Rapport public thématique
Le service public pénitentiaire :
« Prévenir la récidive, gérer la vie carcérale »
Juillet 2010
TABLE DES MATIERES
I
Pages
Délibéré……………………………………………………………
VII
Introduction
……………………………………………..
1
I – L’enquête de la Cour des comptes……………
……………
2
II - Présentation du service public pénitentiaire
……………….
5
A – L’organisation générale
………………………………………….
5
B - Les moyens financiers et humains
……………………………….
6
C - Les moyens immobiliers
…………………………………………
9
Première partie - Les grands facteurs d’évolution de
la politique pénitentiaire depuis 2006
…………………
11
I - L’augmentation de la population pénale et l’insuffisance
des capacités de détention……………………………..……..
11
A - L’incidence d’une politique pénale plus stricte
sur la population pénale………………………………………..
…
.....
11
B – L’apport d’un programme immobilier ambitieux
……………….
23
II - La sécurité……………………………………………..….
27
A - Le maintien des moyens consacrés à la mission de sécurité
……..
27
B - La sécurité de la vie en détention……………………………..
….
30
C - Un bilan encore contrasté………………………………………..
34
III - La reforme budgétaire et comptable.…………………….
38
IV - Les réformes engagées…………………………………..
.
40
Conclusions et recommandations…………………………….
42
Deuxième partie
- La coexistence de deux modes
de gestion : gestion publique et gestion mixte………
…
43
I - La gestion « mixte » : un essor mieux contrôlé……………
45
A – Evolution du périmètre des établissements en gestion mixte
……
45
B - La mise en oeuvre d’une fonction et d’un réseau dédiés au
contrôle des prestations en gestion déléguée………………………
…
46
C – Les nouveaux marchés de gestion déléguée
………………….
51
II - La gestion publique sous l’influence de l’essor de la
gestion mixte
…………………………………………………..
52
A - Le développement de l’externalisation de certaines prestations
…
52
B - Un budget rendu de plus en plus rigide………………………….
53
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II
COUR DES COMPTES
Pages
III – La comparaison de la performance des deux systèmes
reste incertaine
………………………………………………..
56
A - La comparaison des coûts par jour de détention demeure
insuffisamment fiable……
………………………………………….
56
B - La mission confiée à l’inspection générale des finances
………..
60
Recommandations…………………………………………………..
61
Troisième partie - Les conditions de vie en détention
.
61
I - La santé, la salubrité et l’hygiène
………………………….
62
A - Une organisation encore perfectible des soins dans les
établissements pénitentiaires
…………………………………………
62
B - La salubrité et l’hygiène
…………………………………………
68
II - La cantine
…………………………………………………
69
A - Evolution des pratiques observées entre 2006 et 2009
………….
70
B - Les actions conduites par l’administration pénitentiaire pour
contrôler les prix des cantines
……………………………………….
76
C - L’externalisation de la gestion des cantines dans les
établissements en gestion publique
………………………………….
79
III - La mise à disposition de téléviseurs aux détenus
…………
80
A - Des conditions de mise à disposition toujours
aussi contestables
……………………………………………………
81
B - Des perspectives d’évolution devraient résorber ces écarts
……..
86
IV - Le travail pénitentiaire et son articulation avec la
formation professionnelle
…………………………………….
87
A - Une performance d’ensemble assez décevante sur le travail
pénitentiaire
…………………………………………………………
89
B - Le plan « Entreprendre »
………………………………………..
89
C - Le travail pénitentiaire : une fonction déficiente en gestion
déléguée
………………………………………………………………
90
D - Un enjeu : l’articulation entre le travail et la formation
professionnelle
………………………………………………………
92
Recommandations…………………………………………………..
95
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TABLE DES MATIERES
III
Pages
Quatrième partie - La acteurs de la politique de
prévention de la récidive…………………………
…….
97
I - Les SPIP, acteurs pivots de la politique
……………………
98
A - Dix ans après la réforme, un bilan encore mitigé du
fonctionnement des SPIP
……………………………………………
99
B – L’engagement d’une nouvelle étape dans la réforme des SPIP
…
104
C - La nécessité d’évaluer l’action des SPIP
…………………….
108
II – Des actions collectives et partenariales..
…………………
109
A - Les SPIP n’ont pas la responsabilité exclusive de la lutte
contre la récidive
…………………………………………………….
109
B - L’accompagnement social des personnes placées sous main de
justice : la recherche des partenariats……………………………….
112
III
- Un pilotage encore timide de l’action des SPIP
…………
121
Recommandations…………………………………………….
121
Cinquième partie – Prévenir
la récidive, du milieu
ouvert aux mesures de sûreté…………
……………….
123
I - Le développement des peines en « milieu ouvert »
………..
123
A - Le paradoxe du milieu ouvert : une activité quantitativement
prépondérante, mais qualitativement négligée
………………………
124
B - Le développement des procédures d’aménagement de peine.
…..
129
II - La préparation à la sortie : un défi à poursuivre
…………..
137
A - Le développement d’un arsenal de nouveaux dispositifs
d’accompagnement à la sortie en milieu fermé……………………..
139
B - Le placement extérieur : une articulation à clarifier avec les
partenaires associatifs……………………………………………….
141
C - La semi-liberté : un maillage à optimiser……………………….
145
D - Le placement sous surveillance électronique (PSE) :
une gestion en cours de normalisation…………
……………………
150
III - Le développement des mesures de sureté
………………..
158
A - Le « placement sous surveillance électronique mobile » :
une mesure de sûreté en milieu ouvert..……………………………
159
B - Le centre médico-psychologique de rétention de sûreté
de Fresnes : une mesure de sûreté en milieu fermé
………………….
162
Recommandations……………………………………………………
165
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IV
COUR DES COMPTES
Pages
Conclusion générale…………………………..………………
167
Récapitulatif des recommandations…………..……………..
170
Glossaire……………………………………………………………
173
Annexe n°1 : Liste des services et établissements visités……
……
185
Annexe n°2 : La réforme budgétaire et comptable…………..
…….
187
Réponse du Ministre d’Etat, Garde des Sceaux,
Ministre de la justice………………………………………………
197
Réponse du Directeur général délégué de
IDEX Energies grand sud
………………………………………….
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V
Ont effectué la synthèse des enquêtes et la rédaction du rapport
Mme Mélanie Villiers et M. Olivier Dauvé, rapporteurs ;
M. Gérard Moreau, conseiller maître, étant contre-rapporteur.
Le projet de rapport a été délibéré par la Quatrième Chambre
le 18 février 2010, sous la présidence de M. Alain Pichon, en présence de
MM. Bernard Billaud, Michel Schneider, Gérard Moreau, Jean-François
Bernicot, André Barbé, Didier Selles, Yves Rolland, conseillers maîtres,
et M. René André, conseiller maître en service extraordinaire.
Ce projet a ensuite été arrêté le 18 mai 2010 par le Comité du rapport
public et des programmes, présidé par M. Didier Migaud, premier
président, avant d’être adressé aux administrations et aux organismes
intéressés.
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COUR DES COMPTES
VII
Délibéré
La Cour des comptes publie un rapport thématique intitulé
« Le service public pénitentiaire : prévenir la récidive, gérer la vie
carcérale ».
Conformément aux dispositions législatives et réglementaires du code
des juridictions financières, la Cour des comptes, délibérant en chambre du
conseil, a adopté le présent rapport public.
Ce texte a été arrêté au vu du projet qui avait été communiqué au
préalable, en totalité ou par extraits, aux administrations et organismes
concernés, et après avoir tenu compte, quand il y avait lieu, des réponses
fournies par ceux-ci. En application des dispositions précitées, ces réponses
sont publiées ; elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
Etaient présents : M. Migaud, Premier président, MM. Pichon,
Babusiaux, Ruellan, Descheemaeker, Hespel, Bayle, présidents de chambre,
Mme Bazy
Malaurie,
président
de
chambre,
rapporteur
général,
Mme Cornette, président de chambre maintenu en activité, MM. Mayaud,
Richard, Devaux, Rémond, Gillette, Duret, Ganser, Mme Froment-Meurice,
MM. Beysson, Gasse, Moreau, Frèches, Duchadeuil, Moulin, Lebuy, Lefas,
Durrleman,
Gauron,
Frangialli,
Andréani,
Mmes Morell,
Fradin,
MM. Braunstein, Brochier, Mme Dayries, MM. Levy, Bernicot, Phéline,
Mme Ulmann, MM. Vermeulen, Tournier, Mmes Darragon, Seyvet,
MM. Bonin, Vachia, Vivet, Mme Moati, M. Cossin, Diricq, Sabbe, Petel,
Mme Camby, MM. Valdigué, Martin (Christian), Ténier, Lair, Mme Trupin,
MM. Corbin, Rabaté, Metzger, de Gaulle, Guibert, Piolé, Uguen, Guédon,
Mme Gadriot-Renard, MM. Bourlanges, Le Méné, Castex, Sépulchre,
Arnaud d’Andilly,
Antoine,
Mousson,
Guéroult,
Mme Bouygard,
M. Chouvet,
Mme Démier,
MM. Clément,
Machard,
Mme
Cordier,
MM. Le Mer, conseillers maîtres, MM. Zeller, Cadet, Schott, Cazenave,
Hagelsteen, Dubois, Gros, conseillers maîtres en service extraordinaire.
Etait présent et a participé aux débats : M. Bénard, Procureur général,
assisté de M. Maistre, premier avocat général.
Etait présente en qualité de rapporteur et n’a pas pris part aux
délibérations : Mme Villiers, rapporteur.
Madame Mayenobe, secrétaire général, assurait le secrétariat de la
chambre du conseil.
Fait à la Cour, le 6 juillet 2010.
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Introduction
La protection de la sécurité des personnes et des biens est, dans un
Etat de droit, une préoccupation fondamentale et légitime des citoyens ;
elle est donc une des missions majeures de la puissance publique. Les
sanctions prononcées par la justice à l’encontre des auteurs de crimes et
délits sous la forme d’une peine de prison ou, plus généralement,
privative de liberté sont exécutées par le service public pénitentiaire. La
sanction a valeur exemplaire tant pour les commettants que pour les
victimes et la société en général. Conformément à l’article 1
er
de la loi
pénitentiaire du 24 novembre 2009, elle doit être organisée pour préparer
les condamnés à s’insérer ou se réinsérer dans la vie sociale, au terme de
leur peine, de manière à prévenir toute récidive.
Ainsi, le service public pénitentiaire ne se limite pas au périmètre
des prisons.
Acteur central du dispositif, l’administration pénitentiaire
gère le système carcéral qui retient les condamnés à une peine de
privation de liberté, mais aussi les prévenus dont la garde est nécessaire à
l’instruction d’une affaire. Il met également en oeuvre les nombreuses
mesures qui permettent d’éviter l’incarcération de certains condamnés, de
favoriser le retour à une vie normale de ceux qui ont purgé leur peine,
enfin de continuer à suivre les personnes libérées mais présentant une
dangerosité réelle.
Quatre ans après la publication en janvier 2006 du rapport public
intitulé « Garde et réinsertion – La gestion des prisons », la Cour des
comptes revient sur les suites que l’administration pénitentiaire a données
aux recommandations qu’elle avait alors formulées. Compte tenu des
nombreuses évolutions de la gestion du service public pénitentiaire depuis
2006, il convenait d’aller au-delà de ce seul examen et de porter un regard
d’ensemble sur « l’équation » telle qu’elle est posée au service public
pénitentiaire par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : sanctionner
sans désocialiser, autrement dit moderniser un ensemble de prisons
aujourd’hui surpeuplées en attendant d’une politique d’aménagement des
peines « hors les murs » à la fois le désencombrement des établissements
et une lutte active contre la récidive.
Adoptée au terme d’un long processus, la loi du 24 novembre 2009
inscrit le service public pénitentiaire, en aval de la sanction prononcée par
le juge, dans la chaîne d’exécution de la politique pénale, telle qu’elle est
conçue par le législateur et mise en oeuvre par le ministère de la justice.
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2
COUR DES COMPTES
L’article 2 de la loi confie à l’administration pénitentiaire la charge
d’«
assurer l'individualisation et l'aménagement des peines des personnes
condamnées ».
Le service public sort ce faisant de sa tradition bipolaire
de garde et de réinsertion, organisée autour des établissements
pénitentiaires d’une part et des services de probation et d’insertion,
d’autre part, pour développer une logique de « garde dynamique »,
fondamentalement orientée dans le sens de la lutte contre la récidive.
Cette orientation puise son inspiration dans les règles pénitentiaires
européennes édictées et revues en 2006 par le Conseil de l’Europe. Elle
conduit à l’ambition d’une modernisation d’ensemble du système
pénitentiaire
Le rapport de la Cour des comptes dresse le tableau des progrès
accomplis par l’administration pénitentiaire depuis 2006 comme des
efforts qui lui restent à fournir pour répondre aux critiques émises par les
observateurs extérieurs.
I
-
L’enquête de la Cour des comptes
L’enquête réalisée par la Cour des comptes entre juin 2008 et
décembre 2009 a porté sur le fonctionnement des services pénitentiaires
en milieu ouvert et en milieu fermé. Elle ne s’est pas étendue au contrôle
de la gestion des personnels pénitentiaires et n’aborde pas le champ de la
politique immobilière, ni la question particulière de l’enfermement des
mineurs. Ces trois aspects justifient en effet des travaux d’une nature
spécifique que la Cour traitera ultérieurement par eux-mêmes.
L’échantillon des services contrôlés sur place comprend treize
établissements représentatifs de toutes les catégories d’établissement
pénitentiaire : maison d’arrêt (MA), centre de détention (CD), maison
centrale (MC), centre pénitentiaire (CP), centre de semi-liberté (CSL) et
centres pour peines aménagées (CPA), mais aussi au moins un
établissement dont la gestion a été déléguée à l’un des trois cocontractants
de l’administration : GEPSA, SIGES et IDEX. En outre, six directions
interrégionales des services pénitentiaires (DISP) et sept services
pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ont fait l’objet d’un
contrôle (voir annexe). Enfin, l’enquête a donné lieu à des échanges avec
d’autres services du ministère de la justice et des libertés (secrétariat
général, direction des affaires criminelles et des grâces, direction des
services judiciaires), des ministères sociaux (délégation générale de
l’emploi et de la formation professionnelle, direction générale de la
cohésion sociale) et plusieurs personnalités qualifiées (Contrôleur général
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INTRODUCTION
3
des lieux de privation de liberté, secrétaire général du comité
interministériel des villes, contrôleur budgétaire et comptable ministériel,
acteurs associatifs
1
et universitaires).
Sur le plan international, les rapports du conseil de l’Europe, et
ceux, récents encore, du comité des droits de l’homme de l’Organisation
des Nations unies ont été analysés.
La Cour a tout d’abord porté son attention sur les principaux
facteurs d’évolution de la politique pénitentiaire qui ont modifié le travail
de l’administration depuis 2006 : l’accroissement de la population placée
sous main de justice face au sous-dimensionnement du système carcéral,
la poursuite des efforts de sécurisation des établissements pénitentiaires et
la mise en oeuvre de la réforme budgétaire et comptable amorcée en 2006
sur la gestion de l’administration pénitentiaire, enfin la mise en
application des règles pénitentiaires européennes.
Plusieurs
observations
et
recommandations
sont
également
consacrées au fait majeur qu’est la coexistence des deux modes de gestion
des établissements pénitentiaires, la gestion déléguée à des prestataires
privés et la gestion publique en régie traditionnelle, sans que les critères
de choix de ce mode dual aient été évalués de manière convaincante.
La Cour examine en outre plusieurs grandes fonctions de la vie en
détention, qui posent problème alors qu’elles sont essentielles aux
détenus : santé, cantine, mise à disposition de téléviseurs, travail et
formation professionnelle.
Enfin, après un examen des réformes successives des services
pénitentiaires d’insertion et de probation, elle analyse les différentes
modalités de lutte contre la récidive, qu’ils s’agissent des alternatives à
l’incarcération, de la préparation à la sortie ou des mesures de sûreté.
Au total, c’est un regard concret qui est porté sur la façon dont le
service public pénitentiaire doit s’employer à concilier une législation
pénale renforcée et une incarcération limitée.
1) Association nationale des juges d’application des peines (ANJAP), Association
nationale des visiteurs de prisons (ANVP), Fédération Citoyens et Justice, Fédération
nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), Groupement
étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées (GENEPI). Les travaux
de l’Observatoire international des prisons (OIP) ont été largement consultés.
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INTRODUCTION
5
II
-
Présentation du service public pénitentiaire
A - L’organisation générale
Créée en 1795 et rattachée depuis 1911 au ministère de la Justice,
l’administration pénitentiaire s’appuie sur une organisation pyramidale à
partir d’une direction centrale.
En 2009, neuf directions interrégionales des services pénitentiaires
(DISP de Bordeaux, Dijon, Lille, Lyon, Marseille, Paris, Rennes,
Strasbourg, Toulouse) et une mission outre-mer relaient en régions
l’action de la direction de l’administration pénitentiaire auprès des 193
établissements pénitentiaires et des 103 services pénitentiaires d’insertion
et de probation (SPIP – voir carte).
Les DISP ont un ressort territorial qui ne correspond ni à celui des
régions, ni à celui des cours d’appel. Elles couvrent des zones
géographiques vastes, ce qui les met en relation avec une pluralité de
services déconcentrés de l’Etat. Le périmètre des DISP a connu une
évolution sensible en 2009 autour d’une DISP de Paris resserrée sur la
région Ile de France, d’une DISP de Dijon élargie à la région Centre et
réduite à l’est au profit de la DISP de Strasbourg, dans la perspective des
mutualisations attendues avec le réseau de la protection judiciaire de la
jeunesse compte tenu du déploiement de l’application budgétaire et
comptable interministérielle Chorus
Deux établissements publics administratifs, l’école nationale de
l’administration pénitentiaire (ENAP) et l’établissement pénitentiaire de
santé
national
de
Fresnes
(EPSNF),
ainsi
qu’un
service
de
l’administration délocalisé à Tulle, le service de l’emploi pénitentiaire,
qui gère la régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP),
complètent cet ensemble.
Les 193 établissements pénitentiaires en fonctionnement au 1
er
janvier 2010 se répartissent en trois catégories, en fonction du type de
populations qu’ils accueillent :
-
110 maisons d’arrêt détiennent les prévenus en attente de
jugement et les condamnés dont le reliquat de peine n’excède
pas deux ans lors de leur condamnation définitive ;
-
77
établissements
pour
peine
détiennent
les
personnes
condamnées
à
des
peines
d’une
durée
supérieure
ou
bénéficiaires d’aménagements de peine. Ils s’articulent autour
de 4 maisons centrales (MC) où sont incarcérés les détenus
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COUR DES COMPTES
condamnés aux peines les plus lourdes, 23 centres de détention
(CD) réservés à des condamnés à des peines plus courtes ou qui
témoignent de possibilités concrètes de réinsertion sociale, 36
centres
pénitentiaires
(CP),
établissements
mixtes,
qui
comprennent au moins deux quartiers différents (maison
d’arrêt, centre de détention et/ou maison centrale, semi-liberté,
peines aménagées), 13 centres de semi-liberté où séjournent les
condamnés soumis au régime de semi-liberté, qui peuvent
exercer durant la journée une activité professionnelle et/ou
suivre un enseignement ou une formation hors de l’enceinte
pénitentiaire et un centre pour peines aménagées qui reçoit des
détenus volontaires faisant l’objet d’une mesure de semi-liberté
ou d’un placement à l’extérieur ainsi que ceux dont le reliquat
de peine est inférieur à un an afin de leur permettre de
concrétiser un projet de réinsertion ;
-
6 établissements
pénitentiaires pour mineurs (EPM), ayant
ouvert entre juin 2007 et avril 2008.
B - Les moyens financiers et humains
Au cours des dix dernières années, les crédits de l’administration
pénitentiaire ont connu une hausse significative et continue. Ils ont plus
que doublé sur la période, en dépassant 2,5 milliards € en 2010. La hausse
(+124,6%) a été deux fois plus rapide que celle des crédits du ministère
de la Justice (+64,4%)
2
.
Le budget de l’administration pénitentiaire relève depuis 2006 du
programme 107 « Administration pénitentiaire ». Il atteint aujourd’hui
2,7 milliards €, soit près de 40% des crédits de la mission Justice et 0,7%
du budget général de l’Etat. Près des deux-tiers des crédits correspondent
à des dépenses de personnel (1,7 Mds€).
Tableau 1 : Evolution des crédits de paiement ouverts en loi de finances
En Mds €
LFI
2000
LFI
2005
LFI
2006
LFI
2007
LFI
2008
LFI
2009
LFI
2010
Variation
2000
/ 2010
Variation
2005
/ 2010
Administration
pénitentiaire
1,198
1,654
2,131
2,241
2,372
2,459
2,691
+ 124,6 %
+ 62,7 %
Justice
4,162
5,462
5,980
6,255
6,497
6,632
6,844
+ 64,4 %
+ 25,3 %
Source : Cour des comptes
2) Dans le même temps, la population placée sous main de justice augmentait de 25,9%.
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INTRODUCTION
7
Au 1
er
janvier 2010, l’administration pénitentiaire comptait
33 860 agents en équivalents temps plein travaillé (ETPT), dont 99,4% en
services déconcentrés. Près des trois-quarts de ces agents sont des
personnels de surveillance de catégorie C (24 596 ETPT), 12% occupent
des fonctions de greffe et d’insertion, et 4% des fonctions d’encadrement.
Tableau 2 : Répartition des ETPT par catégorie d’emploi en 2010
En nombre
En % du total
Magistrats de l’ordre judiciaire A
17
0,1 %
Personnels d’encadrement A
1 345
4 %
Métiers du greffe, de l’insertion et de l’éducatif B
3 976
11,7 %
Administratifs et techniques B
997
2,9 %
Personnels de surveillance C
24 596
72,6 %
Administratifs et techniques
C
2 929
8,7 %
Total
33 860
100 %
Source : Projet annuel de performances (PAP) Mission Justice 2010
Depuis 2000, les effectifs de l’administration pénitentiaire ont
connu une hausse sensible, notamment sous l’effet de la loi d’orientation
et de programmation pour la justice de 2002. Cette hausse des effectifs
répond non seulement à l’augmentation globale de la population pénale,
mais résulte également de l’ouverture de nouveaux établissements
pénitentiaires.
On constate cependant une évolution différenciée selon les filières
professionnelles depuis 2000, avec un accroissement particulièrement
soutenu du nombre, bien plus faible en valeur absolue, des personnels
socio-éducatifs (+57% entre 2000 et 2007).
Enfin, l’examen de la répartition des moyens de l’administration
pénitentiaire par action fait apparaître le caractère prépondérant des
fonctions de garde et de contrôle des personnes placées sous main de
justice (action 1). Ainsi, 57,4% des crédits votés en loi de finances initiale
(LFI) pour 2009 correspondaient à cette action, contre 28% pour les
fonctions d’accueil et d’accompagnement de ces personnes
3
.
3) Mais la répartition des crédits entre ces deux actions est toujours discutable.
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Tableau 3 : Crédits de paiements votés en loi de finances (LFI) pour 2009
En euros
Actions
Titre 2
Dépenses de
personnel
Titre 3
Dépenses de
fonctionnement
Titre 5
Dépenses
d’investissement
Titre 6
Dépenses
d’intervention
Total
pour 2009
% du total
Garde et contrôle des personnes placées
sous main de justice
1 133 405 949
49 630 250
222 860 614
4 990 000
1 410 886 813
57,4 %
Accueil et accompagnement des personnes
placées sous main de justice
301 435 095
306 064 381
74 739 500
682 238 976
27,7 %
Soutien et formation
167 973 231
189 117 688
9 200 000
8 500
366 299 419
14,9 %
Total
1 602 814 275
544 812 319
232 060 614
79 738 000
2 459 425 208
100%
Pourcentage du total
65,2 %
22,2 %
9, 4 %
3,2 %
100%
Source :PAP 2010
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INTRODUCTION
9
C - Les moyens immobiliers
Face à l’hétérogénéité et à l’ancienneté du parc pénitentiaire (en
2006, une vingtaine d’établissements datant d’avant 1820 et les deux-tiers
d’entre eux de la période 1830-1860), l’administration pénitentiaire a
entrepris
plusieurs
programmes
de
construction
de
nouveaux
établissements pénitentiaires au cours des vingt dernières années :
-
le programme 13 000, dit « programme Chalandon »
: lancé en
1987, il a permis la construction de 25 établissements, mis en
service entre 1990 et 1992 ;
-
le programme 4 000, dit « programme Méhaignerie » :
initié en
1995, il a permis la construction de 6 établissements de plus de
600 places (MA de Toulouse-Seysses, CP d’Avignon-Le
Pontet, MA de Lille Sequedin, CP de Liancourt, CP de Toulon-
La Farlède, CP de Meaux Chauconin), livrés entre 2003 et
2005.
-
le programme 13 200 :
initié par la loi de programmation et
d’orientation pour la justice de 2002, il prévoyait la
construction de 12 800 places pour majeurs et 420 places pour
mineurs. Comme pour les programmes 13 000 et 4 000, le
choix a été fait d’une délégation des opérations de construction
à des opérateurs privés, par le biais de partenariats public-privé
(voir infra).
-
aujourd’hui, le ministère envisage de lancer un nouveau
programme de construction de 5 000 places.
Au 1
er
janvier 2010, la capacité opérationnelle du parc pénitentiaire
s’établit ainsi à près de 55 000 places de détention, dont 40% en maisons
d’arrêt, 37% en centre pénitentiaire, 19% en centres de détention, 2% en
maisons centrales, 1% en centres de semi-liberté et moins de 1% en
établissements pour mineurs (EPM).
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Première partie :
Les grands facteurs d’évolution de la
politique pénitentiaire depuis 2006
Quatre facteurs principaux ont modifié l’exercice des missions de
l’administration pénitentiaire depuis la publication du précédent rapport
de la Cour en 2006 :
-
l’augmentation sensible de la population placée sous main de
justice face à des capacités de détention insuffisantes ;
-
le maintien d’efforts significatifs en matière de sécurité ;
-
la réforme budgétaire et comptable amorcée en 2006 ;
-
la mise en oeuvre récente et progressive des règles pénitentiaires
européennes.
I
-
L’augmentation de la population pénale et
l’insuffisance des capacités de détention
A - L’incidence d’une politique pénale
plus stricte sur la population pénale
La
politique
pénale
a connu,
ces
dernières
années,
une
réorientation marquée par l’objectif affiché de la lutte contre la récidive,
selon une double logique, d’une part répressive, avec l’aggravation des
sanctions contre les récidivistes, d’autre part préventive de la désinsertion
liée à l’incarcération, avec le développement des aménagements de peine
et des injonctions de soins. Accompagnant la médiatisation croissante des
faits divers les plus tragiques, cinq textes de loi jalonnent cette évolution
depuis le nouveau code pénal de 2004 qui a fait de la récidive une
circonstance aggravante.
