SYNTHESE DES OBSERVATIONS DEFINITIVES
1- Le suivi des observations faites au contrôle précédent
Le précédent contrôle avait donné lieu à un rapport d’observations définitives en date du 17 septembre 2007. Les observations avaient porté sur la tenue des comptes et la situation financière, la mise en oeuvre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), l’hébergement des personnes âgées, le versement du RMI et la mise en oeuvre des actions d’insertion, les aides en faveur des personnes handicapées, la gestion des ressources humaines, la mise en place d’un contrôle interne et d’un contrôle de gestion.
La tenue des comptes et la situation financière sont examinées ci-après.
S’agissant des dépenses d’APA, la chambre observait l’importante évolution de la charge financière du dispositif et invitait la collectivité à en renforcer le suivi et l’évaluation. Le conseil général a renforcé l’efficacité du dispositif. S’agissant de l’hébergement des personnes âgées, la chambre notait une amélioration du suivi des établissements conventionnés depuis 2006 et encourageait à poursuivre dans cette voie. Le contrôle des établissements peut être considéré comme rigoureux.
S’agissant des aides pour les personnes handicapées, la chambre observait le potentiel d’évolution du dispositif, et l’obligation corollaire d’en contrôler l’efficacité. Le conseil général a initié ce contrôle et doit l’intensifier. Ces deux thèmes, personnes âgées et personnes handicapées, ont été de nouveau examinés dans le cadre du présent contrôle. S’agissant du RMI-RSA, la chambre avait déploré l’absence de politique de prévention des indus. Les procédures de versement de l’allocation ont été modifiées et le service du contentieux renforcé. L’évaluation des actions d’insertion, qui était peu développée, est désormais bien encadrée par le plan départemental d’insertion (PDI) et par la convention signée avec chaque opérateur. En ce qui concerne les ressources humaines, la chambre avait critiqué le maintien d’un régime de temps de travail non conforme à la réglementation applicable. La collectivité n’a toujours pas pris les dispositions pour régulariser sa situation. La chambre prend acte de l’engagement de l’ordonnateur de soumettre à l’assemblée départementale des propositions dans ce sens.
La chambre avait, enfin, invité le conseil général à poursuivre ses efforts pour améliorer le contrôle, le suivi et l’évaluation de ses différentes activités, ce qui a été fait sous la forme d’audits des secteurs les plus sensibles.
2- La situation financière
La période analysée se caractérise par un contexte difficile. La conjoncture s’est fortement dégradée et différents facteurs ont agi à la baisse sur les recettes (stabilisation des dotations, diminution des recettes fiscales) et à la hausse sur les dépenses (transferts de compétences, augmentation des dépenses sociales). En 2005, l’autofinancement brut dégagé était de 54,36 M€, en hausse régulière depuis 2001 et le ratio CAF brute sur recettes réelles de fonctionnement (RRF) était de 24,8 %, soit huit points au-dessus de la moyenne de la strate. En 2010, soit cinq années plus tard, la CAF a diminué mais reste élevée (41 M€). Ce niveau d’autofinancement serait rassurant si deux facteurs n’obligeaient désormais le département à faire preuve d’une grande vigilance. Le premier est l’effet de ciseaux observé entre recettes et dépenses de fonctionnement, qui conduit à un rétrécissement de la marge dégagée pour l’autofinancement. La marge de manoeuvre fiscale étant faible, le maintien par le conseil général de sa capacité d’autofinancement passe par un effort soutenu de maîtrise des dépenses de fonctionnement.
Le second facteur tient au niveau des engagements financiers de la collectivité, qui ont fortement augmenté. En apparence, l’encours de la dette du département a diminué puisqu’il s’élevait à 117, 8 M€ au 31 décembre 2005, et qu’il s’élève à 108 M€ fin 2010. Mais la dette contractée dans le cadre du contrat de partenariat public privé (PPP) routier est à considérer, depuis un arrêté du 16 décembre 2010, comme faisant partie intégrante de la dette de la collectivité. Ainsi, le niveau d’endettement du département augmentera à la date de réception prévue des travaux, soit en 2013, de 36,1 M€ HT.
