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Association Rahu Ora - Agence immobilière sociale de Polynésie française (AISPF)

CTC POLYNÉSIE FRANÇAISE

Inspirée du modèle métropolitain des agences immobilières à vocation sociale (AIVS), l’agence immobilière sociale de Polynésie française (AISPF) créée en 2008 a pour objet de soutenir les bénéficiaires en difficulté financière (familles, étudiants boursiers, jeunes travailleurs) à se loger convenablement dans le parc immobilier privé et d’accompagner notamment les familles dans un projet de vie pour acquérir au bout de 24 mois une autonomie financière.

Chargée d’identifier des logements, de les louer et de les mettre à disposition en échange d’une contribution mensuelle financière modeste (représentant 1/3 du loyer pour les familles, 15 000 F CFP pour les étudiants et 20 000 F CFP pour les jeunes travailleurs), l’association fonctionne grâce à l’attribution conséquente d’une subvention du Pays qui représente en moyenne 80% de ses produits totaux chaque année.

Cette association, dont la gestion est globalement positive et l’utilité avérée, appelle cependant les remarques suivantes.

Fonctionnement

Ce dispositif, qui institue un système de garantie publique du paiement des loyers aux bailleurs privés, a permis d’augmenter considérablement le parc de logement proposé par l’AISPF entre 2016 et 2021 (de 141 à 248) et le nombre total de bénéficiaires suivis (de 164 à 305).

Pour autant, bien que le parc soit en forte croissance à partir de 2017 avec le doublement de la subvention annuelle qui lui était attribuée (subvention passée de 150 à 300 MF CFP) et malgré un déploiement progressif de ses moyens (renfort en personnel, agrandissement du siège, logiciel dédié…), l’AISPF ne parvient pas à utiliser intégralement la subvention octroyée chaque année par le Pays, sauf en 2021. Entre 2016 et 2021, l’AISPF ainsi consommé 1,37 MdF CFP sur les 1,65 MdF CFP, soit 83% des financements publics dédiés.  La mise en place tardive des fonds, des dossiers transmis par les services sociaux non éligibles au dispositif de l’AISPF et des capacités malgré tout limitées de l’agence pour accompagner les bénéficiaires expliquent cette situation.

Les dossiers recensés par les services sociaux et instruits par l’AISPF, soumis à des conditions de ressource à ne pas dépasser, mettent en exergue une forte sélectivité, notamment pour le dispositif « familles ». En moyenne 45% des dossiers présentés reçoivent un avis favorable, en raison de la nécessité d’avoir des projets de vie solides et une solvabilité a minima des ménages pour ne pas mettre en péril le modèle économique de l’association (risque d’impayés). Ces deux éléments de sélection mériteraient d’être précisés dans le règlement intérieur afin d’objectiver davantage les décisions pour les personnes non retenues et les services sociaux qui la saisissent.

En 2021, à l’issue des deux ans du dispositif de l’AISPF, 52% des bénéficiaires « familles » de l’AISPF ont intégré le parc privé classique, 22% ont bénéficié d’une attribution de logement social et 26% ont dû retourner vivre en famille élargie.

Fiabilité et analyse financière

Les comptes de l’association, révisés par un expert-comptable et certifiés par un commissaire aux comptes, respectent les écritures prudentielles liées à son activité de location, notamment le risque de créances irrécouvrables, avec des impayés qui ne cessent de progresser sur la période sous revue. L’AISPF comptabilise plus de 37,7 MF CFP de créances douteuses au 31 décembre 2021.

Avec des frais de structure maîtrisés compte tenu d’outils adéquats, de procédures de contrôle interne et d’augmentation des charges de personnel proportionnelles à l’activité de l’agence, chaque année 84% des dépenses totales de l’AISPF sont consacrées effectivement aux logements des bénéficiaires.

Même si les charges de structure et de personnel de l’association ont augmenté, corrélativement à l’augmentation de son activité, le niveau de produits, particulièrement élevé chaque année, et une gestion prudente, lui permettent d’enregistrer systématiquement des résultats bénéficiaires. Au 31 décembre 2021, avec désormais plus de 344 MF CFP de fonds propres (reports à nouveau et résultats de l’année), ces derniers ont été multipliés par trois entre 2016 et 2021.

Une association n’ayant pas vocation à thésauriser, ces excédents doivent interpeller tant le financeur public que la gouvernance de l’association. Si  l’AISPF justifie le niveau élevé de ses excédents annuels pour faire face, le cas échéant, à l’hypothèse d’une cessation du dispositif et la nécessité d’honorer les loyers, cette situation interpelle néanmoins soit sur un niveau de subvention annuelle à diminuer, quitte à réorienter une partie de l’enveloppe de 300 MF CFP vers d’autres acteurs du logement social (ex : au profit de l’agence immobilière très sociale de Polynésie française, AISTPF, dont le début d’activité est prévu en 2023), soit sur une augmentation nécessaire du parc locatif de l’AISPF.

Gouvernance et évolution

Fortement attachée à son indépendance, notamment sur la durée maximale du dispositif et son attachement à la culture du loyer, l’AISPF respecte les modalités de la gouvernance associative posées par ses statuts (fréquence des réunions, quorum, procès-verbal (PV)…). Elle gagnerait encore à élargir ses instances à d’autres acteurs locaux (ex : office polynésien de l’habitat (OPH), associations…) pour que son projet puisse évoluer. De la même manière, des indicateurs d’activité plus détaillés et une répartition analytique des coûts par rapport aux objectifs assignés conventionnellement faciliteraient l’appréciation des résultats annuels par le Pays.

Jouant son rôle d’amortisseur social compte tenu de l’insuffisance de logement sociaux proposés par l’OPH et les organismes de logements sociaux privés (OLSP), et d’un parc privé de la zone urbaine de Tahiti, encore inaccessible pour une partie des polynésiens, l’AISPF
reste un modèle utile ayant toute sa place dans le cadre de la politique publique de l’habitat 2021-2030. 

Elle ne saurait toutefois suppléer sur le long terme les carences des différents opérateurs de logement social ou des services sociaux pour d’autres populations plus fragiles (logement très social).

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