes
antérieures) pdt 1 an
/ reportable pendant 20 ans
non
30% (PME 25%)
216
COUR DES COMPTES
Pays
Réforme
récente
Taux d'IS
Type d'incitation fiscale
Taux
Assiette
Reportable / Remboursable
Plafond et Limites
Localisation
de la R&D
éligible dans
le pays
Localisation
des résultats
de la
recherche
dans le pays
Restrictions
concernant les
secteurs
industriels
éligibles
25% pour le développement des
plateformes télématiques (économie
numérique)
Volume des dépenses impliqués dans le
développement des plateformes
télématiques pour la distribution, la
vente et la location de propriété
intellectuelle
(musique, films)
non remboursable
non
35% pour l'emploi de chercheurs qualifiés
(pour au moins 3 ans, 2 pour les PME)
Volume des salaires et coûts sociaux liés
à l'emploi de ces chercheurs
non remboursable
/ non reportable
200k € par an
maximum
Déduction
100% sur l'IS régional
-
-
-
20% pour les entreprises
-
1,8 M € par an
19% pour les particuliers
-
500k € par an
25%
Accroissement par rapport à 2003 ou
volume de l'année courante si
l'entreprise n'existait pas en 2003 ou n'a
pas réalisé de dépenses de recherche sur
cette période
25%
Volume de dépenses pour la construction
d'infrastructures (35% du bâtiment utilisé
pour la R&D sur une période d'au moins 4
ans)
Abattement
100%
Volume des dépenses de R&D
-
-
Diminution du taux d'IS (programme
alternatif)
7% (puis 6% à partir de 2014) pour les
entreprises installées en zone de Priorité
A
12,5% (puis 12% à partir de 2015) pour les
autres zones
non
non
Diminution d'IS : programme
stratégique
taux d'IS de 5% en zone A et de 8% en z. B
non
embauche de 250
chercheurs
minimum
8-10% pour les grandes entreprises (pour
certaines dépenses)
Volume des dépenses de R&D
12% pour les PME (pour certaines
dépenses)
Volume des dépenses de R&D
Un taux additionnel pour les entreprises
ayant une activité R&D dynamique
Accroissement des dépenses de R&D par
rapport:
- à la moyenne des 3 années
précédentes;
- ou bien par rapport à l'année de plus
forte dépenses de R&D des deux derniers
exercices fiscaux
Abattement d'impôt
20% pour les revenus des 5 premières
années des centres de recherche
Revenus liés à l'activité pendant ces 5
premières années
-
-
oui
vérification
par Ministère
de l'Industrie
du niveau
technologique
non, mais il
peut s'agir
d'un critère
d'attribution
des
subventions
non
non
oui
oui
non
oui sauf pour
les IST
non
oui (ou dans
l'Espace
économique
européen)
non
Crédit d'impôt (NB : un nouveau
dispositif d'application générale a été
voté dans la loi dite de stabilité
228/2012 mais le décret-loi
d'application n'était pas paru au 21 juin
2013)
Crédit d'impôt
Dégrèvement fiscal pour un
investissement dans une start-up "IST"
12,5%
27,5% (Etat)
et 3,9% (région)
25%
30% - 41%
non remboursable / reportable
pendant 1 à 3 ans
Crédit d'impôt
2012
Plafond à 20% de
l'impôt payable par
l'entreprise
remboursable pendant 1 ans
(3 ans si remboursement
supérieur à l'impôt) /
reportable indéfiniment
Remboursements
plafonnés au
montant maximum
de l'IS payé pendant
les dix dernières
années. Plafond
réhaussé depuis juin
2011 pour prendre
en compte le passif
salarial de l'exercice
fiscal précédent.
Israël
-
Irlande
Italie
2013
2012
Japon
-
Volume des investissement R&D
ANNEXES
217
Pays
Réforme
récente
Taux d'IS
Type d'incitation fiscale
Taux
Assiette
Reportable / Remboursable
Plafond et Limites
Localisation
de la R&D
éligible dans
le pays
Localisation
des résultats
de la
recherche
dans le pays
Restrictions
concernant les
secteurs
industriels
éligibles
Super abattement
300% pour certaines dépenses de R&D
Volume des dépenses de R&D ou
d'acquisition de technologies de
recherche dans le cadre de l'Espace
Economique Européen et de certaines
conventions fiscales
non remboursable / dépenses
éligibles reportables
indéfiniment si l'entreprise
connaît des pertes
non
Amortissement accéléré du capital
-
Certains types d'immobilisations liées
aux activités de R&D
-
-
50% pour les dépenses internes en R&D
100% pour les fournisseurs de services en
R&D
Super déduction
200%
Dépenses autres qu'en capital liées aux
activités de R&D
-
N/A
Mexique
2010
30%
Subventions directes
-
-
-
N/A
oui
non, mais il
peut s'agir
d'un critère
d'attribution
des
subventions
non
Abattement (sous autorisation)
38% (50% pour les start-ups)
jusqu'à 200k€ et 14% au-delà
Volumes des salaires et des cotisations
sociales en R&D
-
Plafond à 14M€
Super abattement (sous autorisation)
154%
Volume des dépenses de R&D (autres
que salaires)
-
-
Abattement
5% pour 25% des revenus annuels
provenant de l'innovation
Volume du chiffre d'affaires résultant de
l'innovation
-
Plafond à 25k€ de
profit / an
Diminution du taux d'IS pour l'
«Innovation Box »
5%
-
-
non
100% pour les dépenses de
développement
Volume des dépenses de R&D
-
non
100% pour la part investie dans un fonds
d'innovation (dans la limite de 20% du
chiffre d'affaires)
Volume des contributions au fonds
d'innovation
-
Plafond à 20% du
chiffre d'affaires
Jusqu'à 50% pour l'acquisition de
nouvelles technologies
Volume des dépenses pour l'acquisition
de nouvelles technologies
-
non
Diverses exonérations en faveur de
pôles de recherche
Subventions jusqu'à 50% du montant des
dépenses; exonération d'IS jusqu'à 50%
IS
-
-
Subventions nationales et
européennes
Jusqu'à 100% des coûts de R&D
-
-
-
oui
(3)
oui (ou dans
l'Espace
économique
européen)
oui
non
non
non
non
non
La propriété
intellectuelle
doit
être détenue
par une
entreprise
lithuanienne.
non
non
non, mais il
peut s'agir
d'un critère
d'approba-
tion par le
gouverne-
ment
15%
(5% pour les
TPE)
25%
20% - 25%
19%
non remboursable / reportable
sur les années suivantes
jusqu'à utilisation complète
des crédits
-
Abattements
Déduction
Lituanie
2008
Pays-Bas
2013
Pologne
Malaisie
-
Volume des dépenses en capital
engagées dans les 10 années précédentes
pour la R&D
218
COUR DES COMPTES
Pays
Réforme
récente
Taux d'IS
Type d'incitation fiscale
Taux
Assiette
Reportable / Remboursable
Plafond et Limites
Localisation
de la R&D
éligible dans
le pays
Localisation
des résultats
de la
recherche
dans le pays
Restrictions
concernant les
secteurs
industriels
éligibles
32,50%
+10% pour les PME sous certaines
conditions
50%
Accroissement des dépenses de R&D par
rapport aux deux années précédentes
Plafond à 1,5M€ (ou
1,8M€ en cas de
dépenses pour
recruter des
doctorants)
Super déduction
200%
Volume des dépenses de R&D
non remboursable / reportable
pendant 3 ans dans la mesure
où la déduction n'excède pas
l'impôt
non
Exonération d'IS (pendant 10 ans, dans
des zones spécifiques)
-
-
-
-
Super déduction
225% pour les PME
Volume des dépenses en R&D (sauf
investissement en capital)
Non remboursable /
Reportable sur une période
illimitée / remboursable pour
PME en perte
Plafond de 7,5M€
par projet de R&D
Crédit d'impôt
10%
Volume des dépenses de R&D
remboursable
non
Super déduction
150%
Volume des dépenses de R&D dans des
secteurs prioritaires
Diminution du taux des contributions
sociales
14% pour les entreprises informatiques
Sinon, 30% jusqu'à un certain seuil, 10% au-
delà
-
Différentes exonérations pour les
entreprises participant au Skolkovo
Innovation Center
Exonération de la TVA, des taxes foncières
et taux réduit à 14% pour les contributions
sociales
-
Amortissement accéléré du capital
-
Capitaux employés en R&D
Exonération de TVA pour certaines
dépenses
-
-
non
non
non
non
non, mais il
peut s'agir
d'un critère
d'attribution
des
subventions
non
non
non
non
non
non
non
Reportable pendant 10 ans
non
2011
Russie
20%
2011
Crédit d'impôt
non remboursable
/ reportable 6 ans
-
19%
Rép.
Tchèque
Portugal
Royaume-
Uni
(4)
2013
Volume des dépenses de R&D
23%
24%
ANNEXES
219
Source : Cour des comptes à partir des données de l’OCDE et de l’enquête Deloitte.
Pays
Réforme
récente
Taux d'IS
Type d'incitation fiscale
Taux
Assiette
Reportable / Remboursable
Plafond et Limites
Localisation
de la R&D
éligible dans
le pays
Localisation
des résultats
de la
recherche
dans le pays
Restrictions
concernant les
secteurs
industriels
éligibles
déduction
100%
Volume des dépenses de R&D
+ 50% pour certaines dépenses
Volume des dépenses R&D concernées
(notamment frais de personnels et
consommables)
+ 250-300% pour certaines dépenses (dans
une limite de 400k S$)
Volume des dépenses de R&D
200% pour certaines dépenses appuyées
par le gouvernement
Volume des dépenses de R&D
concernées
déduction
100% pour les entreprises ayant plus de
500 chercheurs
Volume des dépenses de R&D
Super déduction
+150% pour les entreprises ayant plus de
500 chercheurs en cas d'augmentation des
dépenses de R&D par rapport à l'année
précédente
Accroissement des dépenses de R&D par
rapport à l'année précédente
Diminution du taux des contributions
sociales
50% pendant 5 ans
Exonération de retenus à la source
pour les salaires en R&D
80%-90%
Exonérations des droits de timbre
pour les documents liés à la R&D
-
Diverses exonérations pour les Zones
de Développement Technologique
-
Subventions (non imposables)
-
non
non
oui
non
Oui pour le
super
abattement
de 200% et le
taux
additionnel de
50%.
non
non
non remboursable / reportable
indéfiniment (sous certaines
conditions)
-
17%
Turquie
2008
Super déduction
Singapour
-
récupérable sous conditions
/ reportable indéfiniment
Plafond à 200% des
dépenses réelles
-
20%
220
COUR DES COMPTES
Annexe n° 7 : les méthodes d’estimation de la créance de la DGRI et
de la DG Trésor
I - La méthode d’estimation de la DGRI
Elle se fonde sur une estimation de la dépense intérieure de
recherche et développement des entreprises (DIRDE). Une régression sur
la période 1986-2010 permet de déterminer les évolutions de la DIRDE
en 2014 à partir des évolutions constatées et prévues du PIB en volume.
Le CIR est ensuite déduit à partir du ratio CIR/DIRDE observé sur la
période récente et en projetant une évolution linéaire de ce ratio.
Source : MESR, réponse au questionnaire juin 2012
L’estimation d’une relation entre PIB et DIRDE sur la période
1986-2010 permet d’intégrer partiellement deux effets à savoir l’impact
de la réduction de la part de l’industrie dans le PIB, notamment depuis
2003, et l’impact du CIR. L’impact du CIR est réputé accroître la
corrélation entre DIRDE et PIB, alors que l’impact de la réduction de la
part de l’industrie tend à l’amenuiser. L’équation économétrique utilisée
par la DGRI intègre implicitement ces effets.
Les résultats sont présentés au travers d’une estimation moyenne à
laquelle sont ajoutées la borne inférieure et la borne supérieure des
résultats de l’équation dans un intervalle de confiance de 95 %.
II - La méthode d’estimation de la direction générale du Trésor
Les estimations du coût du CIR sont réalisées en trois étapes :
1 - Projection de la DIRDE hors effet du CIR : cette estimation
découle de la croissance du PIB et de l’évolution du ratio DIRDE/PIB
établie à partir de la tendance observée sur longue période ;
2 - Projection de la dépense de R&D déclarée dans le cadre du
CIR : cette estimation tient compte de l’effet d’entraînement du CIR sur
les dépenses de R&D déclarées par les entreprises, celui-ci étant modélisé
par un paramètre choisi au vu des estimations disponibles dans la
littérature académique
159
et des tests effectués sur différentes valeurs de
ce paramètre (effet de levier du CIR compris entre 1 et 2) et différents
scénarios d’étalement temporel.
159
Ces travaux et leurs résultats sont analysés dans le chapitre III.
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
CIR/DIRDE
17,1% 18,3%
18,4% 18,6%
18,7%
18,9%
19,0%
ANNEXES
221
3 - Projection du taux effectif moyen de CIR pour les entreprises,
estimé à partir de sa variation historique constatée en tenant compte de
l’accès de nouvelles entreprises au CIR et des comportements
d’optimisation observés chez les plus grandes entreprises.
