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Seul le prononcé fait foi
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Intervention de M. Didier Migaud, Premier président
Présentation à la presse du rapport sur l’application des lois
de financement de la sécurité sociale
Mercredi 8 septembre 2010
Mesdames et messieurs,
C’est un grand plaisir pour moi de vous accueillir à la Cour des comptes pour la présentation du rapport
contenant le résultat des travaux de la Cour des comptes sur la sécurité sociale. J’ai à mes côtés Mme Rolande Ruellan,
présidente de la 6
ème
chambre de la Cour des comptes, le rapporteur général M. Laurent Rabaté ainsi que le rapporteur
général adjoint M. Simon Fetet, qui m’assisteront pour répondre à vos questions.
Ce rapport comporte trois parties : la situation des comptes, la gestion des régimes et la gestion des
risques. Plutôt que de le résumer, je vais m’efforcer de vous présenter les principaux constats et recommandations issus
des enquêtes et contrôles que nous avons menés.
La Cour n’a pas l’ambition de proposer une réforme d’ensemble de notre système de protection sociale. Elle
apporte année après année des éclairages et propose des voies d’action. Toutes les recommandations des rapports de
ces dernières années vont dans le sens de la réduction de déficits qui minent le système. Cette année encore elles
recherchent donc des économies mais aussi des solutions de financement plus justes et plus simples, dans la mesure
où, souvent, la défense d’intérêts catégoriels injustifiés est responsable de beaucoup de complexité et d’iniquité.
Je commencerai bien sûr par le rappel de la situation financière de la sécurité sociale. Cela doit constituer le
fil conducteur de toutes les réflexions sur les réformes à réaliser, afin d’apporter rapidement des réponses pour réduire
les déficits et assurer la soutenabilité de notre système au profit des générations futures.
I.
Le contexte financier
a)
En 2009, le déficit a plus que doublé en un an
Les « tableaux d’équilibre », qui portent décidément de plus en plus mal leur nom, font apparaître pour 2009
un déficit de 20,3 Md€ pour le régime général, auquel s’ajoutent 1,4 Md€ de déficit pour l’ensemble des autres régimes
et 3,2 Md€ de déficit propre au Fonds de solidarité vieillesse (FSV), soit près du quart de ses produits.
Au total, c’est
donc un déficit cumulé pour 2009 de 25 Md€. Pour mémoire, le déficit pour l’année 2008 était de 11,9 Md€.
Sans entrer dans les détails des différents régimes équilibrés le plus souvent par des contributions du
régime général ou de l’Etat, il faut rappeler la
persistance du déficit de la branche retraite des exploitants agricoles
,
à hauteur de 1,2 Md€ en 2009.
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S’agissant du régime général, il faut évidemment souligner l’effet de ciseaux entre une progression des
charges (+ 4,3% en 2009) et, en raison de la crise, une quasi - stabilité des produits (+1,1%).
Toutes les branches du régime général sont en déficit, mais les deux plus touchées sont les branches
maladie et retraite.
Le déficit de la branche maladie
est de 10,5 Md€. Il a plus que doublé en 2009 sous l’effet de la contraction des
recettes, notamment de CSG en baisse de 2,6 %. Il faut rappeler qu’en 2008, avec la mise en place du prélèvement à la
source sur les dividendes, on avait enregistré l’équivalent de deux années de CSG sur ces revenus, ce qui a une
conséquence défavorable de 1Md€ en 2009.
Le déficit de la branche retraite
a augmenté de près de 30 % (à 7 Md€) essentiellement du fait de dépenses en forte
hausse, malgré des recettes en progression.
Le produit des cotisations salariales
a très légèrement progressé (+0,4 %) malgré une régression sans
précédent de 1,3 % de la masse salariale du secteur privé. Cet
apparent paradoxe
est en réalité dû à l’effet de la crise
sur la structure de l’emploi : les destructions d’emploi ont d’abord touché les plus bas salaires, ceux éligibles aux
allègements généraux de cotisations. Ainsi, la baisse des exonérations de cotisations a fait plus que compenser la
diminution de la masse salariale. Cette conclusion est une bonne illustration de l’impact des exonérations sur les
recettes sociales.
Les dépenses
, elles, continuent de progresser rapidement : +3,9 % pour les dépenses d’assurance maladie
et +4,8 % pour les dépenses de retraite, en léger recul par rapport à 2008 en raison des limitations apportées au
dispositif relatif aux carrières longues.