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12
COUR DES COMPTES
Les textes législatifs relatifs à la prévention de la récidive
La loi du 12 décembre 2005
relative au traitement de la récidive des
infractions pénales introduit le dispositif du placement sous surveillance
électronique mobile (PSEM).
La loi du 10 août 2007
dite de lutte contre la récidive des majeurs et
des mineurs
introduit dans le code pénal des peines minimales, dites « peines
plancher » en cas de récidive criminelle ou correctionnelle, et généralise par
ailleurs l’injonction de soins à tous les auteurs d’infractions pour lesquelles le
suivi-socio judiciaire est encouru.
La loi du 25 février 2008
introduit la surveillance et la rétention de
sûreté, en permettant l’enfermement pour une durée déterminée des
condamnés les plus dangereux, au-delà de l’exécution de leur peine.
La « loi pénitentiaire » du 24 novembre 2009
prévoit un ensemble
de dispositions relatives au service public pénitentiaire, notamment pour
jouer des aménagements de peine en vue de lutter contre la récidive.
Enfin,
la loi du 10 mars 2010
tendant à amoindrir le risque de
récidive criminelle complète le dispositif de surveillance et de rétention de
sûreté et crée un fichier intitulé « répertoire des données à caractère personnel
collectées dans le cadre des procédures judiciaires ».
L’effet de ces mesures sur la population pénale (qui comprend
l’ensemble des personnes placées sous main de justice, qu’elle soit
détenue ou non) est significatif
4
. La population pénale est passée de près
de 185 600 personnes suivies par l’administration pénitentiaire en 2005 à
près de 235 000 au 1
er
janvier 2010, soit + 26,5 % en cinq ans. La Cour
observe toutefois une inflexion de cette dynamique en 2009 pour la seule
population carcérale.
4) A titre d’illustration, le ministère évaluait, en novembre 2008, à 2,5%
l’augmentation de la population carcérale majeure imputable à la seule loi du 10 août
2007. Cette étude, effectuée par comparaison entre les condamnations en récidive
prononcées au cours du 4
ème
trimestre 2006 avec celles du 4
ème
trimestre 2007, montre
que l’augmentation de la population carcérale résulte d’un quantum moyen de peine
nettement plus élevé dans le cas du prononcé de peines plancher : le quantum moyen
global est en effet passé de 7,2 mois en 2006 à 15,9 mois en 2007, et le quantum
moyen ferme de 6,1 mois en 2006 à 10,1 mois en 2007.
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LES GRANDS FACTEURS D’EVOLUTION DE LA
POLITIQUE PENITENTIAIRE DEPUIS 2006
13
Tableau 4 : Evolution de la population pénale depuis 1990
Au 1
er
janvier
Nombre de
personnes
écrouées
détenues
Nombre de
personnes
écrouées
non-
hébergées *
Nombre de
personnes
suivies en
milieu
ouvert
Total
% de personnes
suivies par
l’administration
pénitentiaire non-
détenues
1990
45 420
n.c.
92 337
137 757
67,03
1995
53 935
n.c.
102 254
156 189
65,47
2000
51 441
n.c.
135 020
186 461
72,41
2001
47 837
n.c.
141 697
189 534
74,76
2002
48 594
n.c.
140 622
189 216
74,32
2003
55 407
n.c.
129 269
184 676
69,99
2004
59 246
n.c.
123 492
182 738
67,58
2005
59 197
966
125 437
185 600
68,11
2006
58 248
1178
146 567
205 993
71,72
2007
58 402
2001
142 285
208 480
71,99
2008
61 076
2 927
148 077
212 080
71,20
2009
62 252
3 926
159 232
225 410
72,38
2010
60 978
5 111
168 671
234 760
74,03
Var. 2005 /
2010
+ 3,01 %
+ 429,09%
+34,47 %
+26,49 %
Source : Administration pénitentiaire – retraitement Cour des comptes
* Depuis 2004, la population détenue n’inclut pas les personnes qui restent en
droit écrouées mais soit sont placées sous surveillance électronique, soit sont sous
placement extérieur sans hébergement.
n.c.: donnée non connue de la Cour des comptes
D’autres facteurs expliquent également l’augmentation globale de
la population pénale entre 2005 et 2010 : l’augmentation du nombre de
peines d’emprisonnement fermes (ou en partie fermes) prononcées ces
dernières années par les juridictions (+ 8,4 % entre 2005 et 2007), l’essor
des procédures rapides de traitement des infractions pénales et notamment
des comparutions immédiates, mais aussi la décision du Président de la
République, en 2007, de ne plus prendre de décret de grâce à l’occasion
du 14 juillet. L’effet de cette dernière mesure est perceptible dès l’été
2007 (
cf.
graphique ci-dessous).
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COUR DES COMPTES
Source : Statistique mensuelle de la population écrouée et détenue en France au
1
er
décembre 2009 (DAP / PMJ5)
En pratique, l’augmentation de la population pénale s’est
caractérisée ces dernières années par l’effet cumulé de celles de la
population placées sous écrou
5
et de la population suivie en milieu ouvert
par les SPIP.
L’essor notable des aménagements de peine (hors libération
conditionnelle), dont le nombre a triplé à la suite de l’adoption de la loi
Perben II
6
, et plus particulièrement des aménagements de peine non-
hébergés (placement sous surveillance électronique et placement extérieur
non-hébergé), a cependant permis de contenir l’augmentation de la
population incarcérée. Ainsi, le nombre de personnes suivies « à
5) Après avoir oscillé autour de 60 000 personnes entre 2005 et 2007 (60 163 en 2005,
59 429 en 2006 et 60 403 en 2007), la population sous écrou a atteint au 1
er
janvier
2009 le nombre jusqu’ici inégalé de 66 178 personnes, soit une progression de +10%
en deux ans. L’année 2010 a toutefois marqué une très légère inflexion de cette
dynamique, puisque la population sous écrou s’est établie à 66 089 personnes au 1
er
janvier 2010.
6) Le nombre de peines aménagées sous forme de placement extérieur, de semi-liberté
ou de placement sous surveillance électronique est ainsi passé de 2 403 au 1
er
janvier
2005 à 7 292 au 1
er
janvier 2010 (soit + 203%).
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15
l’extérieur » de la prison a progressé plus rapidement sur la période 2005-
2010 (+ 34,5%) que le nombre de personnes détenues (+3 %).
Par ailleurs, après avoir stagné entre 2005 et 2007 aux alentours de
39 000 personnes, le nombre de condamnés n’a cessé d’augmenter depuis
2008 (+16,8% entre 2005 et 2010). Dans le même temps, le nombre de
prévenus en valeur absolue a diminué de 26,4%. Dans la continuité du
constat déjà effectué par la Cour en 2006, la part des condamnés dans la
population incarcérée est donc en constante augmentation depuis 2005 ; il
atteint près de 75% de la population incarcérée au 1
er
janvier 2010 (contre
65% au 1
er
janvier 2005).
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Tableau 5 : Evolution du nombre de condamnés et du nombre de prévenus détenus depuis 2005
Au 1
er
janvier
Prévenus
Var n/n-1
Condamnés
Var n/n-1
Total
Part des
prévenus
2005
20 910
39 041
59 951*
34,88 %
2006
19 732
- 5,63 %
38 516
-1,34 %
58 344*
33,82 %
2007
18 483
- 6,33 %
39 319
+ 2,08 %
58 402
31,65 %
2008
16 797
- 9,12 %
44 279
+ 12,61 %
61 076
27,50 %
2009
15 933
- 5,14 %
46 319
+ 4,61 %
62 252
25,59 %
2010
15 395
- 3,38 %
45 583
- 1,59 %
60 978
25,25 %
Var. 2005 / 2010
- 26,37 %
+ 16,76 %
+ 1,71 %
Source : les tableaux de bord de l’administration pénitentiaire, DAP – SD5
7
7) Le cumul des prévenus et des condamnés hébergés de 2005 et 2006 ne correspond pas tout à fait à la population totale incarcérée, telle que
retracée dans le tableau n°4 et extraite de « l’évolution mensuelle de la population incarcérée » (dans
Les chiffres clefs de l’administration
pénitentiaire
). A défaut d’autres données disponibles sur le nombre de prévenus et de condamnés en 2005 et 2006, la Cour a donc repris les donnés
figurant dans les tableaux de bord élaborés par la cellule de contrôle de gestion de la DAP (bureau SD5).
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POLITIQUE PENITENTIAIRE DEPUIS 2006
17
120
100
110
Enfin, l’évolution des politiques pénales a pesé, à plus d’un titre,
sur la situation des condamnés détenus entre 2005 et 2009. Une double
tendance caractérise ainsi l’évolution du quantum des peines des
personnes incarcérées sur la période : l’augmentation des très courtes
peines et l’allongement des longues peines.
Dans son rapport de mars 2009 sur l’évaluation du nombre de
peines fermes d’emprisonnement en cours d’exécution, l’inspection
générale des services judiciaires (IGSJ) fait état de cette « forte
augmentation, en stock comme en flux [des courtes peines inférieures à 6
mois ]», de près de 40 % entre début 2006 et début 2008. « Il en résulte
une rotation importante et croissante des effectifs pris en charge et
corrélativement, une charge accrue au regard des procédures d’accueil et
de préparation à la sortie. »
8
Les peines d’emprisonnement ferme, à un an
et moins, représentent actuellement près de 88% des peines prononcées.
ans le même temps, le nombre de détenus condamnés à de très longues
peines de réclusion (supérieures à 10 ans) a lui aussi connu une
augmentation sensible (de l’ordre de 15% entre 2005 et 2008).
L’accroissement des peines d’emprisonnement ferme a aggravé ces
dernières années l’état de surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt
et les centres pénitentiaires. Le taux national de densité, qui était de
118,9% au 1
er
janvier 2005, n’a cessé d’augmenter en début de période,
pour atteindre un pic à 126% à l’été 2008. Depuis, l’augmentation des
capacités opérationnelles (ouverture de nouveaux établissements –
cf.
infra
) et l’augmentation des aménagements de peine a permis de faire
redescendre cette surpopulation aux alentours de 110% au 1
er
janvier
2010.
Source : Tableau de bord de l’administration pénitentiaire, au 1
er
janvier 2010 / DAP
8) IGSJ, rapport précité, p. 10 et 11
Evolution du taux d'occupation depuis le 01/01/2006
110,89
01-06
01-07
01-08
01-09
01-10
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Tableau 6 : Répartition de la population écrouée par type d’établissements au 1
er
janvier 2010
Source : Tableau de bord de l’administration pénitentiaire, au 1
er
janvier 2010 / DAP
CD
10 643
9 843
92,48%
CSL*
544
521
95,77%
EP
M
296
217
73,31%
MA
21 833
27 439
125,68%
MC
1 155
1 019
88,23%
CP
20 517
21 939
106,93%
dont Q CD
7 834
7 140
91,14%
dont Q CPA
340
278
81,76%
dont Q CSL
85
52
61,18%
dont Q MA
11 432
13 962
122,13%
dont Q MC
826
507
61,38%
Total
54 988
60 978
110,89%
Taux d’occupation: effectifs/capacité opérationnelle
Type
Capacité
opérationnelle
Effectifs
Densité
Taux d'occupation par type d'établissement
50%
60%
70%
80%
90%
100%
110%
120%
130%
140%
MA
Q MA
CD
Q CD
M
C
Q MC
CSL*
Q CPA
EPM
Maisons d'arrêt
Etablissement pour peines (art. D70 du CPP)
Taux d'occupation
Taux théorique
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19
Ce chiffre moyen ne doit pas masquer les écarts de taux d’occupation
entre les maisons d’arrêt, où la situation reste extrêmement préoccupante, et
les établissements pour peine, où s’applique le principe de l’encellulement
individuel. Le constat effectué par la Cour en 2006 reste ainsi totalement
d’actualité. La situation apparaît globalement satisfaisante dans les maisons
centrales et dans les centres de détention, tandis qu’elle atteint des niveaux
tout à fait anormaux dans les maisons d’arrêt (126% en moyenne au 1
er
janvier 2010). Une demi-douzaine d’établissements présente même des taux
d’occupation supérieurs à 200% (Orléans, Fontenay-le-Comte, Béthune, la-
Roche-sur-Yon, et deux sites en outre-mer, dont Nouméa qui culmine à
340% au 1
er
janvier 2010).
Les projections effectuées par l’administration pénitentiaire montrent
que la population sous écrou continuerait de progresser dans les prochaines
années, pour s’établir à 72 700 personnes en 2012.
Par ailleurs, l’importance du nombre des peines d'emprisonnement
ferme en attente d'exécution, estimé par l’IGSJ à plus de 82 000
condamnations en février 2009, dont près de 10% pour des peines
supérieures à un an, doit être relevée. Elle présente à cet égard l’effet
paradoxal d’être à la fois un élément de régulation à court terme du
phénomène de surpopulation carcérale, mais également annonciateur à
moyen terme de tensions supplémentaires sur la situation carcérale
9
.
*
La Cour relève le caractère préoccupant de la surpopulation dans les
maisons d’arrêt et les centres pénitentiaires. L’impact des dernières
réformes de la politique pénale sur la population carcérale, donc sur la
capacité à la prendre en charge, ne paraît pas avoir été suffisamment
anticipé par le ministère de la Justice.
9) Pour tenir compte de ce rapport, le ministère envisage de mettre au point un modèle
de prévision de la population carcérale à partir des stocks d’exécution des peines.
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COUR DES COMPTES
Les prisons dans l’Union européenne
Le Conseil de l’Europe établit des statistiques pénales annuelles
(SPACE) pour ses 47 Etats membres.
Au 1
er
septembre 2008, l’effectif de la population carcérale de l’Union
européenne (UE) était de près de 614 000 personnes pour une population de
497 millions d’habitants, soit un taux de détention global de 123,4 pour
100 000 habitants.
A la même date, le « taux de détention » de la France était de 104,1 p.
100 000 habitants. Ce taux correspond pour la France au taux de personnes
sous écrou (66 712 en 2008). Si on exclut les condamnés sous écrou dont la
peine était entièrement aménagée hors de la détention, cela donne un taux de
détention stricto sensu de 96,4 p. 100 000 en 2008 (61 781 personnes
écrouées et détenues).
La France se situait donc au 12
ème
rang des Etats de l’UE par ordre
croissant du taux de détention :
Danemark (62,9 p. 100 000 habitants),
Slovénie (65,6), Finlande (69,2) Suède (75,8) Irlande (84,8), Allemagne
(90,7), Italie (96), Autriche (96,3) Belgique (98,4), Portugal (101,2), Pays-
Bas (102,8), France (104,1),
Chypre (104,3), Grèce (110), Roumanie (122,5),
Espagne (134,5), Luxembourg (138,5), Malte (143), Bulgarie (147,6),
Royaume-Uni (151,2), Hongrie (151,8), Slovaquie (152,4), République
tchèque (200,6), Pologne (216),
Lituanie (217,2), Estonie (279,6), Lettonie
(291,4)
.
Par ailleurs, la densité carcérale globale des prisons de l’Union
européenne s’établissait au 1
er
septembre 2008 à 106 détenus pour 100 places
(580 590 places pour 613 669 détenus).
En France, la densité carcérale, présentée par le Conseil de l’Europe,
était de 131,1 p. 100 000, soit une densité nettement supérieure à celle de
l’Union
.
Cette densité est calculée en considèrent toutes les personnes sous
écrou.
La France se trouvait ainsi au 24
ème
rang sur 27 parmi les Etats de
l’Union en termes de densité carcérale :
Lettonie (71,4 détenus pour 100
places), Roumanie (78,5), Pays-Bas (79,9), Slovaquie (80), Lituanie (85,5),
Portugal (87,9), Danemark (90,6), Autriche (92,4), Allemagne (92,8), Estonie
(94,2), Irlande (95,6),
Luxembourg (95,9), Suède (98,7), Royaume-Uni
(98,9), Pologne (100), Finlande (101), République tchèque (105,3), Hongrie
(119,8), Slovénie (120),
Malte (120,2), Belgique (124,8), Grèce (129,6),
Italie (129,9), France (131,1)
, Bulgarie (134,9),
Espagne (141,9). Chypre
(150,5),
Si l’on exclut les condamnés sous écrou dont la peine était
entièrement aménagée hors de la détention, la densité stricto sensu est de
121,4 p. 100 places
.
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Tableau 7 : Situation carcérale dans l’Union européenne au 1
er
septembre 2008
Nb d’hab. 2008 en
milliers
(a)
Nombre de
détenus
(b)
Taux de détention
pour 100 000
(c)= (b) / (a)
Capacité
des prisons
(d)
Densité pour
100 places
(e)= (b) / (d)
Capacité pour
100 000 hab.
(f)= (d) / (a)
Union européenne
497 128,8
613 669
123,4
580 590
105,7
116,8
Allemagne*
82 369,5
74 706
90,7
80 507
92,8
97,7
Autriche
8 205,5
7 899
96,3
8 552
92,4
104,2
Belgique
10 404,0
10 234
98,4
8 202
124,8
78,8
Bulgarie
7 262,7
10 723
147,6
7 948
134,9
109,4
Chypre
796,9
831
104,3
552
150,5
69,3
Danemark
5 484,7
3 451
62,9
3 807
90,6
69,4
Espagne
46 157,8
61 939
134,2
43 647
141,9
94,6
Estonie *
1 307,6
3 656
279,6
3 880
94,2
296,7
Finlande
*
5 244,7
3 624
69,2
3 587
101
68,4
France *
64 057,8
66 712
104,1
50 894
131,1
79,5
Grèce
10 722,8
11 798
110
9 103
129,6
84,9
Hongrie
9 930,9
15 079
151,8
12 585
119,8
126,7
Irlande
4 156,1
3 523
84,8
3 686
95,6
88,7
Italie
58 145,3
55 831
96
42 992
129,9
73,9
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Tableau 7 : Situation carcérale dans l’Union européenne au 1
er
septembre 2008 (suite)
Nb d’hab. 2008
en
milliers
(a)
Nombre de
détenus
(b)
Taux de détention
pour 100 000
(c)= (b) / (a)
Capacité
des prisons
(d)
Densité pour
100 places
(e)= (b) / (d)
Capacité pour
100 000 hab.
(f)= (d) / (a)
Lettonie *
2 245,4
6 544
291,4
9 168
71,4
408,3
Lituanie *
3 565,2
7 744
217,2
9 062
85,5
254,2
Luxembourg
486
673
138,5
702
95,9
144,4
Malte
403,5
577
143
480
120,2
119
Pays-Bas
16 645,3
17 113
102,8
21 418
79,9
128,7
Pologne *
38 500,7
83 152
216
83 124
100
215,9
Portugal*
10 676,9
10 807
101,2
12 294
87,9
115,1
Rép. Tchèque *
10 220,9
20 502
200,6
19 471
105,3
190,5
Roumanie
22 246,9
27 262
122,5
34 744
78,5
156,2
Royaume-Uni
61 383,2
92 805
151,2
91 756
98,9
149,5
Slovaquie
5 455,4
8 313
152,4
10 390
80
190,5
Slovénie
2 007,7
1 318
65,6
1 098
120
54,7
Suède *
9 045,4
6 853
75,8
6 941
98,7
76,7
Source : SPACE (Statistique pénale annuelle du Conseil de l’Europe) I – Retraitement Cour des comptes
* Données au 31 mars 2008 pour l’Allemagne, au 1
er
mai 2008 pour la Finlande, au 1
er
juillet 2008 pour la Lituanie, au 1
er
octobre 2008 pour la
France, la Lettonie et la Suède, et au 31 décembre 2008 pour l’Estonie, la République tchèque, la Pologne, le Portugal.)
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23
B - L’apport d’un programme immobilier ambitieux
La loi d’orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) du
9 septembre 2002 a lancé le programme de construction de 13 200 places
de détention, soit plus que le triplement du précédent programme, dit des
« 4 000 », achevé en 2004. Avec l’ouverture de nouveaux établissements
et la création planifiée de places de semi-liberté et de courtes peines et de
places supplémentaires dans des établissements ultramarins existants, le
programme prévoit en réalité la création de 13 393 places. Il
s’accompagne de la fermeture de maisons d’arrêt vétustes qui
représentent 2 485 places théoriques, mais concernent un nombre de
détenus bien plus important
10
.
Au total, le programme des 13 200 permettra la création nette de
10 908 places, soit près de 22 % de la capacité opérationnelle au 1
er
janvier 2007
11
.
A ce programme s’ajoute la création de plus de 2 000 places de
détention sur le site même d’établissements existants (dispositif dit
d’accroissement des capacités) et de places de semi-liberté.
La capacité opérationnelle totale des établissements pénitentiaires
sera ainsi portée à 61 200 places en 2012 et à 64 000 places à l’horizon
2015.
La construction de ces établissements s’effectue soit en maîtrise
d’ouvrage publique, soit en maîtrise d’ouvrage privée, selon des
procédures d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public
associée à un contrat de location avec option d’achat (AOT-LOA) ou des
contrats de partenariat public-privé (P.P.P.).
La maîtrise d’ouvrage publique, qui est dans la plupart des cas
confiée à l’Agence publique pour l’immobilier de la Justice (APIJ),
demeure le cadre juridique pour la construction des maisons centrales
(deux maisons centrales seront ainsi livrées en 2012
12
). L’APIJ a parfois
recours à des marchés de conception-réalisation, par exemple pour la
10) A titre d’illustration, les prisons de Lyon (Montluc et Perrache), fermées en 2009,
dont la capacité théorique était de 330 places, accueillaient 819 détenus en 2008 (soit
un taux d’occupation de 248%).
11) C’est-à-dire avant les premières livraisons d’établissements du programme des
13 200. La capacité opérationnelle était de 50 588 places au 1
er
janvier 2007, pour un
taux d’occupation de 115 %.
12) Il s’agit des maisons centrales de Vendin-le-Vieil et de Condé-sur-Sarthe (soit un
total de 440 places), qui sont également en cours de réalisation dans le cadre de
marchés de conception-réalisation.
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réalisation des sept établissements pour mineurs (EPM)
13
ou encore de
trois établissements pour majeurs de 690 places.
Les opérations en maîtrise d’ouvrage privée sont en revanche
privilégiées pour la construction des nouveaux établissements pour
majeurs. Ils représentent ainsi près de 63 % des places construites (6 436
places sur 10 260 construites, hors EPM - voir tableau n°8).
A ces ouvertures, il convient également d’ajouter l’ouverture en
avril 2009 d’un quartier « courtes peines » (QCP) de 60 places à la
maison d’arrêt de Toulouse-Seysses.
13) Il s’agit des EPM de Lavaur, de Meyzieu, de Quiévrechain, de Marseille,
d’Orvault, de Porcheville et de Meaux-Chauconin, représentant 420 places soit 60
places chacun.
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Tableau 8 : Récapitulatif des opérations lancées en AOT-LOA et contrat de partenariat pour le programme des « 13 200 »
Type de
contrat
Etablissements
concernés
Affermis-
sement
Date de
réception des
bâtiments
à vide
Durée
d’exécution
Coût total
14
(avant prise
en compte des
avenants)
Prestations
CD Roanne
Initial
23/09/2008
MA Lyon-Corbas
27/11/2006
19/12/2008
CP Nancy-Maxéville
23/03/2007
22/02/2009
Lot 1 - 2790 places
Contrat signé avec
OPTIMEP
le 23/02/2006
AOT-LOA
CP Béziers
22/08/2007
22/07/2009
35 ans
pour l’AOT,
30 ans pour
chaque tranche
Invest. : 513 M€
Fonct. : 670 M€
Conception,
construction,
+
maintenance,
entretien, fluides
CP Poitiers-Vivonne
Initial
12/06/2009
MA Le Mans-Coulaines
06/08/07
06/09/2009
Lot 2 - 1650 places
Contrat signé avec
THEMIS
le 12/10/2006
AOT-LOA
CP Le Havre
12/11/07
12/12/2009
35 ans
pour l’AOT,
30 ans pour
chaque tranche
Invest. : 354 M€
Fonct. : 488 M€
Conception,
construction,
+ maintenance,
entretien, fluides
MA Nantes
Initial
Janvier 2012
CD Réau Ile-de-France
24/04/2009
Mars 2011
Lot 3 - 1996 places :
Contrat signé avec
THEIA
le 20/02/2008
CP
CP Lille - Annoeullin
24/12/2008
Mai 2011
27 ans
(fin en 2035)
Invest. : 550 M€
Fonct.: 1 350 M€
Conception,
construction
+ entretien
+services à la personne
Source : Cour des comptes, DAP et APIJ
14) Les montants indiqués correspondent, pour la part investissement, aux coûts d’investissement mentionnés dans le contrat, auxquels s’ajoutent la
première annuité du loyer de fonctionnement et les indemnités de dédit prévues. Pour la part fonctionnement, il s’agit d’une somme des loyers
indexés.
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Les premières livraisons du programme des 13 200 sont
intervenues à l’automne 2008. Les échéanciers ont été globalement
respectés et parfois anticipés pour les opérations en maîtrise d’ouvrage
privée
15
, sauf pour la MA de Nantes (1ère opération en contrat de
partenariat) en raison d’une pollution des sols.
Pour les années 2008 et 2009, plus de 7 300 places ont ainsi été
livrées à l’administration pénitentiaire. Parmi elles, plus de 4 500 places
ont été ouvertes pour accueillir des détenus au cours de ces deux
exercices. Aux huit établissements mis en service répond la fermeture
concomitante
d’établissements
vétustes,
représentant
un
nombre
théorique de 1 002 places, soit un solde net de 3 581 places.
La poursuite des opérations de rénovation de grande envergure,
prévues ou engagées ces dernières années par le ministère de la justice sur
les sites de Fleury-Mérogis, de la maison d’arrêt de Paris –La Santé- et du
CP des Baumettes à Marseille ne modifie pas ce constat. Il en va de
même des crédits ouverts dans le cadre du plan de relance par
l’investissement (26 M€ en crédits de paiements en 2009 et 4 M€ en
2010) pour réaliser des travaux de rénovation et d’aménagement des
établissements pénitentiaires (760 opérations). En effet, ces travaux
doivent essentiellement permettre d’améliorer les conditions de vie des
détenus, les infrastructures socio-éducatives et les conditions de travail
des personnels ainsi que certains travaux de sécurité.