La DG Trésor présente ses résultats sous la forme de deux
scénarios, un scénario haut et un scénario bas.
222
COUR DES COMPTES
Annexe n° 8 : les effets des mesures d’ajustement
décidées dans la loi de finances initiale pour 2011
I - Estimations initiales des effets des ajustements de 2011
Dans sa note du 1
er
septembre 2011, la direction générale pour la
recherche et l’innovation estime la réduction de créance associée aux
ajustements de la loi de finances initiale pour 2011 à 471 M€ en 2011,
490 M€ en 2012 et 510 M€ en 2013. Les chiffrages retenus par la
direction de la législation fiscale, pour la loi de finances initiale pour
2011, correspondant à l’impact de ces évolutions sur la dépense fiscale,
sont les suivants :
II - Estimations en juin 2013 des effets des ajustements
Selon la Direction de la législation fiscale, les effets des
ajustements décidés en loi de finances initiale pour 2013 sont les
suivants :
le coût de la pérennisation du remboursement anticipé de la créance
CIR aux PME est estimé à 635 M€ en 2011, 535 M€ en 2012,
440 M€ en 2013 et est nul en régime de croisière à compter de 2014.
le gain résultant de la modification du calcul forfaitaire des frais de
fonctionnement pris en compte dans l’assiette du CIR est estimé à
400 M€.
le gain de la réduction des taux majorés de CIR applicables les deux
premières années est estimé à 100 M€ en régime de croisière.
le gain résultant de l’exclusion des dépenses exposées par les
entreprises auprès de tiers au titre de prestations de conseil pour
l’octroi du CIR n’est pas chiffré.
ANNEXES
223
Annexe n° 9 : détails des calculs entrant dans
l’élaboration de simulations de créance du CIR
En vue d’effectuer une simulation de convergence de déclaration
au CIR de toute la dépense de R&D interne et externe (DIRD+DERD)
estimée à partir de l’enquête R&D, les agrégats suivants ont
spécifiquement
été
calculés
par
la
sous-direction
des
systèmes
d’information et études statistiques (SIES) de la DGRI pour l’exercice
2010 :
1.
Une dépense de rémunération ne concernant que les « chercheurs et
techniciens de recherche » ; les concepts CIR et R&D sont assez
proches pour que l’estimation du nombre de chercheurs et
techniciens de recherche de l’enquête soit utilisable. Il faut toutefois
estimer la part des rémunérations qu’ils représentent (information
non disponible dans l’enquête) : D
rémunération
= 14,90 Md
La dépense intérieure équivalente éligible au CIR est calculée en
rajoutant le forfait des frais de fonctionnement, soit 50 % de
D
rémunération
.
La dépense intérieure éligible au CIR serait ainsi en première
approche de 22,35 Md€.
Elle intègre tous les travaux de R&D exécutés sur le territoire
national, ce montant ne peut donc pas être ajouté aux dépenses de
sous-traitance réalisée par des entreprises en France. C’est une
valeur maximale de la dépense intérieure éligible au CIR prenant en
compte les seules dépenses de rémunérations et de fonctionnement.
2.
L’estimation de la dépense de recherche externalisée se fait par étape
à partir des données collectées dans l’enquête R&D :
a.
une dépense extérieure vers les entreprises du groupe
(France+étranger) et plafonnée à 2 M€ pour chaque entité
(2,1 Md€ plafonné à 0,5 Md€);
b.
une dépense extérieure vers des entités sans lien plafonnée à
10 M€ pour chaque entité (plafonné à 2,4 Md€), obtenue à
partir de :
i.
une dépense extérieure vers des entreprises sans lien, en
France ou à l’étranger, totale (4,6 Md€) ;
ii.
une dépense extérieure vers le public totale multipliée par
2 (0,5 Md€ x 2) ;
La dépense extérieure équivalente éligible au CIR et plafonnée
s’obtient donc en sommant ces agrégats (a et b). Elle s’élève à 2,96 Md€.
224
COUR DES COMPTES
Dépenses éligibles au CIR en 2010, estimées à partir de
l’enquête R&D (étapes 1 et 2)
Sources : MESR- Sies
La simulation de créance du CIR en cas de convergence de
déclaration entre le CIR et l’enquête R&D, sur la base de ces
approximations doit se faire en formulant des hypothèses sur la manière
de traiter la sous-traitance :
Hypothèse basse
: la sous-traitance en France est déclarée par les
donneurs d’ordre. On retire de la dépense interne éligible, l'équivalent de
la DERD vers les entreprises sur le territoire plafonnée. Toute la sous-
traitance estimée est ajoutée.
Hypothèse haute
: la sous-traitance en France est déclarée par les
sous-traitants comme une dépense intérieure. On garde toute la dépense
interne éligible estimée, on n’ajoute que les sous-traitances vers le public
ou l’étranger.
Simulations de créance CIR 2010, en cas de convergence de
déclaration avec l’enquête R&D (étapes 1 et 2)
Source : MESR-Sies, calculs Cour des comptes
Dans le cas d’une convergence de déclarations entre le dispositif
fiscal et l’enquête R&D pour l’année 2010, il y aurait entre 21,7 Md€ et
23,6 Md€ de dépenses déclarées au lieu de 18,2 Md€. La créance, si la
2010 SD
En milliards d’euros
Dépenses
internes
éligibles
Dépenses
externalisées vers
des entités EN
LIEN plafonnées
Dépenses
externalisées vers
des entités SANS
LIEN plafonnées
Total
22,4
2,4
0,5
dont entreprises ayant des dépenses éligibles
au CIR* < 100M€
14,5
2,2
0,5
entreprises ayant des dépenses éligibles
au CIR* > 100M€
7,8
0,2
0,0
(*) les dépenses éligibles au CIR ne sont pas un concept de l’enquête R&D. Un retraitement spécifique des données individuelles de
chaque entreprise explicité supra permet de construire cet indicateur approximé.
A partir des données 2010 SD
En milliards d’euros
Dépenses
éligibles au
CIR*
Créance de
convergence à
l’enquête estimée
à structure de
déclaration
constante
Créance de
convergence à
l’enquête estimée
sous hypothèse que
tout est déclaré sous le
seuil des 100M€
Hypothèse basse :
toute
la sous-traitance en
France est déclarée par les donneurs d’ordre
21,71
5,1
6,5
Hypothèse haute :
la sous-traitance en France
est déclarée par les sous-traitants comme une
dépense intérieure
23,62
5,8
7,1
(*) Les dépenses éligibles au CIR ne sont pas un concept de l’enquête R&D. Un retraitement spécifique des données
individuelles de chaque entreprise explicité supra permet de construire cet indicateur approximé.
ANNEXES
225
structure de déclarations au dispositif fiscal reste conforme à celles des
déclarations statistiques, s’inscrirait entre 5,1 et 5,8 Md€
160
.
Si on se place dans le cas d’une adaptation des déclarations fiscales
pour inscrire les dépenses en dessous du seuil des 100 M€, La créance
s’inscrirait alors dans la fourchette allant de 6,5 à 7,1 Md€.
L’exercice
suivant
consiste
à
projeter
cette
créance
« de
convergence » vers l’atteinte entière ou partielle de la cible fixée par
Europe 2020 (2 % du PIB consacrés aux dépenses des R&D des
entreprises). Pour ce faire le raisonnement se fera en « instantané », c'est-
à-dire à partir du PIB 2010, exprimé en euros 2010, pour plus de facilité
de comparaison avec la créance actuelle constatée.
En 2010, le PIB est estimé à 1 937,261 Md€, une DIRDE
atteignant la cible des 2% du PIB s’élèverait donc à 38,7 Md€.
Sources : MESR-Sies, calculs Cour des comptes
En 2010, le PIB est estimé à 1 937,261 Md€, une DIRDE
atteignant la cible des 1,6 % du PIB s’élèverait donc à 31,0 Md€.
160
La créance réelle en 2010 est de 5,05 Md€ du fait du positionnement mixte de la
déclaration de la sous-traitance (une part est déclarée par les donneurs d’ordre, l’autre
par les exécutants eux-mêmes).
Total
entreprises ayant des
dépenses éligibles au
CIR* < 100M€
entreprises ayant des
dépenses
éligibles
au
CIR* < 100M€
DIRDE cible 2%
38,7
22,7
16,0
Créance de
convergence à cible 2%
8,8
7,0
1,7
DIRDE cible 2%
38,7
27,4
11,3
Créance de
convergence à cible 2%
9,7
8,5
1,2
-estimations sous l’hypothèse que
tout est déclaré sous le seuil des
100M€-
Créance de
convergence à cible 2%
12,0
12,0
0,0
A partir des données 2010 SD
en milliards d'euros
-estimations à partir du PIB 2010,
sous hypothèse d’un rattrapage
homogène par toutes les entreprises -
-estimations à partir du PIB 2010,
sous hypothèse d’un rattrapage par
des entreprises ayant moins de
100M€ de dépenses éligibles au CIR-
226
COUR DES COMPTES
À partir des données 2010 SD
En milliards d’euros
Total
entreprises
ayant des
dépenses
éligibles au
CIR*
< 100M€
entreprises
ayant des
dépenses
éligibles au
CIR*
> 100M€
Estimations à partir du PIB 2010, sous
hypothèse d’un rattrapage homogène
par toutes les entreprises
DIRDE cible 1,6%
31,0
18,2
12,8
Créance de
convergence à
cible 1,6%
7,0
5,6
1,4
Estimations à partir du PIB 2010, sous
hypothèse d’un rattrapage par des
entreprises ayant moins de 100M€ de
dépenses éligibles au CIR
DIRDE cible 1,6%
31,0
19,6
11,3
Créance de
convergence à
cible 1,6%
7,3
6,1
1,2
Estimations sous l’hypothèse que
tout est déclaré sous le seuil des
100M€-
Créance de
convergence à
cible 1,6%
9,6
9,6
0,0
Source : MESR-Sies, calculs Cour des comptes
3.
Les dépenses éligibles au CIR dépassent néanmoins le seul cadre des
dépenses de rémunération, de fonctionnement et externalisées
présentes dans la DIRDE.
Pour avoir un périmètre comparable à celui du CIR en 2011, il faut
en effet prendre en compte les six paramètres suivants, dont une
estimation a été calculée à partir des données 2010, pour un coût de
950 M€ :
-
les dotations aux amortissements déclarées dans le cadre du CIR ainsi
que les frais de fonctionnement associés (75 %)
(+465 M€) ;
-
les doublements prévus pour les dépenses de personnel des jeunes
docteurs et les frais de fonctionnement associés (200 %)
(+40 M€)
;
-
les dépenses liées à la prise, la maintenance, la défense des brevets et
certificats d’obtentions végétales, avec les amortissements liés ainsi
que les dépenses de normalisation et de veille technologique qui
rentrent dans le cadre de l’assiette du CIR
(+167 M€) ;
-
le rattachement du crédit impôt collection au CIR
(+76 M€) ;
-
l’introduction du crédit impôt innovation
(+300 M€) ;
-
l’abaissement des taux de CIR
(-100 M€).
Il n’a pas été simulé d’évolution pour ces paramètres, ce qui
constitue une hypothèse conservatrice dont l’effet ne peut être que de
minorer quelque peu les résultats obtenus
161
.
161
L’évolution du crédit d’impôt collection est indépendante de celle du CIR, celle
des dépenses de brevets, normalisation et veille technologique n’a pas nécessairement
vocation à évoluer comme le ratio DIRDE/PIB. En revanche, les dépenses de jeunes
docteurs et d’amortissement devraient évoluer avec ce ratio mais dans des proportions
qui ne peuvent être qu’estimées et qui n’ont donc pas été prises en compte.
ANNEXES
227
Sur ces bases, en cas de convergence des dépenses déclarées au
CIR et à l’enquête DIRDE, la créance de CIR (en euros 2010) s’établirait
entre une fourchette basse de 6,1 Md€ et une fourchette haute de 8 Md€ si
les entreprises déclaraient au CIR l’équivalent de ce qu’elles déclarent
dans le cadre de l’enquête DIRDE avec une hypothèse médiane à 7 Md€.
S’agissant de la créance de CIR en cas de remontée du taux de
DIRDE sur PIB, celle-ci s’établirait entre 9,7 et 13 Md€
2010
au cas où
l’objectif d’un taux de DIRDE sur PIB de 2% serait atteint, avec une
valeur médiane qui peut être estimée à 11 Md€
2010
.
Simulations de créance CIR 2010, en cas d’atteinte de l’objectif de
2 % de DIRDE/PIB (étapes 1, 2 et 3)
Source : Cour des comptes
Même au cas où l’objectif des 2 % ne serait pas pleinement rempli
et où le ratio DIRD sur PIB se stabiliserait à 2,6 % avec pour hypothèse
un taux de DIRD des administrations sur PIB de 1 %, le coût du dispositif
se situerait entre une hypothèse basse de 8,0 Md€
2010
et une hypothèse
haute de 10,6 Md€
2010
, avec une hypothèse médiane à 9 Md€
2010
.