Les deux autres branches, famille, en 2008 proche de l’équilibre, et Accidents du Travail –Maladies
Professionnelles, en léger excédent en 2008, sont également en déficit désormais (d’environ 350 M€ pour la branche
AT-MP, de 1,8 Md€ pour la branche famille).
b)
Les prévisions pour 2010
: les déficits sociaux continuent de se creuser.
La dégradation des comptes de la sécurité sociale se poursuit en 2010 : le rapport présenté en juin dernier à
la commission des comptes de la sécurité sociale estimait le déficit prévisionnel à près de 25 Md€ pour le régime
général et à 4,3 Md€ pour le FSV.
Au total, le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base, est passé
d’environ 10 Md€ pour les années 2003 à 2008, à 25 Md€ en 2009, et devrait être d’au moins 30 Md€ en 2010
.
Comme la Cour l’avait souligné en juin lors de la présentation du RSPFP, le retour de la croissance ne suffira pas à
corriger le déséquilibre entre les recettes et des dépenses toujours en forte progression.
Les modalités de financement de ces déficits pour 2009 ou 2010 sont décrites en détail dans le rapport. En
outre, un projet de loi organique est en débat, prévoyant notamment les modalités de reprise par la CADES des déficits
accumulés pour ces deux années 2009 et 2010, ainsi que pour les années ultérieures.
Je voudrais ici rappeler l’impératif de l’équilibre. La dette sociale se nourrit de la permanence des déficits.
Les transférer ailleurs et les amortir au moyen de ressources dédiées ne suffit pas à résoudre les problèmes,
notamment de déficit structurel.
Dans l’hypothèse d’un nouveau transfert de dettes à la CADES, la loi organique de 2005 aurait dû conduire
le Gouvernement à relever la CRDS ou à lui affecter de nouvelles ressources. Le Gouvernement a fait le choix de
modifier la loi organique et a annoncé un schéma impliquant un allongement « exceptionnel et limité » de la durée de vie
de la CADES, une mobilisation des ressources et actifs du FRR et une affectation de ressources supplémentaires, dont
d’ailleurs le caractère pérenne n’est pas avéré.
In fine, l’ambition gouvernementale d’un retour à l’équilibre, dès 2011 pour les branches maladie, famille et
Accidents du Travail – Maladies Professionnelles du régime général et 2018 pour les régimes de retraite, implique
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nécessairement des mesures très fortes pour modérer l’évolution des dépenses. Ainsi que l’a plusieurs fois souligné la
Cour, l’ampleur de l’effort à accomplir rend une majoration des recettes également inévitable.
II.
Dans son rapport, la Cour suggère des pistes pour un retour progressif à l’équilibre des comptes
a)
Pour les dépenses de santé, trois gisements d’économies sont exposés : les dépenses de gestion,
celles appartenant au champ de l’ONDAM, et les dépenses des hôpitaux.
Des économies doivent être d’abord recherchées dans les dépenses de gestion, même si leur montant peut
sembler modeste par rapport aux dépenses de prestations.
La
qualité des systèmes d’information
est essentielle à la performance de ces organismes. La Cour a
tout particulièrement examiné le système d’information de la
CNAMTS
, et il en ressort :
1.
La liquidation et du paiement des prestations, le contrôle des dépenses ou encore la
connaissance et l’analyse de la dépense sont tributaires d’un système fiable et adaptable, ce
qui n’est pas totalement le cas. Notre enquête a ainsi montré que l’impact sur les applications
informatiques des fréquents changements de réglementation n’est pas suffisamment pris en
compte.
2.
L’organisation informatique de la branche maladie n’est pas efficiente, en raison notamment
de la grande dispersion des services de maîtrise d’oeuvre (1750 informaticiens répartis sur
plus de 50 sites) et du maintien coûteux dans les CPAM de 1600 autres informaticiens aux
tâches pour l’essentiel redondantes avec les développements effectués au niveau national.
L’analyse de
l’absentéisme dans les caisses locales du régime général
montre que le phénomène est
insuffisamment suivi et contrôlé et que les actions pour le réduire sont modestes. Une politique de prévention s’impose,
en particulier pour l’absentéisme de longue durée, sensiblement plus élevé que dans des secteurs analogues, avec un
poids particulièrement important des pathologies dépressives. Un alignement sur les taux d’absentéisme moyens
constatés dans le secteur tertiaire représenterait un gain potentiel de plusieurs centaines d’emplois.
