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La délivrance des titres d’identité et de circulation

COUR DES COMPTES

À la demande de la Commission des finances du Sénat, dans un contexte de crise des délais d’obtention des cartes d’identité et passeports, la Cour a réalisé une enquête intitulée « La délivrance des titres d’identité et de circulation : une crise en voie de règlement, des défis pour l’avenir à traiter ». La délivrance des titres d’identité et de circulation est largement dématérialisée depuis l’entrée en vigueur du plan « préfectures nouvelle génération », en novembre 2017. De nombreux acteurs, au sein et en dehors du périmètre de l’État, interviennent dans la chaîne de délivrance. Les mairies enregistrent les demandes de titres d’identité, les centres d’expertise et de ressources titres (CERT) instruisent les demandes de titres, l’Imprimerie nationale fabrique les titres, etc. La Cour analyse les origines de la crise, les moyens mis en œuvre pour la résorber et les défis qui se posent pour éviter le renouvellement de ces difficultés.

Une crise conjoncturelle en cours de résolution

Entre mars 2022 et juin 2023, les délais de délivrance des titres d’identité ont atteint des niveaux sans précédent (jusqu’à 73 jours ouvrés pour les délais de rendez-vous en mairie en mai 2022), suscitant le mécontentement des usagers. Cette hausse des délais de délivrance s’explique principalement par la crise sanitaire, durant laquelle de nombreux usagers n’ont pas pu déposer leur demande de titre et par la vive reprise de l’activité touristique dès 2022. L’extension de la durée de validité des cartes nationales d’identité de 10 à 15 ans, non reflétée sur le document et donc refusée pour certaines démarches administratives et commerciales (demandes de prêt immobilier notamment), a également entraîné des demandes de renouvellement anticipées.
Pour faire face à cette crise, le Gouvernement a pris une succession de mesures en 2022 et 2023, dont la Cour évalue le coût à environ 113 M€. Parallèlement à l’augmentation du nombre de stations de recueil des demandes en mairie, l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) a développé des outils pour simplifier la prise de rendez-vous. L’effort national a également porté sur les CERT, chargés de l’instruction des demandes. La mobilisation exceptionnelle de l’ensemble des acteurs de la chaîne a permis de résorber la crise à partir de l’été 2023 en réduisant les délais d’obtention des titres. Néanmoins, la réaction tardive face à la forte hausse de la demande non anticipée met en question la capacité du ministère de l’intérieur à préparer les prochaines échéances de renouvellement des titres, alors que la crise a révélé plusieurs difficultés structurelles de la chaîne de délivrance.

Une chaîne de délivrance des titres confrontée à des difficultés de pilotage et d’organisation

Les CERT chargés de l’instruction des demandes ont été insuffisamment calibrés en 2017 et leurs effectifs n’ont pas suivi l’évolution de la demande. Ils sont, dans l’ensemble, peu attractifs : l’activité d’instruction, entièrement dématérialisée, est répétitive et perçue comme peu valorisante, et le télétravail n’est pas autorisé pour l’instruction des titres d’identité. De surcroît, les dysfonctionnements des systèmes d’information ralentissent le recueil et l’instruction des demandes de titres. Le déploiement de nouveaux systèmes d’information, plus robustes et simplifiés, apparaît donc nécessaire.
L’État doit également faire face au renouvellement obligatoire des anciennes cartes d’identité avant 2031 et des anciens permis de conduire avant 2033, deux échéances décidées dans le cadre de l’Union européenne. Or, si l’Imprimerie nationale a jusqu’à présent réussi à satisfaire la forte hausse de la demande de titres d’identité par une mobilisation exceptionnelle de moyens matériels et humains, elle doit pouvoir anticiper les investissements industriels à effectuer pour satisfaire la demande future. Le ministère de l’intérieur doit donc mieux évaluer la demande prévisionnelle de titres en préparant dès maintenant l’ensemble des acteurs de la chaîne à ces échéances pour éviter une nouvelle crise. Pour ce faire, un pilotage d’ensemble de la chaîne de délivrance doit être mis en place.
Enfin, malgré la sécurisation croissante des processus de délivrance, la fraude documentaire et à l’identité reste importante voire s’accroît dans certains domaines. La réduction des délais ne doit pas s’effectuer au détriment de la lutte contre la fraude. Celle-ci doit bénéficier des moyens nécessaires et faire l’objet d’une coopération accrue avec le ministère de la justice.

Pour un service public qui réponde mieux aux attentes des usagers

La qualité du service public suppose d’abord que l’ensemble des usagers obtienne leurs titres sécurisés dans des délais raisonnables. Elle implique également que chacun puisse accéder au service et réaliser ses démarches sans difficulté excessive, et qu’il soit régulièrement informé de l’avancée de sa réalisation. Pour les titres d’identité, il s’agit d’assurer que l’offre de rendez-vous en mairie soit répartie équitablement sur le territoire national. À cette fin, la Cour recommande de rendre fortement incitatif l’équipement en dispositif de recueil pour les communes de plus de 10 000 habitants. Les enquêtes réalisées auprès des usagers révèlent une forte attente de simplification des procédures. Parmi les recommandations de la Cour, la prise de photographie d’identité par les agents de mairie réduirait la fraude documentaire et à l’identité et les difficultés d’instruction induites par les photos non conformes, à l’origine de plus de 190 000 dossiers rejetés en 2022. Enfin, le projet « France identité numérique » doit permettre aux usagers de prouver leur identité sur internet de façon simple et sécurisée et de lutter contre le risque croissant d’usurpation d’identité en ligne. Son niveau de sécurité élevé permet d’envisager d’élargir ses applications aux démarches administratives et commerciales.

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