Synthèse des observations définitives
Le présent rapport constitue le deuxième volet du contrôle du Département de la Haute‑Garonne par la chambre régionale des comptes. Il est consacré à l’examen des politiques sociales, sachant que le premier volet du rapport de la chambre est, pour sa part, consacré à la situation financière de la collectivité. En 2011, le budget du Département de la Haute-Garonne approchait 1,4 milliard d’euros et les dépenses sociales brutes, d’un montant de 568,2 M€, représentaient 52,5 % des dépenses réelles de fonctionnement.
1 - Le pilotage des politiques sociales
1.1 – Une charge nette en hausse de 33 % : Entre 2006 et 2011, les dépenses sociales ont augmenté de 30,4 %. Leur évolution a cependant été moins forte que celle des dépenses réelles de fonctionnement, en raison des transferts de compétence et de personnels intervenus dans le cadre de l’acte II de la décentralisation. Les dépenses d’insertion constituent toujours la première politique sociale du département mais leur part dans les dépenses sociales brutes a diminué, de 31,9 à 27,9 %. La part des dépenses en faveur des personnes handicapées est passée de 20,3 % à 25,3 %, devant celles pour les personnes âgées (23,9 %), et celles du secteur enfance-famille (19,7 %). Pour le Département, les dépenses sociales constituaient une charge nette de 363,2 M€ en 2011, qui a augmenté de 90 M€ en 6 ans (+33 %). Elles ont pu être financées grâce à une fiscalité dynamique. Pour l’avenir, la conjonction de ressources fiscales moins dynamiques et de dépenses sociales dont l’évolution demeure forte, obligera le Département à mettre en œuvre une approche maîtrisée des dépenses, en se recentrant sur les dépenses obligatoires.
1.2. – Un effectif de 1 900 agents : En 2012, la collectivité employait 5 937 agents en équivalent temps plein. Un peu plus d’un quart de cet effectif concernait les politiques sociales, soit environ 1900 agents, ou 1 500 emplois en équivalent temps plein. Le personnel était majoritairement déconcentré dans 23 Maisons des Solidarités. Si le Département dispose d’un programme départemental d’insertion 2011-2014 et, depuis 2010, d’un schéma gérontologique, il ne dispose pas encore d’un schéma en faveur des handicapés, ni d’un schéma en faveur de l’enfance et de la famille, qui est cependant en cours d’élaboration. La chambre souligne enfin l’importance des restes à recouvrer en matière sociale, qui représentaient 7,5 M€ pour le RMI-RSA et 2,6M€ pour l’APA en 2010.
2 - La politique d’aide aux personnes âgées
En 2011, la dépense de l’Aide personnalisée à l’autonomie (APA) était de 112,6 M€. Elle a augmenté de +41,3 % entre 2006 et 2011, correspondant pour l’essentiel à l’augmentation du nombre des bénéficiaires, passé de 18 275 à 24 099 (+31,9 %). L’évolution a été moins rapide sur les années plus récentes : +10,2 % entre 2009 et 2011. En 2011, la dépense d’APA se répartit entre APA à domicile (80,2M€) et APA en établissement (32,5 M€). La chambre souligne l’importance de la part des bénéficiaires à domicile, passée de 69 % à 71 %, ce qui est conforme à l’orientation de la politique nationale.
2.1 - L’APA à domicile : Les indicateurs suggèrent une ouverture généreuse du dispositif, qui implique un surcoût financier. En effet, le taux de rejet des premières demandes, entre 17 et 18 %, est inférieur à la moyenne nationale (24 %) et le pourcentage de personnes classées GIR 4 (61 % en 2011) un peu supérieur à la moyenne nationale (58 %), ce qui correspondrait, selon le Département, à une approche préventive de la dépendance. La téléassistance, le portage des repas, les frais d’hygiène ou l’adaptation du logement font l’objet d’aides extra-légales aux communes. Or, ces dépenses, dans la mesure où elles sont individualisables, ont vocation à être financées dans le cadre du plan d’aide soumis par la loi à un seuil. Par délibération du 26 juin 2013, le Département a décidé de diminuer les subventions versées à ce titre aux collectivités.
La mise en œuvre des plans d’aide fait majoritairement intervenir des services prestataires, à hauteur de 71 % des heures financées, ce qui permet de protéger les personnes les plus fragiles. Le recours par les personnes classées GIR 1 aux services prestataires à hauteur de seulement 50 % correspondant à une volonté de recruter des salariés en gré à gré, à un tarif horaire moins élevé, afin de disposer de davantage d’heures. Cette situation apparaît insatisfaisante, car les personnes classées GIR 1 sont les plus dépendantes et donc les moins susceptibles d’exercer pleinement la responsabilité d’employeur.
