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OUR DES
C
OMPTES
Les prélèvements
fiscaux et sociaux
en France et en Allemagne
Mars 2011
Avertissement
Synthèse
du
Rapport public thématique
C
ette synthèse est destinée à faciliter la lecture et
l’utilisation du rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations et des organismes
concernés sont insérées dans le rapport.
Sommaire
3
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Les caractéristiques des deux pays
et de leurs systèmes de prélèvements obligatoires
7
2
Les blocs de prélèvements . . . . . . . . . . . . . . . .
13
3
Les principaux enseignements tirés
de la comparaison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
23
Conclusion générale
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
29
Principales constatations
. . . . . . . . . . . . . . . . .
30
Principales orientations
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
35
Introduction
5
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
La Cour des comptes a engagé en septembre 2010 un travail visant à dresser un
état des lieux comparé des systèmes fiscaux français et allemand, donnant ainsi suite à
un souhait exprimé par le Président de la République.
La Cour a considéré qu’un tel examen ne pouvait être mené sans prise en compte
du contexte propre à chaque pays et notamment de leur situation en matière économique
et de finances publiques. Elle s’est livrée à une analyse technique approfondie des sys-
tèmes de prélèvements tout en gardant constamment à l’esprit que la compétitivité et l’at-
tractivité d’un pays dépendent aussi d’autres facteurs que la fiscalité.
Pour mener à bien cette réflexion, la Cour a organisé la consultation la plus large
possible : constitution d’un groupe d’experts ayant vocation à éclairer ses travaux, audi-
tions de responsables d’organisations syndicales et professionnelles et de praticiens. Des
échanges techniques fructueux ont par ailleurs été noués avec le ministère fédéral des
finances allemand désigné comme interlocuteur de la Cour.
Le rapport a été établi sous la seule responsabilité de la Cour
.
7
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
1
Les caractéristiques des
deux pays et de leurs
systèmes de prélèvements
obligatoires
La toile de fond
Deux tendances
économiques divergentes
La France et l’Allemagne, soit plus
de la moitié du PIB de la zone euro, sont
relativement homogènes au plan écono-
mique et social. Le PIB par habitant est
proche, le rythme de croissance voisin,
le système de protection sociale étendu.
Cette proximité ne saurait dissimuler
des différences structurelles profondes
pas plus que l’existence, dans la période
récente, d’évolutions contrastées.
L’Allemagne s’appuie, à la différence
de la France, sur un tissu d’entreprises
moyennes puissant (Mittelstand). Elle se
caractérise par une croissance reposant
sur son industrie (25,6 % du PIB contre
13,6 % en France) et, encore plus que
par le passé, sur ses exportations au
détriment relatif de la consommation.
La croissance annuelle moyenne
entre 2000 et 2010 a été un peu plus
forte en France (1,5 % contre 1,1 %).
Depuis 2006, elle tend à être plus vive
en Allemagne. La sortie de crise y
est
plus rapide. Ce pays devrait connaître
une croissance sensiblement supérieure
sur la période 2010-2012.
La
plus
forte
croissance
de
l’Allemagne depuis 2005, les réformes
intervenues sur le marché du travail, le
recours massif au chômage partiel pen-
dant la crise de 2008-2009 lui ont permis
de ramener son taux de chômage à
6,6 % fin 2010 contre 9,7 % pour la
France.
Le partage de la valeur ajoutée a
évolué différemment au cours des
années 2000. La part des salaires est res-
tée stable en France. Elle a reculé de
5 points en Allemagne, partant d’un
niveau plus élevé. Ce phénomène tra-
duit, au-delà de la correction du choc
initial de la réunification, les effets de la
politique de modération salariale.
Des écarts structurels de
compétitivité, une évolu-
tion récente favorable à
l’Allemagne
La compétitivité de la France et celle
de l’Allemagne ont suivi des voies diver-
gentes.
L’Allemagne bénéficie de longue
date d’un avantage de compétitivité
hors-prix : meilleure qualité perçue des
produits allemands ; stratégie d’implan-
tation dans les pays d’export ; taille
supérieure du secteur exportateur ; meil-
Les caractéristiques des deux pays
et de leurs systèmes
de prélèvements obligatoires
8
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
leure diversification géographique des
firmes exportatrices.
Sa compétitivité-coût s’est significa-
tivement améliorée au cours des années
2000. La progression des coûts salariaux
unitaires (intégrant à la fois les coûts
salariaux horaires et les évolutions de la
productivité) a été dans l’industrie fran-
çaise supérieure de 10 points à celle de
l’industrie allemande sur la période
2000-2008. L’avantage dont la France
disposait en ce domaine au début des
années 2000 a
disparu.
L’excédent commercial allemand a
progressé continument (134 Md€ en
2009). Le déficit français n’a cessé de
s’alourdir (53 Md€ en 2009). La France
a vu ses parts de marché, tant à l’inté-
rieur qu’à l’extérieur de l’Union euro-
péenne, diminuer d’environ 3 points
entre 2000 et 2009.
Redistribution : un dispo-
sitif plus étendu en France
Le champ de la protection sociale
est plus étendu en France qu’en
Allemagne : prise en compte plus
importante des charges de famille, sys-
tème français d’indemnisation du chô-
mage plus protecteur, assujettissement à
l’assurance maladie de la totalité de la
population, régimes de retraite complé-
mentaire obligatoires. Ces caractéris-
tiques ont des conséquences impor-
tantes en termes de redistribution : en
France, elles contribuent à hauteur de
63 % à la réduction des inégalités, contre
37 % pour les prélèvements.
Les écarts de revenus étaient moins
importants en Allemagne qu’en France
en 2000. La situation s’est inversée à
partir de 2006, avant que les deux pays
ne convergent vers des niveaux très
proches en 2009. Le coefficient de Gini,
qui est un indicateur d’inégalité, est resté
stable en France sur la période. Il a aug-
menté de 20 % en Allemagne. Le taux
de pauvreté relative a augmenté de moi-
tié en Allemagne entre 2000 et 2009,
alors qu’il diminuait de 20 % en France.
Finances publiques : une
priorité plus marquée en
Allemagne
L’Allemagne se distingue par une
priorité plus forte donnée au respect de
l’équilibre budgétaire. La France n’a plus
connu d’excédent budgétaire depuis
1974. L’Allemagne a connu depuis 2000
trois
exercices
d’excédent
de
ses
finances publiques.
L’Allemagne a profité de la période
de croissance relativement forte qui a
précédé la récession pour réduire son
déficit public. En 2008
(1)
, la France
abordait la crise avec un déficit de 3,3 %
de PIB quand l’Allemagne présentait un
excédent de 0,1 % du PIB. Le déficit
_
________
(1) La crise ayant perturbé le rendement des recettes fiscales de 2009 et les don-
nées 2010 n’étant pas stabilisées, les analyses qui suivent se réfèrent fréquemment
à 2008.
Les caractéristiques des deux pays
et de leurs systèmes
de prélèvements obligatoires
9
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
structurel français est aujourd’hui supé-
rieur de plus de trois points à celui
estimé pour l’Allemagne.
L’écart entre les situations budgé-
taires allemande et française s’explique
en grande partie par la dynamique de la
dépense publique. Entre 2000 et 2008,
l’Allemagne a ralenti l’évolution de sa
dépense publique (ramenée de 45,1 à
43,8 points de PIB), ce qui n’a pas été le
cas de la France. La dette publique fran-
çaise était en 2000 inférieure à celle de
l’Allemagne et à la moyenne de l’Union
européenne. En 2010, la dette publique
était de 80 % du PIB en Allemagne,
contre 83 % du PIB en France.
Le niveau et la
structure des prélè-
vements obliga-
toires
Des prélèvements obliga-
toires élevés dans les
deux pays, en réduction
plus nette en Allemagne
De nombreux prélèvements qui
existent en France n’ont pas leur équiva-
lent en Allemagne, l’inverse étant beau-
coup plus rare. C’est notamment le cas
de taxes acquittées par les entreprises et
grevant les coûts de production, pour un
montant que l’on peut estimer au total à
environ 58 Md€ en 2008, soit 3 points
de PIB. Elles comprennent les taxes
assises sur la masse salariale (26,5 Md€),
celles portant sur le capital fixe utilisé
par les entreprises et celles portant sur le
chiffre d’affaires. Concernant l’imposi-
tion des ménages, si la CSG et la CRDS
compensent en partie l’étroitesse de
l’impôt sur le revenu (IR), la taxe d’habi-
tation (13,3 Md€) et l’ISF (4 Md€) n’ont
pas d’équivalent dans ce pays.
