Rapport public thématique
Médecins et hôpitaux des armées
TABLE DES MATIERES
I
page
Délibéré………………………………………………………...
V
Introduction……………………………………………………
1
I - Une histoire prestigieuse………………...…………………..
1
II - Une vocation jamais démentie à soigner
au plus près des forces…………………………..……………...
2
III - Une médecine autonome par rapport
au dispositif civil de santé………………………………..…….
3
IV
- Une double mission……………………………………….
4
A - Une mission militaire……………………………..
…………
4
B - Une mission publique de santé …………………………….
5
V - L’enquête de la Cour des comptes…….……………….
.......
6
Chapitre I - Les effectifs et les compétences nécessaires
aux missions du service de santé des armées……………
..
7
I - Les besoins du contrat opérationnel……………………
........
7
A - Le contrat opérationnel
……………………………………...
7
B - Les effectifs de médecins et d’infirmiers
……………….…..
8
C - Le rôle des réservistes
………………………………….…...
10
II - La formation du personnel……………………………..
........
11
A - Le recrutement et la formation initiale…………
…………...
11
B - Le coût des écoles………………………………………..…
16
C - La formation militaire des praticiens……………………
.....
18
Chapitre II - Le soutien apporté aux troupes
en opérations extérieures……………………………………...
21
I - Des personnels engagés sur de multiples
théâtres d’opérations…………………………………………...
21
A - Le soutien en opérations extérieures……………………
.....
21
B - L’absence d’indicateurs pour les délais d’évacuation……...
24
C - Les opérations humanitaires……………………………..…
25
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II
COUR DES COMPTES
page
II - Une très faible part des effectifs mobilisée
en opérations extérieures……………………………….…
........
26
A - Une participation globale limitée…………………………..
26
B - Un personnel hospitalier peu sollicité
…………………
........
27
III - L’adaptation à l’évolution des conflits………………
.........
28
A - Les nouvelles conditions d’emploi des forces……….……..
28
B - Le transport des blessés
……………………………………..
29
C - La mutualisation avec les alliés…………………………
.....
30
D - L’activité civilo-militaire…………………………….
…..…
31
Chapitre III - La médecine d’unité………………………..…
35
I - Une activité peu adaptée aux priorités opérationnelles.…..
…
35
A - La mission des médecins et infirmiers…………………..…
35
B - L’activité médicale
………………………………………….
36
C - La préparation opérationnelle……………………………
....
37
D - Les soins ne relevant pas de la défense…………….……
....
39
E - La place de la médecine de prévention…………………..…
40
II - La rationalisation inachevée du dispositif……………
.........
41
A - Le nombre de services médicaux………………………..…
41
B - La poursuite de l’interarmisation………………………...…
42
Chapitre IV - Les hôpitaux d’instruction des armées…...….
45
I
- La mission militaire des hôpitaux des armées……………...
46
A - Le respect du contrat opérationnel………
..
…………….…..
46
B – L’activité médicale liée aux armées..
……………………..…
48
C - Les autres missions militaires des hôpitaux……………..…
50
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TABLE DES MATIERES
III
page
II - Une articulation insuffisante avec
le dispositif civil de santé ………………………..………
.........
.
51
A - Les grandes options d’organisation……………………..….
51
B - L’ouverture à la population civile
…………………………..
55
C - Les conséquences limitées tirées
de la mission publique de santé…………
...................................
62
Chapitre V - Le coût de la médecine hospitalière
pour le budget de la défense…………………….………..…..
73
I - Un déficit du système hospitalier pesant
sur le budget de la défense…………………………..…….……
73
A - Le déficit d’exploitation hors norme
des hôpitaux militaires………………………………………
.....
74
B - Les risques liés au passage à la tarification à l’activité…
.....
78
II - Les causes principales du déficit…………………………...
79
A - Un niveau de charges comparable
aux établissements civils……………………………………..
....
79
B - Une proportion trop élevée de personnel non soignant…
.....
80
C - Une productivité médicale insuffisante…………………
.....
81
D - Une prise en compte perfectible des contraintes militaires...
83
III - Une solution à construire avec le monde civil…………
.....
84
A - La reprise des bonnes pratiques de la gestion hospitalière…
84
B - L’hypothèse du regroupement des structures…………..…..
85
C - L’adossement au système civil de santé………
...................
86
Conclusion générale…………………………………………...
89
Recommandations……………………………………………..
92
Réponse du Ministre de la Défense……………………………
95
Réponse de la Ministre de la santé et des sports……………..
126
Réponse du Ministre des affaires étrangères
et européennes
132
Réponse du Ministre du budget, des comptes publics
et de la réforme de l’Etat
………………………………………
133
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Les contrôles de la deuxième chambre, présidée par M. Alain Hespel,
président de chambre, dont ce rapport constitue la synthèse
ont été effectués par :
Mme Françoise Saliou, conseiller maître,
M. Olivier Brochet, rapporteur,
M. Pascal Desrousseaux, rapporteur,
M. Bertrand Moure, assistant.
Le contre-rapporteur en a été
M. Patrick Bouquet, conseiller maître.
Ce projet a ensuite été arrêté par le Comité du rapport public et des
programmes du 15 juin 2010 présidé par M. Didier Migaud, premier
président, avant d’être communiqué aux administrations et organismes
concernés.
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DELIBERE
V
Délibéré
La Cour des comptes publie un rapport thématique intitulé
« Médecins et hôpitaux des armées ».
Conformément aux dispositions législatives et réglementaires du code
des juridictions financières, la Cour des comptes, délibérant en chambre du
conseil, a adopté le présent rapport public.
Ce texte a été arrêté au vu du projet qui avait été communiqué au
préalable, en totalité ou par extraits, aux administrations et organismes
concernés, et après avoir tenu compte, quand il y avait lieu, des réponses
fournies par ceux-ci. En application des dispositions précitées, ces réponses
sont publiées ; elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
Etaient présents : M. Migaud, Premier président, MM. Pichon, Picq,
Babusiaux, Mme Ruellan, MM. Hespel, Bayle, présidents de chambre,
MM. de Mourgues, Mayaud, Houri, Richard, Devaux, Gillette, Ganser,
Camoin, Beaud de Brive, Thérond, Mme Froment-Meurice, MM. Beysson,
Briet, Gasse, Mme Levy-Rosenwald, MM. Lebuy, Johanet, Durrleman,
Alventosa,
Frangialli,
Dupuy,
Mme
Morell,
MM. Gautier
(Louis),
Braunstein, Brochier, Mme Dayries, M. Levy, Mme Ulmann, M. Tournier,
Mme Darragon, MM. Bonin, Vachia, Vivet, Mme Moati, M. Davy de
Virville,
Sabbe,
MM. Valdigué,
Ténier,
Lair,
Hayez,
Mme Trupin,
M. Corbin, Mme Froment-Védrine, MM. Ravier, Rabaté, Ménard, Korb,
de Gaulle, Mme Saliou (Monique), MM. Guibert, Piolé, Uguen, Guédon,
Mme
Gadriot-Renard,
MM.
Bourlanges,
Le Méné,
Mme Malgorn,
MM. Sépulchre, Antoine, Mousson, Guéroult, Mme Vergnet, M. Chouvet,
Mme Démier, M. Clément, Mme Cordier, MM. Léna, Migus, Laboureix,
Mme Esparre, conseillers maîtres, MM. Cadet, Cazenave, Klinger, Gros,
Carpentier, conseillers maîtres en service extraordinaire.
Etait présent et a participé aux débats : M. Bénard, Procureur général,
assisté de Mme Auclair-Rabinovitch, chargée de mission.
Etaient présents en qualité de rapporteur et n’ont pas pris part aux
délibérations : M. Brochet, M. Desrousseaux, rapporteurs.
Madame Mayenobe, secrétaire général, assurait le secrétariat de la
chambre du conseil.
Fait à la Cour, le 5 octobre 2010.
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Introduction
I
-
Une histoire prestigieuse
Le devoir de l’Etat de sauver ses soldats blessés, d’assurer le
mieux possible leurs soins dans les armées et de manifester la
reconnaissance de la Nation a conduit très tôt à l’emploi de chirurgiens
militaires, à la création de l’institution des Invalides (1670), des écoles de
santé navale (en 1689 par Colbert) ou encore de la pharmacie centrale des
armées en 1708.
Les guerres de la Révolution et de l’Empire, les expéditions de
Crimée ou d’Italie, les trois guerres de 1870, 1914-1918 et 1939-1945, les
guerres coloniales, la levée en masse puis l’instauration de la conscription
obligatoire, le grand nombre de blessés sur les champs de bataille ont
continué à forger une institution qui peut s’enorgueillir d’une histoire
prestigieuse au bénéfice de la Nation en armes.
D’Ambroise Paré, qui fit accomplir des progrès considérables aux
techniques d’amputation au XVIème siècle aux grands chirurgiens de
l’Empire, Dominique Larrey et le baron Percy, « inventeurs » de la
médecine d’urgence avec l’introduction au sein des armées françaises du
système des « ambulances volantes », d’Alphonse Laveran, prix Nobel de
médecine pour avoir découvert le parasite responsable du paludisme
(1880) à Paul-Louis Simond puis Georges Girard et Jean-Marie Robic qui
permirent de lutter contre la peste en identifiant son mode de transmission
par la puce du rat (1898) puis en mettant au point un vaccin, de grands
noms illustrent la médecine militaire française.
Avec la guerre de 1914-1918, cette médecine fit des avancées
considérables en matière de prise en charge et de soins aux blessés au
plus proche du champ de bataille avant de les ramener vers les hôpitaux
de l’arrière avec, par exemple, l’utilisation de la radiographie pour établir
les diagnostics.
Très tôt, la médecine militaire française a reposé sur une
doctrine
de médicalisation de l’avant, qui prévoit la présence de médecins au plus
près du feu. Le retour des médecins militaires à la vie civile, après le
conflit d’Indochine, a contribué à diffuser cette doctrine, favorisant par
exemple la création des services d'aide médicale urgente (SAMU), qui se
caractérisent par la présence de médecins dans les ambulances.
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2
COUR DES COMPTES
II
-
Une vocation jamais démentie à soigner au
plus près des forces
Service interarmées, le service de santé des armées a pris sa forme
actuelle en 1948. Il a été placé, dès 1970, sous l’autorité directe du
chef
d’état-major des armées, alors que, dans la plupart des armées
occidentales, l’armée de terre, la marine et l’armée de l’air continuaient à
recruter leurs propres médecins. Il développe quatre grands types
d’activités médicales : une médecine de soins, une médecine d’aptitude
(sélection initiale et contrôles annuels de l’ensemble des militaires), une
médecine de prévention et de prophylaxie des maladies transmissibles et
une médecine d’expertise pour le personnel spécialisé (plongée,
aéronautique, etc.).
Il a pour objectif de déployer, au plus près des soldats, des
médecins, en toutes circonstances, pour leur garantir des soins de qualité
préservant leur vie et leur intégrité physique. Cet impératif est souligné
dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié en 2008
1
qui indique que le soutien santé est «
d’abord et avant tout une obligation
morale que l’Etat assume vis-à-vis de ses ressortissants, surtout
lorsqu’ils sont confrontés à un risque accru
» et qu’il est «
déterminant
pour l’efficacité opérationnelle, quel que soit le type d’opération
» car
« les pertes subies sur un théâtre exercent une profonde influence sur la
perception que se fait la nation de l’opération. Un pic brutal de pertes ou
un flux continu peut avoir des conséquences stratégiques. Protéger les
forces est donc non seulement un impératif humain mais aussi une
nécessité stratégique – pour préserver l’adhésion - et tactique – pour
assurer le succès »
.
Le service de santé des armées est organisé afin que les troupes
soient déployées en ayant l’assurance de bénéficier des médecins
secouristes et hospitaliers nécessaires permettant à la France d’entrer en
premier dans un conflit sans dépendre d’aucun allié.
La doctrine bâtie par le service de santé, dite « doctrine de
médicalisation de l’avant », doit permettre de soigner les blessés au plus
près et au plus vite. Elle s’écarte du schéma américain par l’importance
accordée au poste de secours où le blessé reçoit les premiers soins lui
permettant d’être évacué vers l’antenne chirurgicale. Les médecins
français considèrent qu’ainsi les chances de survie et de maintien de
l’intégrité physique du blessé sont accrues. Cette doctrine doit être
1) Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, p.218, Ed. Odile Jacob, 2008.
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INTRODUCTION
3
adaptée à chaque théâtre d’opérations. Ainsi, en Afghanistan, les
conditions particulières où les équipes françaises de liaison et de mentorat
opérationnel (
Opérational mentor and liaison team
) intégrées au sein des
forces afghanes sont isolées, conduisent-elles à des aménagements afin de
maintenir la rapidité et la qualité d’intervention auxquelles ont droit les
soldats.
Le Livre blanc rappelle que «
la France veillera en permanence à
la qualité de son personnel sanitaire militaire et à l’adéquation entre le
besoin et la ressource. Si le rythme des opérations ou le taux de pertes
constatées l’exigent, le taux de médicalisation des unités sera renforcé.
Dans l’urgence, la capacité du service peut être accrue en sollicitant la
réserve opérationnelle. En cas de montée en puissance des risques, la
ressource en praticiens sera accrue en augmentant le seuil des
recrutements en formation initiale.
»
III
-
Une médecine autonome par rapport au
dispositif civil de santé
Le service de santé des armées, ses neuf hôpitaux, ses quatre
écoles, son institut de recherche biomédicale et ses cinq centres de
ravitaillement emploient plus de 15.600 personnes, dont plus de 2.000
médecins y compris les internes et 4.500 infirmiers, pour un coût total
annuel, en exécution 2009, de l’ordre de 1,3 milliard d’euros. Il est
financé à hauteur de 860 millions d’euros par le ministère de la défense et
de 450 millions d’euros par les recettes de son activité hospitalière
(versements des caisses de sécurité sociale, des mutuelles et des patients).
La structure du service de santé résulte du contrat opérationnel
2
que lui fixe le chef d’état-major des armées. Elle a été définie afin de
permettre aux armées d’assumer une situation d’engagement dite de
moyenne intensité. Le service de santé des armées est dimensionné pour
soutenir 10.000 hommes sur le territoire national, 5.000 hommes dans des
opérations d’évacuation et 30.000 hommes projetés à distance du
territoire métropolitain.
Dans l’ensemble de ses composantes – recrutement et formation
continue des praticiens, ravitaillement, recherche biomédicale,
médecins
de régiments et hôpitaux –, la médecine militaire est organisée de manière
2) Le contrat opérationnel définit, sous l’autorité du chef d’état-major des armées, les
objectifs et les moyens des différents armées et services pour
permettre la mise en
oeuvre des orientations arrêtées dans le livre blanc sur la sécurité et la défense
nationale et la loi de programmation militaire.
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4
COUR DES COMPTES
quasi autonome par rapport au système civil de santé. Cette autonomie est
destinée à lui offrir la souplesse et la réactivité nécessaires pour répondre
aux besoins exprimés par l’état-major des armées.
Ce modèle – complet et intégré – a sa contrepartie en termes de
moyens. Il comprend, en particulier, un important système hospitalier,
conçu, tant pour accueillir les chirurgiens et spécialistes destinés à partir
en opérations extérieures, que pour soigner en nombre les militaires
blessés.
Les neuf hôpitaux d’instruction des armées emploient 55 % des
effectifs du service de santé, dont près de 40 % des médecins militaires.
Leur capacité globale est d’environ 2.700 lits (équivalent à la taille du
centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, 4ème de France).
Leur budget total s’élève à plus de 800 millions d’euros.
IV
-
Une double mission
Le dimensionnement du service de santé des armées l’amène à
remplir une double mission, au profit des forces armées et dans le
domaine de la santé.
A - Une mission militaire
Les médecins militaires ont assuré, en 2009, le soutien des
340.000 militaires des armées et de la gendarmerie. Ils doivent être en
mesure de monter, simultanément, jusqu’à 190 postes de secours et
29 équipes chirurgicales
3
dans des opérations extérieures.
Chaque année, environ 3.000 interventions chirurgicales sont
réalisées en opérations extérieures (OPEX), dont 80 % au profit des
populations locales. En moyenne, les médecins militaires réalisent deux
rapatriements sanitaires chaque jour (sans accompagnement médical) et
une évacuation médicale par semaine (avec un médecin, voire un
réanimateur).
Tout en assurant cette mission au profit des forces en opérations
extérieures, le service de santé des armées continue à mener, « à
l’arrière », médecine d’aptitude, médecine d’expertise et soins liés aux
accidents de service au profit des armées.
3) Une équipe chirurgicale est composée, pour les praticiens, de deux spécialistes en
chirurgie orthopédique et viscérale ainsi que d’un anesthésiste réanimateur.
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INTRODUCTION
5
B - Une mission publique de santé
Pour assurer le soutien santé en opérations et être pourvu des
compétences suffisantes, le service de santé dispose ses médecins dans
316 services médicaux d’unités implantés en métropole et outre-mer, et
dans ses neuf hôpitaux militaires.
Depuis la suspension de la conscription, dès lors qu’il souhaitait
préserver ses neuf hôpitaux d’instruction
4
, le service de santé n’a pas eu
d’autre choix que de les ouvrir aux civils. Cette ouverture était
indispensable pour maintenir au plus haut niveau les compétences de ses
chirurgiens et spécialistes en leur garantissant un volume d’activité
suffisant. Les militaires n’ont pas en effet l’obligation de se faire soigner
dans un établissement de soins relevant du ministère de la défense.
De fait, les hôpitaux militaires ont aujourd’hui une activité civile à
plus de 90 %. Ils développent des spécialités et traitent des pathologies
proches de celles rencontrées dans les hôpitaux civils de taille
comparable.
La prise en charge de patients civils dans les hôpitaux militaires est
inscrite dans la loi. Elle prévoit que le service de santé «
concourt à
l’offre de soins du service public
»
5
. Le décret du 15 juillet 2009 relatif
aux attributions du ministre de la défense précise que celui-ci «
définit les
conditions de la contribution du service de santé des armées à la
politique de santé publique
». Les modalités d’organisation de cette
contribution ne relève pas de l’administration de la santé (direction
générale de l’offre de soins du ministère de la santé et agences régionales
de la santé) mais du ministère de la défense.
4) Avec la suspension de la conscription (loi du
28 octobre 1997 portant réforme du
service national), le service de santé des armées a été conduit à fermer neuf autres
hôpitaux.
5) Articles R. 6112-1 et suivants du code de la santé publique.
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COUR DES COMPTES
V
-
L’enquête de la Cour des comptes
Les précédents travaux de la Cour des comptes sur le service de
santé des armées ont été publiés en 2002.
A l’exception de l’approvisionnement, touché par une profonde
réforme dans le cadre de la révision générale des politiques publiques
(RGPP), l’ensemble des composantes du service de santé des armées – les
écoles de formation, la médecine d’unité, les hôpitaux, les directions
régionales, la conduite des opérations extérieures et la recherche
biomédicale – ont fait l’objet d’un contrôle conduit par la deuxième
chambre de la Cour des comptes en 2009.
Ce contrôle est intervenu à un moment important :
-
les opérations extérieures exposent les forces armées à des risques
accrus, en Afghanistan notamment. Il appartenait à la Cour des
comptes de vérifier que les moyens du service de santé correspondent
aux besoins ;
-
les évolutions en cours dans le secteur hospitalier sont marquées
notamment par l’introduction d’une nouvelle tarification, à l’activité
(la T2A), applicable aux hôpitaux militaires depuis le 1
er
janvier
2009, et par une réforme de la gouvernance, prévue par la loi
« hôpital, patients, santé et territoires » du 23 juillet 2009.
La médecine militaire est à l’intersection de deux politiques - une
politique de défense et une politique de santé - dont les objectifs, les
modes de gestion, les logiques d’organisation et les publics sont
différents. La conciliation de ces deux politiques est difficile. C’est
l’examen des solutions retenues par le service de santé des armées pour
conduire sa double mission qui fait l’objet du présent rapport public.
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Chapitre I
Les effectifs et les compétences
nécessaires aux missions du service de
santé des armées
I
-
Les besoins du contrat opérationnel
A - Le contrat opérationnel
Le service de santé est un service interarmées directement rattaché
au chef d’état-major des armées qui lui fixe son contrat opérationnel. Ce
contrat impose des objectifs quantitatifs et qualitatifs. Selon les termes du
contrat opérationnel 2008-2010 - qui devrait peu évoluer à la suite de
l’adoption de la loi de programmation militaire 2009-2014 - le soutien des
forces armées se développe en trois séries d’objectifs principaux :
« - la mise et le maintien en condition opérationnelle, le contrôle
et le suivi des forces en préparation des opérations et après les
désengagements ;
- la mise sur pied préalable de la composante santé du soutien
aux opérations puis par la prise en charge des blessés et des malades en
opérations ;
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COUR DES COMPTES
- la prise en compte du risque nucléaire, radiologique,
biologique et chimique (NRBC) pour les forces armées ; mission étendue
au territoire national par la contribution à la sécurité de l’ensemble des
ressortissants français, en matière de santé. »
Les forces soutenues sont celles des trois armées et de la
gendarmerie qui a souhaité, malgré son transfert opérationnel au
ministère de l’intérieur, conserver le soutien du service de santé des
armées
6
.
B - Les effectifs de médecins et d’infirmiers
Plus de 15.600 personnes, dont près de 6.000 civils, travaillent au
sein du service de santé des armées.
Répartition des effectifs du service de santé des armées
(ETP au 31décembre 2009)
Hôpitaux
Médecine
d’unité
Ravitaille-
ment
Formation
Recherche
Direction
Divers
57,1 %
15,2 %
4,8 %
11,2 %
3,3 %
6,6 %
1,8 %
Source : service de santé des armées
Au 31 décembre 2009, 1.897 médecins militaires travaillaient au
sein du service de santé des armées. Cet effectif correspond aux besoins
fixés par le contrat opérationnel, tel qu’il a évolué depuis les derniers
travaux de la Cour.
La plupart de ces médecins travaille directement dans les armées
(44 %) et dans leurs hôpitaux d’instruction (39 %). Les autres effectuent
des tâches de recherche, de formation, ou de direction et d’administration.
Le pourcentage de médecins accomplissant des tâches de direction et
d’administration est élevé : il s’établissait à 9 % en 2009.
Le volume de personnel infirmier, au nombre de 4.554 fin 2009,
remplit quasiment les exigences du contrat opérationnel, sauf pour la
spécialité des infirmiers de blocs opératoires. Alors que les effectifs des
infirmiers diplômés d’Etat atteignent 97 % des besoins du contrat
opérationnel, ceux des infirmiers de blocs opératoires ne représentent que
76 % de l’objectif.
6) Les effectifs médicaux et paramédicaux nécessaires au soutien de la gendarmerie
ont été conservés dans le budget du service de santé et une délégation de
gestion-cadre a été signée par les ministres de la défense et de l’intérieur, précisant les
modalités de soutien. Les frais courants et de soutien, hors rémunérations et charges
sociales, sont pris en charge par le ministère de l’intérieur.
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LES EFFECTIFS ET LES COMPETENCES NECESSAIRES AUX MISSIONS
DU SERVICE DE SANTE DES ARMEES
9
S’agissant plus particulièrement des équipes médicales des
régiments, le contrat opérationnel prévoit que le service de santé doit
pouvoir mettre en place un maximum de 190 postes de secours, tout en
continuant à assurer les soins dans les unités militaires non engagées. Il
doit donc disposer de 380 médecins d’unité (deux médecins par poste de
secours) et de 570 infirmiers (trois infirmiers par poste de secours)
projetables, 450 médecins et 675 infirmiers demeurant auprès des unités.
Le contrat opérationnel est pratiquement rempli : on recense, dans
les unités, 821 médecins et 1.215 infirmiers. Le service de santé peut ainsi
faire face sans tension aux besoins des armées.
Dans le cadre de la revue générale des politiques publiques
(RGPP), le contrôle général des armées a estimé que le contrat
opérationnel pouvait être rempli en abaissant le nombre de médecins à
700 et celui des infirmiers à 970 grâce à une réorganisation du soutien
sanitaire dans les unités. L’effort demandé suppose des réorganisations
importantes.
La féminisation du personnel médical et paramédical :
un défi et un atout
Au sein du service de santé des armées, 60 % des personnels
paramédicaux et 17 % des médecins sont des femmes. Ce taux global de
féminisation
(56 %), inférieur à celui du système de santé civil (76 % en
2004), est élevé par rapport à la moyenne du ministère de la défense
(15 %). Il croît de façon importante et régulière depuis que les quotas qui
étaient imposés pour le personnel médical ont été supprimés en 1999.
Plus de la moitié des élèves praticiens des écoles militaires sont des
femmes. Le service de santé doit donc relever deux défis : favoriser la
gestion de carrière des femmes qu’il a formées et s’assurer qu’il sera en
mesure de fournir le personnel nécessaire aux opérations extérieures.
En 2008, les femmes représentaient le quart du personnel du
service de santé projeté dans les opérations extérieures.
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10
COUR DES COMPTES
Deux
catégories
de
personnel
doivent
être
suivies
plus
attentivement - les médecins d’unité et le personnel paramédical - compte
tenu des exigences militaires très élevées pour occuper ces fonctions,
voire, parfois, des impossibilités d’envoyer des femmes (comme c’est le
cas pour certaines unités en Afghanistan). Il est donc important que le
service
de
santé
définisse
une
véritable
politique
de
suivi
et
d’accompagnement de la féminisation de ses effectifs, en adaptant en
particulier la gestion des carrières et des départs en opération, sur la
longue durée.
La féminisation constitue, par ailleurs, un atout dans le cadre des
opérations extérieures car une part importante de l’activité est consacrée à
l’aide médicale aux populations civiles. La présence de femmes médecins
et infirmières permet de surmonter les obstacles culturels parfois forts
pour soigner les femmes et les enfants qui représentent l’essentiel des
patients.
C - Le rôle des réservistes
La réserve opérationnelle du service de santé comptait, en 2008,
2.135 officiers, 1.061 sous-officiers et 345 militaires du rang
7
. Ces
effectifs, en forte croissance depuis 2002, restent cependant très en deçà
de ceux fixés dans le plan d’action ministériel de 2004. L’objectif cible de
8.600 réservistes en 2012, jugé irréaliste, a été réduit de moitié (4.100
réservistes en 2015).
Les réservistes effectuent en moyenne entre 19 et 22 jours
d’activité par an. Leur activité peut être considérée comme équivalente à
280 emplois temps plein (ETP), soit 1,7 % des effectifs du service de
santé pour un coût représentant 1,4 % de la masse salariale.
Le service de santé prévoit la participation des réservistes aux
opérations extérieures (OPEX). Les réservistes ont effectué 6,5 % des
journées OPEX-médecin et 50 % des journées OPEX-dentiste. Cette
participation constitue un fort motif d’attractivité, spécifique au service
de santé. Le rôle des réservistes est important également dans le cadre de
la préparation sanitaire des militaires devant partir en opérations
extérieures (vaccinations, contrôles dentaires, etc.) pour soutenir les
médecins d’unité face au pic d’activité lié au départ en OPEX.
7) Organisée par la loi du 18 avril 2006, la réserve opérationnelle est formée des
volontaires ayant signé un contrat d’engagement individuel à servir dans la réserve.
Elle constitue une réserve d’emploi mobilisable par les états-majors pour les missions
de soutien des forces armées, en métropole comme en opération.
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LES EFFECTIFS ET LES COMPETENCES NECESSAIRES AUX MISSIONS
DU SERVICE DE SANTE DES ARMEES
11
Compte tenu, d’une part, de l’importance des réservistes dans le
fonctionnement du service de santé, d’autre part, du coût de la formation
initiale du personnel, une politique de maintien dans la réserve
opérationnelle des praticiens et paramédicaux d’active qui quittent le
service est indispensable. Une telle politique a été initiée depuis 2004. Un
quart de la réserve opérationnelle est désormais issu des anciens
praticiens du service de santé, ce qui reste limité. Cette politique doit être
accentuée et ces praticiens doivent constituer une cible prioritaire pour la
réserve.
Par ailleurs, la part prise par les réservistes dans le fonctionnement
de la médecine militaire implique de s’assurer qu’ils seront effectivement
disponibles en cas de crise majeure. Il est en effet vraisemblable qu’une
part importante de ces médecins et infirmiers puisse être mobilisée dans
le cadre d’autres obligations (au titre de la sécurité civile, de la Croix
rouge, des services départementaux d’incendie et de secours, etc.) dans le
cadre de plans d’urgence. Ce contrôle n’est pas effectué aujourd’hui.
II
-
La formation du personnel
Afin de pouvoir disposer de médecins et infirmiers en nombre et
en qualité suffisants, le service de santé
consacre une part importante de
son budget (environ 7,5 %, 105 millions d’euros en 2009) au recrutement
et à la formation initiale de son personnel. Les écoles de Lyon, Bordeaux
et du Val de Grâce - pour les praticiens – et de Toulon – pour le personnel
paramédical - absorbent
95 % du budget de la formation.
A - Le recrutement et la formation initiale
1 -
Le recrutement
ab initio
des praticiens
Les conditions particulières d’exercice de la médecine militaire et
son attractivité limitée pour des médecins déjà diplômés ont conduit
les
services de santé de différentes armées étrangères à recruter les étudiants
en médecine dès leurs premières années de formation et à financer leurs
études.
Aux Etats-Unis, les armées recrutent leurs futurs médecins dans le
cadre du programme d’étude des professionnels de santé (Health
Professionals Scholarship Program). Elles supportent l’ensemble des
coûts de formation et versent aux élèves un salaire d’environ 2.000 $ par
mois. Les médecins militaires allemands – formés dans les universités
civiles – sont également rémunérés sur la base d’une solde de lieutenant.
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Au Royaume Uni, le système est plus complexe mais la
combinaison des possibilités offertes par les collèges d’armées, les
bourses servies par les armées et le système des « cadets », permet de
financer la totalité des études d’un futur médecin militaire avec une
rémunération annuelle qui évolue de 4 000 £ la première année à 16 000 £
en 4ème année puis 42.000 £ pour les deux dernières années.
En France, le service de santé recrute également la grande majorité
de ses médecins dès la première année d’étude. Cependant, s’il laisse le
soin de leur formation académique à l’Université comme dans les autres
pays, les futurs médecins sont intégrés dans des structures militaires
spécifiques, les écoles du service de santé des armées.
Elèves officiers pendant les deux premières années (ils sont
rémunérés environ 500 euros par mois, logés et nourris gratuitement), ils
sont ensuite aspirants jusqu’en 6
ème
année (rémunération d’environ
1 400 euros par mois). Ils deviennent lieutenants-internes des hôpitaux
des armées à partir de la septième année. Ils sont alors rémunérés dans
des conditions semblables à celles des internes civils (environ 2.000 euros
par mois).
Le recrutement des élèves des écoles du service de santé
(ESSA)
Les élèves médecins sont recrutés par un concours très sélectif au
niveau du baccalauréat. 150 candidats médecins et 4 à 5 pharmaciens sont
admis en première année. L’objectif du service de santé est de faire passer
en deuxième année une centaine d’étudiants par promotion en deux ans
au maximum.
Des moyens importants sont donc mobilisés pour les soutenir dans
la préparation des épreuves (
numerus clausus
) de fin de première année,
en sus des cours délivrés à la faculté de médecine civile. Les écoles du
service de santé peuvent être considérées comme les meilleures classes
préparatoires de France - gratuites et rémunérées
8
– : le taux de réussite
effectif aux épreuves liées au
numerus clausus
, compris entre 54 % et
68 % selon les années, est largement supérieur au taux de réussite
national (16 %). Ceci contribue incontestablement à l’attractivité des
écoles militaires.
8) Les classes préparatoires privées facturent leurs prestations entre 3.500 et 6.000
euros par an.
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13
Plusieurs indicateurs d’attractivité doivent être néanmoins suivis
aujourd’hui avec attention. Le nombre de candidats bacheliers diminue
depuis le milieu de la décennie, étant passé de plus de 2.255 en 2006 à
1.567 en 2009. Cette réduction, qui affecte particulièrement les jeunes
filles, conduit à un taux
de sélectivité qui se dégrade, passant d’environ
un candidat reçu sur 15 en 2005 et 2006 à un sur 10 en 2009.
Simultanément, le taux de réussite en fin de première année, s’il
reste élevé, a lui aussi diminué depuis 2005 (le taux le plus haut de 68 %
correspond à des concours du début de la décennie 2000 tandis que les
dernières années voient des taux de réussite plus limités, avec un plus bas
de 54 % en 2008).
Pour éviter les candidatures d’étudiants sans véritable vocation
militaire, le service de santé a avancé au sixième mois d’études la
signature de l’engagement définitif, qui n’intervenait auparavant qu’en
deuxième année après la réussite au concours. Ceci encourageait les
candidatures opportunistes de candidats sans vocation militaire. Dans un
premier temps, la réforme de 2002 a eu un impact fort : le nombre de
démissions a beaucoup baissé. Depuis 2007, les démissions en cours de
scolarité augmentent à nouveau, beaucoup d’étudiants prenant sans doute
plus tardivement conscience de leur absence de vocation militaire et des
exigences liées à un possible départ en OPEX. Conjuguée à
l’augmentation des échecs universitaires, cela aboutit à une cinquantaine
de radiations par an (6 % de chaque promotion).
Ces évolutions doivent être suivies avec attention. En effet, si elles
se confirmaient dans la durée, elles mettraient en cause le mode de
recrutement et la qualité des médecins militaires.
2 -
L’indispensable concours des médecins sous contrat
Cette situation conduit à accorder plus d’intérêt aux modes de
recrutement complémentaires.
Jusqu’aux années 2000, le service de santé des armées formait la
totalité de ses médecins dans ses écoles. Les effectifs étaient complétés
par les appelés du contingent exerçant en qualité d’internes. La
disparition brutale de cette main d’oeuvre, qui ne pouvait être compensée
rapidement en raison des délais de formation des étudiants en médecine, a
conduit à recruter des médecins déjà diplômés comme officiers sous
contrat, officiers « commissionnés »
9
. Plus de 300 médecins ont ainsi été
9) La durée de leur engagement est liée à leur contrat. Après un premier contrat de
deux ans, ces personnels ont la possibilité de signer deux autres contrats de six ans.
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recrutés, soit l’équivalent du tiers des médecins formés dans les écoles du
service pendant la même période.
Ces
recrutements
ont
leurs
limites.
Ainsi,
les
officiers
commissionnés recrutés pour les hôpitaux sont, en général, des jeunes
spécialistes qui veulent compléter leur formation initiale alors que le
service de santé souhaiterait des effectifs plus expérimentés. A l’inverse,
les candidats médecins généralistes pour servir dans les forces sont
souvent « trop » âgés au regard des missions que le service souhaiterait
leur confier.
