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Collectivité territoriale de Corse (Corse-du-Sud)

CRC CORSE

Rapport d'observations définitives

SYNTHESE

 

La région Corse est dotée d’un statut particulier dont une des particularités est l’existence d’une collectivité qui porte le nom de Collectivité territoriale de Corse (CTC), composée de deux instances : l’Assemblée de Corse et le Conseil exécutif, dont le président est l’ordonnateur de la CTC.

 

Elle est entourée de sept agences et offices qui sont devenus des établissements publics de la CTC : l’Office de développement agricole et rural de Corse (ODARC), l’Office des transports de Corse (OTC), l’Office d’équipement hydraulique de Corse (OEHC), l’Office de l’environnement de la Corse (OEC), l’Agence du tourisme de la Corse (ATC), l’Agence de développement économique de la Corse (ADEC) et l’Agence d’aménagement durable, de planification et d’urbanisme de la Corse (AAUC).

 

La situation financière

 

La CTC a connu une dégradation de sa situation financière au cours de la période 2008 à 2013 liée notamment à une évolution différenciée du niveau des dépenses et celui des recettes de gestion courante. En effet, alors que ces dernières ont augmenté de 8 % entre 2008 et 2013 (respectivement 495 M€[1] et 535 M€), les dépenses de gestion courante ont crû de 17,8 % (de 360 M€ à 424 M€) au cours de cette même période.

 

Dès lors, ces évolutions ont entrainé une diminution importante de la capacité d’autofinancement (CAF[2]) nette de 37 % au cours de la période examinée (128,4 M€ en 2008 contre 80,8 M€ en 2013) et a représenté près de 57 % des financements mobilisés par la CTC pour mettre en œuvre sa politique d’investissement au cours de cette période. D’un montant de 1 143 M€, elle a été autofinancée à hauteur de 1 082 M€, dont 648 M€ de CAF nette et 63 M€ d’emprunts.

 

La CTC a fait réaliser en 2011, par un cabinet privé, une analyse financière rétrospective et prospective portant sur les exercices 2005 à 2014. Au vu de cette analyse et des quatre simulations proposées, la collectivité a opté, à compter de l’année 2012, pour une stabilité de l’encours de la dette, un niveau annuel de dépenses d’investissement de 160 M€ et une maîtrise de la progression des dépenses de gestion courante ramenée à 1,5 % par an.

 

La collectivité n’a pu respecter cette politique en 2012 et en 2013. Ainsi, les dépenses de gestion courante ont progressé de 2,9 % en 2012 et 5,3 % en 2013, les dépenses d’investissement ont représenté 184 M€ en 2012 et 176 M€ en 2013, et l’encours de la dette s’est accru de 19 M€ en deux ans.

 

 

Le faible niveaudu fonds de roulement constaté en fin d’exercice depuis 2012 nécessite que la CTC augmente certaines de ses recettes de fonctionnement et maîtrise ses dépenses voire en réduise certaines afin de reconstituer une CAF nette annuelle supérieure à 100 M€, de manière à disposer des moyens financiers suffisants pour poursuivre sa politique d’investissement.

 

Dans ce cadre, la collectivité devrait réduire le montant des subventions d’investissement versées et se concentrer sur la finalisation du programme exceptionnel d’investissement (PEI), tout en veillant à ne pas alourdir excessivement le poids de son endettement.

 

Enfin, la collectivité pourrait envisager d’augmenter le niveau de ses recettes en majorant, notamment, les droits de francisation et de navigation, la taxe sur les certificats d’immatriculation ainsi que la taxe sur les transports. Ces mesures permettraient de renforcer la CAF tout en anticipant la baisse prévisible, à compter de 2016, du produit tiré des droits de consommation sur les tabacs et celle, déjà appliquée depuis 2013, des dotations de l’Etat.

 

La CTC a conscience de l'existence d’un contexte financier de plus en plus contraint du fait de la baisse des dotations de l’Etat. A cet égard, dans le rapport de présentation du budget primitif 2015, le président du Conseil exécutif a insisté sur la nécessité d’améliorer :

 

- l’épargne brute de la collectivité en ajustant les dépenses de fonctionnement et en maitrisant plus particulièrement les charges de personnel ;

- la CAF de la CTC pour maintenir son niveau d’investissement.