Sont également à prendre en compte, même s’ils ne constituent pas une dette à proprement parler, les engagements financiers plus larges que le département a contractés dans le cadre des deux PPP, routier et haut-débit. Au titre du PPP routier, l’engagement financier total du département s’élève à 64,6 M€ HT, créant une dépense moyenne annuelle de 3,2 M€ sur 20 ans, tandis que l’engagement de la collectivité au titre du PPP haut-débit s’élève à 70,7 M€ HT soit 3,5 M€ HT par an sur 20 ans (frais de fonctionnement de la régie inclus), à laquelle pourrait s’ajouter le cas échéant la compensation que le département s’oblige à verser en cas d’insuffisance de recettes commerciales (66 M€ de recettes attendues).
La soutenabilité de la dette et des engagements financiers implique désormais une politique d’investissement prudente. Globalement, dans un objectif de maîtrise durable des dépenses et d’équilibre financier pérenne, la chambre recommande que la collectivité départementale recentre progressivement son activité sur ses compétences obligatoires.
3- La fiabilité des budgets et des comptes
En investissement, la programmation pluriannuelle par autorisations de programme-crédits de paiement (AP-CP) laisse persister des écarts importants entre prévision et réalisation budgétaire, écarts qui peuvent être réduits si le département parvient en amont à mieux définir ses besoins. Le conseil général doit affiner la prévision budgétaire, notamment par une gestion plus précise des AP-CP. La chambre note les engagements pris dans ce sens. Le rattachement des produits et des charges est appliqué de façon incomplète. La chambre rappelle la possibilité offerte par l’instruction comptable M52 de fixer par délibération un seuil en-deçà duquel les charges et les produits, par hypothèse sans forte incidence sur le résultat, ne sont pas rattachables à l’exercice porteur du fait générateur. La chambre note l’effort déjà fait par le département pour rattacher les charges à l’exercice et son engagement pour définir un seuil minimum de rattachement des charges. Des remarques ont été faites au stade des observations provisoires sur l’absence de certaines provisions et la comptabilisation erronée des pertes dues au SWAP. Des rectifications ont eu lieu.
4- La gestion du patrimoine immobilier
La gestion du patrimoine a été appréhendée dans le cadre d’une enquête de la juridiction financière. Trois aspects ont été particulièrement examinés : la connaissance du patrimoine, la stratégie mise en oeuvre et l’organisation de la gestion. En ce qui concerne la connaissance physique de son patrimoine, le conseil général tient à jour un inventaire exhaustif de ses biens mais celui-ci manquait encore de cohérence jusque récemment car il était éclaté entre plusieurs documents. L’ordonnateur a indiqué à la chambre qu’un un logiciel ad hoc a été mis en place en juin 2011, qui permettra de disposer d’une base patrimoniale homogène et facile à actualiser. Au plan comptable, l’inventaire, tenu par l’ordonnateur, et l’état de l’actif tenu par le comptable, présentent de grandes discordances, qui rendent le bilan actuel non fiable. Cette mise en concordance, à laquelle l’ordonnateur s’est par ailleurs engagé, doit constituer une priorité. La connaissance juridique du patrimoine est bonne mais pour autant la gestion patrimoniale reste peu dynamique alors qu’elle peut constituer un vecteur d’économies pour la collectivité. L’optimisation peut notamment être recherchée avec l’Etat, en décroisant les biens pour lesquels propriété et utilisation sont disjointes et parfois source de complications. Elle peut également être recherchée par un effort de regroupement d’installations nombreuses parfois éparses. Cet effort, qui a été commencé sur la période, mérite d’être poursuivi. Durant la période examinée, la stratégie que le conseil général a mis en oeuvre pour adapter son patrimoine aux transferts de compétences intervenus entre l’Etat et les départements, et à l’augmentation subséquente de ses effectifs, a consisté à saisir les opportunités d’acquisition ou de restructuration qui se sont présentées. Mais cette adaptation s’est surtout faite au coup par coup, sans que les actions engagées prennent place dans le cadre d’une politique patrimoniale bien formalisée. A ce jour, la collectivité déplore elle-même une certaine inadéquation des bâtiments existants aux besoins des services, désormais occupés pour certains « jusqu’à saturation ».