La Cour pointe par ailleurs la croissance particulièrement forte de certaines dépenses de soins de ville.
Dans l’insertion relative à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (
ONDAM
), elle montre que dans le cadre
d’une progression globale de 3%, certaines dépenses croissent beaucoup plus fortement. C’est le cas des dépenses de
soins infirmiers (en hausse de près de 9% de 2008 à 2009) ou de transports sanitaires (en hausse de 8%),
augmentations qui confirment que les efforts de maîtrise restent très insuffisants.
Le rapport analyse cette année
la situation financière de 85 hôpitaux publics
à partir de travaux
communs à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes. Malgré la réforme comptable et budgétaire
intervenue en 2006, avec l’adoption des états prévisionnels de recettes et de dépenses (EPRD), les travers relevés en
2007 perdurent.
L’importance des déficits affichés par les comptes des hôpitaux depuis au moins trois ans (de l’ordre de 700 M€)
s’explique par les
difficultés qu’ils éprouvent à s’adapter à la réforme de leur financement, la T2A
. Désormais,
l’assurance maladie ne prend plus en charge automatiquement les besoins de financement des hôpitaux. Ainsi, malgré
les dépassements de l’ONDAM hospitalier, on constate un accroissement des déficits dans les comptes hospitaliers,
particulièrement ceux des CHU/CHR. Dans un contexte d’investissement élevé, parfois de surinvestissement, il en
résulte un endettement croissant qui sert aussi parfois à rembourser de précédents emprunts et même dans certains
établissements à faire face à des dépenses courantes. Cette situation financière critique est aussi à l’origine directe de
divers errements tels que des reports de charges sur les exercices suivants, ou encore des dotations aux provisions
pour amortissements qui sont parfois utilisées comme une variable d’ajustement, en fonction des disponibilités
budgétaires. Nos constats comptables conduisent à revoir à la hausse, d’environ 25%, l’estimation des déficits
présentés dans les comptes.
Autre constat, les résultats globaux cachent des disparités fortes entre certaines structures excédentaires et
des établissements connaissant une situation financière très dégradée. Les outils créés pour redresser ces situations,
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comme les contrats ou plans de redressements apportant des ressources supplémentaires de l’assurance maladie,
demeurent vagues, peu contraignants et finalement très souvent inefficaces. Or les économies indispensables dans le
fonctionnement des hôpitaux exigent des mesures beaucoup plus fermes à tous les niveaux. Les écarts de productivité
entre établissements montrent que des marges de manoeuvre importantes existent : certains établissements offrent par
exemple des conditions plus avantageuses, avec des temps de travail aménagés au point de nécessiter des
recrutements supplémentaires.
b)
pour les recettes, La Cour s’est penchée sur les niches sociales
En ce qui concerne les recettes, la Cour a procédé à une enquête de suivi des recommandations qu’elle
avait formulées en 2007 sur ce qu’on n’appelait pas encore à l’époque les
« niches sociales ».
Elle avait la première
tenté de lister les exonérations et abattements d’assiette affectant les ressources de la sécurité sociale et d’évaluer la
perte qui en résultait. Depuis lors, plusieurs lois de financement ont comporté des mesures de taxations de certains des
revenus exonérés. Il était donc important, dans le contexte actuel, de faire le point des progrès réalisés. La conclusion
de notre enquête est qu’ils sont insuffisants.
Certes, depuis 2007, de nombreuses mesures de réduction des niches sociales ont été votées en LFSS,
comme par exemple l’instauration d’un forfait social, fixé à 2 puis 4%, sur nombre d’assiettes jusque là exonérées. De
même, les stocks options ou certaines indemnités de départ en retraite ont été taxées. Malgré tout cela il faut souligner
que le solde net des créations ou extensions de nouvelles niches et des réductions ou des suppressions de niches
existantes conduit à une perte de ressources accrue d’environ 1 Md€ entre 2007 et 2010. Avec des précautions liées
aux difficultés méthodologiques, la comparaison entre 2005 et 2009 des pertes de recettes pour le seul régime général
confirme cette légère progression du coût des niches sociales : évaluée en 2005 à 57,6 Md€ (soit environ 22% des
recettes totales) la perte de recettes est évaluée pour 2009 à 66,7 Md€, soit 23% des recettes de l’année. 178 dispositifs
différents ont été recensés par la Cour.