 

Les données d'exécution budgétaire de 2014 concrétisent de cette volonté affichée, au vu tout particulièrement de l’évolution de l’excédent brut de fonctionnement. Ainsi, l’exercice 2014 permet à la CTC de se conformer à la trajectoire financière arrêtée par l’Assemblée de Corse lors du débat d’orientation budgétaire pour 2012 formalisé par la délibération du 1er décembre 2011, grâce notamment à une baisse des dépenses de gestion courante de 4,5 % ce qui a contribué à la restauration d’une CAF brute supérieure à 100 M€.

 

La dette

 

L’encours de la dette progresse de manière continue depuis 2013 s’éloignant ainsi du plafond de 300 M€ que s’était fixé la collectivité en 2011. En 2015,la CTC a décidé de fixer son nouveau plafond de dettes financières à un montant de 515,0 M€.

 

L’encours de la dette présente un risque financier lié aux caractéristiques de deux emprunts structurés pour lesquels le capital restant à rembourser représente 100 M€, soit près d’un tiers de l’encours global de la dette de la CTC.

 

L’exposition au risque résulte principalement d’un emprunt à barrière de change, d’un montant de 51 M€, du fait de l’évolution défavorable de la parité monétaire entre l’euro et le franc suisse qui se traduit, depuis 2013, par le paiement de charges financières calculées sur la base de taux d’intérêt supérieurs à 10 %.

 

Pour cet emprunt, la chambre recommande à la CTC de constituer, en 2015, une provision comptable afin d’afficher le risque financier. La CTC envisage de recourir au fonds de soutien institué par la loi de finances pour 2014 pour l’emprunt à barrière de change, en raison essentiellement d’une amélioration des caractéristiques d’intervention du fonds et des négociations entreprises avec l’organisme prêteur.

 

Les subventions d’investissement versées par la CTC via les financements croisés

 

La CTC a mis en place, en 1995, une dotation quinquennale pour financer les investissements des communes dans le domaine de la voirie et des dotations dites « hors quinquennales » pour des opérations ciblées d’investissement (eau et assainissement, réseau routier, équipements culturels, sportifs, universitaires, nouvelles technologies).

 

Les modalités de contrôle de l’utilisation de ces subventions sont nettement insuffisantes car elles se font essentiellement sur pièces et rarement sur place, à l’exception des subventions au réseau routier.

 

De plus, la situation financière de la CTC devrait la contraindre à diminuer les subventions d’investissement versées aux communes et aux départements afin de concentrer ses moyens financiers sur les opérations du PEI de manière à assurer la finalisation de ce dernier.

 

Le personnel

 

Les dépenses de personnel ont progressé de 46 % au cours de la période 2008 à 2013. Cette augmentation s’explique en partie par la migration, liée aux transferts de compétences, de certains personnels de l’Etat vers la CTC.

 

Le contrôle a, par ailleurs, permis d’observer le dépassement important, par certains agents, du plafond règlementaire de 25 heures supplémentaires mensuelles, et ce, sans justification par la collectivité de circonstances exceptionnelles,et sans information du comité technique paritaire (CTP). Une augmentation excessive du nombre d’astreintes a également été relevée, ces dernières ne faisant,a priori, l’objet d’aucun contrôle sérieux de la part de la direction des ressources humaines de la CTC. Depuis 2014, la CTC a mis en place une gestion nouvelle et plus conforme à la règlementation des heures supplémentaires.

 

De plus, alors que cela aurait dû être le cas, il n’existe aucun contrôle automatisé du temps de travail, les syndicats l’ayant refusé dans le cadre du protocole d’accord sur la mise en place des 35 heures. Cette absence de vérification du temps de travail a pour conséquence un manque de maitrise des dépenses relevant du régime indemnitaireetentraine aussi une alimentation croissante du compte épargne-temps (CET) des agents. La démarche pour la vérification du temps de travail a été stoppée à la demande des syndicats en 2011. Elle devait reprendre à l’occasion du comité paritaire de décembre 2014.

 

L’absentéisme du personnel représente également un coût élevé pour la CTC, estimé à 2,1 M€ en 2013.