Total
DIRDE cible 2%
38,7
Créance de
convergence à cible 2%
9,7
DIRDE cible 2%
38,7
Créance de
convergence à cible 2%
10,7
-estimations sous l’hypothèse que
tout est déclaré sous le seuil des
100M€-
Créance de
convergence à cible 2%
13,0
A partir des données 2010 SD
en milliards d'euros
-estimations à partir du PIB 2010,
sous hypothèse d’un rattrapage
homogène par toutes les entreprises -
-estimations à partir du PIB 2010,
sous hypothèse d’un rattrapage par
des entreprises ayant moins de
100M€ de dépenses éligibles au CIR-
228
COUR DES COMPTES
Simulations de créance CIR 2010, au cas où le ratio DIRDE/PIB
serait limité à 1,6 % (étapes 1, 2 et 3)
Source : Cour des comptes
Total
DIRDE cible 1,6 %
31,0
Créance de
convergence à cible 1,6%
8,0
DIRDE cible 1,6 %
31,0
Créance de
convergence à cible 1,6%
8,3
-estimations sous l’hypothèse que
tout est déclaré sous le seuil des
100M€-
Créance de
convergence à cible 1,6%
10,6
A partir des données 2010 SD
en milliards d'euros
-estimations à partir du PIB 2010,
sous hypothèse d’un rattrapage
homogène par toutes les entreprises -
-estimations à partir du PIB 2010,
sous hypothèse d’un rattrapage par
des entreprises ayant moins de
100M€ de dépenses éligibles au CIR-
ANNEXES
229
Annexe n° 10 : base de données des déclarations 2069A
pour demande de crédit d’impôt en faveur de la
recherche (GECIR)
Depuis 1994, GECIR est la base de gestion du CIR. Pour chaque
entreprise, GECIR archive à la fois l’historique des déclarations et
l’historique des procédures.
La base GECIR incorpore en permanence de nouvelles données.
Les informations relatives à la gestion n’ont pas d’incidence sur les
données portant sur les dépenses déclarées ou le montant du CIR
archivées dans la base. En revanche, le calendrier de réception des
déclarations amène régulièrement à actualiser la base.
1.
Le calendrier de mise à jour de la base de données
Les personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés
déposent la déclaration CIR avec le relevé de solde de l’impôt. Pour les
entreprises dont l’exercice court sur l’année civile n, le solde de
liquidation a lieu jusqu’au 15 avril n+1. Près de 90 % des déclarants CIR
sont dans cette situation. Le solde de liquidation des autres déclarants
s’échelonne du 15 mai n+1 au 15 mars n+2. Les entreprises assujetties à
l’impôt sur le revenu doivent, elles, déposer la déclaration CIR en même
temps que la déclaration annuelle de résultats, avant une date fixée
chaque année par décret, au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le
1er mai.
Depuis 2008, les entreprises peuvent solliciter la restitution du
CIR, en déposant la déclaration prévue à cet effet, en dehors du délai
prévu à l’article 49 septies M, mais dans le délai de réclamation. Le dépôt
de la déclaration spéciale vaut demande de remboursement et s’analyse
dès lors comme une réclamation contentieuse. Des entreprises sont donc
susceptibles d’envoyer une déclaration CIR jusqu’en n+3.
Par ailleurs, certaines entreprises omettent d’envoyer le double de
leur déclaration au MESR comme la loi le prévoit. Le MESR est ainsi
amené à organiser des recoupements avec les services fiscaux, soit de
façon systématique en amont soit à l’occasion de contrôles, afin de
compléter la base.
Au total, le calendrier d’actualisation des chiffres du CIR s’étale
sur trois ans. Pour le CIR de l’année n :
-
prévision en octobre n+1 ;
-
données provisoires en mai n+2 ;
-
données semi-définitives en mai n+3 ;
-
données définitives en décembre n+3.
230
COUR DES COMPTES
2.
Qualité des données de la base GECIR
La qualité des données de la base dépend de plusieurs paramètres.
a.
Pas de prise en charge des rectifications
Le MESR n’a généralement pas connaissance des rectifications
faisant suite à un contrôle fiscal, même dans les cas où il a émis un avis.
La base GECIR est formée des déclarations fiscales initiales des
entreprises.
b.
Saisie manuelle et
a posteriori
du Cerfa
Les entreprises envoient des déclarations fiscales papier qui sont
saisies par une entreprise de saisie. Les entreprises font assez souvent des
erreurs dans leur déclaration. Ces erreurs peuvent être repérées par
certains contrôles automatiques, mais si le montant total du CIR est assez
sûr, le montant de certaines lignes peut avoir été décalé par exemple. La
saisie elle-même donne lieu à des erreurs. La qualité de la base s’est
améliorée avec le temps de ce point de vue : ajout de contrôles, recours à
des professionnels de la saisie.
c.
Exhaustivité des déclarations
Les entreprises doivent envoyer le double de leur déclaration au
MESR, mais un certain nombre d’entre elles ne le font pas. Le MESR a
mis en place avec la collaboration de la DGE une procédure de
vérification systématique pour les groupes par recoupement avec la
déclaration de la société mère. Pour les autres entreprises, le repérage
comme la déconcentration des services fiscaux ne permettent pas ce suivi.
Des déclarations manquantes sont récupérées et saisies au moment des
contrôles. Les cas semblent être devenus plus nombreux et le MESR a
entrepris l’organisation d’une meilleure remontée des informations de la
part des DRRT pour mieux quantifier le phénomène.
ANNEXES
231
Annexe n° 11 : analyses statistiques complémentaires
1 -
La distribution géographique des entreprises demandant le
CIR : entre la répartition des entreprises de R&D et celle des
intégrantes fiscales
La distribution géographique des entreprises déclarantes au CIR
correspond très globalement à celle des dépenses déclarées et, plus
généralement, à celle des dépenses de R&D des entreprises : forte
prédominance de la région Ile-de-France, suivie par les régions Rhône-
Alpes et Midi-Pyrénées, émiettement sur tout le reste du territoire. En
2010, toutes les régions enregistrent des déclarants. Cette évolution est le
fait de l’accroissement du nombre de déclarants et de la petite taille des
nouveaux déclarants.
La répartition des déclarants ne coïncide pas exactement avec celle
des montants déclarés au CIR, du fait des différences de taille des
entreprises selon les régions. Par ailleurs des décalages assez marquants
peuvent être notés entre les montants déclarés au CIR et les données
statistiques (DIRDE) : c’est le cas notamment des régions Ile-de-France
ou Lorraine (surreprésentation des dépenses déclarées au CIR par rapport
à la DIRDE), et de Rhône-Alpes ou Midi-Pyrénées (sous-représentation
des dépenses déclarées au CIR par rapport à la DIRDE). Ces écarts
correspondent pour partie aux dépenses déclarées par les maisons mères
des groupes et non par les centres locaux de R&D.
Répartition géographique des entreprises déclarantes et des
dépenses déclarées au CIR, en regard des dépenses de R&D connues
par enquête statistique (DIRDE)
0
10
20
30
40
50
60
Outre mer
Limousin
Basse-Normandie
Champagne-Ardenne
Haute-Normandie
Auvergne
Picardie
Franche-Comté
Poitou-Charentes
Lorraine
Bourgogne
Languedoc-Roussillon
Centre
Alsace
Aquitaine
Nord-Pas-de-Calais
Midi-Pyrénées
Bretagne
PACA+Corse
Pays de la loire
Rhône-Alpes
Ile-de-France
DIRDE
(2010)
dépenses déclarées CIR (2010)
déclarants CIR (2010)
en pourcentage (%)
Sources : MESR, Chiffres CIR 2010 et Sies, Enq R&D
232
COUR DES COMPTES
2 -
Distribution des dépenses de R&D déclarées au CIR
Distribution des dépenses de R&D déclarées au CIR
inférieures à 500 000 €, en 2011
3 -
Distribution sectorielle
L’utilisation de l’activité principale (APE) de l’entreprise pose le
problème d’une surreprésentation artificielle des secteurs « activités des
sociétés de holdings » et « recherche et développement » pour deux
raisons distinctes : la première du fait des déclarations des intégrantes (on
connait l’APE de la société holding et non celle des entreprises
consommant la recherche), la seconde du fait du caractère générique de
l’activité « recherche et développement » qui masque des travaux
effectués au profit des secteurs industriels.
Le MESR réalise chaque année un reclassement de ces deux
secteurs pour offrir une meilleure lisibilité des activités économiques
réalisant des dépenses de R&D (troisième colonne du tableau ci-
dessus)
162
. Ce travail est réalisé à partir des données de l’enquête R&D.
Ainsi les entreprises de gestion des
holdings
n’apparaissent plus qu’à
hauteur de 0,4 % (initialement 4,7%) et les entreprises de R&D à hauteur
de 0,2% (initialement 12,1%).
162
Elle réaffecte aussi le secteur des sociétés mères qui ne déclarent pas de dépenses
éligibles au CIR dans les secteurs des filiales déclarantes.
0
100
200
300
400
500
600
700
800
<10.000
10000
20000
30000
40000
50000
60000
70000
80000
90000
100000
110000
120000
130000
140000
150000
160000
170000
180000
190000
200000
210000
220000
230000
240000
250000
260000
270000
280000
290000
300000
310000
320000
330000
340000
350000
360000
370000
380000
390000
400000
410000
420000
430000
440000
450000
460000
470000
480000
490000
F
R
E
Q
U
E
N
C
E
par tranche de 10 000 euros
Sources : MESR GECIR 2011, retraitements Cour des Comptes
Lecture : Plus de 630 entreprises déclarent des dépenses de R&D comprises entre 10 000€ et 20 000 €
ANNEXES
233
4 -
Les postes de dépenses déclarées au CIR
Le tableau ci-après fournit le détail des dépenses qui constituent
l’assiette du CIR pour les années 2007, 2009, 2010 et 2011. Il reprend les
principales lignes de dépenses éligibles et tient compte des modalités de
calcul de l’assiette du CIR, comme pour les frais de fonctionnement ou le
doublement des dépenses de jeunes docteurs.
Que ce soit en 2007 ou en 2011, les dépenses de R&D engagées en
interne par l’entreprise représentent plus de 90 % de ce qu’est
in fine
l’assiette des dépenses éligibles au CIR
163
(94 % en 2007, 91 % en 2011).
163
En définitive l’assiette des dépenses éligibles est nette des subventions reçues par
l’entreprise pour ses travaux de R&D.
valeur
%
Agriculture, sylviculture et pêche
150
1%
Industries extractives
12
0%
Fab, denrées alimentaires, boissons et pdts à base de tabac
334
1%
Fab, textiles, industries habillement, cuir et chaussure
113
0%
Travail du bois, industries du papier et imprimerie
65
0%
Cokéfaction et raffinage
n.d.
-
Industrie chimique
834
3%
Industrie pharmaceutique
831
3%
Fab, de pdts en caoutchouc et en plastique
704
2%
Fab, d'autres pdts minéraux non métalliques
183
1%
Métallurgie
244
1%
Fab, pdts métalliques, sf machines & équipements
660
2%
Composants, cartes électroniq, ordinateurs, équipts périphériq,
923
3%
Fab, d'équipements de communication
792
3%
Fab, instrum, & appar, de mesure, essai & navigation, horlogerie
1 340
5%
Fab, équipts d'irradiation médic, électromédic, & électrothérapeut,
134
0%
Fab, d'équipts électriques
648
2%
Fab, de machines et équipts non compris ailleurs
995
3%
Industrie automobile
1 912
7%
Construction navale, ferroviaire et militaire
265
1%
Construction aéronautique et spatiale
2 658
9%
Autres industries manufacturières non comprises ailleurs
295
1%
Prod, & distrib, électricité, gaz, vapeur & air conditionné
500
2%
Prod, & distrib, eau assainisst, gestion déchets & dépollution
42
0%
Construction
129
0%
Industrie
14 763
51%
Transports et entreposage
48
0%
Édition, audiovisuel et diffusion
793
3%
Télécommunications
n.d.
-
Activités informatiques et services d'information
1 621
6%
Activités spécialisées, scientifiques et techniques
8 628
30%
Activités financières et d'assurance
262
1%
Autres activités
1 945
7%
dont réparation et installation de machines et d'équipements
269
1%
dont commerce de gros
1 338
5%
dont commerce de détail
63
0%
Services
13 297
46%
Ensemble
28 766
100%
Source : MESR- SIES Pôle recherche
Répartition de la DIRDE par secteur d'activité principale des
entreprises déclarantes (en M€)
DIRDE 2011 SD
234
COUR DES COMPTES
Dépenses de R&D déclarées au CIR par secteur d’activité
Les quatre cinquièmes des dépenses déclarées correspondent aux
dépenses de rémunération des chercheurs et techniciens de recherche,
ainsi qu’aux dépenses de fonctionnement établies forfaitairement
164
pour
couvrir
les
dépenses
relatives
aux
consommables,
aux
frais
d’infrastructures et de logistique ou au personnel de soutien. Les dépenses
de rémunération « environnées » s’élèvent en 2011 à 15 Md€. En valeur,
ces deux postes ont connu entre 2007 et 2011 une croissance de 14 %.
Les autres dépenses engagées en interne par les entreprises, hors
dépenses de rémunération « environnées », s’élèvent en 2011 à 1,7 Md€.