Ces chiffres sont bien supérieurs à ceux figurant dans les précédentes LFSS (qui évoquaient 42 Md€). En
outre, ces mesures sont souvent décidées sans véritable étude d’impact et sans que soient définis les indicateurs de
résultats ni même parfois les objectifs précis recherchés. La Cour souhaite que la démarche d’évaluation engagée
depuis fin 2009 soit poursuivie et que les suppressions ou réductions de niches annoncées ou encore à l’étude soient
menées à bien.
La compensation par des impôts et taxes affectés (ITAF) ou par le budget de l’Etat d’une partie importante
des pertes de recettes de cotisations constitue une perte pour les finances publiques dans leur ensemble. La Cour a
donc tenu à inclure dans ses calculs les exonérations compensées : si l’on intègre ces exonérations, les propositions
faites par le rapport correspondent à plus de 15 Md€ d’économies sur les niches sociales… c’est une somme
significative, mais qui n’épuise pas le sujet.
En conclusion sur ce point, il faut rappeler que la règle en matière de sécurité sociale est la généralité du
prélèvement sur tous les revenus acquis en contrepartie ou à l’occasion du travail. Priver la sécurité sociale de certaines
recettes au nom de politiques sectorielles qui lui sont étrangères conduit à fragiliser l’ensemble de l’édifice tout en créant
des iniquités supplémentaires.
S’agissant toujours des recettes, la Cour a également examiné les relations financières du régime spécial de
sécurité sociale des industries électriques et gazières (IEG) avec le régime général.
Ces relations financières sont lourdement déséquilibrées au détriment du régime général.
D’abord, les employeurs des IEG, c’est-à-dire principalement EDF, GDF Suez et leurs filiales, versent au
régime général des cotisations sociales inférieures à la normale. En application des textes, ces cotisations d’assurance
maladie sont assises sur une assiette dérogatoire et un taux trop faible. Sans texte, les employeurs des IEG appliquent
cette même assiette dérogatoire aux cotisations famille, de plus affectées par un taux dérogatoire. Ces avantages n’ont
pas de justification et représentent pour le régime général une perte annuelle de recettes supérieure à 200 M€ par an.
La Cour recommande donc qu’il y soit mis fin à court terme.
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Ensuite, l’adossement au régime général du financement des pensions de retraite des IEG occasionne
chaque année pour le régime général un surcoût supérieur à 300 M€. Ce surcoût pourrait encore augmenter à l’avenir.
Pourtant, la loi du 9 août 2004 qui a instauré l’adossement prévoyait que celui-ci devait être neutre financièrement pour
le régime général. Mais les transferts financiers destinés à assurer cette neutralité ont été évalués, souvent à dessein,
en fonction de définitions et de paramètres défavorables au régime général. La Cour estime donc que le surcoût subi
par le régime général du fait de l’adossement doit être compensé, si nécessaire par l’affectation de ressources
supplémentaires des IEG au régime général.
III.
Le rapport contient aussi l’examen de certaines
politiques sanitaires et
sociales au regard des objectifs d’efficacité, de l’équité et de la cohérence
Le rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale contient aussi l’analyse
détaillée de différentes politiques sanitaires et sociales, en examinant leur efficacité ou leur efficience. Cette année, les
travaux de la Cour montrent qu’il paraît possible dans nombre de cas de mieux ajuster les interventions aux objectifs
poursuivis, en particulier l’égal accès aux soins et l’égalité de traitement des assurés au
regard de la protection sociale.
L’analyse fait aussi apparaître la complexité excessive voire l’incohérence de certains mesures.
a) L’égal accès aux soins peut être amélioré
Un premier exemple est donné avec les dépenses
d’imagerie médicale
. La Cour démontre que l’accès aux
soins est freiné par un manque de volonté politique de réformer des tarifs trop élevés, que l’on compense par un
rationnement des autorisations d’équipements en scanners, IRM, TEP. La densité des équipements est très variable,
leur répartition n’est pas suffisamment liée aux priorités définies par les plans de santé publique, par exemple pour le
cancer ou les accidents vasculaires cérébraux : pour les AVC, la possibilité de recourir en urgence à une IRM n’est
offerte que dans 2 % des cas alors que seul un IRM permet d’administrer le traitement en toute sécurité pour le patient.
