Située en Haute-Savoie à la frontière de la Suisse et de l’Italie et comptant 9 295 habitants au 1er janvier 2016, la commune a une vocation touristique ancienne et marquée. Elle bénéficie, situation rare, sur un quasi équilibre entre saisons d’hiver et d’été. Les deux tiers des résidences communales sont des résidences secondaires, la capacité d’hébergement touristique étant estimée à environ 65 000 lits, et 70 % des salariés locaux exercent leur activité dans le secteur du tourisme.
Dans son précédent rapport, la chambre avait relevé un endettement important. La commune s’est, depuis désendettée en adaptant son effort d’investissement, même si le poids de sa dette demeure conséquent. La capacité de désendettement demeure sous le seuil d’alerte. L’évolution des charges de fonctionnement est globalement restée sous contrôle et a contribué à préserver la capacité d’autofinancement. La contrainte financière s’est toutefois renforcée en raison de la contribution des collectivités locales à l’effort de redressement des comptes publics mais aussi de la prise en charge du fonds de péréquation intercommunal précédemment acquitté par l’intercommunalité. Le tarissement de son stock d’actifs cessibles comme source de financement appelle également à la vigilance. La commune a rééchelonné le remboursement de sa dette pour diminuer l’annuité de remboursement à court terme. Il en résulte un coût global plus élevé sur toute la période et un renchérissement de ses annuités à moyen terme. Elle a aussi diminué fortement son exposition au risque en sécurisant les emprunts structurés les plus risqués, en contrepartie d’un coût de sortie de 5,85 M€ assumé par le contribuable local et national.
Dotée d’un domaine skiable parmi les plus important des Alpes, la station de Chamonix se caractérise par l’absence de connexion directe entre le domaine skiable et les lieux de résidence touristique. Les liaisons entre les différents domaines reposent sur un système de bus navettes et d’équipements spécifiques. Le domaine skiable situé en grande partie au- dessus de 1 800 mètres bénéficie d’une situation favorable au regard des aléas d’enneigement et du risque climatique. Sa sureté en neige est renforcée par un réseau de neige artificielle important.
Jusqu’à la fin de la saison 2013, les principaux domaines de la commune étaient gérés dans le cadre de délégations de service public distinctes toutes attribuées à la Compagnie du Mont- Blanc. La commune a choisi en 2013 d’y mettre fin cinq ans avant leurs termes en 2018. Une procédure de mise en concurrence a été lancée et a débouché sur l’attribution au délégataire sortant d’un contrat de concession portant sur la gestion de la quasi-totalité du domaine skiable communal pour une durée de 40 ans et un plan d’investissement de 477 millions d’euros courants HT mis en œuvre jusqu’en 2053. Les investissements de modernisation représentent 323,5 millions d’euros courants HT. Seuls 85 M€ HT, représentant les investissements à moins de 10 ans, apparaissent stabilisés compte tenu de la possibilité, au-delà de 10 ans, d’adapter le programme d’investissement aux évolutions climatiques et technologiques.
Dans ces conditions, la programmation des investissements s’avère aléatoire et la chambre relève par ailleurs que les investissements courants, dits de renouvellement, sont peu détaillés.
À l’occasion de la résiliation anticipée des anciens contrats, motivée notamment par la vétusté du parc de remontées mécaniques et son inadaptation aux attentes de la clientèle, une indemnisation de près de 60 millions d’euros a été consentie au délégataire au titre des biens de retour non amortis. Cette indemnisation peut être considérée comme favorable à l’exploitant sortant eu égard à la faible connaissance qu’avait le délégant du patrimoine d’exploitation qui lui était remis au terme du contrat.
Le contrat de délégation de service public, en date du 5 décembre 2013, attribué à la Compagnie du Mont-Blanc, seule candidate, représente un progrès sur plusieurs points : un plan d’investissement est formalisé par les parties sur la durée du contrat, un compte d’exploitation prévisionnel est défini, des modalités d’indexation des tarifs sont prévues, le dispositif de gouvernance et les moyens de contrôle par l’autorité délégante sont renforcés.
Toutefois, la chambre observe que les clauses de révision des objectifs contractuels, notamment s’agissant de l’exécution du programme d’investissement, réduisent significativement le risque économique supporté par le délégataire et le transfère au moins partiellement sur la commune.
La durée de la concession est très longue (40 ans) et la rentabilité économique prévisionnelle est importante avec un taux de rentabilité interne d’au minimum 10 %. La chambre estime que le délégataire bénéficiera d’un retour sur investissement dès 2032. Dans ces conditions, la durée de 40 années du contrat apparaît discutable.
En l’absence d’une société dédiée à l’exploitation du domaine skiable qui n’a pas été imposée, le délégant devra, pour s’assurer que le cahier des charges est respecté, se doter d’outils de pilotage et de contrôle lui permettant de suivre avec précision l’exécution du contrat et l’équilibre économique de la délégation. La commune devra en particulier connaître la formation et la ventilation précise du chiffre d’affaires réalisé sur le périmètre de la délégation et disposer de comptes analytiques suffisamment détaillés pour exercer un contrôle effectif. En réponse aux observations de la chambre, la commune a précisé qu’elle avait d’ores et déjà engagé le processus de recrutement d’un contrôleur de gestion pour le suivi des délégations de service public et qu’elle mettrait en place la commission de contrôle financier prévue à l’article R. 2222-3 du code général des collectivités territoriales.
La chambre observe par ailleurs que la commune n’a pas instauré de servitudes publiques sur son domaine skiable, telles que prévues par la loi du 9 janvier 1985 relative à la protection et au développement de la montagne, ce qui a deux conséquences. D’une part, la continuité de l’exploitation n’est pas garantie en l’absence de protection des infrastructures de remontées mécaniques ou d’exploitation, les occupations conventionnelles des terrains pouvant toujours être dénoncées. D’autre part, le dispositif d’indemnisation des propriétaires apparaît onéreux et s’apparente parfois plus à un système d’intéressement qu’à une indemnisation fondée sur un préjudice direct, matériel et certain.
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 : exiger la production de comptes détaillés propres à la délégation de service public relative au domaine skiable dans un souci de transparence renforcée.
Recommandation n° 2 : mettre en place des outils de pilotage de la convention de délégation de service public portant sur l’exploitation et la construction des domaines skiables de la commune afin de suivre l’exécution du contrat et en particulier du compte d’exploitation prévisionnel.
Recommandation n° 3 : améliorer l’information du conseil municipal sur le suivi de la convention de délégation de service public conclue avec la Compagnie du Mont-Blanc en mettant en place la commission de contrôle financier prévue à l’article R. 2222-3 du code général des collectivités territoriales et en communiquant systématiquement au conseil municipal les comptes rendus du comité de gouvernance.
Recommandation n° 4 : améliorer la maîtrise et le suivi de la politique tarifaire en s’assurant que le conseil municipal homologue la totalité des tarifs pratiqués par la Compagnie du Mont-Blanc.