Une généralisation de la fibre optique rapidement atteignable et indispensable avant la fermeture du réseau de cuivre
Dans les zones très denses qui couvrent les principales agglomérations (18 % des locaux raccordables), le déploiement de la fibre optique, rentable pour les opérateurs privés de télécommunication, est mené par eux sur leurs fonds propres sans intervention publique. Sur le reste du territoire, le Plan France très haut débit (PFTHD) a défini plusieurs catégories de zones de déploiement. Dans les zones dites d’avec « appel à manifestation d’investissement » - AMII (38 % des locaux raccordables), les opérateurs d’infrastructures privés prennent des engagements contraignants vis-à-vis de l’État, sous le contrôle de l’Arcep. Dans les zones dites d’« appel à manifestation d’engagement local » (environ 5 % des locaux raccordables), ces mêmes opérateurs s’engagent, sous le contrôle du régulateur, auprès des collectivités locales concernées. Enfin, dans les autres zones non rentables pour les opérateurs privés, les collectivités locales confient la construction de l’infrastructure de fibre, le plus souvent au travers d’une gestion déléguée, à des réseaux d’initiative publique (39 % des locaux raccordables). Avec une couverture en fibre optique atteignant 90 % en un peu plus de 10 ans, le PFTHD est un succès en termes de déploiement du réseau de fibre optique. En effet, à la fin troisième du trimestre 2024, parmi les 44,5 millions de locaux recensés par les opérateurs sur le territoire national, 39,9 millions sont raccordables à la fibre optique, soit une hausse de près de 8 % en un an, et 4,6 millions doivent encore être rendus raccordables. Les pouvoirs publics ont mobilisé, entre 2010 et 2024, près de 12,7 Md€, dont 8,7 Md€ portés par les collectivités, 3,5 Md€ par l’État et 0,5 Md€ par l’Union européenne. Toutefois, si, au troisième trimestre 2024, le déploiement de la fibre optique est plus avancé dans les zones où les opérateurs déploient les réseaux sur leurs fonds propres que dans les réseaux d’initiative publique, le rythme ralentit dans les agglomérations les plus denses. Une remobilisation de l’ensemble des acteurs, publics et privés, paraît indispensable, alors que le réseau cuivre doit être fermé d’ici 2030. Un contrôle accru de la part de l’Arcep, qui dispose de pouvoirs d’enquête et de sanction, semble donc nécessaire. De nouveaux engagements contraignants pourraient être envisagés en zone dense, pour atteindre l’objectif de généralisation de la fibre, sans exclure le recours ponctuel à des technologies alternatives.
Un modèle de financement en zone publique dont la viabilité doit être évaluée
L’effort financier global, public et privé, de construction des réseaux de fibre optique s’établit à plus de 22 Md€ pour les seuls RIP, dont 9,4 Md€ d’investissement des opérateurs privés. Fondés sur les lignes directrices tarifaires de l’Arcep établies en 2015, les plans d’affaires des réseaux publics ne sont toutefois plus toujours en adéquation avec la réalité de leurs coûts. Dès lors, les collectivités doivent davantage intégrer, dans la conduite de leurs projets, l’enjeu de l’équilibre économique de leur réseau et être accompagnées, par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et mettre à jour leur modèle économique. À cet égard, l’Arcep mène des travaux d’objectivation des coûts avec les principaux opérateurs d’infrastructures dont l’aboutissement rapide paraît nécessaire.
La qualité de service et la résilience des réseaux : des priorités nouvelles et des actions à renforcer
Appelés à devenir l’infrastructure de référence pour les télécommunications fixes, les réseaux de fibre optique présentent des niveaux de qualité de service inégaux en fonction des territoires. Des réseaux localisés, représentant 2 % des lignes en France, occasionnent de sérieux désagréments pour les usagers. Des plans de reprise ont été lancés, sous le pilotage de l’Arcep ; ils sont toutefois tardifs et leurs effets longs à apporter de réelles améliorations, malgré de récents progrès. À la demande des opérateurs, le régulateur a autorisé la sous-traitance de la réalisation du raccord final à un opérateur commercial (mode « STOC ») afin d’accélérer le déploiement de la fibre. La filière a toutefois sous-estimé les besoins en main d’œuvre qualifiée et en contrôles : le recours à une sous-traitance mal maîtrisée et peu contrôlée s’est traduit par des malfaçons et des pannes que l’Arcep doit mieux évaluer en construisant des indicateurs mesurant la qualité des raccordements finals. De plus, la régulation du mode STOC, fondée sur la capacité de l’opérateur d’infrastructures à contrôler les opérateurs commerciaux intervenant sur son réseau, est inopérante faute d’outils identifiant l’auteur des dégradations. L’Arcep devrait recourir davantage au levier de la sanction, pour s’assurer de la qualité des raccordements finals sous-traités aux opérateurs commerciaux. La résilience des réseaux doit par ailleurs être une priorité, notamment pour anticiper les effets d’événements météorologiques de plus en plus intenses. Sous l’égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), un travail associant État et collectivités, régulateur, acteurs publics et opérateurs, doit conduire à définir une stratégie nationale de résilience des réseaux de fibre optique. Au niveau local, l’État devrait veiller à intégrer les acteurs des réseaux dans les organisations locales de préparation et de gestion des crises, en les incitant à établir un diagnostic et plan d’action sur leurs vulnérabilités.