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La scolarisation des élèves allophones

COUR DES COMPTES

L’obligation d’instruction est désormais en vigueur dans notre pays pour les jeunes de trois à 16 ans et une obligation de formation existe de 16 à 18 ans pour les jeunes qui ne sont pas en emploi. Ces règles s’appliquent également aux nouveaux arrivants, même ceux dont la langue maternelle n’est pas le français. Pour donner aux élèves allophones les mêmes chances de réussite qu’aux autres, il est nécessaire de prévoir des dispositifs spécifiques de soutien, en particulier linguistique, en tout cas dans une phase initiale. Le sujet apparait particulièrement sensible en Guyane et à Mayotte, compte tenu de la démographie, de l’importance des flux migratoires et de l’existence de plusieurs langues maternelles autres que le français. Le rapport publié ce jour par la Cour des comptes vise à apprécier la manière dont le dispositif de scolarisation des enfants allophones s’organise sur le terrain, ainsi que l’efficacité des dépenses et leur évaluation, au regard de l’objectif de la réussite de tous les élèves.

Des principes et des moyens de scolarisation spécifiques pour des élèves aux caractéristiques très diverses

La scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) et les délais d’affectation à l’école font l’objet d’une enquête en principe annuelle du ministère. Mais ces statistiques sont en réalité irrégulières, incomplètes et des discordances subsistent entre les données académiques et nationales. La Cour constate que les élèves allophones normalement scolarisés avant leur arrivée en France, comme les jeunes réfugiés ukrainiens, sont dans une situation très différente de ceux qui ne l’ont pas ou peu été (23%). Au cours de l’année scolaire 2020-2021, 64 564 EANA ont été scolarisés en école élémentaire, en collège ou en lycée. Leur nombre a très certainement diminué jusqu’en mars 2022 du fait de la crise sanitaire, puis a augmenté depuis cette date compte tenu des enfants réfugiés ukrainiens scolarisés (près de 18 000 au moment du dépôt du rapport). Enfin, la répartition des EANA est relativement équilibrée entre les académies, même si la Guyane et Mayotte se distinguent par un pourcentage particulièrement élevé. L'inclusion dans les classes ordinaires doit constituer la modalité principale de la scolarisation et le but à atteindre. Des structures particulières d’accueil des EANA, les unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A), organisent les liens avec la classe ordinaire et y prévoient des temps de présence, dans une logique de personnalisation des parcours.  Mais les délais d’affectation dans ces structures se sont allongés jusqu’en 2020, même s’ils ont probablement diminué depuis deux ans. En effet, au bout de six mois, 9,3 % des EANA relevant du collège et 17,3 % de ceux qui devraient aller au lycée ne sont pas scolarisés – le ministère n’a pas fixé de délai maximal au terme duquel les EANA doivent être inscrits dans un établissement scolaire.

Des dispositifs souvent personnalisés, mais avec plusieurs difficultés

En 2020-2021, 91 % des EANA ont bénéficié d’un accompagnement linguistique, dont 62 % en UPE2A ordinaire, 8 % en UPE2A pour les non scolarisés antérieurement, 19 % inclus en cursus ordinaire avec un soutien linguistique et 2 % soutenus par un autre dispositif – pour un coût d’environ 180 M€, hors moyens mis à disposition par l’éducation nationale. Avant la crise sanitaire, les principales régions en tension étaient les académies franciliennes, les grandes métropoles (Lyon, Grenoble, Bordeaux, Montpellier, etc.), les zones frontalières (Marseille, Lille, Strasbourg, etc.), Mayotte et la Guyane – les chiffres attestent de la difficulté de mettre en place ces dispositifs en primaire dans les territoires ruraux à habitat dispersé. La Cour pointe également une insuffisance de formation des enseignants. Selon une étude de l’OCDE, 8% des enseignants de notre pays se sentent « bien préparés » ou « très bien préparés » pour enseigner en milieu multiculturel ou plurilingue, contre 26 % en moyenne dans l’ensemble de l’OCDE – de nombreux enseignants en UPE2A ne disposent pas d’une certification français langue seconde (FLS). Malgré tout, plusieurs actions ont été entreprises pour l’accompagnement des enseignants animées notamment par la Casnav mais elles restent à améliorer. La Cour constate également des carences en matière d’évaluation. Le diplôme d’étude en langue française (DELF) valide des compétences en langue de communication orale et écrite, que les EANA peuvent passer gratuitement au cours de leurs deux premières années en France. Mais cet examen est facultatif et ne constitue pas un indicateur systématique de l’avancée de l’apprentissage de la langue. La Cour recommande donc de généraliser cet outil afin de permettre un soutien pédagogique plus précis. En effet, comme dans d’autres pays européens, les données d’évaluation sont très parcellaires et parfois anciennes. Enfin, pour les EANA de moins de six ans, le ministère n’envisage pas pour le moment de dispositif spécifique, considérant que l’entrée dans la langue de l’école est une problématique commune à tous les élèves de maternelle. S’agissant des EANA de plus de 16 ans, l’écart important entre leur nombre et celui des mineurs non accompagnés pris en charge par les conseils départementaux laisse penser qu’une bonne partie de ces derniers ne bénéficie d’aucune formation. Selon la Cour, cela peut notamment s’expliquer par le fait que les UPE2A en lycée sont de création récente et restent en nombre insuffisant dans certains départements, comme le montrent les délais plus longs pour accéder à ces structures.

Une mobilisation importante pour les jeunes réfugiés ukrainiens

Entre le 24 février et le 15 novembre 2022, 20 075 élèves ukrainiens ont été accueillis dans les écoles, collèges, lycées français. 54 % sont scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires, 33 % au collège et 13 % au lycée. Leur localisation géographique est assez bien équilibrée. La Cour relève que grâce à la mobilisation des services de l’éducation nationale aux côtés des préfectures, les élèves ont pu être scolarisés dès leur arrivée - et les familles ont eu la possibilité de se rendre dans l’établissement le plus proche de leur lieu d’hébergement. Le coût moyen annuel par élève des seuls dispositifs spécifiques peut être évalué a environ 2 650€, soit environ 25M€ pour la demi année scolaire février-juin 2022.

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