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Intervention de M. Didier Migaud, Premier président
Présentation à la presse du rapport public annuel
Jeudi 17 février 2011
Mesdames, Messieurs,
Avant toute chose, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à la Cour. C’est toujours un plaisir de
vous accueillir si nombreux à l’occasion de ce rituel qu’est la publication du rapport annuel.
Je l’ai remis au Président de la République ce matin même et je le déposerai, tour à tour, dans le
courant de l'après-midi, sur le bureau de l’Assemblée nationale puis sur celui du Sénat. Pour la première fois, en
plus de mon habituelle intervention de présentation, le dépôt du rapport sera suivi d’un débat à l’Assemblée
nationale, qui se tiendra le 1er mars prochain.
Ce rapport est un moment important dans la vie des juridictions financières. Il reflète un travail de
l’ensemble des chambres de la Cour et des Chambres régionales des comptes.
Cette année, il compte 46 contributions issues du travail
d’une cinquantaine de magistrats, rapporteurs
extérieurs et experts de la Cour et d’une cinquantaine de magistrats des chambres régionales des comptes,
parfois dans le cadre d’enquêtes communes.
Il présente à partir de sujets de nature variée un large échantillon
des travaux de la Cour. Il est issu du travail de coordination conduit par le rapporteur général, M. Jean-Marie
Bertrand, et son équipe. Je veux leur rendre hommage comme je veux remercier également les présidents de
chambre et tous les rapporteurs qui ont apporté la matière de ce travail.
Bien entendu, même si le rapport public annuel demeure la publication historique et emblématique de la
Cour, celle à laquelle on associe spontanément notre institution, nous publions de plus en plus le résultat de nos
travaux tout au long de l’année. C’est
une trentaine de publications
que nous vous avons présentée en 2010.
6 rapports thématiques, deux rapports publics portant sur des organismes faisant appel à la générosité
publique (la Fondation pour l'enfance et la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France).
Les 6 rapports annuels que nous élaborons dans le cadre de notre mission d’assistance au Parlement et
au Gouvernement en matière d’exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale :
le premier sur la situation et les perspectives des finances publiques, deux sur le budget de l’Etat (la gestion
budgétaire – RRGB et les décrets d’avance), un sur les finances de la sécurité sociale et deux rapports de
certification.
16 à la demande des commissions des finances et des affaires sociales du Parlement, dont 12 pour les
commissions des finances (12) et 4 pour les commissions des affaires sociales (4). A la date d’aujourd’hui, 13 ont
été rendus publics par les assemblées.
Je n’oublie pas enfin le rapport sur la gestion des services de la Présidence de la République.
Pour autant, le rapport annuel demeure un moment tout à fait singulier dans l’année. C’est un rendez-vous
attendu de vous et à travers vous de l’opinion publique.
La Cour s’est attachée à donner à ce cru 2011 trois caractéristiques très importantes à mes yeux.
Seul le prononcé fait foi
1
La première, c’est un certain équilibre entre les nouveaux sujets d’investigation et le suivi des
effets de contrôles précédents
. Nous avons souhaité accorder cette année autant d’importance au suivi dans
le temps des effets des contrôles et des recommandations qu’aux résultats des dernières enquêtes. Les deux
tomes du rapport public annuel – les observations des juridictions financières et les suites qui leur sont données
–sont presque équilibrés : 25 insertions dans le tome I, 21 dans le tome II.
Il n’est pas anodin que les médias se soient intéressés, avant même la sortie du rapport, au grand port maritime
de Marseille, que la Cour a réexaminé sur la base de ses contrôles précédents.
Résolument constructive dans ses observations et recommandations, la Cour est aussi énergique et tenace dans
le suivi des actions correctrices effectivement engagées ou, dans certains cas, qui tardent à venir.
La
deuxième
caractéristique,
c’est l’examen encore accru des résultats des politiques publiques
,
pour répondre à un besoin grandissant du citoyen.
La
troisième caractéristique
est
l’attention portée à des sujets qui concernent beaucoup de
citoyens
, de manière parfois très concrète. Quelques exemples parmi ceux examinés cette année : la prime pour
l’emploi : huit millions de ménages sont concernés ; la contribution aux charges du service public de l’électricité
figure sur la facture de chaque consommateur. Si la Cour examine l’indemnisation du chômage partiel et le fonds
de réserve des retraites, c’est parce que l’emploi et les retraites figurent au premier rang des préoccupations des
Français.