Les taux de prélèvements obliga-
toires dans les deux pays sont sensible-
ment plus élevés que la moyenne de
l’Union européenne à 27, mais l’écart en
termes de taux de prélèvements obliga-
toires est significatif (de l’ordre de
3,5 points de PIB). Pour près des deux
tiers, l’écart entre les deux pays s’ex-
plique par l’architecture différente des
systèmes de protection sociale.
Les prélèvements obliga-
toires par institution desti-
nataire
En Allemagne, les prélèvements
obligatoires sont affectés pour 40 % aux
organismes de sécurité sociale, pour
30 % à l’Etat et pour 30 % aux Länder
et collectivités locales. Cette répartition
n’a pas évolué dans la période récente.
En France en revanche, la part des pré-
lèvements obligatoires affectés à l’Etat a
diminué de 3,2 points de PIB entre 2000
et 2008, au profit des organismes de
sécurité sociale et des collectivités terri-
toriales. En 2008, les prélèvements obli-
gatoires étaient affectés à 36 % pour
l’Etat, 52 % pour la sécurité sociale et
12 % pour les collectivités locales.
L’Allemagne présente la particularité
d’être un Etat fédéral mais avec une fis-
Les caractéristiques des deux pays
et de leurs systèmes
de prélèvements obligatoires
10
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
calité locale peu autonome. En France,
plusieurs impôts sont affectés en totalité
au financement des collectivités territo-
riales. En Allemagne, 75 % des recettes
fiscales des Länder proviennent d’im-
pôts partagés avec l’Etat fédéral aux-
quels est appliquée une formule pour en
répartir le produit.
L’analyse écono-
mique de la taxation
Les données d’Eurostat surestiment
quelque peu la différence en termes
d’imposition du capital (environ 3
points de PIB), mais celle-ci n’en reste
pas moins significative. Entre 2000 et
2008, en France, c’est l’imposition de la
consommation qui a le plus diminué
(-0,9 point de PIB) ; en Allemagne, c’est
l’imposition du travail (-2,7 points de
PIB).
Source : données Eurostat
Les caractéristiques des deux pays
et de leurs systèmes
de prélèvements obligatoires
11
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
La taxation de la consom-
mation
La France a réduit les prélèvements
obligatoires assis sur la consommation.
L’Allemagne, comme la moyenne des
pays de l’Union européenne, a suivi une
tendance inverse. En 2008, la France
imposait à 19,1 % la consommation des
ménages, contre 19,8 % pour l’Allema-
gne et 21,5 % en moyenne dans l’Union
européenne.
Cette évolution s’explique notam-
ment, en France, par la baisse du taux
normal de la TVA, l’extension du taux
réduit, la suppression de la « vignette
automobile » et les aménagements
apportés à la taxe intérieure sur les pro-
duits pétroliers. En Allemagne, la hausse
est due à l’augmentation de trois points
du taux normal de TVA (de 16 à 19 %
au 1er janvier 2007) afin de financer la
réduction des déficits et la moitié de la
baisse nette de 1,6 point des cotisations
sociales.
La taxation du travail
Les taux d’imposition des revenus
du travail sont voisins dans les deux pays
(41,4 %
en
France,
39,2
%
en
Allemagne), à un niveau supérieur à
celui de l’Union européenne.
Ce taux est stable en France depuis
1995. L’impact des allégements de
charges sur les bas salaires a été neutra-
lisé durant la période par l’augmentation
des autres impositions pesant sur les
salaires. L’Allemagne s’est, au contraire,
engagée depuis 2004 dans une baisse
des prélèvements assis sur le travail afin
d’améliorer la compétitivité de ses entre-
prises (baisse des cotisations sociales sur
les bas salaires dans le cadre des lois
dites « Hartz », baisse de 1,6 point des
cotisations en 2007, baisse du barème de
l’impôt sur le revenu depuis 2000).
La taxation du capital
Le taux d’imposition du capital en
Allemagne, qui a fortement diminué
depuis 2000, se situe aujourd’hui nette-
ment en dessous de la moyenne de
l’Union européenne. La France se place
significativement au-dessus. Elle impose
l’ensemble du capital à 38,8 % en 2008,
contre 23,1 % pour l’ Allemagne et
26,5 % en moyenne dans l’UE.
Le produit de l’imposition des reve-
nus du capital est comparable dans les
deux pays. La France se distingue par
une imposition du stock de capital beau-
coup plus importante qu’en Allemagne
(4,5 %
du
PIB
contre
1 %
en
Allemagne). L'essentiel de l'écart de
taxation du stock de capital entre les
deux pays tient d'une part aux prélève-
ments qui n'existent qu'en France (taxe
professionnelle, ISF, mutations mobi-
lières à titre onéreux, contribution
sociale de solidarité des sociétés (C3S),
taxe d'habitation), d'autre part à des pré-
lèvements sensiblement plus lourds côté
français (taxe foncière, mutations à titre
gratuit).
Concernant les prélèvements sur les
revenus du capital, l’écart entre les deux
pays est faible, et n’a pas évolué depuis
2000. En 2008, ces prélèvements repré-
Les caractéristiques des deux pays
et de leurs systèmes
de prélèvements obligatoires
12
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
sentaient 5,8 % du PIB en Allemagne et
5,3 % en France. En termes de taux
d’imposition sur les revenus du capital,
la France comme l’Allemagne restent en
2008 au-dessus de la moyenne de
l’Union européenne (respectivement
21 % et 19,7 % contre 19,3 %).
La taxation à finalité envi-
ronnementale
Les recettes de la fiscalité environne-
mentale, telles que conventionnellement
définies par Eurostat, sont plus faibles
en France (elles représentaient en 2008
2,1 % du PIB) et en Allemagne (2,2 %)
que dans le reste de l’Union européenne
(2,6 %).
L’évolution des recettes issues de la
fiscalité environnementale est relative-
ment similaire dans les deux pays entre
2000 et 2008. Toutefois, le poids de la
fiscalité pesant sur les produits énergé-
tiques est, de loin, plus élevé en
Allemagne qu’en France. Les prélève-
ments obligatoires concernant le secteur
des transports sont un peu plus déve-
loppés en France, essentiellement du fait
du versement transport (6 Md€) qui
n’existe pas en Allemagne, mais dont on
peut contester la classification en fisca-
lité environnementale.
13
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
2
Les blocs de prélèvements
Les prélèvements
obligatoires sur les
revenus des
ménages
Une structure de prélève-
ments différente
L’architecture des prélèvements
Le poids de l’impôt sur le revenu
dans le PIB est plus de trois fois plus
élevé en Allemagne qu’en France (9,6 %
du PIB allemand en 2008 contre 2,6 %
du PIB en France).
La fiscalité française des revenus des
ménages a été marquée depuis le début
des années 1990 par l’apparition puis la
montée en puissance d’impositions pro-
portionnelles affectées au financement
de la protection sociale (CSG, CRDS),
qui se sont pour l’essentiel substituées
aux cotisations. Ces impositions propor-
tionnelles représentaient 4,6 % du PIB
en 2008.
Les cotisations sociales s’établissent
à un niveau significativement supérieur
en France : 15 % du PIB en France,
contre 12,6 % du PIB en Allemagne.
Elles ne se répartissent pas de la même
façon entre les employeurs et les sala-
riés : la répartition est quasiment pari-
taire en Allemagne alors que les cotisa-
tions patronales représentent en France
un montant plus de deux fois supérieur
aux cotisations des salariés (respective-
ment 11 % et 4 % du PIB).
L’impôt sur le revenu
Le taux marginal supérieur de l’IR
est plus élevé en Allemagne qu’en
France : 45 %
1
en Allemagne contre
41 % en France. Cette situation résulte
d’une baisse du taux de la tranche mar-
ginale supérieure plus importante en
France au cours des 20 dernières
années.
Les IR français et allemand connais-
sent tous deux un mécanisme de quo-
tient conjugal permettant de tenir
compte de la globalité des revenus d’un
ménage pour l’établissement de l’impôt.
Toutefois, il est possible aux ménages
allemands d’opter pour une imposition
séparée.
La prise en compte des enfants est
sensiblement différente dans les deux
pays, l’Allemagne n’ayant pas de méca-
nisme analogue au quotient familial
français. Les ménages allemands peu-
vent choisir entre l’attribution d’alloca-
tions familiales et l’application d’un
abattement fiscal.
(1)
A ce taux de 45 % s’ajoute, par ailleurs, une « surtaxe de solidarité » de 5,5 % sur le montant
de l’impôt dû.
Les blocs de prélèvements
14
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
La prise en compte des frais profes-
sionnels dans le calcul du revenu impo-
sable peut s’opérer dans les deux pays de
manière forfaitaire ou au montant réel.