Le conseil général des Hautes-Pyrénées aurait avantage à développer une approche immobilière globale en procédant à un état des lieux du patrimoine et en formalisant les objectifs à atteindre, qui sont divers (réduire les coûts de location et de maintenance, rationaliser les occupations, améliorer les conditions de travail des agents et d’accueil du public, respecter les normes très nombreuses) afin d’exploiter pleinement son potentiel de logement et de l’optimiser. Une telle approche serait facilitée par une programmation plus rigoureuse. Pour les dépenses d’investissement, une généralisation de la pratique des AP-CP en constituerait un outil efficace. Pour les dépenses d’entretien-maintenance, l’expérience des autres départements montre qu’une partie de ces dépenses peut également faire l’objet d’une gestion pluriannuelle.
En termes d’organisation, la gestion du patrimoine est centralisée dans deux directions, direction des finances et direction des bâtiments, ce qui assure dans l’ensemble une bonne homogénéité. Mais le cloisonnement des deux directions peut expliquer un niveau de performance assez faible dans la gestion patrimoniale, caractérisée par une faible formalisation des procédures de gestion, par un manque d’outils de pilotage et de mesure des coûts et des consommations, et aussi par un niveau faible d’arbitrage entre régie et externalisation (lui-même lié à une méconnaissance des coûts). Il semble donc qu’un décloisonnement des organisations, aujourd’hui séparées entre ingénierie et gestion financière, permettrait un meilleur partage des savoir-faire et des bonnes pratiques.
5- Les contrats de partenariat public-privé
Le département des Hautes-Pyrénées a signé en 2010 deux contrats de partenariat public-privé (PPP), l’un en matière routière, l’autre dans le domaine du haut débit. Les articles L.1414-1 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT) disposent que le contrat de partenariat est un contrat administratif et soumettent le recours à cette formule contractuelle, compte tenu de son caractère dérogatoire au droit commun de la commande publique, à certaines conditions juridiques, économiques et financières. Les conditions juridiques dans lesquelles ont été passées ces deux contrats n’appellent pas d’observations. En revanche, la chambre a noté (cf. supra § 2) l’importance du coût de l’investissement pour la collectivité, en termes de dette et en termes plus larges d’engagement financier. La chambre observe également, singulièrement dans le cas du PPP haut débit, l’importance du risque d’exploitation pour la collectivité, eu égard à la fois au montant des recettes d’exploitation attendues (66 M€ HT sur 20 ans), et à la faiblesse des pénalités endossées par l’exploitant, ce qui revient à faire supporter au conseil général l’essentiel du risque commercial. Mis bout à bout, l’engagement financier du département dans le cadre du plan prévisionnel de financement (70,7 M€) et le risque commercial représentent un engagement potentiel de 136,7 M€ pour le seul PPP haut débit. Partant, la chambre invite le conseil général à faire preuve d’une extrême vigilance dans le contrôle de l’exécution du contrat, confié entretemps à une régie désignée à cet effet.
6- La prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées
Un schéma directeur des personnes adultes handicapées a été adopté en janvier 2008, pour la période 2008-2013. La démarche de révision du schéma directeur des personnes âgées, engagée en avril 2010, a abouti en février 2012 à l’adoption du schéma gérontologique 2012-2016. L’action sociale départementale est organisée en cinq maisons départementales de solidarité (MDS), à raison d’une par pays. Les MSD ont une mission générale d’accueil et d’accompagnement social des personnes en difficulté. Entretemps, des comités locaux d’information et coordination (CLIC), créés par la loi du 21 juillet 2001, ont été mis en place, mais une bonne articulation entre les deux dispositifs reste encore à rechercher. En 2010, avec un montant de 151 M€, les dépenses brutes d’aide sociale représentent 62 % des dépenses réelles de fonctionnement. 37% des dépenses sociales sont des aides aux personnes âgées, 18 % des aides aux personnes handicapées, 17 % des aides liées à l’insertion et 18 % des aides à l’enfance.
