Le patrimoine de la commune, qui représente 10 % de son territoire, soit 14,3 km², n’est pas complètement connu et ne fait pas toujours l’objet d’une exploitation optimale et d’un entretien régulier. Plus de la moitié des immeubles appartenant à la commune sont classés en friche. Sur l’autre moitié, sont implantés, plus classiquement, les équipements scolaires ou sportifs, la voirie et les logements sociaux.
Alors que l’optimisation de la gestion de son patrimoine devrait constituer un enjeu de premier ordre, la commune n’a pas de stratégie globale. Seuls quelques objectifs ponctuels ont été définis notamment pour le logement social et l’agriculture.
La commune ne s’est ainsi pas dotée de schéma directeur immobilier. Par ailleurs, la gestion du patrimoine est éclatée entre plusieurs directions. Plus d’une dizaine de services y contribuent en fonction de la destination des immeubles. Le recours à une régie n’a pas permis une meilleure gestion des droits de place et marchés. Les comptes de cette régie sont insincères et le cadre juridique n’est pas clairement défini.
Sur les 30 M€ d’acquisitions immobilières réalisées par la commune sur la période 2018 à 2022, 44 % se rapportent à l’acquisition de locaux destinés à loger les services. La plus importante de ces acquisitions est celle d’un ensemble immobilier, dénommé Sarlava, dans le quartier du Chaudron sous la forme d’une vente en l’état de futur achèvement (VEFA), opération critiquée par la chambre. En effet, le coût global de la construction est de 15,7 M€. Le recours à la VEFA dans le cadre d’un processus d’échange avec l’État a contraint la commune à reprendre l’acquisition à son compte au-delà de la valeur évaluée par le service du domaine et sans avoir bénéficié de la récupération des 2,5 M€ de fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
L’entretien du patrimoine bâti est réalisé par les équipes de la régie de travaux, avec un peu plus d’une centaine d’agents, mais aussi par des prestataires externes. La comptabilisation de ces travaux d’entretien pourrait être améliorée en élargissant l’assiette de récupération du FCTVA, soit un gain évalué à au moins 1 M€.
Cette gestion n’a pas permis de lever les 22 avis défavorables de la commission de sécurité, dont huit en situation critique, concernant 487 établissements communaux recevant du public. La commune rencontre également des difficultés pour respecter son agenda d’accessibilité programmée : sur les 27 M€ prévus entre 2018 et 2025 pour rendre accessible les équipements publics aux personnes handicapées, seuls 7,8 M€ ont été réalisés.
Ce patrimoine ne permet pas de couvrir la totalité de ses besoins obligeant la commune à recourir à la location à hauteur de 1,4 M€ en moyenne par an. La commune a eu également recours à la copropriété pour loger ses services administratifs. La chambre constate des irrégularités et un manque de suivi se rapportant aux charges induites par les copropriétés.
Le patrimoine de la commune est au service d’actions multiples. Dans le domaine social, où elle s’est mobilisée depuis de nombreuses années, la commune souhaite se désengager de la gestion des 507 logements et plus de 600 occupations dites sociales, mais compte tenu des conditions financières accordées et des possibilités de transfert des occupations, le désengagement effectif tarde. Les conventions comprennent de multiples clauses complexes, voire obscures, dont la commune n’est pas toujours en mesure d’en assurer le contrôle. Ces clauses n’ont jamais fait l’objet d’un règlement et d’une validation par le conseil municipal.
S’agissant des zones d’activité économique (ZAE), le transfert des cinq zones à la communauté intercommunale du Nord Réunion (CINOR), qui devait intervenir en 2017, n’a toujours pas été réalisé. Les parcelles continuent d’être gérées, voire cédées, non sans risque juridique.
Sur sa façade littorale, la commune a essayé de développer une politique touristique. Le support juridique permettant d’intervenir sur cette zone est variable et la gestion des équipements n’a pas toujours été efficiente. La chambre constate l’absence de mise en valeur voire la dégradation d’immeubles acquis pourtant depuis plusieurs dizaines d’années tels la villa du Général ou les longères. Alors que la commune ambitionne d’obtenir le label touristique, elle ne met pas en œuvre les moyens pour recenser les hébergements marchands et non marchands de son territoire.
La situation financière de la collectivité municipale connaît une amélioration progressive grâce à la mise en œuvre d’une contractualisation avec l’État en juin 2018. D’autres facteurs ont permis de poursuivre cet effort jusqu’à aujourd’hui : le dynamisme des recettes malgré des taux de fiscalité locale inchangés depuis 2017, la maîtrise des charges notamment au niveau du personnel et la révision ou l’abandon de certains grands projets, en particulier depuis 2020. La prospective financière indique que les investissements programmés de la commune à hauteur de 41 M€ sont soutenables, sous réserve de développer les subventions, de provisionner les risques et d’encadrer la dette. Les montants d’emprunts nouveaux mériteront d’être ajustés afin d’éviter aux ressources propres, hors dette, d’être supérieures aux montants des dépenses d’équipement de la collectivité.
Les marges de manœuvre en termes de gestion existent mais nécessitent un projet communal stratégique clair et pluriannuel qui recense l’ensemble des projets et maîtrise les différents risques identifiés.