Ce recrutement complémentaire de personnel diplômé présente
pourtant des avantages. Il permet des ajustements rapides, en particulier
pour les spécialités déficitaires (radiologie, cardiologie,…) et est
nettement moins coûteux pour les finances publiques puisqu’il évite
d’avoir à financer au moins neuf années d’étude. Il conviendrait donc de
développer une politique plus attractive qu’actuellement, notamment en
termes de gestion des carrières pour garder plus longtemps ce personnel
10
.
3 -
Le recrutement des personnels paramédicaux
Le service de santé recrute la très grande majorité de son personnel
paramédical hospitalier sur titre (diplôme d’Etat), par un concours
centralisé. Ils sont intégrés au corps des militaires infirmiers et
techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) dont les statuts, les
rémunérations et les indemnités sont alignés sur ceux de la fonction
publique hospitalière. Les conditions de travail offertes sont attractives.
Le nombre de candidats se présentant aux concours de recrutement est
donc suffisant.
Concernant les infirmiers des forces, la carrière est moins attractive
pour le personnel déjà diplômé. Le service de santé doit donc les recruter
ab initio
et leur offrir une formation rémunérée. Après huit ans passés
dans les forces, ces infirmiers peuvent, s’ils le souhaitent, rejoindre les
hôpitaux militaires.
Le personnel hospitalier civil, essentiellement aides-soignants, est
recruté sur titre et sur concours organisés par les établissements, sans
difficulté majeure.
10) Sur les 300 personnels recrutés entre 2000 et 2008, un tiers a déjà quitté le
service.
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15
4 -
Les obligations de service liées à la rémunération de la
formation
Les dépenses des écoles du service de santé – 105 millions d’euros
en 2009 – représentent pour moitié des dépenses de rémunération après
réussite au concours. Il s’agit là de l’un des atouts majeurs des écoles de
santé pour recruter le personnel médical et paramédical dont a besoin le
service. Les études sociologiques montrent cependant que les écoles ont
aujourd’hui largement perdu le rôle de promotion sociale qu’elles avaient
autrefois lorsqu’elles permettaient à des étudiants d’origine modeste de
faire des études longues.
Les élèves praticiens perçoivent une solde totale d’environ
87.000 euros nets pendant les six premières années de formation. Ils
bénéficient aussi de nombreux autres avantages en nature : frais
d’inscription à l’université payés par l’école, réduction SNCF de 75 %
pendant toute leur scolarité, logement et nourriture gratuits pendant les
trois premières années
11
. Devenus internes en 7
ème
année, ils sont promus
lieutenants. L’avantage sur les étudiants civils s’estompe alors, les
internes civils étant également rémunérés.
Les élèves infirmiers sont payés pendant leur scolarité toulonnaise
au grade de sergent ou de sergent chef. Ils touchent ainsi une solde nette
totale d’environ 52.000 euros pendant leurs quarante mois d’école.
En contrepartie de la rémunération de leurs études, les anciens
élèves des écoles de santé ont une obligation de servir l’Etat. La durée des
études médicales ayant été augmentée, la réforme du statut des praticiens
de 2004 a prévu un allongement raisonnable de la durée de service. Les
anciens élèves doivent maintenant 12 à 16 ans
12
(davantage dans quelques
spécialités) à l’issue de leur temps d’étude. Les infirmiers doivent, quant
à eux, huit années de service s’ils sont passés par l’école de Toulon, soit
proportionnellement à leur temps d’étude, deux fois plus que les
médecins
13
.
Les effets de ces mesures sur l’accroissement réel de la durée de
service des praticiens ne peuvent pas encore être mesurés. Aujourd’hui, la
moitié d’une promotion de médecins continue de prendre sa retraite après
25 ans de services, c'est-à-dire, pour la plupart, après seulement une
quinzaine d’années actives si l’on exclut le temps d’études. Il s’agit d’une
11) A partir de la quatrième année, ils ne sont plus nourris gratuitement que le midi en
raison de « l’astreinte ».
12) 17 ans en Allemagne.
13) 2,4 mois de service par mois d’étude effectué contre 1,3 mois pour un médecin
généraliste.
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véritable préoccupation au regard de l’importance du budget consacré à la
formation. Il faut s’assurer que le personnel formé ne démissionnera pas
avant le terme de leurs obligations de service.
Or l’effet dissuasif de l’obligation de rembourser les frais de
scolarité en cas de démission est atténué dans la pratique. En 2009, la
dette cumulée des anciens élèves s’élevait à environ 13 millions d’euros.
De plus, les anciens élèves qui rejoignent l’une des trois fonctions
publiques bénéficient systématiquement de sursis de paiement suivis de
remises gracieuses de dette au bout de dix ans. Il s’agit là d’une
généralisation injustifiée des mesures de bienveillance.
Le ministère de la défense et le comptable du trésor public doivent
appliquer strictement les règles en vigueur.
Quand il a lieu, le remboursement des frais de scolarité se fait
selon un échéancier négocié entre le Trésor public et le débiteur, sans
application d’intérêts. Cette pratique, qui ne concerne pas que les écoles
du service de santé, est également injustifiée.
B - Le coût des écoles
Hors rémunérations et charges sociales des élèves, le coût de
fonctionnement des quatre écoles du service de santé des armées a été, en
2009, de 55,8 millions d’euros.
1 -
Le coût excessif des structures des écoles
93 % de la formation reçue pendant les six premières années sont
dispensés dans les facultés civiles. Pourtant, le taux « d’encadrement »
des élèves des écoles de Bordeaux et Lyon était, fin 2009, de un
personnel administratif ou de soutien pour 2,8 élèves. Ainsi, à Lyon, sur
177 agents d’encadrement, 15 seulement assuraient une fonction
enseignante (5 professeurs-répétiteurs de l’Education nationale pour
soutenir les élèves de première année et 10 militaires pour l’encadrement
des compagnies).
Le sur-encadrement, reconnu par le service de santé, explique le
coût élevé de la scolarité. Hors sa propre rémunération, le coût moyen
annuel de la scolarité d’un élève du service de santé est d’environ
42.000 euros par an.
A Toulon, le taux d’encadrement - un personnel pour 3,5 élèves -
très élevé également, est davantage justifié par le fait qu’il s’agit d’un
institut qui assure la totalité des formations (27 enseignants pour 124
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17
personnes). Il fait encore plus ressortir le sur-encadrement des écoles de
formation des praticiens.
2 -
Le regroupement des écoles de médecins
de Lyon et Bordeaux
La Cour avait préconisé en 2002 la fermeture de l’école de
Bordeaux et le regroupement sur le site de Lyon, ainsi que cela avait été
prévu dès 1981 lors de la construction de la nouvelle école de Lyon-Bron.
La décision a finalement été prise en 2008, dans le cadre de la revue
générale des politiques publiques (RGPP). La première promotion
commune est arrivée à Lyon à la rentrée 2009. L’école de Bordeaux
fermera progressivement, au fur et à mesure de l’achèvement de la
scolarité des élèves qui y sont encore. A terme, les effectifs de l’école de
Lyon devraient donc passer d’un peu plus de 500 aujourd’hui à plus de
700 en 2012 sans que cela ne nécessite de travaux importants autres que
de réhébilitation.
Le regroupement doit permettre la réduction du coût de
fonctionnement, notamment par diminution des effectifs d’encadrement.
Or, initialement, seul le personnel civil devait être concerné. Dans ces
conditions, le ratio d’encadrement n’aurait été que très peu réduit et la
baisse du coût de la scolarité par élève (hors rémunérations) n’aurait été
que de 6.000 euros sur 42.000 euros. Le regroupement des écoles sera
dès lors accompagné d’une refonte administrative qui permettra une
réduction supplémentaire des effectifs, passant de 290 (dans le format
actuel) à 220. L’objectif est de réduire d’un tiers le coût de la formation
initiale des praticiens hors rémunérations des élèves.
3 -
Un déménagement de l’école d’infirmiers de Toulon à Lyon
trop rapidement écarté
Le nouvel hôpital militaire Sainte Anne de Toulon a été construit
sur le site occupé jusqu’en 2000 par l’école de formation du personnel
paramédical. Le service de santé des armées a choisi de construire une
nouvelle école sur le site de Sainte Anne. Au regard du coût (près du
quart de la construction du nouvel hôpital, soit au moins 40 millions
d’euros) et de la gêne apportée pendant près d’une décennie au
fonctionnement de l’école, un regroupement sur le site de l’école de Lyon
pour créer un grand pôle de formation du service de santé aurait pu être
décidé.
Des travaux d’agrandissement auraient, certes, été nécessaires
(l’école de Lyon ne pouvant absorber dans ses locaux actuels que les
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promotions bordelaises) mais il aurait pu être imaginé de les financer en
partie par la vente des terrains toulonnais. La perturbation dans le
fonctionnement de l’école aurait pu être raccourcie. Une telle opération
aurait permis de regrouper sur deux pôles la formation du service de santé
(au Val de Grâce et à Lyon) et de réduire ainsi davantage le coût de
fonctionnement des écoles (mutualisation des services et réduction du
taux d’encadrement « soutien », frais de déplacement réduits et
optimisation des parcs automobiles, formations militaires communes,
installations sportives disponibles sur place à Lyon alors que les élèves de
Toulon doivent se déplacer).
Le service de santé des armées a indiqué que l’opération n’a pas
été retenue car le plateau pédagogique de Lyon avait été considéré
insuffisant et parce que l’école de formation du personnel paramédical de
Toulon était déjà agréée comme institut de formation en soins infirmiers,
avec des partenariats de stages assurés. Ces arguments n’ont pas vraiment
été mis en balance avec le coût élevé du maintien à Toulon.
C - La formation militaire des praticiens
L’existence d’une école militaire de personnel paramédical de
Toulon apparaît justifiée par le contenu de la formation
14
.
La nécessité de disposer d’une école spécifique pour la formation
des praticiens n’apparaît pas aussi nettement : la formation médicale est
largement assurée dans des universités civiles
15
et coûte en fait très peu au
ministère de la défense, qui ne règle aux universités que les frais de
scolarité (environ 270 euros par étudiant et par an). La formation militaire
ou spécifique dispensée en complément est faible. En première année,
consacrée à la préparation aux épreuves du
numerus clausus
, les étudiants
n’effectuent que 200 heures de formation militaire initiale. De la
deuxième à la sixième année, la formation militaire n’occupe en moyenne
14
)
Les élèves infirmiers intègrent Toulon après avoir effectué six à neuf mois de
classes dans leur armée d’affectation. L’organisation de la formation permet les
aménagements
horaires
nécessaires
pour
assurer
l’instruction
militaire
complémentaire nécessaire. La formation paramédicale reçue, entièrement dispensée
sur place, identique à celle des instituts civils, est complétée pour répondre aux
spécificités du métier d’infirmier des armées. Ils pourront en effet être amenés à
exécuter des gestes médicaux qu’un infirmier civil ne fait pas.
15) Pendant les six premières années d’études, les élèves suivent l’essentiel de leur
formation dans les facultés de médecine et de pharmacie de Lyon et Bordeaux.
Devenus internes des hôpitaux, en septième année, ils continuent leurs études dans
l’une des facultés ayant passé une convention avec l’école du Val de Grâce. Cette
formation garantit une qualification identique à celle des praticiens civils, permettant
aussi l’insertion du dispositif de soins militaire dans le système de santé national.
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19
que 70 heures par an (4 % du cursus). S’y ajoutent certes des formations
médico-militaires (brevet de secouriste, brevet de médecine de l’avant) -
et des cours d’anglais obligatoires pour se préparer au travail en milieu
international. Mais ce sont, là encore, moins de 4 % du cursus. Ce n’est
qu’en troisième cycle, à l’école du Val de Grâce, que les étudiants
accorderont une place plus importante aux enseignements médico-
militaires.
Le service de santé est conscient que la formation militaire
donnée jusqu’à présent ne répond pas aux attentes pour former de futurs
officiers. A l’occasion de l’introduction en 2009 de la réforme LMD
(licence-master-doctorat), il a remis à plat le dispositif de formation en se
rapprochant des écoles d’officier afin de bénéficier de leur expérience. Le
volume horaire consacré aux activités militaires n’est cependant guère
modifié compte tenu des contraintes universitaires qui s’imposent aux
élèves. Mais le contenu se veut plus orienté vers la formation des futurs
officiers. Reposant pour partie sur des périodes bloquées organisées
essentiellement durant les congés hospitalo-universitaires, cette formation
s’appuiera par ailleurs sur un renforcement de l’encadrement militaire.
Les exigences accrues des opérations extérieures, en particulier
en Afghanistan, nécessitent une formation militaire plus importante des
médecins du service de santé, que celle-ci soit assurée par ses écoles ou
par les autres écoles d’officiers. Les conflits asymétriques
16
rendent
pourtant cette formation d’autant plus nécessaire que le statut de
médecins ou d’infirmier ne constitue plus une protection. Au contraire, le
personnel de santé peut devenir une cible. Dans ces conditions, le
médecin, dès sa formation, doit prendre la mesure des situations qu’il
devra affronter et
acquérir les techniques qui lui permettront de participer
aux opérations.
16) On emploie l’expression « conflit asymétrique » pour désigner un conflit dans
lequel des forces armées étatiques affrontent des combattants beaucoup moins bien
armés qui utilisent et frappent les points faibles de leur adversaire.
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20
COUR DES COMPTES
______________________
CONCLUSION
_____________________
Le service de santé dispose aujourd’hui des compétences en
nombre et en qualité pour remplir les objectifs que lui fixe son contrat
opérationnel. Il parvient à ce résultat grâce à sa politique de recrutement
et au rôle joué par la réserve.
Le recrutement ab initio de la plus grande partie des praticiens et
d’un grand nombre de son personnel paramédical, qui conduit à
rémunérer leur formation, constitue un besoin avéré pour le service de
santé des armées. Cependant, la formation médicale des praticiens est,
jusqu’à l’internat, dispensée par l’université et la formation militaire
assurée par l’école du service de santé des armées est réduite. La
formation spécifique du service de santé des armées doit être plus
importante si celui-ci souhaite justifier, pour les praticiens, l’existence
d’une école distincte de celle des autres écoles d’officier.
En l’état, le coût de ces formations est très élevé : plus de
105 millions d’euros par an pour former une centaine de praticiens
militaires et une centaine de paramédicaux.
La complémentarité de la formation initiale et du recrutement de
personnel déjà diplômé doit dès lors être mieux assurée. Le recrutement
durable de médecins déjà diplômés doit être un véritable objectif. Ainsi,
le service de santé des armées n’a pas intérêt à chercher à former des
médecins dans toutes les spécialités hospitalières et il devrait concentrer
ses moyens sur les besoins spécifiquement militaires, définis par le
contrat opérationnel.
L’investissement réalisé par l’Etat doit avoir un effet plus durable.
Le personnel formé par le service de santé doit être maintenu en activité
le plus longtemps possible. La moitié d’une promotion de médecins
continue de prendre sa retraite après 25 ans de services, c'est-à-dire,
pour la plupart, après seulement une quinzaine d’années actives si l’on
exclut le temps d’études. Il importe que le service s’assure au moins de la
collaboration de ce personnel dans le cadre de la réserve. Le coût élevé
de la scolarité justifie qu’une attention toute particulière soit portée au
remboursement effectif des frais dus par les élèves ou militaires qui
démissionnent avant l’achèvement de leurs obligations de service.
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Chapitre II
Le soutien apporté aux troupes en
opérations extérieures
I
-
Des personnels engagés sur de multiples
théâtres d’opérations
A - Le soutien en opérations extérieures
Le service de santé est chargé, en opérations, de la médecine
d’urgence, du soutien médical, de l’hygiène et de la sécurité. Il participe à
toutes les opérations extérieures ainsi qu’aux exercices interarmées et
multinationaux conduits par les armées françaises
17
. Entre 2005 et 2009,
le service de santé a soutenu en permanence le déploiement de 10.000 à
12.600 personnes, en garantissant, pour 1.000 soldats, la plupart du
temps, la présence de cinq médecins et cinq infirmiers. Le minimum de
présence a été de trois médecins et trois infirmiers d’unité, au moment de
la mobilisation maximale (2006) des armées en opérations extérieures.
17) Dans le cadre des opérations multinationales, ce soutien santé est aussi
fréquemment apporté aux armées étrangères qui ne disposent pas de moyens sanitaires
suffisants (par exemple, actuellement, le contingent bulgare en Afghanistan). En
principe, ce service fait l’objet d’une refacturation. Dans la plupart des cas, cette
prestation est ou devient gratuite car elle est la condition de la participation de
contingents que la France souhaite voir à ses côtés dans des opérations
multinationales. Ce fut le cas par exemple pour le Maroc en Bosnie. Le coût marginal
ne dépasse guère plus quelques dizaines de milliers d’euros par an.
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22
COUR DES COMPTES
Pour permettre au personnel de santé de prendre part aux
opérations et faire les gestes adaptés tant du point de vue de la santé que
du point de vue militaire, le personnel médical et para médical reçoit, au
sein des Centres d’instruction aux techniques de réanimation de l’avant
(CITERA), une formation accélérée.
Les « rôles » ou niveaux sanitaires
L’OTAN répartit les structures médicales en quatre niveaux
appelés « rôles ». Le service de santé français est parmi les rares au sein
de l’Alliance atlantique à pouvoir déployer de façon autonome des
structures dans chacune des catégories, en application du contrat
opérationnel qui lui est fixé :
Rôle
1
: médicalisation de l’avant. Il s’agit des postes de secours
intégrés aux unités déployées. L’équipe médicale (un médecin, un
infirmier et cinq brancardiers-secouristes) dispose d’un lot de projection
initial qui lui permet de soutenir 150 hommes pendant quinze jours.
Rôle
2
: antenne chirurgicale (avec bloc opératoire) au plus près
des troupes.
Rôle
3
: groupement ou hôpital militaire de campagne (GMC). Le
groupement peut être en dur ou sous structure en toile. Il peut être installé
sur un navire. Un hôpital de ce type est actuellement déployé à Kaboul.
Les installations des rôles 2 et 3 permettent le tri et le traitement
des blessés (réanimation, chirurgie)
Rôle 4
: hôpitaux militaires de métropole, pour les traitements
lourds et de longue durée, après rapatriement sanitaire.
En moyenne annuelle, sur les cinq dernières années, le service de
santé des armées a déployé de l’ordre de 1.600 personnes et 30 équipes
chirurgicales pour l’ensemble des rotations et relèves.
En 2009, 1.350 personnes ont été déployées en opérations
extérieures sur l’ensemble de l’année, dont 109 réservistes, avec, en
permanence, un effectif présent de 410 personnes composant 1’hôpital
médico-chirurgical et une antenne médico-chirurgicale animées par un
total de 18 équipes chirurgicales sur l’année et 42 postes médicaux.
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EXTERIEURES
23
La carte des OPEX en 2009
18
1
3 PM
LICORNE
4 PM
1 ACA
EPERVIER
21 PM
1 HMC
PAMIR
1 PM
Fin 03/2010
MINURCAT
6 PM
DAMAN
4 PM
TRIDENT
7 Eq.Méd.
FAN
1 PM
BOALI
1 PM
EULEX
1 PM
HERACLES
33
38
18
29
34
32
30
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Équipes chirurgicales projetées en 2009
OPEX 2009
42 « role 1 »
2 « role 2/3 »
Source : service de santé des armées.
PM
: Poste médical; ACA
: Antenne chirurgicale ;
HMC
: hôpital médico-chirurgical
Parmi les multiples opérations, celle en Afghanistan est sans aucun
doute la plus exigeante pour le service de santé bien qu’il soit moins
sollicité que ses homologues américains et britanniques du fait de
l’implantation géographique des forces françaises, relativement moins
exposées jusqu’à présent. Entre 2003 et 2009, le service de santé des
armées a dû assurer le traitement et l’évacuation en France de 444 blessés
d’Afghanistan, contre 6.900 sur la période 2002-2009 pour son
homologue britannique. Sur la période 2002-2009, en se référant à la
nature des blessures, le « Defence Medical Service » britannique a pris en
charge 522 blessés graves, tandis que le service de santé des armées
devait en traiter 81 sur la période 2003-2009.
18) Les opérations EULEX et TRIDENT concernent le Kosovo, DAMAN le Liban,
HERACLES et PAMIR l’Afghanistan, BOALI la République centrafricaine,
MINURCAT la République centrafricaine et le Tchad, EPERVIER le Tchad,
LICORNE la Côte d’Ivoire; et la FAN (force d’action navale) concerne les opérations
maritimes dans l’Océan indien.
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24
COUR DES COMPTES
Le soutien du contingent français en Afghanistan
En 2009, les militaires français présents en Afghanistan
bénéficiaient d’un soutien sanitaire complet assuré par le service de santé
des armées, en coopération avec ses homologues de l’OTAN. Huit postes
de secours médicaux étaient implantés dans les unités et un hôpital
militaire permanent
installé à Kaboul. Le dispositif était complété par
une section de ravitaillement sanitaire commandée par un pharmacien des
armées.
De 2005 à 2009, l’hôpital français était le groupement médico-
chirurgical (GMC) de Camp Warehouse, situé à 9 km à l’est du centre de
Kaboul. Après le départ de l’hôpital militaire tchèque déployé sur
l’aéroport de Kaboul, l’OTAN a souhaité que la France assure le soutien
médico-chirurgical de tous les soldats de la région Centre et prenne le
contrôle de l’hôpital que l’Alliance construisait sur l’aéroport. Ainsi,
depuis le 8 juillet 2009, le service de santé français a fermé le GMC de
Warehouse pour assurer la direction de l’hôpital médico-chirurgical
(HMC) de Kaia ouvert à tous les soldats de la coalition basés en région
centre. La grande majorité des patients français sont traités dans cet
hôpital.
En 2009, sur 182 militaires français évacués médicalement vers
la France ou ayant bénéficié d’un rapatriement pour raison médicale,
158 ont été initialement pris en charge par la structure chirurgicale
française dont 83 depuis l’ouverture de l’hôpital médico-chirurgical sur
Kaia. Les autres ont été soignés dans d’autres structures de la coalition.
En 2009, la structure hospitalière française (GMC Warehouse
puis HMC Kaia) a réalisé 3.630 journées d’hospitalisation pour
426 interventions chirurgicales. Le taux moyen d’occupation des lits s’est
établi à 39 % sur l’année. 4.128 militaires de la coalition et 2.254 civils
afghans ont aussi été accueillis pour des consultations médicales.
B - L’absence d’indicateurs pour les délais d’évacuation
Le « National audit office » britannique (NAO) a étudié les soins
octroyés en opérations extérieures. Selon le rapport
19
, jusqu’à l’été 2009,
les normes britanniques comme celles de l’OTAN prévoyaient que le
délai d’acheminement d’un blessé entre le lieu de sa blessure et un hôpital
de campagne (rôle 2 ou 3) ne pouvait être supérieur à deux heures. La
norme OTAN a été renforcée et limite désormais ce délai à 90 minutes.
19) Treating injury and illness arising on military operations. 10 février 2010.
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25
Selon les travaux du NAO, en Afghanistan, les délais d’évacuation
des blessés britanniques sont inférieurs à la norme OTAN depuis la fin de
l’année 2006.
Temps moyen d’évacuation d’un blessé britannique par
les équipes d’évacuation britanniques en Afghanistan
jusqu’à l’hôpital de campagne
(en minutes)
04/2006
10/2006
10/2006
04/2007
04/2006
10/2007
10/2007
04/2008
04/2008
10/2008
10/2008
04/2009
Blessés graves
158
77
87
86
76
82
Tous blessés
160
96
103
94
90
84
Source : ministry of defence / National audit office (NAO)
Interrogé sur le respect de ces normes, le service de santé français
a indiqué qu’il ne disposait pas encore d’indicateur ou de statistiques sur
les délais d’évacuation vers un hôpital de campagne. Néanmoins, il a
affirmé que les standards de l’OTAN sont respectés et que les délais
d’évacuation sont souvent largement inférieurs à 90 minutes, sans
pouvoir produire de chiffres fiables. La nécessité de se conformer aux
standards de l’OTAN conduit au développement d’un registre des actes
techniques en opérations qui devrait être achevé selon le service de santé
des armées au deuxième semestre 2011.
S’agissant de l’évacuation des blessés graves vers la métropole, le
« National audit office » fait état d’un délai moyen de 41 heures pour les
blessés britanniques rapatriés au Royaume Uni entre avril et juin 2009. Là
encore, le service de santé ne dispose d’aucune statistique mais considère
que ce délai est inférieur pour la France, avec un nombre de blessés
concernés aujourd’hui plus limité.
C - Les opérations humanitaires
Le service de santé des armées est également impliqué dans les
opérations d’évacuation des ressortissants (par exemple au Liban à l’été
2006) et dans les opérations humanitaires (opération Beryx en 2004-2005
après le tsunami en Asie du sud-est, opération Bahral en 2006 après le
tremblement de terre au Pakistan ou plus récemment lors du tremblement
de terre à Haïti).
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26
COUR DES COMPTES
Le tremblement de terre à Haïti (12 janvier 2010)
L’état-major des armées a décidé immédiatement l’envoi d’un
navire (TCD Siroco) transportant notamment 2.000 tonnes de fret, des
hélicoptères et doté d’équipements hospitaliers (50 lits, 2 blocs
chirurgicaux). Le service de santé a préparé une antenne médico-
chirurgicale (AMC) composée de 30 personnes, susceptible d’être
déployée à terre et de s’appuyer sur les moyens du Siroco. Dans un
premier temps cependant, la France a donné la préférence au déploiement
d’une unité de la sécurité civile (ESCRIM). Celle-ci est en effet autonome
contrairement au service de santé qui doit faire appel aux armées pour son
propre soutien. Le service de santé des armées a en revanche une capacité
de relève et d’installation dans la durée.
L’antenne médico-chirurgicale du service de santé a finalement été
projetée le 19 janvier 2010, le retard étant dû à l’encombrement de
l’aéroport de Port au Prince. Elle a aussitôt travaillé au sein de
l’ESCRIM, doublant sa capacité chirurgicale. A l’arrivée du TCD Siroco,
parti de Dakar et passé par Fort de France, l’équipe du service de santé a
embarqué à son bord le 23 janvier pour poursuivre son action. Au total,
l’équipe du service de santé a procédé à 185 interventions chirurgicales
au profit de la population sinistrée d’Haïti (43 à bord du SIROCO et 142
au sein de l’ESCRIM).
II
-
Une très faible part des effectifs mobilisée en
opérations extérieures
A - Une participation globale limitée
Depuis 2005, en raison de la rotation des personnels déployés en
opérations extérieures – qui doivent être régulièrement relevés – le
service de santé a mobilisé jusqu’à 1.800 personnes par an. Cela ne
représente toutefois au maximum qu’environ 200 emplois équivalent
temps plein (ETP), soit 2,4 % des effectifs du service de santé
effectivement projetables.
La participation est variable selon l’arme et l’unité de rattachement
mais aussi par catégorie professionnelle. Elle est ainsi, en moyenne
annuelle, de 0,5 % pour le corps des officiers infirmiers, de 6,5 % pour
les vétérinaires et de 35 % pour les dentistes.
En moyenne, en 2009, moins d’une personne sur dix parmi celles
susceptibles d’être déployées est partie en OPEX.
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B - Un personnel hospitalier peu sollicité
Le nombre global des personnels hospitaliers déployés en OPEX
chaque année est limité. En 2009, sur un effectif de médecins hospitaliers
(hors
réservistes)
de
617
équivalents
temps
plein
(ETP),
19,15 équivalents temps plein seulement sont partis en opération
extérieure, soit 3 % du total. Pour le personnel paramédical hospitalier, ce
taux n’excède pas 1 % (66,64 équivalents temps plein sur un total de
4.688).
Pourcentage des praticiens des hôpitaux militaires (équivalents
temps pleins) partis en OPEX chaque année entre 2006 et 2009
Source : service de santé des armées
Parmi les médecins, l’effort est très inégalement réparti : il pèse
surtout sur les spécialistes en chirurgie orthopédique et viscérale. Ainsi,
entre 2002 et 2008
20
, sur les 128 chirurgiens ayant ces qualifications et les
110 anesthésistes-réanimateurs potentiellement disponibles pour partir en
opération extérieure
21
, 84 ne sont jamais partis (35 %) et 49 (20 %) ne
sont partis qu’une fois (c'est-à-dire deux mois ou moins en quatre ans).
Ces données témoignent que le service de santé des armées peut
sans difficulté remplir sa mission en l’état des opérations militaires
actuelles.
20) Les rotations sont organisées par cycles de quatre ans entre les différents hôpitaux
militaires.
21) Ce chiffre intègre des réservistes.
2006
2007
2008
2009
Médecins
4 %
5 %
4 %
3 %
Paramédicaux
1 %
2 %
2 %
1 %
Dont infirmiers de bloc
opératoire
4 %
5 %
5 %
5 %
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COUR DES COMPTES
III
-
L’adaptation à l’évolution des conflits
A - Les nouvelles conditions d’emploi des forces
Le service de santé doit aujourd’hui répondre aux nouvelles
conditions d’emploi des forces, notamment en Afghanistan où de petites
unités militaires sont détachées auprès des forces afghanes et se trouvent
nécessairement loin des postes de secours (structure de rôle 1 en
nomenclature OTAN). En 2006, l’armée de terre a considéré que la
formation de secouriste de combat traditionnellement dispensée aux
militaires du rang et aux brancardiers dans le cadre des centres
d’instruction santé de l’armée de terre (CISAT) n’était pas suffisante.
Il a donc fallu,
de facto
, se rapprocher du concept américain,
sensiblement différent du modèle français de médicalisation de l’avant,
qui prévoit un secours médical reposant non seulement sur le personnel
de soins, mais aussi sur les militaires eux-mêmes.
De nouveaux modules de formation ont été mis au point pour
former 600 militaires aux secours au combat. Le premier niveau doit
permettre aux soldats la maîtrise de gestes de secourisme avancé (mise en
posture de sécurité, hémostase externe, prise en charge d’un thorax
ouvert, injection de morphine sous-cutanée, apprentissage de la
description d’un blessé). Le second niveau autorise la pratique de gestes
de nature plus médicale (pose d’un garrot, cricotomie
22
, ventilation au
masque, perfusion, suture, pansement compressif…). Les conditions de
mise en oeuvre de ces gestes mériteraient d’être précisées dans une
directive pour garantir leur statut juridique.
Par ailleurs, les armées françaises, comme celles de leurs
principaux alliés, prennent de plus en plus en compte les troubles de
stress post-traumatique en opérations. L’intensification des combats en
Afghanistan a conduit à renforcer les procédures, en particulier dans
l’armée de terre, pour assurer un soutien psychologique des unités qui ont
été engagées dans les zones de combat. Un officier est formé dans chaque
unité à la « préservation de l’équilibre physique et mental du personnel »
et un psychologue de l’armée de terre est présent en permanence sur
chacun des théâtres d’opérations. En cas d’événement grave, la cellule
psychologique de l’armée de terre (CISPAT) intervient. Enfin, sur le
22) La cricotomie est une procédure d’urgence permettant de prévenir la désaturation
due à une obstruction des voies aériennes supérieures dans le cas où l’intubation et la
trachéotomie sont impossibles.
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modèle de ce qui est pratiqué par les armées canadienne et britannique, un
« sas de fin de mission » d’une durée de 48 heures a été instauré en
juin 2009, pour permettre une « décompression » des soldats avant leur
retour en métropole (évacuation du stress, baisse de la vigilance).
Le service de santé des armées, qui dispose d’importants services
psychiatriques dans ses hôpitaux, ne s’implique pas encore suffisamment
dans la détection et le suivi des troubles psychiques des militaires ayant
participé à des opérations, ce que traduit le développement de pratiques et
de services psychologiques propres à chaque armée.
B - Le transport des blessés
L’acheminement
sur
les
théâtres
d’opérations
de
certains
équipements médicaux, comme les scanners, n’est souvent pas considéré
comme prioritaire par les commandements en raison de leur volume et de
leur poids. Ces questions peuvent donner lieu à des frictions, mal vécues
par les médecins. Elles finissent par trouver une solution, mais il serait
souhaitable qu’une doctrine d’emploi précise soit établie.
Le rapatriement des blessés a toujours pu être assuré, mais le
service de santé s’est heurté à l’insuffisance des moyens aériens
disponibles. En effet, jusqu’en 2002, l’Etat n’avait pas la capacité de
rapatrier plus de deux blessés graves à la fois en utilisant les Falcon de la
flotte présidentielle dans une version médicalisée. Dans ces conditions, en
mai 2002, lors de l’attentat de Karachi contre les agents de la DCN, qui
avait fait quinze morts et douze blessés, la France a dû faire appel au
soutien de l’Allemagne qui a envoyé au Pakistan un Airbus médicalisé,
armé en permanence par la Bundeswehr.
Il a été décidé dès lors de développer un kit médicalisé, dénommé
« Morphée
23
» qui permet la médicalisation en quelques heures d’un
avion KC 135 de l’armée de l’air, avec toutes les capacités de réanimation
nécessaires. Selon le service de santé, ce délai n’est pas pénalisant car la
préparation des blessés avant une évacuation demande toujours plusieurs
heures. Le module Morphée, qui n’est entré en service qu’à la mi-2006,
soit quatre ans après l’attentat de Karachi, a été utilisé depuis à deux
reprises, au Kosovo et en Afghanistan, pour rapatrier vingt-deux blessés
pendant que trente-trois blessés étaient rapatriés en Falcon. Un deuxième
kit devrait, avec retard,
entrer en service en 2010 et améliorer les
capacités d’évacuation des blessés des armées françaises. Elles resteront
cependant nettement inférieures à celles de l’Allemagne (quatre Airbus
mobilisables, dont un équipé en permanence). Cette situation doit inciter
23) Module de réanimation pour patient à haute élongation d’évacuation.
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COUR DES COMPTES
les armées à mutualiser ces moyens lourds et coûteux avec leurs
partenaires dans les coalitions auxquelles elles participent.
Si les rapatriements peuvent désormais être assurés dans des
conditions satisfaisantes, il reste, en revanche, indispensable d’améliorer
les capacités nationales d’évacuation tactique des blessés des zones de
combats vers les antennes chirurgicales. L’armée de l’air manque des
hélicoptères et des équipages nécessaires pour assurer des délais d’alerte
courte. Ceci explique, à plusieurs reprises, le recours aux hélicoptères
américains en Afghanistan. Le
délai d’alerte de l’armée américaine y est
de 15 minutes le jour et 30 minutes la nuit quand celui de l’armée
française est le double.
C - La mutualisation avec les alliés
La coopération avec les autres armées engagées dans les opérations
multilatérales – soit les trois quarts des opérations où sont engagées les
armées françaises – apparaît indispensable. La relative rareté du
personnel militaire de santé au sein des nations alliées, le faible niveau de
l’activité du personnel de santé en opérations et le coût des moyens
mobilisés y incitent.