*
Les moyens engagés par le ministère de la justice en faveur de
l’immobilier pénitentiaire, vont, d’une part, abaisser les taux de
surpopulation observés, notamment dans les maisons d’arrêt, d’autre part,
améliorer les conditions matérielles de détention.
Il reste que les projections de la population carcérale conduisent à
un écart d’environ 11 500 places entre la capacité opérationnelle des
établissements pénitentiaires et le nombre de détenus prévus à l’horizon
2013, soit 72 700 personnes.
15) Le CP de Béziers a été remis à l’Etat le 22 juillet 2009, alors que les informations
communiquées à la Cour fin 2008 faisaient état d’une livraison au 22 septembre 2009,
soit une anticipation de deux mois. Un retard a toutefois pu être observé s’agissant de
la réception du CP de Bourg-en-Bresse (610 places, réalisé), qui devait accueillir –
selon les prévisions de la DAP –ses premiers détenus dès le mois d’octobre 2009 et
dont l’ouverture est annoncée pour février 2010. Le démarrage des travaux datait
pourtant d’avril 2007, soit un calendrier réel de construction plus long que pour les
opérations en AOT-LOA (24 mois environ pour ces dernières).
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27
Face à ces projections, la loi pénitentiaire mise sur le
développement sensible des aménagements de peine, notamment du
placement sous surveillance électronique. Le ministère de la justice
espère ainsi doubler d’ici trois ans le nombre de personnes écrouées
« non-hébergées », pour atteindre un total de 12 700 personnes au 1
er
janvier 2013 (contre 5 111 au 1
er
janvier 2010), ce qui donnerait un solde
de 59 900 personnes détenues en 2013 pour 61 200 places.
Cette forte augmentation des bénéficiaires d’aménagements de
peine ne repose pas sur la seule responsabilité des services pénitentiaires
mais dépend aussi des moyens dont les autorités judiciaires disposeront
pour prendre les décisions à cet effet.
Le ministère envisage par ailleurs la création de plus de 5 000
places nettes supplémentaires, dans le cadre d’un nouveau programme
immobilier, ce qui devrait permettre, selon le ministère, d’atteindre en
2017 un taux d’encellulement individuel de 95% sur l’ensemble du parc
pénitentiaire et de donner enfin une réelle application au principe de
l’encellulement individuel qui fait l’objet d’un moratoire depuis 2002.
II
-
La sécurité
En vertu de l’article 2 de la loi pénitentiaire, le service public
pénitentiaire contribue à la sécurité publique dans le respect des intérêts
de la société, des droits des victimes et des droits des personnes détenues.
La fonction de surveillance des détenus, qui incombe à l’administration
pénitentiaire, doit répondre à ce triple objectif. Il s’y ajoute, à un niveau
de priorité élevé, la sécurité des personnels.
A - Le maintien des moyens consacrés à la mission de
sécurité
1 -
Des équipements de sécurité renforcés
Dans la continuité des moyens affectés à la sécurisation des
établissements entre 1999 et 2004, l’administration pénitentiaire a
conforté, ces dernières années, son effort financier en faveur de la
sécurisation
des
établissements
pénitentiaires
(hors
dépenses
de
personnel). Mis à part le plan de relance, les dépenses réalisées en la
matière ont légèrement progressé entre 2007 et 2009 (+11 %) ; si l’on
tient compte des crédits de paiement ouverts en 2009 au titre du plan de
relance, elles ont augmenté de 43% sur la période.
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Tableau 9 : Evolution des dépenses (crédits de paiement) réalisées en
matière de sécurité depuis 2007
En millions d’euros
Exécution
2007
Exécution
2008
Exécution 2009
Variation
2007- 2009
Crédits de
fonctionnement
6,05
4,64
4,7
- 22 %
Crédits
d’investissement
12,8
15,22
22,3
(dont 6,1 au titre du
plan
de relance
)
+ 74 %
TOTAL
18,85
19,86
20,9 M
€
(hors
plan de relance
)
27 M
€
(avec le
plan de relance
)
+ 11 %
+ 43%
Sources :
Rapport annuel de performances (RAP) 2007, RAP 2008, DAP
En pratique, ces crédits ont permis, d’une part, de renouveler ou
d’acquérir les équipements de sécurité opérationnelle des établissements
pénitentiaires
16
, d’autre part, de financer les travaux nécessaires à
l’adaptation des établissements pénitentiaires aux nouvelles contraintes de
sécurité. A titre d’illustration, ils représentent 2 à 3 fois les moyens
actuellement dédiés au déploiement du bracelet électronique. Ils
n’incluent bien sûr pas les crédits des personnels de surveillance des
établissements, aux fonctions multiples il est vrai, ni des équipes
régionales d’intervention et de sécurité (ERIS).
En 2006, la Cour avait préconisé le recours à des dispositifs de
sécurité passive (à différencier de la sécurité active qui résulte des
pratiques
professionnelles
des personnels
pénitentiaires),
afin
de
compenser les défauts de l’architecture des bâtiments pénitentiaires et,
bien souvent, leur vétusté. Ces programmes d’investissement se sont
poursuivis ces dernières années. Ils ont mis l’accent sur trois priorités : la
mise aux normes des miradors, l’installation de filins anti-hélicoptères, la
16) On citera en particulier la poursuite de l’installation des tunnels d’inspection à
rayons X à l’entrée des établissements, le brouillage des téléphones portables,
l’installation de dispositifs de reconnaissance biométrique afin de lutter contre les
évasions par substitution dans le cadre des parloirs et le recours à la vidéosurveillance
dans une trentaine d’établissements pénitentiaires pour contrôler l’activité des cours
de promenades (opérations lancées suite aux préconisations de la commission
nationale de déontologie de la sécurité et du Contrôleur général des lieux de privation
de liberté).
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29
sécurisation des maisons centrales ainsi que la création de nouveaux
quartiers « maison centrale ».
L’administration pénitentiaire a également entrepris ces dernières
années un plan de mise aux normes des circuits électriques et
d’installation d’équipements de prévention des incendies (pour un
montant total estimé à 29,2 M€, 12 consommés à ce jour), afin de garantir
la sécurité des détenus à l’intérieur des établissements pénitentiaires.
Bien que peu médiatisé, l’effort prioritaire d’équipements de
sécurité s’est donc poursuivi sous différentes formes.
2 -
Les personnels de surveillance
L’effectif des personnels de surveillance a connu une augmentation
quasi-proportionnelle, de 2005 à 2009, à l’évolution de la population
carcérale (
cf.
tableau n°10). On constate de ce fait une relative stabilité du
taux d’encadrement des détenus par des surveillants (de l’ordre de 2,6
détenus pour un surveillant), qui se situe dans la moyenne des pays
européens. La plupart des créations de postes (plus de 1 700 postes créés
sur la période) correspond à l’ouverture des nouveaux établissements et
au développement de nouvelles missions (surveillance électronique,
quartiers arrivants, etc.).
Tableau 10 - Evolution du taux d’encadrement de la
population carcérale depuis 2005
Au 1
er
janvier
2005
2009
Var. 2005 / 2009
Nombre de détenus
59 197
62 252
+ 5,2%
Nombre de surveillants
(effectifs réels)
22 615
24 341
+ 7,6 %
Ratio détenus / surveillant
2,62
2,56
Sources : DAP
Par ailleurs, les mutations de surveillants entre les établissements
pénitentiaires ont concerné quelque 5 000 personnes depuis 2005, soit
près de 20% des effectifs totaux (pour une création nette de 1 700 postes),
plus de la moitié étant affectés en région parisienne. L’effet de rotation
est donc élevé et exige un effort d’adaptation accrue pour la prise en
charge des détenus, d’autant que 25% des personnels recrutés sont
féminins, avec la contrainte de gestion qui en résulte face à une
population de détenus très majoritairement masculine.
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COUR DES COMPTES
Dans ces conditions, l’administration pénitentiaire a accru ces
dernières années son recours aux équipes régionales d’intervention et de
sécurité (ERIS –
cf
. encadré). En outre, la loi pénitentiaire crée une
réserve civile, à l’instar de celle existant dans la police nationale. Si
diversifier les formes de recours aux personnels est une solution qui paraît
intéressante, il est regrettable que le ministère n’ait donné aucune
précision dans l’étude d’impact du projet de loi pénitentiaire sur le
nombre prévisible de réservistes envisagés et leurs coûts.
Les équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS)
Créées par une circulaire du 27 février 2003, les ERIS (406 agents au
1
er
août 2009 répartis en 10 équipes, soit une par direction interrégionale -
deux pour celle de Paris) interviennent dans plusieurs hypothèses :
- en cas de mouvements collectifs ou individuels de non réintégration
ou d’insoumission pouvant dégénérer ;
- lors de certains transferts à hauts risques ;
- à l’occasion de certaines opérations de fouilles ou de perquisition, et
à la demande des établissements pour assurer la sécurité des sites (pendant
des sessions de cours d’assises sensibles par exemple) ;
- pour la garde temporaire de détenus sensibles ;
- lors de travaux importants pouvant fragiliser les structures et la
sécurité des établissements.
Depuis leur création, les ERIS ont réalisé près de 4 000 opérations,
dont 801 en 2008. Dans 85% des cas, les équipes sont intervenues à
l’initiative des directions interrégionales et, dans 15% des cas, à la demande
de l’administration centrale. En 2008, plus de 70% des missions ont eu
vocation à encadrer le transfert de détenus dangereux (250 missions sur 801
missions), à sécuriser des sites en travaux (250 missions) et à rétablir l’ordre
ou sécuriser des fouilles sectorielles (127 opérations). Les coûts de
fonctionnement des ERIS n’ont toutefois pu être établis par la Cour à partir
des pièces transmises par l’administration pénitentiaire.
B - La sécurité de la vie en détention
L’administration pénitentiaire encadre et sécurise la vie en
détention au moyen de trois types de dispositifs : les procédures
d’affectation des détenus, le règlement intérieur de chaque établissement
et l’adaptation du régime de détention des détenus sur chaque site. Lors
de la publication de son rapport en 2006, la Cour avait formulé des
recommandations pour chacun de ces dispositifs. Si certaines ont pu être
mises en oeuvre, d’autres restent encore à engager.
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a) Les modalités d’affectation des détenus, en particulier les plus
dangereux, constituent un facteur déterminant dans la sécurisation des
établissements pénitentiaires.
Le ministre de la justice dispose, en vertu de l’article D.80 du code
de procédure pénale, d'une compétence générale d'affectation des
condamnés dans toutes les catégories d'établissement. Sa compétence
d’affectation est exclusive s’agissant des maisons centrales et des
quartiers maison centrale, mais aussi des condamnés à raison d'actes de
terrorisme, des condamnés à plus de dix ans de prison dont la durée
d'incarcération restant à subir au moment de leur condamnation définitive
est supérieure à cinq ans et de ceux ayant fait l'objet d'une inscription au
répertoire
des
détenus
particulièrement
signalés.
Les
directeurs
interrégionaux des services pénitentiaires disposent quant à eux d’une
compétence déléguée pour décider de l'affectation dans les autres
établissements.
Chaque année, près d’un quart des quelque 15 000 décisions
d’orientation ou d’affectation des condamnés
17
sont prises directement, au
nom du ministre, par l’état major de sécurité de la DAP.
Les condamnés en établissement pour peines sont affectés en
fonction de cinq critères principaux : la nature de l’infraction qu’ils ont
commise, leur dangerosité, le maintien des liens familiaux, leur prise en
charge psychologique et psychiatrique et leur accès au travail ou à la
formation professionnelle. Le critère de dangerosité est celui qui laisse les
plus vastes marges d’appréciation à l’administration pénitentiaire.
Le ministre de la justice décide notamment de l'inscription et de la
radiation des détenus devant faire l’objet de mesures de sécurité adaptées
au répertoire des détenus particulièrement signalés
(DPS), compte tenu de
leur risque d’évasion et de leur potentiel de violence ; 300 à 400 détenus
relèvent de cette procédure. Ces détenus sont généralement affectés en
maison centrale. La Cour avait toutefois observé en 2006 qu’à défaut de
places
disponibles
dans
les
maisons
centrales,
l’administration
pénitentiaire
pratiquait
des
transferts
successifs
de
détenus
dits
« navigants » entre les grandes maisons d’arrêt, sur la base d’une
instruction ministérielle du 20 octobre 2003. Cette instruction prévoyait
l’existence de « rotations de sécurité » des DPS entre grandes maisons
d’arrêt, afin « de perturber les auteurs des tentatives d’évasion et leurs
complices dans la préparation et la réalisation de leurs projets ». Une telle
17) 13 779 décisions prises en 2005 (dont 3 957 par EMS), 14 969 décisions prises en
2006 (dont 3 795 par EMS) et 14 672 en 2007 (dont 3 636 par EMS). Pour 2008, les
données transmises par la DAP à vos rapporteurs n’englobaient pas les décisions
prises par les DISP.
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COUR DES COMPTES
pratique n’apparaissant pas régulière, la Cour avait recommandé à la DAP
une régularisation. De fait, à la suite de deux décisions prises en 2008 par
le Conseil d’Etat
18
, qui ont annulé la note de service de 2003, et en 2009
par la Cour européenne des droits de l’homme, cette pratique a cessé
19
.
L’appréciation de la dangerosité des détenus passe également par
leur observation dans le cadre du centre national d’observation (CNO) de
Fresnes (
cf.
encadré). Or,
les capacités d’absorption du CNO s’avèrent
insuffisantes.
Le centre national d’observation de Fresnes
Créé en 1985, il permet une observation pluridisciplinaire des détenus
condamnés à des moyennes et longues peines, à différents stades de leur
parcours en détention. Au départ, sa vocation consistait à recevoir les détenus
appelés à changer de régime (passage d’une catégorie d’établissement
pénitentiaire à une autre) ou à bénéficier d’une levée éventuelle de leur statut
de DPS (évaluation dite de « deuxième passage »).
La loi n°2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté
et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour trouble mental est toutefois
venue renforcer sensiblement ses missions, en lui confiant :
- d’une part, l’évaluation systématique de la personnalité des détenus
condamnés à une peine de réclusion criminelle de plus de quinze ans ;
- d’autre part, l’évaluation de la dangerosité des condamnés à la
réclusion criminelle à perpétuité susceptibles de bénéficier d’une libération
conditionnelle.
Dans les faits, ces dernières modalités d’admission prennent peu à peu
le pas sur les autres besoins d’observations et les délais d’admission au CNO
s’allongent.
18) Dans un arrêt du 23 février 2008, le Conseil d’Etat a annulé la note de service
précitée du 20 octobre 2003, considérant que le ministre de la Justice ne tenait
d’aucune disposition législative ou réglementaire le pouvoir de créer un régime de
détention spécifique, caractérisé par des rotations régulières et systématiques
19) La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour violation
de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme sur les traitements
inhumains et dégradants, en raison de l’effet cumulé des 14 transfèrements, du
placement à l’isolement et de la régularité des fouilles corporelles intégrales auxquels
avait été soumis le requérant entre 2001 et 2008 (décision du 9 juillet 2009, Khider c.
France).
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33
Face à ce constat, l’administration pénitentiaire a décidé, d’une
part, de transformer le CNO en un centre national d’évaluation (CNE),
d’autre part, de l’implanter dans des locaux plus adaptés, au sein du futur
centre pénitentiaire de Réau (en cours de construction).
Les dernières dispositions législatives en matière de lutte contre la
récidive (loi du 10 mars 2010) devraient toutefois accroître sensiblement
le nombre de détenus à évaluer ; la nouvelle structure risque donc d’être
insuffisante pour répondre aux besoins, ce qui conduit le ministère à
étudier actuellement l’adaptation de ses modalités d’évaluation des
personnes condamnées (adaptation de la durée des sessions, maintien du
site de Fresnes aux côtés du futur site de Réau, création éventuelle de
centres interrégionaux d’évaluation).
b) Dans la continuité des orientations de la loi d’orientation et de
programmation pour la justice de 2002 et des recommandations de la
Cour en 2006, l’administration pénitentiaire a poursuivi la différenciation
des niveaux de sécurité entre établissements. Elle identifie dans ce cadre
cinq types d’établissements pour peines
20
: les « maisons centrales à
sécurité passive renforcée » pour les détenus à forts risques d’évasion ou
susceptibles de très grandes violences, les « maisons centrales à sécurité
passive
moindre »,
les
« centres
de
détention
contraints » dotés
d’équipements de sécurité périmétrique renforcés (miradors, mur
d’enceinte, filins anti-hélicoptères, surveillance caméra,...) et proposant
des régimes différenciés, les centres pour peines aménagées et les centres
de semi-liberté.
Le développement de régimes de sécurité différenciés au sein des
établissements pénitentiaires, tel qu’il a pu être observé au cours de
l’enquête, correspond à la mise en oeuvre des règles pénitentiaires
européennes
21
. L’article 89 de la loi pénitentiaire consacre d’ailleurs la
mise en oeuvre de ce principe dans les établissements pour peine, en
fonction de la personnalité, de la santé, de la dangerosité et des efforts des
détenus en matière de réinsertion. Il ne l’étend toutefois pas aux maisons
d’arrêt, du reste surpeuplées. En pratique, il arrive néanmoins que
certaines maisons d’arrêt appliquent des conditions de détention
20) Classification utilisée pour la construction de nouveaux établissements, qui ne
modifie en rien la typologie réglementaire des établissements pénitentiaires prévue au
code de procédure pénale (à savoir les maisons d’arrêt, les centres de détention et les
maisons centrales).
21) A titre d’illustration, la direction du centre de détention d’Argentan a adapté le
régime de détention de ses différents bâtiments au degré de dangerosité et de
compatibilité des détenus entre eux. Les détenus considérés comme les plus difficiles
sont affectés dans le bâtiment E, où, à la différence des bâtiments C et D, plus calmes,
le régime des portes fermées s’applique.
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assouplies dans leurs quartiers dédiés à la réinsertion, comme, par
exemple au quartier de préparation à la sortie du centre pénitentiaire de
Metz, dont les portes sont ouvertes en journée.
L’orientation du ministère est d’aller vers une spécialisation des
établissements
en
fonction
des
profils
de
détenus,
mettant
fin
progressivement au système des centres pénitentiaires mixtes.
c) Enfin, dans son rapport de 2006, la Cour avait constaté qu’en
dépit des recommandations formulées par les commissions d’enquête
parlementaires et la commission Canivet en 2000, les règlements
intérieurs des établissements n’existaient pas ou étaient disparates. La
Cour avait recommandé d’accélérer le processus d’harmonisation des
règlements intérieurs.
Cette recommandation a partiellement été suivie d’effets en 2008
et en 2009 : élaboration au 1
er
semestre 2008 d’un règlement intérieur
type pour les maisons centrales ; diffusion à l’été 2009 de 14 fiches de
procédure de nature à normaliser la vie en détention, les activités des
détenus et à l’individualisation du parcours de détention dans les maisons
d’arrêt ; élaboration à partir du second semestre 2009 des travaux afin
d’élaborer les règlements types des centres de détention, puis des centres
pour peines aménagées et des quartiers courtes peines. Mais elle reste à
parachever, quatre ans après.
Le ministère indique à ce titre qu’il devrait
déployer les règlements intérieurs des centres de détention en 2010 et
amorcer leur déploiement dans les maisons d’arrêt en 2011.
Ces initiatives devraient permettre de répondre aux critiques
répétées du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et des
associations investies dans le monde carcéral sur l’hétérogénéité des
règles de vie réservées aux détenus, selon les lieux de détention. Le
législateur a en outre prévu, dans l’article 86 de la loi pénitentiaire,
l’élaboration, par décret en Conseil d’Etat, de règlements intérieurs types
pour chacune des catégories d’établissements pénitentiaires. Le ministère
doit désormais respecter le calendrier annoncé.
C - Un bilan encore contrasté
En dépit des moyens et des procédures mises en oeuvre afin
d’éviter les évasions et de pacifier le milieu carcéral, la prison demeure
un univers violent, comme en témoigne souvent l’actualité.
L’administration
pénitentiaire
utilise
deux
indicateurs
pour
mesurer sa performance en matière de sécurisation des établissements
pénitentiaires : le nombre d’évasions et le taux d’incidents.
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35
Elle recueille ainsi mensuellement depuis le 1
er
janvier 2007, les
informations relatives aux incidents survenant dans les établissements
pénitentiaires. Néanmoins, l’exhaustivité n’est pas certaine s’agissant des
agressions entre détenus car certains préfèrent taire les faits dont ils sont
victimes.
Sous cette réserve, il est patent qu’après avoir marqué une certaine
diminution entre 2005 et 2008, le nombre d’incidents est reparti à la
hausse courant 2008.
Comme le montre le tableau ci-après des statistiques disponibles
en matière d’évasion, environ 90% de celles recensées en 2007 et en 2008
interviennent dans le cadre d’activités de réinsertion hors détention
(procédures d’aménagement de la peine, chantiers extérieurs, sorties
sportives).
La réorganisation en cours du travail des services pénitentiaires
d’insertion et de probation (SPIP) devrait permettre d’assurer un meilleur
contrôle des personnes placées sous sa responsabilité en milieu ouvert. En
effet, des surveillants pénitentiaires devraient venir compléter les rangs
des SPIP afin de suivre les probationnaires.
Il reste néanmoins nécessaire d’évaluer plus précisément les
incidents relatifs aux personnes suivies en milieu ouvert.
Tableau 11 : Nombre de personnes évadées
SOUS GARDE PÉNITENTIAIRE
Lieux
2007
2008
2009
Depuis la détention
14
9
37*
Lors d’extractions médicales ou de
sorties sportives
3
7
4
Depuis des chantiers extérieurs
9
2
19
TOTAL
26
18
60
HORS GARDE PÉNITENTIAIRE
Lieux
2007
2008
2009
Lors d'hospitalisations d'office ou
autres
33
23
42
Lors d'extractions judiciaires ou
médicales
5
10
11
Lors d'aménagements de peine:
permissions de sortie, PE, PS, PSE et
CPA/CSL
419
450
461
TOTAL
457
483
514
Sources : DAP – EMS (* dont 18 évadés du centre pénitentiaire de Nouméa)
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A la différence des violences entre détenus qui constituent une
zone grise mal appréhendée par l’administration pénitentiaire mais
dénoncée par de nombreux observateurs extérieurs, les agressions contre
les
personnels
pénitentiaires
sont
recensées
avec
précision
par
l’administration. En 2008, la DAP a ainsi dénombré 595 agressions
physiques dont 762 personnels ont été victimes.
Après une baisse sensible entre 2005 et 2007, le taux d’agressivité
- nombre d’agressions rapportées au nombre de détenus pour la même
période - a connu une légère augmentation en 2008 (passant de 0,81% en
2007 à 0,94% pour l’année 2008). Les évènements de l’année 2009 ne
devraient pas inverser cette tendance
22
.
Moins de 30% des agents victimes d’agression ont été concernés
en 2008 par une interruption temporaire de travail (ITT). Cette proportion
est relativement stable depuis plusieurs années : 393 jours d’ITT en 2008,
491 en 2007.
Tableau 12 : Evolution des agressions
contre les personnels entre 2000 et 2008
Nombre
d’agressions
(au 31 décembre
N)
Population
carcérale
(Moyenne
annuelle)
Fréquence des agressions
(Nombre d’agressions/Population
carcérale)
2000
400
50 625
0,78 %
2002
586
53 510
1,10 %
2004
686
60 126
1,14 %
2005
661
58 660
1,13%
2006
604
58 295
1,04%
2007
491
60 711
0,81 %
2008
595
62 292
0,94%
Source : DAP – RH1 (extrait de la réponse n°107 au questionnaire
parlementaire de M. HUYGHE dans la cadre de la préparation au PLF
2010)
22) Compte tenu de l’ouverture de 3 établissements pour mineurs supplémentaires en
2008 et du taux d’agressivité beaucoup plus élevé que dans les autres types de
structures (17 %) le risque d’être agressé est 23 fois plus important en détention
mineurs qu’en détention générale.
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37
L’administration pénitentiaire a développé plusieurs actions
préventives tant auprès du personnel que des détenus : repérage des
personnes
vulnérables,
interdiction
des
vêtements
à
capuche,
développement des activités sportives le week-end, augmentation de la
durée des promenades, allongement des durées de parloir, accès au parloir
des détenus placés en quartier disciplinaire ; évaluation des conditions de
sécurité dans les douches et renforcement de la vigilance dans la
surveillance des cours de promenades. L’effet de ces mesures n’a pu être
mesuré à ce stade par la Cour.
Enfin, le nombre des suicides et tentatives de suicide
dans les
établissements pénitentiaires touche un domaine d’une grande sensibilité ;
il est suivi avec attention.
Alors que le taux de décès par suicide n’avait pratiquement pas
cessé d’augmenter depuis le début des années 1980, pour culminer à son
maximum en 1996 avec 24,4 suicides pour 10 000 personnes écrouées
(soit 138 décès), il a diminué depuis 2002 et s’est réduit de 20% en 5 ans,
avant de remonter en 2008 et 2009.
En effet, avec 115 suicides comptabilisés en 2008 (dont 109 en
détention), ce qui correspond à 17,2 suicides pour 10 000 personnes
écrouées, le taux s’est accru de 13,6% par rapport à 2007 ; il a encore
augmenté en 2009 : 122 suicides (dont 115 en détention).
Dans une étude publiée en décembre 2009, l’Institut national des
études démographiques (INED) indique que la France présente le taux de
suicides en prison le plus élevé de quinze pays européens. La moyenne
annuelle observée en France entre 2002 et 2006 (20 suicides pour 10 000
détenus) se compare à 13 pour 10 000 au Danemark, deuxième de la liste.
Le nombre était de seulement 4 pour 10 000 en Grèce sur la même
période. Cependant ce taux de suicide est à rapprocher du taux de suicide
dans la population générale (évaluation du taux de « sursuicidité » de la
population carcérale). Ainsi, globalement, les détenus français se
suicident six fois plus que le reste de la population, mais le taux de
« sursuicidité » des détenus italiens, portugais et britanniques est 8 à 10
fois supérieur à celui de la population générale de ces pays.
Par ailleurs, l’INED souligne que
« contrairement aux idées
reçues, la surpopulation carcérale et le suicide n'évoluent pas de façon
parallèle. […] Alors que le taux d'occupation des établissements
pénitentiaires diminue au début des années 1990, le taux de suicide
augmente. Et lorsque le taux d'occupation augmente à partir de 2002,
celui du suicide a tendance à diminuer. […] La moitié des suicidés
étaient seuls en cellule »
. Par ailleurs, les prévenus se suicident deux fois
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plus en moyenne que les condamnés et le taux de suicide augmente avec
la gravité de l’infraction.