L’une de nos missions constitutionnelles est de donner au citoyen une information précise, argumentée et solide,
ainsi que des analyses approfondies et suivies dans le temps. C’est ce que s’efforce de faire le rapport que vous
avez entre les mains. Ce moment particulier dans le débat public de notre démocratie repose en grande partie
sur l’écho et le poids que vous donnez à nos observations et à nos recommandations. Je veux également vous
en remercier.
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J’en viens à présent à la présentation du
premier tome
, qui regroupe les résultats de 25 contrôles que
la Cour et les chambres régionales des comptes ont mené. Comme vous le savez, nous parlons d’insertions pour
présenter les résultats écrits des contrôles retenus pour figurer dans notre rapport public annuel.
La première d’entre elle, comme c’est désormais la tradition établie, est une analyse de la
situation de
nos finances publiques. Elle reste extrêmement sérieuse
, ainsi que nous ne cessons de le dire et de l’écrire
depuis quelque temps déjà.
Les objectifs de la loi de programmation 2009-2012 n’ont pas été tenus. L’amélioration espérée n’a pas
été obtenue. Une aggravation est même en réalité constatée.
Le déficit public attendu pour 2010 est de 7,7 %, contre une prévision de 3,1 % dans la loi de
programmation. Outre le fait que les dépenses continuent d’augmenter en volume, il est très préoccupant de
constater que le déficit structurel s’est encore aggravé. Il est désormais de 5,5 points de PIB, en hausse de 0,5
point l’an dernier en raison notamment des décisions de baisse des prélèvements obligatoires.
La nouvelle loi de programmation des finances publiques 2011-2014 a retenu des objectifs et règles plus
ambitieux, avec un objectif de 3 % de déficit public en 2013.
Toutefois, comme la commission Camdessus, la Cour constate que cette loi de programmation n’a pas
de portée juridique supérieure aux lois de finances, et risque dès lors d’en rester au stade des ambitions. Comme
elle l’avait fait avant le vote de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, la Cour apportera une
contribution au Gouvernement et au Parlement dans la perspective de la réforme constitutionnelle annoncée sur
les finances publiques.
Seul le prononcé fait foi
2
Pour 2011, la Cour ne peut que constater que nous sommes encore loin de l’effort qu’elle avait
recommandé de réaliser. En 2011, la baisse du déficit proviendra pour la plus grande part de la disparition de
mesures exceptionnelles ou temporaires (plan de relance, surcoût ponctuel en 2010 de la réforme de la taxe
professionnelle…). Les économies identifiées par la Cour ne s’élèvent qu’à environ 5 Md€, alors qu’il faudrait
faire un effort d’économie de 13 Md€. L’effort structurel de réduction du déficit résultera des mesures de hausse
des prélèvements obligatoires correspondant à 1 1/2 point de PIB, dont seulement 7,5 Md€ sont pérennes.
Pour l’après 2011, les éléments dont on dispose aujourd’hui pour savoir si les objectifs peuvent être
tenues sont encore trop flous. Pour que la trajectoire décrite par la loi de programmation soit crédible, l’effort
structurel doit être plus ambitieux et les mesures nécessaires pour le réaliser rapidement précisées.
Nous revenons une fois de plus sur les
dépenses fiscales
. La Cour a été la première à en souligner les
dangers, dus à une progression incontrôlée. Nous avons souhaité dans le rapport 2011 y consacrer un chapitre
afin de souligner de nouveau le coût et les incertitudes qui accompagnent le recours aux dépenses fiscales.
Leur coût est élevé et en forte progression : entre 2004 et 2009, leur nombre est passé d’environ 400 à
500, et leur coût total a augmenté de 43 %. Sur la liste officielle des dépenses fiscales présentée en annexe des
projets de loi de finances, ce coût atteint 68 Md€ en 2009, hors mesures de relance (et 72,9 Md€ avec), soit
presqu’un tiers des recettes fiscales nettes de l’Etat contre 18 % en 2004. Elles font en outre l’objet d’estimations
et de prévisions souvent fausses. Le ministère des finances reconduit généralement dans le projet de loi de
finances le coût constaté l’année précédente..A vrai dire, la notion même de dépenses fiscales est trop floue,
comme en atteste le manque de cohérence de la liste des dépenses fiscales donnée en annexe des projets de loi
de finances. Le coût en 2009 des dispositifs retirés de la liste des dépenses fiscales depuis 2004 s’élève à 75
Md€.