Certaines se sont beaucoup accrues sur la période (dépenses jeunes
docteurs +250 %, veille technologique +330 %, prise et maintenance de
brevets +40 %), alors que d’autres ont connu une croissance bien
164
Égal à 75 % des dépenses de personnels + 200% des dépenses de jeunes de
docteurs jusqu’en 2010 ; 50 % des dépenses de personnels + 200% des dépenses de
jeunes de docteurs + 75 % des dotations aux amortissements à partir de 2011.
en milliards d'euros courants
2007
2009
2010
2011
Dépenses de R&D engagées en propre
Dotations aux amortissements
0,9
0,8
1,0
1,0
Dotations aux amortissements d'immo. sinistrées
0,01
Personnel chercheurs et techniciens
7,5
8,0
8,5
9,3
Rém et justes prix au profit des salariés
0,051
0,021
Dépenses de jeunes docteurs
0,036
0,08
0,10
0,13
Dépenses de fonctionnement
5,6
6,0
6,5
5,5
Prise et maintenance de brevets et de COV
0,3
0,4
0,4
0,5
Dépenses de défense de brevet et de COV
0,1
0,1
0,1
0,1
Dotations aux amortissements de brevets et de COV
0,022
0,021
0,025
0,022
Dépenses liées à la normalisation
0,008
0,006
0,006
0,007
Primes et cotisations
(<60 000€)
0,0003
0,0006
0,0003
Veille technologique
(<60 000€)
0,023
0,1
0,1
0,1
Sous total des dépenses engagées en propre
14,5
15,5
16,8
16,7
Dépenses de sous-traitance de R&D
sous-traitance confiée à des entreprises ou organismes avec un lien de
dépendance (avant plafond)
0,2
1,8
1,8
1,8
sous-traitance confiée à des entreprises ou organismes sans lien de
dépendance (avant plafond)
1,3
1,8
2,2
2,5
Sous total de la sous-traitance plafonné
1,2
1,7
2,0
2,4
Dépenses de collection exposées par les entreprises industrielles du
secteur textile habillement cuir brutes*
0,27
0,37
0,37
0,30
Dépenses de R&D : montant net total (R&D + THC)
15,4
17,0
18,2
18,4
(*) avant prise en compte des subventions, remboursements de subventions, et plafond
Sources : MESR, GECIR - retraitements Cour des Comptes
ANNEXES
235
inférieure à l’ensemble (dépenses de normalisation stationnaires ;
dotation aux amortissements qui augmentent de 6 %).
5 -
La sous-traitance
La recherche externalisée représente une part croissante de
l’assiette finale des dépenses éligibles au CIR
165
(8 % en 2007, 10 % en
2009, 11 % en 2010) et atteint 13 % en 2011. Les dépenses de recherche
sous-traitées sont plafonnées dans l’assiette du CIR
166
. Pour autant ce
poste de dépense a été multiplié par deux, passant de 1,2 Md€ en 2007 à
près de 2,4 Md€ en 2011.
Les dépenses déclarées de sous-traitance avec lien de dépendance
(avant plafond) ont connu une forte croissance, passant de 0,2 Md€ en
2007 à 1,8 Md€ en 2011. Le plafonnement qui leur est appliqué les
maintient néanmoins à 0,3 Md€ sur la période. En 2011, seule une
entreprise sur dix déclarant une sous-traitance avec lien subit le
plafonnement des 2 M€. Ces déclarations plafonnées représentent près de
la moitié de l’assiette retenue des dépenses de sous-traitance avec lien
éligibles au CIR.
Ce sont les dépenses sous-traitées vers des entreprises ou
organismes sans lien de dépendance qui contribuent le plus à l’évolution
de l’assiette des dépenses de sous-traitance retenue. Elles sont passées de
1,3 Md€ en 2007 à 2,5 Md€ en 2011 (près de +90 % en quatre ans) et
subissent globalement peu le plafond des 10 M€ (0,4 Md€ en 2011). Le
plafonnement ne concerne que 1 % des entreprises, mais du fait de la
concentration des déclarations, il réduit de près de moitié ce poste de leur
déclaration.
165
En définitive l’assiette des dépenses éligibles est nette des subventions reçues par
l’entreprise pour ses travaux de R&D et tient compte des plafonds pour la sous-
traitance.
166
En 2011, les dépenses de sous-traitance confiées à des organismes publics ou
privés agréés avec un lien de dépendance sont limitées à 2 M€ ; les dépenses de sous-
traitance confiées à des organismes publics ou privés agréés sans lien de dépendance
sont limitées à 10 M€ sous condition de rester dans la limite de trois fois le montant
total des autres dépenses de recherche éligibles.
236
COUR DES COMPTES
Les dépenses retenues dans l’assiette
167
correspondent en 2011 à
un peu plus de la moitié des déclarations initiales. Ces dépenses de sous-
traitance sont en effet soumises à trois plafonds : un plafond de 2 M€
pour les entités ayant un lien de dépendance
168
avec le donneur d’ordre,
un plafond 10 M€ si les entités n’ont pas de lien de dépendance, porté à
12 M€ si des travaux sont confiés à des institutions publiques de
recherche sans lien de dépendance, auquel s’ajoute, pour la sous-traitance
vers des entreprises, la condition de rester dans la limite de trois fois le
montant total des autres dépenses de recherche éligibles.
Le tableau ci-dessous distingue les dépenses externalisées auprès
d’entités présentant un lien de dépendance (partie supérieure) de celles
qui sont confiées à des entités indépendantes (partie inférieure).
La déclaration de dépenses de sous-traitance au CIR 2011
La distribution de ces deux types de dépenses est très différente.
Les travaux confiés à des entités ayant des liens de dépendance le sont
généralement à des filiales privées des entreprises, très majoritairement
localisées en France (55 %), mais aussi à l’étranger (40 %)
169
. Le bilan
2010 du CIR indique que «
dans ce dernier cas, il s’agit majoritairement
de filiales de groupes français implantées dans l’Espace économique
européen. Dans une minorité de cas, il s’agit à l’inverse de filiales
étrangères en France qui sous-traitent une partie de leurs dépenses de
R&D à des parties de leur groupe situées soit dans le pays d’origine, soit
167
avant prise en compte des subventions
168
Des liens de dépendance existent entre deux entités lorsque l’une détient
directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou y
exerce le pouvoir de décision, ou lorsqu’elles sont placées sous le contrôle d’une
même tierce entreprise.
169
Les 5% restants correspondent aux 98 M€ de sous-traitance à destination d’entités
publiques en France ou à l’étranger (haut de tableau).
en millions d'euros
2011
sous traitance : organismes publics en France avec lien
96
sous traitance :organismes publics à l'étranger* avec lien
2
sous traitance : organismes privés en France avec lien
986
sous traitance :organismes privés à l'étranger* avec lien
719
Total des sous-traitances vers des entités en lien
1 803
Total des sous-traitances vers des entités en lien PLAFONNE
(a)
300
sous traitance :organismes publics en France sans lien
792
sous traitance :organismes publics à l'étranger* sans lien
77
sous traitance :organismes privés en France sans lien
1 412
sous traitance :organismes privés à l'étranger* sans lien
237
Total des sous traitance vers des entités sans lien
(b)
2 518
Total des sous-traitance avant dernier plafonnement
(a) + (b)
2 818
Montant total des sous-traitance retenu PLAFONNE
2 374
(*) espace européen hors France
Sources : MESR, GECIR - retraitements Cour des Comptes
ANNEXES
237
ailleurs au sein de l’Espace économique européen
». Les travaux confiés
à des entités n’ayant pas de lien de dépendance avec l’entreprise le sont à
près de 88 % à des entités situées en France, privées ou publiques. Il est
ainsi assez rare qu’une entreprise déclare des dépenses externalisées à
l’étranger si elle n’a pas de lien de dépendance avec le sous-traitant.
6 -
Le crédit d’impôt collection
Le crédit d’impôt collection ne porte pas sur la R&D mais sur
l’activité de stylisme. Ses bénéficiaires sont des entreprises industrielles
des secteurs du cuir, du textile et de l’habillement qui élaborent de
nouvelles collections. Il y a un millier d’entreprises qui déposent une
demande de crédit d’impôt collection en 2011, soit presque le double du
nombre de déclarants en 2007. Le montant des dépenses de collection
exposées par les entreprises industrielles du secteur « textile-habillement
et cuir » a augmenté après 2007, mais après avoir été assez stationnaire
entre 2009 et 2010, il décroit en 2011. Ces dépenses s’élèvent, avant prise
en compte des subventions et plafond, à 300 M€ en 2011, dont moins des
deux tiers en moyenne seront retenus dans le calcul de la créance. La
créance afférente à ces dépenses est d’environ 50 M€ en 2011, alors
qu’elle devait être de l’ordre de 30 M€ en 2007.
7 -
Une créance fiscale en augmentation
Ratio de la créance sur les dépenses de R&D déclarées au CIR
par taille d’entreprises déclarantes
2007
2011
2007
2011
moins de 10 salariés
33%
33%
10 à 49 salariés
30%
31%
50 à 99 salariés
30%
30%
100 à 249 salariés
30%
30%
moins de 250 salariés
19%
31%
21%
31%
250 à 499 salariés
14%
31%
15%
30%
500 à 1 999 salariés
30%
30%
2 000 à 4 999 salariés
30%
30%
5 000 et plus
6%
20%
11%
30%
30%
31%
TOTAL
12%
28%
18%
31%
Source : MESR bilans du CIR et GECIR - retraitements Cour des Comptes
(*) au sens fiscal
Ne sont ventilées par taille que les entreprises pour lesquelles la taille de l'entreprise est
renseignée dans GECIR
Toutes entreprises
Entreprises
indépendantes
fiscalement
13%
15%
238
COUR DES COMPTES
Montant moyen de la créance CIR par entreprise, par taille
d’entreprises déclarantes
8 -
Décomposition du PIB par la production
Le PIB est égal à la somme des valeurs ajoutées brutes des
différents secteurs institutionnels ou des différentes branches d'activité,
augmentée des impôts moins les subventions sur les produits (lesquels ne
sont pas affectés aux secteurs et aux branches d'activité) ;
PIB = Somme des Valeurs Ajoutées + TVA + Droits et Taxes sur
les importations-subventions sur les produits
La décomposition de l’intensité en R&D des entreprises ci-dessous
fait apparaître l’intensité en R&D sectorielle.
La contribution de chaque secteur à l’intensité en R&D des
entreprises est égale au produit de l’intensité en R&D de ce secteur par sa
part dans la valeur ajoutée.
en euros
2007
2011
2007
2011
moins de 10 salariés
58 000
52 000
10 à 49 salariés
121 000
126 000
50 à 99 salariés
187 000
222 000
100 à 249 salariés
302 000
352 000
moins de 250 salariés
92 000
128 000
88 000
116 000
250 à 499 salariés
354 000
582 000
433 000
650 000
500 à 1 999 salariés
1 581 000
1 395 000
2 000 à 4 999 salariés
3 692 000
2 937 000
5 000 et plus
4 930 000
11 412 000
503 000
4 261 000
TOTAL
191 000
294 000
112 000
151 000
Source : MESR, GECIR - retraitements Cour des Comptes
Ne sont ventilées par taille que les entreprises pour lesquelles la taille de l'entreprise est
renseignée dans GECIR
1 055 000
668 000
Toutes entreprises
Entreprises
indépendantes
fiscalement
ANNEXES
239
Annexe n° 12 : les études économiques sur l’impact du
CIR (éléments complémentaires)
I - Le problème de l’établissement du contrefactuel dans les études
ex-post
Le contrefactuel, qui permet aux études
ex post
de mesurer les
effets d’une politique sans modèle théorique sous-jacent, peut être obtenu
au travers de groupes test et de groupes témoins, suivis avant et après la
mise en oeuvre de la mesure (méthode de la double différence), appariés
les uns aux autres pour permettre des comparaisons fines (méthode de
l’appariement), ou étudiés de part et d’autre de certains seuils (méthode
de la régression sur la discontinuité).
D’après INSEE « Le D3E et l’évaluation des politiques publiques », Didier
Blanchet et Pauline Givord
II - Tableau récapitulatif des recensions des résultats économétriques
sur l’efficacité des dispositifs de type CIR
D’après « A policy to boost R&D : Does the R&D tax credit work ? », par
D. Ientile et J. Mairesse
Cet article de décembre 2009 propose une synthèse des différents
articles économétriques publiés à travers le monde sur l’efficacité des
crédits d’impôt en matière de recherche. Le tableau récapitulatif des
résultats obtenus dans ces études en termes de dépenses de R&D
supplémentaires par euro de crédit d’impôt (reproduit en annexe) fait
apparaître trois points principaux. Premièrement, douze articles sur vingt-
neuf, dont le plus récent, présentent des hausses de la dépense des
entreprises inférieures à un, ce qui signifie qu’il y a effet de substitution.
