Grenoble Habitat est une société anonyme immobilière d’économie mixte (SAIEM) créée en 1966 par la commune de Grenoble et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Elle est devenue Grenoble Habitat en 1995. Ses statuts prévoient à titre principal des activités de promotion immobilière pour créer des logements mais également d’autres types de travaux , et une activité de bailleur social.
Il s’agit d’un acteur important pour le logement social au sein de la métropole de Grenoble. Malgré sa taille modeste comparée aux autres acteurs du domaine, la SEM apporte une contribution significative en termes de production de logements, notamment locatif social. Sa participation au plan local de l’habitat pourrait être formalisée de façon plus précise, notamment sur la localisation des programmes immobiliers (à mettre en adéquation avec les zones les plus tendues de la métropole) et pour fixer un niveau de production compatible avec ses contraintes financières.
Une gouvernance à réinvestir en améliorant les indicateurs de pilotage
La gouvernance a fonctionné avec difficultés durant la période 2019-2023 : malgré un nombre d’instances et des taux de présence très corrects, Grenoble Habitat a connu une instabilité institutionnelle du fait des échecs successifs de deux projets de changement de structures juridiques et de recapitalisation. Un premier projet de rapprochement avec un acteur local, Actis, rattaché à Grenoble Alpes Métropole (GAM), a échoué après trois ans de discussions. Un deuxième projet de rachat par CDC Habitat n’a pas abouti du fait de l’avis négatif du comité régional de l’habitat et de l’hébergement. Les divergences entre les principaux actionnaires publics de Grenoble Habitat, la commune de Grenoble et GAM, ont mis en sommeil plusieurs démarches stratégiques avec des conséquences importantes sur la gouvernance, la dégradation de la situation financière et de la gestion administrative de la SEM.
La SEM rencontre des difficultés pour produire des données de pilotage fiables. Celles ci, financières ou d’activité, présentent des incohérences. En conséquence, les indicateurs de pilotage sont parfois erronés, voire contradictoires pour le volet financier, ce qui n’a pas permis aux instances de prendre la mesure de la dégradation de la situation de la SEM. La fiabilisation de toutes les données et la production d’indicateurs clairs et précis, fournis aux administrateurs avant chaque décision engageant les finances de Grenoble Habitat, doivent être les premières priorités dans ce domaine. Grenoble Habitat a entamé une démarche pour mettre à plat ses indicateurs.
Dans le prolongement du pacte d’actionnaires validé en novembre 2024, qui marque un renouveau de la gouvernance, Grenoble Habitat doit affiner sa stratégie interne pour appliquer les directives voulues par les actionnaires.
Une situation financière alarmante
Le problème de fiabilité des données financières, notamment l’absence de comptabilité analytique, déjà soulignée dans le rapport réalisé par l’agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) en 2015, est particulièrement prégnant et rend difficile l’appréhension de la situation financière réelle de l’entité. Ce problème doit impérativement être réglé dans les plus brefs délais et le commissaire aux comptes sollicité pour accompagner la SEM dans la fiabilisation de ses comptes.
Malgré un résultat d’exploitation en augmentation, le résultat global se dégrade, notamment du fait de l’augmentation des intérêts de la dette. Le produit de la gestion locative est insuffisant au vu des montants d’amortissement du patrimoine, ce dernier étant relativement récent. L’absorption d’une charge exceptionnelle due à une fraude, et l’augmentation de 25 % de la taxe foncière non récupérable en 2023 aggravent encore la situation. Les ventes de patrimoine, comptées en résultat exceptionnel, ne suffisent pas à redresser les finances.
D’un côté, le ratio d’autofinancement net rapporté aux produits et charges de gestion, ainsi que l’autofinancement net HLM sont négatifs en 2023 et la moyenne du ratio pour les trois dernières années est inférieure à 3 %. De l’autre côté, le service de la dette s’alourdit avec un encours qui a atteint 258 M€ fin 2023. Ces indicateurs montrent que le remboursement de l’annuité en capital de la dette n’est plus durablement couvert par des recettes récurrentes à court terme si aucune action n’était mise en place.
