Synthèse
Le syndicat mixte pour la promotion de l’activité transmanche (SMPAT) a été créé en octobre 2000, à l’initiative du département de la Seine-Maritime, pour assurer la continuité de la liaison maritime Dieppe-Newhaven, ligne transmanche secondaire (1,5 % du trafic de passagers de tourisme et 0,93 % du trafic fret transmanche en 2021), dont l’exploitation avait été rendue structurellement déficitaire par l’ouverture, en 1994, du tunnel sous la Manche.
Le syndicat mixte a actuellement un rôle essentiellement financier. Il doit en effet financer jusqu’à son terme l’acquisition des deux navires de la ligne, rendue particulièrement coûteuse par un montage complexe. Il est également chargé de financer, à travers des versements compensatoires, la plus grande partie des dépenses de la délégation de service public de la ligne Dieppe-Newhaven.
Ses ressources proviennent essentiellement des subventions versées par le département de la Seine-Maritime, soit, en 2021, près de 25,8 M€. Au 31 décembre 2021, le montant cumulé des subventions départementales depuis la création du SMPAT s’élevait à près de 420 M€, dont près de 195 au titre des seuls exercices 2014 à 2021.
Selon toute probabilité, le département sera appelé, dans les prochaines années, à augmenter son soutien au SMPAT dont il garantit les emprunts à 100 %. Le syndicat mixte doit en effet faire face au remboursement d’annuités d’emprunt croissantes (8,83 M€ en 2021 mais 13,69 M€ en 2028), d’un montant sans rapport avec sa capacité d’autofinancement actuelle.
Le syndicat mixte n’a pas réussi à convaincre la région Normandie de le rejoindre et de participer au financement de l’exploitation de la ligne, au-delà d’une subvention pour l’installation de dispositifs anti-pollution sur les navires et de l’abaissement des droits de port à Dieppe.
Il n’a pu trouver davantage d’alternative à la gestion déléguée mise en place en 2007 et reconduite en 2018, dans des conditions plus avantageuses que précédemment pour le délégataire sortant. Le délégataire a obtenu du SMPAT un nouveau mode de calcul, plus favorable, de la « compensation pour sujétions de service public » qui lui est versée en contrepartie des obligations mises à sa charge. Le montant de la redevance d’affrètement a été revu à la baisse. Le seuil de partage des bénéfices a été relevé. Dans le même temps, le délégataire a conservé une très grande latitude dans la fixation des tarifs.
Au total, le bénéfice net du délégataire a doublé entre la dernière année du précédent contrat (2,12 M€ en 2017) et la première année du contrat (4,15 M€ en 2018) courant sur la période 2018-2022.
La crise sanitaire a toutefois bouleversé l’économie de la délégation de service public. Le trafic fret, en déclin depuis plusieurs années et dépendant d’un nombre réduit de clients, a bien résisté en 2020 avec une baisse de seulement 4 %, mais a beaucoup souffert en 2021 avec une baisse de 23,3 % par rapport à 2019. Le trafic de passagers, dont le niveau était de 340 135 passagers en 2019, s’est effondré en 2020 (98 765, soit une baisse de 71 %) et en 2021 (67 933, soit 80 % de moins qu’avant la crise).
Cette situation exceptionnelle, qu’aucune autorité délégante diligente ne pouvait anticiper, aura rendu atypique au moins deux des cinq années du contrat en cours, entré en vigueur le 1er janvier 2018 et des incertitudes demeurent sur l’évolution tant du trafic de passagers que du trafic fret, soumis à une forte concurrence.
Le scénario d’un arrêt de la ligne à l’échéance du contrat de DSP en cours aurait permis au département de la Seine-Maritime de redéployer les moyens substantiels qu’il consacre au financement de la ligne (plus de 25 M€ par an), mais aurait emporté de lourdes conséquences sur l’économie du port et du pays de Dieppe.
Alors que l’exploitation de la ligne Dieppe-Newhaven reste de manière structurelle lourdement déficitaire avant prise en compte des versements compensatoires servis au délégataire, le SMPAT a lancé au 1er trimestre 2022 une nouvelle procédure de délégation de service public qui devrait se conclure par la signature d’un nouveau contrat très coûteux pour les finances départementales.
Principales recommandations
- Veiller au respect par le délégataire de l’intégralité de ses obligations contractuelles, notamment celles relatives à l’information de l’autorité délégante (inventaires, etc…) ;
- identifier les acteurs économiques normands utilisateurs de la ligne et mesurer leur degré de dépendance vis-à-vis de la liaison maritime Dieppe-Newhaven ;
- exiger de la SEML de coopération transmanche une restitution plus complète et plus détaillée de ses activités et surtout de celle de sa filiale britannique, Newhaven Port and Properties Ltd.