Compte
tenu
de
la
recrudescence
des
incidents,
20
recommandations ont été retenues par le ministre et consistent pour
l’essentiel à renforcer la formation du personnel pénitentiaire face au
risque de suicide, à appliquer des mesures particulières pour les détenus
les plus fragiles (cellules sécurisées, ), à « humaniser l’univers
carcéral » (développement
de
l’accès
au
téléphone
au
quartier
disciplinaire) et à développer des expérimentations inspirées d’exemples
européens (« codétenus de soutien »). Par ailleurs, depuis janvier 2010,
les détenus arrivant dans un établissement pénitentiaire peuvent passer un
appel téléphonique dans les premières heures de mise à l’écrou, afin
d’atténuer le choc carcéral.
*
Alors que le maintien des moyens consacrés à la sécurisation des
établissements pénitentiaires et l’amélioration des pratiques de gestion de
la détention semblaient avoir porté leurs fruits sur le climat global en
détention après 2005, la situation s’est de nouveau dégradée courant
2008.
La différenciation des régimes de détention et l’humanisation de
l’univers carcéral constituent à cet égard deux champs d’action qu’il faut
certainement continuer de développer.
III
-
La réforme budgétaire et comptable
Dans son rapport public de janvier 2006, la Cour avait souligné les
anomalies
des
règles
comptables
applicables
aux
établissements
pénitentiaires (dépenses exécutées par les comptables pénitentiaires, et
non les trésoriers-payeurs généraux) et à la gestion des biens et deniers
réglementés des détenus.
Juste avant la parution du rapport de 2006, l’administration
pénitentiaire a engagé les réformes souhaitées (voir annexe, en fin de
rapport, pour plus de détails) et permis au ministère de répondre aux
exigences de l’entrée en vigueur de la loi organique sur les lois de
finances (LOLF) en 2006.
En premier lieu, des régisseurs placés sous la responsabilité des
comptables du Trésor public se sont vu confier la gestion des biens des
détenus. Deux types de régies d’avances et /ou de recettes ont été créées :
les régies usuelles destinées au maniement des fonds publics pour la
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39
réalisation d’opérations limitées et les régies des comptes nominatifs pour
le maniement des fonds des personnes incarcérées, à toutes les étapes de
leur parcours en détention. La qualité du fonctionnement des régies est de
fait une exigence centrale pour la vie dans les prisons.
La réforme budgétaire et comptable a été complétée par la
création, à compter du 1
er
janvier 2007, d’un compte de commerce qui
retrace les opérations de recettes et dépenses liées à la « cantine » et au
travail des détenus. Si la mise en place de cet outil constitue en soi un
facteur de progrès dans la gestion des flux financiers associés à la vie en
détention, la Cour relève toutefois que subsistent plusieurs marges
d’amélioration de son fonctionnement. Se pose notamment la question
des opérations retracées dans la section « cantine des détenus ». En effet,
ont été exclus de la comptabilisation au compte de commerce les achats
« extérieurs » ou achats « directs », qui correspondent aux achats
ponctuels de biens non-stockés ne figurant pas dans les catalogues des
produits habituellement proposés (produits techniques, CD, DVD, etc.).
Ce manque d’exhaustivité est préjudiciable au bon suivi du résultat global
des opérations de cantines, mais aussi à l’identification des marges
réalisées à cette occasion et qui doivent être réinvesties dans des dépenses
au profit de la population pénale. La Cour estime qu’une exhaustivité plus
complète reste à atteindre.
Enfin, la mise en oeuvre de la LOLF s’est accompagnée d’une
uniformisation progressive de l’organisation budgétaire et comptable à
l’échelle du territoire, dans un souci de rationalisation des effectifs. Ainsi,
de nouvelles missions de pilotage de l’activité pénitentiaire ont été mises
en place dans les DISP. Des efforts de mutualisation en matière de
commande publique ont
vu le jour partout en France, sous l’impulsion
d’un pôle « achats et marchés » en administration centrale et du
déploiement d’« unités achats et marchés publics » dans les DISP (
à
Strasbourg, par exemple). Des services d’audit interne et des cellules de
contrôle interne comptable ont également été créés.
*
La Cour souligne les conséquences de l’application de la LOLF
dans les services déconcentrés ; en stimulant des efforts de mutualisation
louables du point de vue de la gestion publique, elle s’accompagne d’une
réduction de l’autonomie des établissements pénitentiaires par rapport au
système antérieur, décrit par la Cour dans son rapport de 2006. Un bilan
de ces nouvelles méthodes devra être dressé ultérieurement.
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40
COUR DES COMPTES
IV
-
Les réformes engagées
Deux
grandes
réformes
devraient
orienter
l’action
de
l’administration pénitentiaire dans ces prochaines années : la mise en
oeuvre des règles pénitentiaires européennes (RPE) et l’application de la
loi pénitentiaire (promulguée le 24 novembre 2009).
Les règles pénitentiaires européennes
Adoptées pour la première fois en 1973, révisées en 1987, puis en
2006, les règles pénitentiaires européennes (RPE) visent à harmoniser les
politiques pénitentiaires des Etats membres du Conseil de l'Europe et à faire
adopter des pratiques et des normes communes.
Ces 108 règles, adoptées le 11 janvier 2006 par le comité des
ministres du Conseil de l’Europe, portent à la fois sur les droits
fondamentaux des personnes détenues, le régime de détention, la santé,
l'ordre et la sécurité des établissements pénitentiaires, le personnel de
l'administration pénitentiaire, l'inspection et le contrôle des prisons.
Si ces règles ont une portée normative limitée puisqu’elles ne
formulent que des recommandations envers les Etats membres, elles
fournissent un référentiel pour les différentes politiques pénitentiaires de
nature à fonder des actions de réforme.
La direction de l’administration pénitentiaire s’est emparée des RPE
pour en faire un axe de réforme, d’une part du fonctionnement des
établissements pénitentiaires, d’autre part des pratiques professionnelles de
ses agents.
Dans un premier temps, la DAP a choisi de privilégier un nombre
réduit de ces règles et d’expérimenter leur mise en oeuvre dans un
échantillon d’établissements ; 28 maisons d’arrêt ont été retenues comme
sites pilotes en mars 2007, notamment pour mettre en place des quartiers
« arrivants ». Parallèlement, la DAP a réalisé en juin 2008 un premier
référentiel RPE, consacré aux procédures d’accueil des détenus. Sur cette
base, la DAP a alors lancé une démarche de labellisation des
établissements appliquant les RPE, en faisant procéder à une évaluation
par l’AFNOR et le bureau VERITAS.
Depuis janvier 2009, la DAP poursuit l’implantation progressive
des RPE dans les établissements pénitentiaires autour de 5 priorités:
-
généraliser la séparation des prévenus et des condamnés à
l’ensemble des maisons d’arrêt et des quartiers maisons d’arrêt.
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LES GRANDS FACTEURS D’EVOLUTION DE LA
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41
112 établissements, soit 85% de la cible, répondaient à cet
objectif au 1
er
avril 2010 ;
-
mettre en conformité la procédure d’accueil des arrivants avec
les
engagements
pris
dans
le
référentiel
RPE ;
159
établissements, soit 90% des sites, bénéficiaient de locaux
dédiés à l’accueil à la même date, et dans la moitié d’entre eux,
le personnel était spécifiquement formé à cette mission
d’accueil ;
-
poursuivre la labellisation de la procédure d’accueil des
établissements pénitentiaires (38 établissements étaient ainsi
labellisés au 1
er
avril 2010) ;
-
mettre en place une procédure formalisée de traitement et de
suivi des requêtes ; 79 établissements (soit 45% des sites)
répondaient à cette recommandation en avril 2010 ;
-
étendre le cahier électronique de liaison destiné au suivi
individuel des détenus (
cf.
IV
ème
Partie).
D’une manière générale, l’administration pénitentiaire estime que
la mise en oeuvre des RPE a un impact positif sur le climat général en
détention, avec une diminution des agressions, mais également une
réduction des congés maladie et des accidents de travail.
Lors du conflit social des mois d’avril et mai 2009 avec les
personnels de surveillance, la Chancellerie a toutefois semblé marquer
une inflexion dans la volonté de mise en oeuvre des RPE dans les
établissements pénitentiaires. Cette inflexion s’est manifestée dans un
courrier du 30 avril 2009 adressé à l'intersyndicale des surveillants de
l'administration pénitentiaire, dans lequel la Garde des Sceaux se
prononçait pour une « redéfinition du rythme de mise en application des
règles pénitentiaires », voire pour un « moratoire » de cette application.
En réalité, le protocole d'accord conclu le 11 mai 2009 entre le
ministère de la justice et deux des organisations syndicales prévoit une
mission d’évaluation du dispositif des RPE, afin d’en dresser un bilan et
d’en définir les modalités de poursuite. Les préconisations de cette
mission, qui ont conduit à la diffusion d’une circulaire en décembre 2009,
ont notamment abouti, en janvier 2010, à l’ouverture de postes de
surveillants pénitentiaires dédiés à la mise en oeuvre des RPE.
S’agissant de l’application de la loi pénitentiaire du 24 novembre
2009, il est trop tôt pour en mesurer la portée et l’effectivité.
Bien que
l’étude d’impact associée au projet de loi pénitentiaire n’ait pas évalué
complètement les coûts induits par ce texte (sauf pour l’extension des
aménagements de peine), il convient de relever, six mois après la
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42
COUR DES COMPTES
promulgation de la loi, que la quasi-totalité des décrets d’application
restent à publier.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La démarche engagée par l’administration pénitentiaire pour la
mise
en
oeuvre
des
règles
pénitentiaires
européennes
apparaît
prometteuse. Elle constitue un puissant levier de réforme au sein de cette
administration, et devrait offrir des conditions de détention plus
respectueuses des droits des détenus.
Les recommandations qui suivent s’inscrivent à la fois dans la
ligne de celles qu’avait formulées le rapport public de 2006, mais aussi
dans le cadre élargi de ces règles pénitentiaires européennes :
-
Etendre
la
mise
en
oeuvre
des
règles
pénitentiaires
européennes ;
-
Développer l’évaluation individuelle des situations grâce au
centre national d’évaluation doté d’une capacité adaptée ;
-
Poursuivre la différenciation des centres pénitentiaires, selon
la dangerosité des détenus et les aménagements de peine
possibles ;
-
Achever dans ce cadre l’harmonisation des règlements
intérieurs des établissements, selon leur catégorie ;
-
Organiser une mesure plus précise des incidents relatifs aux
personnes suivies en milieu ouvert ;
-
Améliorer la tenue du compte de commerce pour la gestion des
cantines,
notamment
en
y
retraçant
l’exhaustivité
des
opérations ;
-
Publier sans délai les décrets d’application de la loi
pénitentiaire de novembre 2009.
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LA COEXISTENCE DE DEUX MODES DE GESTION :
GESTION PUBLIQUE ET GESTION MIXTE
43
Deuxième partie :
La coexistence de deux modes de
gestion : gestion publique et gestion
mixte
La loi n°87-432 du 22 juin 1987, modifiée par la loi n°2002-1138
du 9 septembre 2002, relative au service public pénitentiaire organise un
dispositif permettant à l’administration pénitentiaire de confier, pour la
gestion de ses établissements, à des organismes de droit public ou de droit
privé habilités, des fonctions autres que celles de direction, de greffe et de
surveillance. L’article 3 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a
repris ce principe. A côté de la gestion publique s’est ainsi développée la
gestion dite mixte ou déléguée.
Deux générations de « contrats multiservices
»
se sont succédé. La
première génération de marchés, notifiée en septembre 1989, confiait le
fonctionnement de 21 établissements pénitentiaires à quatre groupements
d’entreprises répartis sur 4 zones. Ces contrats étaient liés à des marchés
de
construction
d’établissements
pénitentiaires
neufs
(programme
13 000), que les groupements devaient
prendre en charge une fois
construits pour les prestations dont ils étaient chargés.
La seconde génération de contrats, notifiée en décembre 2001, a
étendu le principe des marchés publics multiservices à 6 établissements
supplémentaires construits dans le cadre du programme dit « 4 000 ».
Cinq marchés (couvrant 5 zones géographiques) ayant pour objet
d’assurer le fonctionnement courant des établissements pénitentiaires des
programmes 13 000 et 4 000 sont arrivés à échéance le 31 décembre
2009.
Dans son rapport public de 2006, la Cour a mis l’accent sur les
carences de supervision et de mesure de la performance de la gestion
« mixte » par rapport à la gestion publique classique.
Ce constat général
avait appelé plusieurs recommandations de la part de la Cour, sur deux
plans, d’une part le suivi des contrats de gestion déléguée, d’autre part la
comparaison entre les deux modes de gestion.
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44
COUR DES COMPTES
Etablissements en gestion déléguée en 2011
Source : Direction de l’administration pénitentiaire
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LA COEXISTENCE DE DEUX MODES DE GESTION :
GESTION PUBLIQUE ET GESTION MIXTE
45
I
-
La gestion « mixte » : un essor mieux contrôlé
A - Evolution du périmètre des établissements en
gestion mixte
Au 1
er
janvier 2007, la gestion mixte concernait 27 établissements
pénitentiaires pour majeurs, soit une capacité nominale de plus de 15 500
places, représentant 30 % environ de la capacité opérationnelle de
l’ensemble des établissements (y compris les maisons centrales, que le
ministère voulait alors exclure de ce mode de gestion).
Depuis cette date, le périmètre de la gestion mixte n’a cessé de
s’étendre avec les 6 nouveaux établissements pour mineurs, livrés en
2007, et la réalisation du programme des 13 200 de la LOPJ. Fin 2009,
une quarantaine d’établissements fonctionnaient en gestion déléguée,
représentant environ 20 000 places en termes de capacité nominale, pour
une capacité théorique de l’ensemble des établissements évaluée par la
Cour à environ 55 000 places, soit un ratio de plus de 36 %.
Ce ratio va s’accroître plus rapidement encore à partir de 2010, en
raison, d’une part, des livraisons des établissements du programme des
13 200 et de la fermeture d’établissements vétustes en gestion publique,
et d’autre part, de l’élargissement du périmètre des établissements entrant
en gestion déléguée, dans le cadre du renouvellement des marchés de
gestion déléguée (« MGD 04 ») à compter du 1
er
janvier 2010
23
.
Après 2012, lorsque le programme de construction des 13 200 sera
entièrement livré, la gestion déléguée concernera environ 30 000 places
nominales de détention
24
, soit un doublement en cinq ans.
Si l’on considère par ailleurs les projets de l’administration
pénitentiaire de développer une externalisation limitée à certains services
(restauration, hôtellerie-buanderie) dans plusieurs établissements qui sont
aujourd’hui exploités en régie directe, on constate que la gestion
23) Le marché « MGD 04 » étend la gestion déléguée à 4 établissements du
programme des 13 000, jusqu’ici gérés en régie directe par l’administration (les
centres pénitentiaires de Saint-Quentin-Fallavier, de Laon et de Châteauroux, ainsi
que la maison centrale d’Arles - pour une capacité nominale totale d’environ 1 400
places), et à deux nouvelles maisons centrales, dont la livraison est prévue en 2012
(pour un total de 440 places).
24) Très exactement 29 693 places si l’on tient compte du marché « MGD 04 », des 3
lots en AOT-LOA et contrat de partenariat, ainsi que des nouveaux établissements de
Mont-de-Marsan, Bourg-en-Bresse et Rennes bâtis via des marchés de conception-
réalisation.
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46
COUR DES COMPTES
déléguée, sous ses différentes formes, va concerner à brève échéance la
moitié des places de détention. A terme, la gestion déléguée devrait
devenir le mode d’exploitation majoritaire dans les établissements
pénitentiaires.
B - La mise en oeuvre d’une fonction et d’un réseau
dédiés au contrôle des prestations en gestion déléguée
Compte tenu de l’accroissement du mode de gestion déléguée, le
contrôle des prestations rendues devient essentiel, comme l’avait observé
la Cour dans son précédent rapport. De fait, depuis le 1
er
janvier 2008, un
nouveau dispositif de pilotage de la gestion déléguée est en oeuvre à la
DAP.
1 -
Un réseau piloté par la « mission gestion déléguée » de la
direction de l’administration pénitentiaire (DAP)
Une structure dédiée au pilotage de la gestion déléguée a été créée
au sein de la sous-direction de l’organisation et du fonctionnement des
services déconcentrés, en décembre 2007. Cette « mission pour la gestion
déléguée des établissements pénitentiaires » (ci-après « MGD ») assure le
suivi et le contrôle des marchés de gestion déléguée en cours, ainsi que la
coordination
et
l'organisation
de
la
passation
des
marchés
de
fonctionnement des futurs établissements.
En réponse aux recommandations de la Cour, la DAP s’est par
ailleurs efforcée d’étoffer son dispositif de suivi des prestations de
gestion déléguée. A partir de janvier 2008, les délégataires ont été invités
à produire un rapport mensuel d’activité pour chaque établissement en
gestion déléguée. La MGD exploite ces rapports et les données relevées
par les personnels pénitentiaires en diffusant des « loupes » mensuelles à
visée opérationnelle. Elle réalise par ailleurs sa propre exploitation des
rapports annuels de zone, rédigés par les prestataires.
Concomitamment, la DAP a précisé dans une circulaire du 19
décembre 2007 le rôle attendu des directions interrégionales des services
pénitentiaires dans le contrôle des prestations de gestion déléguée : il y
est préconisé la création d’une « unité de suivi des gestions déléguées »
(UGD) à côté du service de l’audit interne.
L’UGD est, d’une part, responsable du suivi des relations avec le
prestataire de la gestion déléguée, d’autre part, chargée d’animer et
d’appuyer le réseau des attachés en poste dans les établissements en
gestion déléguée. De son côté, le service d’audit interne est en charge des
tableaux de bord de la DISP et relaye les enquêtes nationales lancées par
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GESTION PUBLIQUE ET GESTION MIXTE
47
le bureau de l’évaluation, du contrôle de gestion et des achats de la
direction de l’administration pénitentiaire, parce qu’elles concernent tous
les établissements, indépendamment de leur mode de gestion.
Cette nouvelle organisation, qui devait être mise en place à
compter du 1
er
janvier 2008, appelait une réallocation des moyens
humains au sein de chaque direction interrégionale. Or, s’agissant des
unités de gestion déléguée, aucune consigne spécifique n’avait été donnée
aux DISP quant au profil des agents à nommer pour les postes de chef des
unités. Ainsi, si une majorité de ces postes ont été pourvus par des agents
de catégorie A (6 DISP sur 9), plusieurs postes ont été pourvus par des
agents d’un niveau hiérarchique insuffisant et/ou inexpérimenté en la
matière. Conséquence sans doute des habitudes antérieures et des
relations établies avec la « mission gestion déléguée », certains chefs
d’établissement ou attachés ont donc maintenu une relation directe avec
l’administration centrale.
Enfin, le dispositif d’audit a été complété fin 2009 par la mise en
place de référents « restauration » dans chaque DISP, chargés d’intervenir
dans les établissements du parc classique et dans ceux fonctionnant en
gestion déléguée, et d’auditer spécifiquement dans ce dernier cas, la
fonction
« restauration » (dédiée
aux
détenus
et
aux
personnels
pénitentiaires), à deux reprises pendant la durée du marché. Dans la
même logique, l’administration pénitentiaire envisage de développer ses
capacités d’audit en matière de maintenance.
La constitution d’un réseau dédié au contrôle des prestations en
gestion
déléguée
satisfait,
sur
le
plan
des
principes,
à
deux
recommandations de la Cour : d’une part, le renforcement des moyens
humains consacrés au contrôle de la gestion « mixte » en particulier au
niveau des directions régionales et de l’administration centrale, d’autre
part, la clarification de la répartition des tâches entre les différents
niveaux, en spécialisant les directions régionales dans une fonction de
contrôle.
Toutefois, il est indispensable que les structures ainsi créées, en
administration centrale et dans les directions interrégionales, confortent
leur crédibilité, en développant la capacité des cadres à dialoguer avec les
entreprises délégataires.
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COUR DES COMPTES
2 -
Des audits permettant de déceler les carences
Par rapport aux constats établis lors du précédent contrôle de la
Cour, l’une des principales avancées de l’administration pénitentiaire
dans le suivi de la gestion déléguée réside dans l’intensification des
contrôles réalisés sur la réalité et la qualité des prestations réalisées par
les cocontractants.
S’agissant des contrôles réalisés au sein des établissements par
l’équipe de direction, ces derniers sont souvent placés sous la
responsabilité d’un attaché - voire d’un secrétaire administratif dans le
cas du centre pénitentiaire de Lille. Trop rares sont les chefs
d’établissement qui semblent s’impliquer très directement dans cette
mission, les directeurs se consacrant davantage à la sécurité, à la gestion
des ressources humaines ou à la relation avec les détenus. Dans cette
perspective, la sous-direction des services déconcentrés de la DAP s’est
efforcée d’accroître, au cours des deux dernières années, les actions
d’information et de formation sur la gestion déléguée à leur attention. Il
est également prévu de renforcer l’organigramme des établissements dits
du « programme 13 200 », en dédiant entièrement un attaché et un
personnel technique au suivi des marchés de gestion déléguée.
Ne disposant généralement pas des compétences appropriées à
l’exercice de ces contrôles, les attachés se consacrent aux contrôles qui
peuvent apparaître comme les plus praticables. Il s’agit notamment des
contrôles
opérés
sur
les
prestations
de
restauration
qui
sont
systématiquement réalisés dans tous les établissements, mais aussi de la
comparaison parfois effectuée entre les prix des produits de cantines et
ceux des mêmes produits dans les grandes surfaces de proximité. Au
total, dans l’échantillon des établissements visités, le périmètre et
l’intensité des contrôles opérés tiennent davantage à la personnalité et à
l’expérience du fonctionnaire qui en est responsable, les formations mises
en place récemment n’ayant pas encore produit tous leurs effets.
Expérimentés à partir de septembre 2007 sur trois établissements
25
,
les audits sur site de la MGD ont été généralisés dès 2008. Ils constituent
un réel progrès du contrôle effectué par l’administration pénitentiaire sur
la gestion déléguée.
25) Un pour chacun des trois cocontractants : le CP de Maubeuge (SIGES), la MA
d’Osny (GEPSA) et la MA d’Aix-Luynes (IDEX).
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49
En pratique, ces audits, qui sont pilotés par un agent référent de la
MGD, permettent à des praticiens, eux-mêmes en charge du contrôle de la
gestion déléguée dans leur établissement, d’évaluer le rendu des
prestations dans un autre établissement, le plus souvent avec un
prestataire différent. Ils permettent également de confronter les modalités
d’exercice de ces contrôles d’un établissement à l’autre et d’échanger, le
cas échéant, sur les bonnes pratiques. Cette démarche a ainsi vocation à
réduire, conjointement avec une meilleure formation des agents et la mise
à disposition d’outils modernes et uniformisés, les carences que la Cour
avait observées dans son précédent contrôle.
Si l’intérêt de cette démarche doit être noté, on peut en revanche
regretter que ces audits ne concernent pas l’ensemble des prestations de
gestion déléguée. L’élargissement du périmètre de l’audit à l’ensemble
des fonctions constitue l’un des meilleurs moyens de mesurer la
performance
relative
de
la
gestion
déléguée
dans
chacun
des
établissements fonctionnant selon ce mode.
Par ailleurs, des audits patrimoniaux ont été réalisés dans les
établissements
des
programmes
13 000
et
4 000
en
vue
du
renouvellement, au 1
er
janvier 2010 des marchés de gestion déléguée.
Un tableau de juillet 2009 réalisé par la MGD évalue les travaux de
remise en état pour chacun de ces établissements, en distinguant les coûts
à supporter par l’administration pénitentiaire (qui s’élèvent au total à
19 M€ pour les travaux à réaliser en 2009) de ceux à la charge du
délégataire « sortant » (qui représentaient 11,9 M€ en 2009) et de ceux
qui devront être supportés à l’avenir par le nouveau délégataire. Cette
synthèse met en évidence des situations très contrastées, attestant de
sérieuses carences de maintenance dans certains cas, de situations moins
dégradées dans d’autres
26
.
En outre, sont également planifiés les coûts pour la prochaine
génération de contrats : pour les deux exercices 2010-2011, ces coûts sont
évalués à 16,4 M€ pour les nouveaux délégataires et à 6,2 M€ pour
l’administration. Si l’on tient en compte des coûts différés jusqu’en 2018,
les deux établissements présentant le coût le plus lourd de remise en l’état
26) Pour les trois établissements du programme des 13 000 de la région parisienne, en
gestion déléguée à GEPSA, les coûts de remise en l’état imputés au délégataire sortant
demeurent circonscrits (de 207 000 € pour la MA de Nanterre à 425 000 € pour la MA
de Villepinte), mais pour la MA de Villepinte des travaux d’un coût de 1,5 M€ sont
mis à la charge de l’administration pour l’exercice 2009. A l’inverse, dans le cas de la
MA d’Aix-Luynes, établissement de la même génération, le coût de remise en l’état
imputé à IDEX est supérieur à un million d’euros, tandis que celui mis à la charge de
l’administration s’élève à 461 000 €.
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COUR DES COMPTES
sont la MA d’Aix-Luynes (8,4 M€) et le CD de Salon-de-Provence
(8,8 M€).
Le coût de remise en l’état des établissements en gestion déléguée
en fin de contrat constitue une information précieuse pour évaluer la
performance de ce type de contrat. Cette information, qui n’a été
disponible que courant 2009, n’a toutefois pas encore été prise en compte
dans les évaluations du coût de la gestion déléguée.
Enfin, d’autres actions peuvent s’avérer utiles pour évaluer la
performance de la gestion déléguée. Il s’agit des contrôles effectués au
sein de l’administration pénitentiaire
par l’inspection des services
pénitentiaires
au
moment
de
la
prise
de
fonction
des
chefs
d’établissement. Ces contrôles sont avant tout des audits à dimension
managériale et se concentrent donc sur le coeur de métier de
l’administration pénitentiaire (sécurité, mise en oeuvre des RPE, gestion
des ressources humaines), mais ils comportent également un volet
consacré à la gestion financière et logistique. Un rapport du 17 juin 2009
sur la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses souligne à cet égard que la
difficulté à bien évaluer la qualité des prestations du délégataire en
matière de maintenance et de respect des engagements contractuels est un
problème commun à l’ensemble des établissements en gestion déléguée.
Enfin, les établissements pénitentiaires, qui sont soumis depuis
juillet 2006 au respect des règles relatives à la protection des personnes
contre les risques d'incendie et de panique,
font l’objet de visites
périodiques (en moyenne tous les 3 ans) de la sous-commission
départementale pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique
dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande
hauteur. Ce type de contrôle permet de dénoncer, le cas échéant,
d’importantes lacunes en matière de maintenance ; tel a été le cas par
exemple pour la maison d’arrêt d’Aix-Luynes, en gestion déléguée.