Il faudrait surtout que les règles soient plus contraignantes afin de poursuivre l’effort de réduction du
coût des dépenses fiscales conformément aux recommandations de la Cour en juin dernier. Nous sommes
encore trop en deçà aujourd’hui.
A titre d’illustration, la Cour a analysé quelques dépenses consacrées au développement des
entreprises et de l’emploi. Certains ont déjà fait l’objet d’interventions dans le rapport du conseil des
prélèvements obligatoires d’octobre 2010 sur « Entreprises et niches fiscales et sociales », je n’y reviendrai pas,
sauf si vous le souhaitez.
La prime pour l’emploi
, dont le coût pour l’Etat a presque doublé entre 2001 et 2009, passant de 2,5 à
plus de 4 milliards d’euros, est la troisième dépense fiscale la plus importante. Entre logique de redistribution et
incitation au retour à l’emploi, elle est emblématique de l’imprécision des objectifs de beaucoup de dépenses
fiscales. La Cour fait trois constats :
-
son ambigüité et son absence de ciblage font qu’elle n’est pas vraiment incitative, en tout cas pas pour
les personnes en situation en situation précaire face à l’emploi.
-
son pilotage est défaillant : des améliorations ont été apportées à la gestion des déclarations de revenu
mais fraudes persistantes rendent indispensable un contrôle fiscal plus adapté au nombre élevé des
bénéficiaires et à la faiblesse des montants de chaque prime ;
-
Enfin, la Cour appelle à un choix politique quant à l’articulation de la prime pour l’emploi avec le RSA «
activité », créé en décembre 2008 avec des objectifs a priori similaires. Soit les fusionner, pour un
ciblage accru et une plus grande incitation au retour à l’emploi par exemple, soit en conservant le seul
RSA « Activité » soit en différenciant plus clairement les deux mesures…
La dernière insertion de cette première partie sur les finances publiques aborde un sujet sensible, le
Fonds de réserve des retraites
. Ce fonds avait été conçu en 1999 pour constituer une réserve de long terme
destinée à atteindre 150 Md€ et contribuer ainsi à partir de 2020 au financement des retraites. Cet objectif,
comme vous le savez, a été abandonné en juin 2010 : désormais, le FRR, dont l’actif se montait, au 1er
novembre 2010, à 36,2Md€, va servir à prendre en charge progressivement la réforme des retraites en versant
chaque année de l’argent à la CADES.
Seul le prononcé fait foi
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La Cour constate que le changement de nature du fonds présente des risques puisque l’idée de départ
était d’en faire un investisseur de long terme. Si l’on ajoute que les résultats du fonds ont été après six ans
inférieurs aux attentes, il apparaît clairement que la préférence manifestée pour le court terme pourrait avoir des
conséquences sérieuses : les réserves constituées par le FRR manqueront si les déficits des régimes de retraite
persistent au-delà de 2020, comme c’est encore à craindre.
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A cette première partie, qui correspond à notre mission d’analyse globale des finances publiques,
succède dans le premier tome le résultat de quelques contrôles
sur les politiques publiques
. Les thèmes qui y
sont rassemblés sont très variés.
Par-delà leur diversité, les insertions sont rassemblées en quelques lignes de force qui correspondent
aux axes de contrôle que la Cour choisit lorsqu’elle élabore son programme de travail. Je suivrai l’ordre du
rapport qui vous a été remis, et vous invite à parcourir ensemble cet épais volume.
Commençons par les sujets sanitaires et sociaux.
Aux yeux de la Cour, le
système français d’indemnisation du chômage partiel
, qui permet à un
employeur en situation difficile de réduire le temps de travail de ses salariés sans avoir à licencier, est un outil
insuffisamment utilisé en France. Nos voisins, je pense aux Allemands, aux Italiens, aux Belges, ont su s’en
servir lors de la crise économique récente. Ainsi, au plus fort de la crise, l’Allemagne a compté jusqu’à 1,53
million de salariés en chômage partiel contre 275 000 en France. Les conséquences sont proportionnelles : selon
l’OCDE, le chômage partiel a contribué à la sauvegarde de 251 000 emplois en Allemagne durant la crise, contre
seulement 18 000 en France. Si quelques facteurs structurels peuvent expliquer cette différence, la Cour
recommande que l’on rende le dispositif plus attractif pour les employeurs, qu’on le simplifie, et qu’on renforce les
incitations visant à combiner chômage partiel et formation.
