SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
Alors que la commune de Nice aborde une période de forte réduction des dotations de l’Etat, sa situation financière est préoccupante.
L’épargne dégagée par la section de fonctionnement ne permet désormais plus de couvrir le remboursement de l’annuité en capital de la dette. Elle est faible sur l’ensemble de la période examinée (2008-2014). Elle a connu une nouvelle dégradation en 2014, première année où, d’une part, se manifeste pleinement le coût de réalisation et d’entretien du stade de l’Allianz Riviera et, d’autre part, s’amorce la diminution des dotations de l’Etat. La dette de la commune a fortement progressé depuis 2008, passant de 367 M€ fin 2007 à plus de 500 M€ fin 2014.
Cette dégradation de l’épargne résulte de dépenses dynamiques, notamment de la masse salariale en dépit des mutualisations des personnels avec la métropole et des réductions d’effectifs déjà réalisées. La fiscalité est stable depuis 2009, année au cours de laquelle la commune a procédé à une augmentation des taux qui l’a rapprochée de la moyenne des commune de sa taille. L’augmentation des taux de 2009 a généré 35 M€ de recettes annuelles supplémentaires (soit plus de 200 M€ de recettes fiscales sur la période), ce qui n’a toutefois pas permis à la commune de maintenir une situation financière saine.
Du fait des baisses de dotations, sa situation financière va continuer à se dégrader sauf à ce que des ressources ou des économies nouvelles soient dégagées. La projection réalisée jusqu’en 2020 aboutit, malgré les hypothèses optimistes retenues par la commune, à des soldes en forte diminution et à une insuffisance d’épargne nette de près de 100 M€ sur la période. Ainsi, la section de fonctionnement ne pourra plus contribuer au financement des nouveaux investissements et une part importante des ressources propres d’investissement (dont les produits de cessions) devra être mobilisée uniquement pour rembourser les dettes passées.
Le volume d’investissement, qui est appelé à se réduire jusqu’en 2020, sera donc financé par l’endettement et la mobilisation du fonds de roulement.
En dépit de la réduction de la dette attendue par la commune dans les années à venir, la faiblesse de l’épargne va mécaniquement conduire à des ratios de désendettement particulièrement élevés.
S’agissant de la gestion des ressources humaines, la chambre constate plusieurs irrégularités.
La commune, qui procède au paiement d’heures supplémentaires aux agents, n’a pas mis en place de système automatisé de contrôle du temps de travail, ainsi qu’elle en avait l’obligation puisqu’un tel contrôle conditionne le paiement de ces heures. Elle n’est ainsi nullement en mesure de vérifier le temps de travail réellement effectué par les agents.
De nombreuses primes anciennes ne reposent sur aucun fondement légal. Ainsi la commune s’acquitte d’une « prime de vacances », d’une « prime de théâtre » ou « d’une prime de départ en retraite » qui ne répondent pas aux exigences posées par la réglementation et sont donc versées en toute irrégularité.
De même, la commune accorde aux agents qui partent en retraite, un « congé libérable » de deux mois pour leur « permettre (…) de prendre conscience de leur nouveau statut » de futur retraité, qui conduit à payer l’intégralité du salaire sans que les agents n’occupent leur poste pendant ce congé. Cette mesure irrégulière, car fondée sur aucun texte, représente chaque année l’équivalent de plus de 20 emplois à temps plein.
La chambre a également examiné l’activité et la gestion de l’opéra municipal de Nice, dont le budget annuel est de l’ordre de 22 M€, soit un montant représentant l’équivalent des dépenses de fonctionnement totales d’une commune de 10 000 à 15 000 habitants des Alpes-Maritimes. Cet ensemble représente ainsi pour les finances communales une charge lourde, pour une contrepartie en termes de service rendu à la population assez modeste.
En effet, l’activité (une centaine de représentations) et la fréquentation de l’opéra (de l’ordre de 55 000 spectateurs par an) sont relativement faibles, puisqu’elles le situent dans le milieu de classement des opéras français. Les recettes de billetterie sont marginales, la commune assurant 85 % des recettes de l’opéra et le département des Alpes-Maritimes environ 8 %.