Des coopérations existent, en particulier avec les Américains et les
Allemands. On le voit en Afghanistan (opération
Héraclè
s) comme on l’a
vu en République démocratique du Congo (opération
Benga
de juin à
décembre 2006 avec l’Allemagne). En Afghanistan, l’OTAN n’impose
aux pays participants que de posséder leur propre rôle 1, sauf entente
particulière entre deux pays. Les rôles 2 et 3 sont en revanche organisés
en coopération entre les nations, au niveau des cinq grandes régions
définies par l’Alliance
24
.
Plus marginalement, d’autres coopérations sont développées, avec
la Belgique au Liban (alternance du personnel français et belge dans la
structure sanitaire de campagne belge déployée) ou avec l’Italie au Tchad
(en 2008).
Ces coopérations opérationnelles ne donnent cependant pas lieu à
de vraies mutualisations, sauf avec l’Allemagne. Dans ce dernier cas, les
services de santé des deux pays disposent des mêmes « boîtes
neurochirurgicales », du même cahier des charges, du même fournisseur
d’oxygène à 93%, des mêmes « plateformes d’intervention » et d’une
24) On dénombrait ainsi en juillet 2009 au titre du rôle 3 un hôpital américain à
Bagram, un hôpital anglo-canado-néerlandais à Kandahar et au titre du rôle 2+ un
hôpital anglais à Camp Bastion, un hôpital allemand à Mazar El Sharif et l’hôpital de
Warehouse tenu par la France.
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31
liste commune de médicaments, afin de faciliter leur intégration. Des
accords ont aussi été conclus en matière de transfusion sanguine. Enfin,
l’équipement médical de l’hélicoptère NH 90 devrait être identique dans
les deux versions de l’appareil.
Les armées manifestent encore une certaine réticence de principe
en évoquant les différences de conception du soutien santé entre les
différents pays et un risque de perte d’autonomie. L’insertion des forces
françaises dans des dispositifs multinationaux et les contraintes
opérationnelles et médicales doivent amener à vaincre ces réticences.
D - L’activité civilo-militaire
Sur tous les théâtres d’opérations où il est engagé, le service de
santé des armées apporte une aide médicale aux populations locales.
Celle-ci est un élément essentiel de l’action civilo-militaire des armées
qui vise à favoriser l’acceptation des troupes étrangères par les
populations. Cette activité permet aussi de maintenir une activité
suffisante du personnel de santé pour éviter leur déqualification et leur
démotivation, les interventions au profit des militaires français étant,
heureusement, en règle générale, peu nombreuses
25
.
Le développement de l’activité au profit des populations locales se
heurte à plusieurs contraintes:
-
la priorité doit être donnée aux besoins des forces et le service de
santé a des contraintes budgétaires qui s’imposent aussi à la
consommation des articles des dotations des formations sanitaires,
-
il peut y avoir des enjeux de sécurité liés à l’accueil des populations
locales dans une enceinte militaire,
-
il faut préserver les structures sanitaires locales, souvent moins
équipées, d’une « concurrence » qui peut être destructrice alors
qu’elle n’est que provisoire. Le service de santé est confronté en ce
domaine aux mêmes problématiques que les organisations non
gouvernementales.
25
)
Il n’y a eu ainsi en 2008 que 159 interventions chirurgicales au profit de militaires
français en opération, soit moins de
5 % du total de l’activité des structures médico-
chirurgicales déployées à l’étranger. Entre 2003 et 2008, sur 5.258 patients opérés,
seuls 492 étaient des militaires français.
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Une plus grande implication des équipes médico-chirurgicales
militaires françaises au profit des populations locales semble pourtant
souhaitable et possible. En effet, l’activité générale des équipes reste très
faible sur les théâtres d’opérations : de moins d’une intervention par jour
(un acte tous les trois jours au Liban) à un peu plus de trois interventions
par jour au Tchad. Le recueil d’informations sur ces activités est très
imparfait et il ne permet pas de les qualifier en termes de gravité et de
temps passé. Il est clair cependant que les capacités sont nettement sous-
utilisées : une note du service de santé précise qu’une équipe chirurgicale
est déployée pour pouvoir réaliser six interventions chirurgicales par jour,
chiffre qui est loin d’être atteint.
L’action civilo-militaire devrait donc faire l’objet d’une politique
mieux définie. Les dotations sanitaires envoyées dans les opérations
extérieures devraient être mieux adaptées aux besoins observés sur le
terrain, notamment en matière pédiatrique. En effet, 25 % des
interventions pratiquées sont, selon le service de santé, réalisées au profit
des enfants.
Le cas particulier de l’hôpital Bouffard de Djibouti
Le service de santé des armées entretient à Djibouti le groupe
médico-chirurgical Bouffard au profit des 3.000 militaires français basés
dans cette République. Ce véritable centre hospitalier permanent, « en
dur », de 56 lits, est le dernier des hôpitaux militaires actifs outre-mer.
Avec un budget annuel de plus de 16 millions d’euros, il emploie
79 militaires (dont 45 permanents) et 75 civils de recrutement local. Il a
produit près de 12.000 journées d’hospitalisation en 2008, soit un taux
d’occupation des lits faible (54 %), comparable néanmoins à celui des
hôpitaux militaires de métropole.
L’hôpital Bouffard consacre 20 % de son activité au soin des
militaires français et de leurs familles. La plus grande partie est
remboursée par la caisse de sécurité sociale militaire. 16 % de l’activité se
font au profit des civils djiboutiens qui peuvent payer le tarif « adapté »
mis en place en 2004 mais qui n’est que faiblement recouvré
(0,35 million d’euros sur 1,7 million d’euros effectivement facturés,
correspondant à une activité dont le coût réel est estimé à 2,6 millions
d’euros).
Le solde reste à la charge du service de santé qu’il s’agisse de
l’activité de l’hôpital consacrée aux
forces armées djiboutiennes et de
leurs familles qui sont soignées gratuitement (50 %) ou réalisée au profit
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de la population civile djiboutienne qui ne peut payer le tarif adapté
(14 %).
L’hôpital Bouffard est donc avant tout une structure de coopération
civile et militaire, qui s’inscrit dans un protocole diplomatique et
financier entre la France et Djibouti
26
. L’aide civilo-militaire réalisée au
profit de la population civile djiboutienne est comptabilisée dans la
contribution annuelle totale versée au gouvernement djiboutien. En
revanche, les soins fournis gratuitement aux militaires et gendarmes
djiboutiens et à leurs familles ne sont pas pris en compte, ni même portés
à la connaissance des autorités djiboutiennes alors qu’ils peuvent être
valorisés à plus de 8 millions d’euros.
Le service de santé des armées ne doit pas supporter l’ensemble
des coûts de fonctionnement de cette structure. D’un point de vue
militaire en effet, un simple centre médical interarmées « renforcé »,
réservé aux seuls militaires français et à leurs familles, pourrait suffire.
Dès lors, les charges correspondant aux soins pour les militaires
djiboutiens devraient faire l’objet d’une convention de remboursement
avec le ministère français des affaires étrangères, en raison de la
dimension exclusivement politique de cette action. Les charges
supportées au profit de la population civile djiboutienne (plus de
4,5 millions d’euros) pourraient faire l’objet d’une déclaration pour le
calcul de l’aide publique au développement.
26) Cf. Protocole provisoire du 27 juin 1977 fixant les conditions de stationnement
des troupes françaises après l’indépendance de Djibouti et convention franco-
djiboutienne du 3 août 2003 relative à la situation financière et fiscale des forces
françaises à Djibouti.
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34
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______________________
CONCLUSION
_____________________
Conçu pour assurer un soutien santé de la meilleure qualité
possible aux troupes engagées en opérations extérieures, le service de
santé des armées remplit aujourd’hui cette mission essentielle de manière
satisfaisante. Les moyens humains et matériels, prévus par le contrat
opérationnel, sont réunis. La pression des opérations extérieures (OPEX)
sur le personnel reste assez faible compte tenu des moyens qui ont été
dimensionnés pour faire face à des engagements militaires plus
importants.
Le service de santé s’est adapté, à la demande des armées, aux
nouvelles conditions d’emploi des forces, notamment en Afghanistan, en
formant mieux les militaires aux gestes de première urgence. Il devrait
cependant davantage s’impliquer dans la mise en oeuvre des modules
d’appui psychologique aux militaires.
Les principales difficultés relevées sont relatives aux moyens mis à
disposition par les armées, en particulier le manque d’hélicoptères
indispensables aux évacuations tactiques, auxquelles toutefois remédie
l’insertion dans les coalitions. Il serait souhaitable que le service de
santé soit en mesure de rendre compte des délais d’évacuation des
blessés et de leur conformité aux normes de l’OTAN.
Les médecins militaires sont employés également pour des
opérations humanitaires au profit des populations civiles et, surtout, au
quotidien, dans le cadre des opérations civilo-militaires des armées. Sur
ce dernier point, les capacités et les savoir-faire des médecins des armées
demeurent sous-utilisés.
S’agissant de l’hôpital Bouffard de Djibouti, il pourrait bénéficier
d’un financement partagé avec le ministère des affaires étrangères
compte tenu de son rôle auprès des populations locales et son activité
doit être pleinement valorisée, au plan politique comme au titre de l’aide
publique au développement.
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Chapitre III
La médecine d’unité
I
-
Une activité peu adaptée aux priorités
opérationnelles
La raison d’être de la médecine d’unité, en métropole, outre-mer et
dans les forces pré-positionnées
27
, est d’assurer le soutien santé au
quotidien des militaires, de conseiller le commandement, de participer à
la préparation opérationnelle des troupes et de servir de « réservoir » pour
fournir le personnel médical et paramédical qui assure le « rôle 1 » en
opération.
Dans la pratique, l’activité de soins de médecine générale et
d’expertise médicale est le plus souvent modeste. Par ailleurs, la
médecine d’unité recouvre d’autres activités (soins aux familles,
médecine du travail), dont l’articulation avec les missions de base doit
être clarifiée.
A - La mission des médecins et infirmiers
Les médecins et infirmiers militaires des services médicaux
d’unité sont présents sur les bases militaires des différentes armées, à
bord des navires et dans les écoles militaires.
27) Les forces pré-positionnées désignent les bases françaises présentes en
permanence en Afrique (Sénégal, Djibouti et Gabon à ce jour) et à Abu Dhabi.
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36
COUR DES COMPTES
D’autres praticiens interviennent également dans le soutien des
forces, au bénéfice des patients (dentistes) ou de la collectivité militaire
(par exemple le contrôle sanitaire de l’alimentation et de l’eau par les
vétérinaires). Ces praticiens sont regroupés dans les secteurs dentaires et
vétérinaires rattachés aux six directions régionales du service de santé des
armées (DRSSA) qui pilotent le dispositif.
Toutes ces personnes ont vocation à accompagner les troupes en
opérations extérieures et à assurer un soutien santé au plus près du feu
(postes de secours de rôle 1). Le caractère opérationnel de la médecine
d’unité n’est toutefois pas limité aux missions en opérations extérieures.
Ainsi, en métropole, les services médicaux d’unité soutenant les
compagnies de gendarmerie mobile, le GIGN, la Brigade des sapeurs-
pompiers de Paris ou des marins-pompiers de Marseille peuvent être
considérés comme opérationnels en permanence.
Au total, le coût de la médecine d’unité représente près de
330 millions d’euros, c'est-à-dire le quart des dépenses du service de
santé des armées, répartis entre 220 millions d’euros au titre du
fonctionnement des services médicaux d’unité (rémunérations et charges
sociales du personnel) et 110 millions d’euros au titre des directions
régionales (charges de personnel, mais aussi charges de fonctionnement
et investissement de l’ensemble du dispositif).
B - L’activité médicale
Le personnel de santé placé dans les forces a des tâches spécifiques
qui ne permettent pas de le comparer directement à ses confrères civils de
médecine
générale
(conseil
au
commandement,
administration,
préparation opérationnelle personnelle, etc.).
Le suivi de l’activité des services médicaux a été jusqu’à présent
très médiocre. Ceci devrait cependant s’améliorer avec la mise en place
du logiciel de suivi d’activité unique intitulé SISMU. Lancé en 2007, le
projet d’équipement s’est achevé fin 2009 en métropole. Il sera étendu à
l’outre-mer et aux forces pré-positionnées en 2010 et aux opérations
extérieures en 2011.
Sous ces deux réserves générales, l’activité déclarée par le
personnel et recensée par les directions régionales est faible. Un médecin
d’unité effectue entre 1.400 et 1.800 consultations médicales par an :
environ 900 consultations de soins, une vingtaine de soins d’urgence et
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37
environ 800 consultations d’expertise
28
par an. Ramené à 220 jours
d’activité annuelle effective (hors opérations extérieures), chaque
médecin d’unité effectue seulement 6 à 7 consultations médicales (soins
et expertise) par jour, qui occupent entre la moitié et les deux tiers de son
temps de travail
29
. Près des trois quarts des consultations de soins se font
pour des motifs ne relevant pas du service.
Les dentistes affectés dans les armées (une quinzaine
30
), qui
travaillent essentiellement dans le cadre de la médecine d’aptitude
(60 % de leur activité), n’ont effectué en 2008, qu’une dizaine d’actes par
jour. Le service de santé n’a pas défini de politique claire sur l’emploi de
ce corps créé en 2000, après la suspension du service national, pour
disposer de praticiens militaires aptes à partir en opérations extérieures.
Leur activité de prévention est également faible (moins de 10 % des
actes), ce qui est regrettable compte tenu de l’impact que peuvent avoir de
simples problèmes dentaires en opération extérieure.
Les dix-sept vétérinaires employés dans les directions régionales
partagent leur temps de travail entre les contrôles d’hygiène des locaux et
de la qualité sanitaire de la nourriture et de l’eau, les expertises et la
médecine vétérinaire. Ils effectuent en moyenne cinq actes de médecine
vétérinaire et un contrôle ou une expertise par jour de travail en
métropole, sachant qu’ils sont par ailleurs parmi les agents qui partent le
plus en opérations extérieures (63 jours chacun en moyenne chaque
année).
C - La préparation opérationnelle
Les enquêtes réalisées par le service de santé des armées montrent
que la médecine la plus opérationnelle, directement utilisable en
opérations, occupe une faible part de l’activité des équipes.
28) Elles comprennent les examens d’expertise et de suivi du maintien des aptitudes
réalisés pour tous les personnels, avec des examens spécifiques pour certains emplois
(plongée, parachutisme, navigation, sports…etc). S’y ajoutent les examens médicaux
liés à la mise en condition pour le départ en opération extérieure.
29) Les statistiques relatives à l’activité des infirmiers, encore moins fiables, doivent
être manipulées avec précaution. Selon ces statistiques, il semble que les actes
infirmiers (soins et vaccinations) oscillent entre 3 et 13 par jour.
30) Vingt-cinq autres sont dans les hôpitaux.
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Les principales activités des services médicaux d’unité
(En % de l’activité totale des services médicaux d’unité)
Directions
régionales du Service
de santé
St Germain
en Laye
Metz
Lyon
Toulon
Bordeaux
Brest
Médecine de soins
32,7%
31%
35%
31%
48%
53,7
Médecine d’expertise
36,9%
38%
45%
25%
34%
25,3
Administration
12,0%
10%
21%
6%
Autres *
18,4%
31%
10%
23%
12%
20,9
* Cette rubrique comprend notamment le conseil au commandement, la surveillance de
l’hygiène des locaux, le suivi des manoeuvres ou la préparation-formation militaire
personnelle (6 à 8 heures par mois).
Source : service de santé des armées
Au sein de la médecine de soins, les actes d’urgence sont rares :
une vingtaine par an en moyenne, sur un total maximum de 900
consultations de soins (souvent moins). Par ailleurs, les médecins d’unité
participent peu aux gardes d’urgence dans les hôpitaux militaires, souvent
en raison de l’éloignement géographique
31
. Et si certains prennent part à
des gardes d’urgence dans les hôpitaux civils locaux ou les SAMU, c’est
dans le cadre d’une démarche volontaire peu valorisée jusqu’à présent par
le service de santé. L’absence de politique organisée dans ce domaine est
regrettable car ce type d’activité a une grande utilité dans le cadre de la
préparation aux OPEX.
L’organisation actuelle de la médecine d’unité, largement héritée
de l’armée de conscription qui s’est éteinte à la fin des années 90, ne peut
donc pas être considérée comme optimale pour répondre aux exigences
opérationnelles des armées françaises.
31) A titre d’exemple, sur 150 médecins d’unités de la région « Saint Germain en
Laye », seuls 19 ont effectué des gardes en 2008. Les proportions sont identiques dans
les autres régions.
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D - Les soins ne relevant pas de la défense
Les bénéficiaires des consultations de soins, prises sans rendez
vous – ce qui ne facilite pas l’organisation des services – sont les
militaires d’active ou de réserve mais aussi les ayants droit figurant dans
la liste du décret 2005-1441 du 22 novembre 2005 : élèves des
établissements militaires, jeunes gens effectuant une préparation militaire,
militaires des armées étrangères servant dans une formation du ministère
de la défense et, «
sous réserve que ces personnels aient obtenu
satisfaction
», les conjoints et personnes à charge des militaires ainsi que
les personnels civils de la défense et leurs familles. Les retraités ne sont
plus, en revanche, considérés comme ayants droit.
Les consultations au profit des familles se sont élevées à plus de
34.000 en 2009 (+14 % par rapport à 2008). Les deux tiers sont
concentrés outre-mer et dans les forces pré-positionnées, en particulier à
Djibouti (7.000) et Dakar (4.000). Si les insuffisances des réseaux
sanitaires locaux peuvent justifier ces pratiques dans certains pays, ce ne
saurait être le cas dans les départements et autres collectivités
d’outre-mer.
Cette activité pose deux problèmes de natures différentes :
-
les consultations sont certainement utiles pour le maintien d’une
compétence généraliste des médecins. Elles ne forment cependant pas
ou peu aux urgences qu’un médecin ou un infirmier rencontrera en
opération (en métropole, un médecin d’unité n’effectue qu’une
vingtaine d’actes de ce type par an) et elles prennent du temps qui
pourrait être utilisé à une préparation plus opérationnelle, notamment
dans le cadre de gardes hospitalières d’urgence ;
-
tous les militaires et leurs ayants droit continuent d’être soignés
totalement gratuitement, en dépit de la recommandation qui avait été
émise par la Cour en 2002, alors que près des trois quarts des
consultations n’ont aucun lien avec le service. En retenant comme
base de calcul le montant des honoraires perçus par un médecin
généraliste pour une consultation au cabinet médical (22 euros), le
manque à gagner du service de santé peut être évalué à près de
10 millions d’euros
32
.
32) 34.000 consultations des familles de militaires = 748.000 euros. 71 % des 576.000
consultations des militaires et ayants droit (hors familles) l’ont été pour des motifs
autres que de service, soit 409.000 consultations = 8 ,9 millions d’euros.
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L’organisation de la médecine d’unité doit être avant tout pensée
au regard de ses objectifs opérationnels. La médecine d’unité est là pour
garantir la sécurité sanitaire des soldats, les préparer aux opérations et
entrainer les médecins et les infirmiers. Les consultations pour raisons ne
relevant pas du service sont utiles mais elles ne devraient intervenir qu’en
complément d’activité. Elles ne sauraient être justifiées par le fait qu’elles
relèvent de « la condition du militaire ».
Par ailleurs, la facture des soins « à charge » en médecine générale
civile (examens liés à des expertises, mais aussi soins liés à des accidents
du travail, effectués hors du service de santé des armées) a tendance à
croître. La Cour note les efforts du service de santé pour limiter cette
dérive, dans la limite des conditions légales (libre choix du médecin par le
patient) mais, en 2008, le ministère de la défense a dû régler plus de
10 millions d’euros de frais engagés dans le système civil de soins. La
Cour souligne le paradoxe entre cette évolution coûteuse pour le service
et le maintien d’une activité de soins sans lien avec le service et pourtant
gratuite. Il est donc souhaitable que le ministère de la défense réexamine
sa position sur la non facturation de ces soins, étant entendu que les
patients seraient bien entendu remboursés selon les règles de la sécurité
sociale.
E - La place de la médecine de prévention
Depuis le 1
er
janvier 2005, le service de médecine de prévention du
ministère de la défense est placé sous la tutelle du service de santé des
armées. Pour les militaires, la médecine de prévention se confond avec le
suivi général assuré par les médecins d’unité dans le cadre des visites
d’aptitude.
Le suivi de la très grande majorité du personnel civil et d’une
partie des militaires (par exemple pour ceux qui travaillent en
administration) est assuré par les 76 centres de médecine de prévention et
les 59 services de santé au travail. L’essentiel des personnes qui
travaillent dans ces centres sont des contractuels civils (18) ou des
salariés (103) d’entreprises avec lesquelles des contrats de service ont été
passés.
Le coût de la médecine de prévention est passé de 2,45 millions
d’euros en 2005 à 3,17 millions d’euros en 2008 (+ 30 %) alors que
l’activité a diminué (-14,5 % d’actes médicaux), faisant passer le coût
moyen d’un acte de médecine du travail de 28 à 43 euros en trois ans
(+53 %). Il revient au service de santé de réexaminer les contrats qui ont
été passés pour mieux lier la rémunération des contractuels à l’évolution
réelle de l’activité et mettre fin à un tel effet de ciseau.
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41
A plus long terme, il est souhaitable que le ministère engage une
réflexion sur le rôle exact que les médecins militaires doivent jouer en
matière de médecine du travail et d’aptitude, en particulier dans le cadre
de la mise en place des bases de défense. Deux options paraissent
envisageables :
- au regard de l’activité réelle constatée des médecins d’unité, le
ministère pourrait envisager dans une logique financière de confier
l’ensemble de la médecine du travail aux médecins militaires dont il
dispose actuellement ;
- à l’inverse, un recentrage de l’activité des médecins d’unité sur le
coeur de métier opérationnel, qui parait plus conforme à la mission de la
médecine militaire, pourrait plaider pour un transfert le plus large
possible de la médecine du travail, voire d’aptitude, à la médecine civile,
permettant de disposer à l’avenir d’un moins grand nombre de médecins
d’unité, mais davantage concentrés sur leur pratique opérationnelle.
II
-
La rationalisation inachevée du dispositif
A - Le nombre de services médicaux
A la fin de l’année 2009, les services médicaux d’unité étaient au
nombre de 286 en métropole, 20 dans les départements et autres
collectivités d’outre-mer (DOM-TOM) et 10 auprès des forces pré-
positionnées au Sénégal, au Gabon, à Djibouti et dans les Emirats arabes
unis, soit un total de 316.
Cet éparpillement entre de multiples unités de petits services
médicaux explique sans doute en partie la faible productivité observée. La
création en métropole des bases de défense devrait permettre de mieux
faire travailler des équipes médicales regroupées dans des centres uniques
desservant une plus grande population de militaires.
Le processus pourrait être cependant retardé par des réticences
culturelles : de nombreux médecins expriment leurs craintes - comme
leurs chefs de corps - d’être trop « coupés » de leur régiment, avec des
conséquences opérationnelles négatives non négligeables (moindre
connaissance des hommes, moindre relation de confiance avec le
commandement).
Le coût de ces regroupements, dont la mise en oeuvre nécessite des
investissements importants, pourrait constituer un frein beaucoup plus
important encore. A titre d’exemple, la construction du nouveau centre
médical de la base de défense expérimentale de Brest, inauguré début
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COUR DES COMPTES
2008 – et qui ne couvre que la base navale – a coûté 5,5 millions d’euros.
Le service de santé des armées a retenu que le coût d’accompagnement de
la mutualisation de la médecine d’unité devrait être de 21 millions
d’euros. A ce jour, cet effort n’est pas budgété avant 2012, sauf pour
Djibouti en 2011.
L’effort
entrepris
en
métropole
doit
impérativement
être
accompagné d’un processus de rationalisation du dispositif déployé outre-
mer et dans les forces pré-positionnées. Le service de santé l’a engagé en
2009, en créant plusieurs centres médicaux interarmées, ce qui a permis
de réduire de 30 % le nombre de services médicaux d’unité ouverts, se
rapprochant ainsi des prescriptions du contrat opérationnel (30 au lieu
de 28). Il y a désormais un service médical pour 745 hommes (1.225
hommes en métropole) et 3,8 médecins pour mille hommes (2,3 en
métropole). Cette « surmédicalisation » n’est que partiellement justifiée
par l’intensité de l’activité des troupes (en Guyane par exemple, où les
troupes effectuent des stages en forêt très éprouvants physiquement) ou
par les carences du système de santé local en Afrique qui pousse les
familles des militaires à se soigner dans les services médicaux d’unité.
Par
ailleurs,
les
directions
d’outre-mer
comprennent
proportionnellement trop de personnel administratif en comparaison avec
la métropole. Alors que le ratio «
personnel administratif / effectifs totaux
de la direction
» est d’un peu plus de 11 % en métropole, il est en
moyenne de plus de 24 % outre-mer où il peut aller jusqu’à 36 %
(Antilles). Ce surdimensionnement administratif traduit des effets de seuil
et doit conduire à s’interroger sur la nécessité de disposer de tous les
services administratifs dans de petites directions. Ces directions assurent
la couverture santé de 6 % des militaires français et représentent plus du
quart du budget de fonctionnement de l’ensemble des directions
régionales. Une rationalisation devrait donc être engagée sans tarder en
réduisant le personnel administratif déployé outre-mer au strict minimum
(en transférant le maximum de la gestion aux directions métropolitaines
ou en la mutualisant avec les autres structures du ministère de la défense)
et en regroupant les services médicaux d’unité. La création de centres
médicaux interarmées outre-mer devrait donc être considérée comme une
priorité.
B - La poursuite de l’interarmisation
Le service de santé est institutionnellement un service interarmées.
Mais, dans la pratique, le personnel médical et paramédical inséré dans
les forces restent très attachés à l’armée dans laquelle ils ont été affectés à
la sortie de l’école. La direction du service travaille par conséquent à
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l’interarmisation effective qui permettrait de renforcer l’autorité du
service sur son personnel. Ceci conduirait à développer la polyvalence et
la mobilité du personnel, afin de gagner en réactivité opérationnelle.
L’interarmisation doit également permettre de mutualiser des moyens très
dispersés et de répondre aux exigences de la revue générale des politiques
publiques (RGPP) qui a prévu une économie de 184 emplois temps plein
(ETP) dans le soutien des forces (hors ravitaillement), soit 40 % de
l’effort demandé au service de santé.
Les principales mesures ont été prises en 2005 avec la création des
six directions régionales métropolitaines en lieu et place des chefferies et
directions régionales précédentes qui étaient placées dans la dépendance
de leurs armées de rattachement. Cela a permis de renforcer l’autorité des
directeurs régionaux sur l’ensemble du personnel médical de la région :
ils sont les interlocuteurs des commandants de région militaire pour leur
emploi. Ils allouent les moyens de fonctionnement nécessaires aux
différents services médicaux d’unité
33
. La création des secteurs
vétérinaires et dentaires, dans les directions régionales, a également
permis une mutualisation des moyens.
La réforme de 2005 a cependant été incomplète.
Elle n’a pas été conduite outre-mer et dans les forces pré-
positionnées où les sept directeurs interarmées restent placés sous
l’autorité du commandant supérieur ou du commandant des forces
34
et
non sous l’autorité du directeur central du service de santé.
En métropole, les directeurs régionaux n’ont pas d’autorité
hiérarchique directe sur le personnel des services médicaux d’unité.
Tout infirmier, sélectionné par une armée avant son entrée à
l’école du service de santé de Toulon, reste sous-officier de cette armée
pendant toute sa scolarité. Il n’intègre le corps interarmées des militaires
infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) qu’après
l’obtention de son diplôme d’Etat et doit effectuer les six premières
années de service dans son armée d’origine. S’agissant des médecins, il
n’y a plus d’obstacle statutaire de cette nature. Mais, en réalité, alors que
les deux tiers des postes de médecins d’unité peuvent être considérés
comme indifférenciés
35
, la mobilité inter-armée reste marginale. Les
obstacles « culturels » restent forts. La forte dispersion des services
33) Les armées mettent à disposition les locaux. Les moyens médicaux nécessaires
(matériels, médicaments…) sont alloués par les directions régionales.
34) Instruction militaire IM 946 DEF/EMA du 24 mai 1996 inchangée.
35) Un tiers des postes requiert, en revanche, une forte spécialisation qui limite la
mobilité, qu’elle soit professionnelle (par exemple : médecine aéronautique) ou
militaire (par exemple : médecin sous-marinier de la force océanique stratégique).
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médicaux dans les garnisons entraîne aussi une forte autorité des chefs de
corps sur les médecins. La mise en oeuvre des bases de défense devrait
permettre d’accentuer le processus d’interarmisation en mutualisant une
partie des moyens aujourd’hui dispersés dans les services médicaux
d’unité et en les plaçant sans ambiguïté sous l’autorité directe des
directeurs régionaux du service de santé. Il est cependant vraisemblable
que certaines unités garderont « leurs » services médicaux en raison de
leurs
spécificités
(légion
étrangère,
force
océanique
stratégique,
notamment).
______________________
CONCLUSION
_____________________
Le dispositif de santé des armées est soutenu par un socle médical
permanent en métropole et outre-mer. Ce dispositif doit être resserré. La
rationalisation des services médicaux d’unité doit être engagée dans le
cadre de la création en métropole des bases de défense et poursuivie pour
les unités d’outre-mer et des forces pré-positionnées. Ceci doit permettre
un accroissement de la productivité du personnel affecté et donc un
entrainement médical plus soutenu.
L’activité du personnel médical et paramédical des services
médicaux d’unité n’apparaît pas organisée pour répondre de façon
optimale aux exigences opérationnelles. Hormis pour une minorité
d’équipes engagée dans des troupes très opérationnelles, l’activité
quotidienne est faite de soins « de routine », d’examens médicaux liés à
l’aptitude et d’une grande quantité d’actes administratifs. Une
implication plus forte dans les services d’urgences est une nécessité.
Les médecins et les infirmiers d’unité sont une ressource rare et
chère. La priorité doit aller à garantir une compétence opérationnelle la
plus élevée possible, quitte à les dégager de certaines fonctions. Elle
invite le ministère de la défense à élargir la réflexion déjà initiée dans le
cadre du renforcement de l’inter-armisation et de la mutualisation
permise par les nouvelles bases de défense, pour redéfinir avec précision
les missions exactes de ces équipes. Leur plus forte implication dans les
services civils d’urgence doit être une priorité.
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Chapitre IV
Les hôpitaux d’instruction des armées
Les hôpitaux du service de santé, qui disposent de près de
2.700 lits, ont réalisé 560.000 journées d’hospitalisation en 2009. Dotés
d’un budget global de l’ordre de 800 millions d’euros, ils emploient
8.400 personnes, dont 677 médecins.
Principaux chiffres relatifs aux hôpitaux d’instruction des armées (2009)
(dépenses en millions d’euros)
Source : service de santé des armées
Lits
Journées
d’hospitalisation
Effectif total
(en ETP)
Médecins
(en ETP)
Dépenses
R. Picqué – Bordeaux
240
48.058
835
67
72,6
Clermont-Tonnerre –
Brest
215
51.739
721
59
63,4
Percy- Clamart
390
72.870
1.160
96
118,9
Desgenettes – Lyon
289
68.826
844
66
75,1
Laveran – Marseille
310
64.575
869
74
73,9
Legouest -Metz
221
40.834
768
54
64,4
Val de Grâce – Paris
358
78.581
1.052
81
102,4
Begin –Saint Mandé
309
55.403
970
84
89,3
Sainte Anne –Toulon
350
81.919
1.185
96
120,8
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46
COUR DES COMPTES
Sur un plan budgétaire, outre la contribution du ministère de la
défense, le financement des hôpitaux militaires repose, sur une
contribution de l’assurance maladie de 416 millions d’euros en 2009 liés
aux soins réalisés au bénéfice des patients civils, soit plus de 50 % de leur
budget.
Sur un plan opérationnel, les hôpitaux militaires doivent maintenir
leur personnel médical «
à un haut degré technique par un volume
d’activité suffisant
». Cette mission, essentielle pour la qualité du soutien
santé apportée aux forces, passe par un volume de soins suffisant et
diversifié.
I
-
La mission militaire des hôpitaux des armées
Les hôpitaux militaires assurent la formation et l’entraînement du
personnel médical et paramédical, délivrent des soins aux militaires au titre
des accidents de service (soins à charge) et apportent un soutien aux
services médicaux d’unité dans leur travail d’expertise (examens médicaux
spécialisés complémentaires). Dans le cadre des opérations extérieures ou
en temps de guerre, les hôpitaux militaires fournissent des équipes
chirurgicales et des spécialistes qui sont envoyés sur les théâtres
d’opérations. Ils accueillent les blessés rapatriés (rôle 4). Leur format est
déterminé par le contrat opérationnel.
A - Le respect du contrat opérationnel
1 -
Les besoins
Le contrat opérationnel prévoit que le service de santé doit pouvoir
fournir 29 équipes chirurgicales en opération (dont une embarquée dans la
marine) et maintenir 18 équipes chirurgicales « socles » en soutien pour le
rôle 4 dans les hôpitaux militaires (plus une à l’hôpital Bouffard de
Djibouti). Ces 48 équipes chirurgicales doivent permettre de faire face à
une hypothèse maximale de 0,8 % de blessés quotidiens sur la base des
30.000 + 5.000 hommes projetables, soit 280 opérations par jour. Une
équipe chirurgicale peut assurer six interventions par jour.
En plus des chirurgiens (en chirurgie orthopédique et viscérale) et
des anesthésistes réanimateurs constituant les 48 équipes chirurgicales, le
contrat opérationnel exige que le service de santé puisse disposer de
praticiens dans diverses spécialités nécessaires au soutien direct du
combattant blessé, à la coopération civilo-militaire et à l’aide aux
populations : neurochirurgiens, urologues, ophtalmologues, chirurgiens
spécialistes de la face, pédiatres et gynécologues-obstétriciens.
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47
Les critères d’inscription des spécialités dans ou hors contrat
opérationnel ne sont pas explicités. L’ophtalmologie figure dans le
contrat opérationnel, mais la psychiatrie n’y figure pas alors que les
traumatismes psychiques que peuvent subir les militaires sont aujourd’hui
une évidence reconnue. Le service de santé des armées dispose,
d’ailleurs, du personnel et des services psychiatriques nécessaires. Une
clarification s’impose.
Enfin, le contrat opérationnel n’inclut pas les soins de suite
36
, pour
lesquels aucune structure n’existe au sein du service de santé des armées.
L’institution nationale des Invalides ne dépend pas du service de santé
des armées et accueille, pour l’essentiel, des anciens combattants, plutôt
qu’elle n’assure les soins de suites des militaires blessés d’active.
L’expérience britannique démontre pourtant qu’un important
engagement militaire, comme en Irak et en Afghanistan, justifie
l’existence d’une structure spécialisée : le centre de soins de suites de
Headley Court a accueilli jusqu’à 232 patients en 2008
37
2 -
Le déficit d’équipes chirurgicales pour tenir « le rôle 4 »
Les effectifs des praticiens hospitaliers sont fixés par le schéma
national d’organisation des soins du service de santé.