La déduction forfaitaire en vigueur en
France est nettement plus favorable
qu’en Allemagne (10 % des revenus sala-
riaux plafonnés à 13 948 € en France
pour l’année 2010 contre 920 € en
Allemagne).
L’IR allemand est prélevé à la
source, ce qui ne dispense pas une
importante majorité de contribuables de
réaliser une déclaration complémentaire.
Les dépenses fiscales relatives à l’im-
pôt sur le revenu sont significatives dans
les deux pays mais sont plus nom-
breuses et plus coûteuses en France.
Les contributions et cotisations sociales
L’Allemagne n’a pas opéré la diversi-
fication du mode de financement de la
protection sociale que la France a réali-
sée avec la CSG qui frappe de façon très
large les revenus des ménages et en par-
ticulier les revenus du patrimoine. Le
prélèvement social y est sensiblement
plus dégressif par rapport aux revenus
qu’en France.
Les dispositifs d’exonération de
cotisations sociales sont beaucoup plus
importants en France (coût de plus de
30 Md€) et sont concentrés sur les coti-
sations patronales sur les bas salaires
(jusqu’à 1,6 SMIC). En Allemagne, les
allégements ne concernent que les coti-
sations salariales et sont ciblés de
manière plus restrictive qu’en France.
Des effets globalement
analogues en termes de
coût du travail et de redis-
tribution
En 2008, la part dans le PIB des pré-
lèvements sur les revenus des ménages
s’établissait à 23,3 % en France et à
24,9 % en Allemagne. L’impact des pré-
lèvements sociaux (cotisations sociales,
compte tenu des allègements et exonéra-
tions) et fiscaux (IR, et, en France, CSG
et CRDS) sur le coût du travail est com-
parable dans les deux pays. Le total de
l’impôt sur le revenu et des cotisations
sociales rapporté au coût salarial global
pour l’employeur – aussi appelé « coin
socio-fiscal » - s’établit à 49,2 % en
France et à 50,9 % en Allemagne au
niveau du salaire moyen. Les deux pays
se situent à un niveau très supérieur à la
moyenne de l’OCDE, qui est de 36,4 %.
S’agissant de l’imposition comparée
des hauts revenus, il apparaît qu’outre
un taux marginal supérieur plus élevé en
Allemagne, les niches fiscales suscepti-
bles d’être utilisées par les hauts revenus
pour minorer l’impôt dû sont moins
nombreuses et plus plafonnées qu’en
France.
Enfin, les prélèvements sur les reve-
nus des ménages sont assortis dans les
deux pays d’importants avantages pour
les familles. Le système allemand appa-
raît légèrement plus généreux pour les
familles ayant un ou deux enfants, pour
ce qui est des prestations en espèces. Le
système français est plus favorable
Les blocs de prélèvements
15
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
s’agissant des prestations en nature
(modes de garde des jeunes enfants). Il
bénéficie davantage aux familles de 3
enfants et plus et à celles dont les reve-
nus sont élevés.
Les prélèvements
obligatoires sur le
patrimoine
La détention du patri-
moine : des prélèvements
nettement plus élevés en
France qu’en Allemagne
Avec des taxes foncières d’un niveau
modeste - environ 11 Md€, un impôt sur
la fortune suspendu depuis 1997, et une
taxe professionnelle sur le capital sup-
primée en 1998, l’Allemagne a fait le
choix d’un très faible niveau de prélève-
ments sur la détention du capital. Le
niveau global de ces prélèvements y
représente 0,46 % du PIB, très en des-
sous de la moyenne des pays de
l’OCDE, qui s’établit à 1,13 % du PIB.
A l’inverse, le niveau des prélève-
ments sur la détention du patrimoine est
plus élevé en France que dans la
moyenne des pays de l’OCDE. Il repré-
sente 2,6 % du PIB. Cette situation
trouve essentiellement son origine dans
l’évolution des taxes foncières dont le
poids s’est fortement accru au cours de
la dernière décennie pour atteindre en
2010 un produit global de près de
33 Md€. En outre, l’impôt de solidarité
sur la fortune (3,6 Md€ pour 2010) est
devenu une singularité française au sein
des pays-membres de l’Union euro-
péenne (Norvège et Suisse conservent
toutefois une imposition de ce type),
l’Allemagne ayant décidé à compter de
janvier 1997 de « suspendre » ce type
d’imposition qui rapportait environ
4 Md€. L’Allemagne ne dispose pas d’un
dispositif légal de plafonnement de la
taxation, du type « bouclier fiscal », mais
le principe de prohibition de toute
surimposition ou fiscalité confiscatoire
fait l’objet d’un contrôle vigilant de la
part de la Cour constitutionnelle.
La cession et la transmis-
sion du patrimoine : des
prélèvements plus lourds
en France malgré des
choix comparables dans la
période récente
L’Allemagne ne taxe que les transac-
tions immobilières à un taux propor-
tionnel inférieur au taux français. En
France, des droits de mutation sont per-
çus non seulement sur les cessions
immobilières, mais aussi sur les muta-
tions d’actions ou de fonds de com-
merce. Au total, les recettes perçues sont
deux fois plus élevées en France (envi-
ron 9 Md€ en 2010) qu’en Allemagne
(4,8 Md€).
Dans la période récente, l’Allemagne
et la France ont fait des choix globale-
ment comparables en matière de taxa-
tion des plus-values et de droits de
Les blocs de prélèvements
16
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
mutation à titre gratuit. La fiscalité des
plus-values de cessions de valeurs mobi-
lières a été alourdie, en Allemagne à l’oc-
casion de la mise en place du prélève-
ment forfaitaire libératoire généralisé à
compter de janvier 2009, et en France
dans le cadre des mesures de finance-
ment de la réforme des retraites. Les
récentes réformes des droits de muta-
tion à titre gratuit, adoptées respective-
ment en 2007 en France et en 2009 en
Allemagne, ont toutes deux allégé de
manière substantielle les transmissions
en ligne directe, et même exonéré les
héritages portant sur les patrimoines
modestes et moyens.
Les revenus du
patrimoine : un niveau
globalement équivalent,
selon des modalités diffé-
rentes
La fiscalité des revenus du patri-
moine est à l’origine de recettes globale-
ment comparables dans les deux pays -
environ 25 Md€ hors fiscalité des reve-
nus fonciers.
L’Allemagne a mis en place, depuis
2009, un prélèvement forfaitaire libéra-
toire généralisé, connaissant peu d’ex-
ceptions et s’appliquant de manière sim-
ple à tous les revenus du patrimoine. De
son côté, la France applique une imposi-
tion fondée à la fois sur l’impôt sur le
revenu et sur des contributions sociales
- dont le poids global a été multiplié par
quatre au cours des quelque dix der-
nières années -, et offre par ailleurs une
multitude de régimes fiscaux déroga-
toires ou incitatifs.
Au total, la fiscalité du patrimoine en
Allemagne - qui se situe, dans presque
toutes ses composantes, à un niveau
inférieur à la moyenne des pays de
l’OCDE - s’appuie principalement sur la
taxation des revenus et des plus-values
tirés du patrimoine. La France, pour sa
part, a fait des choix de politique fiscale
qui conduisent à taxer le patrimoine sur
l’ensemble de la chaîne - de la détention
à la cession/transmission en passant par
les revenus -, et ce, à des niveaux qui se
sont accrus au fil du temps, au point
d’atteindre
un
poids
économique
(3,4
% du PIB) nettement supérieur à la
moyenne des pays de l’OCDE (1,8
%
du PIB).
La fiscalité des
sociétés
Des priorités et des struc-
tures fiscales différentes
en matière de fiscalité des
sociétés
Des fiscalités locales sur les entreprises fon-
dées sur des impôts différents
En Allemagne comme en France, les
sociétés sont soumises à une imposition
à deux niveaux. A l’impôt sur les socié-
tés s’ajoute ainsi une imposition locale
Les blocs de prélèvements
17
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
sur les entreprises : la taxe profession-
nelle devenue « contribution écono-
mique territoriale » en 2010 en France ;
la « taxe commerciale » (Gewerbesteuer)
en Allemagne. Si l’impôt sur les sociétés
est fondé sur des principes proches dans
les deux pays, la « contribution écono-
mique territoriale » (CET) et la taxe
commerciale allemande présentent des
différences de conception. La première
est composée d’une contribution sur la
valeur de l’immobilier de l’entreprise et
d’une contribution sur sa valeur ajoutée.
La seconde a une base très proche de
celle de l’impôt sur les sociétés. Les dif-
férences se retrouvent dans les poids
économiques respectifs de ces impôts.
La taxe professionnelle a représenté une
part déclinante des prélèvements sur les
entreprises au cours des dix dernières
années ; le produit de la taxe commer-
ciale a beaucoup progressé. En 2008, les
recettes de taxe professionnelle repré-
sentaient 1,01 % du PIB en France
contre 1,65 % pour la taxe commerciale
en Allemagne.