Deuxièmement, les assiettes en accroissement génèrent de meilleurs
impacts que les assiettes en volume. Ainsi, la comparaison à
méthodologie constante
170
des effets des crédits d’impôt canadien et
américain fait apparaître un effet de levier de 2,96 en moyenne aux États-
Unis (assiette en accroissement), contre 1,3 au Canada (assiette en
volume). L’article signale enfin certains biais potentiels d’une aide fiscale
à la R&D, celle-ci ayant un effet sur l’activité marginale de R&D et
pouvant donc entraîner une baisse de sa productivité moyenne, ou, plus
simplement, financer des opérations aux potentialités réduites.
170
Klassen et al. dans « A Cross-National Comparison of R&D Expenditure
Decisions : Tax Incentives and Financial Constraints ».
240
COUR DES COMPTES
Auteurs
Année de
publication
Dépense
supplémentaire
pour un euro
de CIR
Année
étudiée
Pays
McFetridge et Warda
1983
0,6
1972
Canada
Mansfield et Switzer
1985
0,39
1982
Canada
Mansfield
1985
0,34
1982
Suède
Bernstein
1986
1,28
1985
Canada
Mansfield
1986
0,45
1982
États-Unis
General Accounting
Office
1989
0,26
1983
États-Unis
Cordes
1989
0,64
1983
États-Unis
Baily et Lawrence
1992
1,3
1985
États-Unis
Tillinger
1991
0,25
1983
États-Unis
Hall
1993
2
1986
États-Unis
Hines
1993
1,55
1987
États-Unis
"Bureau of Ind. Eco."
1993
0,8
1988
Australie
Berger
1993
1,74
1984
États-Unis
McCutchen
1993
0,32
1984
États-Unis
Shah
1994
1,8
1973
Canada
Mamuneas et Nadiri
1996
0,95
1978
États-Unis
Lebeau
1996
0,98
1985
Canada
Abt Associates
1996
1,38
1994
Canada
Dagenais et al.
1997
0,98
1984
Canada
Bloom et al.
1997
0,54
1991
Australie
Bloom et al.
1997
0,28
1991
Canada
Bloom et al.
1997
0,18
1991
France
Bloom et al.
1997
0,82
1991
États-Unis
Van den Hove et al.
1998
1,2
1995
Pays-Bas
Brouwer et al.
2002
1,02
1997
Pays-Bas
Poot et al.
2003
1,02
1997
Pays-Bas
Klassen et al.
2004
1,3
1994
Canada
Klassen et al.
2004
2,96
1994
États-Unis
Mairesse et Mulkay
2004
2,8
1989
France
Cornet et Vroomen
2005
0,65
2001
Pays-Bas
Duguet
2007
2,17
1999
France
Haegeland et Møen
2007
2,1
2002
Norvège
Lokhsin et Mohnen
2009
0,9
2000
Pays-Bas
L’« année étudiée » correspond à la médiane des années de la période
étudiée ; lorsque les articles déterminent non pas un chiffre exact mais une
fourchette, les auteurs ont retenu la moyenne des deux extrêmes. Certains
articles, portant sur différents pays, apparaissent plusieurs fois dans le
tableau.
Source : D. Ientile et J. Mairesse
« A policy to boost R&D : Does the R&D
tax credit work ? », 2009, traduit par la Cour des Comptes
ANNEXES
241
III – Présentation des travaux portant sur la période précédant la
réforme de 2007
a)
« Une évaluation du crédit d’impôt recherche en France, 1980-
1997 » par J. Mairesse et B. Mulkay
Cet article, publié en 2004 dans la série des documents de travail
du centre de recherche en économie et statistique (CREST) de l’INSEE,
conclut que le crédit d’impôt recherche a «
un effet incitatif important
».
Retraitant des données sur un panel d’entreprises sur la période 1983-
1997, il met en évidence un effet de levier entre 2 € et 3,6 € pour 1 € de
CIR dépensé. Ce résultat très positif correspond à une période où le crédit
était uniquement en accroissement, les auteurs relevant d’ailleurs que
«
l’effet multiplicateur est plus important lorsque le crédit d’impôt est
marginal, ce qui est le cas aux États-Unis et en France, plutôt que basé
sur les dépenses totales de R&D comme dans beaucoup d’autres pays
. »
Les deux auteurs ont publié en 2008 un article « Financing R&D
Through Tax Credit in France » étendant leur période d’étude jusqu’à
2003. Ils y font apparaître un effet de levier de 1 € à court terme, et de
2,6 € à long terme, plus limité que dans l’étude précédente. Il s’agit à
nouveau de résultats concernant un crédit d’impôt en accroissement.
b)
« L’effet du crédit d’impôt recherche sur le financement privé de la
recherche : une évaluation économétrique » par E. Duguet
Publiée en mai 2008 au centre d’étude des politiques économiques
de l’Université d’Evry, l’étude d’E. Duguet poursuit des recherches dans
le cadre d’une commande du ministère de l’enseignement supérieur et de
la recherche dont il a rendu compte dans son rapport 2006 sur le CIR.
Alors que l’article de J. Mairesse et B. Mulkay se fonde sur une
méthodologie consistant à créer un modèle économique de comportement
des entreprises en termes de dépenses de R&D, cette étude s’appuie sur
un échantillon réel d’entreprises et compare le comportement des
entreprises bénéficiant du CIR et celles qui n’en bénéficient pas. L’article
conclut au minimum à un effet d’addition sans éviction à court terme,
sans avancer de chiffre s’agissant d’un effet certainement supérieur à long
terme. Ces résultats correspondent à la période 1993-2003, où le crédit
d’impôt était calculé uniquement en accroissement.
E. Duguet a poursuivi ses travaux et publié en mai 2012 une
nouvelle étude
171
. Elle reprend la méthodologie utilisée en 2008 et porte
171
« L’effet du CIR en accroissement sur le financement privé de la R&D : une
évaluation économétrique sur données individuelles d’entreprises françaises », REP.
242
COUR DES COMPTES
sur la période 1993-2003 à partir de données fiscales réelles (des éléments
détaillés sont fournis en annexe). Sur cette base, l’auteur conclut qu’un
euro de CIR produit légèrement plus qu’un euro de R&D (effet de 1,08)
et que le CIR est toujours associé avec la croissance du nombre de
chercheurs dans une entreprise. Il souligne que ses résultats ne sauraient
être appliqués à un autre dispositif que celui du CIR en accroissement.
IV – Eléments détaillés sur l’évaluation de l’impact du crédit d’impôt
recherche de B. Mulkay et J. Mairesse
Sources
Trois sources ont été utilisées : la base de gestion du CIR du
MESR, l’enquête sur la R&D des entreprises réalisée par le MESR, et
l’enquête annuelle d’entreprises (EAE) pour les données comptables des
entreprises, menée par différents organismes de la statistique publique.
Leur croisement a permis de construire un panel de 3 995 entreprises sur
la période 1978-2007. Seules les entreprises présentes pendant cinq
années consécutives dans l’échantillon ont été conservées.
Méthodologie
L’évaluation de l’impact du CIR procède en trois temps : 1 – calcul
du coût de la R&D pour les entreprises, y compris impôt sur les sociétés,
crédit d’impôt recherche et subventions, 2 – estimation de l’effet du coût
de la R&D sur le capital de R&D optimal pour l’entreprise, 3 – sur la
base de ces deux premières estimations, une simulation du comportement
des entreprises avec et sans la réforme du CIR de 2008 est menée.
Résultats
« En 2008, le CIR a réduit en moyenne le coût de la R&D de plus
de 47 %. La baisse du coût de la R&D due au CIR est ainsi de 30 % plus
élevée qu’avant la réforme de 2008. (…) L’élasticité-prix du capital
R&D, estimée sur l’ensemble de l’échantillon est de 0,4. Autrement dit,
une baisse du coût de la R&D de 10 % implique une hausse du capital
R&D optimal pour l’entreprise de 4 %. Cela entraîne alors une
augmentation des dépenses de R&D des entreprises qui converge vers un
niveau supérieur de 4 %. (…) Sur la base de ces estimations, l’étude
simule le comportement d’un échantillon d’entreprises avec et sans la
réforme 2008. La différence entre ces deux trajectoires permet alors
d’évaluer l’effet de la réforme du CIR de 2008. Le capital de R&D
s’accroît globalement à long terme de 20 % du fait de la réforme. (…)
Même en ne prenant qu’un échantillon constant d’entreprises, sans
entrées, ni sorties, l’effet global sur la R&D dépasse après 5 ans
l’augmentation de la dépense fiscale du CIR. » (extraits du résumé).
ANNEXES
243
Le multiplicateur implicite de l’augmentation du CIR ressort à 0,28
en 2008, puis progresse pour atteindre 1,06 en 2011 et se situer en
moyenne annuelle 2012-2015 à 1,31.
Limites
Le résumé se conclut ainsi : « Bien que ces résultats semblent
assez réalistes, ils doivent être considérés avec précaution du fait de
l’imprécision des effets estimés. De même, la méthode d’évaluation ne
peut pas prendre en compte l’effet du CIR sur les nombreuses entreprises
qui sont venues au CIR suite à la réforme de 2008. » De même, la
présentation du résultat de l’effet de levier à 1,31 est suivie du
commentaire suivant : « il convient de prendre ces premiers résultats avec
beaucoup de précaution, au regard notamment de l’incertitude et de
l’imprécision
des
estimations
sur
lesquelles
sont
fondées
nos
simulations. »
V – Eléments détaillés sur l’étude d’Emmanuel Duguet de 2012
Pour chaque année, un échantillon compris entre 1 133 et 1 645
entreprises est constitué, parmi lesquelles environ 20 % ont bénéficié soit
du CIR, soit d’une subvention, et 7 % des deux.
La première étape de l’étude consiste à analyser la probabilité pour
une entreprise de bénéficier du CIR. Une approche préliminaire peut être
réalisée en comparant de manière statistique les échantillons. Une
première comparaison « statique » (les taux de croissance du financement
privé par rapport au dispositif dont l’entreprise bénéficie) montre
logiquement que les entreprises qui reçoivent le CIR sont également
celles qui ont le taux de croissance de leur financement de R&D le plus
élevé. Le taux de croissance est inférieur pour les entreprises qui
reçoivent des subventions et le crédit d’impôt. Une comparaison
« dynamique », c’est-à-dire prenant en compte les entrées et les sorties du
dispositif de CIR, met cependant en avant le fait que les entreprises qui
intègrent le mécanisme de crédit d’impôt en faveur de la recherche
maintiennent par la suite un taux de croissance important (souvent
supérieur à 10 %).
Cette approche préliminaire n’en est pas moins limitée, comme le
remarque E. Duguet lui-même. En effet, les données du financement
privé de la R&D sont soumises à des biais de sélection. Pour les
neutraliser, il convient de comparer des entreprises qui ont bénéficié du
CIR avec des entreprises qui ont également connu une croissance de leur
taux de financement de la R&D mais qui n’ont pas fait de demande de
crédit d’impôt. Grâce notamment à la méthode statistique dite de
« Rubin », E. Duguet démontre que la probabilité de bénéficier du CIR
augmente avec le ratio dépenses de R&D/chiffre d’affaires et diminue
244
COUR DES COMPTES
quand l’entreprise reçoit des subventions directes. Ces informations
permettent de corriger les biais de sélection et ainsi d’évaluer l’effet du
CIR par accroissement sur le financement privé de la recherche.
VI – Eléments complémentaires sur la lettre Trésor-Eco n° 50
L’effet de l’impact de l’augmentation des dépenses de R&D des
entreprises sur le PIB est estimé important grâce à un multiplicateur fiscal
élevé, lié à l’augmentation du stock de connaissance et de technologie qui
découle de la croissance des dépenses de R&D et de l’amélioration de la
productivité qui s’ensuit.
Ces effets sont estimés en intégrant à une fonction Cobb-Douglas
l’évolution du stock de R&D auquel a été ajouté un facteur
β
d’élasticité
du PIB à ce stock. L’évaluation du stock de R&D est réalisée avec un
retard (D) compris entre 3 et 5 ans au niveau macroéconomique pour tenir
compte de la corrélation différée entre dépenses de R&D et valeur
ajoutée. Le facteur déterminant est toutefois
β
, l’estimation de l’élasticité
entre le taux de croissance du PIB et celui des dépenses de R&D. Du fait
de la complexité des interactions, celui-ci varie entre 0,06 et 0,2. La
valeur retenue par la DGTPE est de 0,075. Cette estimation basse est
fondée sur le fait que les travaux économétriques ont indiqué des limites
quant à l’impact d’une augmentation de R&D dans un seul pays et non
dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne.
ANNEXES
245
Extraits de la note Trésor-Eco
«
Les résultats de l’évaluation économétrique
172
indiquent que le
surcroît d’aide versée devrait s’ajouter (et non se substituer) à court terme
(sur deux ans) à la dépense privée de recherche, soit un effet d’entraînement
d’un peu plus de 1 € de dépenses de R&D supplémentaires par € de CIR.
Sous cette hypothèse, l’augmentation des dépenses de R&D des entreprises a
été estimée à 0,13 point de PIB à moyen terme, ce qui porterait la DIRD à
2,26 % (dès 2013) contre 2,13 % en 2005. Certaines études suggèrent par
ailleurs l’existence d’un effet de levier du CIR sur la dépense privée de R&D
plus important à horizon plus lointain
173
. L’impact de la réforme serait alors
qu’à moyen terme (à l’horizon de cinq ans) 1 € supplémentaire de CIR
engendre 2 € supplémentaires de R&D (dont 1 € financé par les entreprises).