Fin 2008, ce schéma ne permettait pas de réaliser le contrat
opérationnel puisque le service de santé ne disposait que de 37 équipes
chirurgicales (dont celle de l’hôpital Bouffard de Djibouti) sur 48. Il
pouvait certes assurer la totalité de son contrat de projection en opérations
extérieures (29 équipes) mais ne disposait pas des 18 équipes «
socles »
de rôle 4 prévues par le contrat opérationnel (hors hôpital Bouffard). En
cas de conflit majeur, il ne serait resté – sans la réserve – que 7 équipes
chirurgicales dans les hôpitaux militaires métropolitains en 2008.
Ce déficit a diminué en 2009, puisque les hôpitaux d’instruction
des armées pourraient disposer de 11 équipes socles de rôle 4 en cas de
conflit engageant par ailleurs toutes les équipes destinées être projetées.
Le nouveau schéma national d’organisation des soins du service de
santé, établi en 2009, vise à parvenir, avec l’appui des réservistes, aux
objectifs du contrat opérationnel en 2015.
36) Les soins de suite ou de réadaptation visent un traitement ou une surveillance
médicale des malades requérant des soins continus dans un but de réinsertion.
37) National Audit Office. Treating injury and illness arising on military operations.
Rapport du 10 février 2010.
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48
COUR DES COMPTES
Le respect de la fonction de «
rôle 4 » des hôpitaux militaires
Contrat
opérationnel
Effectifs
réels
2009
Schéma 2015
Réserve
opérationnelle
Equipes chirurgicales
Chirurgie orthopédique
Chirurgie viscérale
18
18
18
14
14
11
14
14
17
4
4
8
Spécialistes
neurochirurgie
2
5
3
Spécialistes urologie
6
7
6
Spécialistes
ophtalmologie
22
20
19
3
Spécialistes
chirurgie
de la face
25
36
36
Equipes pédiatriques
1
1
2
Equipes gynéco-
obstétriques
2
4
2
Source : contrat opérationnel 2008-2010 des armées/service de santé des armées
En cas de conflit majeur, une grande part du soutien arrière de
rôle 4 sur le territoire national devrait être aujourd’hui assumée
par le
recours à des réservistes et, surtout, par l’appui des hôpitaux civils. Le
recours aux réservistes restera nécessaire en 2015 et au-delà.
B - L’activité médicale liée aux armées
L’activité « à charge » du ministère de la défense désigne l’activité
médicale des hôpitaux militaires directement liée aux armées : médecine
d’aptitude et d’expertise, soins dans le cadre d’accidents du travail ou de
service, rapatriement sanitaire des combattants en opérations extérieures.
Elle est en diminution dans les hôpitaux militaires et ne représentait plus,
en 2009, que 5,4 % du total des soins prodigués.
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LES HOPITAUX D’INSTRUCTION DES ARMEES
49
Evolution de la part de l’activité à charge 2003-2009
dans l’activité de soins totale
(en %)
8,3%
7,1%
6,3%
6,0%
5,7%
6,0%
5,4%
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Source : comptes de gestion des HIA – facturation
Les patients militaires ont, en effet, la même liberté de choisir leur
médecin et leur hôpital que les civils, y compris en cas d’accident de
service
38
. Une part des examens complémentaires d’aptitude est
également effectuée dans les structures civiles, ne serait-ce que pour des
raisons pratiques, en raison de la distance entre la plupart des unités
militaires et les hôpitaux militaires.
Conséquence de cette évolution : l’activité « à charge » en milieu
civil, remboursée par le service de santé aux établissements hospitaliers
civils qui accueillent les militaires dans ce cadre, a représenté, en 2008,
un montant de 9,5 millions d’euros, soit près du quart de l’activité « à
charge » totale. La tendance est croissante.
38) L’article L. 4121-1 du code de la défense, issu de la loi n° 2005-270 du 24 mars
2005 portant statut général des militaire, dispose que les militaires jouissent de tous
les droits et libertés reconnus aux citoyens : seule une disposition législative peut en
restreindre l’exercice. Aucune restriction n’a été posée en ce qui concerne
l’application de l’article L. 1110-8 du code de la santé publique qui prévoit que «
le
droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un
principe fondamental de la législation sanitaire
».
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50
COUR DES COMPTES
C - Les autres missions militaires des hôpitaux
1 -
Les hôpitaux militaires abritent des modules NRBC
(Nucléaire, radiologique, biologique et chimique)
Le contrat opérationnel 2008-2010 prévoit que les hôpitaux des
armées doivent abriter des modules de décontamination et de traitement
spécifiques répondant à des risques particuliers liés aux activités
militaires (accueil de blessés radio-contaminés, de grands brûlés ou de
victimes d’accidents de plongée, recherche clinique et opérationnelle,
etc.) ou correspondant à des plans
39
de prise en charge des risques
nucléaire, radiologique, biologique ou chimique (NRBC). Pour la
réalisation de ces plans, le contrat opérationnel est bien rempli.
Ces capacités sont disponibles dans le cadre des plans d’alerte au
profit des populations civiles. Ainsi, pour le traitement des grands brûlés,
les hôpitaux militaires de Percy-Clamart (16 lits) et, dans une moindre
mesure, de Sainte Anne-Toulon (4 lits) ont-ils des capacités précieuses au
plan national
40
.
2 -
Les activités de formation, d’instruction ou d’expertise
Les hôpitaux d’instruction des armées sont au centre du dispositif
de formation initiale et continue du personnel du service de santé, de
toute catégorie. Ils accueillent notamment les internes à partir de la
7
ème
année d’étude, et organisent des stages de formation au profit du
personnel paramédical des forces pendant sa scolarité.
Ils assurent une expertise médicale à la demande de l’état-major
des armées et du service de santé.
C’est aussi au sein des hôpitaux des armées qu’ont été installés les
sept centres d’instruction des techniques de réanimation de l’avant
(CITERA) qui
assurent la formation aux gestes d’urgence du personnel
paramédical des hôpitaux d’instruction des armées, en particulier ceux
devant être projetés en OPEX
41
.
39) BIOTOX, PIRATOX, PIRATOME.
40) Il y a en France vingt centres de traitement des grands brûlés qui accueillent
environ 3.000 patients par an.
41) Cf supra, chapitre II.
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51
Ces activités d’expertise, de formation et d’instruction sont mal
recensées par les hôpitaux militaires, compte tenu des carences de leur
comptabilité analytique et de l’insuffisante participation des médecins à
ce recensement.
II
-
Une articulation insuffisante avec le dispositif
civil de santé
Les hôpitaux des armées ont été confrontés à des mutations
fondamentales de leur environnement militaire et civil. Le concept
stratégique a changé avec la fin de la guerre froide. Il n’est plus
nécessaire d’avoir de nombreux hôpitaux de l’arrière pour accueillir un
très grand nombre de blessés. La conscription a été suspendue dans de
très nombreux pays européens, les Britanniques ayant été les premiers à
opérer cette mutation fondamentale.
Ces évolutions ont conduit à poser de manière croissante la
question de l’articulation entre le dispositif sanitaire civil et les
hôpitaux
militaires. L’absence fréquente de taille critique de ces derniers a conduit
les pays européens à envisager de nouveaux modes de coopération avec
les structures civiles dont le service de santé pourrait tenir compte.
De façon générale, l’objectif est de permettre, d’une part, le
maintien des compétences médicales dont le soutien santé des forces a
impérativement besoin et, d’autre part, de concentrer les ressources
humaines et financières sur leur coeur de métier militaire.
Dans ce contexte, les pays européens ont emprunté des voies
diverses d’adaptation de leur outil hospitalier militaire.
A - Les grandes options d’organisation
1 -
L’exemple allemand
La Bundeswehr a gardé une capacité significative d’accueil pour
ses soldats, ouverte au public de manière subsidiaire. L’armée allemande
compte encore de nombreux appelés et, contrairement à leurs homologues
français, les soldats allemands ont l’obligation de consulter un médecin
militaire et d’avoir recours, en première intention, aux hôpitaux militaires
dès lors que leur état de santé l’exige
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52
COUR DES COMPTES
Le service de santé interarmées de la Bundeswehr, qui disposait
auparavant d’un nombre d’hôpitaux proche de celui du service de santé
français,
n’en a pas moins a adapté son dispositif hospitalier. Il a réduit le
nombre de ses hôpitaux militaires de huit à quatre, auquel s’ajoute un
établissement partagé entre l’hôpital civil et le service de santé.
La Bundeswehr a opéré cette réduction alors que, simultanément,
elle acceptait un plus fort engagement de ses forces armées dans les
opérations internationales de maintien de la paix.
Principaux chiffres relatifs aux hôpitaux de la Bundeswehr
Source : service de santé interarmées de la Bundeswehr
Au total, le service de santé allemand, qui doit pouvoir soutenir en
opérations extérieures un nombre voisin de militaires de celui du service
français, dispose de 1.800 lits hospitaliers, contre 2.700 lits pour le
service de santé des armées.
2 -
Le choix
britannique
Le Royaume-Uni a choisi une voie qui a consisté à s’adosser au
dispositif civil de santé, partant du double rôle des hôpitaux militaires :
-
celui de réservoir de compétences, en particulier chirurgicales,
mobilisables pour partir en opérations extérieures ;
-
celui d’accueil des blessés militaires dans des structures de
l’arrière (rôle 4).
a)
Accueillir les praticiens militaires dans les hôpitaux civils
Le « Defence Medical Service » britannique a constaté, au milieu
des années 1990, que la sous-activité de ses établissements hospitaliers ne
permettait plus de maintenir un niveau de compétences des praticiens
militaires conforme à ses besoins opérationnels et qu’elle avait un coût
élevé.
Lits
Effectif total
Coblence
506
1.470
Ulm
497
1.341
Berlin
367
1.113
Hambourg
265
832
Westerstede (hôpital
mixte)
159
435
Total
1.794
5.191
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53
Ce constat a conduit à la fermeture des hôpitaux militaires et à la
signature d’une convention avec le « National health service » (NHS)
prévoyant
l’accueil
des
praticiens
militaires
dans
32
structures
hospitalières civiles. Ces praticiens sont placés dans des structures
réparties sur tout le territoire britannique, là où il leur est permis d’avoir
un volume d’activité conforme à leurs compétences. Ce choix permet
notamment d’affecter les chirurgiens militaires dans six structures civiles
de traumatologie (traitement des accidentés de la route notamment) parmi
les plus importantes du Royaume-Uni.
Cette insertion dans les structures civiles les plus actives permet
aux chirurgiens militaires de maintenir une pratique intensive garante du
maintien de leurs compétences.
Le modèle britannique a permis de ne garder des praticiens
militaires qu’au titre des spécialités directement utiles pour les besoins
opérationnels des armées.
Il induit une relation étroite avec les autorités sanitaires et une
interdépendance entre le besoin de soutien santé des forces et
l’organisation
hospitalière
civile.
Ainsi,
l’évolution
de
la
carte
hospitalière prévue par le « National health service » depuis 2009, et les
perspectives de regroupement des unités chirurgicales civiles autour de
centres de traumatologie régionaux, exigent une concertation avec le
service de santé britannique et une modification de la convention avec le
NHS. La possibilité que certaines des six structures de traumatologie dans
lesquels sont implantés les chirurgiens militaires ne soient pas retenues au
titre des futurs centres de traumatologie régionaux implique que les
contours de la coopération entre autorités civiles et militaires puissent
évoluer, afin que l’objectif de maintien des compétences médicales des
praticiens militaires reste atteint.
b)
Prévoir une convention d’accueil pour les soldats blessés dans des
structures civiles
L’accueil des blessés militaires est prévu au titre de la convention
avec le « National health service » dans les six hôpitaux civils, au sein
desquels sont implantées les six unités militaires chirurgicales.
Au sein des hôpitaux civils qui accueillent des soldats en
provenance
d’Irak,
puis
désormais
d’Afghanistan, l’expérience
britannique a montré que l’accueil et le traitement de blessés militaires
nécessitaient le maintien d’un périmètre militaire spécifique et la présence
de praticiens des armées, même si celle-ci est non exclusive. Compte tenu
des circonstances dans lesquelles ils ont été blessés, les patients militaires
ne souhaitent pas être mêlés aux patients civils.
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COUR DES COMPTES
Les blessés militaires des opérations en Irak et en Afghanistan
sont accueillis de manière prioritaire dans l’hôpital universitaire de
Selly Oak à Birmingham. Malgré l’importance des opérations menées par
les troupes britanniques, un seul hôpital civil est en mesure d’accueillir
les blessés. Le nombre de blessés militaires accueillis simultanément à
Selly Oak n’a jamais dépassé les 50 entre 2008 et 2009, soit une
occupation d’un tiers des
lits du périmètre militaire de l’hôpital en
traumatologie et en orthopédie
42
. Selon le « National audit office », le
traitement de ces blessés a représenté un coût de 23 millions de livres
(26,8 millions d’euros) sur la période 2008-2009
43
.
Avec un seul hôpital civil dont la gestion est partagée avec les
praticiens militaires, le service de santé britannique parvient donc
aujourd’hui à faire face aux besoins liés à ces opérations. Le rapport de la
commission de la défense de la chambre des communes
44
sur le soutien
santé des forces armées a indiqué que les soins offerts aux patients
militaires dans ces structures civiles étaient de qualité
45
.
La convention qui lie le service de santé britannique et le
« National health service » prévoit une montée en puissance du dispositif
en fonction des besoins. Cet élément est important, car, en France, la
prise en charge de blessés militaires en nombre dans des hôpitaux civils si
le service de santé des armées ne pouvait remplir complètement son
rôle 4 – ce qui correspond à la situation actuelle – ne fait aujourd’hui
l’objet d’aucune convention spécifique avec le ministère de la santé.
42) National Audit Office. Treating injury and illness arising on military operations.
10 février 2010.
43) Ce coût recouvre le paiement contractuel à la structure hospitalière civile ainsi que
les coûts de fonctionnement et de personnel des effectifs militaires affectés à Selly
Oak.
44) Medical care for the Armed Forces. 5 février 2008.
45) «
Nous n'avons aucun élément permettant de penser que les soins prodigués au
personnel militaire aient pâti de cette organisation. Le traitement pour les militaires
(hommes et femmes) gravement blessés en opérations a été de tout premier ordre. Le
personnel des services médicaux de la Défense au sein du service national de santé
procure des soins de qualité mondiale ».
(
«
We see no evidence that the care offered
to military personnel has sufferd as a result. The clinical care for serviceman and
women seriously injured on operations is second to none. Defence medical services
personnel in the national health service provide world-class care »)
.
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55
3 -
La solution française
Après avoir fermé neuf centres hospitaliers représentant 1.335 lits
à la suite de la suspension de la conscription, le service de
santé français
a conservé neuf hôpitaux estimant qu’il ne pouvait pas remplir son contrat
opérationnel sans disposer de ces structures. Répartis dans six régions,
ces hôpitaux ont dû, dès lors, se réorienter vers une patientèle civile, dans
des bassins de soins régulés par les autorités sanitaires et sur un marché
de la santé soumis à une forte concurrence des établissements publics et
privés. Aujourd’hui, la population
civile qui, contrairement à une
conviction parfois répandue, a accès aux soins des hôpitaux d’instruction
des armées, représente plus de 90% des journées d’hospitalisation.
B - L’ouverture à la population civile
Hormis les hôpitaux Sainte Anne de Toulon et Clermont-Tonnerre
de Brest, ouverts à une patientèle civile locale depuis plusieurs décennies,
les autres hôpitaux d’instruction des armées n’ont commencé à accueillir
massivement des patients civils locaux que depuis la suspension de la
conscription. Ils sont les nouveaux venus dans un paysage hospitalier
fortement concurrentiel et en profonde mutation depuis une vingtaine
d’années. Les hôpitaux militaires ont donc dû s’adapter aux spécificités
géographiques, démographiques, fonctionnelles ou techniques locales et
régionales.
1 -
Neuf hôpitaux de taille limitée mais de qualité
Dans la répartition géographique de ses hôpitaux militaires,
largement héritée du passé, et la définition de leur positionnement
médical, le service de santé des armées a cherché à concilier une double
approche :
- prévoir des hôpitaux de taille moyenne, dont la part dans l’offre
locale de soins est suffisamment circonscrite pour leur permettre de jouer
le rôle pour lequel ils sont conçus, le soutien santé des forces ;
- être suffisamment attractif dans la qualité des soins prodigués
pour trouver des patients en nombre suffisant.
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COUR DES COMPTES
a)
Des hôpitaux de taille limitée
Les neuf hôpitaux militaires, dont la taille varie entre 200 et 400
lits, ont, depuis 2002, réduit globalement leur offre de lits de 10 %.
L’équivalent en lits d’un petit hôpital militaire a ainsi été supprimé. Afin
de tenir compte de la sous-utilisation des capacités en lits constatée par la
Cour en 2002, le service de santé a préféré maintenir ses neuf hôpitaux et
réduire leurs capacités en lits, plutôt que de fermer un de ses
établissements.
Avec environ 2 % des capacités publiques d’hospitalisation, ces
hôpitaux des armées apportent une contribution limitée à l’offre de soins
hospitaliers. En prenant en compte les capacités de l’hospitalisation
privée, à but lucratif et non lucratif, ce pourcentage descend à 1,2 %.
Conformément à leur contrat opérationnel, les hôpitaux militaires doivent
pouvoir se dégager à tout moment de leurs obligations au titre du service
public de santé, sans remettre en cause l’accès aux soins des patients
civils. Ce constat marque une première limite à la contribution du service
de santé au dispositif national de santé.
Au plan régional, le poids des hôpitaux militaires dans l’offre de
soins peut être plus substantiel, en particulier en chirurgie. Ainsi, en
Ile-de-France, malgré l’importance de l’offre hospitalière publique, les
trois hôpitaux militaires offrent plus de 3 % des capacités publiques en
lits de médecine et près de 6 % des capacités en lits de chirurgie. En
Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’hôpital Laveran de Marseille et l’hôpital
Sainte-Anne de Toulon représentent plus de 5 % des lits en médecine et
6,5 % des lits en chirurgie.
b)
Une qualité reconnue
Tous les hôpitaux militaires se sont soumis, avec succès et sans
réserve, aux visites d’accréditation de la Haute Autorité de Santé. Le
nombre de services hospitaliers agréés au niveau universitaire est
important (266 services en 2008).
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57
Plusieurs
classements,
établis
notamment
sur
la
base
du
programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) des
hôpitaux publics, soulignent la qualité de ces hôpitaux. Sept hôpitaux
militaires sur neuf sont cités dans les classements des 500 meilleurs
hôpitaux pour un ou plusieurs de leurs services, le Val de Grâce étant de
loin le plus primé des hôpitaux militaires. En revanche, aucun des neuf
établissements du service de santé des armés n’apparait au palmarès des
50 meilleurs hôpitaux français. Ceci s’explique notamment par la
difficulté pour les hôpitaux militaires de remplir tous les critères du
palmarès autrement que pour quelques spécialités.
En revanche, la qualité des équipements et des installations
constitue un point d’attention pour le service de santé. Les travaux
d’infrastructure conduits aujourd’hui à l’hôpital du Val de Grâce et à
l’hôpital Begin de Saint-Mandé (projet « Begin rénové ») répondent ainsi
aujourd’hui à des exigences de remise aux normes. La commission
départementale civile de sécurité a ainsi constaté le 6 décembre 1999 que
l’hôpital du Val de Grâce ne disposait pas d’un dispositif de désenfumage
des circulations horizontales destinées à la lutte contre les risques
d’incendie et de panique, ce qui a donné lieu à l’établissement d’un
schéma directeur de mise en sécurité présenté à la commission en juin
2001 et à des travaux encore en cours. Un avis défavorable à la poursuite
de l’exploitation du monobloc de l’hôpital Begin a été par ailleurs notifié
par la préfecture du Val de Marne le 11 février 2002
46
et conduit à des
travaux de remise aux normes.
Le taux de vétusté du matériel médical
47
est également
relativement élevé par rapport aux normes civiles pour lesquelles un taux
de vétusté de 50 % constitue un signal d’alerte. Ce seuil d’alerte est
atteint en ce qui concerne les hôpitaux militaires
48
.
46) PV n° 2002/25 du 14 mars 2002 de la commission départementale civile de
sécurité. L’expertise du bâtiment a en outre révélé une absence de conformité des
poutres et des planchers par rapport aux règles de tenue au feu, des «
faiblesses
significatives en termes de caractéristiques mécaniques en parties nord et sud
»
nécessitant le renforcement des planchers y compris dans les zones courants et la
présence d’amiante et de peinture au plomb.
47) Le taux de vétusté résulte du rapport entre le cumul des amortissements et la
valeur brute des équipements.
48) En 2009, le taux de vétusté des équipements des hôpitaux militaires s’établissait à
75 %. Ce taux est toutefois dépendant de la durée d’amortissement : cette durée était
de cinq ans jusqu’en 2008. La prise en compte d’une durée d’amortissement plus
réaliste de sept ans, et l’application de cette durée à l’ensemble des équipements, en
flux et en stock, ramène le taux de vétusté à 50 %.
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COUR DES COMPTES
2 -
Une activité médicale généraliste organisée autour de
spécialités destinées aux patients civils
Dans le choix des spécialités offertes aux patients de ses hôpitaux,
le service de santé doit tenir compte de ses propres besoins en spécialistes
– chirurgiens, internistes – qui doivent pouvoir intervenir pour les blessés
militaires dans le cadre des OPEX ou de tout conflit et offrir, par ailleurs,
une diversité de spécialités propres à répondre aux besoins de la
patientèle civile. Les hôpitaux d’instruction des armées constituent à la
fois une « réserve de compétences », qui les conduit à abriter en leur sein
un pôle chirurgical fort, et un acteur de soins généraliste destiné à
satisfaire l’ensemble des besoins de soins de la population.
a)
Une fréquentation limitée de la communauté de défense, pour des
soins non spécifiques
Le décret n° 2005-1441 du 22 novembre 2005 relatif aux soins du
service de santé des armées prévoit que les militaires et leurs ayants
droit
49
sont prioritaires dans l’accès aux soins des hôpitaux d’instruction
des armées. Cette priorité n’est volontairement pas affichée à l’accueil
des services des hospitalisations et des soins externes, afin que la
patientèle civile, qui pourrait être attachée au principe d’égal accès aux
soins, n’en prenne conscience. Dans le fonctionnement actuel des
établissements du service de santé, elle reste peu marquée, en raison de
délais d’attente peu importants dans les hôpitaux militaires.
-
Les militaires fréquentent peu les hôpitaux des armées
Les hôpitaux des armées ne font pas le « plein » de la patientèle
militaire. L’analyse des données de la caisse nationale militaire de
sécurité sociale montre que le personnel militaire et ses ayants droit
hospitalisés dans le secteur public ont recours pour l’essentiel, à 88 % en
2009, aux hôpitaux civils. Cette moyenne masque des disparités : les
militaires d’active fréquentent les hôpitaux militaires pour seulement 5 %
de leurs soins en hospitalisation publique, alors que cette part est de 14 %
pour les militaires retraités. Au sein de la communauté de défense, c’est
donc auprès de leur « coeur de cible », les militaires d’active, que la
fréquentation des hôpitaux d’instruction des armées est la plus faible.
49) Conjoints et personnes à charge des militaires.
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59
Répartition des dépenses d’hospitalisation publique entre hôpitaux
civils et hôpitaux militaires pour les militaires et les ayants droit
(2009)
Source : caisse nationale militaire de sécurité sociale
Le critère de proximité, souvent déterminant dans le choix de
l’établissement de santé, peut expliquer pourquoi les hôpitaux militaires
assurent une couverture limitée des besoins de soins de la communauté de
défense. Dans certains cas, le souhait de préserver une totale
confidentialité
autour
de
la
pathologie
prise
en
charge
(soins
psychiatriques par exemple), afin que l’hospitalisation n’ait pas
d’incidence, du moins directe et immédiate, sur l’aptitude au service du
personnel concerné, peut également jouer.
-
Les patients « étrangers » au monde de la défense représentent
la majeure partie des passages
50
des hôpitaux militaires
Les militaires ne représentent que 20 % des passages des hôpitaux
militaires et leurs ayants droits. 7 %. Il s’agit, pour l’essentiel, de soins de
droit commun, dont ils bénéficient grâce à leur priorité d’accès aux
hôpitaux d’instruction des armées, et non de pathologies liées à leur
activité militaire.
Les patients « étrangers » au monde de la défense représentent
73 % des passages en 2009.
50) Les passages désignent l’ensemble des séjours hospitaliers, des consultations et
des visites aux urgences.
Hôpitaux militaires
Hôpitaux civils
Militaires d’active
5 %
95 %
Ayants droit d’active
nc
nc
Militaires retraités
14 %
86 %
Ayants droit retraités
5 %
95 %
Total
12 %
88 %
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60
COUR DES COMPTES
Répartition de la fréquentation des hôpitaux militaires entre
militaires, ayants droit
et autres civils (2009)
(en % du nombre de passages)
Source : service de santé des armées
La situation varie néanmoins selon les établissements : l’hôpital
Clermont-Tonnerre de Brest accueille près de 40 % de patients militaires
ou ayants droit en raison de la forte présence de la marine nationale dans
la ville. L’hôpital du Val de Grâce accueille, lui, 32 % de patients
militaires et d’ayants droit, en raison de son rayonnement particulier.
-
Les soins spécifiquement militaires ne représentent que 5,4 %
de l’activité des hôpitaux des armées
En termes de profil de soins, l’activité des hôpitaux des armées est
civile à 94,6 % : seule l’activité « à charge » (5,4 %) du ministère de la
défense, directement liée au métier des armées, peut présenter une
spécificité militaire.
b)
Une activité médicale diversifiée proche de celle des hôpitaux civils
L’absence de spécificité des patients, et le profil militaire peu
marqué des soins demandés, conduisent les hôpitaux militaires à proposer
une offre de soins comparable à celle des établissements généralistes,
comme celle des centres hospitaliers d’agglomérations de 50.000 à
80.000 habitants, dont ils sont proches en termes de nombre de lits et
d’activité médicale.
Militaires
Ayants droit
Civils
R. Picqué – Bordeaux
19 %
8 %
73 %
Clermont-Tonnerre –
Brest
32 %
7 %
60 %
Percy- Clamart
22 %
5 %
73 %
Desgenettes – Lyon
19 %
4 %
77 %
Laveran – Marseille
13 %
2 %
85 %
Legouest -Metz
22 %
4 %
73 %
Val de Grâce – Paris
21 %
11 %
69 %
Begin –Saint Mandé
16 %
7 %
77 %
Sainte Anne –Toulon
16 %
9 %
74 %
Total
20 %
7 %
73 %
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61
L’offre médicale globale des hôpitaux militaires est très large et
comprend la totalité des spécialités médicales, fut-ce parfois avec de très
petits
effectifs
(endocrinologues,
hématologues,
rhumatologues,
néphrologues, pédiatres, radiothérapeutes, anatomopathologistes mais
aussi médecines de plongée et d’aéronautique). Les médecins des
hôpitaux d’instruction des armées exercent 26 spécialités médicales.
Pris individuellement, aucun des hôpitaux ne présente la totalité de
la palette des spécialités. Tous offrent cependant un plateau technico-
médical étendu avec au moins 11 spécialités médicales présentes dans
chacun. Psychiatrie, gastro-entérologie, oncologie, cardiologie, médecine
interne, radiologie et biologie sont présentes partout. Tous les
établissements disposent d’urgentistes. Tous ont un médecin du personnel
et
un
département
d’information
médicale.
La
pneumologie,
l’infectiologie et la médecine de réadaptation sont présentes dans presque
tous les hôpitaux.
En conséquence, le profil de soins des hôpitaux militaires est celui
des hôpitaux généralistes publics, hormis l’absence de l’obstétrique dans
huit hôpitaux sur neuf. Ils soignent 90 % des pathologies recensées en
France (c'est-à-dire en 2008, 720 GHM sur les 803 possibles
51
).
L’analyse
des
grandes
catégories
médicales
(CMD
52
),
qui
constituent un regroupement des GHM par grandes spécialités, fait
apparaître de grandes similarités dans leur activité globale entre les
hôpitaux militaires pris dans leur ensemble et les établissements civils.
Les 10 premières CMD (par le nombre de séjours induits), c'est-à-
dire les premières spécialités médicales, sont comparables à ce qui peut
être observé dans l’ensemble des hôpitaux.
Les hôpitaux militaires ont ainsi une activité significative en
matière de prothèses, notamment de hanche, en oncologie ou en dialyse,
toutes spécialités qui ont un rapport lointain avec les besoins spécifiques
des armées. Cette activité se justifie par des besoins civils.
51) La classification GHM (groupe homogène de malades) permet de classer les
séjours des patients en fonction du diagnostic principal.
52) Catégorie majeure de diagnostic.
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C - Les conséquences limitées tirées
de la mission publique de santé
Malgré l’absence de spécificité de leur activité médicale, et la
reconnaissance de leur mission publique de santé, les hôpitaux militaires
restent peu intégrés dans le dispositif national et local de santé.
La volonté
d’autonomie
du
service
de
santé
des
armées
dans
l’organisation des soins et ses choix d’investissement conduit pourtant à
des résultats peu satisfaisants.
1 -
Une inscription des hôpitaux militaires dans le dispositif
public de santé largement virtuelle
a)
Le cadre normatif relatif à la mission de santé civile des hôpitaux
militaires
En application de l’article L. 1647-7 du code de la santé publique,
issu de l’article 11 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 dite de
modernisation sociale, les hôpitaux des armées, placés sous l’autorité du
ministre de la défense, concourent au service public hospitalier. La
formule d’un « concours au service public », définie en 2002, est plus
souple et plus limitée dans ses implications en termes de relations avec
les autorités hospitalières civiles que celle d’une « insertion au sein du
service public de santé » dont l’option n’a pas été retenue.
Le contrat opérationnel décline ce dispositif législatif et précise,
dans les mêmes termes, que le service de santé des armées «
concourt à
l’offre de soins du service public
».
La loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé
et aux territoires du 21 juillet 2009 a fait évoluer le cadre de la mission du
service de santé des armées. Le nouvel article L. 6112-2 du code de la
santé publique a intégré les hôpitaux militaires parmi les établissements «
qui peuvent être chargés d’assurer ou de contribuer à assurer, en
fonction des besoins de la population appréciés par le schéma régional
d’organisation des soins, les missions de service public
».
Le décret n° 2009-869 du 15 juillet 2009 relatif aux attributions du
ministre de la défense prévoit pourtant encore, en son article premier,
modifiant l’article R. 1142-1 du code de la défense que le ministre de la
défense «
définit les conditions de la contribution du service de santé des
armées à la politique de santé publique
».
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Ainsi, si la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients,
à la santé et aux territoires prévoit d’organiser la contribution des
hôpitaux militaires à la politique de la santé en fonction des schémas
régionaux des soins établis par les autorités sanitaires, il conviendrait que
le gouvernement en tire toutes les conséquences en réservant au ministère
de la défense la définition des modalités de sa contribution.
b)
La concertation entre le service de santé des armées et les autorités
sanitaires reste limitée
-
L’absence de vision partagée de l’organisation des soins entre
le ministère de santé et le ministère de la défense
En application de l’article L. 6147-8 du code de la santé publique,
il est tenu compte des installations des hôpitaux des armées, y compris
des équipements matériels lourds, des activités de soins et des structures
de soins alternatives à l'hospitalisation lors de l’élaboration des schémas
d’organisation sanitaires prévus par les autorités civiles.
Bien que cosignés par les ministres de la défense et de la santé, ni
l’arrêté du 1
er
mars 2006 dressant la liste des équipements des hôpitaux
militaires, ni l’arrêté du 25 juin 2010 l’ayant abrogé et remplacé, n’ont
fait l’objet d’une négociation entre le ministère de la défense et la
direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins du ministère
de la santé. Le service de santé des armées a ainsi considéré qu’il mettait
à la disposition du service public des équipements consubstantiels à sa
mission de soutien des forces armées qu’il ne lui était pas possible de
négocier. Du point de vue du service de santé, les agences régionales de
santé (ARS) doivent prendre en compte son offre hospitalière et s’y
adapter, sans que le schéma inverse soit prévu, y compris pour des
spécialités civiles. L’arrêté précité indique d’ailleurs : «
les objectifs
pluriannuels d’offre de soins peuvent être modifiés en fonction des
impératifs de la défense
».
Les capacités hospitalières militaires restent dès lors peu prises en
compte au plan régional : les schémas régionaux d’organisation des soins
(SROS) établis par les agences régionales de santé se limitent à une
simple mention du dispositif existant. Seuls les services des grands brûlés
et de neurochirurgie de l’hôpital Sainte Anne de Toulon et de l’hôpital
Percy de Clamart sont davantage pris en compte, en raison des capacités
civiles générales limitées en ce domaine.
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COUR DES COMPTES
L’élaboration du schéma national d’organisation des soins (SNOS)
du service de santé des armées réalisé en 2009 n’a pas été davantage
l’occasion de faire évoluer le mode de relation avec les autorités
sanitaires civiles. Ce document destiné à modifier l’offre de soins du
service de santé n’a pas fait l’objet d’une négociation avec le ministère de
la santé qui n’a été qu’informé de l’avancement des travaux.
La direction centrale du service de santé a analysé seule les
données régionales susceptibles de favoriser le meilleur fonctionnement
de ses neuf hôpitaux. Elle a décidé seule des évolutions de ses
établissements et des regroupements de spécialités au regard de ses
propres objectifs, pourtant guidés non seulement par des exigences liées à
son contrat opérationnel, mais aussi par un souci d’accroissement de ses
recettes d’activité médicale civile. Si le poids des hôpitaux militaires reste
marginal dans l’offre de soins, le ministère de la santé et ses agences
régionales pourraient pourtant, dans le cadre d’un dialogue avec les
hôpitaux militaires, appeler leur attention sur les évolutions en cours dans
le secteur hospitalier public local et les besoins des populations.
-
L’absence de relation formalisée entre les hôpitaux militaires et
les agences régionales de santé
La direction centrale du service de santé des armées considère
qu’elle constitue l’équivalent d’une « agence régionale de santé » et que
ses neuf hôpitaux constituent un hôpital unique. Elle limite à ce titre les
relations formalisées entre les agences régionales de santé et ses hôpitaux.
Elle souhaite donc être seule responsable de l’organisation de ses
établissements dans leur mission militaire comme dans leur activité
civile.
Or, localement, comme par exemple à Toulon pour l’hôpital
Sainte Anne, la part de marché d’un hôpital militaire sur certaines
spécialités peut être significative et ne permet pas de considérer que
l’établissement peut modifier son activité ou se désengager de sa mission
de service public sans concertation préalable avec l’agence régionale de
santé.
c)
Les conséquences financières de l’absence de concertation
L’absence de dialogue avec les autorités sanitaires dans le cadre de
projets d’équipements à usage pourtant exclusivement civil, ou de projets
d’infrastructures dans lesquels les enjeux de défense sont limités, conduit
à des surcapacités regrettables et à des choix budgétairement coûteux.
