La réflexion du CPO s’inscrit dans un contexte où le patrimoine des ménages croît plus fortement que le revenu : 6 fois le revenu disponible en 2021 contre 4,5 fois en 2000. Il se concentre au sommet de la distribution dans l’ensemble de l’OCDE. En France, le dixième de la population le plus favorisé détient 60 % de la richesse nationale et le 1 % le plus riche en détient 27 %. Le revenu annuel moyen des foyers à très hauts revenus a augmenté de 119 % sur la période 2003-2022, alors que le revenu moyen des 90 % les moins aisés n’a crû que de 39 %, soit un rythme à peine supérieur à l’inflation cumulée (37 %). Enfin, l’âge du pic de détention, entre 60 et 69 ans aujourd’hui, recule rapidement.
L’imposition du patrimoine fait l’objet de débats clivants. Elle est critiquée en raison des distorsions qu’elle entraîne dans l’orientation de l’épargne et connaît des problèmes d’acceptabilité, notamment sur le sujet de l’imposition des successions, paradoxalement saluée par la littérature économique sans pour autant emporter l’adhésion des contribuables. Elle apparaît inadaptée aux évolutions démographiques et sociétales. Face au mouvement extrêmement marqué de concentration des hauts et très hauts patrimoines, elle est évoquée comme un instrument d’atténuation de ces inégalités, la place des revenus et plus-values latentes et des biens professionnels jouant un rôle central dans ce débat.
Le débat économique rappelle les risques induits par une imposition trop marquée de la détention du patrimoine, par ailleurs clairement encadrée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Les perspectives d’une approche multilatérale du sujet s’éloignent, et l’attention doit demeurer sur les possibilités de mobilité fiscale.
Des pistes que le présent rapport s’attache à éclairer sont possibles pour améliorer cette imposition, à rendement constant. Elles visent d’abord à diminuer les distorsions économiques en limitant les dispositifs qui orientent l’épargnant vers l’immobilier et l’assurance-vie, au détriment d’autres actifs. Elles portent également, au sein de l’imposition du patrimoine immobilier, sur des mesures destinées à fluidifier le marché de l’achat et de la location.
Les défis posés par les évolutions démographiques et sociétales posent des questions relevant de l’égalité horizontale entre les générations, ou entre bénéficiaires des transmissions. Des propositions permettant de faciliter les donations anticipées dans les familles, y compris élargies, sont formulées.
Une réforme de l’imposition du patrimoine devrait avoir comme souci premier de rétablir l’acceptabilité de cette dernière, ce qui implique d’agir pour améliorer l’information d’épargnants en moyenne très peu formés sur le sujet, mais aussi de faire évoluer le seul impôt qu’ils paient pour le grand nombre d’entre eux, la taxe foncière.
Au-delà, l’imposition de la transmission du patrimoine serait mieux comprise si ses taux apparents, les plus élevés de l’OCDE, se rapprochaient de ses taux effectifs, ce qui implique une diminution du barème mais aussi, de manière concomitante et équilibrée pour les finances publiques, un élargissement des assiettes, mitées par des dispositifs dérogatoires comme l’assurance-vie déjà évoquée, mais aussi les différentes modalités de transmission des biens professionnels.
Pour limiter la concentration des patrimoines, cette réforme de l’imposition de la transmission pourrait être complétée par des mesures portant sur l’imposition récurrente des très hauts patrimoines qui pourraient prendre la forme, soit d’un impôt différentiel sur la fortune personnelle (hors biens professionnels) à un taux modéré mais non plafonné, soit d’une taxe sur les holdings.
Le CPO formule ainsi deux scénarios d’évolution conjointe de l’imposition des transmissions et de l’imposition récurrente des hauts patrimoines.
Le premier scénario associe la taxation des liquidités logées dans les holdings sur une longue durée, pour éviter leur utilisation à des fins d’optimisation fiscale, à un impôt différentiel portant sur les plus hautes transmissions et prenant en compte les actifs professionnels.
Le second, plus ambitieux et permettant une réduction plus marquée des barèmes des droits sur les successions et les donations, conjuguerait un impôt différentiel sur le patrimoine non professionnel - évitant le plafonnement en usage pour l’ancien impôt de solidarité sur la fortune (ISF) grâce à un taux modéré- et une réduction des dérogations portées par le pacte Dutreil, dont l’utilité – maintien effectif de l’actionnariat, mais sans effets avérés sur l’emploi et l’investissement – ne paraît pas à la hauteur du coût actuel.
Ces deux scénarios diffèrent en termes d’ambition des mesures d’élargissement de l’assiette et d’accroissement de l’imposition des très hauts patrimoines, mais aussi de diminution du barème pour la majorité des contribuables. Tous deux permettent de réduire les distorsions liées à la fiscalité du patrimoine, tout en assurant une répartition plus équilibrée de la charge fiscale au sein de la population.