Le contrôle de l’effectivité de l’aide a été progressivement étendu à tous les bénéficiaires. Ainsi, en 2010, 9,5 M€ de titres ont été émis pour récupérer les indus, mais les restes à recouvrer sont importants, à hauteur de 2,6 M€.
Cette situation insatisfaisante tient à l’intervention tardive des contrôles et à la contestation fréquente des titres émis. Pour les prestataires tiers payant, qui ne représentent encore que 62 % des prestataires en 2010, les procédures dématérialisées sont à généraliser afin d’actualiser la situation des bénéficiaires. Pour les bénéficiaires utilisant un mandataire ou le gré à gré, la chambre recommande la mise en place du chèque emploi service universel (CESU). Le Département a suivi cette recommandation et décidé la mise en place de la télégestion et du CESU par délibération du 26 juin 2013.
Une quinzaine de services d’aide à domicile présentent une situation financière tendue en 2011. Le Département tente d’adapter les tarifs des services les plus exposés, notamment ceux en milieu rural, afin de maintenir l’offre de service.
2.2 - L’APA en établissement : L’APA en établissement concerne 34 % des bénéficiaires, parmi les personnes les plus dépendantes. En 2011, la capacité d’accueil était de 171 établissements, dont 130 EHPAD, et de 12 226 places autorisées pour personnes âgées. Le taux d’équipement est inférieur à la moyenne régionale, et la capacité installée reste inférieure à celle autorisée d’environ 320 places en l’absence de financement. Les besoins insatisfaits concerneraient principalement l’agglomération de Toulouse à hauteur de 240 places. Par délibération du 28 septembre 2012, le Département a émis un avis défavorable sur le projet régional de santé (PRS) adopté en décembre 2012 par l’ARS, qui préconise notamment de satisfaire les besoins en places par redéploiement entre les structures. La qualité du parc d’EHPAD est satisfaisante : seuls deux établissements nécessitent des rénovations lourdes. Les conventions tripartites y ont contribué, en fixant des objectifs qualitatifs, mais leur renouvellement s’est ralenti après 2010, faute de crédits de médicalisation, entraînant la caducité de 65 d’entre elles entre 2011 et 2013. Si le Département procède à des visites régulières des établissements, la périodicité des contrôles approfondis inopinés reste faible.
3 - La politique d’accueil de la petite enfance
Le Département exerce deux compétences obligatoires (présider la commission départementale du jeune enfant, autoriser et contrôler les crèches et les assistants-maternels) et certaines compétences facultatives : il est opérateur de deux crèches et subventionne également les opérateurs. En revanche, il n’a pas adopté de schéma départemental. Il a subventionné l’investissement des crèches pour un montant moyen annuel de 3,1 M€ entre 2006 et 2011. Cet effort ne donne cependant lieu à aucune priorisation ni coordination avec les autres financeurs. Le Département, qui n’a pas encore adopté de schéma départemental de l’enfance et de la famille, ne dispose pas d’une politique en la matière clairement définie, ni d’outils pour l’évaluer. Son service PMI n’a pas non plus défini de règlement intérieur.
Entre 2008 et 2011, 1295 places ont été créées en accueil collectif, mais cet effort a été neutralisé par la diminution des places en écoles maternelles pour les enfants de moins de 3 ans (‑1 489), dont le nombre est passé de 2 207 à 718. Les besoins d’accueil collectif restent loin d’être satisfaits dans le département, notamment à Toulouse où la liste d’attente pour une place en crèche est en moyenne de neuf mois. Grâce à l’offre d’accueil individuel, qui a fortement progressé (+1825 places actives, soit un total de 11 648 en 2011), l’offre globale d’accueil a pu augmenter de 1693 places en quatre ans (+7,67 %), totalisant 23 744 places en 2011. Entretemps, la population des enfants de moins de trois ans, passée de 41 459 enfants à 43 988, a augmenté de 6 %, mais à un rythme un peu moins rapide que l’offre. Le taux de couverture a donc progressé de 53,2 % à 54 %. Cependant, les inégalités entre territoires sont grandes : 43 % à Toulouse, 50 % en Grande couronne, 28 % en Comminges (données CAF). A Toulouse, la situation est tendue car l’équipement collectif fait défaut comme également les assistantes-maternelles, qui ne peuvent s’installer dans un logement adapté compte tenu du coût de l’immobilier.
Le potentiel inoccupé des crèches est important, particulièrement dans les structures publiques où il est couramment situé entre 50 % et 60 %. Une juste utilisation des fonds publics exige qu’un effort soit réalisé pour optimiser l’utilisation des équipements. Dans cet esprit, le subventionnement des crèches pourrait être conditionné à certains critères caractérisant un fonctionnement optimal des structures.