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65
-
Les projets d’infrastructures
Aucun des projets de rénovation des hôpitaux militaires (projet
Sainte Anne 2000 marqué par la construction d’un nouvel hôpital achevé
en 2008, projet Begin rénové, réhabilitation du Val de Grâce) n’a fait
l’objet d’une concertation avec les autorités sanitaires civiles.
Compte tenu de la concomitance des chantiers de rénovation de
l’hôpital Sainte Anne et de l’hôpital civil de Toulon, l’agence régionale
de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur avait proposé une co-localisation
des deux structures avec, le cas échéant, le partage d’un certain nombre
d’infrastructures. Cette proposition, qui aurait pu donner lieu à une
expérience de coopération civilo-militaire dans le domaine de la santé, a
été refusée par le ministère de la défense. Il a souhaité conserver l’entière
maîtrise de son équipement hospitalier, au prix de surcoûts dans
l’élaboration parallèle de deux infrastructures de santé sur le même
territoire, pour la même population. Le coût de la réhabilitation de
l’hôpital Sainte Anne, qui s’est établi, au total, à 240 millions d’euros,
aurait pu, pourtant, être partagé avec les autorités sanitaires civiles.
-
Les équipements médicaux civils
53
L’article 6 de l’arrêté du 25 juin 2010 dispose que les décisions du
ministre de la défense relatives à la modification du nombre des
équipements matériels lourds et au remplacement de ces appareils sont
portés sans délai à la connaissance du ministre chargé de la santé et de
l’agence régionale de santé concernée. Ce régime juridique prévoit donc
une décision d’acquisition unilatérale du ministère de la défense, avec une
information des autorités sanitaires. Ce régime juridique est donc
largement dérogatoire aux dispositions des articles L. 6122-1 et R. 6122-
26 du code de la santé publique qui place l’acquisition des équipements
matériels lourds les plus structurants et onéreux sous un régime
d’autorisation.
Cette procédure dérogatoire est compréhensible pour l’acquisition
d’équipements concourant au soutien des forces. Mais, dans la pratique,
le service de santé des armées ne fait pas la différence entre les matériels
qui ont une mission duale, militaire et civile, et les autres, pour lesquels
une concertation avec les autorités sanitaires paraît s’imposer.
Ainsi, dans le cas des tomographes à émission de positons (TEP),
qui constituent un équipement particulièrement utile pour le diagnostic
des cancers, sans liaison aucune avec la médecine militaire, les autorités
53) Cf le rapport de la Cour des comptes relatif à la sécurité sociale de
septembre 2010 et son chapitre relatif à la politique d’équipement en imagerie
médicale.
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COUR DES COMPTES
sanitaires veillent à ce que la politique d’investissement soit compatible
avec le volet « cancérologie » des schémas régionaux d’organisation
sanitaire. Ceci aurait dû conduire le service de santé à se concerter en
amont avec les autorités sanitaires avant d’en équiper ses hôpitaux. Cela
n’a pas été le cas à Toulon, alors même qu’une concertation avait été
souhaitée par l’agence régionale de santé de Provence Alpes Côte d’Azur,
qui a été placée devant le fait accompli.
Le service de santé n’a pas tenu compte de l’importance de
l’activité en cancérologie de l’hôpital civil, pôle de référence dans ce
domaine, qui doit être en conséquence doté d’un TEP – et a imposé son
choix d’équiper l’hôpital Sainte Anne sans justification d’ordre militaire.
Ceci conduit à une surcapacité sur l’agglomération toulonnaise, le TEP de
Sainte-Anne n’étant pas utilisé à pleine capacité.
Rien ne justifie l’absence de dialogue formalisé pour l’acquisition
de ces matériels coûteux pour les finances publiques
54
, et qui sont, en
outre, sous-utilisés par les hôpitaux militaires.
Le service de santé a décidé de doter le Val de Grâce d’un second
TEP, ce qui permettrait à cet hôpital de couvrir à lui seul 1,6 million
d’habitants, soit la quasi-totalité de la population parisienne. D’autres
hôpitaux parisiens étant déjà équipés, le bassin parisien de soins se
trouverait ainsi suréquipé alors que
le TEP de l’hôpital du Val de Grâce
est déjà en sous-activité par rapport aux normes d’utilisation de ce
matériel coûteux.
2 -
Une activité médicale trop limitée
La mission de santé civile des hôpitaux militaires est remplie
imparfaitement aux regards des normes d’activité relatives au taux
d’occupation des lits, à l’activité chirurgicale ou au développement d’une
offre de services d’urgences.
La sous-activité de soins des hôpitaux d’instruction des armées est
également inquiétante d’un point de vue militaire : leur mission de
maintenir les praticiens du service de santé «
à un haut degré technique
par un volume d’activité suffisant
» peut être imparfaitement remplie.
54) Le coût unitaire d’un TEP représente de l’ordre de 1,8 million d’euros auquel
s’ajoute un coût de maintenance de 100.000 à 200.000 euros annuels.
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a)
Un taux d’occupation des lits très faible
Avec un taux d’occupation des lits de 52 %, les hôpitaux militaires
sont largement en dessous des normes communément admises dans les
centres hospitaliers civils (75 % en chirurgie et 85 % en médecine).
L’amélioration du taux d’occupation des lits (de 48 % à 52 %) constatée
entre 2002 et 2008 n’est due qu’à la réduction du nombre de lits ouverts.
L’accroissement de l’activité globale, sur la base du nombre de
séjours hospitaliers, de 13 % depuis 2002, tient au développement de
l’hospitalisation de jour et des séances de soins (radiothérapie,
chimiothérapie, dialyse). Il n’a donc pas eu d’effet sur le taux
d’occupation des lits.
D’une façon générale, les capacités des services ne sont pas
utilisées de façon optimale. Des expériences de décloisonnement des
services (lits libres disponibles pour d’autres services) ou de mise en
fédération
de
plusieurs
services
pour
mutualiser
le
personnel
paramédicaux (éviter le maintien de lits vacants par manque de
personnel) ont été engagées. Mais la gestion de l’occupation des lits au
niveau des services reste empirique. Elle est guidée par la disponibilité
des blocs opératoires, en essayant de diminuer l’occupation des lits des
services dans la perspective du week-end. Les travaux de l’agence
nationale d’appui à la performance des établissements de santé et
médico-sociaux, qui établit des référentiels d’activité et de gestion pour
les établissements publics de santé, pourraient être mis à profit pour
améliorer la gestion des capacités.
b)
Une activité chirurgicale insuffisante
Si l’activité des chirurgiens a progressé depuis 2002 dans la quasi-
totalité des hôpitaux militaires, le ratio moyen de 140 séjours
chirurgicaux par chirurgien et par an est très inférieur à celui observé
dans des centres hospitaliers comparables (243 séjours chirurgicaux
55
en
moyenne). Pour mémoire, ce ratio est de l’ordre de 326 séjours par an au
centre hospitalier de Montauban, de 281 séjours au centre hospitalier de
Salon de Provence et de 297 séjours au centre hospitalier d’Arpajon.
55) Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de la Cour
des comptes. Septembre 2009.
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COUR DES COMPTES
Sur la base du nombre d’actes réalisés dans les 60 blocs
opératoires des hôpitaux militaires, l’activité chirurgicale est inférieure de
15 % à celle observée dans les centres hospitaliers. L’activité moyenne
par bloc est estimée à 2,4 actes par jour, sur la base d’une ouverture du
lundi au vendredi. A titre de comparaison, le nombre d’opérations
réalisées quotidiennement dans les centres hospitaliers régionaux est en
moyenne de 2,8, soit un différentiel de 17 %. Il est de 4 dans les autres
établissements hospitaliers (hors cliniques à but lucratif)
56
.
Les blocs opératoires des hôpitaux des armées apparaissent donc
sous-utilisés par rapport aux capacités qu’ils offrent à la population. Cette
situation ne tient pas seulement à un effet de surcapacité par rapport à une
activité chirurgicale trop faible pour des hôpitaux militaires en temps de
paix. Elle tient aussi à une mauvaise organisation des blocs opératoires au
regard des références posées par l’agence nationale d’appui à la
performance des établissements de santé et médico-sociaux : les taux de
performance (c'est-à-dire le rapport entre le temps réel d’occupation et la
disponibilité effective des blocs) observés dans les centres hospitaliers
oscillent entre 65 % et 85 %, tandis que ceux des hôpitaux des armées
varient entre 22 % pour l’hôpital Legouest de Metz et 52 % pour l’hôpital
Desgenettes à Lyon.
Compte tenu de l’écart entre les hôpitaux civils et les hôpitaux
militaires, les départs en opérations extérieures des chirurgiens (chirurgie
orthopédique et viscérale), qui ne concernent que moins de la moitié des
chirurgiens, ne peuvent expliquer cette contre-performance.
c)
Des services des urgences inégalement intégrés au dispositif civil
Les urgences constituent une des voies d’entrée privilégiées d’un
hôpital public. Dans les hôpitaux publics, près du quart des passages aux
urgences donnent lieu à une hospitalisation de suite et jusqu’à la moitié
des séjours hospitaliers peuvent être la conséquence d’un passage aux
urgences.
Les urgences constituent à la fois un service public utile pour les
populations et un moyen pour les praticiens militaires de maintenir des
compétences
d’urgentistes
particulièrement
nécessaires
dans
les
opérations extérieures.
56) Source : DREES, « Les établissements de santé en 2005 / les équipements en
chirurgie ».
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Or, la contribution des hôpitaux militaires au service public des
urgences reste limitée et ne permet pas d’utiliser au mieux ces services
dans la préparation des opérations extérieures. 18,8 % des passages aux
urgences donnent lieu à une hospitalisation dans les hôpitaux militaires et
la part des urgences dans les hospitalisations représente 31 % en 2009,
soit un niveau inférieur à celui constaté dans les hôpitaux civils. Encore
cette moyenne prend-elle en compte la bonne pratique de
deux hôpitaux
du service de santé (Robert Picqué à Bordeaux, Clermont-Tonnerre à
Brest), au sein desquels les urgences représentent plus de 40 % de
l’activité. Des efforts importants ont été engagés dans ces établissements
pour adapter aux urgences le fonctionnement des services d’aval habitués
jusque là à une activité essentiellement programmée.
En revanche, le Val de Grâce n’a pas ouvert de service d’urgences
(seulement un service de porte). Les raisons invoquées – absence de
service d’orthopédie, accueil de patients « VIP », existence d’un service
d’urgences voisin – pour justifier l’absence d’une intégration du Val de
Grâce dans le dispositif de régulation des urgences ne sont pas
convaincantes.
Sur le plan local, les hôpitaux militaires restent des acteurs
modestes du service public des urgences, alors qu’ils pourraient s’intégrer
dans le dispositif civil, notamment dans les plus grandes agglomérations.
C’est ainsi le cas à Lyon où l’hôpital Desgenettes constitue un recours
éventuel pour le service des urgences de l’hôpital Edouard Herriot.
Compte tenu des contraintes opérationnelles que fait valoir le
service de santé, les agences régionales de santé n’ont pas inclus les
services d’urgence des hôpitaux militaires dans les schémas régionaux
des urgences (sauf l’hôpital Percy de Clamart et l’hôpital Sainte Anne de
Toulon pour les urgences neurochirurgicales et le traitement des grands
brûlés). Tous les établissements du service de santé sont, en revanche,
intégrés dans les plans sanitaires d’urgence nucléaire, radiologique,
biologique et chimique (NRBC).
La participation aux urgences nécessiterait une stratégie concertée
avec les autorités sanitaires, afin d’en tirer tout le profit tant pour les
capacités opérationnelles des praticiens militaires que pour la satisfaction
des besoins des populations civiles.
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COUR DES COMPTES
d)
Le démarrage tardif de l’hospitalisation de jour
Les hôpitaux militaires ne se sont véritablement engagés dans le
développement de l’hospitalisation de jour qu’à partir de 2004. Jusqu’en
2004, l’activité ambulatoire était, de facto, limitée aux explorations
fonctionnelles et aux séances de soins. Les hospitalisations de jour ne
représentaient que 17 % des entrants. En 2008, l’hospitalisation de jour
représentait 50 % de l’activité totale des hôpitaux militaires, soit une
progression très nette.
Pour autant, la chirurgie ambulatoire pratiquée dans les hôpitaux
des armées reste globalement faible si on la compare à celle des
établissements civils. Les hôpitaux militaires n’assurent ainsi que 0,2 %
de la chirurgie ambulatoire pratiquée en France, soit un niveau très
inférieur à leurs capacités chirurgicales.
La direction centrale du service de santé des armées semble
cependant réservée sur le développement de cette activité. Elle indique
notamment que
«
si la chirurgie ambulatoire est une activité à mettre en
oeuvre pour répondre aux attentes de la population, celle-ci ne doit pas
contrevenir au maintien des compétences nécessaires aux opérations
extérieures
»
57
. Cette approche souligne les difficultés à concilier une
activité chirurgicale souhaitée par la population, et source de recettes pour
les hôpitaux militaires, avec des besoins militaires qui nécessitent plutôt
des compétences en chirurgie générale que celles, plus spécialisées et
« moins intrusives », de la chirurgie ambulatoire.
3 -
La difficile
recherche de l’excellence dans le cadre d’une
pratique généraliste
Alors que l’évolution des techniques médicales tend à la
spécialisation des praticiens sur des segments d’activité de plus en plus
pointus (l’exemple de la chirurgie de la main est connu), les médecins
militaires, notamment les chirurgiens, restent dans l’obligation de
maintenir une compétence médicale générale. Leur premier terrain
d’intervention médicale reste les hôpitaux de campagne qui exigent des
capacités d’adaptation et une aptitude à réaliser des soins dans des
conditions difficiles.
57) Circulaire du service de santé des armées du 31 juillet 2008.
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LES HOPITAUX D’INSTRUCTION DES ARMEES
71
Pour autant, les militaires doivent bénéficier, en opérations
extérieures, de la meilleure qualité de soins possible, appréciée en
fonction des standards de la médecine civile. La doctrine du service de
santé interarmées de la Bundeswehr prescrit ainsi de dispenser aux
militaires, blessés ou malades des soins médicaux dont les résultats
correspondent aux normes médicales applicables en Allemagne.
Les hôpitaux militaires sont au coeur de cette contradiction : pour
développer les meilleurs standards possibles et accueillir davantage de
patients, ils doivent se spécialiser et acquérir ces capacités pointues dont,
d’ailleurs, les soldats blessés seront demandeurs une fois rapatriés sur un
rôle 4 alors qu’ils doivent disposer de chirurgiens généralistes (chirurgie
orthopédique et viscérale) pour remplir leur mission de terrain.
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72
COUR DES COMPTES
______________________
CONCLUSION
_____________________
Les neuf hôpitaux d’instruction des armées fournissent les équipes
chirurgicales projetables en OPEX comme le prévoit le contrat
opérationnel. En revanche, en cas de conflit majeur dans les conditions
prévues par le contrat opérationnel, une grande partie du soutien arrière
(rôle 4) ne pourrait pas être aujourd’hui assumée sans recourir aux
réservistes et aux hôpitaux civils. Le service de santé entend pallier ce
déficit d’ici 2015.
L’activité « à charge » des hôpitaux militaires, pour les soins aux
soldats est très faible (5,4 %) dans leur activité quotidienne
métropolitaine. Les hôpitaux militaires ne travaillent donc aujourd’hui
que de façon très marginale au profit des armées.
La participation des hôpitaux militaires au service public de la
santé constitue donc une nécessité pour maintenir les praticiens militaires
à un « haut degré de compétence par un volume d’activité suffisant ». La
fréquentation des hôpitaux des armées par la communauté militaire est
marginale. L’ouverture aux patients civils est donc incontournable.
Le profil de soins des hôpitaux militaires est peu spécifique par
rapport aux hôpitaux généralistes de taille moyenne. L’activité
fondamentalement civile des hôpitaux militaires n’a pas conduit à un
effort d’insertion dans l’organisation des soins sur le plan national ou
local fondé sur une concertation approfondie et formalisée avec les
autorités sanitaires. Ce choix se justifie d’autant moins que certaines
spécialités relèvent uniquement d’une logique de soins à la population
civile, ou que certains équipements visent à donner aux hôpitaux
militaires un avantage comparatif pour obtenir davantage de recettes
d’activité médicale. Le cavalier seul du service de santé des armées en ce
qui concerne des équipements médicaux utilisés uniquement en
cancérologie, ou le refus d’infrastructures communes avec les hôpitaux
civils, produisent des surcapacités hospitalières sans bénéfice pour les
populations.
Sur la base des références civiles, l’activité médicale des hôpitaux
militaires reste limitée, au regard de critères comme le taux d’occupation
des lits ou l’activité des blocs opératoires. Le développement de services
importants
pour
les
populations
comme
l’activité
chirurgicale
ambulatoire ou les urgences a été tardif dans les hôpitaux militaires. Ce
retard illustre la difficulté pour le service de santé des armées à
réellement concevoir son double rôle, au profit des forces et au profit des
populations civiles, et à développer des complémentarités entre ces deux
missions.
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Chapitre V
Le coût de la médecine hospitalière pour
le budget de la défense
L’analyse de l’économie générale du service de santé des armées
montre que certaines fonctions sont remplies à un coût excessif pour le
budget du ministère de la défense.
Par rapport aux hôpitaux publics civils de taille comparable, les
hôpitaux d’instruction des armées enregistrent un déficit d’exploitation
hors normes qui pèse sur les marges de manoeuvre budgétaire du
ministère de la défense.
I
-
Un déficit du système hospitalier pesant sur le
budget de la défense
En 2009, la dotation budgétaire consacrée par le ministère de la
défense à ses neuf hôpitaux militaires avait été destinée à 81 % à couvrir
leur déficit d’exploitation. Les crédits affectés par le ministère de la
défense à ses hôpitaux s’apparentent donc essentiellement à une
subvention d’équilibre.
Les prestations réalisées au bénéfice des armées
en métropole ou
en opérations extérieures (13 %), ou au profit des militaires dans le cadre
du service (6 %) ne représentent qu’une faible fraction de la dotation
budgétaire que le ministère de défense consacre à ses hôpitaux.
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COUR DES COMPTES
Cette situation n’a pas fait l’objet d’une véritable analyse dans le
cadre de la révision générale des politiques publiques alors que, dans une
période où la dépense publique doit être resserrée, il conviendrait de
réexaminer la dotation budgétaire du ministère de la défense à ses
hôpitaux militaires.
A - Le déficit d’exploitation hors norme des hôpitaux
militaires
1 -
Le premier déficit hospitalier de France
Les hôpitaux militaires constituent le premier déficit hospitalier de
France. S’il avait été pris en compte par la direction de l’hospitalisation et
de l’organisation des soins du ministère de la santé, il aurait conduit, à lui
seul, à augmenter de plus de la moitié le déficit des hôpitaux publics en
2008 (506 millions d’euros de déficit net
58
) alors que les hôpitaux
d’instruction des armées ne représentent que 2 % des capacités
hospitalières publiques.
Les prévisions de déficit pour 2009 des hôpitaux militaires
correspondaient à la somme des déficits prévisionnels conjugués de
l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, des Hospices civils de Lyon et
de l’Assistance publique de Marseille. Avec 2.800 lits environ, la
prévision de déficit des hôpitaux d’instruction des armées était
équivalente à celle de trois structures représentant 31.400 lits.
Les résultats de l’exercice 2009 témoignent d’une situation
financière durablement dégradée. Les hôpitaux militaires connaissent en
effet un déficit d’exploitation récurrent et relativement stable sur
moyenne période.
Son montant exact et les comparaisons d’année en année doivent
néanmoins être pris avec précaution compte tenu des fragilités de la
fonction financière du service de santé des armées et de ses difficultés à
évaluer avec précision les charges de personnel. L’approche de compte de
résultat intègre en outre des charges, pour 40 millions d’euros,
correspondant à une quote-part de frais généraux, au titre de la structure
centrale du service de santé des armées : ces frais généraux constituent la
contrepartie de l’organisation centralisée retenue en matière hospitalière
et de l’absence d’adossement sur les agences régionales de santé.
58) Cf le rapport de la Cour des comptes relatif à la sécurité sociale de
septembre 2010 et son chapitre relatif à la situation financière des hôpitaux.
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POUR LE BUDGET DE LA DEFENSE
75
Une approche de compte de résultat
pour les hôpitaux militaires en 2009
(en millions d’euros)
Charges
811,4
Dont :
Charges de personnel
508,9
Produits
530,2
Dont :
Assurance maladie
416,0
Soins directement liés aux armées
19,3
Prestations générales pour la défense
45,0
Déficit d’exploitation
- 281,3
En pourcentage des produits
53 %
Source : comptes de gestion du service de santé des armées/
Cour des comptes
Avec 281,3 millions d’euros de déficit en 2009 pour les neuf
hôpitaux militaires, l’ordre de grandeur reste, comme les années
précédentes, très alarmant. Le déficit d’exploitation représente en effet
plus de la moitié des produits
59
(53 %).
Ces produits intègrent pourtant non seulement les recettes issues de
l’assurance maladie, des mutuelles et des patients, mais aussi les soins à
la charge du ministère de la défense, ainsi que l’ensemble des prestations
générales réalisées pour son compte (activité d’expertise, d’enseignement
ou de formation comprise). L’ensemble de l’activité des hôpitaux –
militaire et civile - est donc recensée dans les comptes.
A titre de comparaison, l’article D. 6143-39 du code de la santé
publique prévoit la mise en oeuvre d’un plan de redressement financier
dès que le déficit dépasse 2 % des produits pour les centres hospitaliers
universitaires (CHU) et les centres hospitaliers régionaux (CHR) et 3 %
des produits pour les autres établissements de santé. Pour tout hôpital
public, le solde d’exploitation constitue un indicateur de qualité de
gestion.
59) Pour une entreprise, ceci indiquerait que son déficit d’exploitation équivaut à
53 % de son chiffre d’affaires.
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COUR DES COMPTES
Une telle procédure est évidemment théorique pour les hôpitaux
d’instruction des armées car leur déficit d’exploitation est totalement pris
en charge par le budget du ministère de la défense.
Mais, dès lors que la
demande et les contraintes qu’ils supportent du fait du ministère de la
défense sont réduites et que leur activité médicale est proche de celle d’un
hôpital public de taille comparable, rien ne paraît justifier une telle
situation. En fait, les hôpitaux militaires ne parviennent pas à concilier
leur mission militaire et leur activité médicale civile dans des conditions
financière satisfaisantes.
Le déficit d’exploitation annuel des hôpitaux des armées
représentait l’équivalent, en 2009, de l’acquisition de six hélicoptères de
manoeuvre EC 725 Caracal (45 millions d’euros pièce) ou de quatre
avions de transport tactique C130 (environ 70 millions d’euros pièce).
Ces équipements manquent aujourd’hui aux armées, notamment aux
évacuations sanitaires.
2 -
Tous les hôpitaux militaires connaissent une situation
financière dégradée
Aucun des neuf hôpitaux militaires n’échappe au constat d’une
situation financière dégradée, malgré des différences notables entre les
établissements. La réconciliation des comptes individuels de chacun des
hôpitaux d’instruction des armées avec les comptes consolidés n’étant pas
possible, en raison d’une fraction de masse salariale dont la ventilation ne
peut être détaillée, on ne peut donner qu’une estimation, en pourcentage
des produits, du déficit de chaque hôpital militaire
60
. Cette estimation est
un minimum.
Entre les neuf hôpitaux militaires, le déficit varie entre 38,8 % des
produits à l’hôpital Percy de Clamart et 64,1 % des produits à l’hôpital
Legouest à Metz, soit un écart de déficit en pourcentage des produits qui
atteint jusqu’à 25 points entre l’établissement le moins déficitaire et le
plus déficitaire. La réalisation de chantiers de réhabilitation et de
reconstruction – tout juste achevés pour l’hôpital Sainte Anne à Toulon,
en cours pour l’hôpital Begin à Saint Mandé – peut avoir freiné l’activité
de ces hôpitaux. Mais l’ampleur du déficit de l’hôpital Begin ne laisse pas
d’inquiéter compte tenu de sa localisation géographique, dans l’est
résidentiel parisien, et de son activité en obstétrique, la seule du service
60) L’écart de déficit entre l’addition des comptes individuels et les comptes
consolidés est de près de 30 millions d’euros, avec un écart de 5,3 % de déficit en
fonction des produits. Cet écart est dû exclusivement à une difficulté de ventilation de
la masse salariale.
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de santé, qui fait l'objet d’une valorisation incitative dans les hôpitaux
publics.
Les hôpitaux qui enregistrent la situation la moins dégradée,
l’hôpital Percy de Clamart ou le Val de Grâce, ont su développer des
pôles d’excellence reconnus par le service public de santé ou bénéficient
d’une forte notoriété.
Estimation du déficit de chaque hôpital militaire
(en pourcentage des produits)
R. Picqué – Bordeaux
49,0 %
Clermont-Tonnerre –
Brest
47,6 %
Percy- Clamart
38,8 %
Desgenettes – Lyon
52,1 %
Laveran – Marseille
44,4 %
Legouest -Metz
64,1 %
Val de Grâce – Paris
41,7 %
Begin –Saint Mandé
50,1 %
Sainte Anne –Toulon
51,4 %
Source : comptes de gestion du service de santé des armées/
Cour des comptes
Le constat d’un déséquilibre généralisé des comptes des hôpitaux
d’instruction des armées témoigne des limites d’une stratégie fondée sur
neuf sites généralistes de taille moyenne, afin de répartir les équipes
chirurgicales sur tout le territoire et leur garantir une activité suffisante
dans leur bassin de soins.
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COUR DES COMPTES
B - Les risques liés au passage à la tarification à
l’activité
1 -
Un éventuel surcoût pour le ministère de la défense
Depuis le 1
er
janvier 2009, le financement des hôpitaux militaires
par l’assurance maladie ne se fait plus par une dotation globale. Il a été
aligné sur le régime des hôpitaux civils, en fonction de l’activité, en
appliquant la tarification T2A. L’ensemble des négociations relatives au
financement des hôpitaux militaires par l’assurance maladie relève
désormais de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, du fait que la
direction centrale du service de santé est installée à Vincennes et estime
que ses neuf établissements constituent un seul hôpital alors qu’un tiers
des établissements du service de santé est situé dans cette région.
Pour favoriser la transition des hôpitaux d’instruction des armées
vers ce nouveau mode de financement, le service de santé des armées
bénéficie d’un coefficient de transition. Ce coefficient, de 1,090 en 2009,
permet de bénéficier de versements de l’assurance maladie supérieurs à
ceux que produirait l’activité réelle des établissements. Le coefficient
devrait diminuer progressivement pour s’éteindre au 1er mars 2015, et
non en 2012 comme c’est le cas pour les hôpitaux civils.
Si ce coefficient correcteur n’avait pas été appliqué au titre de
l’exercice 2009, le déficit d’exploitation des hôpitaux militaires aurait été
majoré de 26,5 millions d’euros, soit de 9,5 %.
Si, à l’horizon 2015, la disparition du coefficient de transition
n’était pas compensée par un surcroît d’activité des hôpitaux militaires,
celle-ci conduirait à un surcroît de dotation budgétaire du ministère de la
défense.
2 -
La sanction d’une insertion insuffisante dans le dispositif
civil d’organisation des soins
Dans le cadre de la tarification à l’activité, l’agence régionale de
santé d’Ile-de-France attribue des concours financiers au titre des
missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC) et au
titre des missions de recherche, d’enseignement, de référence et
d’innovation (MERRI) dont la proportion croît pour les hôpitaux
militaires comme pour les hôpitaux civils.
Le niveau limité – du point de vue du service de santé des armées –
des dotations reçues de l’assurance maladie constitue la sanction d’une
stratégie hospitalière participant trop peu à la politique publique de santé.
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Cette situation doit conduire le service de santé, désormais
dépendant de ce type de financement, à engager une coopération plus
approfondie avec les autorités sanitaires.
L’article R. 174-34 du code de la sécurité sociale prévoit que
l’agence régionale de santé d’Ile de France prépare avec le service de
santé un projet de protocole pluriannuel relatif aux objectifs et moyens
(PPOM) des hôpitaux des armées.
II
-
Les causes principales du déficit
Le niveau considérable du déficit d’exploitation des hôpitaux
d’instruction des armées ne peut être imputé à une cause unique. Le
différentiel de cotisations de pension sur les rémunérations entre les
hôpitaux civils et les hôpitaux militaires doit être pris en compte, mais
son effet doit être nuancé car la masse salariale des hôpitaux d’instruction
des
armées
n’apparaît
pas
disproportionnée
par
rapport
aux
établissements publics comparables. La raison principale du déficit des
hôpitaux d’instruction des armées tient à une structure de personnel
déséquilibrée au détriment du personnel soignant, à une productivité
médicale trop limitée et aux trop faibles efforts réalisés pour concilier les
contraintes militaires avec une activité médicale civile.
A - Un niveau de charges comparable aux
établissements civils
Les rémunérations versées par les hôpitaux militaires supportent un
taux de cotisation de pension très supérieur à celui des hôpitaux civils. Le
taux de cotisation de pension supporté au titre de l’emploi militaire
résulte du régime de retraite du personnel de défense qui prévoit une
durée de service plus limitée que dans le cadre d’un régime civil.
En retenant un taux moyen pondéré de charges sociales de 36 %
dans les établissements publics de santé, et de 67 % au sein des hôpitaux
d’instruction des armées, le service de santé des armées considère que ses
charges sont majorées de l’ordre de 90 millions d’euros.
L’écart lié aux charges de pensions est indéniable, mais sa portée
doit être relativisée pour deux raisons :
-
les hôpitaux militaires bénéficient dans leurs charges de l’absence de
paiement de la taxe sur les salaires auxquels sont assujettis les
établissements publics de santé, ainsi que de l’absence de charges
financières pour l’acquisition d’équipements ou la réalisation
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d’infrastructures, du fait qu’ils sont partie intégrante du budget du
ministère de la défense
61
;
-
surtout, la part de la masse salariale dans les charges des hôpitaux des
armées est du même ordre de grandeur que celle des hôpitaux civils.
Les charges de personnel représentaient, en 2009, 65 % des charges
des neuf hôpitaux d’instruction des armées, contre 68 % pour les
centres hospitaliers de taille moyenne. La structure de charges n’est
pas atypique par rapport aux hôpitaux civils. La masse salariale des
hôpitaux d’instruction des armées apparaît contenue par une politique
en termes de rémunérations ou d’effectifs globaux plus stricte que
celle des hôpitaux civils.
B - Une proportion trop élevée de personnel non
soignant
Si le nombre total des emplois n’apparait pas atypique par rapport
aux hôpitaux civils comparables, la comparaison de la structure des
emplois (hors médecins) des hôpitaux militaires avec celle des centres
hospitaliers publics fait apparaître une structure d’emploi déformée d’un
point de vue médical.
Répartition des emplois (hors médecins)
des hôpitaux militaires comparés aux hôpitaux publics civils (2008)
(en%)
Soignants
Direction
Administratifs
Autres
62
Total des
hôpitaux
militaires
57 %
2 %
19 %
22 %
Centres
hospitaliers
publics
71 %
1 %
11 %
17 %
Source : service de santé des armées/statistique annuelle des
établissements de santé
61) Ces charges financières sont intégrées au sein de la charge de la dette du budget
général.
62) Personnels éducatifs et sociaux, personnels médicaux-techniques et personnels
techniques et ouvriers.
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Les hôpitaux militaires présentent une proportion presque double
de personnel administratif par rapport à la moyenne civile : la proportion
est de 19 % dans les hôpitaux militaires contre 11 % dans les hôpitaux
publics civils. Les hôpitaux d’instruction des armées connaissent
également une présence plus importante de personnel technique et
ouvrier. A l’inverse, les soignants qui représentent 71 % du personnel des
hôpitaux publics civils, ne représentent que 57 % de celui des hôpitaux
militaires, soit 14 points de moins.
En valeur absolue, le sureffectif de certaines catégories de
personnel administratif ou technique conduit à une trop faible présence de
personnel soignant. Ce déficit, concernant le personnel paramédical,
infirmier et aide-soignant structurant pour le fonctionnement des services,
a une traduction sur l’activité de soins des hôpitaux militaires. Un
rééquilibrage de la structure des emplois apparait nécessaire.
C - Une productivité médicale insuffisante
La comparaison de la productivité médicale, calculée selon les
référentiels civils
63
, avec les établissements comparables, les centres
hospitaliers, classe les hôpitaux militaires parmi les centres hospitaliers
publics les moins productifs. La recette moyenne d’activité de soins
64
par
médecin représentait 665 000 euros dans les hôpitaux militaires et se
situait dans la fourchette des 20 % d’établissements les moins productifs
(725 000 euros).
Afin de tenir compte des absences liées au départ en opérations
extérieures de certains médecins, la Cour a recalculé cet indicateur hors
médecins partis en opérations extérieurs, en équivalent temps plein. Ce
calcul améliore l’indicateur, mais ne modifie pas le jugement porté sur la
performance relative des hôpitaux d’instruction des armées.
Ces chiffres montrent que les hôpitaux militaires sont confrontés à
une difficulté liée à leur activité médicale, qu’il s’agisse de sous-activité
ou, dans une moindre mesure, de valorisation de leur activité, liée par
exemple à un codage des actes encore perfectible. Jusqu’à un certain
point, l’absence de l’obstétrique, hormis à l’hôpital Begin de Saint
Mandé, correctement rémunérée à la T2A, peut jouer en défaveur de la
productivité médicale des hôpitaux militaires.
63) Cet indicateur résulte de la circulaire du 23 septembre 2009 relative à l'équilibre
financier des établissements de santé.
64) Qui prend en compte les soins « à charge », réalisés pour le compte des soldats
dans le cadre d’accidents de service par exemple.
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COUR DES COMPTES
Dans tous les cas, leur réticence à s’intégrer pleinement dans le
dispositif civil d’organisation des soins conduit à une notoriété limitée
auprès de la médecine de ville et de la patientièle civile, à une insertion
trop faible dans les réseaux d’urgence et de soins qui ont leur contrepartie
en termes de productivité médicale.