L’opéra dispose pourtant de moyens parmi les plus importants des opéras de France : il est doté de 350 emplois, dont 170 artistes et dispose d’un centre de production de 80 techniciens permettant la maîtrise intégrale de la chaîne de production d’une œuvre lyrique.
La chambre constate en outre des cas de gestion inefficiente ou irrégulière des ressources humaines de l’opéra. Les musiciens, par exemple, n’assurent que 650 heures de travail annuel, conduisant à ce que la moitié de la masse salariale de l’orchestre, soit 3 M€, soit dépensée de manière inefficiente voire inutile. Par ailleurs, des heures supplémentaires et une prime représentative de 20 heures supplémentaires forfaitaires sont payées à certains agents, bien que le temps de travail ne soit pas contrôlé.
Enfin, la chambre a analysé l’aménagement des deux hectares du quartier de la gare du sud, qui s’est étalé sur plus de 25 ans.
La commune a abandonné en 2008 le projet de la précédente municipalité de construire sur cet emplacement une nouvelle mairie, pour lui préférer un projet d’aménagement urbain mêlant commerces, logements et loisirs. L’impact financier de la décision d’arrêter le projet initial a été d’environ 12 M€.
La commune a choisi de confier à un promoteur l’aménagement de la zone, au terme d’une consultation entachée d’irrégularité puisque la méthode de notation des offres conduisait à inverser la pondération des critères de sélection annoncée aux candidats. Après un long arrêt, dû à un contentieux, les travaux ont commencé fin 2014 et le promoteur devrait achever le programme d’ici la fin de l’année 2017. Il livrera à la ville une halle marchande et une salle pour les associations, la commune ayant réalisé directement la transformation en médiathèque du bâtiment des voyageurs, livré en 2014.
Compte tenu des exigences d’aménagement qu’elle avait édictées, la commune, qui avait acquis les terrains au début des années 1990, les a cédés au promoteur pour 1€ symbolique, alors que leur valeur est estimée par les domaines à 18 M€.
Le coût total pour la commune (et pour partie pour l’agglomération, en charge des aménagements extérieurs pour plus de 4 M€) de l’aménagement de ces deux hectares est supérieur à 50 M€ alors que la commune ne disposera, in fine (en sus des aménagements extérieurs de la métropole), que d’une médiathèque de taille modeste, d’une halle marchande dont la destination précise n’était pas connue au moment du dépôt du rapport de la chambre et d’une salle pour les associations.
La chambre formule dans ce cadre neuf recommandations :
Recommandation n° 1 :
Mettre fin au versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) tant que n’aura pas été mis en place un contrôle automatisé du temps de travail du personnel dans les conditions prévues par la réglementation.
Recommandation n° 2 :
Mettre fin au versement de la prime d’aide aux vacances.
Recommandation n° 3 :
Mettre fin au versement de la prime de départ en retraite.
Recommandation n° 4 :
Mettre fin au congé libérable avant départ en retraite.
Recommandation n° 5 :
Réaliser une étude de marché et procéder à des enquêtes de satisfaction régulières afin de connaître les caractéristiques et les attentes du public dans le but d’orienter la programmation et la tarification de l’opéra.
Recommandation n° 6 :
Adopter un plan de gestion des effectifs et des compétences permettant de réduire la taille de l’orchestre à 70 exécutants maximum à l’horizon 2020 afin de réduire la masse salariale de l’opéra.
Recommandation n° 7 :
7-1 Imposer le respect du temps de travail individuel des musiciens de l’orchestre fixé par la délibération du conseil municipal du 18 novembre 1983 par un contrôle effectif et traçable du temps de travail de ces agents ;
7-2 Tirer profit de l’augmentation du temps de travail qui en résulterait pour développer l’offre de l’opéra de Nice.
Recommandation n° 8 :
Mettre fin au versement irrégulier de la prime de théâtre.
Recommandation n° 9 :
Mieux maîtriser le montant des dépenses de production des œuvres, notamment en rationalisant le recours au nombre d’artistes invités et d’intermittents pour utiliser au mieux les corps artistiques de l’opéra.