L’accroissement des actions de contrôle des prestations rendues
par la gestion déléguée s’inscrit dans le cadre des recommandations de la
Cour en 2006.
Les audits de gestion déléguée, réalisés sous l’égide de la MGD de
la direction de l’administration pénitentiaire dans le cadre de la
préparation du renouvellement des marchés de gestion déléguée,
constituent un progrès majeur par rapport à la situation antérieure.
La DAP devrait poursuivre à l’avenir ces audits de gestion
déléguée, de manière qu’un établissement soit au moins audité deux fois
au cours de la durée d’un même marché de gestion déléguée. Des audits
impromptus pourraient aussi être réalisés à la demande des DISP pour les
établissements qui rencontrent des difficultés caractérisées.
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GESTION PUBLIQUE ET GESTION MIXTE
51
L’efficacité de ces audits dépend également du nombre de
fonctions auditées. L’administration pénitentiaire devrait effectuer des
audits plus exhaustifs et contrôler plus systématiquement les fonctions
jugées les plus défaillantes ou les moins transparentes vis-à-vis de
l’administration : la maintenance, les cantines, le travail et la formation
professionnelle. En se dotant d’une assistance à maîtrise d’ouvrage pour
réaliser des audits dans les établissements concernés, elle est en mesure
d’y parvenir.
Par ailleurs, au-delà de ces audits, il conviendrait de renforcer la
professionnalisation des agents en charge de cette mission dans les
établissements et dans les directions interrégionales, d’autant que
l’administration affiche la volonté, au travers de ses nouveaux marchés de
gestion déléguée, de mieux définir les prestations attendues et de pouvoir
en effectuer un contrôle plus efficace et plus dissuasif, en élargissant le
champ des pénalités infligées aux prestataires défaillants.
C - Les nouveaux marchés de gestion déléguée
Le
marché
« MGD-04
»
concerne
les
27
établissements
« historiques » soumis à la gestion déléguée, les 6 établissements pour
mineurs actuellement confiés à SIGES ainsi que des établissements non
encore livrés ou dont la construction n’a pas débuté, soit au total
46 établissements sur 52 sites géographiques. Sont exclus de ce marché,
mais relèvent néanmoins du périmètre de la gestion déléguée, les
3 établissements en contrat de partenariat, ainsi que les 7 établissements
en AOT-LOA et les 3 établissements du programme des 13 200 en
conception-réalisation qui ont fait l’objet d’un marché distinct de gestion
déléguée notifié en juin 2008 et confié jusqu’au 31 décembre 2015 au
groupement GEPSA-EUREST.
Ce marché introduit une gestion déléguée « à la carte ». Il est
réparti en 8 lots, contre 5 auparavant, regroupant des établissements sur
un critère de proximité géographique. Pour 4 lots, la durée du marché est
fixée à 72 mois (échéance au 31 décembre 2015), tandis que pour les 4
autres, elle est fixée à 96 mois (échéance au 31 décembre 2017). En outre,
le
périmètre
des
fonctions
déléguées
est
variable
suivant
les
établissements. L’hétérogénéité ainsi introduite par rapport à la
génération précédente de contrats avait pour objectif d’accroître la
concurrence, de prévenir les ententes et de déconnecter à l’avenir les
processus de renouvellement de la gestion déléguée.
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52
COUR DES COMPTES
Le marché entré en vigueur le 1
er
janvier 2010 est marqué par une
nouvelle répartition des établissements, principalement de GEPSA vers
SIGES, cette dernière entreprise étant attributaire notamment des
établissements de la région parisienne et du sud-ouest.
27
Il consacre un nouveau cadre contractuel qui devrait améliorer les
conditions du contrôle par l’administration des prestations exécutées par
les délégataires avec la généralisation des pénalités à l’ensemble des
fonctions déléguées et la mise en place d’un système informatique
complet
permettant
le
suivi
des
prestations
et
consultable
par
l’administration au moyen d’une interface dédiée.
II
-
La gestion publique sous l’influence de l’essor
de la gestion mixte
A - Le développement de l’externalisation de certaines
prestations
Alors que le recours à des prestations externalisées était jusqu’ici
restreint et se limitait davantage à une forme de sous-traitance (par
exemple, la location de téléviseurs auprès de sociétés privées spécialisées,
le recours à des concessionnaires pour alimenter le travail pénitentiaire,
etc.), le développement de la gestion déléguée a élargi les possibilités
d’externaliser d’autres fonctions. Tel est le cas de la fonction restauration,
sujet sensible en raison du relèvement des exigences en matière sanitaire
qui requiert une plus forte professionnalisation.
Ainsi, dans le cadre de l’ouverture du CP de Lille-Sequedin, dont
la gestion est déléguée à SIGES, et du regroupement organique, autour de
cet établissement, des deux prisons de Loos (centre de détention et
maison d’arrêt) qui demeurent en gestion publique, il a été décidé
d’étendre la prestation de restauration fournie au CD de Loos ; les repas
sont préparés par SIGES à la cuisine centrale du CP de Lille-Sequedin.
Ce type de procédure s’applique également dans les établissements
pénitentiaires dépourvus de locaux adaptés à la préparation des repas
27) La consultation, lancée en janvier 2009, a effectivement abouti à l’arrivée en tête
de SIGES pour chacun des lots. Toutefois, en application du règlement de la
consultation, qui prévoit que
le nombre maximum de lots susceptibles d’être attribués
à un même candidat est limité à 5, et en application du critère de l’écart avec l’offre
arrivée en seconde position, IDEX s’est vu attribuer les lots n° 7 et 8, qui
correspondent à sa zone géographique actuelle, et GEPSA le lot n° 2, comportant
deux établissements dont il assurait la gestion déléguée.
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53
(centre de semi-liberté de Corbeil-Essonnes, centre pour peines
aménagées de Villejuif, centre pour peines aménagées de Metz, etc.).
L’administration pénitentiaire envisage d’étendre cette pratique à d’autres
établissements
28
.
Elle projette par ailleurs d’uniformiser l’approvisionnement des
denrées alimentaires au niveau national, en se rapprochant de l’économat
des armées ou en passant des marchés dédiés à ses besoins.
B - Un budget de plus en plus rigide
Le coût pour l’administration pénitentiaire de la gestion déléguée a
progressé de 13 % de 2006 à 2008, pour un nombre de journées facturées
en progression de 21 % (y compris en EPM pour l’exercice 2008). Cette
tendance à la hausse s’est accélérée en 2009 (+36%).
La montée en puissance des loyers versés à des prestataires privés
s’est traduite ces dernières années par une proportion croissante dans les
crédits de fonctionnement du programme 107, de l’ordre de 30% des
crédits consommés à ce titre entre 2006 et 2008, qui s’est accrue en 2009
(
cf.
tableau n°13).
Tableau 13 : Evolution du poids des loyers versés aux prestataires
privés entre 2006 et 2009 dans les crédits de fonctionnement du
programme 107 (en crédits de paiement)
En millions d’euros
2006
2007
2008
2009
Evolution
2009 / 2006
Evolution
2009/2008
Total des loyers versés aux
prestataires privés
139,7
145
158
215,6
54 %
36 %
Total des crédits de
fonctionnement
471,1
455,2
506,4
590,6
25 %
17 %
Part des loyers dans les
crédits de fonctionnement
29,5%
31,9%
31,2 %
36,5 %
24 %
17 %
Crédits de fonctionnement
hors loyers
331,4
310,2
348,4
374,9
13 %
8 %
Source : DAP (réponse à la question n°98 de MM. Couanau et Huygues lors de la
préparation du PLF 2010) – retraitement Cour des comptes à partir d’INDIA LOLF,
restitution CBC 004
28) A ce jour, la majeure partie des établissements pénitentiaires (85% d’entre eux)
continue toutefois de fournir les denrées alimentaires aux détenus.
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Le coût des loyers représente une charge exigible qui ne peut être
diminuée par une mesure budgétaire. Le budget de l’administration
pénitentiaire devient donc plus rigide. En particulier, la réserve de
précaution pèse seulement sur les fonctions qui ne peuvent pas être
déléguées pour les établissements en gestion publique intégrale.
La rigidité est d’ailleurs renforcée par l’augmentation des dépenses
de santé
29
sur la période, qui sont venues réduire les marges disponibles
pour l’entretien des établissements en gestion publique.
Ces dépenses sont effectivement en constante augmentation depuis
2001 (110,7 M€ exécutés en 2009 contre 68,7 M€ en 2001 -
cf.
tableau
n°14) L’administration explique cette évolution par trois facteurs :
l’augmentation importante de la population pénale, l’élévation du plafond
de la sécurité sociale utilisé pour le calcul des cotisations et l’amélioration
de la prise en charge médicale des détenus.
29) Depuis la loi n°94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la
protection sociale, le ministère de la justice s’acquitte de trois types de dépenses
relatives à la santé des détenus. L’administration centrale verse une cotisation
forfaitaire pour chaque détenu à l’agence centrale des organismes de sécurité sociale
(ACOSS), en contrepartie de son obligation d’affilier les détenus aux assurances
maladie et maternité ; cette cotisation est déterminée sur la base d’une assiette
forfaitaire (26,8% du plafond de la sécurité sociale en vigueur au 1
er
janvier de l’année
n-1). Les DISP gèrent, quant à elles, à leur niveau, le financement du ticket
modérateur et du forfait journalier pour l’ensemble des soins prodigués aux détenus,
ainsi que celui des actions de prévention pour la santé, menées en partenariat avec le
ministère chargé des affaires sociales.
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Tableau 14 : Evolution des dépenses de santé prises en charge par l’administration pénitentiaire depuis 2006
En millions d’euros
LFI
2006
Exécution
2006
LFI
2007
Exécution
2007
LFI
2008
Exécution
2008
LFI
2009
Exécution
2009
Dépenses gérées par
l’administration centrale :
cotisation ACOSS
67,9
67,9
70,2
70,2
67,98
67,39
67,15
87,5
Dépenses gérées par les DISP :
ticket modérateur, forfait
hospitalier, actions de
prévention
22,7
30,7
21,5
23,5
22,62
22,4
23,45
29,3
TOTAL
90,6
98,6
91,7
93,7
90,6
89,79
90,6
110,7
Charges à payer au 31/12 de
chaque exercice
6
10,9
16,2
17,4
Source : DAP
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En juillet 2008, un audit du contrôleur budgétaire et comptable
ministériel (CBCM) a permis de mieux cerner les difficultés budgétaires
liées à ces dépenses de santé. Les dépenses d’administration centrale
apparaissent manifestement sous-budgétisées, d’autant que pèse sur elles
la réserve de précaution (d’où une impasse en gestion budgétaire 2008 de
16,2 M€). Les dépenses de santé en service déconcentré souffrent quant à
elles de prévisions trop approximatives, du fait notamment de la
méconnaissance des situations d’exonération
30
, et de contrôles difficiles à
mettre en oeuvre, en raison de la disparité des modalités de facturation
retenues par les établissements de santé et bien souvent de leur délai de
transmission aux services pénitentiaires.
Il en résulte un accroissement de l’écart entre la budgétisation
initiale et l’exécution, d’où l’accumulation préoccupante de reports de
charges au niveau national qui sont passées de 6 M€ fin 2006 à 17,4 M€
fin 2009, sans qu’aucune marge de gestion n’apparaisse ailleurs dans les
crédits de fonctionnement. Il importe de mieux budgéter à l’avenir les
dépenses de santé des détenus.
Loin d’être un épiphénomène, le cas des dépenses de santé met en
évidence la forte rigidité du budget de fonctionnement de l’administration
pénitentiaire. Le constat de la Cour en 2006 sur le risque d’insuffisance
budgétaire que fait porter la gestion déléguée sur la gestion publique reste
donc d’actualité en 2010.
III
-
La comparaison de la performance des deux
systèmes reste incertaine
A - La comparaison des coûts par jour de détention
demeure insuffisamment fiable
Le coût des établissements par journée de détention est le principal
indicateur renseigné par l’administration pénitentiaire pour comparer les
établissements selon leur mode de gestion.
30) «
En cas d’affection de longue durée reconnue et déclarée, l’administration
pénitentiaire est exonérée de ticket modérateur et de forfait hospitalier. Cependant, le
bénéfice de cette exonération est souvent méconnu des établissements en raison du
secret médical observé par le corps médical
».
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Les coûts par journée de détention (JDD) : méthodologie
La méthodologie utilisée pour bâtir cet indicateur est relativement
fruste. Pour chacun des établissements, on établit le total des dépenses de
fonctionnement, des dépenses de personnel et des redevances de gestion
déléguée pour l’établissement.
La somme totale est ensuite divisée par le nombre de journées de
détention (donnée fournie par le service d’audit interne des DISP), auquel est
ajouté un coût forfaitaire identique pour tous les établissements représentant
les dépenses ACOSS par jour de détention. Ce coût forfaitaire s’est élevé à
3,41 euros par JDD en 2007 et 2,76 euros par JDD en 2008 ; il résulte du
rapport entre le montant global des versements à l’ACOSS et le nombre de
JDD.
Il s’agit donc d’un coût de fonctionnement au sens large (y compris
dépenses de personnel), qui ne prend pas en compte les coûts immobiliers ni
les dépenses qui sont mandatées directement par l’UO de la DISP au profit de
certains établissements.
Depuis 2008, l’exercice intègre le coût des établissements pour
mineurs (traités cependant distinctement pour ne pas biaiser les moyennes par
DISP) et est circonscrite aux JDD hébergés afin de se rapprocher davantage
de la réalité du coût du détenu. Les coûts relatifs à 2007 ont été recalculés sur
cette base afin de faciliter les comparaisons.
L’analyse du recueil des coûts de JDD pour 2007 et 2008 montre
que deux grandes tendances se dégagent de la comparaison de ces deux
exercices : elle fait apparaître des économies d’échelle induites par la
taille des établissements mais aussi un avantage relatif de la gestion
déléguée (
cf.
tableau n°15).
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Tableau 15 : Comparaison des coûts de JDD en gestion publique et
en gestion déléguée en 2007 et 2008
(données hors EPM)
En euros
Gestion déléguée
Gestion publique
Moyenne
Type
2007
2008
Evol.
2007
2008
Evol.
2007
2008
Evol.
Centre de
détention
71,73
72,72
1,38%
85,70
84,30
-
1,63%
78,78
77,75
-
1,31%
Centre
pénitentiaire
68,51
71,45
4,29%
77,30
78,77
1,90%
74,22
76,00
2,40%
Maison
d’arrêt
62,12
62,08
- 0,06%
63,35
65,35
3,16%
63,08
64,74
2,63%
Maison
centrale
-
-
-
133,03
141,37
6,27%
133,03
141,37
6,27%
CSL
-
-
-
43,77
47,81
9,23%
43,77
47,81
9,23%
CPA
-
-
-
49,33
53,72
8,90%
49,33
53,72
8,90%
Moyenne
66,64
68,69
3,08%
70,45
72,11
2,36%
69,37
71,10
2,49%
Source : DAP, bureau SD5, « Recueil des coûts de JDD 2007 » et « Recueil
des coûts de JDD 2008 »
Il faut cependant noter des disparités importantes d’une DISP à
l’autre et d’un établissement à l’autre, sous l’effet des taux d’occupation
constatés (la surpopulation générant une diminution du coût de JDD) et
de coûts de personnel très variables entre deux établissements
comparables.
Comme la Cour l’avait déjà relevé dans son rapport public de
2006, plusieurs facteurs affaiblissent la fiabilité du coût de JDD et
altèrent ce faisant sa pertinence en tant qu’outil de comparaison des deux
modes de gestion des établissements pénitentiaire.
En premier lieu, se pose la question des coûts afférents à un
établissement pris en charge directement par sa DISP de rattachement.
Or, comme on l’a vu, cette prise en charge peut varier dans des
proportions plus ou moins fortes d’une DISP à l’autre, ce qui fausse la
comparaison des JDD.
En second lieu, si l’absence de prise en compte des dépenses
d’investissement peut s’expliquer par le souci légitime de ne pas créer de
distorsion entre établissements en fonction de leur vétusté relative et des
travaux qui y sont réalisés, l’indicateur comprend néanmoins des
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dépenses de fonctionnement, parmi lesquelles figurent des coûts de
maintenance,
plus
élevés
pour
des
établissements
vétustes.
L’administration pénitentiaire étudie les modalités de valorisation des
dépenses d’investissement dans le calcul du coût de JDD pour 2009.
L’indicateur sur le coût de la journée de détention reste donc un
outil biaisé pour comparer les deux modes de gestion publique et mixte.
B - La mission confiée à l’inspection générale des
finances
La comparaison effectuée par l’inspection générale des finances
(IGF) entre les modes de gestion rejoint en grande partie les observations
proposées dans le cadre du présent rapport, mais n’aboutit pas à une
conclusion convaincante.
Consciente des faiblesses des outils actuellement disponibles pour
comparer
les
établissements
pénitentiaires,
mais
également
les
prestataires entre eux, l’IGF a préconisé le développement d’une grille de
comptabilité analytique commune à la gestion publique et à la gestion
déléguée. Elle invite notamment à une convergence des comptabilités
analytiques du prestataire et de l’administration, qui isolerait la TVA pour
effectuer des comparaisons sur des bases homogènes.
Au-delà de ces recommandations sur la comptabilité analytique, le
rapport de l’IGF ne parvient pas à dresser un constat réellement fiable de
la comparaison des deux parcs.
Ainsi, les parcs immobiliers confiés aux deux modes de gestion
sont encore trop disparates et induisent nécessairement des coûts plus
lourds pour la gestion publique. Par ailleurs, si le coût de la gestion
déléguée inclut les frais de structure, notamment les frais de siège, alors
que le coût de la gestion publique ne les fait pas apparaître, le coût pour
l’administration, surtout dans une phase d’apprentissage et donc de
montée en puissance, de la supervision et du contrôle de la gestion
déléguée devrait être inclus dans celui de la gestion privée. De surcroît,
certaines prestations, qui devaient initialement être réalisées de manière
autonome,
ont
finalement
nécessité
le
maintien
de
personnels
pénitentiaires en gestion déléguée. Enfin, la performance comparée des
deux modes de gestion devrait également prendre en compte l’efficacité
relative de certaines des fonctions (travail et formation professionnelle
notamment).
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Au total, le constat porté en 2006 par la Cour sur l’absence d’étude
ou d’outil pertinent de comparaison entre les modes de gestion reste
d’actualité. La tentative proposée dans le rapport public de 2006 de
comparer les coûts à partir d’établissements comparables n’a pas été
reprise et approfondie par la DAP. Il faut donc constater que l’orientation
retenue en faveur du mode de gestion déléguée a été décidée en l’absence
d’une évaluation solide et éprouvée sur le plan méthodologique.
L’administration pénitentiaire devrait reprendre ce travail ou
définir une autre méthode, par exemple en retenant une approche plus
globale, associant à la fois des indicateurs de coût et des indicateurs de
qualité de service, à l’occasion de la livraison des nouveaux
établissements, en contrat de partenariat et en AOT-LOA.
En raison même des options retenues qui joueront pour les
prochaines décennies, il reste en effet nécessaire de comparer les deux
modes de gestion.
__________________
RECOMMANDATIONS
_________________
-
Professionnaliser les agents en charge de l’audit des fonctions
externalisées;
-
Augmenter la fréquence des audits des prestations de gestion
déléguée, en particulier dans les établissements rencontrant
des difficultés et sur les fonctions les plus sensibles
(restauration, maintenance, cantines, travail et formation
professionnelle) ;
-
Elaborer une méthode fiable de comparaison entre la gestion
déléguée et la gestion publique, en intégrant des indicateurs de
coûts mais également de qualité de service.
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Troisième partie :
Les conditions de vie en détention
Les conditions de vie en détention sont devenues un enjeu
récurrent du débat public. Elles constituent un élément essentiel non
seulement de la sécurité de la détention, pour les détenus comme pour
leurs surveillants ou accompagnateurs, mais aussi de la prévention d’une
désocialisation néfaste dans la lutte contre la récidive.
Pour nourrir le débat, et à défaut d’outils de diagnostic mis en
place par l’administration pénitentiaire, une consultation inédite a été
conduite en juin 2006 dans le cadre « d’états généraux de la condition
pénitentiaire » organisés par un collectif d’associations avec l’aval du
ministère, auprès de l’ensemble des détenus sur les conditions de vie en
détention
31
. Les résultats de cette étude portent principalement sur deux
axes : la dignité des détenus
32
et le respect de leurs droits.
Au-delà des résultats de cette consultation sur les conditions de vie
en détention, les règles pénitentiaires européennes, auxquelles se réfère
aujourd’hui l’administration pénitentiaire, affirment le principe général
selon lequel « toutes les prisons doivent faire l’objet d’une inspection
gouvernementale régulière ainsi que du contrôle d’une autorité
indépendante » (RPE n°9). Plusieurs intervenants répondent précisément
à cet objectif : les membres du Parlement, le Contrôleur général des lieux
de privation de liberté, institué par la loi du 30 octobre 2007 et les
31) 61 725 questionnaires ont été envoyés à l’ensemble des établissements
pénitentiaires entre le 1
er
et le 7 juin 2006. L’administration pénitentiaire a mis les
questionnaires à la disposition des personnes détenues. Dans 115 établissements, 137
délégués du Médiateur de la République ont pu procéder à la distribution en mains
propres de 45 300 questionnaires. Une fois remplis, les questionnaires ont été envoyés
sous plis fermés au Médiateur de la République. 15 530 questionnaires (soit un taux
de retour de 25%) ont été reçus entre le 12 juin et le 30 septembre 2006. 5 000
questionnaires parmi les 15 530 reçus ont été exploités. Ils ont été sélectionnés de
manière à garantir la représentativité de cet échantillon par rapport à l’ensemble des
questionnaires reçus.
32) Le juge administratif s’est d’ailleurs fondé récemment sur le constat d’extrême
vétusté de certaines maisons d’arrêt pour condamner, pour la première fois, l’Etat à
verser 3 000 € de dommages et intérêts à un détenu en raison de conditions de
détention contraires à la dignité humaine. (Arrêt du TA de Rouen du 27 mars 2008
confirmé par la CAA de Douai le 24 juin 2008)
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COUR DES COMPTES
délégués du Médiateur de la République, qui sont présents dans la plupart
des lieux de détention, sur la base d’une convention signée le 25 janvier
2007 entre le Garde des Sceaux et le Médiateur de la République. En
outre, la loi pénitentiaire crée un nouvel organe de contrôle des prisons
(article 5), le conseil d’évaluation, qui devrait remplacer au sein de
chaque établissement la commission de surveillance. Des commissions
départementales de suivi des politiques pénitentiaires, qui seraient
chargées d’évaluer le fonctionnement de tous les services pénitentiaires
du département (établissements et SPIP), devraient également être créées
par voie réglementaire.
Sans pouvoir traiter de toutes les questions relatives à la vie en
détention, notamment les relations des détenus avec leur famille, la Cour,
dans le prolongement de son rapport de 2006, a voulu faire le point sur des
domaines qui sont essentiels pour les détenus et leur réinsertion ultérieure :
le sanitaire, la cantine, les téléviseurs, le travail et la formation
professionnelle.
I
-
La santé, la salubrité et l’hygiène
A - Une organisation encore perfectible des soins dans
les établissements pénitentiaires
La prise en charge sanitaire de la population pénale est placée,
depuis 1994 (loi du 18 janvier et décret du 27 octobre), sous la
responsabilité du ministère de la santé. Son organisation est très
directement liée aux conditions de vie en détention, qu’il s’agisse de la
prise en charge des détenus atteints de troubles psychiques ou dépendants,
de la continuité de cette prise en charge la nuit et le week end, ainsi que
de la problématique des escortes médicales.
1 -
La prise en charge sanitaire de la population pénale
Deux facteurs préoccupants pèsent actuellement sur les conditions
de prise en charge sanitaire de la population pénale : l’augmentation du
nombre des personnes atteintes de troubles psychiques et la prise en
charge des personnes dépendantes.
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LES CONDITIONS DE VIE EN DETENTION
63
La prise en charge psychiatrique en détention
Le service public hospitalier s’appuie en détention sur deux types de
services, rattachés pour leur fonctionnement à des centres hospitaliers : les
unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) et les services
médico-psychologiques
régionaux
(SMPR),
qui
sont
des
secteurs
psychiatriques à part entière.
La prise en charge des détenus atteints de troubles psychiatriques
s’organise de la manière suivante :
En ambulatoire, les actions de prévention et les soins psychiatriques
courants sont assurés par des médecins psychiatres présents au sein des
UCSA, soit par l’un des 26 SMPR quand les établissements pénitentiaires en
sont dotés. En revanche, les soins plus spécialisés – de type hospitalisation de
jour ou centre d’accueil thérapeutique à temps partiel – sont assurés
uniquement dans les SMPR.
Leurs
modalités
d’hospitalisation
dépendent
en
revanche
des
conditions de consentement (ou non) des détenus. Si le détenu consent à
l’hospitalisation, celle-ci est assurée au sein des SMPR. En revanche, les
hospitalisations sans consentement, sous le régime de l’article D. 398 du code
de procédure pénale, sont effectuées dans les services des établissements de
santé sans garde statique (hospitalisations d’office - HO) ; ces dernières ont
connu une augmentation de + 54% entre 2005 et 2008 (199 HO prononcées
en 2008 contre 129 en 2005).
D’après une étude épidémiologique de l’INSERM, publiée en
2006, l’état de santé psychiatrique des détenus à leur entrée en prison était
très préoccupant : 35% des détenus interrogés dans ce cadre étaient
considérés à l’époque comme manifestement ou gravement malades. On
peut regretter à ce titre que l’actualisation de ces données ne soit pas
envisagée
33
. A ce constat préoccupant sur l’état de santé des détenus au
moment de leur incarcération, s’ajoute par ailleurs la dégradation que
«
l’incarcération elle-même génère [sur les détenus les plus vulnérables]
(isolement affectif, promiscuité, inactivité…) »
.
34
Dans ce contexte, le système de soins, qui s’appuie principalement
sur les SMPR, est, à l’image de la psychiatrie publique, soumis à forte
tension, comme le souligne le contrôleur général des lieux de privation de
liberté. Il en résulte un phénomène de file d’attente avant l’admission
dans ces services, dont les cadres de santé des établissements se sont
33) Pour des raisons de coût, mais des méthodes de sondage plus légères pourraient
être envisagées.