Une divergence prononcée en matière d’impôt
sur les sociétés
A partir de la fin des années 1990,
les gouvernements allemands successifs
ont réformé ce dernier dans un but affi-
ché d’amélioration de la compétitivité
des entreprises. Cette réforme a été
conduite en deux étapes, en 2000 puis
en 2008. Elle s’est traduite par une forte
baisse du taux de l’impôt sur les sociétés,
passé de 30 ou 40 % en 1999 (selon que
le bénéfice est ou non distribué) à 15 %
en 2008, ainsi que par un mouvement
d’élargissement et de simplification de
l’assiette.
Au cours de la même période, l’im-
pôt sur les sociétés français a moins évo-
lué. De ce fait, le poids des recettes
d’impôt sur les sociétés est devenu très
différent dans les deux pays : 0,64 % du
PIB en Allemagne et 2,53 % du PIB en
France. La part exceptionnellement fai-
ble des recettes d’IS en Allemagne s’ex-
plique non seulement par la baisse du
taux de cet impôt mais aussi par le fait
que 83 % des entreprises allemandes
sont des sociétés de personnes assujet-
ties à l’impôt sur le revenu (57 % des
entreprises françaises).
Des taxes à la charge des entreprises beau-
coup plus nombreuses en France qu’en
Allemagne
En plus de l’IS et de la CET, la fisca-
lité française prévoit un certain nombre
de taxes sur les entreprises dont les prin-
cipales sont la taxe sur les salaires,
acquittée
essentiellement
par
les
banques et les assurances en contrepar-
tie de leur non assujettissement à la TVA
et le versement transport. Ces taxes
représentent, pour celles qui sont assises
sur la masse salariale un prélèvement qui
s’est élevé à 26,5 Md€ en 2008 (1,2 point
de PIB) et qui n’a pas d’équivalent en
Allemagne.
Les blocs de prélèvements
18
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Des différences réelles
mais qui ne doivent pas
être surestimées
La fiscalité allemande des entreprises valo-
rise davantage qu’en France l’objectif de
neutralité
La
neutralité
fait
partie,
en
Allemagne davantage qu’en France, des
objectifs poursuivis par la politique fis-
cale. En France, les pouvoirs publics ont
fait de la fiscalité l’un des supports de la
politique économique en lui donnant un
rôle d’orientation des investissements et
des comportements des acteurs. En
Allemagne, le choix a été fait de privilé-
gier les processus de marché dans l’allo-
cation des facteurs de production.
Cet objectif de neutralité a été pour-
suivi au regard de la forme juridique des
entreprises, se traduisant par un souci
d’harmonisation des taux de prélève-
ment sur les sociétés de personnes et les
sociétés de capitaux. Il a également été
poursuivi au regard des types d’investis-
sements, le régime des amortissements
étant
considérablement
simplifié.
Pendant la même période, le système fis-
cal français a vu la poursuite du dévelop-
pement d’incitations sans équivalent en
Allemagne, la plus importante d’entre
elles étant le crédit d’impôt recherche
(5,8 Md€ en 2009).
En Allemagne, la baisse des taux
assortie d’un élargissement de l’assiette
de l’impôt participe aussi de cette
recherche de neutralité. A cet égard, des
mesures ont été prises en 2008 pour
élargir encore l’assiette de l’IS, par le
biais d’un plafonnement de la déduction
des intérêts d’emprunt ou la limitation
du report des résultats déficitaires.
Les deux systèmes aboutissent à un taux
global voisin de prélèvements sur les entre-
prises
Les effets des dispositifs sont très
comparables en matière de prélève-
ments sur les groupes de sociétés ou
d’imposition des dividendes entre socié-
tés liées.
Si certains avantages fiscaux en
vigueur en France n’ont pas d’équivalent
en Allemagne, l’inverse est vrai égale-
ment : ainsi, au contraire de la législation
française, le dispositif allemand autorise
l’amortissement du « goodwill », favori-
sant ainsi les opérations de croissance
externe des entreprises allemandes.
Les taux de prélèvement sur les
bénéfices restent d’un ordre de grandeur
comparable dans les deux pays. En addi-
tionnant l’impôt sur les sociétés et la
taxe commerciale, le taux d’imposition
sur les bénéfices était de 31 % en
Allemagne en 2009 ; il était de 34,6 % en
France.
Les blocs de prélèvements
19
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
La TVA
Une convergence appa-
rente des dispositifs fran-
çais et allemand de TVA
L’assiette de la TVA faisant
l’objet de règles communautaires depuis
1967, le rapprochement franco-alle-
mand a essentiellement porté sur les
taux. L’Allemagne et la France affichent
aujourd’hui des taux normaux de TVA
quasiment identiques à respectivement
de 19 % et 19,6 %. La situation est
proche également en matière de taux
réduit, ce dernier s’établissant à 5,5 %
en France et à 7
% en Allemagne. Ces
taux situent les deux pays en dessous de
la moyenne européenne qui était en
2010 de 20,52 % pour le taux normal et
de 8,46 % pour le taux réduit. De ce fait,
la part des recettes de TVA dans le PIB
des deux pays (7 %) est également infé-
rieure à la moyenne européenne (7,6 %).
Des différences qui
demeurent
Les recettes de TVA ont augmenté plus for-
tement en Allemagne qu’en France au cours
des 20 dernières années
La
proximité
franco-allemande
actuelle en matière de TVA résulte de
trajectoires différentes. Depuis 1990,
l’Allemagne a augmenté de 5 points son
taux normal de TVA, la France de 1
point. La part de la TVA dans le total
des recettes fiscales est aujourd’hui plus
élevée en Allemagne (18 % des recettes
fiscales) qu’en France (16,4 % des
recettes fiscales).
Un recours aux taux réduits et dérogatoires
sensiblement plus développé en France
La France fait un plus large recours
que l’Allemagne aux taux réduits de
TVA.
Les
principales
différences
concernent les cafés et restaurants ainsi
que les «services intensifs en main d’œu-
vre » au sens de la directive TVA, soit la
rénovation et la réparation de loge-
ments, soumis au taux réduit en France
et au taux normal en Allemagne.
En outre, la France met en œuvre
des taux dérogatoires sans équivalent en
Allemagne : taux super réduit pour les
médicaments remboursés et les jour-
naux, notamment.
Le recours plus faible du système
fiscal allemand au taux réduit et son
absence de taux dérogatoires se tradui-
sent par une meilleure efficacité en
termes de rendement.
La hausse de la TVA s’inscrit dans la
stratégie allemande de réduction des déficits
publics
L’augmentation de 3 points du taux
normal de la TVA entrée en vigueur en
Allemagne au 1er janvier 2007 a été
affectée pour 2 points à la réduction du
déficit budgétaire et pour un point à la
réduction des cotisations d’assurance
Les blocs de prélèvements
20
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
chômage. Si une nouvelle augmentation
du taux normal de la TVA n’est pas
envisagée
dans
l’immédiat
en
Allemagne, une réflexion est en cours
sur la réduction du périmètre du taux
réduit afin de dégager de nouvelles res-
sources budgétaires. Alors qu’en France,
les pouvoirs publics assignent à la TVA,
et notamment à son taux réduit, une
multiplicité d’objectifs que cet instru-
ment peine parfois à atteindre (soutien à
certains secteurs économiques, emploi,
lutte contre le travail clandestin),
l’Allemagne semble avoir affecté à la
TVA un objectif principal de rendement
budgétaire.
Un alignement du taux réduit fran-
çais et de son périmètre d’application
sur celui en vigueur en Allemagne aurait
pour conséquence une augmentation de
l’ordre de 15 Md€ des recettes budgé-
taires.
La fiscalité environ-
nementale
Une fiscalité sur l’énergie
plus lourde en Allemagne
qu’en France
L’échec de la mise en oeuvre d’une taxe car-
bone en France
Des tentatives ont été faites à deux
reprises pour introduire une taxe car-
bone en France : TGAP sur les produits
énergétiques en 2000, contribution car-
bone en 2010. Ces deux projets ont été
censurés par le Conseil constitutionnel
en raison de ruptures du principe d’éga-
lité devant l’impôt.
Une réforme de la fiscalité écologique menée
progressivement en Allemagne depuis 1999
A l’inverse, l’Allemagne a mené en
1999 une réforme écologique de la fisca-
lité (Ökosteuerreform), qui a conduit à
la création d’un impôt sur l’électricité et
à une augmentation progressive (de 3,07
centimes d’euros par an et par litre pen-
dant cinq ans) du taux de l’impôt sur les
hydrocarbures. Les recettes dégagées
ont financé une réduction des cotisa-
tions d’assurance vieillesse de 1,7 point.