 

 

Le contrôle a enfin mis en évidence l’utilisation à des fins personnelles de véhicules de « service » qui deviennent, de fait, de véritables voitures de fonction ainsi utilisées entre autres par des membres du cabinet pour des trajets fréquents entre la CTC et leur domicile situé en Haute-Corse, soit à plus de 100 kms d’Ajaccio.

 

Cette situation se conjugue avec une absence totale de contrôle, jusqu’en avril 2014, de l’utilisation des cartes de carburant qui servent au paiement de consommations pour ces véhicules de service. Le contrôle a ainsi mis en évidence que deux membres du cabinet utilisaient les cartes de carburant sur un autre véhicule que celui attribué dans le cadre du service, et ce, parfois y compris sur le continent. Il s’avère, enfin, que ces avantages en nature ne font l’objet à l’exception d’un cadre, d’aucune déclaration fiscale ou sociale.

 

Eu égard à l’ensemble des éléments observés et à la situation financière de la collectivité, il apparait essentiel que la CTC maîtrise l’ensemble des déterminants de l’évolution de la masse salariale de ses effectifs.

 

Les dépenses de fonctionnement courant liées à des prestations de service

 

La prise en charge par la CTC de certaines dépenses de prestations de service nécessiterait un réexamen dans le but de parvenir à des économies qui seraient particulièrement utiles à la collectivité.

 

Différents exemples qui ont été relevés témoignent du fait qu’il est nécessaire, pour la CTC, de procéder rapidement à une revue exhaustive de ses dépenses. Cette démarche généralisée, qui relève du contrôle de gestion interne à mettre en place, permettrait assurément de réaliser des économies substantielles sur les charges à caractère général.

 

La collectivité pourrait examiner la pertinence de certains types de dépenses qui ne se justifient pas nécessairement. Pour les dépenses récurrentes il conviendrait d’envisager, soit leur suppression pure et simple, soit une réduction significative de leur montant, le tout dans une logique de gestion économe de l’argent public.

 

Le contrôle de gestion interne         

 

L’absence d’un contrôle de gestion interne au sein de la CTC a été relevée, alors qu’il s’agit pourtant d’un instrument essentiel pour assurer le pilotage de la collectivité et veiller à l’allocation la plus efficiente possible des moyens financiers, matériels et humains.

 

Il s’avère que la délégation générale à la coordination, à l’évaluation et aux méthodes (DGCEM), qui dispose juridiquement, depuis 2010, des compétences pour réaliser un tel contrôle, n’a pas rempli son rôle en la matière. Selon la CTC,ce contrôle va prendre toute sa dimension à compter de 2015 avec la nomination d’un contrôleur de gestion rattaché au directeur général adjoint aux ressources et aux moyens.

 

 

 

 

 

Les relations comptables, financières et administratives entre la CTC et ses agences et offices

 

L’importance des flux financiers entre la CTC et ses agences et offices nécessiterait de disposer d’une agrégation des données comptables de ses huit entités. Or, la collectivité n’a aucune vision financière agrégée de l’ensemble qu’elle constitue avec ses établissements publics. L’agrégation des comptes, qui est à réaliser, suppose une migration des comptabilités M 4 existantes, tenues par certains offices et agences, vers le cadre budgétaire et comptable défini par l’instruction M 71.

                                                                               

La CTC n’exerce, par ailleurs, aucun contrôle de gestion sur ses agences et ses offices, ce qu’elle devrait pourtant faire.

 

En matière d’exercice de la tutelle, plusieurs améliorations sont intervenues depuis 2010. Certaines avancées restent néanmoins à consolider et plusieurs points demeurent à parfaire, c’est notamment le cas pour ce qui est de la forme et du contenu des lettres de cadrage budgétaire adressées par la CTC à ses agences et offices.

 

En tout état de cause, le contrôle a mis en évidence les importantes avancées que constitue la définition, par l’Assemblée de Corse, d’un effectif-cible à respecter par chacun des établissements publics de la collectivité ainsi que la mise en place réussie d’une transmission dématérialisée des actes des agences et des offices à la CTC.

 

[1] M€ : million d’euros

[2] La CAF brute mesure la capacité de la collectivité à financer, sur ses propres ressources, les besoins liés à son existence tels que les investissements ou les remboursements de dette.

CAF nette = CAF brute – remboursement en capital de l’annuité des emprunts.

 

 

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