SYNTHÈSE
Le logement social, un secteur important en Nouvelle-Calédonie
Le parc immobilier de la Nouvelle-Calédonie en 2019 compte 109 000 logements dont 90 800 résidences principales. En 10 ans, la part du secteur locatif social a augmenté de 13 % à 15 % des logements occupés. Ce taux est désormais identique à celui de la métropole. A titre de comparaison, il est très supérieur à celui de la Polynésie Française (4 %). Le secteur locatif social, rare aux Îles Loyauté, héberge 5 % des ménages en province Nord, 18,5 % en province Sud et 20 % dans le Grand Nouméa.
Le contexte du logement social en Nouvelle-Calédonie est caractérisé par un fléchissement de la croissance du parc immobilier et l’importance de son taux de vacance, estimé à un logement sur dix en 2019. Cependant, la résorption des squats reste lente et le phénomène concerne encore près de 4 000 habitants dans le grand Nouméa en 2019.
Les contrats de développement ont fait de la politique de l’habitat un axe majeur constituant leur première dépense depuis 1993 et 21 % des financements 2017-2022, pour lesquels l’État intervient à hauteur de 75 %. La réalisation d’opérations immobilières est cependant freinée par un cadre institutionnel et réglementaire complexe en termes de partage des compétences, d’articulation des documents d’urbanismes entre eux ou d’existence de politiques du logement social différentes selon les provinces. Enfin, les opérations sur terres coutumières restent difficiles du fait de leur statut.
Un opérateur historique, collecteur de la contribution des employeurs pour la politique de l’habitat social, mais aussi promoteur et gestionnaire du parc social
Le Fonds social de l’habitat, créé en 1964, a été transformé par une délibération de la commission permanente du congrès n°210 du 30 octobre 1992 en une société mutualiste, régie par la loi du 1er avril 1898. Il assure la collecte de la contribution des employeurs de 2 %, qui est recouvrée par la CAFAT sur l’ensemble des salaires versés. Cependant, entre 2018 et 2022, un écart injustifié de 83,6 MF CFP subsiste entre les montants recouvrés par la CAFAT et ceux perçus par le Fonds social de l’habitat.
Le Fonds social de l’habitat est chargé d’attribuer les aides individuelles à l’accession à la propriété sous forme de prêts et de subventions et de gérer l’aide au logement. Il intervient aussi en tant que promoteur dans des opérations d’accession à la propriété ou de réhabilitation, ce qui n’est pas conforme à l’accord de Nouméa qui prévoit une distinction entre les rôles de collecteur, de promoteur et de gestionnaire du parc social.
La contribution des employeurs de 2 % constitue la majeure partie des ressources du Fonds social de l’habitat (3,6 MdF CFP en 2022). Les autres sources de revenus du Fonds social de l’habitat proviennent de ses activités : les produits de la vente de logements et de terrains et les revenus des prêts consentis aux ayant-droits. Ces ressources permettent de financer, outre les frais de fonctionnement de la structure qui s’élèvent en moyenne à 15 % de la contribution employeur collectée, l’acquisition de terrains, des frais de lotissement et de construction, des prêts aux ayants-droits ou la bonification de prêts de la Caisse des dépôts et consignation, des subventions versées à d’autres structures, l’aide au logement et les versements à sa filiale, le Fonds calédonien de l’habitat, société anonyme par actions simplifiée créée en 2003, pour financer des opérations locatives.
Une activité qui doit mieux répondre aux besoins des provinces, du territoire et de ses habitants
Le Fonds social de l’habitat et le Fonds calédonien de l’habitat ont une stratégie commune qui doit répondre aux enjeux de la politique de l’habitat social sur le territoire. Ils disposent d’un même plan quinquennal définissant leur stratégie de développement. La chambre invite le Fonds social de l’habitat à se rapprocher des provinces et de la Nouvelle-Calédonie pour vérifier l’adéquation de son plan stratégique avec les besoins en logement du territoire ainsi que les missions d’intérêt général telles que l’aide au logement et à le faire approuver par le gouvernement comme le prévoit ses statuts.
L’activité de construction du Fonds social de l’habitat est en baisse entre 2018 et 2022, seuls 13 lots ayant été livrés en 2022 contre 44 en 2018. La croissance du parc locatif géré par le Fonds calédonien de l’habitat ralentit entre 2018 et 2022, atteignant seulement 0,5 % en 2022.
