Doté de 801 lits et places et présentant une vocation généraliste, le centre hospitalier Jacques Lacarin de Vichy dispose d’un effectif de près de 1 940 emplois équivalents temps plein, dont 210 de personnel médical (données 2021). Le montant des produits, toutes activités confondues, atteignait 180 M€ en 2021, dont 170 M€ au titre de son activité principale. Le portefeuille d’activités de l’hôpital est large avec une offre de soins couvrant la plupart des spécialités médicales et chirurgicales. Il fait également partie depuis 2016 du groupement hospitalier de territoire « Territoires d’Auvergne » au sein duquel il développe des coopérations encore peu intégratives.
Une solide santé financière en amélioration sur la période
La situation financière de l’établissement s’est notablement améliorée entre 2016 et 2021 sous l’effet d’une évolution favorable de son activité. Cette dernière, en croissance de 5 % sur la période de contrôle malgré un repli important en 2020 (- 7 % par rapport à 2019), a bien résisté à la crise sanitaire, tout particulièrement s’agissant de l’activité de médecine. La pandémie a par ailleurs favorisé le développement d’autres formes de prise en charge, comme l’hospitalisation à domicile (+ 25 % entre 2019 et 2021).
L’amélioration de la situation financière s’explique aussi par la réduction des effectifs ayant accompagné les réorganisations des cycles de travail en 12 heures en 2018. Dans ce contexte, et alors que l’établissement a été confronté à une hausse mécanique des dépenses de personnel, par l’effet du déploiement des mesures salariales nationales liées à la crise sanitaire et des accords du Ségur de la santé, sa performance financière annuelle s’est globalement renforcée (+ 25,5 % de marge brute et + 43 % de CAF brute sur la période).
Le résultat de l’établissement s’en est trouvé considérablement amélioré, passant d’un déficit de 860 000 € en 2016 à un excédent significatif de 2 480 000 € en 2021.
Cette évolution favorable du cycle d’exploitation, conjuguée à un soutien financier important et récurrent apporté par la tutelle sanitaire, a contribué à alimenter les ressources de financement propre. Ces dernières ont notamment été mobilisées pour conduire les différents projets d’investissement (à hauteur de 26 M€, dont les 2/3 engagés sur la fin de période) et de réduire fortement l’encours de dette qui s’est contracté de 47 % entre 2016 et 2021. Cet important désendettement a permis à l’hôpital de Vichy, dès 2017, de sortir du dispositif d’autorisation préalable de l’ARS pour emprunter.
Le taux de dépendance financière, inférieur à 45 % en 2021, a également connu une embellie (contre 72,7 % en 2016) tandis que la durée apparente de la dette était ramenée à quatre ans au terme du même exercice 2021.
Des signes de fragilité affectant l’activité et la gestion des ressources humaines
Le niveau de vétusté des différentes immobilisations (et tout particulièrement des constructions), d’ores et déjà important en 2016, n’a cessé de se dégrader sur la fin de période. Elle plaçait l’hôpital Jacques Lacarin en 2021 au nombre des 20 % d’établissements publics de santé de France les moins performants en la matière.
Cette situation de sous-investissement a conduit à une dégradation de l’environnement de travail des équipes, qui transparait dans l’enquête sur la qualité de vie au travail conduite en 2021 faisant ressortir que près de 60 % des répondants se disent insatisfaits des locaux et des équipements mis à leur disposition.
Quant à l’activité de l’établissement, bien qu’enregistrant une progression globale de 5 % sur la période, elle est marquée par des disparités importantes. Contrairement à l’activité de médecine, les disciplines de chirurgie (- 12 % entre 2016 et 2021) et plus encore d’obstétrique (- 15 % entre 2016 et 2021) ont connu un décrochage dès 2018, qui s’est accéléré avec la crise sanitaire. Malgré un rebond constaté en 2021, ces deux disciplines ne sont pas parvenues à retrouver le niveau antérieur à la crise. En termes d’efficience, l’établissement dispose de plusieurs marges de progression, tout particulièrement en chirurgie quant aux durées moyennes de séjour en hospitalisation complète ou bien encore au regard du degré de développement de la prise en charge ambulatoire.
Sur le plan des ressources humaines, le centre hospitalier de Vichy est un établissement attractif, caractérisé par un faible taux de vacance statutaire des praticiens hospitaliers, de 18 % en 2021 au regard d’une moyenne nationale se situant à 31 %. La diversité d’activité et le développement important de l’activité libérale en son sein, alliés au bénéfice d’une crèche hospitalière, constituent autant d’atouts pour attirer les praticiens. L’établissement connait également des taux d’absentéisme (7,5 % en 2021) et un taux de rotation (7,2 %) de son personnel non médical proches des valeurs des établissements les plus performants de sa catégorie.
Cependant, l’établissement présente plusieurs signes de fragilisation de son collectif de travail, s’agissant notamment du personnel non médical : la dette du temps de travail, sept fois plus élevée au regard de la médiane des établissements de sa catégorie, n’a cessé d’augmenter sur la période (+ 18 %), tout comme les rappels sur repos (+ 56 %), attestant d’une réelle difficulté des personnels à bénéficier de leurs congés et récupérations. La dégradation du taux d’absentéisme sur la fin de période, l’augmentation du taux d’accidents du travail suivi d’un arrêt, ainsi que la rupture du dialogue social constituent autant de signaux d’alerte. A cet égard, les effets du déploiement accéléré des cycles de travail en 12 heures depuis 2018, conjugué à un mouvement d’importante réduction des effectifs, n’ont pas été suffisamment anticipés ni évalués. Motivées par une recherche de gains sur la masse salariale et répondant à des aspirations nouvelles du personnel, ces réorganisations nécessitent un temps d’évaluation pour pouvoir les accompagner au mieux et en contrecarrer les effets les plus indésirables.