La productivité médicale des hôpitaux militaires en
comparaison avec les hôpitaux civils (2009)
(recettes rapportées aux effectifs médicaux, en euros)
Recettes par ETP
Recettes par ETP
hors ceux partis en
OPEX
R. Picqué – Bordeaux
638.996 €
680.087 €
Clermont-Tonnerre –
Brest
619.039 €
647.410 €
Percy- Clamart
715.064 €
750.887 €
Desgenettes – Lyon
673.849 €
713.083 €
Laveran – Marseille
610.001 €
637.500 €
Legouest -Metz
596.664 €
628.620 €
Val de Grâce – Paris
728.796 €
764.623 €
Begin –Saint Mandé
589.924 €
618.210 €
Sainte Anne –Toulon
741.317 €
781.457 €
Moyenne des hôpitaux militaires
665.100
€
699.527
€
Les 10 % de centres hospitaliers publics civils
les moins productifs
65
614.000
€
Les 20 % de centres hospitaliers
publics
civils les moins productifs
725.000
€
Source : service de santé des armées/calculs Cour des comptes
65) En 2005, les ratios des centres hospitaliers étaient de 432.996 euros pour les 3 %
les plus faibles, de 534.717 euros pour les 10 % les moins performants et de 631.695
euros pour les 20 % les moins performants. Il convient d’actualiser ces ratios afin de
disposer d’un terme de comparaison approprié avec les recettes prévues en 2009.
Actualisée en fonction de l’évolution des dépenses d’assurance maladie constatée en
2006, 2007, 2008 et 2009, la recette des 10 % de centres hospitaliers les moins
performants passe de 534.717 euros en base 2005 à 614.000 euros en base 2009 et
celle des 20 % de centres hospitaliers.
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POUR LE BUDGET DE LA DEFENSE
83
La productivité médicale varie de manière sensible selon les
hôpitaux militaires. L’hôpital Begin de Saint Mandé, l’hôpital Legouest
de Metz et l’hôpital Laveran de Marseille sont classés parmi les 10 % de
centres hospitaliers les moins productifs. La situation apparaît plus
favorable pour le Val de Grâce et l’hôpital Sainte Anne de Toulon,
classés dans les 20 % de centres hospitaliers les moins productifs. Dans le
cas de l’hôpital Sainte Anne, son positionnement sur certaines spécialités
médicales, qui lui octroie des parts de marché significatives dans son
bassin de soins, permet d’expliquer une productivité médicale plus
satisfaisante que celle de ses homologues.
D - Une prise en compte perfectible des contraintes
militaires
Afin de limiter l’impact du départ du personnel en opérations
extérieures sur le fonctionnement des hôpitaux, une planification a été
établie. Une directive annuelle, publiée en novembre de l’année n-1,
recense les ressources nécessaires, spécialité par spécialité. Le personnel
concerné sait dès lors si et quand il partira en OPEX l’année suivante ou
s’il sera intégré dans une « veille opérationnelle » susceptible d’être
activée à tout moment. Ce dispositif a fait la preuve de son efficacité
opérationnelle depuis 2002.
Sur le plan de l’organisation des soins, toutes les conséquences
n’ont pas été tirées de cette planification pour éviter que le départ en
opérations extérieures n’ait trop d’impact sur l’activité de soins.
Pour les services dans lesquels la continuité des soins (oncologie
par exemple) ou l’accès aux soins (urgences) sont une nécessité, la charge
de travail est systématiquement reportée sur le personnel restant.
Dans les services de chirurgie, les plus concernés par les départs en
OPEX, l’activité est principalement programmée, c'est-à-dire sur rendez-
vous. Ces services s’adaptent à ces départs par une baisse importante de
leur activité, en amont et en aval de la seule période d’absence du
chirurgien. Il serait possible d’atténuer l’impact de ces départs en
opérations extérieures en améliorant la programmation des rendez-vous
postopératoires et en assurant le relais de l’activité chirurgicale par le
recours aux réservistes.
Si les départs en OPEX, et les absences des chirurgiens qui en
résultent, affectent indéniablement les relations entretenues avec la
médecine de ville et avec les patients, le service de santé des armées n’a
pas encore tout mis en oeuvre pour en limiter les effets.
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84
COUR DES COMPTES
III
-
Une solution à construire avec le monde civil
L’ampleur du déficit des hôpitaux militaires, liée à une
productivité médicale limitée et à un volume de soins en décalage avec
les référentiels civils, exige d’aller au-delà de ces améliorations
managériales : le dispositif hospitalier actuel ne garantit ni une activité
médicale de haut niveau suffisante, ni l’équilibre financier.
Dans le cadre du dispositif actuel, le service de santé doit mettre en
oeuvre une nouvelle trajectoire financière afin de garantir le retour à
l’équilibre des hôpitaux militaires dans les meilleurs délais.
Afin d’y parvenir et de réduire les coûts de la fonction hospitalière
militaire pour le ministère de la défense, un adossement aux autorités
civiles de santé apparaît nécessaire.
A - La reprise des bonnes pratiques de la gestion
hospitalière
La nécessité de disposer d’un outil hospitalier complètement
mobilisable en cas de conflit a conduit le service de santé des armées à
limiter fortement l’autonomie de ses hôpitaux militaires. En conséquence,
y compris pour leur activité de gestion et de développement des soins, les
responsables des hôpitaux d’instruction des armées disposent de leviers
d’action limités. Les décisions sont prises au sein de la direction centrale
du service de santé des armées.
Le redressement des comptes passe pourtant par une adaptation de
l’organisation de ces établissements aujourd’hui exclusivement conçue
pour faire face à un contrat opérationnel. L’absence de personnalité
morale des hôpitaux militaires, afin de préserver une chaîne de
commandement efficace et intégrée en cas de conflit, n’empêche pas une
déconcentration des décisions de gestion hospitalière compatible avec le
maintien d’un outil opérationnel pour le besoin des forces. Les chefs
d’établissement doivent disposer de marges de manoeuvre pour mieux
insérer leur hôpital dans le dispositif de soins.
Les chefs d’établissement sont en outre des médecins, trop peu
formés à la gestion hospitalière, à la différence des directeurs des
hôpitaux civils, qui relèvent du corps particulier de la fonction publique
hospitalière des directeurs d’hôpital.
Ces chefs d’établissement n’ont pas toujours reçu de formation
particulière avant de prendre des responsabilités de gestion d’un hôpital.
Ils n’ont pas systématiquement de qualification spécifique liée à
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POUR LE BUDGET DE LA DEFENSE
85
l’exercice de leurs fonctions de direction. La participation à un cursus de
formation à l’école des hautes études en santé publique, qui concerne
aujourd’hui un médecin chef et un gestionnaire par an, doit être
généralisée à l’ensemble des responsables des hôpitaux militaires.
Enfin, l’absence d’outils pour le pilotage de la fonction financière,
et de comptabilité analytique satisfaisante, prive les responsables des
hôpitaux militaires de tableaux de bord pour mettre au regard de la
ventilation de l’activité hospitalière les charges afférentes. L’absence de
tels outils de gestion peut conduire à des décisions contreproductives en
termes d’équilibre d’exploitation.
B - L’hypothèse du regroupement des structures
Le regroupement des structures hospitalières militaires pourrait être
étudié.
A contrat opérationnel inchangé, une réduction du nombre des
hôpitaux militaires métropolitains impliquerait que les chirurgiens prévus
par le contrat opérationnel soient répartis sur un nombre d’établissements
plus réduit. Or, selon le service de santé des armées, il est difficile de
disposer au sein d’un hôpital militaire de plus de cinq ou six chirurgiens de
chaque spécialité, au risque d’accroître la sous-activité, faute de patientèle
suffisante ou de créneaux opératoires. Dans ces conditions, le nombre
d’équipes chirurgicales serait réduit. Il serait nécessaire en parallèle de
développer le recours à la réserve pour remplir le contrat opérationnel et,
pour alimenter cette réserve, de créer l’obligation d’y servir pour les
médecins militaires quittant les armées.
Le service de santé indique également que, compte tenu de
l’exigence de disponibilité opérationnelle des praticiens militaires et la
nécessité d’un apport médical marginal sur un bassin de soins donné,
permettant un retrait rapide du dispositif civil en cas de conflit, il est
difficile d’augmenter la taille des hôpitaux des armées au-delà de 350 lits.
Cette objection est pertinente si l’objectif du service de santé des armées
est de continuer à disposer de 2 700 lits, mais on peut observer que le
service de santé allemand, qui doit pouvoir soutenir en opérations
extérieures des forces équivalentes, ne dispose plus que d’environ
1 800 lits.
L’impact financier de la fermeture d’un ou plusieurs établissements
serait mécanique même si, à court terme, la période d’ajustement limiterait
les gains puisque une partie du personnel devrait être redéployée vers
d’autres établissements.
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COUR DES COMPTES
C - L’adossement au système civil de santé
La stratégie hospitalière du service de santé doit s’inscrire dans la
perspective de l’acquisition par les praticiens militaires des compétences
toujours plus pointues nécessaires à l’exercice de leur mission.
La plus grande part des médecins militaires a, en effet, vocation à
servir en opérations extérieures où les besoins sont doubles :
-
ils correspondent, d’une part, à des soins non spécifiques de
médecine interne ou de médecine générale pour lesquelles les
services
des
urgences
peuvent
constituer
un
réservoir
de
compétences essentiel. D’autres soins en opérations extérieures
apparaissent nécessaires, comme les soins dentaires – une
évacuation sanitaire pour des maux dentaires représente un coût
élevé au regard du soin à pratiquer– ou certains soins en relation
avec des opérations humanitaires ou civilo-militaires.
-
ils sont liés, d’autre part, aux blessures des soldats, et
correspondent dans ce cas au coeur des spécialités médicales du
service de santé : la chirurgie, en particulier de type orthopédique et
viscérale.
Pour répondre à ces besoins, le service de santé doit s’adosser au
dispositif civil de soins.
Les urgences, qui concilient à la fois une approche de soins à la
population civile et de préparation aux opérations extérieures, devraient
s’intégrer plus fortement dans le système civil d’organisation et de
régulation des urgences.
Par ailleurs, le recentrage de l’activité médicale, conforme au
contrat opérationnel, doit être recherché avec l’appui des autorités
sanitaires civiles.
La stratégie médicale doit ainsi être arrêtée conjointement avec les
agences régionales de santé. Celles-ci devraient, en outre, se voir confier
une mission de mutualisation des infrastructures et des équipements des
hôpitaux des armées avec les établissements civils.
Les gains d’une telle évolution sont difficilement chiffrables mais la
combinaison de l’ensemble de ces éléments devrait permettre au service de
santé des armées d’optimiser les capacités hospitalières existantes, en
s’intégrant nécessairement dans les schémas régionaux d’organisation des
soins, de dégager des économies et de définir une trajectoire de retour à
l’équilibre des comptes des hôpitaux des armées.
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POUR LE BUDGET DE LA DEFENSE
87
______________________
CONCLUSION
_____________________
Le déficit d’exploitation des hôpitaux d’instruction des armées
atteint plus de 280 millions d’euros en 2009, représentant 53 % des
produits de leur activité, soit un niveau hors normes par rapport à des
hôpitaux civils comparables, qui en fait le premier déficit hospitalier de
France. 81 % de la dotation budgétaire du ministère de la défense à ces
hôpitaux militaires finance leur déficit d’exploitation.
Le service de santé des armées doit être en mesure, sous l’autorité
de l’état-major des armées et avec la direction de l’hospitalisation et de
l’organisation des soins du ministère de la santé, de définir un modèle
d’exploitation plus efficient. Les besoins du ministère de la défense,
notamment en ce qui concerne le transport et l’évacuation des blessés,
sont suffisamment importants pour qu’il hiérarchise mieux ses priorités
budgétaires en faveur des dépenses les plus utiles à la santé des soldats.
La réduction du déficit d’exploitation des hôpitaux militaires
constitue donc une priorité. Dans un contexte de restructuration générale
du système hospitalier, il apparaît peu concevable que les hôpitaux des
armées restent à l’écart des efforts de rationalisation.
Les comparaisons avec les hôpitaux civils de taille voisine
montrent que, au-delà d’un surcoût constaté en ce qui concerne les
cotisations de pension, les hôpitaux militaires connaissent une sous-
productivité médicale qui constitue la principale cause de leur déficit.
Cette sous-productivité est le résultat d’une insertion trop limitée dans le
dispositif dans l’organisation civile des soins. Cette insertion trop limitée
ne permet pas, par ailleurs, de maintenir les praticiens militaires à un
haut degré de compétence par un volume d’activité suffisant.
Pour améliorer la gestion hospitalière, celle-ci doit être
déconcentrée pour donner à
des chefs d’établissement réellement formés
à l’économie de la santé, dotés d’outils de pilotage financier, des marges
de manoeuvre pour diriger leur hôpital et mieux l’insérer, localement,
dans le dispositif public de soins.
Parallèlement à ces voies d’amélioration de la gestion, le
ministère de la Défense doit envisager une nouvelle approche de la
médecine hospitalière militaire et viser un adossement global au système
civil de santé.
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CONCLUSION GENERALE
89
Conclusion générale
Pour assurer sa mission, le service de santé des armées doit avoir, à
la fois, des médecins généralistes au plus près du combat et des médecins
hospitaliers pour pratiquer des soins complexes, notamment en chirurgie,
et prendre en charge les blessés dans la durée.
Les armées occidentales doivent, dans le contexte qui a succédé à
la fin de la guerre froide, faire face à une multiplicité des engagements et
à une montée de leur dangerosité. Aussi, le service de santé doit-il
témoigner, au quotidien, de sa pleine efficacité opérationnelle.
L’exercice de la médecine militaire est indissociable des évolutions
constatées dans le domaine de la santé civile. Les exigences des patients
militaires comme celles des patients civils se sont accrues et les soldats
attendent de recevoir les mêmes soins que ceux dont ils pourraient
bénéficier dans les structures civiles. Simultanément, le mode d’exercice
de la médecine est marqué par une technicité toujours plus grande et une
spécialisation accrue. Enfin, l’économie de la santé a évolué vers une plus
grande rationalisation des structures et des modes de gestion, garante
d’une meilleure qualité des soins et d’une meilleure allocation des
ressources.
Face à ces évolutions, les armées des principaux pays européens
ont, en matière de santé, fait des choix d’organisation différents.
L’Allemagne, le Royaume-Uni, et la France rémunèrent la
formation initiale des futurs médecins des armées qui suivent tous un
cursus médical dans les universités civiles. La France est, toutefois, la
seule à être dotée d’une école de formation des praticiens destinée à les
préparer à leur métier de médecins militaires.
Si les armées de ces trois pays disposent d’une organisation
similaire pour les médecins généralistes nécessaires au soutien des
troupes en opérations, leurs stratégies ont, en revanche, profondément
divergé en matière de médecine hospitalière.
La
Bundeswehr,
qui
reste,
partiellement,
une
armée
de
conscription et dont les militaires doivent obligatoirement se faire soigner
dans les structures du service de santé, possède en propre quatre hôpitaux
et partage un
cinquième avec le secteur civil.
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COUR DES COMPTES
L’armée britannique, considérant que le volume et le profil
d’activité de ses établissements hospitaliers ne permettaient plus de
maintenir un niveau de compétences des praticiens militaires conforme à
ses besoins opérationnels et que ces structures pesaient sur le budget du
ministère de la défense a choisi de placer ses médecins au sein des unités
des hôpitaux civils les plus à mêmes de les préparer à leurs missions
opérationnelles.
En France, le ministère de la défense a choisi de conserver ses neuf
hôpitaux d’instruction des armées, représentant environ 2 700 lits, de les
inscrire dans la politique publique de santé, consacrée par la loi et de les
ouvrir à la patientèle civile. Ce faisant, le service de santé a
retenu une
stratégie, fondée sur l’accomplissement d’une double mission, militaire et
civile.
L’organisation du service de santé des armées a permis de
répondre aux besoins opérationnels des armées dans le cadre des
engagements actuels. Sur le territoire national, l’activité des médecins
d’unité est, en revanche, insuffisamment adaptée à la préparation de leurs
missions opérationnelles : le volume des soins qu’ils prodiguent est limité
et leur participation à la médecine d’urgence hospitalière est trop faible.
La mission de santé civile, qui doit garantir aux médecins
hospitaliers un niveau et une qualité d’activité répondant aux besoins
opérationnels, n’aboutit pas aux résultats escomptés. Insuffisamment
insérés dans le dispositif d’organisation des soins, trop peu performants
dans leur
gestion, les hôpitaux militaires ne permettent pas d’assurer une
activité suffisante aux praticiens et à leurs équipes. Le déficit
d’exploitation des hôpitaux militaires, de l’ordre de 280 millions d’euros
en 2009, le premier déficit hospitalier de France, est la traduction
financière de ces difficultés.
Cette situation appelle une réponse ambitieuse du ministère de la
défense qui doit recentrer l’organisation du service sur les besoins
opérationnels de la médecine militaire et adosser la gestion de ses
hôpitaux au dispositif civil de santé.
Ainsi les médecins d’unité doivent-ils consacrer une part plus
importante de leur temps de travail à des activités médicales plus
opérationnelles ce qui suppose de prendre une part plus active à la
médecine d’urgence.
Mais c’est dans le secteur hospitalier qu’une réponse doit être
apportée dans les meilleurs délais. La dotation budgétaire du ministère de
la défense aux hôpitaux militaires sert, aujourd’hui, à 80 %, à combler un
déficit d’exploitation produit par une stratégie reposant sur une activité
exercée essentiellement au profit de la population civile. Les crédits du
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CONCLUSION GENERALE
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ministère de la défense ne doivent pas combler durablement un tel déficit,
pour une activité qui pourrait être assumée par des structures civiles plus
efficientes. Ils n’ont pour objet, ni d’offrir une gamme de spécialités sans
rapport direct avec les besoins des armées, ni de développer une offre
concurrente sur un marché de santé déjà pourvu.
La politique d’autonomie complète par rapport aux autorités
civiles, telle qu’elle a été menée depuis le début des années 2000, conduit
ainsi à un bilan peu satisfaisant et doit être abandonnée. Le service de
santé doit rechercher avec les autorités civiles une stratégie crédible dans
le domaine des soins, une mutualisation des équipements et un appui à la
professionnalisation de sa gestion. Il doit définir une trajectoire financière
de retour à l’équilibre de ses comptes et son calendrier de mise en oeuvre.
Si le service de santé des armées ne parvenait pas à améliorer
substantiellement ses performances et à atteindre cet objectif, la question
de la pérennité des structures hospitalières militaires devrait alors être
posée.
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COUR DES COMPTES
Recommandations
Optimiser la formation des praticiens des armées
1.
Mieux intégrer dans la scolarité des praticiens
les besoins spécifiquement militaires du soutien santé des
forces ;
2.
Réduire le coût de la formation en limitant le
personnel d’encadrement des écoles du service de santé ;
3.
S’assurer du remboursement effectif des frais
dus par les élèves ou militaires qui démissionnent avant
l’achèvement de leurs obligations de service.
Améliorer le soutien santé en opérations extérieures
4.
Poursuivre l’adaptation du soutien santé aux
nouvelles conditions d’emploi des forces (formation
militaire, équipement, psychiatrie) ;
5.
Accroître la coopération avec les alliés dans le
cadre des engagements en coalition ;
6.
Rendre compte des délais d’évacuation des
blessés en opérations extérieures ;
7.
Ouvrir plus largement les dispositifs du service
de santé aux populations civiles locales afin de garantir
une activité suffisante aux praticiens militaires et
développer une démarche de coopération civilo-militaire ;
Recentrer les médecins d’unité sur la préparation opérationnelle
8.
Recentrer l’activité des médecins d’unité sur
leur métier opérationnel, afin de disposer de praticiens
moins nombreux mais davantage concentrés sur la
pratique de la médecine militaire et d’urgence ;
9.
Mutualiser les médecins d’unité au sein des
bases de défense afin d’accroître leur activité médicale ;
10.
Facturer aux militaires et à leurs ayants droit
les consultations et les soins pour des raisons ne relevant
pas du service ;
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RECOMMANDATIONS
93
Adosser l’emploi des compétences hospitalières sur le dispositif civil
de santé
11.
Fixer l’objectif de retour à l’équilibre des
comptes d’exploitation des hôpitaux d’instruction des
armée, déterminer le calendrier pour y parvenir, et en
élaborer les modalités avec le dispositif civil de santé ;
12.
Rechercher systématiquement une concertation
avec les agences régionales de santé pour la définition des
spécialités offertes par les hôpitaux militaires ;
13.
Organiser une mutualisation des infrastructures
et des équipements avec les établissements publics de
santé ;
14.
Déconcentrer et professionnaliser la gestion
hospitalière avec l’appui local des agences régionales de
santé et celui de l’école des hautes études en santé
publique.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS
95
RÉPONSE DU MINISTRE DE LA DÉFENSE
Le rapport public thématique consacré aux médecins et
hôpitaux des années, à la suite du contrôle du service de santé des
armées (SSA), réalisé en 2008 et 2009 par la Cour des comptes,
appelle de ma part les observations suivantes.
Ce rapport vient utilement compléter les réflexions
conduites par le ministère qui ont déjà débouché sur des
évolutions dont la Cour souligne la pertinence, mais qui doivent
être poursuivies et approfondies. Les propositions de la Cour
constituent une aide précieuse pour parfaire les réformes engagées.
Consciente de la nécessité de fournir aux troupes engagées un
soutien santé le meilleur possible, la Cour reconnaît à juste titre à de
nombreuses occasions la qualité des soins prodigués et la
compétence du SSA, tout en prenant acte de la complexité de ses
missions, dans un contexte opérationnel mouvant et face aux évolutions
de la politique nationale de santé à laquelle le SSA participe, tant par
ses HIA que par ses autres moyens (services médicaux d'unités
(SMU), formation, recherche).
Elle insiste sur la nécessité de maintenir une formation
d'excellence à moindre coût et de prendre en charge les névroses
traumatiques de guerre en opérations extérieures. Elle relève le
rôle important des SMU et souligne avec raison l'importance de la
médecine d'urgence dans leur activité, tout en maintenant, pour des
raisons d'efficacité tant en métropole qu'en opérations extérieures, la
polyvalence de leurs actions, médecine de soins traditionnelle, urgence,
aptitude et prévention. Dans cette perspective elle insiste sur la
nécessité de rendre possible la prise en charge par l'assurance-
maladie de l'activité de soins pour les affections non liées au service
des militaires et de leurs familles.
S'agissant des HIA, la Cour souhaite qu'ils travaillent
davantage au profit des militaires mais considère aussi comme une
nécessité leur participation à la mission de service public hospitalier
afin de maintenir la compétence des équipes et d'éviter des
surcapacités hospitalières. Elle juge enfin indispensable une
meilleure synergie avec les autorités sanitaires civiles.
A quelques réserves près sur le détail de la situation du
SSA, je souscris largement aux propositions avancées par la Cour,
dont bon nombre ont déjà été prises en compte ou sont en voie de
l'être. Les décisions nécessaires ont été prises pour rationaliser le
dispositif de formation, développer la formation militaire et obtenir le
remboursement de la formation de. ceux qui ne respecteraient pas leur
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COUR DES COMPTES
engagement de service. Le recours aux réservistes est encouragé. Le
personnel des SMU proches des HIA participent aux gardes, et des
expérimentations vont débuter pour faire prendre en charge par
l'assurance-maladie les soins réalisés dans les SMU au profit des
familles. La diminution du nombre de personnel non soignant est
résolument engagée et le regroupement des services médicaux va
être poursuivi. Des négociations ont été menées avec le ministère de
la santé, à l'occasion desquelles les agences régionales de santé ont
été sollicitées. Elles ont conduit le SSA à adapter son dispositif de
soins et son programme d'équipements lourds.
Certains développements de la Cour me paraissent cependant
devoir justifier un réexamen. Il en est ainsi de ceux relatifs au «
déficit d'exploitation » des HIA, qui me semble devoir être
considéré comme la première approche d'un coût de possession.
Comme le reconnaît la Cour, le calcul de ce coût de possession est
difficile car les outils budgétaires et comptables actuels du SSA
n'ont pas été conçus à cet effet et s'appuient sur des conventions en
matière de valorisation très éloignés des réalités économiques. Un
effort considérable est en cours pour apporter des solutions à cet
état de fait. Il serait cependant aujourd'hui inexact et aventureux
de vouloir assimiler ces montants très imparfaits à un « déficit
d'exploitation » dénué de sens dans ce contexte.
De même les comparaisons internationales doivent être utilisées
avec circonspection : sans sous-estimer l'intérêt de la position
retenue par le Royaume-Uni, qui a récemment choisi une
intégration partielle de ses équipes hospitalières dans les structures
civiles, il est encore un peu tôt pour juger de sa pertinence : cette
option souffre en effet de nombreuses limites d'ailleurs soulignées
dans les rapports du
National audit office
et de la Chambre des
Communes auxquels la Cour fait d'ailleurs référence et qui viennent
corroborer les constats faits par exemple en
Afghanistan.
Enfin, et sans que cela affecte en rien ma détermination à
garantir une utilisation optimale des crédits dont bénéficie le SSA tant
par la voie budgétaire que par les remboursements au titre de
l'assurance-maladie, je veux souligner l'importance que j'attache à la
qualité et à la réactivité du soutien santé des forces armées qu'il
assure remarquablement et qui est sa mission première. Ainsi, il
convient de faire preuve d'une certaine prudence dans l'analyse de
son fonctionnement qui ne saurait être uniquement économique et
technique. Les conditions d'exercice de cette mission doivent
également conduire à accepter le coût d'une certaine résilience et
adaptabilité à un contexte opérationnel instable.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS
97
Je vous prie de bien vouloir trouver mes observations
détaillées sur les recommandations de la Cour qui étayent ma
réponse et apportent des compléments actualisés aux observations
formulées par le rapport.
* * *
Observations sur les recommandations de la Cour des comptes
I - La ressource humaine
1.1. La répartition des effectifs
La Cour estime que le pourcentage de
médecins
accomplissant des tâches de direction et d'administration est élevé
Le corps des médecins des armées est statutairement le corps
de direction du service de santé des années (SSA) qu'il lui incombe
d'encadrer, d'organiser et de diriger dans un contexte où
l'organisation des soins au sein d'une chaîne santé opérationnelle
reste indissociable de l'exercice médical dans les armées.
Les médecins occupent donc des emplois de commandement,
d'inspection, d'expertise, de conseil, d'encadrement et d'instruction,
sans contact direct avec le malade mais pour lesquels la
connaissance intime du milieu et les compétences acquises dans
l'exercice clinique constituent un atout tenu pour indispensable. Le
management par des médecins n'est d'ailleurs pas l'apanage du
service de santé des armées et existe aussi, tant dans le secteur public
que dans le secteur privé.
L'orientation vers ces emplois répond, d'une part, aux besoins
d'encadrement du service et, d'autre part, au souhait de certains
praticiens de s'investir, lorsqu'ils en ont les compétences, dans le
domaine du management sans perdre totalement de vue leur métier
d'origine.
Naturellement, ceux qui désirent continuer à exercer leur
pratique médicale en ont la pleine capacité et l'ensemble des
fonctions proposées forme un équilibre respectant aussi bien les
desiderata des individus que l'intérêt du service.
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COUR DES COMPTES
Après
analyse
de
chaque
poste,
les
emplois
d'encadrement ne nécessitant pas de culture professionnelle
spécifique sont confiés à des officiers des armes ou à des
fonctionnaires de catégorie A.
Au titre de l'année 2010, les médecins des armées occupent
158 emplois de management, soit un peu plus de 8% de l'ensemble
des postes réalisés pour ce corps. Si, en valeur absolue, le nombre de
ces postes est en diminution de 10% depuis 2005, la proportion reste
quasiment identique, compte tenu de l'attrition, conforme à la
diminution du plafond ministériel d'emplois autorisés, des effectifs
réalisés.
Ces données sont amenées à diminuer ces prochaines années
dans le cadre des restructurations en cours : regroupement des deux
écoles de santé, création d'un institut unique de recherche, fusion
des deux régiments médicaux.
1.2. Le rôle des réservistes
La Cour des comptes souligne que, compte-tenu de
l'importance des réservistes dans le fonctionnement du service
de santé et de l'investissement lourd que représente la formation
initiale du personnel du service de santé, il est regrettable qu'une
politique de maintien dans la réserve opérationnelle ne soit pas
développée en direction des praticiens et paramédicaux d'active qui
quittent le service.
Par ailleurs, elle précise qu'il est nécessaire de s'assurer que les
réservistes seront effectivement disponibles en cas de crise majeure, une
part importance de ces médecins et infirmiers pouvant être mobilisée
dans le cadre d'autres obligations.
La politique d'ouverture de la réserve opérationnelle du SSA à
ses anciens personnels d'active est déjà mise en oeuvre depuis plus de
cinq années, en particulier au regard de l'évolution des conflits.
Jusqu'en 2004, le SSA n'a pas favorisé le recrutement d'anciens
militaires d'active dans la réserve opérationnelle, afin de préserver un
ancrage de sa réserve dans la société civile, conformément à l'esprit
de la loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve
militaire et du service de défense.
A partir de 2004, alors que la multiplication des opérations
extérieures conduisait à accroître la participation des réservistes aux
opérations, le SSA a plus largement ouvert le recrutement de sa
réserve opérationnelle à ses anciens cadres d'active, afin de bénéficier
de l'apport précieux de ces personnels formés et expérimentés.
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C'est ainsi qu'en mai 2010, ont été adoptées d'importantes
mesures de simplification de procédure avec, en particulier,
l'adoption d'une disposition permettant la signature rapide d'un
contrat d'engagement à servir dans la réserve opérationnelle. Au
cours de ces trois dernières années, le pourcentage d'anciens cadres
d'active à avoir souscrit un tel type de contrat s'est élevé à 25,3%.
Pareille
évolution
s'est
accompagnée
d'opérations
de
communication fortes en direction de cette population, ainsi que de
mesures de valorisation, en termes de promotions et de distinctions,
pour ceux d'entre eux qui servent dans la réserve de façon
particulièrement satisfaisante.
Dans un contexte où la disponibilité et les effectifs des
professionnels de santé civils sont en diminution, le SSA est
particulièrement conscient de son intérêt à encourager à servir
dans la réserve ses anciens cadres qui forment un vivier de
recrutement constamment renouvelé et dont la disponibilité reste
élevée, puisque beaucoup d'entre eux ne reprennent pas une
activité professionnelle à plein temps.
Plus de 50% de la réserve du SSA est désormais constituée de
volontaires qui n'ont pas effectué de service militaire. Ces réservistes,
recrutés parmi les professionnels de santé, sont compétents dans
leurs métiers respectifs, mais doivent bénéficier de formations leur
permettant
d'acquérir
un
certain
nombre
de
compétences
communes, telles que la formation militaire initiale, la
médecine d'urgence, l'épidémiologie ou la médecine d'expertise, pour
adapter leur pratique aux nécessités du milieu militaire.
Jusqu'à ces dernières années, des formations étaient organisées à
l'échelon régional au bénéfice des réservistes. Depuis 2009, les
directeurs en région conservent la responsabilité du pilotage de la
formation de leurs réservistes, mais les désignent pour suivre des
sessions de formation organisées par I'Ecole du Val-de-Grâce. A
chaque fois que la durée des formations le permet, ces réservistes
suivent les enseignements destinés aux médecins d'active.
La formation du réserviste est désormais planifiée dans le
cadre d'un parcours professionnel, dont les étapes sont décrites dans
une instruction en cours de finalisation. L'acquisition de ces différentes
étapes de formation sera sanctionnée par l'attribution d'insignes de
qualification spécifiques.
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Un suivi de la disponibilité est réalisé au travers d'un
questionnaire qui est adressé annuellement aux réservistes, l'analyse
des réponses étant réalisée par les directions régionales du SSA.
II -
La formation
2.1. Le remboursement du lien au service
2.1.1. La Cour souligne qu'en contrepartie de la rémunération de
leurs études, les anciens élèves des écoles de santé ont une obligation
de servir l'Etat. La durée des études médicales ayant été augmentée, la
réforme du statut des praticiens a prévu un allongement raisonnable de
la durée de service.
Toutefois, l'aspect dissuasif de l'obligation de rembourser les frais de
scolarité en cas de démission est atténué dans la pratique. En effet, les
anciens élèves qui rejoignent l'une des trois fonctions publiques
bénéficient systématiquement de sursis de paiement suivis de remises
gracieuses de dette au bout de dix ans. Il s'agit là d'une pratique
fondée
sur
une
généralisation
injustifiée
des
mesures
de
bienveillance.
Aussi, le ministère de la défense et le comptable du trésor public
doivent donc appliquer strictement les règles en vigueur. La Cour
recommande donc de s'assurer du remboursement effectif des frais
dus par les élèves ou militaires qui démissionnent avant
l'achèvement de leurs obligations de service.
Les élèves des écoles contractent un lien au service et si ce lien
est interrompu, ils sont tenus au remboursement des frais de leur
scolarité. Sursis et exonérations de dette ne sont effectivement pas
prévus par les textes et ne reposent que sur l'application usuelle de
mesures de bienveillance.
Afin d'examiner cette question, une réunion s'est tenue le 14
juin 2010, avec la trésorerie générale des créances spéciales du
Trésor et la direction des affaires financières du ministère de la
défense.
Cette réunion a permis de souligner :
•
d'une part, que les formations des élèves des écoles du SSA sont
financièrement supportées par le budget de l'Etat et que,
s'agissant de la même personne morale et du même budget
général, il n'y a aucune raison de distinguer le travail exécuté
dans les armées de celui exécuté dans une autre administration
de l'Etat. La notion de travail au profit de l'Etat, ouvrant droit
à un sursis à recouvrement ne peut donc être réduite en deçà
du périmètre de ce dernier ;
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101
•
d'autre part, que les décisions d'attribution d'un sursis sont
créatrices de droit et, à ce titre, ne peuvent légalement être
retirées après le délai de recours contentieux de quatre mois. En
conséquence, les décisions datant de plus de quatre mois ne
peuvent pas être affectées par une redéfinition de la pratique
administrative.
Ainsi, il a été décidé d'appliquer les positions suivantes :
•
désormais, les sursis à recouvrement liés à un emploi public,
ne seront accordés qu'aux anciens élèves qui acquièrent la
qualité d'agent public de l'Etat ;
•
le régime des sursis « étudiants » n'est pas modifié ;
•
les internes continueront à être considérés comme des
étudiants, pour l'application des mesures de sursis ;
•
les pratiques antérieures sont maintenues pour les situations
acquises. Autrement dit, les sursis déjà accordés aux
personnes ayant rejoint l'une des trois fonctions publiques
seront maintenues et pourront donner lieu à l'annulation du
solde de la dette si les intéressés remplissent leur lien au
service ;
•
les étudiants parvenant à la fin de leurs études se verront
appliquer la nouvelle politique définie supra.
2.1.2. La Cour souligne que la pratique du remboursement des frais
de scolarité dans le cadre d'un échéancier négocié entre le Trésor
public et le débiteur sans application d'intérêts apparaît hautement
contestable.
Cette observation concerne l'ensemble des écoles de l'Etat et
ne relève pas du seul ministère de la défense.
2.2. La réduction des coûts
La Cour recommande de réduire le coût de formation en limitant le
personnel d'encadrement des écoles du service de santé des armées.
Avant le passage de la Cour, le SSA s'était déjà engagée dans la
réduction des coûts de formation, à l'occasion des premiers travaux
menés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques
(RGPP).
