Sort by *
Publications

Publications

SEML Transport d’énergie électrique en Polynésie (TEP)

CTC POLYNÉSIE FRANÇAISE

Le contrôle de la Société d’économie mixte chargée du transport de l’électricité sur l’île de Tahiti (SEM TEP) a porté sur les exercices 2017 à 2021.

L'activité de transport de l’électricité s’inscrit dans le cadre plus large de la politique « énergie » définie par le Pays, celle-ci ayant fait l’objet d’un rapport d’observations de la chambre territoriale des comptes (CTC) publié sur le site de la Chambre le 3 octobre 2023.

La chambre a formulé quatre recommandations.

Les deux documents cadres de cette politique « énergie », le Plan de transition énergétique de 2015 et la Programmation pluriannuelle de l’énergie (2023/2030) fixent des objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables. Le développement de ces énergies, en particulier l’électricité photovoltaïque, va conduire à multiplier les producteurs d’énergie, alors qu’historiquement c’est la société Électricité de Tahiti/ENGIE qui assure l’essentiel de la production d’électricité thermique (centrale de la Punaruu) ou de la production hydroélectrique via sa filiale « Marama Nui » titulaire de l’ensemble des concessions de l’île de Tahiti.

Pour le transporteur de l’électricité, le développement de nouveaux producteurs d’énergie autres qu’EDT/ENGIE implique de renforcer les garanties d’indépendance envers cette société.

Le renforcement de l’indépendance de la TEP implique d’une part, la sortie d’EDT/ENGIE de l’actionnariat de la TEP et d’autre part, de confier à la TEP des missions historiquement exercées par EDT/ENGIE : la mission de responsable d’équilibre ainsi que l’achat et la revente d’électricité.

Conformément à ce qui avait été envisagé, EDT/ENGIE a revendu les actions qu’il détenait dans la SEM TEP. La Chambre observe que la valeur nominale des actions de la SEM a fortement évolué sur une courte période (entre la date à laquelle le Pays a racheté les actions d’EDT/ENGIE et la date à laquelle le Pays a revendu certaines de ces actions à RTEi). La sortie de l’actionnariat a conduit à un renforcement de la part du Pays dans l’actionnariat ainsi qu’au sein des instances décisionnelles de la TEP.

Ce renforcement de la place du Pays ne va pas dans le sens d’un accroissement des garanties d’impartialité du Pays, qui cumule à l’égard de la TEP trois fonctions : autorité de fixation du montant de la redevance transport (par arrêté ministériel), concédant, et actionnaire. Le Pays est par ailleurs encore actionnaire d’un producteur d’électricité (Marama Nui). Le cumul de ces fonctions ne facilite pas le contrôle de la concession et les prises de décisions. Ainsi pendant longtemps, le Pays n’a pas fixé un tarif de transport correspondant aux coûts de transports supportés par la TEP : le tarif de transport a été sous-estimé afin de ne pas trop peser sur le coût de l’électricité facturé au consommateur. Inversement, en tant qu’actionnaire et dans une perspective de distribution de dividendes prévues dans la prospective, le Pays en tant qu’actionnaire pourrait avoir intérêt à fixer un tarif qui maximise ses dividendes. En tant que concédant, le Pays aurait intérêt à une remise en concurrence du concessionnaire TEP. Inversement, le Pays en tant que collectivité pourrait avoir intérêt à un statu quo pour la mise en œuvre sur le long terme des objectifs de la politique énergie.

Si EDT/ENGIE est sorti de l’actionnariat, le transfert de la fonction de responsable d’équilibre de EDT/ENGIE vers la TEP demeure cependant théorique. Comme pour l’actionnariat, ce transfert est justifié par la nécessité de garantir la neutralité de la fonction d’équilibre vis-à-vis des producteurs d’électricité.

Les deux parties ont signé une convention qui repose sur une distinction entre les fonctions de responsable de l’équilibre (la TEP) et celles de gestionnaire de l’équilibre (EDT/ENGIE). Si cette distinction a été justifiée par l’expertise d’EDT/ENGIE ou par l’efficacité globale du système, elle ne semble pas correspondre à la volonté de transfert de cette mission par le Code de l’énergie et peut s’analyser comme une délégation de gestion à EDT/ENGIE. La loi du Pays prévoyant le transfert de cette mission à la TEP a dès lors été vidée de sa substance, sans que le Pays ne fasse parvenir de réponses aux extraits adressés dans le cadre du rapport provisoire et la contradiction.

Afin de respecter les dispositions du Code de l’énergie, la Chambre recommande donc à la TEP, en lien avec EDT/ENGIE et le Pays, d’opérer dès 2023 un transfert effectif de cette mission. 

L'évolution des missions de la TEP, notamment son rôle, bien que théorique à ce stade, de responsable d’équilibre ainsi que le changement de la clause de rémunération ont été opérés via la modification des statuts et des avenants au contrat de concession signé entre le Pays et la TEP. Ainsi que le soulignait le précédent rapport de la CTC alors que ces modifications n’étaient qu’en projet, ces changements portant sur deux aspects substantiels du contrat de concession (l’objet du contrat et la nouvelle formule tarifaire, conduisant à une réécriture quasi intégrale de cette clause) auraient vraisemblablement nécessité une remise en concurrence de la TEP de la part du Pays.