Cette réforme a été poursuivie en 2006
avec la création d’un droit d’accises sur
le charbon. Le niveau de taxation des
carburants et de l’électricité est désor-
mais plus élevé en Allemagne qu’en
France. Par comparaison avec les autres
pays de l’Union européenne, les deux
pays taxent fortement les carburants,
alors que les combustibles sont moins
taxés. Ceci conduit à une taxation de la
tonne de CO2 inférieure à la valeur tuté-
laire généralement admise pour ces pro-
duits de 32 € : 3 € pour le charbon et
23 € pour le fioul domestique en
Allemagne, 21 € pour le fioul en France.
Les blocs de prélèvements
21
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
La taxation des transports
routiers : une évolution
plus cohérente en
Allemagne qu’en France
Dans le cadre des réformes menées
depuis 1999, l’Allemagne a, d’une part,
redéfini les tarifs de la taxe sur les véhi-
cules à moteur en fonction des émis-
sions de CO2 et, d’autre part, introduit
un péage pour les poids-lourds (LKW-
Maut).
La politique menée en France a été
moins cohérente. Au moment où les
Allemands menaient une réforme écolo-
gique de la fiscalité, la France supprimait
la « vignette » pour les véhicules particu-
liers pour créer ensuite de nouvelles
taxes, notamment le bonus-malus auto-
mobile et la taxe sur les poids lourds
(pendant du péage allemand).
A l’issue de ces évolutions, la situa-
tion apparaît contrastée. La taxation des
véhicules particuliers est désormais sen-
siblement inférieure en France à ce que
l’on constate outre-Rhin (les recettes
correspondantes s’élèvent respective-
ment à 2,5 Md€ et à 8 Md€).
23
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
3
Principaux enseignements
tirés de la comparaison
Des équations fis-
cales à la fois sem-
blables et diffé-
rentes
Des systèmes de prélève-
ment globalement proches
qui n’en laissent pas
moins subsister des écarts
significatifs
La France et l’Allemagne partagent
un niveau de protection sociale élevé
dont le financement repose largement
sur les cotisations sociales. Cette carac-
téristique commune a conduit les deux
pays à porter une attention particulière
au coût du travail peu qualifié, avec un
financement de la protection sociale
s’appuyant de manière croissante sur des
subventions du budget général en
Allemagne, et sur des recettes fiscales
affectées en France.
Les systèmes fiscaux français et alle-
mand reposent sur des impôts souvent
très proches, qu’il s’agisse de la TVA
(dont le taux normal est de 19,6 % en
France contre 19 % en Allemagne), de
l’IR (le taux marginal supérieur est de
41 % en France, 45 % en Allemagne) ou
même de l’IS (33,3 % en France, entre
30 % et 35 % en Allemagne une fois pris
en compte l’impôt local sur les béné-
fices).
Les prélèvements obligatoires se
situent dans les deux pays à des niveaux
sensiblement supérieurs à ceux de la
zone euro ou de l’OCDE. La concur-
rence fiscale entre les deux pays ne joue
guère. L’attractivité économique des
deux pays repose essentiellement sur des
facteurs non fiscaux (infrastructures,
niveau des services publics, qualification
de la main d’œuvre).
L’état des lieux comparé a toutefois
révélé l’existence de différences, souvent
anciennes, et de divergences récentes en
matière de politique fiscale :
- concernant les différences, on
relève essentiellement les points sui-
vants : un pilotage plus intégré en
Allemagne des politiques de prélève-
ments,
l’autonomie
financière
des
Länder ne reposant pas sur la notion de
ressources
fiscales
propres
et
l’Allemagne n’ayant pas de fiscalité
affectée à la protection sociale ; le poids
accru des cotisations sociales en France,
où la politique familiale repose pour une
part importante sur les salaires ; un écart
substantiel en matière de taxation du
patrimoine dû, en large part à une impo-
sition plus forte du foncier ; l’existence
en France de nombreux impôts et taxes
grevant les coûts de production qui
Principaux enseignements tirés
de la comparaison
24
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
n’ont pas leur équivalent en Allemagne
(dont 26,5 Md€ assis sur les salaires) ;
- concernant les divergences ayant
caractérisé les politiques menées depuis
une dizaine d’années, trois sont à rele-
ver : la moindre priorité donnée en
France à la maîtrise des déficits, en par-
ticulier ceux des comptes sociaux ; le
développement plus rapide des niches
fiscales et sociales en France au cours
des années 2000 ; la continuité de la
politique fiscale allemande dans le sens
de
la réduction des déficits et la restau-
ration de la compétitivité.
Une politique fiscale
allemande plus
explicite et visant la
neutralité
La politique fiscale allemande identi-
fie mieux un objectif prioritaire pour
chaque catégorie d’imposition. Ainsi, la
hausse de 3 points de la TVA au 1er jan-
vier 2007 a-t-elle été essentiellement jus-
tifiée par la nécessité de redressement
des comptes publics. Les réformes de
l’impôt sur les sociétés de 2000 et de
2008 ont visé un objectif général d’amé-
lioration de la compétitivité des entre-
prises et d’attractivité du territoire alle-
mand, et l’impôt sur le revenu a un rôle
de redistribution clairement réaffirmé
par la création en 2008 d’une tranche
supplémentaire au taux marginal de
45 % pour les revenus supérieurs à
250 000 € annuels. Le débat français sur
la fiscalité apparaît moins tranché, de
nombreux impôts ou aménagements de
la fiscalité se voyant assigner une multi-
plicité d’objectifs, le passage au taux
réduit de la TVA pour la restauration en
étant une illustration récente.
La politique fiscale allemande privi-
légie plus clairement pour chaque impôt
la neutralité économique. Qu’il s’agisse
de l’imposition des entreprises, de l’IR
ou de la TVA, la fiscalité allemande fait
une place moins grande que la fiscalité
française aux incitations. « L’interven-
tionnisme fiscal » qui caractérise la
France s’explique notamment par une
conception
économique
différente
s’agissant de la place respective de l’Etat
et du marché.
L’évolution de la norme fiscale
apparaît moins foisonnante, et d’une
plus grande prévisibilité en Allemagne.
L’explication tient sans doute au carac-
tère très largement partagé entre l’Etat
et les Länder des recettes fiscales ainsi
qu’à la tradition politique de pro-
grammes de coalition, longuement
négociés puis mis en œuvre durant toute
une législature.
Enfin, plus qu’en France, le débat
public allemand en matière de fiscalité
tend à être structuré par des objectifs
chiffrés, principalement sous forme de
plafonnements des taux de prélève-
ments. En matière de cotisations
sociales, les gouvernements successifs se
sont tenus à un taux global de cotisa-
tions sociales de 40 %. Un objectif simi-
laire a structuré la réforme de l’impôt
sur les sociétés de 2008.
Principaux enseignements tirés
de la comparaison
25
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
Des données
propres à la situa-
tion française
Trois caractéristiques de la situation
de notre pays restreignent le champ des
rapprochements ou convergences possi-
bles.
L’impératif absolu de redressement
des finances publiques implique une
maîtrise stricte et durable des dépenses
publiques, sans exclure l’utilisation du
levier de la recette. Toute réflexion sur
l’évolution de notre fiscalité doit donc
s’opérer à rendements constants immé-
diats et sur la base d’hypothèses pru-
dentes.
L’objectif de compétitivité a une
place centrale, compte tenu du risque
d’un décalage croissant entre les deux
économies et de la perte de l’avantage
relatif dont bénéficiait la France en
termes de compétitivité coût au début
des années 2000.
L’objectif de redistribution est plus
important dans notre système fiscal. La
redistribution entre niveaux de revenu
peut néanmoins emprunter deux voies :
celle des prélèvements, mais aussi celle
des prestations et transferts, un outil
sans doute plus fin et souvent mieux
adapté à l’objectif de redistribution.
Des pistes d’évolu-
tion qui supposent
des choix clairs
Les pistes envisageables
par blocs de prélèvements
La baisse de la taxation progressive
des revenus (poids relatif de l’IR dimi-
nuant de moitié en vingt ans pour ne
représenter que 2,59 % du PIB en 2008)
et la hausse de la taxation proportion-
nelle (CSG, CRDS) en France invitent à
se poser la question d’une refonte d’en-
semble de ces prélèvements et du niveau
global de progressivité. Toutefois, si
l’Allemagne a conservé un prélèvement
sur les revenus plus lourd et un peu plus
progressif, ceci s’est accompagné du
maintien d’un niveau faible de taxation
du patrimoine et d’un mode de finance-
ment de la protection sociale moins soli-
daire.