L’insertion suivante sur
la campagne de lutte contre la grippe A (H1N1)v
est une synthèse de travaux
demandés par le Parlement. Le bilan fait apparaître une disproportion majeure entre l’ampleur des moyens
financiers mobilisés (663 M€) et la faiblesse de la couverture vaccinale obtenue : 5,4 millions de personnes
environ, soit 8,5% de la population. Cela correspond à 110 euros par personne vaccinée. La stratégie destinée à
offrir à l’ensemble de la population la possibilité de se faire vacciner dans des centres créés à cet effet s’est
avérée trop rigide et trop coûteuse face à un virus finalement, et heureusement, peu agressif, alors même que les
décisions prises auraient dû être adaptées.
C’est cette même question du coût qui menace aujourd’hui la pérennité du système de santé en
Polynésie
examiné conjointement par les magistrats de la Cour et de la chambre territoriale des comptes. Ce
système spécifique est en train de devenir insoutenable à très brève échéance : la dépense courante de santé
représentait déjà en 2008 l’équivalent de 48,7% du budget de la Polynésie française et 13% de son PIB. Seule
une réforme de grande ampleur, avec des mesures de rééquilibrage du financement entre les différents
partenaires et des mesures drastiques d’économie est de nature à garantir la pérennité du système.
Le chapitre suivant, consacré aux
U
exportations et à l’énergie
U
, s’ouvre par un examen du
soutien
public aux entreprises exportatrices
, né du constat simple que la part de marché de la France dans les
exportations mondiales se dégrade continûment, de 6 % en 1980 à 3,7 % en 2009. Il ressort de l’examen de
cette politique que ses acteurs doivent adopter un positionnement plus clair, notamment Ubifrance, avec un
ciblage des entreprises plus pertinent. Plus généralement, les effets de ce soutien aux entreprises exportatrices
sont difficiles à mesurer, d’autant plus que les objectifs retenus peuvent avoir des effets pervers…notamment
celui d’accompagner des stratégies de délocalisation. Il est selon la Cour urgent de clarifier la politique conduite
sur ce point.
Seul le prononcé fait foi
4
La Cour s’est aussi penchée sur une imposition qui ne dit pas son nom, que chaque consommateur
acquitte directement lorsqu’il règle sa facture d’électricité depuis 2003. C’est
la contribution aux charges du
service public de l’électricité
, qui vise à compenser auprès des opérateurs du marché de l’électricité (EDF pour
95 %) leurs charges de service public, c’est-à-dire la péréquation tarifaire dans les départements d’outre-mer et
en Corse (50 % du total, 2009), le soutien aux énergies renouvelables et à la cogénération (45 % du total, 2009)
et les tarifs sociaux de l’électricité (3,8 % en 2008). Ces charges sont en augmentation continue. Il est nécessaire
de s’attaquer fermement aux facteurs d’augmentation de ces charges : par exemple, le système de l’obligation
d’achat des énergies renouvelables fonctionne « à guichet ouvert », à des tarifs trop attractifs. Il faudrait aussi
selon la Cour que le principe constitutionnel du consentement à l’impôt soit respecté, c’est-à-dire que le taux de
la contribution demandée au consommateur fasse
l’objet d’une autorisation périodique et d’un contrôle du
Parlement.
Nous n’avons évidemment pas oublié le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Il ressort de l’enquête sur les
pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES
) que les efforts
de mutualisation doivent être poursuivis.
Un premier bilan que nous faisons de l’action de
l’Agence nationale de la recherche (ANR)
est positif,
mais les
fragilités en matière financière et de gestion
doivent être corrigées pour que l’agence gère avec le
maximum d’efficacité les 18,9 Md€ d’« investissements d’avenir », qui lui ont été alloués dans le cadre du Grand
Emprunt.
En conclusion de cette partie d’évaluation de politiques publiques, nous avons souhaité examiner, en
étroite collaboration avec les chambres régionales des comptes concernées,
quelques politiques de l’Etat
dans les départements d’outre-mer
.
Les départements de la Guyane, de Mayotte et de Saint-Martin, qui font face à des
flux migratoires
irréguliers
supérieurs à ceux de métropole, ont atteint les limites de leur organisation actuelle et doivent fournir
de vrais efforts pour les maîtriser.