Par ailleurs, les nouveaux statuts évoquent la possibilité pour la TEP de réaliser des missions d’études pour les personnes publiques. Si ces missions restent encore marginales dans le chiffre d’affaires de la SEM, la Chambre invite la TEP à veiller à la régularité de ses interventions dans un domaine concurrentiel et soumis aux règles de la commande publique, la TEP ayant confirmé qu’elle veillait à ne pas introduire de distorsion de concurrence dans ses propositions.

Si la performance du réseau de transport n’appelle pas d’observation au regard des indicateurs produits par la TEP (taux de coupure et énergie non distribuée) et des éléments de comparaison avec le réseau métropolitain, la question de l’indemnisation des producteurs d’électricité EDT/ENGIE et Marama Nui mérite d’être clarifiée. Cette absence d’indemnisation des producteurs résulte d’accords passés sous l’égide du Pays. Le défaut d’indemnisation avait été justifié par la situation financière dégradée de la TEP, liée à une redevance transport-fixée par le Pays- insuffisante pour couvrir les coûts de transport. Le Code de l’énergie précise désormais que « chacun supporte ses propres pertes ». Les producteurs doivent donc être indemnisés des pertes de transports. Afin de prévenir d’éventuels contentieux et d’appliquer des prix transparents intégrant les pertes de transport, la Chambre recommande à la TEP de conclure dès 2023 avec Marama Nui et EDT/ENGIE des conventions d’indemnisation des pertes de transport. En tant qu’autorité tarifaire, le Pays devra tirer les conséquences de ces indemnisations sur les concessions signées entre le Pays et EDT, et entre le Pays et Marama Nui. La Chambre regrette l’absence réponse du Pays sur ce point.

La situation financière de la SEM s’est sensiblement améliorée à partir de l’exercice 2018. Cette amélioration résulte essentiellement de la révision du tarif de transport fixé par le Pays (passage d’un tarif de transport d’électricité de 1,95 F CFP à 2,75 F CFP le Kwh par arrêté de décembre 2016) conduisant à une progression des ressources de l’ordre de 376 MF CFP par an et à des reprises liées à la suppression des amortissements de la caducité dont l’incidence en recettes est évaluée à 254 MF CFP par an. Ces reprises sont liées à la fin du retour gratuit des biens en fin de concession et à la mise en place d’une indemnité de fin de contrat.

Selon les termes de l’avenant portant fin de l’amortissement de caducité : « le but (est) de permettre une réduction durable des charges calculées de la concession et un retour à meilleure fortune ».

La TEP a donc bénéficié d’un contexte favorable avec le soutien du Pays : suppression de l’amortissement pour caducité, de la provision pour renouvellement, autorisation d’effectuer des reprises du fonds de caducité et augmentation du tarif de transport.

La Chambre s’interroge sur le bien-fondé de cette suppression de la provision pour renouvellement. Si cette suppression résulte de l’interprétation d’une loi du Pays, elle déroge cependant au plan comptable général. Par ailleurs, rien n’indique que cette économie sur les charges calculées a été répercutée sur le tarif du transport, qui aurait dû baisser à raison de cette économie de charges. Cela constitue un défaut de transparence.

Les dépenses de personnel progressent non seulement sous l’effet de nouveaux recrutements mais par une politique de primes conséquentes pour le personnel.

Au cours de la période, l’investissement le plus important a été le bouclage du réseau Nord. Ce projet a connu un dépassement du budget prévisionnel compte tenu de problèmes fonciers et de changements dans les choix technologiques.

La présentation des investissements dans les rapports du délégataire ne permet pas un suivi de l’historique des opérations d’investissement approuvées en Conseil d’administration. Cette présentation pourrait être améliorée afin d’assurer une plus grande transparence dans le suivi des investissements.

Les prospectives financières mettent en évidence en amélioration du résultat de la SEM permettant la distribution de résultats aux actionnaires. Le résultat net (après impôt), compris entre 300 et 400 MF CFP au cours des derniers exercices progresse entre 400 et 500 MF CFP.

La Chambre observe que l’entrée en vigueur de la nouvelle formule tarifaire, qui précise davantage les modalités de calcul de la redevance transport conduit à une progression des recettes d’exploitation de la SEM dès lors que la formule instaure une rémunération des investissements réalisés par la TEP.

Malgré l’amélioration de la situation financière prévisionnelle, les hypothèses des plans de financement reconduisent un taux de subvention identique à celui qui a été constaté par le passé, soit environ 25 % du montant des investissements à financer, correspondant essentiellement aux subventions du contrat de transformation et de développement du Pays.

La situation financière de la SEM appelle donc une réflexion de la part des financeurs sur le taux d’autofinancement des investissements.

Dans ce contexte et afin de présenter au Pays les différentes possibilités de financement, la chambre recommande à la SEM de présenter régulièrement au Pays et dès 2023, différents scénarii de financement des investissements.

À lire aussi

Les autres publications qui pourraient vous intéresser :