Sort by *
Publications

Publications

L’accès aux études de santé

COUR DES COMPTES

La première année commune aux études de santé (PACES) constituait, depuis 2010, une année de préparation à des épreuves de sélection pour intégrer les formations en santé. Elle concernait 57 000 étudiants en 2019 et sélectionnait 9 700 étudiants en médecine, 1 000 étudiants en maïeutique, 1 400 étudiants en odontologie et 3 900 étudiants en pharmacie (MMOP). Alors que cette PACES était critiquée pour ses modalités d’enseignement et pour sa proportion d’échecs importante, souvent après deux tentatives, la nécessité de faire évoluer le dispositif est rapidement apparue, donnant lieu à des expérimentations en vue d’une réforme de l’accès aux études de santé en 2019. Cette dernière, complexe et mal conçue, a rencontré des difficultés de mise en œuvre. Bien que les critères de détermination des effectifs à former aient évolué, permettant une augmentation du nombre d'admis, cette hausse reste insuffisante pour répondre pleinement aux besoins en santé.

Une réforme entachée de défauts de conception et déployée avec difficulté

La loi du 24 juillet 2019 a réformé l’accès aux études de médecine supprimant la PACES et le numerus clausus à partir de la rentrée universitaire 2020. L’accès au premier cycle se fait désormais via trois nouvelles voies : le parcours avec accès spécifique santé (PASS), la licence avec option accès santé (LAS), et des passerelles depuis certaines formations. Cette réforme visait entre autres à augmenter le nombre de professionnels de santé, améliorer la réussite des étudiants ou encore diversifier les profils des étudiants. Cependant, sa mise en œuvre a été entravée par plusieurs obstacles, notamment la crise sanitaire, un calendrier serré et la diversité des modèles adoptés par les universités, ce qui a perturbé le processus. Ainsi, la première année de mise en place a été particulièrement difficile, ce qui a altéré la confiance des étudiants et de leurs familles. Les financements nécessaires à la réforme n’ont pas été suffisamment anticipés causant de nombreux dysfonctionnements. En 2024, 21 % des nouveaux bacheliers ont fait un vœu sur Parcoursup pour accéder en PASS ou en LAS, mais les deux nouvelles voies d’accès se caractérisent par un nombre élevé de possibilités, souvent très hétérogènes. Les universités ont en outre retranscrit la réforme avec leur propre vocabulaire rendant l’ensemble difficile à comprendre pour les étudiants et les acteurs concernés.

La fin du numerus clausus, une condition nécessaire mais non suffisante pour répondre aux besoins de santé

Mesure emblématique de la réforme, le numerus clausus, qui consistait depuis 1971 en la fixation annuelle du nombre de professionnels à former dans chaque université a pris fin en 2019. Les capacités d’accueil de ces formations, qui restent régulées, passent désormais par un nouveau dispositif de détermination des effectifs de professionnels à former, basé sur de larges concertations au niveau national et local. Il doit permettre de mieux articuler les besoins territoriaux et les capacités de formation. En l’absence d’une coordination interministérielle forte, ce travail repose sur les moyens limités de l’observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS). L’absence à ce stade d’une méthodologie partagée sur l’estimation des besoins de santé et des capacités de formation des établissements ne permet pas de garantir la pertinence des objectifs actuels. L’État doit mieux appréhender la planification des besoins en professionnels de santé par la mise en place d’un comité de pilotage interministériel. Le nombre d’admis en MMOP sur les trois premières années de la réforme a augmenté par rapport à l’année précédente pour les filières médecine (+ 18 %) et odontologie (+ 14 %) mais a diminué pour les autres filières (- 6 % pour pharmacie, - 4 % pour maïeutique). Par ailleurs, la répartition géographique des places en médecine se révèle disparate entre régions et, plus encore, entre universités, sans qu’une logique de rattrapage des inégalités n’aboutisse.

Un premier bilan en demi-teinte

La réussite des étudiants s’est améliorée sur un an mais de façon limitée. Deux ans après leur année d’accès santé, 63 % des étudiants ont perdu une année d’étude constituant une amélioration par rapport aux 79 % avant la réforme. Toutefois, cette progression cache d’importantes différences de taux d’accès en MMOP en fonction de la voie choisie. Enfin, les étudiants en LAS redoublent plus souvent que les étudiants admis après un PASS. Finalement, les mesures prises en faveur de la réussite étudiante ont montré de légers effets positifs mais qui ne suffisent pas à justifier le coût financier et organisationnel du dispositif. La comparaison du profil des admis en MMOP avant et après la réforme permet de dresser un premier bilan de l’efficacité des mesures visant à diversifier les profils. Cet objectif était dès le départ mal spécifié et peu précis. À ce jour, la réforme n’a pas produit la diversification attendue des profils d’étudiants. La diversification académique a eu lieu dans des proportions limitées et la diversification sociale ne semble pas encouragée par la multiplication des voies sur Parcoursup. La diversification territoriale des admis en MMOP a favorisé l'ouverture de LAS dans des universités petites, accessibles aux populations rurales et défavorisées, mais les chances d'accès à MMOP y restent faibles.

Un statu quo intenable, une nécessaire simplification

Quatre ans après la mise en place de la réforme, le bilan des deux principaux objectifs, améliorer la réussite étudiante et diversifier les profils, est mitigé. La coexistence des voies PASS et LAS, avec le maintien du PASS comme voie principale, est responsable de ce bilan, tant en termes de diversification que de réussite étudiante. Il est donc proposé d’abandonner cette coexistence, jugée complexe et inefficace, et de mettre en place une voie unique d’accès. Un accès direct après le baccalauréat serait trop radical et risquerait de déstabiliser à nouveau le système, tandis que généraliser le modèle LAS présente un risque d’échec face à l’opposition de nombreux acteurs. La solution la plus réaliste serait de créer une voie unique, en concertation avec les acteurs, axée sur une première année principalement dédiée à la santé, gérée par l’UFR en santé. Cela répondrait aux attentes des étudiants pour un enseignement majoritaire en santé et un accès homogénéisé. Quelle que soit l’option choisie, des mesures d’harmonisation nationale, telles que la standardisation des enseignements des mineures, la prise en compte systématique des mineures pour la validation de la première année de LAS, et l’élargissement des passerelles tardives, sont nécessaires.