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Régie Eau de Paris (Paris)

CRC ÎLE-DE-FRANCE

Synthèse

En 1985, la gestion du service public d’eau potable de la Ville, dont l’approvisionnement provient à part égale d’eaux de surface prélevées dans la Seine et dans la Marne et d’eaux souterraines de captage, avait été confiée à trois délégataires, la société anonyme de gestion des eaux de Paris (Sagep) chargée de la production et du transport de l’eau vers la capitale, et les sociétés Compagnie des Eaux de Paris (CEP) et Eau et Force (EF) chargées de distribuer l’eau aux usagers sur les deux rives de la Seine.
La Ville de Paris a souhaité regrouper la gestion du service, et à l’échéance des délégations, en 2009 et 2010, elle a confié à la régie Eau de Paris, créée pour la circonstance, la gestion de l’ensemble du service de production, de transport et de distribution de l’eau potable aux usagers de la capitale. Eau de Paris est une régie personnalisée à caractère industriel et commercial.
En reprenant cette activité en gestion directe, la Ville de Paris poursuivait le triple objectif de mieux maîtriser le service, de mieux prendre en compte les préoccupations environnementales et patrimoniales et de diminuer les coûts.
Le changement de mode de gestion de la production et de la distribution de l’eau s’est fait sans rupture pour les usagers, en mai 2009 pour la production, et au 1er janvier 2010 pour la distribution. Eau de Paris a connu, au début de son activité, des difficultés liées aux conditions d’exploitation du service et à la reprise des personnels des anciens distributeurs, sachant qu’en moyenne 480 à 490 000 m³ d’eau potable sont consommés chaque jour à Paris.

1) Les difficultés rencontrées lors du transfert de la gestion du service

Le transfert de l’activité au nouvel opérateur s’est révélé très complexe en raison de la grande hétérogénéité des modes de gestion et des systèmes d’information des sociétés jusqu’alors chargées de l’exploitation du service de l’eau.
Eau de Paris a été dans l’obligation de construire un nouveau système d’information et d’unifier les modes d’exploitation. Ces chantiers, conduits durant les années 2010 et 2011, ont contraint l’établissement à conclure des marchés transitoires avec les anciens délégataires pour l’exploitation des systèmes d’information existants, dans l’attente de la construction des nouveaux outils.
Au cours des premières années, Eau de Paris a également connu des difficultés de gestion liées principalement à l’inadaptation des personnels affectés dans les services supports, financiers et comptables notamment, aux règles de gestion applicables à la gestion d’un service public industriel et commercial.
Sur les 228 personnes transférées par les distributeurs, seulement 25 cadres ont rejoint Eau de Paris ; pour la plupart des cadres de premier niveau, et des agents de maîtrise promus dans les semaines précédant le transfert. La régie Eau de Paris n’a donc pu s’appuyer sur aucun cadre supérieur et elle a dû procéder à des recrutements dans les premiers mois de son activité de distributeur.
Eau de Paris a constaté rapidement que les personnels affectés à la direction des finances et à l’agence comptable ne disposaient pas des qualifications requises pour la gestion publique. Ils ignoraient tout des règles applicables aux marchés et, plus généralement, aux normes de la comptabilité publique.
Il en est résulté des retards conséquents dans le traitement et dans le paiement des factures des fournisseurs. Au début de l’année 2012, plus de 6 000 factures correspondant à environ 40 M€ demeuraient impayées. Au cours de l’année 2012, à la suite d’un audit interne, des mesures efficaces de réorganisation et de formation ont été mises en œuvre et ont permis de résorber le nombre de factures en instance. Le retard pris pour la mise en place de mesures correctives a entraîné un coût d’un plus de 2,1 M€ en intérêts moratoires de 2011 à 2013.
La régie Eau de Paris est aujourd’hui en voie de stabilisation ; il lui manquait encore, en 2013, un véritable plan de formation qui traduise les orientations stratégiques de l’établissement et ses attentes en ce qui concerne la qualification des agents.
Répondant aux observations provisoires de la chambre, la régie a soumis à son comité d’entreprise en fin d’année 2013 un projet décrivant les axes stratégiques de sa politique en matière de formation. Ces orientations ont commencé à être déclinées dans le plan de formation pour 2014 ; elles doivent être développées dans les plans ultérieurs.