Le parc du Fonds calédonien de l’habitat est constitué de 3 283 logements au 31 décembre 2022 situés à 94 % en province Sud. Les logements sont constitués à 96,4 % des logements aidés. L’âge moyen des résidences du parc de logements est de 11 ans.
A fin décembre 2022, le stock d’impayés locatifs est de 475 MF CFP soit près de 21 % d’impayés par rapport au quittancement des douze derniers mois. Le manque à gagner du fait de la vacance représente environ 250 MF CFP fin 2022. La vacance a progressé de 4 points depuis 2018 pour atteindre près de 10 % en 2022. Le taux de vacance est significativement plus élevé que celui des organismes de logement social de l’hexagone pour lesquels il se situait, en 2021, à 2,9 %. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette inadéquation du parc aux besoins des locataires : la catégorie de logement (les logements hors secteur social sont moins attractifs face au secteur privé), la typologie (les logements de type 3 présentent une vacance plus élevée), la localisation géographique ou la vétusté, celle-ci entraînant un taux de rotation élevé des locataires.
La maintenance préventive est définie depuis 2020 dans le plan pluriannuel d'investissement du Fonds calédonien de l’habitat qui donne une visibilité pour les dix prochaines années sur les composants à renouveler pour chaque résidence. Ce plan présente un retard d’exécution important et la chambre invite le Fonds calédonien de l’habitat à son actualisation périodique autant que de besoin.
Une gestion efficiente de l’aide au logement, dispositif dont les provinces se sont retirées
La création de l’aide au logement au niveau territorial s’appuie sur la compétence de la Nouvelle-Calédonie en matière de protection sociale. Selon la loi du pays n° 2007-4 du 13 avril 2007 portant création d’une une aide au logement, l'aide au logement et les dépenses qui s'y rapportent sont financées, à part égale, par une contribution de la Nouvelle-Calédonie directement ou par l’intermédiaire de son agence sanitaire et sociale, du Fonds social de l’habitat et, sous réserve de leur accord, des provinces. Entre 2018 et 2022, les seuls contributeurs au financement de l’aide au logement sont l’agence sanitaire et sociale de la Nouvelle-Calédonie et le Fonds social de l’habitat, les provinces s’étant désengagées de ce dispositif.
Le nombre de dossiers de demandes d’aide au logement traités par le Fond social de l’habitat a augmenté de 10 % entre 2018 et 2022 alors que dans le même temps, le coût moyen de gestion a baissé. Sous réserve de la fiabilité des données analytiques utilisées et de la clef de répartition des frais de siège, le Fonds social de l’habitat a gagné en efficience dans la gestion de l’aide au logement.
Les charges liées au budget de fonctionnement de l’aide au logement tiennent compte des charges de personnel assurant la gestion de l’aide au logement, des dépenses administratives, d’une participation aux frais de siège et de dépenses informatiques supportées par le Fonds social de l’habitat. Ces charges lui sont remboursées. Ainsi, l’effort net du Fonds social de l’habitat en faveur de l’aide au logement est en moyenne de 423 MF CFP par an (411 MF CFP en 2022). La chambre invite le Fonds social de l’habitat à revoir la méthode de calcul des charges de gestion de l’aide au logement et à la formaliser par une note de service validée en conseil d’administration.
Une gouvernance intégrée à clarifier
La gouvernance du Fonds social de l’habitat est assurée par un conseil d’administration, comprenant un bureau et des commissions qui lui sont rattachées : une commission permanente, une commission de recours gracieux, une commission de contrôle et une commission d’appel d’offres. La gouvernance du Fonds calédonien de l’habitat est assurée par le Fonds social de l’habitat, personne morale et actionnaire unique de la société. La chambre rappelle que le conseil d’administration n’a pas délégué, de façon formelle, ses pouvoirs en matière de gestion administrative à la commission permanente et l’invite à le faire afin de régulariser la gestion administrative.
Les directions du Fonds social de l’habitat concourent à la fois au fonctionnement du Fonds social de l’habitat et du Fonds calédonien de l’habitat. Chaque salarié est rémunéré par l’un ou l’autre des deux fonds en fonction des termes de son contrat de travail initial à l’issue de son recrutement. Cette gestion ne permet pas de mesurer la réalité de la masse salariale à imputer à chacun des Fonds ni d’évaluer leur performance financière. La chambre invite le Fonds social de l’habitat et le Fonds calédonien de l’habitat à mettre en place une convention de mutualisation de services associée à un outil de suivi de l’activité des salariés et une comptabilité analytique de façon à refacturer les charges le cas échéant.
