Résumé du dossier
La chambre régionale des comptes des Pays de la Loire a été saisie par le préfet de Maine-et-Loire afin qu’elle détermine si une dépense d’un montant de 242 965,82 €, correspondant à une partie des intérêts d’une échéance de remboursement d’un emprunt souscrit par la commune de Saumur auprès de la banque Dexia Crédit Local, constituait une dépense obligatoire et que, dans l’affirmative, elle vérifie si les crédits nécessaires à l’acquittement de la dépense figuraient au budget de cette collectivité territoriale.
La commune de Saumur a conclu le 20 janvier 2011 un contrat de prêt structuré auprès de la banque Dexia Crédit Local, d’un montant de 6 790 344,47 €, correspondant au refinancement d’un précédent prêt structuré souscrit auprès de la même banque en mai 2007.
La commune de Saumur a payé à la banque Dexia Crédit Local, au titre de l’échéance annuelle de remboursement de cet emprunt du 1er mars 2012, la somme de 477 964,82 €, correspondant à l’échéance en capital, et la somme de 270 310,66 €, correspondant aux intérêts qui, selon elle, étaient dus (par application d’un taux de 3,91555 %), au lieu de la somme de 513 276,48 € demandée par la banque (correspondant à un taux de 7,435 %). Elle a consigné à la Caisse des Dépôts et Consignations la somme de 242 965,82 € correspondant à la différence entre ces deux montants.
La commune de Saumur a justifié le règlement partiel des intérêts de l’échéance du 1er mars 2012 par l’existence d’un désaccord sur l’interprétation de la clause du contrat permettant de calculer le taux d’intérêt, à l’exclusion de tout autre motif.
Afin de déterminer si la dépense était obligatoire, la chambre a, conformément à une jurisprudence constante du Conseil d’Etat, vérifié si elle correspondait à une dette échue, certaine, liquide, non sérieusement contestée dans son principe ou dans son montant et découlant de la loi, d’un contrat, ou de toute autre source d’obligations.
La chambre a constaté, en premier lieu, que l’interprétation faite par la commune de Saumur de la formule de calcul du taux d’intérêt de l’emprunt était manifestement erronée (Lire l'encadré n°1 relatif au désaccord sur la formule de calcul des intérêts de l'emprunt), en deuxième lieu, que la commune avait bénéficié, de la part de la banque, avant la souscription de cet emprunt, d’une information lui permettant de comprendre comment devait être interprétée la formule de calcul du taux d’intérêt et, en troisième lieu, qu’elle s’était assurée les conseils d’un cabinet spécialisé dans la gestion de la dette des collectivités locales qui lui avaient également permis de comprendre les modalités de calcul des intérêts de l’emprunt.
La chambre en a conclu que la contestation de la commune de Saumur au seul motif d’une différence d’interprétation du calcul du taux d’intérêt ne pouvait être considérée comme une contestation sérieuse.
Pour cette raison, la chambre a rendu le 13 septembre 2012 un avis dans lequel elle a constaté que la somme de 242 965,82 € correspondant au montant des intérêts qui n’avaient pas été payés par la commune de Saumur à la banque Dexia Crédit Local lors de l’échéance du 1er mars 2012, présentait le caractère d’une dépense obligatoire. Elle a aussi constaté que les crédits inscrits au budget pour 2012 de la commune de Saumur étaient suffisants pour couvrir cette dépense.
Il est à noter que, contrairement au cas que la chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes a eu à traiter dans un avis du 31 mai 2012, concernant la commune de Sassenage, qui a demandé au TGI de Nanterre de constater la nullité de contrats de prêts sur le fondement du code civil – avis auquel la presse nationale et régionale a donné un large écho - la commune de Saumur n’a pas intenté, devant une juridiction judiciaire, d’action contentieuse visant spécifiquement l’emprunt objet de la contestation.
Cet élément, parmi d’autres distinguant également le cas de la commune de Saumur de celui de la commune de Sassenage, explique que les avis rendus par les deux chambres régionales des comptes des Pays de la Loire et d’Auvergne, Rhône-Alpes, diffèrent, alors même qu’ils procèdent de la même analyse juridique.
Encadré n° 1 : le désaccord sur la formule de calcul des intérêts de l’emprunt
Aux termes de l’article 6.2 du contrat d’emprunt souscrit par la commune de Saumur,« si le cours de change de l’euro en francs suisses est strictement inférieur au cours de change de l’euro en USD, le taux d’intérêt appliqué au décompte des intérêts est égal à 3,88 % plus 30,00 % fois la différence entre le cours de change de l’euro en USD et le cours de change de l’euro en francs suisses ».
Pour l’échéance objet du désaccord, le cours de change de l’euro en francs suisses s’établissait à 1,2103 (un euro = 1,2103 francs suisses) et le cours de change de l’euro en dollars américains à 1,3288 (un euro = 1,3288 dollars américains). La clause précitée trouvait donc à s’appliquer.
Par application de cette clause, le taux des intérêts dus s’établissait à 7,435 %, soit 3,88/100 + [30 X (1,3288 – 1,2103)/100] = 0,0388 + 0,03555 = 0,07435.
Selon la commune, il était égal à 3,91555 %, soit 3,88 + [30 X (1,3288 – 1,2103)]/100 = 3,88 + (30 X 0,1185)/100 = 3,88 + 0,03555 = 0,0391555.
Encadré n° 2 : les compétences de la CRC en matière de contrôle budgétaire
La chambre régionale des comptes rappelle qu’elle a notamment pour mission d’apporter son expertise aux préfets dans le contrôle des actes budgétaires des collectivités territoriales et des établissements publics locaux de son ressort (région, départements, communes, groupements de communes…). Cette mission non juridictionnelle présente un caractère consultatif : le rôle de la chambre se limite à formuler des propositions, le préfet étant seul habilité à les mettre en œuvre, immédiatement ou en cas de refus de la collectivité ou de l’établissement concerné de s’y conformer. Dans tous les cas, lorsque le représentant de l’Etat choisit de ne pas retenir les propositions de la chambre, il doit motiver sa décision.
Le préfet peut notamment saisir la chambre lorsqu’une collectivité territoriale ou un établissement public local a omis d’inscrire à son budget les crédits nécessaires à l’acquittement d’une dépense obligatoire, afin qu’après avoir constaté que la dépense est effectivement obligatoire, la chambre mette en demeure l’organisme concerné d’ouvrir les crédits manquants. En cas de défaillance persistante de la collectivité ou de l’établissement, la chambre demande au représentant de l’Etat d’inscrire la dépense obligatoire au budget et propose, s’il y a lieu, les mesures nécessaires pour la financer (article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales).
Lorsque les vérifications de la chambre font apparaître que la dépense est obligatoire et que les crédits nécessaires à son acquittement figurent bien au budget de l’organisme, l’ordonnateur concerné doit normalement mandater la dépense. L’article L. 1612-16 du code général des collectivités territoriales dispose qu’« à défaut de mandatement d'une dépense obligatoire[par l’ordonnateur concerné], dans le mois suivant la mise en demeure qui lui en a été faite par le représentant de l'Etat dans le département, celui-ci y procède d'office ».