Les évolutions divergentes des coûts
salariaux unitaires dans les deux pays au
cours des dix dernières années obligent
à considérer comme un axe prioritaire
de réflexion la question de l’allègement
relatif de la taxation portant sur le tra-
vail, en particulier pour les entreprises
exposées à la concurrence internatio-
nale.
Au-delà de ces deux sujets, la juxta-
position de taux de cotisations patro-
nales élevés et d’exonérations massives
sur les bas salaires prive le système fran-
Principaux enseignements tirés
de la comparaison
26
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
çais de lisibilité et pose la question de
leur traduction explicite dans le barème.
En matière de TVA, l’Allemagne et
la France ont suivi des évolutions diver-
gentes. Les recettes de TVA en France
ont diminué de 0,4 point de PIB entre
1995 et 2008, à rebours de l’évolution
européenne. En termes d’enjeu budgé-
taire, il apparait que deux exceptions au
taux normal propres à la France (les tra-
vaux dans les logements et les services
de restauration) représentent les deux
tiers de l’enjeu total (15 Md€) qui s’atta-
cherait à l’harmonisation entre les deux
pays du périmètre et du niveau du taux
réduit.
Concernant l’imposition des socié-
tés, si le niveau global d’imposition entre
les
deux
pays
est
comparable,
l’Allemagne a, au cours des années 2000,
fait évoluer ses règles dans le sens d’un
élargissement de l’assiette et d’une
baisse des taux.
En ce qui concerne la taxation du
patrimoine, l’Allemagne se situe à un
niveau très faible parmi les pays de
l’OCDE. Du fait de cette situation aty-
pique, elle peut difficilement être consi-
dérée comme
une référence à privilégier
pour la France. Toutefois, certains
aspects sont dignes d’attention :
- l’Allemagne a privilégié la taxation
des revenus du patrimoine et allégé ou
conservé à un niveau réduit la taxation
de la détention et celle de la transmis-
sion du patrimoine. En parallèle, elle a
conservé un IR conséquent dont le taux
marginal supérieur est plus élevé que le
nôtre ;
- la suppression de l’imposition glo-
bale de la fortune, en Allemagne et dans
d’autres pays, tient pour une part à la
fragilité juridique et politique des bases
cadastrales utilisées pour le calcul de la
partie immobilière de l’assiette. A cet
égard, l’ISF français, qui repose sur les
valeurs vénales, apparaît plus robuste. Il
souffre, en revanche, de deux faiblesses
intrinsèques : une assiette étroite et des
taux progressifs élevés eu égard aux taux
actuels d’inflation et de rendement des
placements financiers ;
- s’agissant de la taxation des reve-
nus du patrimoine, l’Allemagne a récem-
ment privilégié le prélèvement forfai-
taire libératoire. La fiscalité française,
qui juxtapose une fiscalité
sociale pro-
portionnelle et une fiscalité d’Etat juxta-
posant imposition au barème et possibi-
lités d’option pour le prélèvement libé-
ratoire, appelle un réexamen d’ensem-
ble ;
- enfin, concernant la fiscalité de la
transmission des biens professionnels, la
situation allemande est marquée par
l’absence de toute imposition des ces-
sions de fonds de commerce et de droits
sociaux. Elle se caractérise par des exi-
gences plus strictes de maintien de l’ac-
tivité et des emplois pour bénéficier des
règles favorables en matière de transmis-
sion des entreprises.
En matière de fiscalité environne-
mentale, l’examen de la législation alle-
mande fait apparaître deux domaines où
un rapprochement serait susceptible de
dégager des marges de manœuvre bud-
gétaires : la fiscalité de la consommation
Principaux enseignements tirés
de la comparaison
27
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
d’énergie, la taxation des véhicules parti-
culiers.
Les grands choix à opérer
La comparaison menée montre que
la France devra, à un horizon proche,
remédier aux divergences constatées
dans la période récente avec l’Allemagne
en termes de finances publiques et de
compétitivité. Elle ne pourra le faire
sans solliciter, entre autres instruments,
celui de la fiscalité.
La comparaison a identifié, au delà
du réexamen souhaité des niches, deux
marges de manœuvre : la taxation de la
consommation, d’une part, avec le péri-
mètre et le niveau du taux réduit de
TVA, et d’autre part, la fiscalité environ-
nementale (taxation des produits éner-
gétiques et des véhicules particuliers).
Les deux utilisations possibles des
marges de manœuvre sont la réduction
des déficits publics ou l’amélioration de
la compétitivité par l’allègement de la
taxation du travail et des coûts de pro-
duction des entreprises.
En ce qui concerne l’amélioration de
la compétitivité, l’allègement des coûts
pourrait porter en priorité sur les cotisa-
tions patronales (branche famille) ou les
impôts et taxes grevant les coûts de pro-
duction et assis sur les salaires. Ceci
pourrait conduire à engager un proces-
sus de substitution progressive d’un
financement universel à un financement
professionnel pour certaines politiques
publiques sans rapport direct avec les
entreprises (politiques familiale, de
transport, de logement) en veillant aux
conséquences redistributives des évolu-
tions.
Politiques euro-
péennes et cadre
d’impulsion et de
cohérence franco-
allemand
Les limites des politiques
menées au niveau de
l'Union européenne
Au sein de l’Union européenne, les
dispositions prévues par le Traité en
matière fiscale sont contraintes par la
règle de l’unanimité. Elles sont guidées
par un objectif central : le bon fonction-
nement du marché intérieur. La défini-
tion d’assiettes communes et de taux
minima en matière de fiscalité indirecte
n’a
pas
empêché
la
France
et
l’Allemagne de mener des politiques
divergentes dans la période récente. La
concurrence fiscale au sein de l’UE tend
à s’intensifier, notamment du fait de
l’hétérogénéité croissante des Etats
membres suite à l’élargissement. Les ins-
truments traditionnels de l’harmonisa-
tion tendent à s’essouffler, de nombreux
sujets revenant de fait à la Cour de
Justice de l’Union Européenne.
En outre, l’absence de dynamique de
convergence au sein de l’UE se retrouve
au sein de la zone euro, alors même
Principaux enseignements tirés
de la comparaison
28
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
qu’elle y serait encore plus nécessaire.
Cela tient à la faiblesse des outils de
coordination des politiques écono-
miques, qui n’ont pas empêché certains
Etats de mener des politiques fiscales
« agressives » en matière d’imposition
des sociétés.
Les potentialités du cadre
franco-allemand
Sur la base d’une volonté politique
forte au niveau des deux Etats, plusieurs
leviers d’action sont envisageables pour
inscrire les politiques fiscales des deux
pays dans une dynamique de conver-
gence croissante :
- la définition de positions com-
munes susceptibles de faciliter l’émer-
gence au niveau de l’Union européenne
d’un processus de convergence : la
convergence de vue franco-allemande
pourrait servir de levier pour accélérer
une convergence plus large, par exemple
dans le cadre des « coopérations renfor-
cées » prévues par le Traité ;
- l’identification de bonnes pra-
tiques, chaque pays pouvant chercher à
améliorer la performance de son propre
système fiscal ;
- la mise en œuvre d’un programme
de simplification visant à assurer tant
aux entreprises qu’aux ménages concer-
nés la « convergence au quotidien »
(transmissions transfrontalières de patri-
moines composés d’entreprises, règles
de justification des prix de transfert).
Cette liste non exhaustive met en évi-
dence l’intérêt d’un travail continu
d’analyse et de résolution des diver-
gences de pratiques fiscales.
Ces leviers supposent néanmoins,
pour être actionnés efficacement, une
volonté politique forte
partagée et
ins-
crite dans la durée. L’impulsion pourrait
être donnée
par le Conseil des ministres
franco-allemand,
le Conseil écono-
mique franco-allemand constituant le
pivot. Plusieurs voies pourraient être
poursuivies :
- échanger régulièrement (au pre-
mier semestre de chaque année en lien
avec la procédure du « semestre euro-
péen » pilotée par la Commission sur la
politique budgétaire) et de façon appro-
fondie sur les orientations de politique
fiscale à court et moyen terme afin
d’aboutir à des politiques fiscales plus
convergentes ;
- définir un programme de travail
annuel visant à résoudre des questions
techniques ou pratiques faisant difficulté
pour les acteurs économiques et les par-
ticuliers ;
- mobiliser des expertises comparées
sur des sujets relatifs aux prélèvements
et à leur impact économique et social.
Conclusion générale
29
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
Qu’il s’agisse du niveau des prélèvements obligatoires, de leur structure, des taux
de taxation effectifs, France et Allemagne sont d’ores et déjà très proches. Les deux
pays peuvent unir leurs efforts pour promouvoir au niveau européen une plus grande
harmonisation fiscale, par exemple en matière d’imposition des sociétés. Au sein de
la zone euro, la coopération économique entre les deux pays pourrait comprendre
une dimension fiscale.