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Cette réforme de la formation initiale répond à quatre objectifs
majeurs :
•
former les praticiens nécessaires pour remplir le contrat
opérationnel ;
•
maintenir une formation académique de qualité répondant aux
exigences de droit commun et en l'adaptant à l'évolution des
études de santé ;
•
développer la formation d'officier ;
•
s'inscrire dans une maîtrise renforcée du coût du dispositif.
Le premier objectif repose sur un recrutement ab initio, qui
implique de disposer d'écoles de formation initiale suffisamment
attractives pour maintenir un recrutement de qualité.
Ces écoles doivent posséder un encadrement adapté afin
d'assurer le soutien universitaire des élèves, leur formation
militaire et leur transmettre les valeurs inhérentes à leur futur
métier de praticiens des armées.
Pour être remplie avec succès, cette mission doit s'appuyer
sur une direction des études et de la formation disposant d'un corps
professoral dans les disciplines fondamentales des études de santé
qui soit en mesure de suivre la performance universitaire des élèves
durant leur scolarité.
Cette démarche est aujourd'hui finalisée puisque, d'ores et déjà,
à l'issue du regroupement des deux écoles, le taux d'encadrement des
promotions d'élèves sera ramené à 14% contre 18% en 2009.
Cependant, le dimensionnement de la direction des études et de la
formation demande à être réévalué en fonction des résultats
obtenus, l'enjeu principal étant d'améliorer encore le taux de
réussite au concours de fin de première année des études communes
de santé.
Le renforcement de la formation d'officier des élèves
praticiens et les évolutions sociologiques constatées nécessitent un
encadrement au plus près des élèves afin de favoriser leur adhésion
aux valeurs de l'institution militaire et de les amener à devenir des
praticiens des armées aptes à servir dans des conditions difficiles.
Le schéma d'encadrement a donc été revu en ce sens et sera
expérimenté au cours de l'exercice 2010-2011. Un retour
d'expérience permettra d'évaluer son efficacité.
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La maîtrise du coût du dispositif s'inscrit dans le
cadre plus général de la réforme de l'administration générale
et du soutien commun du ministère de la défense. Le transfert de
ces missions au commandement interarmées du soutien est
programmé pour le 1
er
janvier 2011. Le service de santé des années
adhère sans réserve à cette démarche de mutualisation pour ses
écoles et a mis en oeuvre un plan de déflation bien plus ambitieux que
celui des dispositions initiales de la révision générale des politiques
publiques.
Enfin, la valorisation des prestations fournies par les
groupements de soutien des bases de défense fera l'objet d'un suivi
particulier. Pour mémoire, la mesure de l'efficience du soutien de
la formation fait partie des indicateurs du projet annuel de
performance du projet de loi de finances que le service suit
annuellement. Cet indicateur affiche une amélioration de quatre points
entre 2009 et 2010.
2.3. Le regroupement des écoles
La Cour estime que le service de santé des armées a trop rapidement
écarté l'hypothèse d'un regroupement de l'école du personnel
paramédical des armées avec l'école de formation initiale des
praticiens.
Le transfert de l'école du personnel paramédical des armées
(EPPA) de Toulon vers les bâtiments laissés libres sur le même site
par la construction du nouvel hôpital Sainte Anne, a été décidé pour
les raisons suivantes :
•
il aurait imposé des travaux d'infrastructure importants
portant tant sur les locaux d'hébergement que sur les locaux
d'enseignement, les cours de l'EPPA, en tant qu'institut de
formation en soins infirmiers, devant être organisés sur le site ;
•
ce transfert, par l'arrivée de près de 400 élèves infirmiers,
aurait aussi déséquilibré l'offre de stages en soins infirmiers
entre la région Provence-Alpes-Côte d'Azur dont l'EPPA est
l'un des plus importants instituts de formation et la région
Rhône-Alpes qui en compte déjà de nombreux, restreignant
d'autant les possibilités de stages en secteur civil ;
•
toujours en termes de terrains de stages, les deux hôpitaux
des armées de Toulon et de Marseille offrent, tant sur le plan
quantitatif qu'en matière de diversité des spécialités, plus de
possibilités que le seul hôpital des armées de Lyon.
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Un tel déplacement aurait également compliqué le transfert
vers Lyon des élèves de l'école du service de santé des années de
Bordeaux, retardant ainsi la fermeture de cet établissement et
l'intégration de l'ensemble des élèves reçus au concours d'entrée
depuis 2009.
2.4. L'enseignement militaire
La Cour invite à une meilleure intégration dans la scolarité des
praticiens des besoins spécifiquement militaires du soutien santé
des forces.
La formation militaire dispensée aux élèves admis dans les
écoles de formation initiale a fait l'objet d'un plan d'action intégré
dans le projet de refondation de la formation initiale.
Ce plan d'action comprend une remise à plat du
dispositif de formation d'officier. Un rapprochement a été
réalisé avec les autres grandes écoles d'officiers de carrière afin
de capitaliser leur expérience et de donner ainsi aux futurs praticiens
des années une formation militaire sinon identique, du moins
comparable à celle dispensée dans ces écoles.
Une maquette rénovée a été établie tenant compte des
spécificités de la formation médicale qui, pour sa partie académique,
est totalement déléguée à l'université ce qui impose des contraintes aux
élèves tant en termes de charge de travail que de calendrier.
La formation de l'officier et du combattant est ainsi
répartie sur les trois premières années de la scolarité à l'école
de santé et a pour objet de donner aux futurs praticiens des
armées les connaissances et le savoir-faire sur lesquels ils pourront
s'appuyer tout au long de leur carrière.
Reposant pour partie sur des périodes bloquées, organisées
essentiellement durant les congés hospitalo-universitaires, elle
s'appuie par ailleurs sur un renforcement de l'encadrement militaire de
contact, qui sera réalisé dès la rentrée universitaire 2010.
Enfin, la refondation de la formation initiale ne s'est pas
limitée à un regroupement des écoles mais a été l'occasion de
procéder à une réorganisation de l'Ecole du Val-de-Grâce avec la
montée en puissance de sa division de préparation opérationnelle.
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105
III -
Les
opérations extérieures
3.1. Les délais d'évacuation
La Cour regrette que le service de santé des armées ne dispose pas
d'indicateurs pour rendre compte des délais d'évacuation des blessés
en opérations extérieures et lui recommande la mise en oeuvre d'un tel
suivi.
Pour le concept français de médicalisation de l'avant qui
privilégie la qualité de l'action médicale au plus près de la
blessure, le délai d'évacuation des blessés n'est pas l'indicateur le
plus pertinent de la performance des activités de soutien des forces.
Toutefois, compte tenu du caractère multinational des
opérations et de la nécessité de se conformer aux standards de
l'OTAN, le suivi formel des délais d'évacuation des blessés
s'intégrera
naturellement
dans
le
registre
des
actes
techniques en opérations (REACTO), dont le développement
sera achevé au deuxième semestre 2011.
La première phase de ce déploiement expérimental est déjà
entreprise et le SSA dispose dès à présent des premiers éléments
concernant les délais d'évacuation pour le théâtre afghan. Leur
analyse fait apparaître que le délai moyen de prise en charge
médicale par un médecin ou un infirmier est d'une vingtaine de
minutes, ce délai pouvant être doublé en cas d'intensité particulière
des combats. Ces délais sont bien inférieurs aux timelines de l'OTAN
(1 heure).
L'évacuation tactique vers le rôle 3 est réalisée en deux heures
et demie. Ce délai tient compte en particulier des impératifs
sécuritaires de la zone de poser. On peut estimer à 15% le
nombre d'évacuations médicales de l'avant qui ne sont pas réalisées
dans des délais estimés optimum, pour des raisons opérationnelles
(conditions météorologiques, absence de visibilité, zone de poser non
sécurisée, etc.).
Pour
ce
qui
concerne
l'évacuation
stratégique
d'un
combattant vers le territoire national, le délai moyen est de 24
heures entre la survenue de la blessure et l'atterrissage de l'avion à
la base aérienne de Villacoublay.
Enfin, pour ce qui concerne les évacuations sanitaires
stratégiques multiples dans le cadre de la mise en oeuvre du
module de réanimation pour patient à haute élongation
d'évacuation (MORPHEE), celles-ci se sont toujours déroulées dans
des délais bien inférieurs à ceux prévus dans leur concept d'emploi.
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Par ailleurs, ces délais sont aussi bien inférieurs à ceux rencontrés
par le service de santé allemand dans le cas d'une utilisation
similaire d'un tel module.
Ainsi, force est de constater que la pratique observée dans la
chaîne de prise en charge des blessés français respecte largement les
standards des délais prescrits par l'OTAN
3.2. La faiblesse des effectifs mobilisés
La Cour souligne qu'une très faible part des effectifs est mobilisée en
opérations extérieures : d'une part la participation globale est limitée et
d'autre part le personnel hospitalier est peu sollicité.
Le format du S SA est calculé pour répondre au contrat
opérationnel que lui fixent les années, soit, pour l'engagement le plus
important retenu à ce jour, le soutien de 30 000 hommes sur un
premier théâtre auquel doit s'ajouter la capacité de soutenir, d'une
part, 5 000 hommes sur un deuxième théâtre et, d'autre part, 10 000
hommes sur le territoire national.
Dans la mesure où un tel volume de forces n'est pas
actuellement engagé, il est absolument normal que les possibilités
maximales du SSA ne soit pas atteintes.
Pour le soutien des 12 000 militaires présents en
opérations extérieures, le service déploie annuellement une
moyenne de 1 000 personnes soit 13% des effectifs qu'il peut mettre
en oeuvre, élèves et internes exclus. Si l'on y ajoute le nombre de
personnes du service déployé au sein des forces de souveraineté et
pré positionnées, en mission de courte ou de longue durée, ce taux
passe à près de 15%.
L'effort que représente le seul engagement en opérations
extérieures pour le service en 2009, année pourtant modeste sur ce
plan, est le suivant :
•
14% des médecins des armées, toutes spécialités confondues, ont
été projetés en opérations extérieures. Certaines spécialités
étant particulièrement sollicitées, ainsi les anesthésistes-
réanimateurs à hauteur de 31 % et les chirurgiens généralistes
(orthopédistes et viscéralistes) à hauteur de 48 % ;
•
13% des personnels paramédicaux tous corps confondus, ont
été projetés en opérations extérieures. Certains corps sont
particulièrement sollicités, ainsi les infirmiers de bloc
opératoire à hauteur de 19% et les infirmiers anesthésistes à
hauteur de 21%.
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3.3. Le suivi des troubles psychiques
La Cour recommande de poursuivre l'adaptation du soutien santé
aux nouvelles conditions d'emploi des forces et regrette que le
service de santé des armées ne s'implique pas suffisamment dans la
détection et le suivi des troubles psychiques des militaires ayant
participé à des opérations, ce que traduit le développement de
pratiques et de services psychologiques propres à chaque armée.
Au cours des deux dernières décennies et à la suite d'opérations
extérieures de durée limitée mais d'engagements intenses, le SSA a
mis en place des procédures de prise en charge précoce des
troubles psychiques post-traumatiques qui ont permis d'en limiter
l'ampleur et la durée. Ces procédures reposent sur un dépistage
avant projection, un suivi pendant le déploiement et un dépistage
au retour, que l'évolution du contexte opérationnel, en particulier sur
le théâtre afghan, a conduit à adapter.
Lors d'une conférence de consensus organisée par la caisse
nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS), les troubles
psychiques post-traumatiques ont été retenus comme une priorité en
matière de prévention. Cette décision a donné lieu à la rédaction
d'un plan d'actions spécifiques à la prise en charge des troubles
psychiques post-traumatiques dans les armées dans une approche visant
à la cohérence d'ensemble des actions préventives, informatives,
diagnostiques, thérapeutiques, sociales et de commandement au sein
du ministère de la défense.
Ce plan d'actions vise à mieux :
•
dépister les troubles psychiques post-traumatiques pour une
prise en charge adaptée ;
•
prendre en charge les troubles psychiques post-traumatiques
aigus pour prévenir un passage à la chronicité et les troubles
psychiques post-traumatiques chroniques pour atténuer leur
retentissement sur la vie familiale, sociale et professionnelle ;
•
accompagner le militaire dans son projet de vie au
décours d'une situation de stress opérationnel ;
•
recenser les troubles psychiques pour évaluer leur impact sur
la capacité opérationnelle.
Il continue de donner un rôle central au médecin d'unité, affirme
la doctrine de psychiatrie militaire, assure la traçabilité des troubles
psychiques chez les patients, accompagne les choix stratégiques
proposés par les armées et la gendarmerie nationale, renforce le
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partenariat avec les institutions et organismes du ministère de la
défense impliqués dans la prévention et fait progresser la recherche
biomédicale.
Les orientations générales de ce plan d'actions doivent faire
faire l'objet d'une validation par le ministre de la défense avant la
fin de l'année 2010.
3.4. La coopération interalliée
La Cour recommande d'accroître la coopération avec les alliés dans
le cadre des engagements en coalition.
Le ministère de la défense ne partage pas l'analyse de la
Cour sur le niveau de coopération de la France avec ses alliés. Le
SSA français est l'un de ceux qui promeut le plus ce type de
coopération, étant l'un des seuls au monde à être en mesure de
déployer une chaîne médicale complète.
La mutualisation du soutien médical des opérations avec les
alliés est limitée par deux contraintes : l'insuffisance des services de
santé alliés dans le domaine du soutien médical et la très grande
différence de standard de prise en charge médicale.
Ce déficit capacitaire a fait l'objet de thèmes d'étude lors des
comités des chefs du service de santé de l'OTAN, couramment appelés
COMEDS
66
, et en particulier en décembre 2009 à Bruxelles où le
directeur central du service de santé français a été chargé d'en
assurer la coordination.
L'insuffisance des capacités de soutien médical des nations est
soulignée régulièrement par l'OTAN à travers son processus triennal
de Defense requirement review.
Le
général
Abrial,
commandement
suprême
allié
transformation (SACT) à l'OTAN, l'a d'ailleurs souligné récemment
lors de son audition par la Commission de la défense nationale et des
forces armées de l'Assemblée nationale, le 26 mai 2010. Les
quelques exemples suivants illustrent ce point particulier :
•
à la fin de l'année 2009, le Royaume-Uni n'a pas pu assurer la
relève de ses personnels de l'hôpital de niveau 3 de Camp
Bastion dans le sud de l'Afghanistan et a laissé tous les
secteurs cliniques aux danois durant 3 mois ;
66) Acronyme de Committees of the chiefs of military medical service in
NATO.
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109
•
l'Allemagne qui est engagée à hauteur de neuf équipes
chirurgicales (Kosovo, Afghanistan et opération Atalante au
large de la Somalie) cesse sa coopération (une équipe
chirurgicale) à l'hôpital médico-chirurgical (HMC) de Kaia en
novembre 2010 car elle n'est plus en mesure d'assurer les
relèves ;
•
la République tchèque qui pourrait les remplacer à l'HMC
Kaia avait envisagé initialement de s'investir à hauteur de
quarante personnes de spécialité médicale dans cet hôpital.
La réalité sera de dix personnes, c'est à dire une équipe
chirurgicale ;
•
l'Espagne qui détient un hôpital de niveau 3 à Herat dans
l'ouest de l'Afghanistan a délégué la prise en charge
chirurgicale des patients à deux équipes bulgares dont les
standards de prise en charge sont assez éloignés des standards
français.
Seules quelques grandes nations conservent une capacité
significative, les autres offrant seulement quelques personnels épars.
C'est le cas de la Hongrie qui coopère au sein de l'HMC de Kaia avec
seulement 3 personnes. Cet état de fait engendre des difficultés de
travail en environnement multinational avec de nombreuses nations
alors que les équipements et les thérapeutiques sont en langue
française : l'HMC de Kaia comprend 120 personnes et selon les
périodes, 5 à 6 nations parmi les suivantes : France, Allemagne,
Bulgarie, Belgique, Portugal, Hongrie, Etats-Unis. C'est en fait le
service de santé français qui soutient les autres nations et non
l'inverse.
Le standard de prise en charge a déjà été évoqué avec la
Bulgarie. Il en est de même avec des nations comme celles de la
Charte Adriatique par exemple (Bosnie-Herzégovine, Croatie,
Monténégro et ex-République yougoslave de Macédoine) qui
souhaitent pourtant contribuer aux hôpitaux de l'OTAN.
Le bilan de la coopération internationale en opérations reste
toutefois positif puisqu'elle existe à tous les niveaux. Aucune autre
fonction opérationnelle, hormis celle de commandement (états-
majors), n'est allée aussi loin dans la coopération.
Si aujourd'hui, les Etats-Unis, l'Allemagne et la France
représentent les seules nations capables de déployer une chaîne
sanitaire complète en opérations extérieures, il importe de suivre avec
attention l'évolution de nos alliés allemands qui envisagent la
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restructuration la plus importante et étendue de leur histoire. En
effet, dans sa lettre d'accompagnement au rapport analytique, le
ministre allemand de la défense reprend les constatations du
GenInspBw, à savoir « aujourd'hui, avec un engagement opérationnel
instantané de 7 000 soldats sur un volume global de 252 000, la
Bundeswehr atteint ses limites dans certains domaines ». Bien
qu'ayant un statut, des structures et les capacités d'une armée, le
service de santé allemand atteint lui aussi également ses limites
avec des départs massifs de médecins des armées et la réforme de la
formation universitaire en chirurgie.
Le rapport annuel du chargé de mission parlementaire pour
la Bundeswehr (Wehrbeauftragter) mentionne des difficultés
importantes de recrutement et de fidélisation de la ressource en
médecins du Sanitâtsdienst. Le rapport de 2009 en faisait encore état
de manière particulièrement incisive, signalant une détérioration
jugée « dramatique » de la situation et mettant en cause le
commandement sur l'inefficacité des mesures correctrices.
L'hémorragie de médecins partant dans le secteur civil
(privé ou public) apparue en 2007, s'est traduite par le départ non
planifiée de l'institution de plus de 120 médecins en 2008 et au
premier semestre 2009. Le déficit est estimé à environ 430
médecins sur un effectif théorique de 3 496 postes en 2010.
Les raisons invoquées pour cette hémorragie non maîtrisée
tiennent à la fois à la concurrence accrue du secteur civil dans un
contexte de diminution générale du nombre de médecins en
Allemagne, mais aussi à des contraintes liées aux départs en
opérations extérieures.
Pour ce qui est du modèle anglo-saxon mis en avant par la
Cour des comptes, il convient de préciser les éléments suivants.
Par mesures d'économies, le defense medical service (DMS)
a perdu entre 1990 et 1997 la moitié de ses effectifs, alors que dans
le même temps, l'effectif des forces armées n'était réduit que d'un
tiers. Le choix de recourir au secteur civil, le National health
service (NHS), s'est traduit par la fermeture de la totalité des
hôpitaux militaires et parallèlement par l'ouverture de cinq unités
militaires au sein des hôpitaux civils. Le principe de coopérer avec le
NHS paraissait à l'époque la meilleure solution, d'un point de vue
fonctionnel, financier et administratif. Ces excès en matière de
restructuration ont rendu le Royaume-Uni totalement dépendant en
matière de soutien sanitaire.
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111
La fermeture des hôpitaux militaires en faveur de l'appui du
NHS est aujourd'hui perçue par les anglo-saxons eux-mêmes comme
une entrave à la qualité des services proposés, provoquant une
variation du respect de la conformité des normes de soins apportés
sur les zones de conflit et au Royaume-Uni.
En 2010, le DMS a reconnu un manque d'effectifs de l'ordre
de 42 % de médecins (476 pour un objectif de 818) et 21 % chez les
infirmiers (1 500 pour un objectif de 1 900). Les déficits se font
sentir dans la plupart des spécialités cruciales telles que la
chirurgie, la médecine générale, la psychiatrie et la médecine de
réadaptation. Le DMS a signalé que des mesures actives telles que
l'emploi de réservistes et l'incitation à l'embauche, ainsi que la
priorisation de l'utilisation des ressources pour soutenir les
opérations, avaient été prises mais ces mesures tardent à produire
leurs effets dans un contexte opérationnel prégnant. Le manque
d'effectifs se répercute sur la cadence opérationnelle accrue, ayant un
effet sur la vie familiale des personnels, le moral et la motivation.
Ainsi, dans un tel contexte de tensions sur les effectifs de
nos alliés allemands et anglais, les capacités françaises devraient
être davantage sollicitées.
3.5. Les opérations civilo-militaires
La Cour recommande d'ouvrir plus largement les dispositifs
opérationnels du service de santé aux populations civiles locales afin
de garantir une activité suffisante aux praticiens militaires et
développer une démarche de coopération civilo-militaire.
Le concept de sortie de crise a amené l'état-major des armées
à rechercher un meilleur emploi des moyens de l'Etat dans le cadre
d'une stratégie globale. C'est dans ce cadre qu'il a développé dès
2005, en pleine cohérence avec la doctrine de l'OTAN et de l'Union
européenne le concept et la doctrine de la coopération civilo-
militaire.
Ce développement est à l'origine de la doctrine de l'aide
médicale aux populations, rédigée par le SSA en 2009, qui comprend
plusieurs principes intangibles dont certains sont cités par la Cour des
comptes. La politique d'aide médicale aux populations est ainsi bien
définie et les limitations à sa mise en oeuvre reposent à la fois sur
des contraintes opérationnelles, techniques, budgétaires et éthiques.
Le service de santé français se distingue fortement de celui
des autres nations dans la mesure où l'aide qu'il apporte aux
populations en difficulté est consubstantielle de son action, alors
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qu'elle fait l'objet de directives conjoncturelles spécifiques et limitées
pour les autres nations.
C'est ainsi que l'aide médicale aux populations représente
42%
des
consultations
médicales
en
opérations,
89%
des
consultations chirurgicales et 87% des interventions chirurgicales. Ces
chiffres témoignent de l'investissement du SSA en la matière.
Deux observations de la Cour
en matière d'activité civilo-
militaire méritent d'être complétées:
•
la réalisation de six interventions chirurgicales par jour ne
correspond qu'à une donnée conditionnant le format du soutien
chirurgical opérationnel et non à un impératif opératoire en
engagement conventionnel ;
•
le SSA dispose, depuis près de 10 ans, de dotations
pédiatriques déployées en tant que de besoin sur les théâtres
d'opération en fonction des contextes d'engagement.
IV - La médecine d'armée
4.1. Le recentrage sur le coeur de métier
La Cour souligne que la médecine la plus opérationnelle,
directement utilisable en opérations, occupe une faible part de
l'activité des équipes et recommande de recentrer l'activité des
médecins d'unité sur leur métier opérationnel, afin de disposer de
praticiens moins nombreux mais davantage concentrés sur la
pratique de la médecine militaire et d'urgence.
Même si la médecine opérationnelle ne peut se résumer à la
seule médecine d'urgence, la formation à l'urgence est primordiale
pour le médecin des armées appelé à servir en opérations pour
prendre en charge des blessés. Le cursus universitaire commun et
la formation spécifique délivrée par l'Ecole du Val-de-Grâce, au
travers notamment des brevets de médecine de catastrophe et de
médecine de l'avant concourent à la formation initiale de tous les
praticiens dans ce domaine.
La question de la formation continue aux urgences est prise en
compte par un certain nombre de dispositifs tels que les centres
d'instruction aux techniques élémentaires de réanimation (CITERA),
les stages et les gardes au sein des services d'aide médicale urgente
ou de sapeurs-pompiers ou l'obtention de la capacité d'aide
médicale urgente (CAMU), selon un schéma volontariste mais
adapté aux situations locales et complété lors des mises en condition
de projection.
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113
Ces dispositifs, lourds en organisation et en suivi,
dépendent pour beaucoup des structures d'urgence civiles du fait
d'un maillage territorial distant des hôpitaux d'instruction des
armées (HIA). L'organisation de la prise en charge des
urgences en milieu civil est actuellement performante, ne souffre
pas de manque de main-d'oeuvre médicale et nécessite une
disponibilité régulière des praticiens y participant.
Les emplois du temps
chargés,
les contraintes opérationnelles
sur le territoire national comme à l'étranger et la dispersion
géographique des médecins d'unité rendent cette exigence de
disponibilité aléatoire. De ce fait, l'intégration des médecins
militaires au sein des dispositifs d'urgence hospitaliers ne peut être
qu'occasionnelle et difficile à systématiser.
C'est pourquoi, le SSA préfère s'engager vers un plan
d'actions centré sur ses structures, sans pour autant exclure les
gardes d'urgences hospitalières de son dispositif. A cet égard, les
services de porte et d'urgence de plusieurs hôpitaux des armées
intègrent de façon régulière des médecins d'unités.
L'activité médicale des professionnels de santé, médicaux et
paramédicaux, du service à l'extérieur de leur unité fait
actuellement l'objet d'un suivi particulier par les directions
régionales dont ils relèvent.
Dans le cadre de la restructuration du ministère de la défense,
la création des centres médicaux des armées (CMA) en base de
défense (BdD), (regroupement d'un certain nombre de services
médicaux d'unités) va permettre de mieux rationaliser l'activité des
praticiens des armées et d'aménager ainsi plus facilement des
créneaux de formation.
De plus, le regroupement du régiment médical, du centre
d'instruction santé et du centre de préparation aux opérations
extérieures (CPOPEX), sur le site de La Valbonne
67
va donner au
service de santé une plateforme d'instruction, d'entraînement et de
mise en condition de projection qui lui faisait jusqu'alors défaut.
Une meilleure mise en cohérence des formations actuellement
dispensées au sein des différentes structures du service et la mise en
oeuvre d'un pilotage de ces formations sous l'égide de l'école du Val-
de-Grâce va permettre enfin de fédérer l'ensemble des réponses
jusqu'ici apportées au niveau local.
67) Pour mémoire, le site de La Valbonne est situé à moins d'une heure de
trajet par voie routière de la future Ecole de santé des armées de Lyon.
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4.2. La facturation des soins
La Cour souligne le paradoxe entre une évolution de la facture des
soins « à charge » du SSA en médecine générale civile coûteuse pour le
SSA et le maintien d'une activité de soins sans lien avec le service et
pourtant gratuite. Elle recommande de facturer aux militaires et à
leurs ayants droits les consultations et les soins pour des raisons ne
relevant pas du service.
Ayant déjà mis en application cette mesure pour les soins
prodigués dans les hôpitaux des armées, le SSA s'est engagé dans une
analyse « coût-bénéfice » de son extension à ceux prodigués dans les
services médicaux des unités. Les premiers éléments recueillis
estiment à 10 millions d'euros annuel les gains potentiels. Mais
cette étude demande à être affinée dans tout ce qu'elle suppose
comme modifications de comportement et pour ce qui concerne plus
particulièrement les moyens techniques à mettre en oeuvre, en liaison
avec la CNMSS qui supportera in fine le remboursement des soins.
L'étude d'impact finalisée sera présentée au cabinet du
ministre avant la fin du second semestre 2010. Les expérimentations
devraient débuter en 2011 sur deux sites : l'un en Ile-de-France,
l'autre en province, Brest a priori.
4.3. La médecine de prévention
La Cour estime souhaitable que le ministère engage une réflexion sur le
rôle exact que les médecins militaires doivent jouer en matière de
médecine du travail et d'aptitude, en particulier dans le cadre de la
mise en place des bases de défense avec deux options possibles et
opposées : prise en charge de l'ensemble de la médecine du travail
par les médecins militaires ou au contraire, transfert le plus large
possible de la médecine du travail, voire de l'aptitude à la médecine
civile.
La loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, a
imposé aux médecins qui exercent la médecine de prévention dans
la fonction publique d'être titulaires de l'une des qualifications
requises par le l'Ordre national des médecins.
Toutefois, le décret du 19 juillet 1985 relatif à l'hygiène, à
la sécurité et à la prévention au ministère de la défense donne à ce
dernier une position originale au sein de la fonction publique
d'Etat et une instruction du 26 avril 2007 prise pour son
application précise les conditions d'exercice de la médecine de
prévention pour les personnels civils et militaires de la défense.
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Dans des conditions restreintes, l'exercice de la médecine de
prévention est confié à des médecins des armées non titulaires des
qualifications autrement requises. L'arrêté du 30 mars 2005 relatif à
l'organisation et à la nomination des médecins de prévention au sein
du service de médecine de prévention de la défense précise le
dispositif en l'encadrant par la mise en place d'une autorité
technique exercée par des conseillers et des experts régionaux en
médecine de prévention.
Actuellement moins de 10 % du personnel civil de la défense
est pris en charge par des services médicaux d'unité. Il s'agit le plus
souvent de personnes dispersées et de petits effectifs ou de
localisation géographique rendant momentanément impossible le
rattachement à un prestataire spécialisé.
Etendre ou généraliser cette disposition dérogatoire ne
paraît pas souhaitable, sachant qu'actuellement, 47 % de l'effectif
total du personnel civil, soit 76 000 personnes, est pris en compte par
les dix médecins des armées qualifiés et les vingt médecins
contractuels de la défense, le reste l'étant par des prestataires pour
un coût annuel d'environ 3 millions d'euros.
Toute autre est la situation du personnel militaire pour lesquels
la prestation fait partie intégrante de l'exercice de la médecine
d'armée. La médecine d'armée comprend également la visite
systématique d'aptitude et le conseil au commandement. Elle
s'effectue dans le cadre de la supervision réalisée par des
conseillers régionaux spécialisés et d'un enseignement ciblé sur
les expositions professionnelles des militaires qui permet aux
médecins des années d'acquérir les connaissances indispensables à
l'exercice de leurs fonctions sur les navires à la mer et en opérations
extérieures, où aucune externalisation n'est possible.
Ainsi, l'extension de la prise en charge de la médecine de
prévention des civils de la défense par les médecins des armées, pas
plus que celle des militaires par des services civils de médecine
du travail, n'est envisageable.
4.4. La mutualisation des moyens
La Cour estime que la rationalisation du dispositif de soutien sanitaire
des forces est inachevée, le processus de mutualisation des médecins
d'unité au sein de centres médicaux en bases de défense pouvant
être retardé par des réticences culturelles ou encore par des
limitations en termes d' investissement.
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La rationalisation du dispositif de soutien sanitaire des forces,
débutée dès 2003 avec les centres médicaux interarmées (CMIA),
renforcée en 2008 avec les travaux de la RGPP, devrait se
poursuivre encore plusieurs années bien après la mise en oeuvre de
l'ensemble des bases de défense (BdD).
Dans le cadre de la réorganisation du soutien sanitaire de
forces, la conduite du changement a permis de vaincre les
réticences initiales et de fédérer les acteurs autour de ce projet
commun.
Le SSA s'est engagé dans un schéma d'infrastructure
raisonné, proposant à l'arbitrage de l'état-major des armées, là où
cela est nécessaire, les opérations de restructuration des centres
médicaux et a mandaté son département d'audit interne afin d'en
établir une cartographie plus précise.
D'ores et déjà, à l'issue d'un premier recensement,
nécessairement partiel, qui a porté sur les opérations initiées par
l'armée de terre, les projets de restructuration suivants ont été
retenus :
•
CMA de la BdD de Brive ;
•
CMA de la BdD de Châlons-en-Champagne ;
•
CMIA de Djibouti.
Pour ce qui est des restructurations engagées au titre de sa
propre transformation, le service a inscrit trois projets à son au
schéma directeur :
•
- CMA de la BdD de Marseille (réhabilitation de locaux
libérés) ;
•
CMA des écoles de Coëtquidan ;
•
CMA de la BdD de Toulon (construction neuve).
4.5. Les échelons intermédiaires
La Cour estime que la réforme des échelons intermédiaires
entreprise en 2005 a été incomplète et n'a pas été conduite outre-mer.
La réorganisation du soutien santé des forces avec la mise en
place des CMA s'est accompagnée d'une évolution des échelons
intermédiaires du SSA. Disposant actuellement d'un effectif moyen
de cinquante personnes, ces échelons vont progressivement évoluer
vers un effectif de quarante personnes en 2011-2012, grâce aux
transferts de charges vers les BdD et aux créations des antennes
médicales de prévention des armées et des antennes vétérinaires des
armées au sein des CMA.
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En ce qui concerne l'outre-mer, la prise en compte de
l'ensemble du soutien médical se traduit par le regroupement des
moyens en personnel des anciens services médicaux d'unité au sein
d'un ou de plusieurs CMIA. Cette réorganisation prendra en
compte les évolutions du volume des forces de souveraineté et
prépositionnées, mais également les augmentations des effectifs de la
gendarmerie et du service militaire adapté.
V - Les hôpitaux des armées
5.1. Le taux de fréquentation des militaires
La Cour souligne la part marginale que représente l'activité à charge
des hôpitaux d'instruction des armées et un recours majoritaire du
personnel militaire et de ses ayants droit au secteur public.
Le principe du libre choix par le patient de son médecin qui
s'applique à toutes les situations nécessitant des soins, résulte
notamment des dispositions législatives suivantes :
•
l'article L. 1110-8 du Code de la santé publique (CSP) qui
dispose que « le droit du malade au libre choix de son
praticien et de son établissement de santé est un principe
fondamental de la législation sanitaire » ;
•
l'article L. 432-2 du Code de la sécurité sociale (CSS) qui
dispose que « la victime conserve le libre choix de son
médecin, de son pharmacien et, le cas échéant, des auxiliaires
médicaux dont l'intervention est prescrite par le médecin. »
Ce principe ne permet pas d'obliger les militaires à se rendre
dans les hôpitaux des armées.
Toutefois, la priorité d'accueil accordée aux militaires
constitue une volonté affichée du service de santé des armées.
En effet, le décret du 22 novembre 2005 relatif aux soins du
service de santé des armées, accorde aux militaires un accès
prioritaire aux structures du service de santé des armées, par
rapport à l'ensemble des autres bénéficiaires.
En pratique, les HIA accordent un traitement particulier par
le biais d'une priorité d'accès aux militaires à l'hôpital illustrée par
certaines mesures de type :
•
facilité
accordée
dans
l'obtention
d'un
rendez-vous,
notamment en termes de délais ;
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•
accès prioritaire aux services, même sans prise de rendez-
vous,
notamment
aux
plateaux
techniques
(analyses
biologiques et radiologiques) ;
•
mise en place dans certains hôpitaux de files d'attente
spécifiques aux militaires leur permettant d'accéder de façon
prioritaire à tous les guichets d'accueil pour accélérer leurs
démarches administratives.
Si les militaires, comme cela a été rappelé, peuvent avoir
recours à des professionnels de santé civils pour des soins
résultant d'une affection présumée imputable au service, le médecin
d'unité, lors de l'élaboration des déclarations permettant le
remboursement des soins correspondants, informe de façon
systématique les intéressés que les règles de remboursement sont les
mêmes que celles en vigueur pour les soins dispensés aux titulaires
de pension militaire d'invalidité et que le recours aux hôpitaux des
armées constitue pour eux la garantie du remboursement complet de
leurs frais de soins.
