La chambre régionale des comptes de La Réunion a contrôlé les comptes et la gestion de la Communauté intercommunale des villes solidaires (Civis) sur les exercices 2016 et suivants. Ce contrôle s’inscrit dans le prolongement des contrôles menés sur d’autres intercommunalités et déjà rendus publics (Cinor, TCO, Cirest). La chambre contrôle actuellement la Casud.
S’agissant de la Civis, la chambre formule huit recommandations dont deux relèvent de la régularité.
Le territoire de la Civis est un des plus contrastés de l’île de La Réunion en termes de géographie, de densité et de disparité de revenus et l’un des moins favorisés sur le plan social et en matière de ressources fiscales. Les problématiques d’emplois, de transports ou d’accès aux services publics sont complexes notamment dans les « hauts ».
Créée en 2002, cette communauté exerce des compétences variées et peu mutualisées.
Depuis 2016, la Civis s’est employée à redresser ses comptes, moyennant un effort porté sur l’augmentation des recettes de fonctionnement, mais surtout sur la maîtrise des charges de fonctionnement externalisées.
Néanmoins, la situation financière de cet établissement public de coopération intercommunale (EPCI) demeure fragile. Avec une pression fiscale la plus élevée des cinq EPCI de La Réunion (les recettes fiscales représentent près des ¾ des produits), les marges de manœuvre sont réduites sur les recettes de fonctionnement. Les charges de gestion externes reposent à 80 % sur des contrats de prestations de service dans les secteurs des transports et du service public de prévention et de gestion des déchets, les arbitrages reposant principalement sur le niveau de service défini dans les contrats publics. La masse salariale, évaluée à 173 € par habitant, soit 90 % au-dessus de la moyenne des autres intercommunalités de l’île, contenue dans sa progression, représente le deuxième poste de dépenses. Avec un effectif conséquent de plus de 1 000 agents répartis dans des services largement gérés en régie, dépendants dans une large mesure de la politique des emplois aidés, le pilotage des ressources humaines, caractérisé par un faible niveau de contrôle, est exposé à des risques de dysfonctionnement. Plusieurs exemples témoignent de l’existence de marges d’optimisation. Il est donc souhaitable de confronter le volume des effectifs à la réalité des besoins. La chambre considère ainsi que le recours aux emplois aidés est abondant.
Le service public de prévention et de gestion des déchets (SPPGD) a été exercé de façon hybride avec un transfert de la compétence de traitement au syndicat mixte Ileva, partiel jusqu’en 2018. Les performances en matière de réduction à la source des déchets n’atteignent pas les objectifs fixés par la loi pour la transition énergétique et la croissance verte du 17 août 2015. Dans le cadre de l’exercice de ces compétences, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, qui représente 29 M€ en 2020, ne couvre pas en totalité les coûts du SPPGD, soit 33 M€, du fait d’un coût encore élevé des prestations de collecte et des charges de traitement, et d’une faible contribution des usagers privés au service.
Une épargne nette en recul, liée notamment à un endettement croissant, incite à la prudence, malgré la renégociation des emprunts. Face à un projet de territoire structuré et dense, les moyens financiers restent limités et contraignent la Civis à s’endetter pour reconstituer un fonds de roulement négatif qui s’établit à - 9,1 M€ en 2021. Les besoins d’équipements structurants sont financés par un niveau de recettes propres insuffisant, ce qui alimente le déficit du budget d’investissement qui atteint 19,4 M€ en 2021. L’usage trop limité des bénéfices du plan pluriannuel d’investissements et de la gestion en autorisations de programmes et crédits de paiement ne permet pas à l’exécutif un pilotage serré de ses opérations, ce qui nécessiterait un management de projets plus fiable.
Le modèle de gestion de la Civis mériterait d’être questionné dès lors que le recours à un effectif abondant au service d’une politique de proximité pèse lourdement sur ses charges, dans un contexte de rigidité croissante des ressources. Si ces choix relèvent de la libre administration, dans un contexte social difficile, les pratiques managériales et de gestion pourraient évoluer dans un cadre plus structuré, et un pilotage des projets et des compétences modernisé, adapté aux enjeux d’évolution du périmètre et des compétences de la Civis.
L’évaluation des ressources financières nécessaires à la concrétisation du projet de territoire inscrit dans la logique du schéma départemental de coopération intercommunal élaboré en 2016 pourrait sécuriser la trajectoire financière de l’EPCI. Le projet d’administration dans lequel ce dernier a décidé de s’engager pourrait lui permettre, de surcroit, de mettre ses moyens humains en adéquation avec les objectifs ambitieux du projet de territoire.