34) Rapport d’information n°1811 présenté par M. Etienne BLANC sur La prise en
charge sanitaire, psychologique et psychiatrique des personnes placées sous main de
justice
, Commission des lois de l’Assemblée nationale, 8 juillet 2009, p. 21
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64
COUR DES COMPTES
souvent fait l’écho. Les statistiques relayées par les derniers rapports
parlementaires en la matière, et qui sont malheureusement elles aussi
datées, montrent en tout état de cause que la «
probabilité pour un détenu
de recourir aux soins de santé mentale varie fortement selon
l’établissement d’incarcération. Ainsi, le recours aux soins de santé
mentale est trois fois supérieur dans les établissements pénitentiaires
dotés d’un SMPR. »
35
Dans ce contexte déjà ancien d’inadéquation entre l’offre
(notamment en matière d’hospitalisation) et une demande croissante de
soins, la loi d’orientation et de programmation pour la justice avait prévu
en 2002 de recentrer l’activité des SMPR sur la prise en charge
psychiatrique en ambulatoire et de créer des unités hospitalières
spécialement
aménagées
(UHSA),
afin
de
prendre
en
charge
l’hospitalisation de l’ensemble des
détenus atteints de troubles psychiques
(avec ou sans leur consentement). L’objectif fixé à l’époque par la loi
consistait à créer 705 lits d’hospitalisation, répartis dans 17 UHSA.
L’application de ces dispositions a été excessivement lente ; la première
de ces structures n’étant entrée en service qu’en mai 2010 (60 places à
Lyon).
Par ailleurs, la problématique de la prise en charge des personnes
dépendantes en détention tend à prendre de l’importance, sous l’effet
conjugué de l’allongement des peines prononcées et de l’allongement des
délais de prescription en matière d’infractions sexuelles commises contre
les mineurs.
Si le nombre de condamnés concernés par ce phénomène reste
encore circonscrit (de l’ordre d’une centaine de personnes au niveau
national d’après le chef de l’établissement pénitentiaire de santé national
de Fresnes), la proportion de détenus « vieillissants » ne cesse de croître
et pourrait peser à moyen terme sur le fonctionnement de l’univers
carcéral. Le nombre de détenus de plus de 60 ans a plus que doublé entre
le 1
er
janvier 1997 et le 1
er
janvier 2009 ; il est passé de 1 104 personnes
(soit 2% de la population détenue à l’époque) à 2 465 personnes (soit
3,7% de la population actuellement incarcérée).
Or, dans la majorité des cas, l’environnement pénitentiaire n’est
pas adapté à l’accueil de personnes en situation de dépendance. Le
constat a pu en être fait à l’occasion de plusieurs visites, notamment à la
maison d’arrêt de Fresnes ou des Baumettes où quelques cellules ont dû
être aménagées de manière à accueillir des lits médicalisés et un système
sanitaire adapté, à proximité de locaux de l’UCSA. Dans les générations
plus récentes d’établissements pénitentiaires, l’accueil de personnes
35)
Idem
, p. 28
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65
handicapées a été souvent été prévu (
cf.
centre de détention d’Argentan),
mais pas toujours, alors qu’il mériterait d’être généralisé. On peut noter,
d’ores et déjà, qu’a été entreprise la réalisation de cellules dédiées à
l’hébergement de personnes dépendantes dans le cadre du programme de
réhabilitation des établissements pénitentiaires de Fresnes, Fleury-
Mérogis, Paris-La Santé, Marseille et Nantes. De plus, il est prévu
d’aménager une cellule par tranche de 150 cellules dans tous les
nouveaux établissements pénitentiaires.
Enfin, les surveillants ne sont pas formés à l’accompagnement de
ce type de profils. A cet égard, une réflexion est actuellement menée avec
le ministère de la santé et la direction générale de la cohésion sociale sur
l’éligibilité des personnes âgées et dépendantes en détention aux
prestations sociales de droit commun (allocation aux adultes handicapés,
allocation personnalisée d’autonomie, prestation de compensation du
handicap ; accès des auxiliaires de vie en détention). L’état de santé des
personnes
vieillissantes
ou
dépendantes
est
également
pris
en
considération dans les demandes d’aménagement de peine ou de
suspension de peine formulées par les détenus pour raison médicale.
*
Quatre ans après la publication du rapport de la Cour en 2006, la
problématique de la prise en charge sanitaire des détenus reste
entièrement d’actualité et méritera ultérieurement un contrôle spécifique.
L’administration devrait en premier lieu acquérir une connaissance
plus à jour de l’état de santé des détenus à différentes étapes de leur
séjour pénitentiaire.
La prise en charge des détenus atteints de troubles psychiatriques
reste par ailleurs défaillante. La Cour relève à cet égard la trop grande
lenteur de la mise en service des premières UHSA.
Enfin, les observations effectuées plaident pour une meilleure prise
en charge des personnes dépendantes et pour l’amélioration de
l’accompagnement des détenus en fin de vie.
2 -
La question des urgences médicales
Les modalités d’intervention médicale nocturne sont définies par
un guide méthodologique datant de 2004 et transcrit dans la circulaire
interministérielle n° 2005-27 du 10 janvier 2005. En pratique, le médecin
responsable de l’UCSA organise les modalités de recours à un médecin
en cas d'urgence, en dehors des heures de présence médicale à l'UCSA.
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COUR DES COMPTES
Dans la très grande majorité des cas, l'effectif médical de l'UCSA est
insuffisant pour assurer seul la permanence des soins : seuls des
établissements comme les MA de Fleury-Mérogis et de Fresnes, ou le CP
des Baumettes disposent d’une permanence médicale tous jours, y compris
le dimanche.
En pratique, le nombre d'interventions en dehors des heures de
présence médicale habituelle étant limité, l'instauration d'une garde médicale
spécifique ne se justifie pas. La réponse médicale aux appels provenant de
l'établissement pénitentiaire est par conséquent le plus souvent intégrée dans
le tableau des gardes et astreintes du centre hospitalier concerné. Or,
l’établissement hospitalier ne consacre généralement pas de moyens
particuliers, ni de circuit spécifique au traitement de l’urgence médicale
dans le monde carcéral. En pratique, les agents de l’administration
pénitentiaire confrontés à des situations d’urgence présumée contactent le
centre 15 qui décide de l’intervention médicale appropriée.
Dans certains cas, l’administration pénitentiaire admet qu’il peut être
fait appel, en substitution du système de garde hospitalière, aux médecins
libéraux de garde. Dans ce cas, la DAP indique qu’il « est indispensable
qu'une convention soit conclue entre l'établissement de santé et les médecins
du
système de garde libérale ». En réalité, ce type de conventionnement ne
semble pas systématiquement établi : ainsi la lecture des cahiers des
interventions de l’UCSA du centre de détention de Melun montre que les
interventions des médecins libéraux, bien que fréquentes, donnent lieu à des
honoraires très variables, avec une tendance marquée à une forte
augmentation ces dernières années. De surcroît, nombreux sont les
médecins libéraux qui refusent d’intervenir en prison, soit en raison de la
population pénale, soit en raison de la lourdeur des procédures pour leur
entrée dans les lieux de détention. Ces considérations ont ainsi conduit le
service « SOS médecins », intervenant à la maison d’arrêt de Nanterre, à
exiger une réévaluation des honoraires pour ses interventions dans
l’établissement.
Les carences relevées par la Cour en matière de permanence des
soins la nuit et le dimanche ne présentent pas
a priori
de caractère
alarmant du point de vue de la sécurité des détenus, la régulation par le
centre 15 ne semblant pas mise en défaut, pour les établissements
observés, pour les cas d’urgence vitale. Toutefois, elles posent la question
de l’arbitrage qu’effectuent certains établissements hospitaliers en matière
d’allocation des moyens en personnels soignants.
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3 -
L’amorce d’un progrès en matière d’escortes médicales
En 2006, la Cour avait fait état des difficultés du ministère de la
Justice et du ministère de l’Intérieur à trouver un terrain d’entente sur les
responsabilités respectives des forces de l’ordre et de l’administration
pénitentiaire en matière d’escortes médicales.
Si d’un point de vue juridique, la situation est restée inchangée
depuis 2006 (prise en charge des extractions associées à une consultation
médicale
par
l’administration
pénitentiaire,
sauf
circonstances
exceptionnelles, et des escortes en vue d’une hospitalisation par les forces
de l’ordre), l’administration pénitentiaire a toutefois accepté de reprendre,
à titre dérogatoire, des missions dévolues aux forces de police en matière
de transfèrements médicaux vers les unités hospitalières sécurisées
interrégionales (UHSI) de Toulouse et de Marseille depuis le 1
er
avril
2007. Par ailleurs, depuis le 1
er
mai 2009, les personnels affectés à
l’UHSI de Paris exercent également les missions d’escortes de détenus,
ainsi que les gardes statiques. Enfin, des discussions sont en cours, dans
le cadre de l’ouverture de l’UHSI de Rennes en 2011, concernant la
répartition des missions entre les forces de l’ordre et les fonctionnaires de
l’administration pénitentiaire.
Indépendamment de ces cas isolés, les services de police et de
gendarmerie
sont
encore
principalement
associés
aux
opérations
d’extraction et de garde des détenus hospitalisés. En effet, le nombre
d’extractions médicales prises en charge par l’administration pénitentiaire
s’avère encore limité (2 610 en 2 005, 2 750 en 2006 et 2 691 en 2007 sur
un total d’environ 55 000 extractions estimées chaque année).
En pratique, l’organisation de ces extractions médicales par
l’administration pénitentiaire s’avère délicate à mettre en oeuvre. En effet,
cette mission étant lourde en temps de surveillance, les escortes sont
souvent contingentées et constituent un objet récurrent de négociation
entre les médecins de l’UCSA et le chef d’établissement.
Le rapport d’information présenté par Etienne Blanc
36
en juillet
dernier sur la prise en charge sanitaire, psychologique et psychiatrique
des personnes placées sous main de justice dresse le même constat : il
indique que « les différents examens (scanner, IRM, etc.) sont reportés
faute d’escortes et de disponibilité des établissements hospitaliers. […]
Pour les personnels médicaux des UCSA, la limitation des extractions
constitue un frein majeur à tout développement de la qualité des soins et
les conduit à entrer dans une logique de sélection des extractions
36) Rapport précité, p. 47
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COUR DES COMPTES
contraires à la déontologie médicale. Face à cette limitation qui prend
parfois la forme de quotas journaliers ou hebdomadaires d’extractions
médicales, les médecins sont nécessairement conduits à opérer un tri entre
les consultations, actes de soins, ou hospitalisations plus ou moins
urgentes, ce qui ne peut être jugé comme satisfaisant. » Selon le
contrôleur général des lieux de privation de liberté, 8 à 20% des
extractions
annulées
découleraient
directement
de
l’impossibilité
d’organiser les escortes nécessaires.
*
La question des escortes devrait donc être reprise, à partir du bilan
des premières expériences et en concertation entre l’administration
pénitentiaire, les médecins des UCSA et les services de sécurité
publique
37
.
B - La salubrité et l’hygiène
Les projections de détritus par les détenus à l’extérieur de leurs
cellules constituent un mal endémique des établissements pénitentiaires
38
,
quels que soient le mode de gestion et le degré de vétusté immobilière.
Elles créent des amoncellements au bas des bâtiments de détention et
constituent de fait une menace réelle sur le plan de l’hygiène et de la
salubrité.
Face à de tels comportements, les chefs d’établissement affirment
souvent qu’ils font procéder à des nettoyages systématiques quotidiens
des abords des bâtiments de détention, mais cette périodicité ne paraît pas
assurée. La mise en oeuvre, parfois avancée, de sanctions disciplinaires
pour les détenus surpris lors de ces projections paraît dérisoire au regard
de la généralisation de ces projections et du fait que les détenus comme
les personnels de surveillance semblent s’être accoutumés à cet état de
fait.
37
) C’est d’ailleurs la démarche entreprise par le décret n° 2010-507 du 18 mai 2010
relatif aux modalités de garde, d'escorte et de transport des personnes détenues
hospitalisées en raison de troubles mentaux. Le transport des détenus vers les
nouvelles
unités
hospitalières
spécialement
aménagées
(UHSA)
incombe
à
l’administration pénitentiaire lorsque l’hospitalisation intervient avec le consentement
du détenu et à l’établissement de santé siège de l’unité lorsqu’elle intervient sans son
consentement.
38) Ces projections sont souvent beaucoup plus réduites dans les établissements pour
peine.
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Dans ces conditions, l’administration pénitentiaire a engagé une
action de pose systématique de dispositifs anti-projection –caillebotis en
métal – sur les fenêtres des cellules
39
.
Si la pose de caillebotis est de nature à résorber le volume des
projections, non sans susciter de fortes réserves de la part du contrôleur
général des libertés du fait la fermeture supplémentaire qu’elle opère, il
convient également de s’interroger sur les modalités d’évacuation des
détritus dans les cellules, notamment après la distribution des repas de
soir. Un ramassage des ordures par les détenus du service général ou la
mise en place des poubelles collectives sur chaque niveau d’hébergement
supposerait un personnel en nombre suffisant après 18 heures.
*
Les projections de détritus sont de nature à créer d’importants
désordres sur le plan de l’hygiène ; elles constituent également une
dégradation importante du cadre de vie en détention.
Sans entrer dans le débat sur la compatibilité des caillebotis avec le
respect de la dignité des détenus, il peut être observé que ces dispositifs,
pour peu qu’ils soient adaptés, contribuent significativement à la
réduction des projections, mais n’épargneront pas à l’administration
pénitentiaire la mise en oeuvre de moyens plus adaptés à la collecte des
déchets.
II
-
La cantine
Dans son rapport public de janvier 2006, la Cour avait mis en
évidence la nécessité d’une « remise en ordre » du système de la cantine.
En effet, les pratiques relevées dans les établissements visités étaient
extrêmement contrastées.
Plus de quatre ans après les constats opérés alors, il apparaît que
des
marges
substantielles
de
progrès
demeurent
et
que
les
recommandations de la Cour demeurent d’actualité.
39) Il s’agit aussi de limiter la pratique de communication entre cellules, dite du
« yoyotage », et les rackets auxquels elle peut donner lieu.
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COUR DES COMPTES
A - Evolution des pratiques observées
entre 2006 et 2009
1 -
La persistance d’écarts de prix injustifiables
En premier lieu, d’importantes disparités de prix entre les produits
cantinés dans les établissements pénitentiaires subsistent.
Au titre des produits retenus dans la comparaison « hors panier »
de décembre 2003, seul un type de produit était parfaitement normalisé, à
savoir le prix de la pâte à tartiner
Nutella
©
, qui constitue un aliment très
cantiné. Le tableau suivant (échantillon de prix relevés sur une période
d’une année – juillet 2008 /juillet 2009)
40
, montre que les disparités
demeurent, avec un écart de 73% entre les prix extrêmes.
40) L’imperfection méthodologique ayant consisté à relever cet échantillon de prix sur
une année peut être tempérée par le fait que, d’une part, les prix alimentaires ont
baissé de 1,1 % durant la même période (données INSEE), et d’autre part, que les
listes de prix des cantines, qui sont très hétérogènes d’un établissement à l’autre, font
apparaître des dates d’effet souvent antérieures à la date de visite de la Cour, ce qui
démontre une certaine stabilité des prix pour les principaux produits, notamment dans
les établissements en gestion déléguée. Ainsi, les tarifs SIGES relevés fin juillet 2008
avaient été mis à jour le 14 janvier 2008, soit une validité de plus de six mois. De
même, les tarifs de SOGERES (GD IDEX) relevés en mars 2009 à la MA d’Aix-
Luynes avaient été mis à jour à compter de septembre 2008, soit là encore une validité
de 6 mois.
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Tableau 16 : Prix du pot de
Nutella
(400 grammes)
Etablissements en gestion déléguée
Etablissements en gestion publique
GEPSA
MA de Nanterre
DISP de Paris
SIGES
CP de Lille-Sequedin
DISP de Lille
IDEX
MA d’Aix-Luynes
DISP de Marseille
CD de Melun
DISP de Paris
MC d’Ensisheim
DISP de Strasbourg
CP de Marseille
Les Baumettes
DISP de Marseille
Prix du pot
de
Nutella
3,00 €
2,46 €
2,29 € les 220 g
soit 4,16 € pour 400 g
2,98 €
2,40 €
2,63 €
Source : Cour des comptes - NB : Le prix moyen d’un pot de Nutella dans le commerce (achat en ligne) s’établit à 2,34 €
(Auchan.fr et Carrefour en ligne)
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COUR DES COMPTES
D’autres produits permettant d’étalonner des comparaisons de prix
entre les différents établissements visités ont été examinés.
Les produits qui figurent dans le tableau n°17, ne sont pas
disponibles dans tous les établissements. En effet, dans les établissements
en gestion déléguée, neufs et sans habitudes anciennes, la liste des
produits des cantines est le plus souvent beaucoup plus restreinte que
dans les établissements en gestion publique. Les délégataires retiennent
majoritairement des produits dits de « 1
er
prix » ou encore des marques de
distributeurs. Cette politique d’offre de produits en cantine permet
assurément d’afficher des prix faibles sur une sélection de produits, mais
elle rend aussi plus difficile toute comparaison réelle entre produits
identiques.
Les différences de prix constatées résultent à la fois des conditions
d’approvisionnement des produits des cantines (réduction des prix sous
l’effet des volumes, recours à des marchés alimentaires pour les
établissements en gestion publique, approvisionnement auprès de
grossistes ou encore des grandes surfaces) et du taux de marge pratiqué
par le « vendeur », délégataire ou administration pénitentiaire.
Sur ce second point, la dernière colonne du tableau établit un
calcul sommaire du taux de marge minimal pratiqué sur un produit par
celui qui le vend au prix le plus cher de l’échantillon. Ce calcul suppose,
d’une part, que le gestionnaire qui vend le produit au prix le plus cher a la
capacité de s’approvisionner au même prix que celui qui le vend au prix
le moins cher, d’autre part, que le vendeur qui vend le produit au prix le
moins cher, le plus souvent un établissement en gestion publique, ne le
vend pas à perte.
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Tableau 17 : Comparaisons de prix de produits identiques dans les établissements visités par les rapporteurs
En euros
Etablissements en gestion déléguée
Etablissements en gestion publique
GEPSA
MA de
Nanterre
GEPSA
CD
d'Argentan
SIGES CP
de Lille-
Sequedin
IDEX MA
d’Aix-
Luynes
CD
Melun
MC
Saint-
Maur
MA de
Fleury-
Mérogis
CP de Marseille
Les Baumettes
Ecart entre
le
prix maximum
et
le prix minimum
Marge minimale
présumée sur le prix
de vente réalisée
dans le cas de la
vente la plus chère
Bouteille de
Contrex 1,5 litre
0,91
0,65
0,6
0,65
0,68
52%
34%
Bouteille de Badoit
1 litre
0,87
0,85
1
0,72
39%
28%
Boîte 33 cl
Coca-Cola light
0,51
0,67
0,53
0,41
63%
39%
Ricoré Nestlé 100 g
1,91
1,95
1,81
2,35
1,85
30%
23%
Barre Mars à l'unité
0,44
0,5
0,45
0,56
0,57 (lot
de 3 à 1,71
€)
0,44
30%
23%
Thé Lipton Yellow
25 sachets
1,64
1,09
50%
34%
Rasoir Gillette
Mach 3
9,15
8,5
7,83
10,03
8,83
7,96
7,39
7,14
40%
29%
Lames Mach 3
Gillette x 4
9,15
8,5
9,29
9,42
8,77
8,98
7,38
8,1
28%
22%
Source : Cour des comptes
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COUR DES COMPTES
Les données de ce tableau, même si elles ne portent que sur un
nombre réduit de produits, peuvent être résumées de la manière suivante :
-
de manière quasi-systématique, et à la différence des produits
figurant dans le panier du détenu, le prix le plus faible a pu être
constaté dans un établissement en gestion publique, mais,
paradoxalement, pas nécessairement dans les établissements
générant les plus gros volumes d’achats (Fleury-Mérogis, Les
Baumettes) ;
-
le prix le plus élevé est le plus généralement recensé dans un
établissement en gestion déléguée, avec une concentration des prix
les plus chers dans l’établissement en gestion déléguée à IDEX, à
savoir la maison d’arrêt d’Aix-Luynes. Malheureusement, l’audit
de gestion déléguée de cet établissement, réalisé en décembre
2007, n’a pas porté sur la fonction cantine, ce qui aurait permis de
comprendre l’existence de marges
a priori
anormalement élevées ;
-
les écarts relevés mettent en exergue des marges minimales
potentielles systématiquement supérieures à 20 % et pouvant
atteindre 39 %.
Toutefois, ces comparaisons doivent être interprétées avec
prudence : elles ne signifient pas que la gestion publique offre
systématiquement les prix faibles, ni que la gestion déléguée dégage les
marges potentielles les plus importantes.
Même si l’on excepte les cas extrêmes, qui invitent à d’importantes
marges de progrès en matière d’approvisionnement, force est de constater
que, par rapport à la situation décrite dans le précédent rapport de la Cour,
les prix des cantines n’ont guère été harmonisés entre 2006 et 2009.
Cette harmonisation ne pourra résulter que de deux actions :
-
pour les établissements en gestion déléguée, de l’instauration de
nouvelles
contraintes
conventionnelles
dans
la
cadre
du
renouvellement des marchés de gestion déléguée, afin de prévenir,
à l’avenir, le maintien de forts niveaux de marge potentielle, qui
étaient jusqu’à présent mal contrôlés (
cf. infra
) ;
-
pour les établissements en gestion publique, d’une rationalisation et
d’un regroupement des achats, selon les dispositions du code des
marchés publics.
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2 -
Le maintien de pratiques d’approvisionnement et de
distribution hétérogènes
Dans certains établissements, de taille réduite, les achats
s’effectuent encore auprès des grandes surfaces de proximité, sans qu’une
mise en concurrence plus large soit organisée (ex : maison centrale de
Saint-Maur).
De même, certains établissements ne sont pas en mesure de
garantir, pour un délai donné, les prix des biens qui sont « cantinables » :
ainsi, les listes de prix du centre pénitentiaire de Metz font apparaître la
mention « les prix ci-dessous sont donnés à titre indicatif et sont
susceptibles d’être modifiés ». En effet, l’approvisionnement s’effectue là
encore principalement auprès des commerçants locaux, et non par le biais
de marchés globaux auprès de grossistes.
L’enquête sur le « panier du détenu » a livré à cet égard des
chiffres permettant de confirmer une corrélation inverse entre la taille
d’un établissement et les prix de sa cantine. Les établissements de plus de
100 détenus ont même réussi, sur la période 2001-2008, à contenir
l’évolution de leur prix à un niveau inférieur à celle de l’indice des prix à
la consommation (+ 10,1 % contre + 13,4 %).
Comme l’avait souligné la Cour en 2006, un groupement des
achats, à l’échelle de plusieurs établissements ou d’une DISP, constitue
une voie de progrès indéniable pour réduire les prix des cantines, et donc
les écarts entre établissements.
La
direction
de
l’administration
pénitentiaire
travaille
à
l’élaboration d’un catalogue unique et standardisé des produits de cantine,
dans le but de proposer aux détenus des établissements en gestion
publique
une
liste
d’environ
500
produits
de
base,
dont
l’approvisionnement serait assuré par un fournisseur unique au niveau
national. Ce dispositif pourrait être mis en oeuvre dans le courant de
l’année 2011.
3 -
La gestion des opérations de cantine implique toujours des
personnels de surveillance, y compris dans les établissements en
gestion déléguée
Le
traitement
de
opérations
de
cantine
(consultation
des
fournisseurs, passage des commandes, réception des marchandises, suivi
des stocks, traitement des commandes des détenus) mobilise toujours un
nombre non négligeable de personnels de surveillance (aucune évaluation
chiffrée n’a été faite). Dans un établissement en gestion publique, ce sont
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COUR DES COMPTES
souvent des personnels de surveillance, et non des personnels
administratifs, qui réalisent ces tâches.
De même, mais à une moindre échelle, dans les établissements en
gestion déléguée, la distribution des produits des cantines est réalisée par
des détenus affectés au service général, mais ces derniers – contrairement
aux conditions contractuelles d’origine – doivent être systématiquement
accompagnés d’un surveillant, pour éviter tout incident. Pour réduire cette
charge sur les effectifs de surveillance, des solutions alternatives à la
distribution en cellule ont été mises en place : c’est le cas notamment au
CD d’Argentan, établissement dans lequel les détenus circulent au moyen
de cartes nominatives et doivent venir retirer les produits qu’ils ont
commandés à un guichet de distribution aménagé en magasin.
B - Les actions conduites par l’administration
pénitentiaire pour contrôler les prix des cantines
1 -
Le suivi des prix des cantines dans les établissements en
gestion déléguée
Dans les établissements pénitentiaires en gestion déléguée, l’un des
principaux contrôles réalisés par l’agent préposé à cette fonction consiste
en des comparaisons de prix des produits cantinables avec les prix des
mêmes produits dans les grandes surfaces environnantes, afin de s’assurer
du respect des règles fixées par les marchés de gestion déléguée pour la
prestation « cantine », notamment
de la tenue d’une «
comptabilité
analytique par groupe de produits [dans un souci de] transparence sur la
formation des prix
» (article 18 du CCTP de la précédente génération de
contrats 2002 – 2009).
En fait, ces contrôles se limitent généralement, dans les
établissements visités, aux usages en pratique dans les établissements en
gestion publique, à savoir à de simples relevés de prix des commerces de
proximité (le plus souvent la grande surface la plus proche)
41
.
La bonne tenue de cette comptabilité et le respect des conditions
contractuelles de fixation des prix n’étaient pas contrôlés dans les
établissements en gestion déléguée visités. L’administration pénitentiaire
a d’ailleurs une parfaite connaissance de ces carences, comme en atteste
41) A cet égard, se pose la question de la signification des comparaisons avec les prix
de grandes surfaces, dont les marges sont fréquemment critiquées : une comparaison
avec les prix des grossistes alimentaires pourrait s’avérer plus judicieuse.
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LES CONDITIONS DE VIE EN DETENTION
77
les rapports des audits de gestion déléguée dans les établissements
pénitentiaires, lorsqu’ils traitent de la fonction « cantine ».