Enfin, les militaires, conformément aux dispositions de
l'article D. 713-24 du CSS, n'encourent aucune pénalité lorsqu'ils
sont adressés en consultation spécialisée par un médecin des
armées, quand bien même celui-ci ne serait pas leur médecin
traitant au sens du parcours de soins coordonné, ce qui constitue
pour eux un avantage substantiel.
Compte
tenu des dispositions d'ordre public qui
président au libre choix du praticien et de l'établissement de
santé par les patients ainsi que du maillage du dispositif
hospitalier militaire, l'augmentation du taux de fréquentation des
hôpitaux des armées par ceux auxquels il est dédié est difficile, mais
le SSA continuera naturellement à l'améliorer.
5.2. L'intégration dans le dispositif de santé publique
La Cour estime que les hôpitaux militaires restent peu
intégrés dans le dispositif national et local de santé publique et
recommande de rechercher systématiquement une concertation
avec les agences régionales de santé pour la définition des spécialités
offertes par les hôpitaux militaires.
Le dispositif hospitalier militaire français permet de projeter
des capacités de soutien médicochirurgical importantes, armées à
brefs délais par des équipes hospitalières, avec une souplesse, une
réactivité et un coût final que d'autres systèmes ne permettent pas
d'assurer.
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Pour autant et conformément à la volonté du législateur, le
service de santé des années s'inscrit aussi pleinement dans les
objectifs de santé publique, tels qu'introduits notamment par la loi du
21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à
la santé et aux territoires, en conciliant à la fois les impératifs de
ces objectifs et la nécessaire maîtrise dont doit disposer le ministre
de la défense sur les moyens relevant de son autorité.
S'agissant du potentiel sous-utilisé, le service de santé a
indiqué qu'il entendait ramener l'exploitation de son parc
hospitalier à 2 700 lits, en consentant des efforts suivis pour
relancer l'activité hospitalière indispensable à la réussite de son
passage à la tarification à l'activité (T2A).
C'est en fonction de cet objectif qu'a eu lieu, le 25 juin 2010,
la signature, par la directrice générale de l'offre de soins et le
directeur central du service de santé des armées, de la deuxième
version de l'arrêté prévu par l'article L. 6147-7 du CSP et que sera
très prochainement signé le protocole pluriannuel d'objectifs et de
moyens mentionné à l'article R. 174-34 du CSS.
Dans cette démarche, l'avis des six agences régionales
territorialement compétentes a été soigneusement pris en compte et
le dialogue avec les nouvelles agences régionales de santé (ARS),
crées le l' avril 2010, se met progressivement en place.
Dès à présent, une réunion entre le directeur central du
service de santé des armées et le directeur général de l'agence
régionale Ile-de-France, agence « pivot » pour l'ensemble des
hôpitaux des armées, est prévue. L'un de ses principaux objets
sera de définir au mieux les relations de partenariat à mettre en
place et les interlocuteurs qui, à tous les niveaux, auront à les mener
à bien.
Les médecins-chefs des hôpitaux des armées participent
déjà aux conférences sanitaires de territoires organisées par les
ARS et les moyens dont ils disposent sont recensés dans le cadre de
l'offre de soins territoriale, étant clairement rappelé que ces moyens,
comme le prévoie l'article L. 6147-7 du CSP, demeurent disponibles
pour assurer la mission prioritaire de soutien sanitaire des forces
armées.
Des mesures de mutualisation des moyens techniques entre les
hôpitaux des armées et les hôpitaux civils ont été mises en place. Des
accords-cadres ou des conventions existent d'ores et déjà dans
différents domaines, comme I 'anatomo-pathologie, la biologie
médicale ou les activités interventionnelles.
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De la même façon, l'équipement des HIA constitue parfois
un recours essentiel pour la santé publique, comme c'est le cas pour
le traitement des brûlés ou les traitements hyperbares. Ainsi que,
pour leurs laboratoires de sécurité biologique P3 qui sont
intégrés dans les plans sanitaires nationaux.
VI - Les coûts
La Cour souligne que l'analyse de l'économie générale du service
de santé des armées fait apparaître que certaines fonctions sont
remplies à un coût excessif pour le budget du ministère. Par rapport aux
hôpitaux publics civils de taille comparable, les hôpitaux d'instruction
des armées enregistrent un déficit d'exploitation hors normes qui pèse
sur les marges de manoeuvre budgétaire du ministère de la défense.
Elle recommande de fixer un objectif de retour à l'équilibre des comptes
d'exploitation des HIA.
6.1. La notion de « déficit » n'est pas appropriée
Par construction, le SSA doit remplir deux missions dont la
première, prioritaire, est de satisfaire au mieux les besoins des forces
armées et la seconde, complémentaire, s'inscrit dans le dispositif
général de la santé publique. Le développement de ses activités
répond donc en premier lieu à la nécessité d'assurer et de maintenir la
compétence professionnelle de ses équipes médicales tout en
contribuant à une atténuation de leur coût de possession par le
département de la défense et c'est pourquoi la notion même de déficit
d'exploitation ne peut être valablement retenue.
Cette notion est et ne peut qu'être incompatible avec une
réalité financière fondée sur une organisation permanente spécifique
répondant à des exigences régaliennes et, en partie seulement,
compensée économiquement par une participation à des missions
générales et de service public comparables à celle des établissements
de santé.
L'analyse de la Cour est conduite à partir de données
impropres à alimenter un compte de résultat, et difficilement
comparables à celles des hôpitaux publics qui figurent dans un état
prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD). Il est ainsi rappelé
que les documents valorisant les prestations du service de santé sont
le budget et le compte de gestion qui, en matière de soutien,
imputent les dépenses à l'établissement bénéficiaire et les charges de
soutien dans les comptes de facturation des unités opérationnelles
concernées au moyen de la quote-part des frais généraux.
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L'établissement d'un EPRD pour chacun des HIA est
inadapté. En particulier, la négociation, la mise en place et la
gestion des ressources budgétaires imposent plutôt de préserver et de
moderniser le dispositif actuel des budgets et comptes de gestion. Ce
à quoi le service de santé va s'attacher.
Néanmoins, dans le cadre de la mise en oeuvre de la T2A et
conscient de l'intérêt d'un EPRD pour l'ensemble du secteur
hospitalier militaire, des démarches de construction d'un EPRD
central, compatibles avec les règles de gestion des administrations de
l'Etat, ont été initiées, mais elles ne pourront s'achever qu'avec la
réalisation d'un progiciel dédié, en cours de développement, fédérant
les informatisations de divers logiciels métiers.
Il importe aussi de souligner que, par analogie au dispositif
d'emprunt utilisé par les hôpitaux publics, le « déficit » dénoncé par
la Cour ne s'est pas traduit par une augmentation des dotations
budgétaires de fonctionnement qui ont, à périmètre identique, au
contraire diminué de 41,88 millions d'euros entre 2002 et 2011.
6.2. Le montant du « déficit » affiché par la Cour doit être relativisé
L'augmentation des rémunérations et charges sociales (RCS) ne
provient en effet pas de mesures de compensation de besoins en masse
salariale, mais fondamentalement du poids des charges liées aux
pensions de retraite, lui-même dû au statut militaire de la majeure
partie des personnels du service de santé des armées.
6.2.1. Des charges non comparables
La typologie et le montant des charges sont la conséquence du fait
militaire, tant dans la technique comptable, que dans la dimension
opérationnelle. Les charges ne peuvent être simplement comparées.
6.2.1.1. Le poids RCS est induit par la mission opérationnelle
Le poste de charge le plus important est celui des
rémunérations, ce que relève d'ailleurs la Cour. L'écart entre le
secteur hospitalier civil et l'ensemble des HIA est de deux ordres :
•
une
population
administrative
proportionnellement
plus
importante que le SSA s'est engagé à réduire par une politique
de rationalisation, aidé en cela par la mise en oeuvre de dispositif
d'optimisation de l'administration générale et du soutien
commun (AGSC) au sein du ministère. Si globalement, le
pourcentage dans les charges de masse salariale entre l'hôpital
public et l'hôpital militaire est voisin, cela ne fait pas
apparaître en fait une grande disparité en ternies d'effectifs,
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tant
quantitativement
que
qualitativement
(au
sens
de
répartition
par
catégories
médicales,
techniques
et
administratives). L'occupation de certains emplois par du
personnel civil, d'ailleurs amorcée par le service, pourrait
réduire ce décalage, mais se trouve limitée par le maintien de la
capacité à projeter le personnel en opérations, inacceptable au-
dessous d'un certain seuil ;
•
la différence la plus importante sur les RCS est d'ordre
technique. Le poids RCS est très différent entre les secteurs
hospitaliers civil et militaire. C'est la conséquence du rôle
des HIA, vivier de projection de praticiens des armées et de
paramédicaux
militaires.
La
différence
de
RCS
est
principalement liée à au poids des charges liées aux
pensions de retraite. Il faut noter que les tarifs de recettes (tarifs
publics) ne prennent pas en compte ce différentiel lourd, les
tarifs étant bâtis sur des coûts standards de la fonction
publique hospitalière dont le poids pension est inférieur à celui
des militaires. Une comparaison induit donc nécessairement un
retraitement.
6.2.1.2. La quote-part des frais généraux, un dispositif « orphelin »
qui ne peut être assimilé aux charges de siège de l'hôpital public
La Cour établit un parallèle entre les charges de siège et la
quote-part des frais généraux (QPFG). Alors que les premières
représentent le poids de l'administration centrale sur la gestion
hospitalière, la seconde correspond à l'ensemble des prestations
croisées entre structures, dans un souci simplificateur et à un calcul
d'équilibre. Ce sont donc des mécanismes comptables différents. Les
charges de siège peuvent, pour le SSA, s'appliquer uniquement en les
retraçant aux seules RCS de la structure comparable. En effet, un
hôpital civil n'incorpore pas de charge de l'ARS ou de la direction
générale de l'organisation des soins. Cela représente une
atténuation de près de 40 millions d'euros.
6.2.1.3. Le SSA est dans une phase de rationalisation de ces charges
Le service s'est engagé dans une démarche de rationalisation
des charges, dans le cadre de la mise en oeuvre de la RGPP. Ceci
doit permettre à terme de dégager des gains financiers :
•
par une rationalisation et une centralisation des achats et de
la liquidation financière, pilotée par la direction des
approvisionnements en produits de santé du service de santé des
armées (DAPSA), dans le respect des principes ministériels
édictés en la matière, en ayant recours, si le bilan
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économique le justifie, aux centrales spécialisées du monde
de la santé. Localement, des mesures existent déjà. Cette
rationalisation impactera également la masse salariale par une
diminution forte d'emplois administratifs ;
•
par une rationalisation des procédures administratives de
gestion des ressources humaines en cours (dans le cadre des
restructurations AGSC). En outre, d'autres fonctions (les
systèmes d'informations et l'infrastructure, par exemple) sont en
cours de restructurations. Les premiers résultats devraient être
patents en 2012.
6.2.2. Des produits différents
Alors que les produits de l'activité remboursable sont en
constante augmentation, les produits régaliens, sous-estimés et bâtis
selon des normes comptables différentes ne peuvent induire de
comparaison immédiate.
6.2.2.1. Une typologie particulière de recettes
La typologie des recettes de l'hôpital public diffère en outre
largement de celles de l'hôpital militaire :
•
des recettes subsidiaires faibles. Le taux moyen en 2007 de ces
dernières est de 11 %, ce qui peut ainsi représenter jusqu'à
80 millions d'euros ;
•
des dotations de missions d'intérêt général d'aide à la
contractualisation (MIGAC) plus faibles que pour les
établissements comparables. A titre d'exemple, le centre
hospitalier universitaire de Toulouse a disposé de 134
millions d'euros de MIGAC en 2007 contre 40 millions
d'euros en 2009 pour le SSA.
Structurellement, résultant de sa mission régalienne de
soutien des forces, le domaine hospitalier militaire n'a pas la même
structure d'activité que l'hôpital public :
•
86 % de lits et places « médecine- chirurgie » dans les HIA,
pour 56% dans l'hôpital public selon la statistique annuelle
des
établissements
de
2007,
le
reste,
14
et
44%
respectivement, est constitué par des secteurs encore sous
dotation globale (moins soumis à la pression économique
que la T2A) ;
•
une activité prioritairement orientée vers la satisfaction des
besoins humains de soutien santé opérationnel.
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6.2.2.2. Une valorisation des prestations médicales régaliennes
encore insuffisante.
Le volume d'activité réalisé n'est pas strictement superposable
à la seule activité médicale puisqu'il faut inclure un certain nombre
de prestations institutionnelles dont la valorisation tant en terme de
coût que d'exhaustivité peut être améliorée (ce que relève justement
la Cour).
I1 faut noter que le SSA a initié toute une série de dispositions
visant à améliorer cet état de fait. La facturation des consultations
hospitalières des militaires, le paiement des chambres individuelles
sont ainsi effectifs ou en voie de l'être.
Au plan comptable et à titre indicatif, une valorisation du
temps médical régalien (qui n'est donc pas consacré à l'activité
remboursable) par chiffre d'affaire perdu et non par seul décompte
du poids RCS conduirait pour 2008 à une augmentation de 106 M€ de
la valorisation des produits.
6.2.2.3. Une amélioration sensible des recettes hospitalières à partir
de 2009.
Avec la mise en oeuvre de la tarification à l'activité (T2A)
depuis janvier 2009, les recettes ont connu un essor important. Pour
le seul premier débiteur (hors éléments forfaitaires) le montant de
recettes est passé de 320 M€ en 2008, à 345 M€ en 2009 et est estimé
à 375 M€ en 2010. Cette évolution impacte homothétiquement de
façon positive les recettes des seconds et troisièmes débiteurs.
Le montant des dotations forfaitaire est passé de 62M€ à
78 M€ en 2010.
Ainsi, avec le remboursement de la créance de
l'article 58 qui concerne le mécanisme de remboursement des
créances non réglées lors du passage en dotation globale, le
montant global des recettes hospitalières en 2010 pourrait être
supérieur à 520 M€.
6.3. La formation des managers
La Cour recommande de construire une solution avec le monde
civil en reprenant en particulier les bonnes pratiques de gestion
hospitalière. Il estime que les chefs d'établissement sont des médecins
trop peu formés à la gestion hospitalière et n'ont pas toujours reçu de
formation particulière avant de prendre des responsabilités de gestion
d'un hôpital.
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125
Les efforts seront poursuivis pour améliorer la formation
des managers des HIA (stages de management, de contrôle de
gestion ou de gestion des ressources humaines pour les médecins-
chefs et médecins-adjoints, formations universitaires dans le domaine
de l'économie et de la gestion des systèmes de santé pour les officiers
du corps technique et administratif).
Un cycle de formation mixte portant sur la gestion hospitalière
civile et les particularités spécifiques du SSA est organisé à l'EVDG
en partenariat avec l'école des hautes études de santé publique
(EHESP) de Rennes.
En outre, suivant les recommandations précédentes de la Cour,
la participation du SSA au cycle de formation « Hôpital plus » de
l'EHESP de Rennes a été augmentée de façon significative et doit
conduire, à terme, à la formation de la totalité des médecins-chefs
des HIA.
Enfin, il convient de signaler que le SSA envisage de permettre
à des commissaires des armées et à des jeunes diplômés de
l'EHESP de Rennes d'exercer des fonctions administratives dans
le domaine de l'administration générale et du soutien commun.
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RÉPONSE DE LA
MINISTRE DE LA SANTÉ ET DES SPORTS
Je vous prie de bien vouloir trouver ci-après les
observations générales qu’appellent les recommandations de la
Cour, ainsi que des observations plus précises sur certains points
particuliers.
1°Sur la nécessité d’une concertation systématique avec les
agences régionales de santé (ARS) (Recommandation 12) :
Les ARS sont investies d’une compétence beaucoup plus
large que celle des ARH et adoptent donc une dimension
stratégique plus globale sur le champ de la santé à travers le
projet régional de santé (PRS) et le plan stratégique régional de
santé (PSRS). La démarche d’organisation des soins ne repose
désormais plus sur le seul encadrement réglementaire des
activités, même s’il demeure à travers le schéma régional
d’organisation des soins (SROS) et le régime d’autorisation.
Compte-tenu de ce contexte nouveau, l’offre présentée par
les hôpitaux du SSA doit chercher sa juste insertion dans la
stratégie définie au plan régional. En effet, dès lors que cette offre
répond désormais dans une proportion considérable de son
activité – et sur financement par l’Assurance maladie - à des
besoins civils, l’autorité sanitaire régionale et le SSA devraient
définir après concertation, le positionnement et les perspectives
d’évolution
respectives
des
différents
acteurs
hospitaliers,
notamment les plus spécialisés. Sans que soit remis en cause le
rôle de pilotage de la DCSSA et celui de la DGOS, de tels
échanges gagneraient à se tenir au niveau régional.
Il convient de souligner qu’à l’heure actuelle, les ARS sont
engagées dans la préparation de leur PRS, qui doit être publié au
début du second semestre de 2011.
Dans les six régions où se
trouvent les HIA, ce sera pour les ARS et les autorités du SSA un
moment privilégié pour considérer la valeur de l’offre de soins
assurée par le SSA et réfléchir à sa mise en relation avec l’offre
civile présente ou à venir.
Le ministère de la santé et les ARS sont prêts à engager
toute démarche en ce sens avec le SSA et les responsables de ses
différentes implantations.
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2°Sur la mutualisation des infrastructures et des équipements entre
HIA et EPS (Recommandation 13) :
Dès lors qu’il est avéré que l’offre de soins proposée par le
SSA couvre principalement des besoins civils et que le ministère de
la défense trouve dans cette situation un intérêt structurel pour le
maintien au meilleur niveau de l’expertise du SSA, il apparait
légitime que les principaux investissements (plateaux techniques,
éventuellement certains moyens logistiques) dans les HIA fassent
systématiquement l’objet d’un accord entre les autorités militaires
et les autorités sanitaires civiles.
Il ne s’agirait pas d’instituer un accord préalable sur ces
opérations mais d’en évaluer la pertinence – y compris pour la
réponse locale aux besoins des forces armées - dans leur contexte
d’implantation, notamment pour éviter les doublons.
Il s’agirait, plus encore, d’instaurer entre les établissements
une coopération : répartition raisonnée et utilisation commune de
leurs moyens techniques permettant d’en optimiser l’emploi ;
création
d’équipes
communes
développant
ensemble
leur
expertise, permettant ainsi le maintien et le partage de
compétences rares; participation à l’exécution de certaines
activités formatrices, telle la médecine d’urgence.
Cette coopération – pour laquelle certains établissements
ont manifesté de l’intérêt, comme à Brest - devrait être affirmée
comme une orientation stratégique du SSA et des établissements de
santé concernés et sa mise en place devrait être formalisée dans
des conventions.
Les autorités sanitaires sont prêtes à travailler sur ces
aspects avec le SSA et avec les représentants de l’hospitalisation
publique.
3°Sur l’hypothèse du regroupement des structures :
Cette hypothèse évoquée par la Cour présente l’intérêt de
s’inscrire dans le mouvement général de recomposition de l’offre
de soins hospitalière que préconise le ministère de la santé et du
sport, laquelle trouvera prochainement sa traduction dans les
nouveaux schémas régionaux d’organisation des soins élaborés
sous la responsabilité des ARS. Elle pourrait, en particulier,
trouver son application dans certaines régions où l’offre de soins
proposée à la population peut-être considérée comme excédentaire
au regard des besoins.
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Observations ponctuelles sur les constatations
Capacité des hôpitaux du SSA (Pages 4, 45, 74
et
90) :
L’arrêté conjoint Santé-Défense du 25 juin 2010 a actualisé
les capacités: celles-ci sont désormais de 2 709 lits et places, y
compris : unités d’hospitalisation de courte durée (urgences),
places de dialyse (IRC), USIC, soins intensifs, surveillance
continue, et soins de support (démarche palliative). Ces capacités
sont en diminution
d’une centaine de lits par rapport à l’arrêté
précédent.
On notera qu’en parallèle des évolutions intervenues ces
dernières années pour moderniser la planification dans le champ
sanitaire civil, il serait judicieux de raisonner désormais en
volumes d’activité prévisionnelle plutôt qu’en capacité en lits. Le
ministère de la santé a demandé que cette mention figure dans le
prochain protocole pluriannuel d’objectifs et de moyens.
Soins de suite et réadaptation (Page 47)
:
Si, comme le constate la Cour, il n’existe pas (depuis la
transformation de l’établissement de l’Oratoire à Toulon) de site
relevant du SSA uniquement
dédié aux SSR, les HIA disposent dans
cette activité de soins de 146 lits et places (Référence : arrêté du
25 juin 2010), ainsi répartis:
Robert-Picqué (Bordeaux) : 16 lits /places
Clermont-Tonnerre (Brest) : 6 lits /places ;
Percy (Clamart) : 61 lits /places ;
Legouest (Metz): 28 lits /places ;
Laveran (Marseille): 19 lits /places ;
Desgenettes (Lyon): 16 lits/places.
Là où la taille de l’unité est suffisante pour justifier la
présence de compétences médicales et paramédicales spécialisées
sans induire pour autant un coût excessif, l’adossement de cette
activité aux services de soins aigus est loin d’être défavorable à la
promptitude et à la qualité des prises en charges d’aval et permet
d’associer sur le même site des compétences utiles à la continuité
des soins.
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129
Qualité des hôpitaux des armées (Page 57) :
Si le ministère de la santé reconnaît la grande qualité du
service rendu par les hôpitaux des armées, il tient à souligner que
ces « classements » et « palmarès », élaborés par certains
périodiques selon des critères variables que les auteurs fixent eux-
mêmes, aboutissent parfois d’une « enquête » à l’autre à des
conclusions peu concordantes, ont une validité qui peut être
discutée, ne sont pas administrativement probants et demeurent,
par leur principe même, de portée éphémère.
Le ministère de la santé ne voit que des avantages à ce que
les indicateurs qualité développés en lien avec la HAS soient,
comme c’est le cas pour ceux relatifs aux infections nosocomiales,
diffusés au SSA.
Missions de service public assurées par les hôpitaux des armées
(Page 62) :
La loi HPST du 21 (non 23) juillet 2009 a mis fin au
concept de service public hospitalier, et
a introduit le principe de
« missions de service public des établissements de santé » dont
l’art. L. 6112-1 du CSP donne la liste, limitée à 14 missions.
Le SSA est compris dans la liste (art. L. 6112-2) des
structures ou personnes qui, sans être un établissement de santé,
peuvent être chargées d’une de ces missions de service public
(MSP). La décision d’attribution d’une MSP relève de l’ARS.
Pour l’application au SSA, un décret en Conseil des
ministres redéfinissant le cadre des activités de santé publique du
SSA est également en cours d’élaboration entre la Défense et la
Santé.
Il réglera les conditions d’attribution de MSP au SSA,
attribution qui devrait, en application de l’art. L. 6112-2, tenir
compte des préconisations du SROS, dès lors que cette
contribution au service public ne relève pas des missions de
soutien des forces armées qui justifient la non soumission du SSA
aux règles générales d’organisation des soins et d’autorisation
correspondantes.
Le décret n° 2009-869 du 15 juillet 2009,
mentionné dans
le rapport n’est donc en rien un texte d’application des
dispositions nouvelles de la loi du 21 juillet 2009 ; il fait d’ailleurs
référence à la « politique de santé publique », concept très
différent des missions de service public.
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COUR DES COMPTES
Arrêté conjoint (Page 63)
:
L’arrêté du 1
er
mars 2006 est désormais abrogé et remplacé
par celui du 25 juin 2010 (J. O. du 6 juillet).
Ce dernier arrêté, bien qu’il prenne toujours en compte les
capacités installées sur lesquelles seule la Défense a autorité, a été
précédé de discussions entre la DCSSA et la DGOS. Il est en effet
désormais en lien direct avec le protocole pluriannuel d’objectifs
et de moyens (PPOM) prévu à l’article R.174-34 CSS (décret du
30 décembre 2008) en cours de conclusion.
L’arrêté prévoit (art. 7) un suivi de la réalisation des
objectifs d’activité, établis par site et par année, en MCO
(séjours), psychiatrie (journées d’hospitalisation complète) et SSR
(journées /venues), sur les cinq ans du PPOM (2010-2014). Ces
données d’actualisation seront communiquées aux ARS pour les
travaux d’élaboration et de révision du schéma d’organisation des
soins. Une information périodique sur l’apport effectif du SSA
dans le contexte sanitaire régional sera ainsi confrontée aux
besoins affichés et aux évolutions à prévoir par le SROS
applicable à l’offre civile.
La référence aux seuils d’activité existant pour certaines
activités
de
soins
(traitement
du
cancer,
cardiologie
interventionnelle,
neurochirurgie,
neuroradiologie
interventionnelle) est également introduite à titre indicatif.
A titre d’exemple d’une possible complémentarité, on peut
citer la mention de la répartition d’activités en cardiologie
interventionnelle convenue entre l’HIA Sainte-Anne et le CH
intercommunal de Toulon, à partir de 2011.
Régime d’autorisation (Page 65) :
Le régime d’autorisation d’activité de soins et d’équipement
matériel lourd, délivrée au nom de l’Etat à des établissements de
santé ou à des personnes physiques ou morales en application de
l’article L. 6122-3 CSP, n’est légalement pas applicable aux HIA
qui sont des services de l’Etat, n’ont pas la personnalité morale et
ne sont pas des établissements publics de santé tels que les définit
l’article L.6141-1 CSP.
Le ministre de la défense, agissant au
nom de l’Etat, a
compétence pour décider de l’équipement du service de santé des
armées sans avoir à requérir l’accord du ministre chargé de la
santé. L’article 6 de l’arrêté du
25 juin 2010, comme les textes qui
l’ont
précédé,
met
cependant
en
place
une
obligation
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d’information incombant au ministre de la défense. Cette
information est nécessaire aux directeurs généraux des ARS
concernées pour la connaissance des moyens de soins accessibles
dans la région. Mais au motif du « dégagement », total ou partiel,
de ces moyens susceptible, théoriquement, d’intervenir à tout
moment au titre du contrat opérationnel du SSA, et au regard des
règles de priorité d’accès aux soins dispensés par le SSA posées
par l’arrêté de la Défense du 22 novembre 2005, les équipements
ainsi installés ne sont pas comptés comme répondant aux besoins
quantifiés en implantations, au sens des articles. D. 6121-7 et D.
6121-9 CSP, dans le SROS par lequel ils sont néanmoins « pris en
compte ».
Cette situation paradoxale appellerait une réflexion entre
les ministères de la défense et de la santé sur l’évolution des
conceptions juridiques mentionnées, afin d’intégrer davantage les
moyens militaires, ne fût-ce que pour une partie ou pour les
activités très spécialisées, ou au moins pour les implantations
d’équipements lourds, dans la quantification de l’offre de soins
accessible à toute la population résidente.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGÈRES
ET EUROPÉENNES
Le
rapport public de la Cour des comptes, relatif au service
de santé des armées et, en particulier, au cas de l’hôpital Bouffard
de Djibouti, appelle de ma part les observations suivantes.
Sur la recommandation de la Cour d’établir une convention
financière de remboursement entre le ministère des Affaires
étrangères et européennes et le ministère de la Défense pour les
soins
dispensés
gratuitement
aux
militaires
et
gendarmes
djiboutiens et à leurs familles (8 millions d’euros au titre de 2009),
ce ministère maintient la position exprimée à la Cour, en
septembre 2009, dans sa réponse au relevé d’observations
provisoires relatif au service de santé des armées.
L’hôpital Bouffard est uns structure militaire entièrement
financée, gérée et contrôlée par le ministère de la Défense, avec
laquelle le ministère des Affaires étrangères et européennes
n’entretient aucun lien et dont il ne finance aucune des activités.
Par ailleurs, la redéfinition de notre partenariat de défense
avec Djibouti, actuellement en cours, pourrait amener à une
éventuelle modification du statut de l’hôpital Bouffard au fil de la
négociation du nouvel accord.
Enfin, le ministère des Affaires étrangères et européennes
ne dispose pas de la capacité de financement de l’hôpital, d’autant
que s’ajouteront aux 8 millions d’euros, pour 2009, les frais
inévitables dus au vieillissement de la structure.
S’agissant de la deuxième recommandation de la Cour
concernant le calcul de l’aide publique au développement
française, selon les indications dont dispose ce ministère et sous
réserve de confirmation par les ministères compétents, la direction
générale duTrésor, en liaison avec le ministère de la défense, a
comptabilisé 866 000 euros en 2008 et 910 000 euros en 2009 sur
les crédits du programme 178 du ministère de la défense pour des
dépenses correspondant à l’aide médicale aux populations civiles
de Djibouti.
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133
RÉPONSE DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES
PUBLICS ET DE LA RÉFORME DE L’ETAT
Je partage l’analyse faite par la Cour, notamment sur la
question de la performance des hôpitaux d’instruction des armées
(HIA).
Vous regrettez l’absence d’articulation avec le secteur
hospitalier civil, alors même que les HIA sont des hôpitaux
généralistes, très proches de ceux du secteur civil de taille
équivalente, et que leur niveau d’activité apparaît faible. Vous
indiquez que ces structures connaissent une forte sous activité,
entraînant un faible niveau de recette et un déficit pris en charge par
le ministère de la défense.
Les HIA connaissent ainsi un fort déséquilibre entre les
ressources qu’ils tirent de leur activité et leurs charges, ce
déséquilibre de près de 300 M€, soit 53 % des produits, étant financé
par le budget de la défense.
Par courrier en date du 15 octobre 2009, le directeur du
budget vous avait indiqué que les difficultés similaires que vous
pointiez dans votre précédent projet de rapport pourraient le cas
échéant être étudiées dans le cadre de la deuxième vague des travaux
de la RGPP. Cependant, compte tenu du volume important de
réformes concernant le ministère de la Défense lancées dans le cadre
de la première vague de travaux de RGPP, il n’a pas été possible
d’inscrire de nouvelles réformes à ce titre.
Toutefois, la situation des hôpitaux du SSA a été évoquée avec
le ministère de la Défense lors des conférences budgétaires pour la
préparation du budget triennal 2011-2013. A
cette occasion, ce
ministère a indiqué à mes services mener des travaux en interne afin
d’améliorer la situation de ces hôpitaux, tant du point de vue de leurs
recettes que de leur organisation.
Je peux vous assurer que mes services seront attentifs à ce que
ces travaux aboutissent et permettent à la fois de diminuer la charge
pour le ministère de la défense et d’aboutir à une meilleure
articulation avec le secteur civil dans le cadre de la politique
régionale conduite par les agences régionales de santé (définition des
stratégies
de
développement
d’activité
et
d’investissement,
mutualisation des moyens), gage d’une plus grande performance de
ces hôpitaux et de leurs personnels.
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COUR DES COMPTES
Liste des rapports publiés par la Cour des comptes
depuis le 1
er
janvier 2007
* Rapport public annuel (février 2010)
* Rapport public annuel (février 2009)
* Rapport public annuel (février 2008)
* Rapport public annuel (février 2007)
* Rapports sur l’exécution des lois de finances pour l’année 2009 :
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
(juin 2010)
Résultats et gestion budgétaire de l’Etat – Exercice 2009 (mai 2010)
La certification des comptes de l’Etat – Exercice 2009 (mai 2010)
* Rapports sur l’exécution des lois de finances pour l’année 2008 :
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
(juin 2009)
Résultats et gestion budgétaire de l’Etat – Exercice 2008 (mai 2009)
La certification des comptes de l’Etat – Exercice 2008 (mai 2009)
* Rapports sur l’exécution des lois de finances pour l’année 2007 :
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
(juin 2008)
Résultats et gestion budgétaire de l’Etat – Exercice 2007 (mai 2008)
La certification des comptes de l’Etat – Exercice 2007 (mai 2008)
* Rapports sur l’exécution des lois de finances pour l’année 2006 :
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
(juin 2007)
Résultats et gestion budgétaire de l’Etat – Exercice 2006 (mai 2007)
La certification des comptes de l’Etat – Exercice 2006 (mai 2007)
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COUR DES COMPTES
135
* Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité
sociale :
Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité
sociale - exercice 2009 (juin 2010)
Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité
sociale - exercice 2008 (juin 2009)
Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité
sociale - exercice 2007 (juin 2008)
Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité
sociale
- exercice 2006 (juin 2007)
* Rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité
sociale :
Rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité
sociale (septembre 2010)
Rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité
sociale (septembre 2009)
Rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité
sociale (septembre 2008)
Rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité
sociale (septembre 2007)
Rapports publics thématiques :
Le service public pénitentiaire : prévenir la récidive, gérer la vie
carcérale (juillet 2010)
La Poste : un service public face à un défi sans précédent, une mutation
nécessaire (juillet 2010)
Les concours publics aux établissements de crédit : bilan et
enseignements à tirer (mai 2010)
L’éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves
(mai 2010)
Les effectifs de l’Etat 1980-2008 - Un état des lieux (décembre 2009)
Les collectivités territoriales et les clubs sportifs professionnels
(décembre 2009)
Le transfert aux régions du transport express régional (TER) : un bilan
mitigé et des évolutions à poursuivre (novembre 2009)
La conduite par l’Etat de la décentralisation (octobre 2009)
France Télévisions et la nouvelle télévision publique (octobre 2009)
La protection de l’enfance (octobre 2009)
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COUR DES COMPTES
Les concours publics aux établissements de crédit : premiers constats,
premières recommandations (juillet 2009)
Les communes et l’école de la République (décembre 2008)
La formation professionnelle tout au long de la vie (octobre 2008)
Les aéroports français face aux mutations du transport aérien
(juillet 2008)
La mise en oeuvre du plan cancer (juin 2008)
Le réseau ferroviaire, une réforme inachevée, une stratégie incertaine
(avril 2008)
Les grands chantiers culturels (décembre 2007)
Les aides des collectivités territoriales au développement économique
(novembre 2007)
Les institutions sociales du personnel des industries électriques et
gazières (avril 2007)
La gestion de la recherche publique en sciences du vivant (mars 2007)
Les personnes sans domicile (mars 2007)
* Contrôle des organismes faisant appel à la générosité publique
La Fondation pour l’enfance (avril 2010)
La Fondation Hôpitaux de Paris - Hôpitaux de France (février 2010)
La Société protectrice des animaux (septembre 2009)
L’association France Alzheimer et maladies apparentées : l’impact des
recommandations de la Cour (juin 2009)
Le Comité Perce-Neige : l’impact des recommandations de la Cour
(juin 2009)
L’association Sidaction : l’impact des recommandations de la Cour
(juin 2009)
Les Restaurants du Coeur – Les Relais du Coeur : l’impact des
recommandations de la Cour » (juin 2009)
Amnesty International section française (AISF) (décembre 2008)
La ligue nationale contre le cancer (octobre 2007)
La qualité de l’information financière communiquée aux donateurs par
les organismes faisant appel à la générosité publique (octobre 2007)
Fondation « Aide à Toute détresse » - ATD Quart Monde (mars 2007)
Association « Le Secours Catholique » (mars 2007)
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