La hausse de l’intensité de R&D pourrait dans ce cas être plus importante,
soit +0,33 point de PIB à horizon de 2018, pour aboutir à une intensité de
2,46 %
174
. »
VII – Eléments complémentaires sur la notation du comité
d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales
Le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des
niches sociales présidé par M. Henri Guillaume (juin 2011) a passé en
revue 538 mesures dérogatoires fiscales et sociales représentant près de
104 Md€ et les a classés en quatre catégories (scores allant de 0 à 3). Le
CIR obtient la note de 3, apparaissant ainsi comme une mesure efficiente
selon la typologie retenue par le comité.
Le schéma de qualification est le suivant : 1 – si l’objectif principal
direct poursuivi n’est pas atteint ou si l’effet principal recherché n’est pas
atteint, la mesure est jugée inefficace (score 0) ; 2 – si ces deux conditions
sont réunies, l’évaluation porte sur quatre questions (la mesure est-elle
correctement ciblée ? Le coût de la mesure est-il raisonnable au regard de
son efficacité ? L’outil fiscal/social en lui-même est-il efficient ? La
172
Étude réalisée par E. Duguet (université d’Evry) pour le ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche.
173
Mulkay et Mairesse (2004) trouvent un effet d’entraînement plus substantiel à long
terme : 1 € de CIR engendrant entre 3 et 4,6 € de R&D supplémentaire, dont 2 à 3,6
supplémentaires financés par les entreprises. « Une évaluation du crédit d’impôt
recherche en France (1980-1997) »,
Revue d’économie politique, n° 124 (6).
174
L’effet est donc deux fois plus important que sous l’hypothèse précédente
d’addition pure, ce qui s’explique par un phénomène cumulatif : un surcroît de CIR
entraîne une hausse de la R&D les années suivantes, qui induit une hausse
supplémentaire du CIR (en raison des règles de calcul) et donc à nouveau de la R&D
par effet d’entraînement.
246
COUR DES COMPTES
mesure est-elle plus adaptée qu’une dépense budgétaire ou qu’une mesure
non financière ?) ; si les quatre réponses sont positives, la mesure est
jugée efficiente (score 3) ; si une ou plusieurs réponses sont négatives, la
mesure est jugée non efficiente (scores 1 ou 2).
Ainsi, sur les 60 Md€ de dépenses fiscales évaluées, le CIR se situe
dans les 9,3 Md€ de dépenses obtenant la note maximale, les autres
obtenant un score 0 pour 11,8 Md€ ou un score 1 ou 2 pour 40 Md€. La
dépense fiscale prise en compte au titre du CIR est de 2,1 Md€ en 2011,
soit celle qui figurait dans le PAP 2011
175
.
Ces estimations ont été réalisées avant que ne soit disponible la
nouvelle étude de J. Mairesse et B. Mulkay, qui aboutit à un effet de
levier inférieur à 1 jusqu’en 2010 et légèrement supérieur par la suite.
Bien que ces résultats n’aient pas été connus, le comité d’évaluation s’est
montré prudent dans l’estimation de l’effet de levier du CIR, retenant non
pas le scénario d’un effet de levier de 2 mis en avant dans la note Trésor-
Eco mais celui d’un effet de levier de 1.
Sur cette base, il estime que le CIR pourrait engendrer d’ici 15 ans
une hausse du PIB de 0,3 point, ayant pour effet à cette échéance de
relever le PIB d’au moins deux euros pour un euro de dépense fiscale
176
.
175
Le comité d’évaluation avait bien entendu, par ailleurs, connaissance du rapport de
l’inspection générale des finances de l’année précédente (il sera annexé au rapport du
comité d’évaluation) qui donnait des fourchettes de coût pour le CIR nettement plus
élevées. Le traitement de l’ensemble des dépenses fiscales et des niches sociales dans
le rapport de la mission imposait toutefois d’avoir recours à un choix méthodologique
simple et uniforme pour le chiffrage du coût des mesures évaluées. Dans ce cadre, ont
été retenues les estimations qui allaient figurer dans le PAP 2011.
176
Selon le rapport du comité.
ANNEXES
247
Extrait du Rapport
« L’ensemble des études économétriques menées sur données
françaises ou étrangères concluent qu’un euro de CIR se traduit par un
supplément de dépense privée d’au moins un euro. Autrement dit, une
entreprise percevant un CIR de 30 000 € est réputée, toute chose égale par
ailleurs, élever son budget de R&D de 30 000 € par rapport à ce qu’elle aurait
dépensé sans le CIR. Cela signifie que les entreprises emploient bien l’aide
fiscale reçue pour abonder leur budget de R&D, conformément à l’objectif
poursuivi. Certaines études, notamment françaises, mettent en évidence un
effet moyen terme supérieur, de l’ordre de 2 à 3 (un euro de dépense fiscale
relève le niveau de la dépense privée de 2 à 3 euros au bout de plusieurs
années). /En prenant l’hypothèse conservatoire d’un effet purement additif
(un euro de dépense fiscale entraîne un euro de dépense privée),
la réforme
du CIR pourrait engendrer d’ici à 15 ans une hausse du PIB de 0,3
points.
Pour un euro de dépense fiscale, le PIB serait ainsi relevé d’au moins
deux euros au bout de 15 ans. Cette projection ne peut pas encore être
confirmée empiriquement par une étude économétrique sur données
françaises postérieures à la réforme de 2008. Ce n’est qu’en 2013 qu’une
telle étude sera possible pour la période 2008-2010». (p. 69)
VIII - Y’a-t-il un problème d’insertion des titulaires de doctorat dans
les centres de R&D des entreprises ? (
Lettre Trésor-Eco n° 94, nov.
2011
)
Considérant la question de l’insertion des titulaires de doctorats
dans les centres de R&D des entreprises, la direction générale du Trésor y
fait état d’un chômage des jeunes docteurs relativement plus élevé en
France que dans les autres pays de l’OCDE, et tendanciellement plus
élevé en France que celui d’autres catégories de diplômés, tels que les
ingénieurs. Pour ces raisons, la Lettre Trésor-Eco s’interroge alors sur
l’existence d’un éventuel biais de sélection à l’égard des docteurs.
Ces analyses rappellent d’abord que les docteurs sont peu présents
dans la R&D privée en France. En 2007, par exemple, 22% des docteurs
en recherche étaient dans le privé, alors que 41% d’entre eux travaillaient
dans le public. Cette part des chercheurs dans le privé se situe toutefois
globalement dans la moyenne internationale : ce taux est sensiblement le
même en Allemagne et au Japon. Aussi, la faible présence des docteurs
dans les laboratoires privés n’est pas une spécificité française.
Les études réalisées à partir d’un modèle économétrique ont
conduit la direction générale du Trésor à estimer que le problème de
l’insertion des docteurs ne dépendait pas d’une question de coût ou de
productivité. En effet, à ancienneté égale, on ne constate que peu d’écarts
dans les niveaux de rémunération entre docteurs et ingénieurs, et les
248
COUR DES COMPTES
études économétriques ne permettent pas d’appuyer l’hypothèse d’une
productivité des docteurs qui serait inférieure à celle des ingénieurs.
Aussi, la Lettre Trésor-Eco conclut qu’
« il n’y a donc pas de biais de
sélection à l’encontre des docteurs »
: la demande des entreprises à
l’égard des docteurs n’est pas sous-optimale.
La conclusion de cette étude est que les difficultés d’insertion des
docteurs ne sont pas à rapporter à des biais de sélection des entreprises.
Elle met en revanche en avant des potentiels problèmes à la fois
d’orientations des étudiants et de communication avec les entreprises au
niveau des écoles doctorales. Selon cette étude, le problème de l’insertion
des docteurs dépendrait plutôt d’une relative inadéquation de l’offre de
formations doctorales qui serait susceptible d’empêcher la valorisation du
capital humain, dans un contexte où les besoins en chercheurs devraient
sensiblement augmenter dans les spécialités scientifiques qui, pour
l’heure, connaissent une désaffection problématique.
IX - Étude sur la participation aux pôles de compétitivité et leur
incidence sur les dépenses de R&D et l’activité des PME et ETI
(C.
Bellégo,V. Dortet-Bernadet)
Dans cette étude publiée par l’INSEE en avril 2013, les auteurs
s’interrogent sur les effets liés à la politique des pôles de compétitivité
lancée en 2004, en s’intéressant notamment à l’évolution des dépenses de
R&D des entreprises ayant participé à ce programme. Ce dispositif avait
pour but de développer des réseaux comprenant des entreprises et des
organismes de recherche et de formation. En participant aux pôles,
certaines entreprises ont pu obtenir des subventions pour financer des
projets collaboratifs de R&D. Pour des questions méthodologiques,
l’enquête n’étudie que des PME et des ETI. L’évaluation est réalisée en
appariant des entreprises des pôles à des entreprises semblables restées
hors du dispositif.
Les résultats indiquent que, suite à leur participation aux pôles de
compétitivité, ces PME et ces ETI auraient augmenté leurs dépenses de
R&D. L’analyse tend à montrer qu’il n’y aurait pas eu d’effet d’aubaine
et que les financements reçus dans le cadre de la politique des pôles ne
viendraient pas financer une dépense en R&D qui aurait été réalisée sans
eux. L’étude fait observer qu’il n’y a pas eu d’augmentation de la
rémunération du personnel en charge de la R&D : l’effet des pôles de
compétitivité sur la rémunération par salarié est quasiment nul et non
significatif. En revanche, outre une augmentation des investissements,
l’analyse économétrique souligne que le nombre d’emplois consacrés à la
R&D aurait progressé de façon significative. La comparaison des
entreprises les plus dynamiques en emplois dans les pôles aux entreprises
ANNEXES
249
les plus dynamiques en emplois hors des pôles fait ressortir une évolution
de l’emploi plus favorable dans les pôles.
S’il n’y pas eu d’effet d’aubaine, il n’apparaît pas non plus qu’il y
ait eu d’effet d’entraînement sur les dépenses en R&D des entreprises
entrées dans les pôles. Les dépenses privées financées en propre par les
entreprises n’auraient pas augmenté de manière significative. En effet, la
hausse des dépenses de R&D semble presque entièrement financée par
une hausse des aides publiques directes accordées aux entreprises du
champ et par une hausse du montant de crédit d’impôt recherche reçu. En
moyenne une entreprise entrée dans les pôles aurait réalisé chaque année
76 000 € de R&D de plus qu’une entreprise restée au dehors. Pour
financer cette R&D elle aurait reçu 30 000 € en plus sous forme d’aides
directes, 32 000 € de CIR et 2 400 € d’aides européennes.
Les effets des pôles peuvent être divers : augmentation de la
dépense de R&D et du nombre d’innovations, hausse du chiffre d’affaires
des entreprises bénéficiaires, effet sur l’emploi et sur la productivité
globale de l’économie. Les effets mesurés sur le chiffre d’affaires et sur le
nombre de dépôts de brevets ne sont pas significatifs à court terme.
250
COUR DES COMPTES
Annexe n° 13 : un cas d’optimisation fiscale impliquant
R&D et propriété intellectuelle
Le schéma en page suivante décrit un montage présenté par
l’OCDE en 2013, à partir des travaux du comité de la fiscalité de la
Chambre des représentants du Congrès américain (
Present law and
background related to income shifting and transfer pricing
, Joint
Committee on Taxation, US House Committee on Ways and means, July
2010).
La société A, établie dans le pays A (un pays de l’OCDE, par
exemple), est la société-mère d’un groupe d’entreprises, qui exerce ses
activités au niveau mondial. Le groupe investit dans des activités de
R&D, qui sont menées par la société-mère, la société A. Auparavant, la
société A détenait tous les éléments de propriété intellectuelle résultant de
ses activités de recherche et développement.
Les dirigeants de la société A ont décidé de créer une filiale
intégralement détenue, la société B sise dans le pays B (un « paradis
fiscal », sans IS), et de lui confier la propriété intellectuelle et la
responsabilité de la fabrication et de la vente des produit en dehors du
pays A. La société A a conservé les droits de propriété des actifs
incorporels liés à la fabrication et la vente des produits dans le pays A et a
continué à mener des activités de recherche et développement pour le
compte du groupe.
Parallèlement à la création de la société B, le groupe a constitué
deux autres filiales étrangères, chacune intégralement détenue par la
société B, qui a un rôle double : premièrement, elle sert de société
holding
pour les droits de propriété intellectuelle du groupe en dehors du pays A,
deuxièmement, elle sert de société
holding
pour les participations au
capital de la société C et de la société D. La première, la société C, a été
constituée dans le pays C et sert de société principale responsable de la
fabrication et de la vente des produits du groupe en dehors du pays A. La
deuxième, la société D, est une entité de fabrication chargée de la
production de produits du groupe en dehors du pays A (dans un pays à
bas coûts de production, par exemple)
Le transfert de la propriété intellectuelle de la société A à la société
B est imposable dans le pays A. Souvent, sans que cela soit pour autant
systématique, dans les structures de ce type, le transfert a lieu en vertu
d’un accord de répartition des coûts (ARC). Aux termes de l’ARC, la
société C est tenue de verser à la société A un paiement d’entrée au titre
de la propriété intellectuelle préexistante. En dépit du fait que la société C
lui rembourse une fraction en pourcentage de ses coûts de recherche et
développement, la société A a droit dans le pays A à un crédit d’impôt de
ANNEXES
251
R&D calculé sur le montant total des dépenses qu’elle engage à ce titre (y
compris donc la fraction remboursée par la société B).