Ces insuffisances sont aggravées par des taux d’utilisation très hétérogènes des équipements et des coûts
élevés pour les examens qui n’apparaissent pas justifiés. Il y a à cela plusieurs raisons :
-
tout d’abord, l’absence de révision suffisante des tarifs, fixés à un niveau encore très généreux occasionne des
rentes indues pour les radiologues libéraux en ville et en clinique ;
-
ensuite, l’absence également de révision à la baisse des tarifs des examens traditionnels, qui explique sans
doute la permanence de nombreux examens inutiles mais qui restent financièrement intéressants pour les
praticiens, comme le million de radiographies du crâne encore effectuées chaque année. Ces dépenses
devraient être redéployées pour mieux faire profiter nos concitoyens des progrès considérables de l’imagerie
médicale.
Deuxième exemple des difficultés d’accès aux soins, les
soins dentaires, qui représentent un total
d’environ
10 Md€ en 2009. L’enquête que la Cour y a consacrée rappelle qu’ils sont de moins en moins remboursés par
l’assurance maladie obligatoire qui ne prend à sa charge que le tiers des dépenses, contre un peu plus de la moitié en
1980. La part des assurances complémentaires s’est accrue (elles remboursent 37% des dépenses), les ménages
gardant à leur charge plus d’un quart de la dépense en raison notamment du coût très élevé des prothèses par rapport
aux tarifs de remboursement, soit un surcoût pour eux de près de 4Md€. Mais de ce fait, le suivi des soins dentaires est
mal assuré par l’assurance maladie qui ne s’intéresse guère non plus au contrôle du coût et de la qualité des soins.
Les tarifs continuent d’être fondés sur une nomenclature désormais obsolète et le suivi des actes hors
nomenclature (notamment les implants), dont le montant (près de 1Md€) fait l’objet d’estimations très approximatives,
n’est plus assuré, de même que le paiement des cotisations sociales dues par les dentistes sur cette part de leur
activité. En tenant compte de la nécessité de ne pas aggraver les dépenses de l’assurance maladie, la Cour formule des
recommandations afin d’éviter que l’accès aux soins dentaires ne devienne pas un grave problème de santé publique.
Des prix plus transparents, en améliorant la concurrence, feraient baisser les tarifs pratiqués : selon une étude
ancienne, une prothèse complète coûte en France 2,5 fois plus cher qu’en Allemagne et 3,5 fois plus cher qu’aux Pays-
Bas. La Cour souhaite également que les dépassements tarifaires, notamment sur les prothèses, puissent être mieux
contenus. A cet effet, il convient de lever les difficultés juridiques soulevées récemment par la Cour de cassation :
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modifier les dispositions actuelles du code de la mutualité, permettrait aux mutuelles de discriminer leur taux de
remboursement, selon que les praticiens ont ou non accepté des règles conventionnelles.
b) L’égalité de traitement entre assurés fait l’objet de recommandations
La Cour s’est attachée à comparer les dispositifs de sécurité sociale qui s’adressent à des personnes ayant des
handicaps. Les prestations d’
invalidité
et de
retraite pour inaptitude au travail
représentent un ensemble de
dépenses de plus de 10 Md€. La Cour relève que ces réglementations, fort anciennes, ont mal vieilli. Leur comparaison
avec les dispositifs prévus en faveur des handicapés, qui ont connu d’importantes réformes incluant un réel effort de
revalorisation des prestations, fait apparaître que les invalides ne bénéficient pas des mêmes mesures d’aide et
d’accompagnement au retour à l’emploi, ni du même niveau de prestations.
Pour atteindre ce niveau, les invalides doivent demander des prestations différentielles, ce qui les entraîne
dans un parcours administratif si incroyablement complexe que leur accès au droit ne peut être garanti. De ce fait, la
Cour préconise un rapprochement des politiques en faveur des invalides, des inaptes et des handicapés, consistant
notamment à évaluer l’incapacité de travail à partir d’un référentiel commun. Les barèmes actuels, très hétérogènes,
posent en effet problème. Pour ne prendre qu’un seul exemple, comment expliquer que la perte d’un oeil entraîne une
incapacité de 30 % dans le barème indicatif des accidents de travail, de 42 % dans celui prévu pour l’attribution de
l’allocation adultes handicapés (AAH) et de 65 % pour le barème régissant l’octroi des pensions militaires d’invalidité ?