42
Sur ce point, la nouvelle génération de marchés de gestion
déléguée (en vigueur depuis le 1
er
janvier 2010 dans 46 établissements)
comporte des dispositions relatives aux prix des cantines qui apparaissent
a priori
d’un contrôle plus aisé (
cf.
point 12 – 5.1.5 du CCTP du marché
« MGD-04 »). La nouvelle règle limite ainsi le taux de marge à 10 %
maximum du prix d’achat pour chaque article. Elle instaure également,
sur le plan contractuel, la règle de la comparaison avec les prix de
l’hypermarché le plus proche, ce qui permet a priori de déjouer des
comportements non-coopératifs visant à s’approvisionner à des prix plus
élevés, pour maximiser la marge en montant absolu. Enfin, elle prévoit
que les prix sont également validés par le directeur interrégional, sur la
base de fichiers faisant apparaître les prix d’achat. Ce second niveau de
validation permettra ainsi, au niveau des UGD des DISP, d’effectuer des
contrôles de cohérence entre établissements relevant d’une même DISP.
Compte-tenu des avancées apportées par la dernière génération de
marchés de gestion déléguée, la DAP a récemment engagé des
discussions avec le gestionnaire délégué concerné par le précédent
marché (« MGD01 », notifié en 2008 et portant sur 10 établissements),
afin de l’aligner sur les prescriptions les plus récentes par un avenant au
marché à conclure en 2010.
2 -
L’enquête nationale sur le « panier du détenu »
Pour suivre l’évolution des prix, l’administration a construit un
indicateur fondé sur la composition d’un « panier du détenu ». Or, alors
même qu’une partie des 20 produits classés dans le « panier du détenu »
dans les années 90
43
sont aujourd’hui moins cantinés, voire ne sont plus
42)
cf.
le rapport établi pour la MA d’Osny (14 et 15 novembre 2007), qui indique
(p. 22) que le rapport mensuel d’activité fourni par GEPSA «
est largement
incomplet
» : «
les données économiques et financières n’apparaissent pas. Seuls deux
chiffres sont notés
», à savoir la valeur du panier du détenu et le pourcentage du
chiffre d’affaires « non-margeable », c’est-à-dire la part des produits sur lesquels le
délégataire ne peut imputer ses coûts de gestion.
De même, l’audit de gestion délégué
réalisé à la MA de Villeneuve-lès-Maguelone (juillet 2008) met en évidence
l’incapacité de l’administration à contrôler les marges réalisées par les délégataires :
«
le gérant a précisé lors de l’entretien l’application d’une marge qui fluctue de 10 à
18 % selon les produits
» ou encore «
le CUP
(NDR : chef d’unité privée)
a précisé
lors de l’entretien qu’il demandera à sa direction l’accord et le détail des prix
d’achat et des frais de gestion
».
43) car jugés particulièrement représentatifs à l’époque de la consommation des
détenus
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78
COUR DES COMPTES
disponibles à l’achat, la composition de « panier du détenu » est restée
immuable tout au long de la période. En 2009, la DAP a introduit un
panier dit « complémentaire » (composé de 11 produits choisis parmi les
50 les plus vendus) ; cette démarche pourrait toutefois ne pas être
reconduite en 2010, compte-tenu de la difficulté à trouver des produits
correspondant aux critères recherchés.
Indépendamment de ce constat, la comparaison des produits du
panier ne s’effectue pourtant jamais sur une base parfaitement homogène.
En effet, leur définition est loin d’être exhaustive et offre des possibilités
de substitution de produits.
Les résultats de cette enquête montrent, d’une part, qu’il existe un
écart de prix significatif entre les établissements en gestion déléguée et
les établissements en gestion publique
44
- les premiers offrant des prix
inférieurs de 30 % en moyenne, d’autre part, que les écarts de prix entre
exploitants en gestion déléguée sont relativement limités, notamment en
raison d’une importante convergence des prix après la première enquête
de février 2002 pour la génération des marchés s’achevant au 31
décembre 2009.
En fait, cet exercice, lourd à réaliser et discutable sous de multiples
aspects (en raison des conditions de calcul variables du panier dans
chaque établissement
45
), est désormais si prévisible pour les délégataires,
du fait de la fixité de l’échantillon, qu’il n’est pas significatif pour
examiner des niveaux respectifs de prix pratiqués entre établissements en
gestion publique et en gestion déléguée (
cf.
études du cabinet Ernst &
Young et de la MA de Nanterre). L’analyse du « panier complémentaire »
expérimenté en 2009 confirme ce constat. L’outil mériterait d’être revu.
44) La comparaison effectuée en 2009 entre les prix relevés dans les établissements
publics et les pris pratiqués par les grandes surfaces, qui permet de mesurer la
performance relative de chaque établissement par rapport à un étalon de référence,
tendrait à relativiser la performance intrinsèque de la fonction cantine dans les
établissements en gestion déléguée.
45) Recours à des prix produits « 1
er
prix » ou de marques distributeurs dans les
établissements en gestion déléguée et recours à des produits de marque dans les
établissements en gestion publique ; substitution de produits (margarine à la place du
beurre, etc.) ; revente des produits à prix coûtants en théorie en gestion déléguée et
revente avec une marge de 5% dans les établissements en gestion publique.
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79
C - L’externalisation de la gestion des cantines dans les
établissements en gestion publique
En mars 2008, une expérimentation de l’externalisation de la
fonction cantine a été lancée dans les établissements du parc en gestion
publique des DISP de Lille (16 établissements) et de Lyon (20
établissements).
Celle-ci a pris la forme d’une délégation de service public d’une
durée de 3 ans, dont l’objectif était d’une part, d’harmoniser les tarifs de
vente à l’échelle de la DISP, en proposant aux délégataires un niveau de
recettes
suffisant
pour
permettre
de
rationaliser
les
conditions
d’approvisionnement, et, d’autre part, de faire assurer la responsabilité de
la distribution en cellule au délégataire, permettant ainsi à l’administration
de redéployer les personnels affectés à la fonction cantine (gestion des
stocks et distribution des produits) sur des missions de surveillance.
A la différence des modalités existantes dans les marchés de gestion
déléguée, le délégataire ne reçoit dans ce cadre aucune rémunération de
l’administration pour l’organisation du service : il doit financer ses frais
fixes par la seule activité de vente de produits en cantine, ce qui implique –
dans des établissements en gestion publique – d’identifier le coût de la
distribution des articles, coût jusqu’à présent masqué et couvert par les
charges du personnel de surveillance et par les rémunérations du service
général.
En pratique, les expérimentations menées à Lille et Lyon ont produit
des résultats peu encourageants : la rotation trop élevée des équipes du
délégataire
sur les sites a conduit la DAP à suspendre rapidement la mise
en oeuvre de la délégation. A Lyon, le prestataire de la DISP a lui aussi été
confronté à des difficultés de recrutement de ses personnels sur site, ce qui
aboutissait à des livraisons incomplètes, des réclamations des détenus et le
maintien des personnels de surveillance pour assurer la distribution des
colis. A ces difficultés, se sont également ajoutés des problèmes de
disponibilité des produits jusqu’alors cantinés. Rapidement, la délégation
de service public de la DISP de Lyon a été résiliée, tandis que
l’expérimentation conduite à Lille ne devrait pas être reconduite.
*
Les observations formulées par la Cour lors du précédent contrôle
sur la gestion des cantines demeurent d’actualité s’agissant, d’une part, des
importantes différences de prix relevées d’un établissement à l’autre,
d’autre part, des modalités d’approvisionnement des établissements en
gestion publique, qui restent insuffisamment coordonnées.
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De plus, pour les établissements en gestion déléguée, les marges
pratiquées sur certains produits mettent en évidence les gains – non
chiffrés – réalisés par les délégataires sur l’activité de cantine. Jusqu’à
présent, l’administration n’a pas été en mesure d’effectuer un contrôle
suffisamment large et efficace pour prévenir des disparités de prix trop
importantes. A ce titre, il conviendrait sans doute que les audits de
gestion déléguée conduits par la « mission gestion déléguée » de la DAP
comprennent systématiquement un volet consacré à la gestion des
cantines et permettent ainsi de s’assurer du respect des engagements
contractuels par le délégataire.
Le
ministère
devrait,
avec
l’appui
de
l’INSEE,
modifier
radicalement la méthode actuellement utilisée pour suivre les prix de la
cantine avec le « panier du détenu », par exemple avec un panel de
produits non définis a priori et connu des gestionnaires.
La Cour relève cependant des éléments de progrès dans la gestion
des cantines :
-
dans les établissements en gestion publique, davantage de
marchés ont été passés pour les approvisionnements ;
-
la nouvelle génération des marchés de gestion déléguée définit
un cadre plus strict pour la prestation « cantines », devant à
terme faciliter le bon contrôle de son exécution.
Un bilan précis devra en être dressé.
III
-
La mise à disposition de téléviseurs aux
détenus
Le rapport public de 2006 a mis en évidence des conditions
contestables de mise à disposition des téléviseurs dans les établissements
pénitentiaires :
-
d’une part, cette mise à disposition, financée par des deniers
privés réglementés, s’effectue par le biais de l’association
socioculturelle
obligatoirement
créée
dans
chaque
établissement, les tarifs fixés permettant de dégager un
financement pour les autres activités de l’association, voire de
générer des excédents d’exploitation mis en réserve ;
-
d’autre part, ce système se caractérise par d’importantes
différences de traitement, parce que les tarifs sont très variables
d’un établissement à l’autre ;
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LES CONDITIONS DE VIE EN DETENTION
81
-
enfin, le système se caractérise par l’emploi, au sein d’un même
établissement, de la marge dégagée par l’association dans des
conditions opaques, pour mener d’autres actions notamment en
faveur des détenus qualifiés d’indigents.
La Cour avait donc recommandé, en premier lieu, de « préciser les
conditions juridiques de mise à disposition des téléviseurs au bénéfice des
détenus et d’organiser régulièrement des mises en concurrence pour les
prestations correspondantes ». Elle avait également invité l’administration
pénitentiaire à « établir des règles claires, transparentes et homogènes de
tarification pour la location des postes de télévision ».
A - Des conditions de mise à disposition toujours aussi
contestables
Selon une enquête conduite en 2007 et au 1
er
trimestre 2008 par la
DAP pour dresser un tableau général des conditions de mise à disposition
des téléviseurs, la part des téléviseurs gérés par les associations
socioculturelles atteint presque 65 % du parc global recensé par
l’administration pénitentiaire.
1 -
Des différences de prix de location et de pratiques
difficilement justifiables
Au-delà de la question de sa régularité en droit financier, la gestion
des téléviseurs par des organismes, dont l’objet social n’est pas la
fourniture de prestations à titre onéreux, est d’autant plus critiquable
qu’elle s’accompagne de différences de prix et de pratiques difficilement
justifiables d’un établissement à l’autre.
Selon l’étude de la DAP, les prix de location acquittés par les
détenus s’élèvent de 6 € par mois (Mont-de-Marsan) à 41 € par mois
(Epinal), soit un écart de un à sept. Les écarts sont souvent très importants
au sein d’une même DISP, y compris lorsque sont neutralisés les effets de
la redevance télévisuelle, dont les conditions d’exigibilité n’étaient pas
appliquées, jusqu’en 2008, de manière uniforme. Ainsi, dans la DISP de
Dijon, pour une offre supérieure à 6 chaînes et sans inclusion de la
redevance TV, les prix varient de 6,50 € à 33,60 €, soit un écart de 1 à 5.
De manière encore plus paradoxale, dans la DISP de Bordeaux, pour des
coûts n’intégrant pas la redevance, le prix minimal pour un bouquet de
plus de 6 chaînes est 2,5 fois plus réduit que le prix minimal relevé
ailleurs pour un bouquet de 6 chaînes et moins.
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A cet égard, lors de l’enquête de la DAP, sur 152 associations ou
établissements gestionnaires de téléviseurs (dont 96 associations), 90
payaient la redevance et 62 ne la payaient pas. Devant cette situation, une
demande d’exonération du paiement de la redevance à été adressée au
ministère chargé du budget pour l’ensemble des établissements
pénitentiaires. Suite à la saisine du Médiateur de la République en
septembre 2008, cette demande a pu aboutir. Les dispositions du code
général des impôts (art. 1605) restent cependant encore à modifier à cet
égard.
Au-delà de ces différences de prix, les modalités pratiques de
location de téléviseurs s’avèrent parfois, elles aussi, contestables. Ainsi,
lorsque plusieurs détenus partagent une même cellule, le prix du
téléviseur peut être acquitté, chaque mois, par l’un d’entre eux, les
codétenus partageant alternativement cette charge d’un mois sur l’autre.
Par ailleurs, dans une majorité d’établissements visités par la Cour, les
prestations de location du téléviseur et d’accès au réseau de
l’établissement (bouquet câble ou satellite) ne peuvent être dissociées, ce
qui ne permet pas aux détenus d’envisager l’achat d’un téléviseur via la
cantine. Cette facilité existe toutefois dans certains établissements, mais
elle reste manifestement très réduite (1% des téléviseurs dénombrés au
niveau national, soit 380 téléviseurs sur un total de 35 171). Pourtant, eu
égard aux tarifs de location, les détenus incarcérés pour plusieurs années
auraient sans doute avantage à acquérir ces postes.
A cet effet,
l'administration pénitentiaire a diffusé en août 2009 une note pour
permettre l'achat des téléviseurs dans les établissements pour longues
peines.
Au-delà des questions de régularité du dispositif, qu’elle se réserve
de réexaminer, la Cour invite donc le ministère à d’examiner de manière
approfondie, les modalités de mise à disposition des téléviseurs qui ont
pour effet, d’une part, de créer des distorsions financières entre codétenus
d’une même cellule et, d’autre part, de pénaliser les personnes incarcérées
pour de plus longues peines.
2 -
Des associations socioculturelles peu contrôlées
Prévues de manière paradoxale par l’article D. 442 du code de
procédure pénale puisqu’elles fonctionnent en droit sous le régime de la
loi du 1
er
juillet 1901 relative au contrat d’association, des associations,
doivent être constituées dans chaque établissement pénitentiaire en vue de
soutenir et de développer l'action socioculturelle et sportive au profit des
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LES CONDITIONS DE VIE EN DETENTION
83
détenus
46
. Pourtant, cette liberté théorique a été fortement encadrée par le
pouvoir réglementaire. Ainsi, non seulement le code apporte des
restrictions à la liberté d’association (membres de droit imposés – le
trésorier de l’association doit par exemple être un fonctionnaire), mais il
donne surtout la faculté à l’administration de contrôler ces associations
47
.
De l’avis général des divers interlocuteurs rencontrés, ce pouvoir de
contrôle est peu exercé.
L’administration pénitentiaire a lancé en 2007 un premier
recensement permettant de dresser un tableau d’ensemble de la situation
de ces associations, du périmètre des missions qu’elles exercent et des
moyens dont elles disposent.
Selon cette enquête la proportion d’établissements disposant d’une
association active variait de 70 % (DISP de Lille) à 100 % (DISP de
Lyon, Marseille et Strasbourg). 14% des établissements ayant répondu à
l’enquête (soit 22 établissements sur 160 réponses reçues) indiquent
également n’avoir pas ou plus d’association active sur leur site. 76 % des
associations proposent une activité sportive aux détenus, 71% une activité
de bibliothèque et 78 % d’entre elles déclarent avoir une autre activité
socio-éducative ou culturelle que ces activités de bibliothèque ou de
sport. 65 % des associations déclarent prendre en charge l’indigence. Une
très grande majorité des associations socioculturelles recensées fournit la
prestation de mise à disposition des téléviseurs. De même, 29 associations
fournissent une prestation de location de réfrigérateurs aux détenus.
Enfin, 5 associations ont déclaré avoir recours à des personnels
fonctionnaires pour remplir leurs missions.
L’enquête menée par la DAP a permis d’exploiter les comptes de
résultats de 94 associations (sur 138 déclarées comme actives). La
consolidation de ces 94 comptes de résultat fait apparaître un chiffre
d’affaires global de plus de 8,3 M€
48
, correspondant à une recette
46) Le décret n°98-109 du 8 décembre 1998 portant sur l’organisation et le
fonctionnement des établissements pénitentiaires a rendu leur création obligatoire ;
elles étaient facultatives auparavant.
47) L’association est «
agréée par le ministre de la justice si son statut est conforme à
un type établi par une instruction de service
» (article A. 42-1). « L
e contrôle du
fonctionnement de l'association et de sa gestion financière est assuré, soit sur pièces
par le ministre de la justice, soit sur place par ses représentants dûment habilités à
cet effet
» (article A. 42-2). Enfin «
chaque année, le président de l'association
adresse au ministre de la justice un compte rendu administratif technique et financier
comprenant notamment un état de la situation financière et des comptes de l'exercice
budgétaire écoulé
» (article A. 42-3).
48) La DAP évalue, en redressant ce chiffre pour toute la détention, à 10 M € le total
des sommes versées par les détenus aux associations.
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moyenne annuelle de 88 400 euros, composée à 70 % des produits des
activités courantes (dont la fourniture des téléviseurs) et à 21 % de
subventions, cotisations
49
et dons. Toutefois, la répartition des 94
associations ayant accepté de communiquer leurs comptes illustre la très
grande variabilité des ressources encaissées (
cf.
tableau n°18).
Tableau 18 : Répartition des associations socioculturelles par
strates de chiffres d’affaires annuels (exercice 2006)
Total des produits
Nombre d’associations
socioculturelles concernées
< à 5 000 €
6
entre 5 000 et 20 000 €
28
entre 20 000 et 50 000 €
22
entre 50 000 et 100 000 €
11
entre 100 000 et 200 000 €
21
> à 200 000 €
6
Source : DAP
La marge bénéficiaire est globalement de 5 %, mais les situations
sont contrastées : sur 94 associations, 44 sont déficitaires, tandis que 26
d’entre elles affichent une marge bénéficiaire supérieure ou égale à 10 %,
la marge pouvant atteindre 43 % à la MA de Lons-le-Saunier ou 39 % à la
MA de Montbéliard.
Par ailleurs, s’agissant de l’analyse des bilans, au-delà de certaines
pratiques, mal identifiées, telles que des sommes « prêtées » à des tiers ou
des avances de trésorerie, le bilan consolidé de 75 associations fait
apparaître, pour un total de 5,7 millions d’euros, 4,8 millions de liquidités
et quasi-liquidités à l’actif (soit 84 %) : globalement, la trésorerie des
associations socioculturelles leur permet de fonctionner pendant de
nombreux mois sans encaisser de recettes.
Enfin, l’enquête de la DAP met en exergue des pratiques, qu’il
convient de prohiber. Certaines associations socioculturelles sont utilisées
comme une caisse annexe du budget de l’établissement : achat de matériel
49) Les subventions de l’administration pénitentiaire représentent un total d’environs
260 000 € et celles des autres organismes (tels que des collectivités territoriales) près
de 1,5 M€. Les cotisations versées par les détenus correspondent à l’inscription à une
activité ou constituent la contrepartie de la fourniture d’un téléviseur ou d’un
réfrigérateur.
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LES CONDITIONS DE VIE EN DETENTION
85
destiné à l’enseignement, recrutement d’anciens agents de justice dont le
contrat n’a pas été renouvelé par l’administration.
A titre d’illustration, l
’
Association de soutien et de développement
de l’action socioculturelle, sportive et éducative des maisons d’arrêt de
Fleury-Mérogis » (ASSODAS) a tiré en 2008 plus de 96% de ses produits
d’activités courantes (hors subventions, dons et autres produits
exceptionnels) de la location des téléviseurs. Elle a dégagé une marge
bénéficiaire de 64% grâce à cette activité. Ainsi, un détenu incarcéré
pendant une année aurait non seulement payé le coût de la location de son
téléviseur, de la maintenance de l’antenne et de l’accès aux chaînes de
télévision, mais également le prix d’un téléviseur neuf qu’il aurait pu
acquérir
50
.
Les comptes de l’association du centre de détention d’Argentan,
qui loue des téléviseurs et de réfrigérateurs aux détenus, font eux aussi
apparaître une marge de l’ordre de 35% pour l’exercice 2008. Cette
marge importante semble toutefois avoir été entièrement utilisée pour
l’organisation
d’activités
socioculturelles
(spectacles,
bibliothèque,
journaux, achats de matériels de sport) et la rémunération des intervenants
(peinture, musique et vidéo) ainsi que d’une « coordinatrice sociale ».
*
La Cour maintient donc les constats formulés lors de son précédent
contrôle s’agissant des établissements dans lesquels la mise à disposition
des téléviseurs est gérée par l’association socioculturelle.
Le cas de
l’ASSODAS de Fleury-Mérogis est notamment révélateur des tarifs
prohibitifs pratiqués vis-à-vis des détenus, qui contribuent ainsi, d’une
part, à une mutualisation d’ampleur destinée au financement des autres
activités de l’association, d’autre part, à la constitution par l’association
de réserves financières qui ne sont pas réinvesties pour améliorer
l’ordinaire de la vie carcérale.
50) La marge commerciale de l’ASSODAS s’est établi à 477 299 €, soit, rapportée
aux 1 800 postes de télévision recensés sur le site de la MA, 265 € par an et par poste,
ce qui correspond au prix d’acquisition d’un téléviseur LCD de 48 à 55 cm de
diagonale des marques Thomson, Brandt, Telefunken et LG sur les sites internet de la
Fnac et de Darty en décembre 2009.
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COUR DES COMPTES
B - Des perspectives d’évolution devraient résorber ces
écarts
L’administration pénitentiaire a engagé de premiers efforts, d’une
part, pour résorber les différences de prix injustifiables qu’elle a pu
observer entre les établissements, d’autre part, pour régulariser la
situation des associations.
Deux DISP se sont engagées dans l’expérimentation d’une gestion
interrégionale de la fourniture des téléviseurs
: les DISP de Lyon et de
Lille. En pratique, les marchés conclus dans ce cadre ont consisté à
fournir cette prestation aux détenus par l’intermédiaire de la cantine
contre le paiement d’un forfait (retranscrit au compte de commerce 912).
Un premier bilan de ces marchés dressé par l’administration montre qu’ils
ont permis d’aboutir à une réduction des coûts de location, à la mise à
disposition d’un parc de téléviseurs uniforme et en bon état, et à la mise
en conformité juridique du fonctionnement des associations.
Cependant, s’agissant du marché de Lyon, la diminution du coût
du marché associée à l’exonération de la redevance audiovisuelle n’a pas
été totalement reportée sur la baisse de ces tarifs, mais a servi à dégager
un excédent sur le compte de commerce (de 108 825 €) afin que
l’administration puisse prendre en charge la prestation TV au bénéfice
des
mineurs
et
des
indigents
sans
coût
supplémentaire.
Cette
mutualisation obligatoire, que les détenus ignorent, apparaît contestable.
L’administration pénitentiaire indique qu’elle envisage en tout état
de cause de mettre en place une procédure nationale de fourniture de
téléviseurs pour l’ensemble des établissements en gestion publique, à
l’horizon 2011.
Le nouveau marché de gestion déléguée « MGD-04 » intègre, par
ailleurs, pour les 46 établissements concernés, une prestation de location
des téléviseurs à tarif unique, qui débutera selon les cas entre le 1
er
janvier
2010 et le 1
er
janvier 2012.
Ces dispositions constituent une avancée majeure puisqu’elles
permettront à l’avenir de répondre, pour les établissements concernés, à la
plupart des critiques récurrentes de la Cour sur les conditions de mise à
disposition des téléviseurs (mise en place d’un prix unique correspondant
à la fourchette basse des pratiques observées ; possibilité de s’abonner au
bouquet payant sans avoir à louer un poste de télévision).
*
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LES CONDITIONS DE VIE EN DETENTION
87
Si les premiers efforts réalisés par l’administration pénitentiaire
pour mieux cerner la situation des associations socioculturelles peuvent
être notés, bien que les informations collectées soient encore loin d’être
complètes, la situation actuelle de mise à disposition des téléviseurs par
les associations doit être corrigée dans les plus brefs délais, pour éviter
tout risque de qualification juridictionnelle. Cette correction doit passer
par une procédure contractuelle adaptée (marchés interrégionaux,
intégration de la prestation dans la nouvelle génération des marchés de
gestion déléguée, …). La Cour recommande que le ministère s’engage
fermement dans cette voie.
Pour autant, les activités socioculturelles doivent se poursuivre
dans les prisons, par le biais ou non d’une association. Mais le régime et
le financement de ces structures devront évoluer dans un cadre juridique
de droit commun mieux défini et mieux contrôlé.
IV
-
Le travail pénitentiaire et son lien avec la
formation professionnelle
Le code de procédure pénale institue aujourd’hui un droit au travail
pour la population pénale et fixe à l’administration une obligation de
moyens en vue de procurer une activité professionnelle aux détenus qui
en font la demande.
Pourtant, dans ce cadre, moins de 19 000 personnes détenues
auraient exercé une activité professionnelle en détention en 2008.
Elargies à la formation professionnelle, les activités rémunérées auraient
ainsi concerné 30 % de la population pénale en maison d’arrêt et 48 % en
établissement pour peines (soit 22 249 détenus, en moyenne mensuelle).
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté invite à regarder
avec
précaution
ces
statistiques,
qui
intègreraient,
selon
toute
vraisemblance, non pas les détenus rémunérés à temps plein sur une
période donnée, mais ceux ayant travaillé au moins une fois dans le
mois
51
.
51)
La Cour n’a pas été en mesure de vérifier ce point.
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COUR DES COMPTES
Les quatre grandes composantes du travail en milieu carcéral
Le service général
: les détenus sont employés par l’administration
pénitentiaire ou son délégataire dans les établissements en gestion déléguée
pour les besoins de fonctionnement des établissements. Ils effectuent des
tâches d’hôtellerie (restauration, blanchisserie, nettoyage, cantine) ou de
maintenance (peinture, maçonnerie, plomberie, etc.). En 2008, le service
général a représenté 6 642 postes de travail en moyenne mensuelle (soit 30%
des actifs rémunérés en détention), la durée moyenne de travail variant selon
les postes et les activités entre 3 et 7 heures.
Le service de l’emploi pénitentiaire
: le travail réalisé dans les ateliers
du service de l’emploi pénitentiaire (SEP) est effectué par l’intermédiaire du
compte «Régie Industrielle des Etablissements Pénitentiaires» (RIEP),
compte spécial du Trésor. En 2008, le SEP a géré 46 ateliers implantés dans
26 établissements pénitentiaires recevant majoritairement des détenus
condamnés à de longues peines. Les ateliers de la RIEP représentent 59% de
l’emploi en production des maisons centrales. 1 162 détenus, en moyenne
mensuelle (données 2008), y sont employés et encadrés par 181 personnes
affectées au SEP dont 99 encadrants directs en atelier. Le chiffre d’affaires
(22,7 M€ en 2008) est réalisé pour 70% avec le secteur public (dont 59%
avec l’administration pénitentiaire – confection des uniformes des personnels
de surveillance, fabrication de mobilier).