2) Un service de qualité soutenu par un programme d’investissement ambitieux

Plusieurs indicateurs permettent de mesurer l’état du réseau d’eau potable et sa performance. Ces indicateurs montrent que le réseau est en bon état : le taux de rendement est supérieur à 92 %, le taux moyen de conformité microbiologique et physicochimique dépasse 99 %.
En outre, conformément au contrat d’objectifs, liant l’exploitant à la Ville, Eau de Paris conduit de multiples actions visant à améliorer la protection de la ressource en eau qu’il s’agisse de la protection des périmètres de captage des eaux souterraines et des mesures visant à l’amélioration de la qualité des eaux de surface.
Enfin, Eau de Paris a obtenu une triple certification dans le domaine de la maîtrise de la qualité de l’eau produite et la satisfaction des clients (ISO 9001), de la prévention des risques de pollution en lien avec les activités ou les installations d’eau potable (ISO 14001) et de la prévention des risques santé / sécurité générés par les activités et les installations (OHSAS 18001).
Au cours des deux premières années, Eau de Paris s’est attachée à terminer les opérations d’équipement lancées par laSagep, chargée auparavant de la production et du transport de l’eau jusqu’à Paris.
En 2011, Eau de Paris a adopté un schéma directeur à 25 ans, déclinant ses priorités en matière de travaux à réaliser sur le réseau. Un premier programme quinquennal (2012/2016) a été élaboré à partir de ce schéma directeur. Ce programme ambitieux correspond envaleur aux investissements réalisés antérieurement par l’ensemble des délégataires de la production et de la distribution de l’eau.
Eau de Paris éprouve toutefois des difficultés pour réaliser ses programmes d’investissement. Le taux de réalisation du budget d’investissement des deux premières années a été particulièrement bas : 64 % en 2010, 50 % en 2011. Ce taux s’est amélioré en 2012 (82 %), mais cette amélioration est partiellement imputable à la réalisation et au paiement des dépenses programmées dans les exercices antérieurs. En 2013 le taux de réalisation s’est à nouveau dégradé (75 %) et se trouvait en deçà de l’objectif fixé par le contrat d’objectifs (80 %).

3) Le réseau d’eau non potable doit être maintenu

La Ville de Paris est l’une des rares villes au monde à posséder un réseau d’eau non potable. Son exploitation est également confiée à Eau de Paris. Ce réseau, utilisé principalement par les services municipaux pour l’arrosage des parcs, le nettoyage de la voirie et du réseau d’assainissement notamment, a été délaissé pendant de nombreuses années. La Ville a dû mener une réflexion sur sa pérennité. Après plusieurs études, le conseil de Paris a pris la décision de pérenniser et de développer ce réseau et d’en diversifier les usages et les utilisateurs.
Un plan pluriannuel d’investissements est en cours d’élaboration. Plusieurs hypothèses sont aujourd’hui à l’étude, convergeant vers une enveloppe d’environ 15 M€ pour réhabiliter et optimiser le réseau. Outre ces opérations de réhabilitation et d’optimisation, la régie évalue à 3 M€ l’enveloppe annuelle nécessaire à l’entretien et à la maintenance des installations.
Les excédents dégagés par la gestion du réseau d’eau non potable, (de l’ordre de 2 %), ne permettront pas de mettre en place le plan d’entretien et de maintenance (3 M€/an) et de réaliser les investissements nécessaires à la réhabilitation et l’optimisation du réseau sans nouvelles ressources : augmentation du tarif de vente d’eau et, probablement recours à l’emprunt. Eau de Paris ne pourra, en effet, compter sur de nouveaux abonnés et la diversification des usages de l’eau non potable que lorsque l’état du réseau autorisera un meilleur service rendu.

4) La gestion financière de l’eau potable doit être distincte de celle de l’eau non potable

L’article L. 2224-11 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que les services publics d’eau et d’assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial. À ce titre, ils doivent disposer d’un budget distinct permettant de déterminer le coût du service rendu et ses modalités de financement.
Or, le service d’eau potable et le service d’eau non potable sont aujourd’hui gérés dans un même budget. Cette organisation ne permet pas de rendre compte, dans les différents documents budgétaires, du coût exact du service public d’eau potable.
En gérant dans un même budget deux services de nature différente, Eau de Paris contrevient aux dispositions de l’article L. 2224-11 du CGCT. Elle doit donc procéder sans tarder à la séparation des budgets des services de l’eau potable et de l’eau non potable.

5) La situation financière : un modèle économique à réajuster

Depuis sa création, Eau de Paris dégage chaque année un excédent de fonctionnement qui lui permet de financer les investissements prévus au plan quinquennal sans recours à l’emprunt. La situation se dégrade, néanmoins, compte tenu de la diminution régulière des recettes et de l’augmentation parallèle des charges de l’établissement.
Les recettes sont constituées, dans leur très grande majorité des recettes de vente d’eau. Or, celles-ci diminuent pour deux raisons : la diminution des tarifs décidée en 2011 (8 %) et la baisse régulière, constatée de façon générale au plan national, des consommations d’eau par les usagers.
S’agissant des dépenses, celles-ci augmentent également régulièrement du fait, notamment, de la hausse des charges de personnel liées à la nécessaire harmonisation des conditions de rémunération des agents transférés par les trois sociétés précédemment gestionnaires du réseau.
L’importance des excédents dégagés durant les trois premières années d’activité est également lié à la faiblesse du taux de réalisation des programmes d’investissement inscrits dans les budgets.
La diminution de l’excédent va contraindre Eau de Paris, au cours des prochaines années, à envisager d’augmenter ses tarifs et à recourir à l’emprunt.

 

 

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