La superposition de trois logiques d’action, qui contribue à une diversification des bénéficiaires
Le nombre des bénéficiaires des contributions multilatérales de la France a augmenté selon trois grandes phases historiques. Avant 1945, on ne comptait que 19 bénéficiaires. Après la Seconde Guerre mondiale, le « consensus de Washington » a conduit à la création de l'ONU et des institutions issues des accords de Bretton Woods. À partir de 1960, la décolonisation a promu l'aide publique au développement (APD), et entraîné la création de nouveaux dispositifs multilatéraux. En 1992, le sommet de Rio a introduit une troisième phase, axée sur la protection de l'environnement. Sur la période récente, entre 2017 et 2023, le montant total des contributions publiques françaises aux organismes et dispositifs multilatéraux a augmenté de 46 %. L’analyse conduite par la Cour met en évidence une certaine spécialisation des instruments. À titre d’exemple, les contributions françaises versées au « système de l’ONU » sont principalement orientées vers les opérations de maintien de la paix et la gestion des crises. En dépit de cette spécialisation relative, le foisonnement général des instruments disponibles est tel qu’une rationalisation des contributions françaises est souhaitable.
Un développement des contributions fléchées qui n’empêche pas une certaine rigidité de la dépense
Les contributions internationales françaises dites « volontaires » s’ajoutent aux contributions obligatoires aux organisations multilatérales. Entre 2017 et 2022, le montant des contributions volontaires versées par la France a presque doublé. Dans le périmètre pris en compte pour l’enquête, leur part dans le total des contributions est passée de 50 % en 2020 à 72 % en 2022. Le développement bienvenu du mécanisme de pré-affectation, appelé aussi « fléchage », rapproche les pratiques de la France de celles de ses grands partenaires, même si des pays comme les États-Unis et l’Allemagne continuent à pré-affecter une part plus importante de leurs contributions que la France. Le « fléchage » donne à la France une plus grande liberté dans l’orientation des financements publics français. Mais une fois les choix politiques arrêtés, la dépense devient rigide. Ainsi, les fonds multilatéraux sont créés par des traités ou des accords internationaux. Ensuite leurs reconstitutions périodiques sont généralement décidées lors de sommets organisés à cette fin. La décision prise par le gouvernement engage alors la France sur des volumes de crédits souvent importants sur une période pluriannuelle.
La nécessité d’une stratégie d’emploi des contributions internationales françaises
Lors du conseil présidentiel du développement du 5 mai 2023, il a été demandé aux administrations centrales compétentes de définir une stratégie plus efficace pour coordonner les canaux bilatéraux et multilatéraux dans l'allocation des financements de solidarité de la France. Cette demande opportune reste insatisfaite, alors que l’aide publique au développement accordée par la France repose désormais sur les contributions multilatérales pour les deux cinquièmes de son volume. Les canaux bilatéraux et multilatéraux sont en partie complémentaires, mais cette complémentarité varie selon les secteurs. Celui de l'environnement montre une différence d'échelle entre les canaux bilatéral et multilatéral. Le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) met en œuvre une coopération locale dont la généralisation est entreprise par le Fonds pour l'environnement mondial (FEM). Dans le domaine du climat, le canal bilatéral oriente l’aide vers les pays les moins avancés (PMA), tandis que le circuit multilatéral met en œuvre directement les obligations internationales, comme celles de l’accord de Paris. Dans la santé et l’éducation, les coopérations entre bailleurs bilatéraux et multilatéraux restent essentielles pour financer l’aide budgétaire sectorielle et les grands projets, tandis que des fonds verticaux plus récents, comme le FMSTP, GAVI ou le PME, facilitent la coordination des bailleurs.
Un renforcement nécessaire du suivi, de l’évaluation et du pilotage
La gestion des principales contributions internationales de la France est répartie entre plusieurs administrations, principalement la direction des Nations Unies et des organisations internationales (NUOI), la direction générale de la mondialisation (DGM) et la direction générale du Trésor (DGT). L’évaluation des contributions majeures est satisfaisante, mais un effort supplémentaire est nécessaire pour les contributions plus modestes. Une plus grande implication des postes diplomatiques dans le suivi des actions multilatérales est par ailleurs souhaitable. Au sein du ministère des affaires étrangères, la coordination interne est insuffisante. En revanche, la collaboration du ministère avec la direction générale du Trésor fonctionne de manière pragmatique. Cependant, il manque des instruments transversaux de suivi des contributions. Une meilleure gestion nécessiterait un suivi des reconstitutions de fonds et une planification des arbitrages à venir. Actuellement, aucune instance ne prenant en charge cette coordination globale, qui est en partie assurée, par la cellule diplomatique de la Présidence de la République. La Cour recommande d'améliorer cette coordination, notamment par des réunions régulières du CICID, sous l’égide du Premier ministre, en élargissant ses missions à toutes les contributions multilatérales et en ouvrant son secrétariat à la direction du budget.