Afin de soutenir la SEM, GAM a fait un apport en capital de 16 M€. Au vu des prospectives du potentiel financier à terminaison, indicateur qui prend en compte les engagements financiers à venir des projets d’investissement lancés, cet apport ne suffira pas à rendre la SEM solvable à moyen terme.
Face à cette situation, des actions correctives sont d’ores et déjà mises en œuvre : réduction du programme de production, réaménagement de la dette pour en alléger la charge à court terme et surtout recapitalisation par GAM. Un travail de revue globale des coûts de fonctionnement dans une logique de rationalisation a commencé en 2024 et devra être approfondi pour assainir durablement la situation.
Le modèle financier de Grenoble Habitat nécessite un calibrage fin du niveau d’investissement pour maintenir l’équilibre financier.
Des activités à mieux structurer
Au vu des données des rapports d’activité, les livraisons de logement sont dynamiques, bien qu’en-deçà des prévisions. Une adaptation de la stratégie de production est nécessaire pour tenir compte de la situation financière et de l’évolution du contexte économique. En lien avec la mise en place d’une comptabilité analytique précise, Grenoble Habitat doit améliorer son taux de marge sur les ventes de logements neufs afin que cette activité soit un véritable soutien de la production de logements destinés à la location sociale, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Le patrimoine de Grenoble Habitat augmente régulièrement. Bien que récent, son parc locatif va être soumis à des dépenses élevées en matière de rénovation énergétique des bâtiments, domaine dans lequel la SEM a pris du retard. La maîtrise des coûts de rénovation doit être traduite dans une programmation précise des rénovations de ce type à effectuer.
En termes de recettes locatives, l’organisation actuelle présente une double fragilité concernant la vacance et les impayés. Grenoble Habitat a fait réaliser un audit sur ces questions, dont le plan d’actions doit être mis en œuvre. La sécurisation des recettes passera par une amélioration de la qualité de service, tout en maintenant les dépenses à un niveau maîtrisé.
Les carences de la gestion administrative
La gestion administrative souffre de nombreuses carences. La fonction « système d’information » est largement externalisée et les ressources internes ne permettaient pas un contrôle satisfaisant sur la période de contrôle. La société s’expose à des risques opérationnels sur les logiciels métiers (notamment sur la fiabilité des données de l’activité et financières), sécuritaires sur l’ensemble du système d’information et financiers. La fonction comptable, peu structurée, n’a pas permis de prémunir la SEM contre les risques de fraude financière. Une tentative de fraude a échoué en septembre 2022, mais une autre a abouti en mars-avril 2023 causant un préjudice financier significatif de 1,2 M€. Enfin, plusieurs éléments de la masse salariale sont en décalage avec la situation financière dégradée. Au regard de leur caractère facultatif, ces éléments auraient pu être mieux maîtrisés par Grenoble Habitat. Un écart significatif de rémunération entre les plus hauts salaires et le reste des salariés est constaté, notamment du fait du poids de la fonction de direction générale sur la fin de la période.
De manière générale, les services de Grenoble Habitat ont une faible culture du contrôle interne et de la gestion du risque, points qui devront être impérativement traités pour soutenir la relance de l’activité.
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1. : Renouveler la convention d’application du nouveau programme local de l’habitat, en veillant à fixer des objectifs plus précis de construction et à prévoir les modalités de suivi de la convention.
Recommandation n° 2. : Présenter régulièrement au conseil d’administration des indicateurs financiers clairs, précis et fiables, notamment avant toute décision engageant les finances de Grenoble Habitat.
Recommandation n° 3. : Élaborer une stratégie interne précise en application des objectifs du pacte d’actionnaires.
Recommandation n° 4. : Modifier la comptabilité analytique dans l’optique de pouvoir identifier les coûts réels de chaque secteur d’activité.
Recommandation n° 5. : S’assurer de la cohérence de la ventilation entre secteurs dans les comptes annuels.
Recommandation n° 6. : Fiabiliser les données de pilotage sur toutes les activités.
Recommandation n° 7. : Stabiliser la masse salariale de la direction de la promotion immobilière pour garantir à Grenoble Habitat des taux de marge conformes au secteur immobilier.
Recommandation n° 8. : Établir un schéma directeur des systèmes d’information avec des objectifs précis et un dispositif de suivi, contenant notamment des mesures pour garantir la sécurité des systèmes d’information.