Le Fonds social de l’habitat et le Fonds calédonien de l’habitat ne sont pas régis par des conventions de travail mais disposent d'un accord d'établissement qui ne visent pas le directeur et l’agent comptable, nommés par le conseil d’administration, ainsi que le directeur adjoint. Les conditions de travail et de rémunération de ces personnels de direction doivent être fixées par des contrats particuliers conclus entre le conseil d’administration et les intéressés. La chambre observe que les contrats, accords et conventions concernant le directeur et le directeur adjoint, ainsi que le comptable sont signés par le seul président, sans information du conseil d’administration. Cette absence de transparence fait peser un risque juridique sur les contrats des intéressés. La chambre recommande de présenter au conseil d’administration les conditions de travail et de rémunération ainsi que de rupture du directeur, du directeur adjoint et de l’agent comptable, conformément à l’accord d’établissement.
En matière de déontologie, la chambre recommande au Fonds social de l’habitat de renforcer la prévention des conflits d’intérêt en mettant en place une charte de déontologie, une carte des risques et un dispositif d’alerte et de gestion de ces risques, conformément aux recommandations de l’agence française anticorruption, ainsi qu’une formation sur la prévention des conflits d’intérêt, dédiée à l’ensemble des membres du conseil d’administration et du l’ensemble du personnel.
Le règlement intérieur du conseil d’administration du Fonds social de l’habitat fixe des seuils de passation de marchés selon le montant du marché. Afin de gagner en transparence et de renforcer la concurrence, la chambre recommande au Fonds social de l’habitat et au Fonds calédonien de l’habitat de prévoir les besoins d’achats par familles de produits et de prestations et de supprimer tout critère discriminatoire dans le règlement particulier d’appel d’offres pour le choix de l’attributaire d’un marché.
Le groupe Fonds social de l’habitat et Fonds calédonien de l’habitat dégage une trésorerie importante
La part relative de la contribution 2 % logement rapportée au total des produits d’exploitation du Fonds social de l’habitat diminue de 24 points entre 2018 et 2022 pour atteindre 67 % en 2022 (près de 3,6 MdF CFP en moyenne annuelle). Entre 2020 et 2022, l’activité du Fonds calédonien de l’habitat a généré un autofinancement de plus de 17 % du chiffre d’affaires, ratio élevé par comparaison aux organismes de logement social de l’hexagone pour lesquels la médiane se situait à 12,5 % en 2020.
Dans le cadre de son activité de prêteur, le Fonds social de l’habitat assure des prestations de service pour le compte d’une société d’assurances, sans aucune formalisation des relations entre les deux entités. La chambre recommande la passation d’une convention entre les parties.
L’endettement du groupe est structurellement faible. Le Fonds social de l’habitat a souscrit en 2010, un contrat d’échange de taux qui lui a d’ores et déjà coûté 83,4 MF CFP depuis sa souscription jusqu’à fin 2022. Entre 2008 et 2010, le Fonds calédonien de l’habitat a conclu huit contrats de couverture de taux qui lui auront occasionné un surcoût global de près de 3 MdF CFP depuis leur souscription jusqu’au 31 décembre 2022, dont 857 MF CFP sur la seule période 2018-2022. Néanmoins, à compter de 2023, dans le cadre du contexte inflationniste en place, ces instruments de couverture commencent à produire un effet positif qui pourrait s’élever à 1,2 MF CFP en 2023. Nonobstant le retournement favorable de la situation, la chambre rappelle que le recours à des instruments financiers complexes, notamment dans le domaine du logement social, n’est pas une bonne pratique de gestion.
Si la trésorerie du Fonds social de l’habitat reste confortable entre 2018 et 2022, son niveau s’est toutefois progressivement érodé jusqu’en 2021. L’année 2022 amorce néanmoins une reconstitution des disponibilités qui atteignent 5,5 MdF CFP. La trésorerie disponible sur le compte dédié à l’aide au logement diminue de 60 % entre 2018 et 2022 à 192 MF CFP fin 2022. Globalement, l’activité du Fonds calédonien de l’habitat dégage une trésorerie de près de 5 MdF CFP fin 2022 couvrant plus de 42 mois de dépenses d’exploitation, ce qui, même en prenant en considération le mode de financement spécifique lié à la défiscalisation, est très élevé en comparaison des sociétés anonymes d’habitat à loyer modéré comparables dans l’hexagone.