La dépense brute d’allocation personnalisée d’autonomie (APA) atteint 36,7 M€ en 2010, après avoir augmenté de 53 % entre 2005 et 2010. La croissance continue du nombre des bénéficiaires (de 5 835 à 7 535, soit + 29,1 %) explique en grande partie cette évolution. La proportion entre la dépense d’APA à domicile (70 %) et celle d’APA en établissement (30 %) diffère nettement de celle nationale (61 % - 39 %), ce qui interroge. Le respect des conditions d’entrée dans l’APA ne semble pas principalement en cause dès lors que la proportion des allocataires à domicile classés GIR4, soit des personnes modérément dépendantes, est de 59 %, proche de la moyenne nationale (57 %, cf. enquête DRESS juin 2009). La raison serait plus à rechercher dans la faible capacité d’accueil en établissement (v infra).
Le montant moyen mensuel des plans d’aide (536 € en 2010, 524,6 € en 2009) est supérieur à celui national (494 € en 2009), mais le contenu des plans d’aide est peu diversifié. Ils sont en effet principalement constitués d’aide domestique (à plus de 90 %) et d’aide à la personne, tandis que les aides techniques, comme l’adaptation du logement, restent marginales. En revanche, le conseil général mène une politique relativement dynamique pour prendre en compte les besoins des aidants (recherche de relais et d’hébergement temporaire). Enfin, parmi les modalités d’emplois offertes (prestataire, gré à gré, mandataire), la procédure du gré à gré est assez souvent utilisée par les personnes âgées, et paradoxalement par les plus dépendantes (29 % des GIR1), alors même qu’elle offre moins de garanties en matière de formation. Le contrôle de l’effectivité du plan d’aide est effectué depuis plusieurs années. Grâce au CESU prépayé, mis en oeuvre depuis 2007, le conseil général parvient à limiter les indus. Le montant d’indus récupérés atteint 2,4 M€ en 2010, soit un taux de récupération de 9 % des sommes mandatées pour l’APA à domicile. Quant au contrôle de la qualité de l’aide, il est bien entamé : trois services sont autorisés et tarifés par le conseil général qui applique le décret n° 2003-1010 du 22 octobre 2003. Mais aucune démarche de conventionnement n’a encore été engagée, ni avec les services d’accompagnement, ni avec la CNSA. Pour la prise en charge en établissement des personnes âgées dépendantes, le département des Hautes-Pyrénées compte 41 établissements en 2010 pour une capacité de 3 291 lits et places. Avec un taux d’équipement de 115,46 places pour 1000 habitants en 2009, il est de ceux qui disposent du moins grand nombre de lits médicalisés dans la région Midi-Pyrénées où la moyenne est de 122,2.
Le contrôle des EHPAD est effectif, avec 47 contrôles inopinés en 5 ans (2006-2010) et une procédure de contrôle formalisée et rigoureuse.
La prise en charge des personnes handicapées représente une dépense brute de 7,96 M€ pour le conseil général en 2010, dont 4,93 M€ pour la prestation de compensation du handicap (PCH) et 3,03 M€ pour l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP). La première étant plus avantageuse que la seconde, et bien que n’ayant pas tout à fait le même spectre, un basculement s’opère progressivement de l’une vers l’autre. En raison d’une centralisation sur Tarbes de l’équipe médico-sociale, le suivi des plans d’aide est rendu difficile.
Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ont rencontré deux types de difficultés. La première est la relative insécurité de gestion née de l’absence de compensation des postes mis à disposition par l’Etat jusqu’en 2011, année où un règlement a été trouvé dans le cadre d’une instruction du 8 avril 2011. La seconde, d’ordre managérial, est dû à la multiplicité des statuts des personnels. L’effort du conseil général doit tendre à atténuer l’effet de cloisonnement qui en découle.