Cet effort de maîtrise doit aussi s’étendre, pour tous les départements d’outre-mer, aux risques naturels,
auxquels ils sont particulièrement exposés. Nos enquêtes montrent par exemple que les plans de prévention des
risques sont imparfaits, en particulier aux Antilles, ou encore que la lutte contre les constructions illégales est
insuffisante, que de nombreux bâtiments de l’Etat ne sont pas aux normes…Au final, on privilégie aujourd’hui
l’indemnisation (à hauteur de 85 M€ de 2007 à 2009) à la prévention.
La politique sur laquelle la Cour a le plus à dire outre-mer reste
la politique de soutien à l’agriculture
.
Les aides, principalement destinées à la banane et à la canne à sucre, ont crû de 40 % entre 2008 et 2010. Elles
représentaient 28,6 % de la valeur de la production agricole outre-mer, soit le double de la proportion constatée
en métropole. Le cas extrême est celui de la banane de Martinique : les aides représentent 64,7% de la valeur de
la production. Et pourtant, le secteur n’arrive pas à maintenir ses emplois, en baisse de 40 % aux Antilles. Enfin,
cette priorité s’est traduite en fait par un approvisionnement de la population en produits locaux qui a
généralement régressé, et une balance commerciale des produits agricoles et alimentaires qui s’est dégradée. La
Cour s’interroge sur le modèle de développement agricole retenu pour ces territoires.
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La Cour consacre ensuite dans une troisième partie un certain nombre d’insertions à la gestion
des services de l’Etat et des organismes publics
, qui possèdent encore des marges certaines d’amélioration.
Nous insistons cette année sur les modes de gestion déléguée. Nous avons dressé par exemple un
premier bilan des
externalisations au ministère de la Défense
. La réalité des gains économiques est difficile à
apprécier. Dans certains cas, des surcoûts peuvent apparaître.
Seul le prononcé fait foi
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Une enquête de la chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes porte ensuite sur la
gestion du
domaine skiable
dans 18 stations de ski de la région qui représentent 80 % de l’activité hivernale française. Il
apparaît que les collectivités maîtrisent mal la gestion de ce domaine, et que des risques juridiques autant que
financiers importants pèsent sur elles. Elles sont souvent dans une position de faiblesse par rapport aux autres
partenaires. Surtout, elles sont parfois amenées à prendre en charge des investissements très lourds et non
rentables, sans pour autant que les délégataires, qui bénéficient de leurs retombées en termes de fréquentation
de la station, contribuent à leur financement.
Une autre enquête régionale sur la
continuité territoriale avec la Corse
conclut ce chapitre. Elle fait
apparaître un problème de financement pour la collectivité territoriale de Corse, en raison de passagers toujours
plus nombreux et de choix qui n’étaient pas des plus adaptés dans une logique de recherche de bon emploi des
deniers publics (notamment un régime généreux d’aide sociale).
Comme chaque année,
la gestion des ressources humaines de l’Etat
fait l’objet de notre part d’un
certain nombre d’observations critiques…
Ainsi,
la gestion des ouvriers d’Etat du ministère chargé de l’équipement et de l’aviation civile
est
coûteuse, en partie irrégulière et gravement défaillante. Alors que les effectifs ont diminué de 4 % en 3 ans, la
masse salariale des ouvriers de l’aviation civile a augmenté de 29 % ! Les pratiques telle que les promotions
coup de chapeau en toute fin de carrière, afin d’augmenter irrégulièrement les pensions de retraite ou encore les
bonifications de 20 % du salaire dès que l’on encadre deux agents dans l’aviation civile doivent cesser…La Cour
recommande de mettre un terme à tout recrutement d’ouvrier d’État et de revoir l’ensemble du dispositif de
primes, d’indemnités et d’heures supplémentaires applicables à cette catégorie de personnel.
Autre situation qu’il faut réformer,
la réduction tarifaire de 75 %, dite « quart de place », accordée
aux militaires
pour tous leurs déplacements en train, en 1ère ou 2ème classe. Elle a coûté 192,4 M€ en 2009,
sans que le ministère ne mette en place des mesures de contrôle appropriées. Cette réduction, instaurée en
1837, apparaît désormais inadaptée au contexte actuel. La Cour recommande d’en réserver l’octroi
aux
seuls
militaires subissant des contraintes spécifiques, et invite le ministère à s’interroger sur la pertinence du maintien
de ce régime en l’état.