La comparaison entre les deux systèmes fiscaux et sociaux français et allemand
est riche d’enseignements mais aussi source de préoccupations.
Le déficit structurel des finances publiques françaises, sur lequel la Cour n’a
cessé d’attirer l’attention, dépasse de plus de 3 points celui de l’Allemagne. Il est
d’abord lié à une moindre capacité de la France à maîtriser la dépense. Il tient éga-
lement aux différences de conception des politiques fiscales (priorité plus forte don-
née en Allemagne à la préservation des recettes, logique privilégiant davantage la
neutralité économique) ou budgétaires (refus de tout déficit des comptes sociaux).
Au-delà, sont apparus des facteurs de divergence économique préoccupants pour
la France. L’Allemagne, a, depuis le début des années 2000, constamment donné
la priorité à l’amélioration de sa compétitivité. Elle en récolte aujourd’hui les fruits,
qu’il s’agisse de compétitivité-coût, d’emploi, de balance commerciale. La politique
menée en matière de prélèvements y a contribué.
La France ne saurait laisser ces facteurs de divergence se poursuivre. Il lui faut,
dans sa politique en matière de prélèvements, donner toute leur place au rééquili-
brage des finances publiques et à l’amélioration de la compétitivité, dans un cadre
suffisamment stable et prévisible. La comparaison avec l’Allemagne fait ressortir
des marges de manoeuvre (remise en cause de niches fiscales et sociales, périmètre et
taux de la TVA à taux réduit, taxation des produits énergétiques et des trans-
ports) et leurs utilisations possibles (réduction accrue des déficits, allègement de la
taxation du travail).
Pour qu’une telle évolution porte ses fruits, elle doit être partagée le plus large-
ment possible par les acteurs politiques, économiques et sociaux, se traduire par l’ex-
plicitation d’une stratégie fiscale de moyen terme inscrite dans les lois de program-
mation des finances publiques, et sa mise en oeuvre doit s’inscrire dans la durée.
Principales constatations
30
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
.
Concernant les caractéris-
tiques générales des pays et de
leurs systèmes de prélèvements
obligatoires :
depuis quelques années, la
France et l’Allemagne ont suivi des
tendances divergentes sur le plan éco-
nomique, qu’il s’agisse de la croissance
des deux pays, de la compétitivité de
leurs exportations, ou encore du taux
de chômage. Seule l’évolution des iné-
galités sur la période a été plus défavo-
rable en Allemagne ;
la progression des coûts sala-
riaux unitaires de l’industrie française a
été supérieure de dix points à celle de
l’industrie allemande sur la période
2000-2008 ; cette évolution, qui n’est
pas propre à la France, a supprimé
l’écart qui existait au début des années
2000 ;
la situation de leurs finances
publiques est contrastée : le déficit
structurel français est supérieur de plus
de trois points de PIB au déficit struc-
turel allemand ;
par rapport aux autres pays
européens, le poids des prélèvements
obligatoires en France et en Allemagne
est élevé. Il a cependant eu tendance à
se réduire en Allemagne, dans des pro-
portions
plus
importantes
qu’en
France. L’écart de taux de prélève-
ments obligatoires se monte à 3,5
points de PIB, deux tiers de l’écart
s’expliquant par une architecture diffé-
rente
du
système
de
protection
sociale ;
le poids de l’imposition de la
consommation est comparable dans
les deux pays. Mais depuis 2000, ces
derniers suivent chacun une tendance
divergente : à la diminution observée
en France, sous l’effet notamment de
l’introduction de nombreux taux
réduits de TVA, s’oppose la hausse
récente
observée
en
Allemagne,
comme dans la plupart des pays euro-
péens ;
l’imposition des revenus du tra-
vail est, elle aussi, d’un niveau compa-
rable dans les deux pays, même si elle a
eu tendance à se réduire en Allemagne
depuis quelques années, ce qui n’est
pas le cas en France. Parmi les diffé-
rentes impositions assises sur le travail,
existent en France de nombreux prélè-
vements acquittés par les entreprises,
assis sur la masse salariale (taxe sur les
salaires, versement transport, taxe
d’apprentissage, notamment), dont le
montant s’est accru depuis 2000 et qui
ne se retrouvent pas en Allemagne ;
l’imposition du capital, qui a très
peu évolué depuis 2000 dans les deux
pays, concentre l’essentiel de l’écart de
prélèvements obligatoires. Il s’explique
par l’existence en France de prélève-
ments pesant plus lourdement qu’en
Allemagne (impôts fonciers et droits
de mutation), ou n’ayant pas d’équiva-
lent dans ce pays (contribution écono-
mique territoriale et C3S pour les
entreprises, taxe d’habitation et plus
Principales constatations
31
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
marginalement
l’ISF
pour
les
ménages) ;
la fiscalité environnementale est
en réduction en France comme en
Allemagne, et se caractérise par sa fai-
blesse par rapport aux autres pays de
l’Union européenne. Elle serait encore
plus marquée en France si on retirait
des
statistiques
le
versement
transport ;
les politiques fiscales menées
depuis 2000 dans les deux pays sont
contrastées. Toute réflexion sur la
convergence fiscale doit conserver à
l’esprit que les marges de manœuvre,
en termes de finances publiques, ne
sont pas les mêmes dans les deux pays.
.
Concernant les prélève-
ments obligatoires sur le revenu
des ménages :
le poids dans le PIB de l’impôt
sur le revenu est plus de trois fois plus
élevé en Allemagne qu’en France
(9,6 % contre 2,6 % en 2008), du fait
d’une assiette réduite en France par
des déductions forfaitaires impor-
tantes et des dépenses fiscales coû-
teuses, et d’une baisse plus importante
du taux marginal supérieur au cours de
ces dernières années. En France, la
baisse de l’IR s’est accompagnée
depuis une vingtaine d’années de la
progression de la CSG puis de la
CRDS, prélèvements proportionnels
dont les recettes cumulées pèsent envi-
ron 4,6 % du PIB (2008) ;
les cotisations sociales, réparties
presque
paritairement
entre
employeurs et salariés en Allemagne,
sont marquées en France par l’impor-
tance des cotisations patronales (11 %
du PIB contre 4 % pour les cotisations
salariales), malgré d’importantes exo-
nérations pour les bas salaires. A la dif-
férence de la France, les cotisations
sociales
sont
dégressives
en
Allemagne, du fait de l’importance des
plafonds d’assujettissement et de coti-
sations ;
l’impact global de ces prélève-
ments socio-fiscaux, aux structures
très différentes, sur le coût du travail
est pourtant assez proche entre la
France et l’Allemagne, avec un « coin »
socio-fiscal légèrement progressif et
proche de 50 % dans les deux pays.
Concernant la prise en compte des
charges de famille, des systèmes diffé-
rents aboutissent là encore à des résul-
tats voisins, avec toutefois un avantage
relatif en France pour les familles de
trois enfants et plus, et celles aux reve-
nus élevés.
.
Concernant la fiscalité sur
le patrimoine :
l'Allemagne a fait des choix de
politique fiscale qui ont conduit à un
poids très faible de sa fiscalité du patri-
moine, qui ne représente que 0,85 %
de son PIB (2009), soit plus de deux
fois moins que pour la moyenne des
pays de l'OCDE. Pour sa part, la
France est dans une position exacte-
Principales constatations
32
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
ment opposée, avec des impositions
sur le patrimoine qui représentent
3,41 % de son PIB (2009), soit presque
deux fois plus que la moyenne de
l'OCDE ;
la fiscalité sur la détention du
patrimoine marque de très nettes
divergences entre les deux pays.
L'Allemagne a suspendu (impôt sur la
fortune) ou supprimé (taxe profession-
nelle sur le capital) ses impositions sur
le stock de capital depuis la fin des
années 1990, et maintenu ses recettes
de taxes foncières à un niveau modeste
et stable dans le temps. La France
quant à elle a connu au surplus une très
forte dynamique de ses recettes de
taxes foncières, et est le seul pays
membre de l'Union européenne à pra-
tiquer encore une imposition nationale
sur la fortune ;
les deux pays ont conduit
récemment des réformes tout à fait
comparables en matière de droits de
mutation à titre gratuit, dans le double
objectif d'exonérer assez largement les
transmissions
des
patrimoines
modestes et moyens, et de faciliter par
ailleurs les transmissions d'entreprises.