Les redevances versées à la société B par la société C ne sont pas
imposées, puisque les bénéfices des entreprises ne sont pas imposés dans
le pays B. Les redevances sont exonérées de toute retenue à la source à
leur paiement, et exonérées de toute imposition sur les bénéfices à leur
réception.
Sur la période étudiée, le taux global de taxation de la structure est
de 16%. Alors que 50% du chiffre d’affaires est localisé dans le pays A,
seuls 2% du chiffre d’affaires taxable est attribué aux opérations dans le
pays A. La société mère établie dans le pays A est en perte sur la période
examinée.
Schéma : un cas d’optimisation fiscale impliquant R&D et
propriété intellectuelle
Source : OCDE
252
COUR DES COMPTES
Annexe n° 14 : la déduction des frais de conseil pour le
calcul du CIR
Depuis la LFI 2011 (loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010), sont
déductibles de la base de calcul du CIR les prestations réalisées par des
cabinets d'avocats, d'experts-comptables, ou de conseils spécialisés en
recherche ou innovation, et
visant
l’obtention du CIR.
Fixées
proportionnellement au montant du CIR, les rémunérations des
consultants doivent être déduites de l’assiette du CIR.
Les montants des rémunérations forfaitaires doivent également
l’être, dès lors qu’ils excèdent le plus élevé des deux montants suivants :
5 % du total des dépenses de recherche éligibles minoré des subventions
publiques reçues à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt,
ou 15 000 € hors taxes. La déduction au CIR de ses dépenses n’est pas
réalisée dans l’année de leur exécution mais au titre de l’exercice suivant.
Exemple :
L’entreprise X est conseillée durant les années N-1 et N
par un cabinet spécialisé en recherche, qui a estimé les dépenses
éligibles au CIR pour ces deux années à respectivement 400 000€
et 480 000€.
Suivant les recommandations du cabinet de conseil
spécialisé en recherche, l’entreprise a établi une déclaration de CIR
pour l'année N-1 d'un montant de 400 000€ x 30 % = 120 000 €,
qu’elle a déposé en N avec le relevé de solde de l'IS. Elle a
demandé le remboursement immédiat de la créance de CIR
correspondante non imputée sur l'impôt sur les sociétés dû auprès
des services fiscaux et l'a obtenu. Fixée proportionnellement à
25 % du montant du CIR, les honoraires du cabinet de conseil
payés en N sont donc de 120 000€ x 25 % = 30 000€. Ils doivent
être entièrement déduits de l’assiette du CIR au titre de l’année N,
qui devient : 480 000€ - 30 000€ = 450 000€.
En revanche, l’entreprise X ne doit pas déduire de la base
de calcul du CIR le montant de 18 000€ H.T. de prestations
réalisées par un cabinet d’avocat en N, pour une demande de
rescrit auprès de l'administration fiscale. En effet, ce montant, bien
que supérieur à 15 000€, est néanmoins inférieur à 450 000 € x 5%
= 22 500€.
ANNEXES
253
Annexe n° 15 : éléments complémentaires sur le rescrit
et le contrôle à la demande
1. Le recours aux experts lors des rescrits CIR prévus par les
dispositions de l’article L. 80 B-3 du L.P.F
L’entreprise
dépose
sa
demande
de
rescrit
auprès
de
l’administration fiscale qui instruit le dossier. Si la demande de rescrit
porte sur l’éligibilité des opérations de recherche de l’entreprise au CIR,
les services fiscaux saisissent le MESR, l’ANR ou Oséo. Les experts
désignés par le MESR, l’ANR ou Oséo vont alors interroger l’entreprise
sur le projet de recherche objet du rescrit afin de savoir si ce dernier est
éligible aux dispositions de l’article 49 Septies F de l’annexe III du
CGI
177
.
Une fois l’expertise réalisée, l’administration est tenue de répondre
à la société dans un délai maximum de trois mois. Dans le cas contraire,
l’avis est réputé favorable à l’entreprise et il sera opposable à
l’administration fiscale lors d’un contrôle éventuel. L’avis doit être
motivé en cas de rejet.
2. La procédure de second examen en matière de rescrit CIR.
L’entreprise peut faire appel de la décision de l’administration
dans un délai de deux mois, décompté à partir de la date de réception de
la réponse de l’administration à sa demande initiale. Ce second examen
de la demande doit être présenté dans les mêmes termes sans invoquer
d’éléments nouveaux.
Un collège territorial ou national composé de 6 membres aura à
connaître de la demande de rescrit du contribuable déposé en vertu de
l’article L. 80 B-3 du LPF. Le nombre d’appels est à ce jour très faible.
Par dérogation aux dispositions de l’article R*80 CB-3, lorsque
l’entreprise a déposé une demande de rescrit en application des
dispositions de l’article l. 80B-3 bis, la demande de second examen sera
faite par un collège uniquement national. Il est composé de quatre
membres de la direction générale pour la recherche et l’innovation. À ce
jour, les appels sont quasi-inexistants.
177
BOI-BIC-RICI-10-10-10-20
254
COUR DES COMPTES
3. Le contrôle sur demande
À compter du 1
er
janvier 2008, la procédure du contrôle sur
demande a été ouverte à toutes les entreprises au titre du CIR
178
. Cette
procédure est ouverte sur demande écrite émanant de l’entreprise.
Au cours du contrôle, l’agent prend position sur les sujets sur
lesquels l’administration a été sollicitée. Si le contrôle ne révèle aucune
erreur, les conclusions du vérificateur sont consignées sur le compte
rendu confirmant la position retenue par le contribuable. En revanche, en
cas d’erreur, trois scénarios peuvent se produire :
- si les insuffisances constatées entraînent des impositions
supplémentaires, l’administration fiscale propose à l’entreprise qu’elle
régularise sa situation par le dépôt d’une déclaration complémentaire et le
paiement d’un intérêt de retard au taux réduit ; au cas où l’entreprise ne
procède pas à la régularisation, les insuffisances constatées font l’objet
d’une procédure de rectification ;
- si les rectifications ne se traduisent pas par des impositions
supplémentaires, l’agent notifie au contribuable l’annulation ou la
réduction du CIR dans le cadre d’une proposition de rectification et
indique le cas échéant le montant du crédit d’impôt restant reportable ;
- si le contrôle révèle des anomalies, l’entreprise peut être amenée
à restituer une créance CIR indûment perçue. L’entreprise en sera tenue
informée dans le cadre d’une procédure de rectification contradictoire.
La procédure de contrôle sur demande est restée confidentielle. La
direction des grandes entreprises a procédé à trois contrôles à la demande
entre 2008 et 2011. Aucun contrôle n’a été réalisé en 2012. Les contrôles
menés de 2008 à 2011 se sont achevés par des remises en cause partielles
de CIR (pour un montant total de 31 640 €). Instrument de sécurité
juridique mis à disposition des entreprises par la réforme de 2008, le
contrôle sur demande n’a pas rencontré l’adhésion des entreprises.
178
Cette procédure est prévue à l’article L. 13 CA du livre des procédures fiscales.
Les modalités de prise en compte du CIR sont précisées dans le bulletin officiel des
impôts n° 63 du 26 juin 2009.
ANNEXES
255
Annexe n° 16 : étapes du traitement d’une demande de
restitution de CIR par les services fiscaux à compter de
2013
Source : DGFiP/ Note GF2A et CF1 du 08/03/2013
256
COUR DES COMPTES
Annexe n° 17 : démarche générale d’identification des
activités de R&D et d’éligibilité au CIR
Source : Guide du Crédit d’Impôt recherche 2013 – MESR
ANNEXES
257
Annexe n° 18 : la complexité de la déclaration de la
sous-traitance en 2011
258
COUR DES COMPTES
Annexe n° 19 : éléments complémentaires sur la
procédure de contrôle fiscal en matière de CIR
L’article L.45B du livre des procédures fiscales dispose que « la
réalité de l’affectation à la recherche des dépenses prise en compte pour
la détermination du crédit d’impôt défini à l’article 244 quater B du Code
général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de
l’administration des impôts qui demeure seule compétente pour
l’application des procédures de rectifications, être vérifiée par les agents
du ministère chargé de la Recherche et de la Technologie. ».
La saisine du MESR par l'administration se fait par courrier. Le
MESR adresse ensuite une demande d'information à l'entreprise qui
dispose d'un mois pour répondre, période pendant laquelle le MESR
mandate un expert qui examinera le dossier justificatif fourni par
l'entreprise. L’expert est désigné soit par les services centraux de la DGRI
soit par un délégué régional à la recherche et à la technologie (DRRT). Il
peut s’agir aussi d’un agent mandaté par la DRRT.
L’article R45 B-1 du L.P.F. indique les modalités d’intervention de
l’expert. L’expert examine le dossier qui lui est présenté par l’entreprise.
Il lui revient en effet de vérifier si le dossier remis par l’entreprise permet
de montrer que l’activité qu’elle présente au titre du CIR est bien une
activité de R&D (cf schéma de l’annexe précédente).
Le travail de l’expert suppose une appréciation technique sur des
domaines qui couvrent à la fois la recherche fondamentale, la recherche
appliquée et le développement expérimental, tous trois constitutifs
d’activités de R&D. Il est rendu encore plus complexe par le fait que le
contrôle fiscal intervient souvent plusieurs années après le début du projet
et suppose de se mettre en situation de porter un jugement sur l’état de
l’art, c’est-à-dire des connaissances disponibles, à cette date et non à celle
à laquelle intervient le contrôle.
Les effectifs affectés par le MESR à la gestion du CIR sont de 15
emplois en centrale et d’environ 15 ETP dans les DRRT. Le MESR
s’appuie par ailleurs sur un vivier de 450 experts. Pour les procédures
CIR mais aussi jeunes entreprises innovantes, le MESR gère une base
nationale recensant les experts qui interviennent pour l’administration
centrale ou les DRRT. L’actualisation de ce fichier, ainsi que le
recrutement et la formation de nouveaux experts, sont devenus des tâches
plus complexes et coûteuses en temps avec l’augmentation du nombre
d’experts et le souhait de disposer d’un fichier national efficace. Les
services des DRRT ont en effet leurs propres experts dans une « base
ANNEXES
259
locale », mais ont la possibilité de faire appel à un expert d’une autre
région si, notamment, aucun expert du champ thématique nécessaire
n’existe dans la région ou qu’ils ne sont pas disponibles. Dans les cas où
il existe des risques de conflits liés à des partenariats de recherche entre
l’entreprise contrôlée et l’établissement ou organisme auquel appartient
l’expert, la DRRT peut faire appel à un expert d’une autre région ou
confier le contrôle à la centrale.
Les effectifs ont été renforcés au sein de la DGRI au cours des
deux dernières années, y compris par le recrutement en détachement d’un
inspecteur
des
impôts
supplémentaire
un
second
inspecteur/informaticien expérimenté n’a pu être recruté du fait d’une
rémunération trop élevée. Les recrutements nécessaires dans certaines
DRRT afin de faire face à la très forte augmentation du nombre de
procédures depuis 2008-09 sont encore en cours de discussion. La
réorganisation des tâches de contrôle avec les services fiscaux a
notamment pour objectif de concentrer les faibles effectifs du MESR sur
le coeur de l’expertise scientifique et technique.
Le tableau ci-dessous précise les types d’avis rendus lors des
contrôles MESR. Il a été établi à partir d’un échantillon d’une majorité de
contrôles, mais pas de la totalité.
Avis rendus lors des contrôles CIR faisant appel au MESR
Lecture du tableau :
Avis favorables : + de 80% des projets ou dépenses retenus
Avis mixtes : projets ou dépenses retenus entre 30% et 80%
Avis défavorable : 70% des projets ou dépenses rejetés
Rejets : la société n’a pas fourni d’éléments pour analyser les projets de R&D,
donc rejet du dossier sans avis
Si les expertises réalisées sont de plus en plus nombreuses, elles
sont loin d’être suffisantes par rapport aux besoins exprimés par les
administrations fiscales. Ainsi, la DVNI, qui est une des directions
fiscales les plus demandeuses d’expertises, a conclu différents accords
avec le MESR. En avril 2010, des accords posant les bases d’une
Répartition des avis rendus par les experts(*)
2010
2011
2012
Favorables
55%
47%
38%
Défavorables
13%
22%
28%
Mixtes
32%
30%
32%
Rejets
1%
2%
(*) Cette distribution ne porte que sur les contrôles de la centrale et des DRRT pour lesquelles la b
Source : DGRI
260
COUR DES COMPTES
collaboration sont pris ; en juillet 2011, des décisions communes sont
actées en matière de volume d’assistance. En 2011, la DVNI a eu recours
à 44 expertises de la part du MESR (cf. tableau ci-dessus), alors qu’elle a
procédé à une centaine de rectifications en contrôle fiscal externe sur la
même année. L’administration fiscale a donc des attentes très grandes en
matière de volumétrie d’expertise, qu’il est difficile au MESR de
satisfaire.