Les réservistes militaires
aussi bénéficient de mesures particulières, par exemple une exonération
d’impôt sur le revenu, difficiles à justifier au regard de l’équité fiscale entre militaires d’active et de réserve. La
Cour recommande d’y mettre fin. De même, les différences de traitement des réservistes selon que l’on est agent
public ou salarié du privé doivent être reconsidérées.
La
gestion immobilière de l’Etat
examinée par la Cour présente elle aussi des résultats très
perfectibles…
L’examen de la SOVAFIM, (société de valorisation foncière et immobilière) chargée de la valorisation
d’ensembles immobiliers appartenant à l’Etat et ses établissements publics, conduit la Cour à recommander de
mettre un terme à l’existence de cette
société sans utilité réelle et très peu rentable.
La Chambre régionale des comptes d’Ile de France a contrôlé le processus d’installation de
Paris
Habitat
, premier office public de l’habitat de France, dans son nouveau siège social, dans les anciens locaux du
journal Le Monde, rue Claude Bernard. Les conclusions, surtout pour un grand organisme dont le métier est de
construire et de gérer des logements, ne sont pas positives : le coût net était estimé entre 29 et 34 M€, il a été en
réalité de 55 M€, ce qui le place dans la catégorie d’immobilier de bureau le plus cher de Paris…
Enfin, ce premier tome se conclut par deux insertions consacrées à
l’action du ministère des sports.
La première, sur les
exonérations des indemnités versées aux arbitres et juges sportifs
, fait
apparaître un instrument au coût global élevé sans être pour autant très incitatif individuellement. La Cour
recommande de supprimer ces exonérations qui apparaissent inadaptées aux objectifs poursuivis.
Seul le prononcé fait foi
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La seconde a trait au
Musée national du sport
. Ce dernier se limite dans les faits à une vitrine au rez-
de-chaussée d’un immeuble loué par le ministère des sports, qui attire moins de 50 visiteurs par jour. Nous
poussons le ministère des sports à s’interroger sur l’avenir de ce musée, largement virtuel.
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Comme je le disais tout à l’heure, le deuxième tome porte sur les suites réservées à nos interventions.
C’est de plus en plus une préoccupation majeure de la Cour et nous n’ignorons pas que c’est aussi celle des
citoyens. Nous y consacrons l’intégralité du deuxième tome de ce rapport, que nous avons voulu renforcer cette
année.
Nous avons rénové notre approche, afin de présenter de manière plus claire les effets de notre action
mais aussi dans le but d’offrir au citoyen un volume plus lisible que ceux des années précédentes. J’ajoute que
ce travail de suivi ne vise pas à prétendre que la Cour est à l’origine exclusive des progrès enregistrés lorsqu’ils
peuvent être constatés. L'essentiel est que les choses bougent, dans le sens souhaité.
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Le volume s’ouvre sur des
constats positifs
de la Cour. On nous présente souvent comme des
« épingleurs ». Nous savons aussi reconnaître les progrès et les encourager.
Quand les progrès sont tangibles et que nos recommandation sont suivies, ce qui est le cas le plus
fréquent, la Cour le dit et le met en avant. C’est par exemple le cas des
organismes faisant appel à la
générosité publique
, qui suivent, à quelques exceptions près, toutes nos préconisations.
Les chambres régionales des comptes, sous la coordination de celle de Bretagne, observent des
évolutions encourageantes des
services publics d’eau et d’assainissement
depuis le rapport public
thématique de 2003. Pour continuer dans cette voie, leur nombre, 35 000, doit encore être réduit afin de
rééquilibrer les rapports entre les collectivités et les grands groupes délégataires de service public.
Preuve que les recommandations de la Cour et des chambres régionales sont utiles et suivies, nous
avons constaté des avancées prometteuses sur des sujets délicats et sensibles.
C’est le cas pour la
décristallisation des pensions des anciens combattants des territoires
anciennement sous la souveraineté française
. Nous avions recommandé en 2010 d’aligner ces régimes,
restés figés à la date des indépendances, sur le régime de droit commun français. C’est désormais le cas. A
nous de nous assurer de
la bonne mise en oeuvre de ce nouveau dispositif
, et tout particulièrement en ce qui
concerne l’
information des bénéficiaires potentiels
sur les démarches qu’ils doivent entreprendre.