Ils ont en revanche des pratiques très
différentes sur les droits de mutation à
titre onéreux, dont le champ d'applica-
tion est plus restreint et les taux plus
faibles en Allemagne qu'en France ;
la fiscalité sur les revenus du
patrimoine enfin, dont les recettes sont
globalement comparables entre les
deux pays, repose sur des mécanismes
très dissemblables, avec d'un côté un
prélèvement
forfaitaire
libératoire
quasi-généralisé en Allemagne, et de
l'autre un impôt sur le revenu principa-
lement au barème et des contributions
sociales proportionnelles, dont le
poids est croissant en France. Les
choix de politique fiscale effectués
récemment ont conduit, dans les deux
pays, à un alourdissement de la taxa-
tion des plus-values.
.
Concernant la fiscalité des
sociétés :
la fiscalité des sociétés a connu
des évolutions divergentes dans les
deux pays au cours de la dernière
décennie : l’Allemagne a fortement
réduit le poids de son impôt sur les
sociétés, dont le taux est passé de 30
ou 40 % en 1999 (selon que le bénéfice
est ou non distribué) à 15 % en 2008 ;
de son côté, la France a globalement
maintenu le niveau de son impôt sur
les sociétés. Les recettes associées à cet
impôt s’établissaient ainsi à 0,64 % du
PIB en Allemagne (soit la part la plus
faible de l’ensemble des pays de l’UE)
contre 2,53 % en France. Toutefois, le
fait qu’une forte part des entreprises
allemandes est sous le régime des
sociétés de personnes amène à nuancer
ce constat ;
l’impôt local sur les entreprises
en vigueur en Allemagne (taxe com-
merciale ou Gewerbesteuer) étant basé
sur une assiette proche de celle de l’IS,
Principales constatations
33
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
le taux de prélèvement sur les béné-
fices en Allemagne s’entend de l’addi-
tion de celui de l’IS et de la taxe com-
merciale. Ce taux est aujourd’hui légè-
rement plus faible en Allemagne
(31 %) qu’il ne l’est en France
(34,5 %) ;
l’impôt sur les sociétés allemand
est davantage caractérisé par une
recherche de neutralité privilégiant un
taux faible et une assiette large. A l’in-
verse, le système français s’appuie sur
une logique d’incitation fiscale et
affiche un taux plus élevé et une
assiette plus étroite. La niche fiscale la
plus importante en matière d’IS est le
crédit d’impôt recherche, qui n’a pas
d’équivalent en Allemagne ;
les deux systèmes d’imposition
des sociétés sont globalement assez
proches, et pourraient à terme reposer
sur une assiette commune ;
en revanche, la fiscalité fran-
çaise comporte de nombreuses taxes
sur la production, dont les plus impor-
tantes sont la taxe sur les salaires et le
prélèvement transport et qui représen-
tent
environ
1,2 %
du
PIB
;
l’Allemagne n’en connaît pas l’équiva-
lent.
.
Concernant la TVA
:
les taux de TVA et la part dans
le PIB des recettes résultant de cet
impôt sont aujourd’hui proches dans
les deux pays. Toutefois, cette situation
résulte d’une évolution divergente au
cours des 20 dernières années : ten-
dance à la baisse de la TVA dans les
prélèvements obligatoires en France ;
augmentation en Allemagne ;
le périmètre du taux réduit est
sensiblement plus large en France
qu’en Allemagne ; en particulier, la
France a soumis le secteur de la restau-
ration et les services intensifs en main
d’œuvre (travaux de réparation dans le
bâtiment) au taux réduit alors que
l’Allemagne n’a adopté une telle
mesure que pour le secteur de l’hôtel-
lerie ;
parallèlement au taux réduit, la
France met en œuvre de nombreux
taux dérogatoires (5 taux différents du
taux normal et du taux réduit) applica-
bles à certaines activités (presse et
médicaments
remboursés
par
la
Sécurité sociale bénéficient d’un taux
super-réduit à 2,1 %) et à certaines
régions (Corse, départements d’outre-
mer) ;
au total, l’efficacité du dispositif
français de TVA en termes de rende-
ment budgétaire apparaît inférieure à
ce qu’elle est en Allemagne ; un aligne-
ment de la situation française sur celle
qui prévaut en Allemagne s’agissant du
taux réduit et du périmètre de ce der-
nier se traduirait par des recettes bud-
gétaires supplémentaires de 15 mil-
liards d’euros.
.
Concernant
la
fiscalité
environnementale :
Principales constatations
34
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
alors que la France a échoué par
deux fois à introduire une taxe car-
bone, l'Allemagne a mené une réforme
progressive de sa fiscalité environne-
mentale depuis 1999. En 1999, a été
conduite une réforme (Ökosteuerre-
form) qui a essentiellement consisté en
une augmentation de la taxation des
produits énergétiques (et notamment
des carburants) et de l'électricité, afin
d'alléger la fiscalité du travail. Ces
réformes ont été progressivement
complétées depuis 2005, avec notam-
ment la création de nouvelles taxes
environnementales : péages sur les
poids lourds, taxe sur le transport
aérien. De ce fait, la fiscalité environ-
nementale est désormais plus dévelop-
pée en Allemagne qu'en France ;
en ce qui concerne la taxation
des produits énergétiques, les deux
pays taxent fortement les carburants,
alors que les combustibles sont moins
taxés que dans le reste de l'Union euro-
péenne. Les taux des taxes sur les car-
burants sont cependant plus élevés en
Allemagne qu'en France. De la même
façon, la consommation d'électricité
est davantage taxée en Allemagne
qu'en France ;
l'Allemagne, comme la plupart
des pays européens, taxe la possession
de véhicules à moteur. En France,
depuis la suppression de la taxe
annuelle sur les véhicules des particu-
liers en 2001, seuls les véhicules de
tourisme des sociétés et les véhicules
les plus polluants (depuis 2008) font
l'objet
d'une
taxe
annuelle.
En
revanche, la délivrance des certificats
d'immatriculation fait l'objet de trois
taxes. Au total, le dispositif français
apparait plus complexe et le produit
issu de ces taxes est plus réduit.
Principales orientations
35
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
La comparaison des fiscalités fran-
çaise et allemande a permis d’apporter
au long du rapport des éclairages sur
les évolutions envisageables pour cer-
tains prélèvements.
Au-delà, les travaux de la Cour
ont mis en évidence quatre orienta-
tions générales portant sur
la poli-
tique fiscale dans son ensemble
:
.
Procéder à un réexamen systé-
matique du bien-fondé de chacun des
impôts, taxes et cotisations grevant, au-
delà des cotisations légales de sécurité
sociale, les coûts de production des
entreprises, en portant une attention
particulière aux prélèvements assis sur
les salaires ;
.
Amplifier la réduction des
niches fiscales et sociales comme la
Cour et le Conseil des prélèvements
obligatoires l’ont recommandé notam-
ment dans
leurs récents rapports
publics ;
.
Elaborer une stratégie fiscale
de moyen terme, et ce faisant fournir à
l’ensemble des acteurs un cadre prévi-
sible et suffisamment stable ;
.
Dans le cadre de cette stratégie
de moyen terme qui doit nécessaire-
ment viser à réduire les déficits et à
améliorer la compétitivité :
engager un processus de substi-
tution progressive d’un financement à
caractère universel à un financement
professionnel, assis sur les salaires,
pour des politiques publiques sans rap-
port direct avec l’entreprise ;
mobiliser à cette fin, en particu-
lier, les marges de manœuvre tirées de
la réduction des niches fiscales et
sociales, ainsi que de celles
mises en
évidence en matière de taxation de la
consommation et de fiscalité environ-
nementale ;
analyser
leurs
conséquences
redistributives et envisager, le cas
échéant, les dispositifs d’accompagne-
ment nécessaires, en particulier par
l’aménagement de prestations sociales
ou la progressivité des impositions.
La comparaison a conduit éga-
lement à formuler deux orientations
sur la suite des travaux entre la
France et l’Allemagne
:
.
Achever, entre les administra-
tions, l’approfondissement technique
en matière d’assiette de l’impôt sur les
sociétés, dans la perspective d’une har-
monisation progressive ;
Principales orientations
36
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
.
intégrer les orientations de poli-
tique fiscale dans la coordination des
politiques économiques française et
allemande, dont le Conseil écono-
mique franco-allemand est le pivot
naturel.
La comparaison réalisée a enfin
confirmé le bien fondé d’orientations
précédemment énoncées par la Cour et
visant à assurer un pilotage plus cohé-
rent des finances de l’Etat, des collecti-
vités locales et de la sécurité sociale.
Ce pilotage exige que la straté-
gie d’ensemble qui aura été définie
soit inscrite dans une loi de pro-
grammation des finances publi-
ques :
juridiquement contraignante à
l’égard des lois de finances et des lois
de financement de la sécurité sociale ;
intégrant, pour les comptes
sociaux, le refus de principe de tout
déficit.