Pendant toute la procédure de contrôle, l’administration fiscale
peut choisir d’effectuer l’expertise en interne. À titre d’exemple, la DVNI
a décidé au début de 2012 à titre expérimental de faire former, par un
expert référent du MESR, 13 vérificateurs informaticiens. À la suite de
cette formation, un dispositif d’assistance spécifique aux brigades de
vérification des comptabilités informatiques (B.V.C.I.) a été mis en place
pour le contrôle des CIR à connotation informatique. Un comité de
« doctrine » interne a été institué en parallèle afin d’assurer la
mutualisation des sujets techniques et l’harmonisation des positions de la
DVNI. Il est encore trop tôt pour dresser un bilan de ce dispositif, mais
cette expérience innovante a le mérite de pouvoir faire cohabiter
compétences techniques et compétences fiscales entre les mains d’une
même administration où les contraintes de temps et de procédure sont
identiques.
En dehors de cet exemple particulier, dans la majorité des cas où
l’administration fiscale souhaite vérifier l’éligibilité des dépenses au CIR
d’un point de vue scientifique, elle fera appel à un expert, ce qui rend
décisives les modalités de coopération entre administration fiscale et
expert.
L'intervention des BVCI dans le contrôle des dossiers CIR est
accompagnée par le MESR sous forme de réunions de formation et la
désignation d'un expert référent au sein du MESR à l'effet de répondre à
leurs interrogations. Cette situation permet à l'administration de traiter
directement et donc plus rapidement certains dossiers liés au secteur des
TIC. L’intervention des BVCI devrait à terme être mieux intégrée dans le
cadre plus général de la coordination entre les deux administrations. Des
marges de progression existent en outre dans la diffusion des bonnes
pratiques et la coordination, notamment pour la demande du dossier à
l’entreprise.
De nombreuses expériences locales ont été lancées par les services
de l’administration fiscale et les services des DRRT pour améliorer cette
coopération.
ANNEXES
261
La rémunération des experts externes du MESR
Les experts externes sont rémunérés forfaitairement pour les
expertises, en fonction d’un barème qui tient compte de l’importance du
dossier.
Si l’on prend en compte le coût horaire moyen d’un expert tel qu’il
a été calculé par le service de gestion d’Oséo pour déterminer le coût d’un
expert sectoriel dans le cadre d’un rescrit, soit 55 € par heure, on obtient
le nombre d’heures moyens rémunérées passées sur l’examen d’un
dossier CIR (colonne 3, tableau ci-dessous)
Rémunération des expertises
Source : délégué régional à la recherche et à la technologie de Lille retraité
cour des comptes
Ce barème n’a pas évolué depuis plusieurs années alors que,
depuis la réforme de 2008, certains contrôles portent sur des dépenses
éligibles de plusieurs dizaines de millions d’euros, posant la question de
l’ajout de nouvelles tranches au barème. D’ores et déjà, certains contrôles
de créances importantes nécessitent l’intervention de deux, voire de trois
experts de spécialités différentes.
En tout état de cause, cette rémunération apparaît faible au regard
de la technicité des questions traitées et de l’enjeu de l’avis rendu pour
l’entreprise soumise à un contrôle CIR.
CIR et délai de reprise de l’administration fiscale
Un nouvel article L. 172 G du livre des procédures fiscales a vu
le jour avec la loi de finances pour 2008. Cet article prévoit que le droit
de reprise de l’administration fiscale peut être exercé jusqu’à la fin de la
troisième année qui suit la date de dépôt légal de la déclaration CIR
n° 2069A. Ainsi, à compter du CIR 2008, une règle uniforme est posée.
Le délai de reprise ne dépend plus de l’utilisation qui est faite du CIR
comme antérieurement.
Examen sur pièces du
dossier CIR (en brut)
Rencontre
avec
l'entreprise
Temps rémunéré pour
l'expertise (base brute)
R & D inférieure à 50.000 €
200 €
300 €
3.63 heures
R & D entre 50.001€ et 150.000 €
300 €
400 €
5.45 heures
R & D entre 150.001 € et 500.000 €
400 €
600 €
7.27 heures
R & D entre 500.001 € et 1.000.000 €
500 €
600 €
9.09 heures
R & D entre 1.000.001€ et 1.500.000 €
600 €
700 €
10.90 heures
R & D entre 1.500.001€ et 4.000.000 €
700 €
800 €
12.72 heures
R & D entre 4.000.001€ et 10.000.000 €
800 €
900 €
14.54 heures
R & D supérieure à 10.000.001 €
900 €
1 000 €
16.36 heures
262
COUR DES COMPTES
Synthèse en matière de date de dépôt de la déclaration
2069A et du délai de reprise
CIR année N
Dépenses de
recherches
exposées
(année N)
Exercice
comptable
(01/01 au
31/12/N)
Dépôt de la déclaration
CIR 2069A
(N+1)
Expiration du
délai de
reprise
(N+4)
2008
2008
15/04/2009
31/12/2012
2009
2009
15/04/2010
31/12/2013
2010
2010
15/04/2011
31/12/2014
2011
2011
15/04/2012
31/12/2015
2012
2012
15/04/2013
31/12/2016
Source : Cour des comptes
Cependant, pour les CIR 2005, 2006 et 2007, l’administration
continue à appliquer la règle selon laquelle le délai de reprise expirera au
terme de la troisième année qui suit l’année du remboursement de la
créance CIR
179.
Ainsi les créances CIR 2005, 2006 et 2007 remboursées
en 2009 pourront être contrôlées jusqu’au 31 décembre 2012.
Si, en modifiant les règles du délai de reprise, le législateur a
voulu prendre en compte les spécificités du CIR, ces modifications sont à
l’origine
de
distorsions dans
le
cas de
dépôts
de
déclaration
rectificative
180.
Encadrer le dépôt de déclarations rectificatives par les
entreprises pourrait être ainsi utile.
179
Instruction fiscale du 21 janvier 2000.
180
En effet, une entreprise qui dépose dans le délai légal en N+1 sa déclaration 2069A
(CIR N) va connaître un délai de reprise qui va s’entendre jusqu’en N+4. Par contre,
une entreprise qui va déposer au cours de l’année N+4, sa déclaration de CIR N
accompagnée de déclarations rectificatives : 2572 N, 2573 N, 2065 N… sera sujet à la
même date d’expiration du délai de reprise alors qu’elle aura déposé sa déclaration
peut-être quelques années après.
ANNEXES
263
Annexe n° 20 : le préfinancement du CICE
Le préfinancement du CICE est prévu à l’article 199 ter C du
CGI
181
. C’est un régime particulier puisqu’il permet aux banques de
préfinancer les créances en germe des entreprises. Cette nouveauté
permet à l’entreprise d’obtenir rapidement des liquidités, moyennant
l’intervention rémunérée d’un organisme bancaire ou d’Oséo.
Oséo propose le préfinancement du CICE depuis le 19 février 2013
sous la forme d’un produit dénommé Avance+Emploi. Il s’agit d’un prêt
à court terme. La détermination du montant de CICE est réalisée par
l’expert-comptable ou le commissaire aux comptes de l’entreprise sur la
base de la dernière DADS. Les frais de dossier du préfinancement
pratiqué par Oséo sont de 150€. La demande est traitée dans un délai qui
ne dépasse généralement pas 15 jours. Il faut compter 5 jours pour le
traitement du dossier par Oséo, puis 10 jours pour la notification de la
cession à l’administration fiscale, permettant notamment de vérifier que
la créance n’a pas déjà été cédée par ailleurs.
Au 31 mai 2013, 3 859 demandes de préfinancement ont été reçues
par Oséo, pour un montant de 579 M€. 2 859 dossiers ont été acceptés,
pour un montant total de 322 M€. Ces montants sont relativement
modestes au regard des 13 Md€ de CICE attendus pour 2013.
Un fonds de garantie (calibré sur 1 milliard d’euros) a été créé par
Oséo, avec la possibilité d’indemniser l’établissement financier à hauteur
de 50% de ses engagements. Fin mai, aucune demande de garantie n’a été
adressée à ce fond, hormis celles effectuées par Oséo.
Fin mai 2013, une charte a été signée au Ministère de l’Economie
et des Finances au terme de laquelle les établissements bancaires
s’engagent à proposer le préfinancement du CICE aux entreprises en
faisant la demande.
181
Loi 2012-1510 du 29 décembre 2012.
264
COUR DES COMPTES
Annexe n° 21 : dépenses de fonctionnement dans les
dépenses courantes (enquête R&D 2010)
Source : enquête R&D 2010, ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
RÉPARTITION PAR BRANCHE D'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE
En millions d'euros (M€)
Branches d'activité économique
Agriculture, sylviculture et pêche
201
137
338
68%
Industries extractives
101
105
206
104%
Fab. denrées alimentaires, boissons et pdts à base de tabac
319
185
504
58%
Fab. textiles, industries habillement, cuir et chaussure
104
42
146
41%
Travail du bois, industries du papier et imprimerie
50
23
72
46%
Cokéfaction et raffinage
96
100
195
104%
Industrie chimique
865
505
1 370
58%
Industrie pharmaceutique
1 818
1 250
3 068
69%
Fab. de pdts en caoutchouc et en plastique
432
179
611
41%
Fab. d'autres pdts minéraux non métalliques
161
102
263
64%
Métallurgie
221
131
352
59%
Fab. pdts métalliques, sf machines & équipements
388
174
562
45%
Composants, cartes électroniq, ordinateurs, équipts périphériq.
866
475
1 341
55%
Fab. d'équipements de communication
683
197
879
29%
Fab. instrum. & appar. de mesure, essai & navigation, horlogerie
804
525
1 329
65%
Fab. équipts d'irradiation médic., électromédic. & électrothérapeut.
62
55
117
88%
Fab. d'équipts électriques
473
240
713
51%
Fab. de machines et équipts non compris ailleurs
604
257
860
43%
Industrie automobile
1 964
1 139
3 102
58%
Construction navale, ferroviaire et militaire
165
87
252
52%
Construction aéronautique et spatiale
1 288
1 331
2 619
103%
Autres industries manufacturières non comprises ailleurs
232
110
342
48%
Prod. & distrib. électricité, gaz, vapeur & air conditionné
263
157
420
60%
Prod. & distrib. eau assainisst, gestion déchets & dépollution
30
25
55
81%
Construction
63
25
88
40%
Transports et entreposage
30
14
44
47%
Édition, audiovisuel et diffusion
596
178
773
30%
Télécommunications
581
129
710
22%
Activités informatiques et services d'information
1 122
442
1 564
39%
Activités spécialisées, scientifiques et techniques
910
340
1 250
37%
Activités financières et d'assurance
129
68
196
53%
Autres activités non comprises ailleurs
67
36
103
53%
TOTAL BRANCHES
15 687
8 759
24 446
56%
(*) Données semi-définitives
s : secret statistique
Personnel
Frais
généraux
Total
LES DÉPENSES INTÉRIEURES DE R&D DES ENTREPRISES PAR NATURE DE
CHARGE EN 2010(*)
ratio frais
généraux /
dépenses de
personnel
DÉPENSES COURANTES (M€)
ANNEXES
265
Annexe n° 22 : doublement d’assiette pour la sous-
traitance publique
Article 87.II de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2009
Sont couverts par le doublement d’assiette pour la sous-traitance
publique
« les dépenses exposées pour la réalisation d’opérations de
même nature confiées à : 1° des organismes de recherche publics ; 2° des
établissements d’enseignement supérieur délivrant un diplôme conférant
le grade de master ; 3° des fondations de coopération scientifique agrées
conformément au d bis ; 4° des établissements publics de coopération
scientifique ; 5° des fondations reconnues d’utilité publique du secteur de
la recherche agrées conformément au d bis ; 6° des associations régies par
la loi du 1
er
juillet 1901 relative au contrat d’association ayant pour
fondateur et membre l’un des organismes mentionnés aux 1° et 2° du
présent d ou des sociétés de capitaux dont le capital ou les droits de vote
sont détenus pour plus de 50 % par l’un de ces mêmes organismes. Ces
associations et sociétés doivent être agréées conformément au d bis et
avoir conclu une convention en application de l’article L. 313-2 du code
de la recherche ou de l’article L. 762-3 du code de l’éducation avec
l’organisme précité. Les travaux de recherche doivent être réalisés au sein
d’une ou plusieurs unités de recherche relevant de l’organisme mentionné
au 1° ou 2° du présent d ayant conclu la convention.
Ces dépenses sont retenues pour le double de leur montant à
condition qu’il n’existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à
quatrième alinéas du 12 de l’article 39 du présent code entre l’entreprise
qui bénéficie du crédit d’impôt et l’entité mentionnée aux 1° à 6°.