La gestion
du personnel de la navigation aérienne
, vous vous en souvenez certainement, avait fait
l’objet de conclusions très sévères de la Cour. Un an plus tard, la direction générale de l’aviation civile a mis fin
aux pratiques les plus contestables, pour la satisfaction des contribuables : désormais, on peut vérifier les heures
de contrôle réellement effectuées…
D’autres conclusions et recommandations ont été bien suivies, notamment celles portant sur
les
autorités de régulation financière
ou le
bureau des recherches géologiques et minières
. Pour les
services
d’administration centrale chargés de l’outre-Mer
, une délégation générale à l’outre-mer autour d’une
organisation resserrée a été mise en place conformément à l’une de nos recommandations…
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Naturellement, la Cour ne serait pas la Cour si elle n’insistait pas sur ce qui ne va pas et sur ce qu’il
reste à améliorer. C’est notre rôle.
Seul le prononcé fait foi
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Les recommandations formulées en 2007 pour clarifier le rôle du
CNRS (centre national de la
recherche scientifique)
et son positionnement vis-à-vis des universités, ou celles pour améliorer le suivi et
l’exécution du budget de l’Etat, n’ont été que pour partie prises en compte. Ces évolutions sont à amplifier.
Parfois, malgré la mise en oeuvre de certaines de nos préconisations, des problèmes demeurent parce
que les réformes sont inabouties. C’est le cas pour les
organismes de collecte de la taxe d’apprentissage
dans le secteur des transports
, qui souffrent toujours d’une tutelle trop faible. Quant à
l’école nationale de la
voile et des sports nautiques
, malgré les avancées, la Cour s’interroge encore sur son avenir…
Dans le cadre de sa
mission constitutionnelle de certification des comptes de l’Etat
, la Cour émet
un certain nombre de réserves sur leur régularité, leur sincérité ou leur fidélité, et formule des recommandations
qui doivent être mieux prises en compte. 2009 fut une année de progrès pour les comptes de l’Etat avec trois
réserves levées, mais ce sont encore neuf réserves, dont huit substantielles, qui ont été reconduites.
En matière de sécurité sociale
, plusieurs recommandations réitérées de la Cour ont fait l’objet de
dispositions dans la loi de financement pour 2011 avec une réduction, encore insuffisante, des « niches sociales
». La loi sur la réforme des retraites reprend elle aussi quelques recommandations, parfois anciennes, de la
Cour, comme par exemple la suppression de la possibilité de départ en retraite pour les parents de trois enfants
et plus, après 15 ans dans la fonction publique, ou plus largement les mesures de rapprochement entre les
règles du régime général et celles applicables aux fonctionnaires. Les mesures prises sont toutefois loin
d’épuiser le sujet, qu’il s’agisse de la sécurité sociale ou des retraites.
La Cour avait souligné la nécessité pour la
COFACE
entreprise privée cotée, qui gère, pour le compte et
avec la garantie de l’Etat, les opérations d’assurance des risques à l’exportation des entreprises français, de
mieux évaluer et provisionner les risques. Nous constatons que ce n’est toujours pas le cas pour les risques pris
au titre de l’aéronautique…
Le suivi des recommandations formulées en 1999 pour le
« groupement d’intérêt public (GIP) habitat
et interventions sociales pour les mal-logés et les sans abri »
est plus complexe. Après un bilan très critique
de la Cour, le GIP a été reconduit, mais en recentrant et en encadrant son activité, par ailleurs en augmentation.
Sa gestion interne et les moyens de contrôle doivent encore être renforcés.
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La dernière partie de nos travaux regroupe
les domaines où nos recommandations n’ont pas été
assez suivies malgré l’urgence de la situation ou l’importance des enjeux
. La Cour alerte sur les points
suivants :
L’enjeu de
CHORUS
comme outil de modernisation de la gestion publique est tout à fait considérable.
Les réalisations ne sont pas encore à la hauteur des attentes.… Outre un déploiement difficile et des difficultés
de paiement au début (jusqu’à 6 Md€ en juillet), les améliorations de gestion espérées sont compromises,
d’autant plus que le projet souffre d’un manque de coordination interministérielle et de carences stratégiques.