S’agissant du personnel médical, l’établissement de Vichy rencontre également des difficultés de recrutement de praticiens dans certaines spécialités, et notamment la médecine d’urgence, la psychiatrie ou encore l’oncologie. Pour y faire face, l’hôpital a développé plusieurs stratégies (contrats de clinicien, intérim médical, vacations d’intérim de gré à gré…), certes efficaces pour assurer la nécessaire continuité de l’activité mais qui ne sont pas sans soulever des questions de régularité et d’équité de traitement dans les rémunérations, source de démotivation pour les praticiens les plus investis dans l’hôpital. En méconnaissance du cadre légal, ces dispositifs ont pu être sollicités sans un cadrage préalable de l’agence régionale de santé (notamment pour les contrats de cliniciens), carence qui n’a pas été compensée par une action coordinatrice du groupement hospitalier de territoire. Au-delà du coût exorbitant des prestations, qui se situent bien au-delà des plafonds légaux, l’organisation de plusieurs services et notamment des urgences, qui s’avèrent dépendants de cette ressource médicale externe, interroge aussi sur la qualité des prises en charge et la sécurité des soins.
Toutes ces stratégies, que l’on peut qualifier de pis-aller, illustrent bien la captivité des établissements face à la raréfaction de la ressource médicale, dans un contexte de concurrence vive et insuffisamment régulée.
Des actions correctives entreprises par l’établissement vichyssois
En correction des différents points de fragilité, identifiés, l’hôpital Jacques Lacarin a déployé plusieurs lignes d’actions, engagées pour la plupart en toute fin de période à la faveur des accords du Ségur de la santé et du plan de soutien à l’attractivité.
L’établissement porte ainsi plusieurs projets d’investissement d’importance : l’achèvement de l’opération de rénovation et d’humanisation de l’unité de soins de long séjour ; la relocalisation des activités d’hémodialyse et des activités ambulatoires de santé publique ; la construction d’un nouveau bâtiment de pédopsychiatrie… A plus long terme, l’établissement projette également de construire un nouveau bâtiment principal, dont le coût global est estimé à quelque 150 M€.
L’ensemble des programmes d’équipement doivent permettre d’améliorer les taux de vétusté des constructions et des équipements, très dégradés mais à un horizon demeurant lointain. Le niveau de renouvellement des immobilisations doit, cependant, rester un point de vigilance en ce que l’état et la fonctionnalité des équipements et matériels participent directement à l’exercice de l’activité, à la qualité des soins et au confort de travail des équipes.
Les mesures prises par l’établissement sur le volet des ressources humaines sont également nombreuses et devraient permettre, à terme, de répondre en partie aux difficultés observées : orientation du projet social de 2019-2023 vers la qualité de vie au travail et la réduction de la pénibilité des métiers ; création et renforcement des équipes de remplacement à partir de 2021, augmentation des stagiairisations ; élaboration en cours d’un guide du temps de travail pour le personnel non médical…
Quant aux difficultés de recrutement affectant le personnel médical, les récentes réformes engagées dans le cadre des accords du Ségur de la santé offrent des perspectives, certes intéressantes, mais limitées à plusieurs égards. Elles pourraient ainsi se révéler insuffisantes pour engager, notamment, la sortie des contrats spécifiques pour les spécialités des urgences ou de la psychiatrie en grande difficulté pour le recrutement, et pour lesquelles un complément de rémunération par l’exercice d’une activité libérale n’est pas réellement mobilisable. La mise en œuvre du contrôle sur les dépenses d’intérim médical, bien qu’indispensable, pourrait également se révéler complexe en l’absence d’un travail d’anticipation et de coordination suffisant conduit par la tutelle sanitaire auprès des différentes parties prenantes dans les territoires. Enfin, certaines des mesures des accords du Ségur de la santé, comme la prime de solidarité territoriale, peuvent induire d’autres biais possiblement préjudiciables, en rendant le temps de travail additionnel moins attractif avec le risque de démobilisation des ressources de l’hôpital au profit d’autres établissements voisins.
Le rôle du groupement hospitalier de territoires (GHT) et plus encore celui de l’ARS, encore peu présents sur ces sujets d’importance, apparaissent essentiels pour contenir et réguler la concurrence des établissements, et éviter ainsi les stratégies isolées contre-productives pour le territoire.
RECOMMANDATIONS
- Recommandation n° 1 : Elaborer un guide complet du temps de travail pour les personnels non médicaux, incluant les références textuelles les plus récentes et mettant fin aux pratiques irrégulières.
- Recommandation n° 2 : Conduire une évaluation des effets des cycles en 12 heures sur la qualité de vie au travail, la sécurité et la qualité de la prise en charge des patients.
- Recommandation n° 3 : Mettre en place un dispositif de décompte complet et fiable des heures supplémentaires accomplies.
- Recommandation n° 4 : Réduire la dette du temps de travail.
- Recommandation n° 5 : Assurer un cadrage et un suivi du recours au temps de travail additionnel au sein de la commission d’organisation de la permanence des soins.
- Recommandation n° 6 : Respecter les intérêts de l’hôpital dans l’utilisation des IRM, tant en termes financiers que d’accès aux soins pour les patients hospitalisés.
- Recommandation n° 7 : Exiger des entreprises de travail temporaire un relevé détaillé de la rémunération versée aux médecins pour permettre l’effectivité des contrôles du comptable public.
- Recommandation n° 8 : Mettre fin aux contrats de gré à gré pour assurer les remplacements ponctuels en s’appuyant notamment sur le levier de la prime de solidarité territoriale.