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La pédopsychiatrie

COUR DES COMPTES

Dans les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 13 % environ des enfants et adolescents présentent au moins un trouble psychique, c’est-à-dire une affection perturbant la santé mentale et pouvant prendre des formes et des expressions très différentes. Bien que le manque de données concernant la situation française rende difficile l’estimation des effectifs concernés, on peut néanmoins estimer qu’environ 1,6 million d’enfants et adolescents souffrent d’un trouble psychique. Comme dans les autres pays de l’OCDE, l’épidémie de covid 19 a eu pour effet d’augmenter dans des proportions importantes les troubles psychiques chez les enfants à partir de 10 ans et chez les adolescents. Le rapport publié ce jour par la Cour des comptes vise à quantifier les besoins de soins psychiques infanto-juvéniles en évaluant la prévalence des troubles et l’offre disponible, et à analyser l’organisation de l’offre de soins, sa répartition sur le territoire et son coût pour les finances publiques.

Une offre de soins psychiques inadaptée aux besoins de la jeunesse

Entre 750 000 et 850 000 enfants et adolescents bénéficient annuellement de soins prodigués en pédopsychiatrie par des professionnels spécialisés selon les différentes modalités (ambulatoire, hospitalisations partielles et complètes). Or, la Cour constate que dans l’état actuel de l’organisation des soins, et en particulier dans les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMP-IJ), une partie des patients suivis ne souffrent que de troubles légers, au détriment de la prise en charge d’enfants souffrant de troubles plus sévères. En matière d’offre d’équipements, ambulatoires comme hospitaliers, la France se situe dans la moyenne des pays européens et elle est marquée par de fortes inégalités territoriales. Par ailleurs, la crise de la démographie médicale, avec la diminution du nombre de pédopsychiatres de 34% entre 2010 et 2022 rend encore plus difficile l’accès aux soins psychiques infanto-juvéniles. Les dépenses dédiées à leur prise en charge dans les établissements de santé en 2019 sont estimées à 1,8 Md€ et sont concentrées sur le secteur public.

Un parcours de soins trop peu gradué et une offre saturée

Le parcours de soins en pédopsychiatrie repose sur une offre organisée en « secteurs » infanto-juvéniles, dont les missions assignées sont très larges. En amont du parcours, les pouvoirs publics ont tenté de développer, avec le projet national dit des « 1 000 premiers jours », une approche de prévention des troubles psychiques des mères et des nourrissons. Mais cet effort n’est pas aussi fermement poursuivi à l’école - les psychologues de l’Éducation nationale étant souvent renvoyés vers des missions d’orientation scolaire. En ville, les professionnels libéraux méconnaissent encore trop les caractéristiques des troubles psychiques des enfants et des adolescents et ne jouent donc pas suffisamment leur rôle de porte d’entrée dans le parcours de soins. La Cour recommande notamment une amélioration de leur formation. En revanche, les psychologues et les infirmières de pratique avancée, en nombre important et croissant, ont vocation à prendre progressivement une place dans le parcours de soins. Dans ce contexte, les CMP-IJ ont été progressivement submergés par les demandes diverses, allant des troubles légers à sévères, entrainant une difficulté à assurer en totalité leur mission de suivi des troubles psychiques les plus sévères.
En s’ajoutant aux structures existantes, une expérimentation de maisons de l’enfance et de l’adolescence pourrait contribuer à assurer un accueil de première ligne plus efficace. Dans ce paysage renouvelé, les CMP-IJ pourraient ainsi se consacrer au suivi des troubles modérés à sévères, à la coordination des parcours et assurer pleinement leur rôle de centre d’expertise. Enfin, pour anticiper et limiter le recours aux services d’urgences lorsqu’un patient est en crise, les dispositifs d’équipes mobiles et de liaison devraient devenir un équipement de base de chaque territoire de référence.

Une volonté claire d’améliorer l’organisation de l’offre de soins psychiques infanto-juvéniles, mais une gouvernance peu opérationnelle

Le ministère de la santé manifeste la volonté de renforcer l’accès à l’offre de soins psychiques infanto-juvéniles depuis 2018, notamment avec l’adoption de la feuille de route sur la santé mentale. Néanmoins, cette dernière ne se fixe pas d’objectifs clairs et ne prévoit pas de calendrier de mise en œuvre. De plus, si la mise en place d’un délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie (DMSMP) a permis d’améliorer la lisibilité de la politique poursuivie, son rôle et sa place doivent être élargis à la pédopsychiatrie et portés à un niveau interministériel. L’organisation administrative régionale de la pédopsychiatrie souffre également d’un manque de vision opérationnelle. Le financement de la pédopsychiatrie relève du même régime que celui de la psychiatrie, mais les dotations reconduites chaque année ne prennent pas en compte l’évolution de l’activité et s’adaptent peu aux spécificités locales des établissements, à l’exception des mesures nouvelles et des appels à projets.

La nécessité de renforcer l’attractivité des métiers de soins infanto-juvéniles

Des carences perdurent dans l’offre de soins de pédopsychiatrie, sur les plans quantitatif et qualitatif. Le secteur entier doit donc être revitalisé, notamment en renforçant l’attractivité des métiers du soin psychique infanto-juvénile. Cela repose sur la valorisation des parcours hospitalo-universitaires, sur le soutien à la recherche française dans la discipline et sur une meilleure reconnaissance de la pratique clinique en établissements et en libéral. Enfin, la Cour recommande que les médecins traitants de l’enfant, généralistes et pédiatres, soient placés au cœur de l’accueil et de l’orientation des patients, et ce, pour améliorer le parcours de soins et sa gradation.

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