L’exemple du
Centre National de la Fonction Publique Territoriale
est typique d’une gestion laxiste
par excès de moyens. Cet établissement public de l’Etat chargé de plusieurs missions liées à l’emploi et à la
formation des agents des collectivités territoriales emploie plus de 2 200 personnes pour un budget annuel
d’environ 350 M€. La Cour a mené un troisième contrôle en moins de 10 ans, après ceux de 2002 et 2007, pour
de nouveau constater de très nombreuses défaillances. La Cour réitère ses recommandations dans le domaine
de la formation, pour la maîtrise des coûts, qu’il s’agisse des frais de transport et de déplacement, ou encore des
investissements immobiliers. La Cour estime en outre qu’au regard de l’aisance financière du CNFPT et d’une
gestion peu rigoureuse, il faut réviser
le taux plafond de cotisation des employeurs de 1% fixé en 1987, et
inchangé depuis devrait être revu à la baisse
.
Seul le prononcé fait foi
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Seul le prononcé fait foi
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Le sujet qui suit a fait l’objet d’articles de votre part en raison d’une fuite que nous pouvons regretter
alors même qu’elle correspond à des observations qui ne sont pas encore définitives. Je veux parler du
Port de
Marseille
. Ce dernier ne cesse de reculer dans la compétition internationale, malgré ses avantages comparatifs,
en raison des conflits sociaux incessants qui l’ont miné dans les années récentes et de réformes inachevées.
L’image sociale renvoyée par le port à ses clients est aujourd’hui négative et menace gravement son avenir
commercial. Les deux réformes les plus importantes restent inachevées :
-
pour la manutention horizontale, les dockers, la réalité est que les effectifs augmentent alors que le trafic
baisse ;
-
pour la manutention verticale, le régime de travail est bien éloigné de celui en vigueur dans les ports
concurrents : équipes de deux portiqueurs par engin de levage, là où ailleurs on a 3 pour 2, voire 4 pour
3, d’où un taux d’utilisation des portiques moitié moindre…
La Cour insiste pour que l’autorité de l’Etat s’exerce pleinement et avec constance, à tous les niveaux,
notamment pour que les réformes voulues par le législateur soient effectivement mises en oeuvre, au Port de
Marseille comme ailleurs.
Il est d’autres domaines où la Cour presse les acteurs de revoir les actions menées et de suivre ses
recommandations.
C’est le cas pour
les agences comptables des lycées et des collèges publics
, dont la cour avait
souligné les défaillances et demandé la réorganisation et le regroupement. Les objectifs assignés aux académies
pour 2012 sont inférieurs à ce que recommandait la cour. Une réforme du cadre comptable et budgétaire des
collèges et lycées pour 2013 devrait répondre à plusieurs de nos remarques. Il faudra nous assurer de son
effectivité.
L’établissement public d’insertion de la défense (EPIDe)
, destiné à l’insertion sociale et
professionnelle de jeunes en très grande difficulté, devait, selon les conclusions d’une enquête de la Cour en
2008, faire l’objet d’un réexamen de l’ensemble du dispositif. Cet établissement n’atteint pas ses objectifs, pour
un coût important.
Il n’accueille que 2 000 « volontaires pour l’insertion », loin de l’ambition initiale de 20 000, dans
20 internats, trop souvent situés en zone rurale, loin des possibilités d’emploi. Le coût de l’accueil d’un jeune
apparaît élevé (40 000 € par an), sans que les résultats en termes d’insertion durable dans l’emploi ne soient
significativement meilleurs que dans d’autres dispositifs beaucoup moins chers. Bref, la question de son avenir
mérite d’être posée.
Enfin, l’insertion finale concerne
la participation de la France aux corps militaires européens
permanents
. Ces corps, ainsi que le soulignait la Cour en 2003, font l’objet de nombreux dysfonctionnements,
malgré leur place au coeur de la construction européenne. Il faut, face aux lourdeurs d’emploi et à l’inadaptation
relative aux contraintes actuelles de ces corps, que l’on se pose a minima la question de leur refonte et de leur
réorganisation.
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Je vous remercie très vivement de m’avoir écouté aussi longuement mais les insertions sont
nombreuses encore cette année et le résultat de beaucoup de travail…
Je vous encourage à prendre connaissance plus en détail ce travail en vous reportant au RPA lui-même
ou aux synthèses qui l’accompagnent. Dans l’immédiat, nous sommes à votre disposition, avec M. Jean-Marie
Bertrand et les présidents de chambre, pour répondre à toutes vos questions.
Je vous remercie.