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Les droits de succession 

COUR DES COMPTES

Créés en France en 1791, les droits de succession imposent la part d’héritage nette reçue par chaque héritier, en fonction de son lien de parenté avec le défunt. Méconnus et impopulaires auprès des Français, ils sont jugés favorablement par la théorie économique en raison de leur fonction redistributrice. Ils font l’objet de propositions de réformes polaires, qui cherchent alternativement à les augmenter ou à les diminuer, voire à les supprimer totalement. Dans un contexte de finances publiques qui interdit toute baisse d’impôt non financée par des économies en dépense, la Cour a analysé les règles applicables aux droits de succession ainsi que le contrôle des déclarations de succession. Elle estime qu’il est possible de mener une réforme des droits de succession à rendement constant fondée sur un resserrement des dispositifs dérogatoires et une baisse ciblée des taux, permettant d’améliorer l’équité de cet impôt dont l’avantage procuré par l’application des dispositifs dérogatoires croit avec le montant de la succession.

Une imposition à la forte dimension symbolique et au produit dynamique

Le régime fiscal des droits de succession se caractérise par son intrication avec le régime civil de l’héritage et est structuré par la différenciation des abattements et des taux en fonction du lien de parenté avec le défunt. Les abattements s’élèvent à 100 000 € pour une succession bénéficiant à un enfant, 15 932 € pour une succession bénéficiant à un frère ou une sœur, et 7 967 € pour une succession bénéficiant à un neveu ou une nièce. Le barème des successions en ligne directe est composé de sept tranches, de 5 à 45 %. Pour les successions en ligne collatérale, les taux d’imposition sont à la fois plus élevés et moins progressifs. Les biens hérités par les conjoints mariés ou pacsés sont en revanche exonérés d’impôt en totalité. Le montant des recettes de droits de succession a plus que doublé entre 2011 (7,0 Md€) et 2023 (16,6 Md€). Cet accroissement est en partie dû aux évolutions législatives de 2011 et 2012 mais aussi et surtout à la croissance de la valeur des actifs, notamment immobiliers sur la période.

Un impôt dynamique dont l’assiette est toutefois diminuée par de nombreux dispositifs

La France se situe au premier rang des pays de l’OCDE pour le poids des DMTG dans le PIB.  Le produit de cet impôt a plus que doublé entre 2011 et 2023, même si l’assiette des droits de succession est fortement réduite par différents dispositifs. Par exemple, le dispositif dit « pacte Dutreil », permet une exonération de droits de donation ou de succession pour les transmissions de parts de sociétés. De même, le régime fiscal des capitaux d’assurance-vie versés au décès de l’assuré est aussi plus favorable que le droit commun. Ainsi, seule est imposable aux droits de succession la fraction de primes supérieure à 30 500 € versée après les 70 ans de l’assuré, lorsque le contrat a été souscrit après le 20 novembre 1991. Enfin, le mécanisme du démembrement de propriété permet, lors de la réunion de la pleine propriété d’un bien, au nu-propriétaire d’être exonéré de droits de succession sur l’usufruit qu’il reçoit.

Une modernisation en cours de la gestion de l’impôt

La gestion des droits d’enregistrement des déclarations de succession est assurée par les services locaux de la direction générale des finances publiques. La durée de traitement des dossiers augmente depuis 2018 et connaît de fortes disparités selon les départements. L’introduction progressive d’une télédéclaration, à partir de 2025, devrait permettre de réduire les délais. Par ailleurs, le régime fiscal des capitaux d’assurance-vie versés au décès de l’assuré, pose des difficultés de gestion en matière de répartition entre les bénéficiaires. Ainsi, la Cour recommande de mettre en place un dispositif de transmission par les assureurs à la plateforme e-enregistrement des informations relatives aux bénéficiaires de chaque contrat d’assurance-vie. Enfin, la programmation des contrôles sur les droits de succession combine une programmation locale reposant sur la veille exercée par les agents chargés de l’enregistrement des déclarations de succession et la prise en compte d’analyse des données via les outils du data mining. Les droits de succession rappelés s’élèvent en moyenne à 15 402 € par contrôle en 2022 et augmentent depuis 2020. Les différends entre les contribuables et l’administration fiscale trouvent le plus souvent une issue non-contentieuse.

Une imposition mal connue et mal acceptée mais débattue

Mal connue des Français, la taxation des héritages est l’une des impositions les moins bien acceptées. Pourtant leur fonction redistributrice est soulignée par la théorie économique.
Les droits de succession font l’objet de propositions de réformes nombreuses poursuivant des objectifs différents. Les dispositifs dérogatoires sont questionnés car ils bénéficient de facto aux patrimoines les plus importants. D’autres propositions recommandent, à l’inverse, soit une suppression des droits de succession compte tenu du poids de la fiscalité du patrimoine en France, soit un allègement plus ciblé pour répondre à certaines évolutions sociétales. Il s’agit alors de favoriser une transmission plus précoce des patrimoines ou d’alléger la fiscalité applicable aux collatéraux et aux beaux enfants. Afin d’évaluer avec précision les effets de ces scénarios de réforme, la Cour recommande la réalisation d’une étude statistique avant toute évolution législative, alors que les données précises font largement défaut.
Au regard de ces débats, la Cour estime qu’une réforme des droits de succession, devrait nécessairement se faire à produit constant. Cela induirait la mise en place d’un élargissement de l’assiette de l’impôt via la minoration des avantages fiscaux, ainsi qu’une réduction ciblée des taux d’imposition assurant une meilleure équité de cet impôt.

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