La Cour recommande de simplifier ces divers dispositifs. Dans le cadre des débats en cours sur les retraites et
la prise en compte de la pénibilité du travail, il est intéressant de noter que la possibilité de partir en retraite pour
inaptitude est un dispositif qui pourrait être mieux exploité pour traiter de la pénibilité des carrières antérieures.
La Cour a également poursuivi son analyse de la réforme des retraites, engagée l’an dernier, en traitant cette
année des dispositifs de
décotes
et de
surcotes
, crées ou modifiés par la loi du 21 juillet 2003. L’objectif, qui était de
garantir le libre choix des assurés, a été atteint : les taux fixés pour ces dispositifs sont proches de la neutralité
actuarielle. Certes, il ne faut pas attendre de ces mesures d’importants reports de l’âge de départ en retraite : les effets
incitatifs demeurent en effet très modestes. Toutefois un certain nombre d’effets d’aubaines qui pèsent inutilement sur la
situation financière des régimes de retraites auraient pu être évités.
La Cour montre également que l’unité des règles applicables aux différentes catégories d’assurés n’est encore
qu’apparente, en raison notamment de diverses dispositions favorables aux assurés des régimes spéciaux et
notamment aux fonctionnaires, à commencer par une trop lente
mise en oeuvre de la décote alors que la surcote a été
d’application immédiate…
Au final, cet aspect de la réforme des retraites reflète certaines limites des actions entreprises jusqu’ici : rythme
très élevé de modification des textes applicables, suivi trop distant des réformes initiées, caractère parfois aventureux de
certaines mesures, ainsi de la simultanéité de la libéralisation du cumul emploi-retraite et de l’augmentation du taux de
surcote, sans que des études indispensables aient été au préalable réalisées.
c) Afin de réduire la complexité et les incohérences du système de protection sociale, la Cour avance dans
ce rapport quelques solutions possibles
Fruit d’une sédimentation historique, d’une défense efficace des particularismes catégoriels ou encore
victime des cloisonnements administratifs, le système de protection sociale dépense beaucoup d’énergie pour gérer la
complexité. Finalement, les assurés sont les victimes des incohérences qui peuvent en résulter, dans la définition
comme dans la gestion de leurs droits.
La lutte contre la fraude
en matière de prestations
fait l’objet d’une insertion qui constitue une synthèse
actualisée du rapport que j’ai remis à sa demande à la MECSS en avril dernier. Il est certain que les risques de fraude
sont aggravés par la complexité des réglementations et par la multiplicité et le cloisonnement des services et institutions.
La création en cours du « répertoire national commun de la protection sociale » me paraît emblématique de cet effort
indispensable pour mieux garantir la cohérence des diverses prestations et prévenir les versements indus qui ne
résultent d’ailleurs pas nécessairement d’une intention frauduleuse. Selon les estimations de la Cour, la fraude
comportement inexcusable et qu’il faut combattre, représente environ 3 Md€, soit 10 % du déficit total prévu en 2010.
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La Cour a examiné les
aides sociales et fiscales aux familles monoparentales.
Elle relève tout d’abord la
persistance, malgré les aides diverses, d’une concentration élevée de la pauvreté parmi les familles monoparentales,
lorsque le parent n’a pas d’emploi. Cette observation paraît logique, si l’on relève qu’une part notable des aides prend la
voie d’aides fiscales, concentrées, par construction, sur les seules
familles qui payent l’impôt sur le revenu et qui ne
sont donc pas les plus vulnérables. Ainsi, à titre d’exemple, le quart de la dépense
fiscale liée à la demi part
supplémentaire accordée aux parents isolés (415M€ en 2009) est distribué aux 10% de ses bénéficiaires les plus aisés,
dont le revenu fiscal annuel de référence est proche de 50 000 €. Cette dépense fiscale pourrait être en partie
redéployée sur les familles les plus en difficulté, sous forme d’aides au retour à l’emploi ou d’aides destinées à lever les
obstacles pratiques tels que la garde des enfants, encore insuffisamment développées.
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Je vous remercie de votre attention.