Les activités gérées par des entreprises privées
: les entreprises
privées, concessionnaires de l’administration pénitentiaire ou titulaires des
marchés de fonctionnement des établissements à gestion déléguée, gèrent des
ateliers de production. Elles font réaliser différents types de travaux à la
population
pénale,
notamment
des
travaux
techniques
(montages,
assemblages), du conditionnement ou du façonnage. En 2008, le travail en
concession a employé 37 % des actifs rémunérés en détention, soit en
moyenne mensuelle 8 390 détenus.
Le travail à l’extérieur
: certaines mesures d’aménagement de peine
(placement à l’extérieur, semi-liberté) visent à préparer la réinsertion
professionnelle et sociale des condamnés, en leur permettant de travailler, au
moyen d’un contrat de travail, pour des collectivités publiques, des
associations ou des entreprises. En 2008, 2 608 détenus, en moyenne
mensuelle, ont bénéficié de ces procédures.
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LES CONDITIONS DE VIE EN DETENTION
89
A - Une performance d’ensemble assez décevante sur le
travail pénitentiaire
En dépit de rémunérations faibles (entre 224 € / mois en 2008 pour
les détenus affectés au service général et 521 € / mois pour les détenus
employés par le service de l’emploi pénitentiaire), les taux d’occupation
de la main d’oeuvre pénale restent faibles. En 2008, le taux d'activité
rémunérée dans les établissements pénitentiaires s'établissait ainsi à
36,4 % de la population écrouée. Hors formation professionnelle, il
s’établissait à 26,4% seulement. La mauvaise conjoncture économique
tend à diminuer encore ces chiffres.
Or, dans chacun des établissements visités, des listes d’attente de
volontaires pour le travail existent. En effet, pour les détenus, le travail
pénitentiaire est d’abord un moyen de lutter contre les effets de
l’isolement carcéral. Il constitue en outre une source de revenus
indispensable pour pouvoir cantiner. Il permet aussi d’obtenir des
réductions de peine. Le décalage important entre offre et demande de
travail pèse donc sur les conditions de vie des détenus comme pour les
aménagements de peine.
B - Le plan « Entreprendre »
Le programme « Entreprendre » a été mis en place par la direction
de l’administration pénitentiaire en janvier 2008 : ses principaux objectifs
sont de développer le principe du travail en continu (avec une réduction
des mouvements de détenus), d’organiser un contrôle fiable du temps de
travail, d’instaurer davantage de flexibilité pour faire face aux pics
d’activité et améliorer le fonctionnement des ateliers, d’identifier les
zones de travail susceptibles de faire l’objet d’une extension, de permettre
un accès facilité des véhicules et ainsi réduire les délais d’attente à
l’entrée des établissements.
Les premiers bilans de ce plan, qui concerne 168 établissements,
ont mis en évidence des résultats disparates d’une DISP à l’autre. Si les
mesures consistant à mieux répondre aux attentes des entreprises
commanditaires ont eu un certain succès, la mise en place de la journée
continue, qui semble surtout motivée par la nécessité de réduire les
mouvements en détention, n’a pas reçu partout le même accueil. Ainsi,
alors que le plan « Entreprendre » a pu jouer un rôle d’amortisseur aux
effets de la crise économique, son efficacité reste encore à démontrer.
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90
COUR DES COMPTES
C - Le travail pénitentiaire en gestion déléguée : une
fonction également déficiente
Le travail pénitentiaire est apparu comme l’une des seules
fonctions, avec la formation professionnelle, pouvant déclencher des
pénalités contractuelles, dans le cadre des marchés de gestion déléguée
52
.
En pratique, toutefois, ces pénalités ne sont pas toujours appliquées
de manière systématique : des arbitrages sont rendus par l’administration
centrale, qui apprécie le degré de responsabilité du cocontractant par
rapport à l’écart entre la performance atteinte et la performance attendue.
Plusieurs raisons peuvent expliquer ces performances mitigées du
travail pénitentiaire en gestion déléguée, alors qu’il en était espéré
davantage.
Son manque d’attractivité s’expliquerait en premier lieu par le
manque de qualification et de productivité de la main d’oeuvre pénale.
Il est vrai que, dans les maisons d’arrêt, la durée moyenne
d’incarcération permet difficilement de former les détenus à l’exercice de
tâches nécessitant plus de qualification que des travaux d’assemblage ou
d’emballage.
De
surcroît,
l’administration
pénitentiaire
veille
généralement, et cela dans tous les établissements, quel que soit leur
mode de gestion, à ce qu’un nombre significatif de détenus démunis
soient prioritaires pour l’accès au travail. Or, ils sont le plus souvent déjà
en rupture sociale avant leur incarcération, ce qui rend plus difficile
encore la reprise d’une activité. Au demeurant, la faiblesse de la
productivité apparaît si bien intégrée par le système que, dans la plupart
des cas, les détenus sont rémunérés à la pièce.
En second lieu, la performance médiocre du travail pénitentiaire
dans certains établissements est souvent imputée au caractère « sinistré »
du bassin d’emploi et à l’absence de tissu industriel en capacité de
proposer des activités aux établissements pénitentiaires. Tel est
notamment le cas en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Cette explication ne
résiste pas réellement à l’examen des données de l’INSEE, l’aggravation
du chômage n’étant pas plus forte dans cette région que dans d’autres.
Par ailleurs, il est souvent fait état, pour les activités de mise sous
pli et d’emballage, de la concurrence des centres d’aide par le travail
(CAT). Il serait en effet plus compétitif de faire travailler des personnes
52
)
Les données recueillies indiquent que plus de la moitié des pénalités a été infligée
au cocontractant IDEX, pour la gestion déléguée des établissements de la DISP de
Marseille, alors que ce groupement ne gère que 24% de la population théorique totale.
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LES CONDITIONS DE VIE EN DETENTION
91
handicapées dans des CAT que de faire travailler des détenus, à deux
titres au moins : d’une part les salaires directs y seraient faibles
53
, d’autre
part le recours aux CAT permettrait aux entreprises de satisfaire aux
obligations légales sur l’emploi des personnes handicapées.
En réalité, cette concurrence repose sans doute davantage sur des
aspects symboliques que sur des réalités économiques : faire travailler des
personnes handicapées dans un CAT est perçu comme une démarche à
caractère social, alors que le travail en détention reste marqué par des
préjugés. Valoriser le travail pénitentiaire reste donc un enjeu, qui
requiert sans doute des actions de communication
54
mais aussi la
poursuite d’une réflexion sur la manière de le développer.
Enfin, une dernière source d’explication du niveau dégradé de la
performance des délégataires en matière de travail pénitentiaire réside
dans l’adéquation des activités qu’ils cherchent à développer avec leurs
débouchés économiques potentiels.
Certes, les locaux pénitentiaires n’autorisent pas le développement
de tous les types d’activité et les délégataires s’en plaignent parfois.
Toutefois, les activités proposées se concentrent essentiellement sur le
façonnage et l’assemblage de petits objets. Du point de vue du
délégataire, ce type d’activités ne suppose pas de pré-requis important, ni
n’exige de matériels élaborés.
En revanche, lorsque le délégataire mobilise davantage de moyens
- et cela est également vrai pour la formation professionnelle (
cf. infra
) -
il peut obtenir des résultats tout à fait satisfaisants, à l’instar de la
situation observée au centre de détention d’Argentan (DISP de Rennes)
en gestion déléguée avec GEPSA.
53) La garantie de ressources est composée d'un salaire direct et d'un complément de
rémunération versé par l'Etat. Le salaire direct est calculé en fonction de la capacité de
travail de la personne et est au minimum égal à 5% du SMIC. Au total, la garantie de
ressource est d'au minimum 55 à 70% du SMIC (le complément de rémunération est
de 50 % du SMIC si le salaire direct est inférieur ou égale à 20 % du SMIC) et d'au
maximum 110% du SMIC. L’écart avec le salaire pénitentiaire n’est pas aussi
significatif que cela est évoqué : en 2008, le salaire minimum de rémunération de
l’administration pénitentiaire (SMR) représentait moins de 45 % du SMIC horaire.
54) Les actions de communication les plus importantes de l’administration
pénitentiaire sont réservées aux politiques de recrutement des personnels de
surveillance, qui constituent naturellement une priorité indiscutable pour une
administration qui souffre a priori d’une image générale moins positive que d’autres
(police, gendarmerie, armées) auprès des jeunes. Certaines DISP ont toutefois mis en
place des outils de promotion du travail pénitentiaire (DISP de Lille, DISP de
Strasbourg).
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COUR DES COMPTES
Les contrats de gestion déléguée pourraient intégrer à l’avenir des
objectifs minimaux plus ambitieux en termes d’investissement matériel
au cours du contrat, avec à la fois des exigences sur le montant total des
équipements mis en service, mais également sur des valeurs unitaires,
pour obtenir un véritable engagement du délégataire. Si le choix des types
de production doit être exercé par le délégataire, le passage à des
productions nécessitant une main d’oeuvre plus qualifiée - ne serait-ce que
pour utiliser des équipements plus complexes - présenterait un double
avantage : il impliquerait un besoin interne supplémentaire de formation
professionnelle (
cf. infra
) et il permettrait au travail pénitentiaire de se
positionner sur des secteurs de production où sa compétitivité salariale
relative serait
a priori
meilleure
55
.
Cette perspective de développement n’est toutefois pas exclusive :
les activités peu qualifiées doivent aussi être préservées, notamment dans
les maisons d’arrêt, car elles présentent d’indéniables avantages du point
de vue de « l’occupation » des populations les plus fragiles.
D - Un enjeu : l’articulation entre le travail et la
formation professionnelle
Au cours de l’année 2008, 21 972 détenus se sont inscrits en
formation professionnelle : 59 % ont suivi des actions pré-qualifiantes et
qualifiantes, 32 % une formation de base (lutte contre l’illettrisme, français
langue étrangère…) et de remise à niveau en enseignement général et 9%
des stages de préparation à la sortie ou de recherche d’emploi.
1 -
Des résultats mitigés pour la gestion déléguée au regard des
financements dédiés
L’effort financier consacré à la formation professionnelle dans les
établissements en gestion déléguée mobilise la moitié des crédits qui y sont
consacrés dans tous les établissements (19,5 M€ en 2008). Pourtant, la
gestion déléguée ne représente que 28 % des détenus entrés en formation
professionnelle pour le même niveau de rémunération. Une heure de
formation en gestion publique (toutes les formations sont prises en compte,
qu’elles soient rémunérées ou non) revenait ainsi en moyenne à 7,28 € en
55) Un traitement différent pourrait être réservé aux maisons d’arrêt, où les durées
moyennes d’incarcération sont courtes et imposent donc une forte rotation de la main
d’oeuvre pénale, et aux établissements pour peine, où de réels parcours de formation et
de professionnalisation peuvent être envisagés dans la durée.
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LES CONDITIONS DE VIE EN DETENTION
93
2007, contre 17,23 € en gestion déléguée
56
. Un effort financier bien
supérieur est donc alloué aux délégataires, ce qui correspond pour partie,
sans doute, au fait qu’un peu moins de 38 % du nombre de détenus
bénéficiant d’une formation qualifiante ou pré-qualifiante, plus valorisante,
relèvent de la gestion déléguée. Au total, l’importance des écarts ne
manque pas de susciter des interrogations quant à l’efficience de la
fonction « formation professionnelle » en gestion déléguée.
Ce constat est d’ailleurs renforcé par le fait que certains délégataires
peinent parfois à atteindre les objectifs qui leur sont assignés en matière de
formation professionnelle. Ce faisant, ils se font infliger des pénalités
(IDEX en concentre la majorité).
2 -
Un enjeu qualitatif essentiel : favoriser une meilleure
articulation entre travail et formation professionnelle, notamment
dans les établissements en gestion déléguée
La première synthèse réalisée par la direction de l’administration
pénitentiaire des audits de gestion déléguée mentionnait des carences dans
la liaison des fonctions travail et formation.
Trop souvent, la formation professionnelle est encore perçue comme
un moyen de rémunérer certains détenus, sans se préoccuper des
perspectives offertes par la formation suivie. Les formations générales
d’initiation aux métiers du BTP, sans possibilité ultérieure de développer
certaines de ces compétences en vue d’une spécialisation professionnelle,
constituent l’exemple le plus flagrant de cette dérive « occupationnelle »,
qui touche également les établissements en gestion publique.
Dans le pire des cas, des formations sont dispensées sans qu’aucune
perspective soit offerte aux détenus à court terme, à savoir suivre une
formation complémentaire de niveau supérieur ou mettre en pratique les
compétences acquises, notamment dans le cadre du travail. Dans le
meilleur des cas, les formations sont programmées de telle sorte que n’en
bénéficient que les détenus qui ont des perspectives de libération ou
d’aménagement de peine.
56) Ces ratios correspondent pour les établissements en gestion publique au rapport
entre le nombre d’heures de formation fournies aux détenus et le total des crédits
consacrés à cette activité par l’administration pénitentiaire et ses partenaires (direction
générale de l’emploi et de la formation professionnelle, fonds social européen,
conseils régionaux, agence pour la formation professionnelle des adultes, etc.), soit
18,2 M€ en 2007. Les crédits versés par l’administration pénitentiaire aux délégataires
privés (19,5 M€) recouvre quant à eux non seulement les actions de formation en
elles-mêmes (comme pour la gestion publique), mais également l’accueil, le matériel
nécessaire à l’équipement des locaux de formation en détention, la maintenance et les
consommables.
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94
COUR DES COMPTES
Dès lors, l’administration pénitentiaire cherche à promouvoir, à
l’occasion des nouveaux marchés de gestion déléguée, une meilleure
articulation entre travail et formation professionnelle.
*
Le
travail
pénitentiaire,
conjointement
avec
la
formation
professionnelle, devrait constituer une clé de voûte du système
pénitentiaire et demeurer une préoccupation, pour les chefs d’établissement
et pour l’administration, toute aussi prégnante que la sécurité. En effet, le
travail pénitentiaire constitue, d’une part, une source de revenus
indispensable pour améliorer l’ordinaire de la vie en détention et lutter
contre la désocialisation liée au désoeuvrement, d’autre part, le meilleur
moyen de préparer la sortie de prison, en acquérant des compétences
professionnelles, pour peu que ces dernières soient valorisables à
l’extérieur.
En dépit de rémunérations qui demeurent modestes, la production
pénale peine à trouver des débouchés et souffre proportionnellement
davantage des effets de la conjoncture économique, comme cela a pu être
observé depuis plus d’un an dans les établissements visités.
En outre, le recours à la gestion déléguée ne s’est pas révélé
particulièrement performant sur la fonction travail et n’a pas toujours
garanti
une
bonne
articulation
entre
le
travail
et
la
formation
professionnelle.
Au-delà des actions engagées par l’administration, notamment dans
le cadre du Plan « Entreprendre », dont les résultats concrets sur le taux
d’emploi sont difficiles à mesurer dans un contexte de crise,
le
développement du travail pénitentiaire pourrait reposer :
-
sur la prise de mesures générales pour valoriser, vis-à-vis des acteurs
économiques, le travail des détenus et mettre fin à un certain climat
de suspicion, tout particulièrement dans un système où le travail des
détenus ne concerne qu’une faible fraction de ceux qui le
demandent ;
-
sur des obligations supplémentaires vis-à-vis des délégataires, qui
devraient être incités à investir davantage dans l’équipement des
ateliers et à diversifier les activités ;
-
sur une meilleure articulation entre la formation professionnelle et le
travail, notamment dans les établissements pour peine, afin que les
formations dispensées puissent être mises à profit en cours de peine.
A cet égard, le développement de la validation des acquis de
l’expérience constitue une piste de travail intéressante.
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95
__________________
RECOMMANDATIONS
_________________
-
Améliorer la prise en charge de la santé des détenus par :
→
un suivi périodique de l’état de santé des détenus à
différentes étapes de leur séjour pénitentiaire ;
→
l’accélération du calendrier de livraison des unités
hospitalières spécialement aménagées ;
→
l’amélioration de la prise en charge des personnes
dépendantes ;
→
une meilleure
articulation
avec
le
service public
hospitalier pour assurer la permanence des soins ;
→
la réorganisation
des escortes médicales ;
-
Améliorer la collecte des déchets et renforcer le nettoyage des
établissements ;
-
Réduire les écarts de prix des cantines entre les établissements
pénitentiaires, par une politique d’approvisionnement adaptée
dans les établissements en gestion publique et par un contrôle
plus
systématique
des
prestations
proposées
par
les
gestionnaires délégués ;
-
Elargir le panel des produits compris dans le « panier du
détenu » de manière à disposer d’une méthode fiable de suivi
des prix des cantines et d’éviter les effets d’optimisation opérés
par les délégataires privés sur les 20 produits « historiques » ;
-
Réformer et homogénéiser les conditions tarifaires de location
de téléviseurs en détention ;
-
Clarifier et régulariser les relations juridiques et financières
entre
l’administration
pénitentiaire
et
les
associations
socioculturelles ;
-
Dans le cadre de futurs marchés de gestion déléguée, adapter
la notation des offres des candidats, de manière à les inciter à
investir davantage dans l’équipement des ateliers, à diversifier
les activités et à mieux articuler travail et formation
professionnelle.
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Quatrième partie :
Les acteurs de la politique de prévention
de la récidive
La loi n°87-432 du 22 juin 1987 assignait au service public
pénitentiaire, en complément de sa fonction de garde, une mission de
« réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l’autorité
judiciaire ». L’article 2 de la nouvelle loi pénitentiaire de 2009 précise et
développe ces missions en demandant au service public de contribuer « à
l’insertion ou la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par
l’autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité
publique ».
Ainsi, le législateur a voulu transformer la « réinsertion sociale »
des personnes sous main de justice en une mission plus générale de
préparation à « l’insertion ou la réinsertion de la personne détenue afin de
lui permettre de mener une vie responsable et de prévenir la commission
de nouvelles infractions ». Il met donc la réinsertion au service de la
prévention de la récidive. Le succès de la première, qui est par définition
lié au comportement individuel de la personne concernée, conditionne par
conséquent d’une certaine manière la réalisation de la seconde.
L’action de l’administration pénitentiaire en la matière s’appuie
depuis une dizaine d’années sur les services pénitentiaires d’insertion et
de probation (SPIP), dont le rôle consiste non seulement à suivre les
personnes placées sous main de justice mais aussi à fédérer un réseau de
partenaires susceptibles de leur faciliter le retour à la « vie normale ».
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98
COUR DES COMPTES
I
-
Les SPIP, acteurs pivots de la politique
Créés il y a dix ans par le décret n°99-276 du 3 avril 1999, les
SPIP sont nés de la fusion des deux services pénitentiaires jusqu’alors en
charge de l’insertion : les comités de probation et d’aide aux libérés
(CPAL), qui prenaient en charge les condamnés libres, et les services
socio-éducatifs des établissements pénitentiaires, qui prenaient en charge
les détenus.
L’administration pénitentiaire compte un SPIP par département,
soit 103 structures sur le territoire national. Ces services sont placés sous
l’autorité d’un directeur de SPIP (DSPIP), agissant sous l’autorité
hiérarchique du directeur interrégional des services pénitentiaires. Dans
certains départements, le service peut avoir une à plusieurs antennes, qui
peuvent être soit mixtes (c’est-à-dire consacrées indistinctement au milieu
ouvert ou au milieu fermé - 139 au total), soit dédiées au milieu ouvert
(dans le ressort des juridictions où il n’y a pas de prison - 46 antennes) ou
à un ou plusieurs établissements pénitentiaires (21 antennes). Les SPIP
présentent des tailles variables : une dizaine a moins de 10 agents, près de
la moitié regroupe des équipes de 10 à 30 agents et seulement 5 d’entre
eux ont plus de 90 agents (les SPIP de Paris, du Pas-de-Calais, de
l’Essonne, des Bouches-du-Rhône et du Nord). Les plus petits ont été
organisés dans le cadre de rapprochements interdépartementaux.
Définies aux articles D.573 à D.575 du code de procédure pénale,
leurs missions s’articulent autour de trois axes : l’insertion (ou la
réinsertion) des personnes placées sous main de justice, l’aide à la
décision judiciaire dans un souci d’individualisation des peines et le suivi
et le contrôle des obligations qui leur sont imposées dans le cadre d’une
mesure alternative à l’incarcération (notamment le sursis avec mise à
l’épreuve ou le travail d’intérêt général) ou d’un aménagement de la peine
(libération
conditionnelle,
placement
à
l’extérieur,
semi-liberté,
placement sous surveillance électronique), dont le nombre est en
constante progression.
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LES ACTEURS DE LA POLITIQUE DE PREVENTION
DE LA RECIDIVE
99
A - Dix ans après la réforme, un bilan encore mitigé du
fonctionnement des SPIP
En dépit des efforts accomplis pour conforter les moyens des SPIP
depuis 2006, leur positionnement reste à consolider.
1 -
Des ressources humaines en situation tendue et précaire
Tous grades confondus, les effectifs des SPIP s’établissaient au 1
er
janvier 2009 à 3 747 agents (soit plus du double de leur nombre en 1998 à
leur constitution). Les recrutements n’ont cependant pas éteint toutes les
difficultés relevées par la Cour en 2006. Nombreux sont ainsi les DSPIP à
souligner, dans leur rapport d’activité annuel (Somme, Pas-de-Calais,
antenne de Sarreguemines en Moselle, etc.), la précarité des recrutements
de vacataires opérés entre 2006 et 2008.
Les fonctions de conseillers d’insertion et de probation (CIP) ont
bénéficié d’un effort de recrutement soutenu depuis 2006. Ainsi, les
promotions formées à l’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire
(ENAP) sont deux à trois fois plus importantes que celles du début des
années 2000
57
. Ces recrutements n’ont cependant pas permis de faire
diminuer le ratio des mesures suivies par CIP. En effet le nombre de
mesures en milieu ouvert et en milieu fermé n’a cessé de croître. Le ratio
de personnes suivies par un conseiller était ainsi de l’ordre de 84
58
en
2009 contre 80 environ en 2006.
D’un point de vue qualitatif, le profil des CIP recrutés ces
dernières années tend à s’améliorer. Alors que les CIP sont recrutés en
théorie à Bac + 2, l’écart entre le niveau requis et le niveau réel des
stagiaires tend à s’accentuer ; les Bac +5 représentent ainsi plus d’un tiers
des formés en 2008. La réforme de la formation initiale des CIP en
vigueur depuis 2007 à l’ENAP semble par ailleurs avoir atteint son
objectif en confortant l’apprentissage pratique du métier
par les stagiaires
par un stage de pré-affectation d’une année. Néanmoins, les limites de la
formation théorique en matière de sociologie et de criminologie sont
souvent soulignées, ce qui affecte la capacité des stagiaires à effectuer un
diagnostic des personnes suivies.
57) 271 CIP ont ainsi été formés en 2006, 286 en 2007 et 149 en 2008 (dont près de
75% de femmes) contre 74 en 2000 et 114 en 2001.
58) Ce nombre correspond au rapport entre le nombre de personnes suivies par les
SPIP au 1
er
janvier 2009 (225 410 personnes, soit 159 232 personnes suivies en milieu
ouvert, 62 252 personnes écrouées détenues et 3 926 personnes écrouées non-
détenues) et le nombre de personnel d’insertion et de probation (hors encadrement) à
la même date, soit 2 719 agents.
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100
COUR DES COMPTES
La concentration du nombre de pré-affectations dans des SPIP
situés dans le quart Nord-est de la France et principalement en Ile de
France et dans la DISP de Lille soulève également des difficultés. En
effet, les stagiaires ont une activité en théorie limitée par le cahier des
charges de formation à 50 dossiers par an. En outre, leur manque
d’expérience rend délicat le traitement des publics difficiles, auxquels ils
sont confrontés dans les grands établissements pénitentiaires. Par
exemple, sur les 48 travailleurs sociaux en poste en 2009 à l’antenne de
Fleury-Mérogis, 15 seulement avaient plus de deux ans d’expérience
professionnelle. Se pose alors la question des différences de qualité de
traitement dont bénéficient les personnes suivies sur le territoire.
Face aux besoins encore insatisfaits des SPIP, la DAP affecte les
postes pour combler les vacances résultant des mutations mais aussi selon
les degrés de pénurie respectifs des différentes antennes de SPIP. Ce
mode de répartition des effectifs mériterait d’évoluer à court et moyen
termes vers un schéma d’emploi intégrant aussi les actions spécifiques
mises en oeuvre dans le ressort du SPIP pour lutter contre la récidive et
favoriser la réinsertion des condamnés (par exemple, les programmes de
prévention de la récidive, les centres pour peines aménagées).
Enfin, à la suite de la réforme statutaire de 2005 qui a conduit à la
création du grade de directeur d’insertion et de probation, la fonction
d’encadrement des SPIP s’est renforcée. En mai 2008, on comptait 84
DSPIP, 109 DIP et 136 chefs de service d’insertion et de probation
(CSIP) pour 3 500 agents, soit un taux d’encadrement de 9,4 agents par
personnel de direction. Des déficits subsistent néanmoins dans les
organigrammes de certains SPIP.
2 -
Le besoin de clarification et d’harmonisation des moyens de
fonctionnement des SPIP
Les crédits consacrés aux SPIP et aux actions de (ré)-insertion et
de probation n’apparaissent pas clairement dans les documents
budgétaires de l’administration pénitentiaire. Il faut en effet consolider les
données ventilées entre les trois actions du programme 107. En 2008, on
peut estimer à environ 40 M€ les crédits directement réservés au
fonctionnement et à l’intervention des SPIP
59
. A ces crédits, il convient
59) Données extraites du RAP 2008: 9,5 M€ au titre de l’action 1 -
Garde et contrôle
des PPSMJ
(financement des aménagements de peines), 14,6 M€ au titre de l’action 2
-
Accueil et accompagnement des PPSMJ
(dont 8,143 M€ de dépenses de réinsertion -
hors rémunération de
détenus dans le cadre du service général - et 6,5 M€ de
subventions versées aux associations et aides
directes aux PPSMJ) et 15,5 M € sur
l’action 4
- Soutien et formation (fonctionnement des SPIP – donnée tirée du PLF 2009
car le RAP 2008 ne précisait pas le montant des crédits consommés en 2008 à ce titre).
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101
d’ajouter
les
crédits
imputés
sur
le
budget
des
établissements
pénitentiaires et des DISP au titre de l’activité des SPIP. A défaut
d’analyse des coûts organisée, la DAP base son estimation sur une
enquête auprès des DISP ; 8 à 10 M€ supplémentaires, hors titre 2,
seraient ainsi à ajouter au 40 M€ précités.
Pour estimer les crédits de personnel consacrés aux SPIP, on peut
croiser les effectifs dans chaque catégorie de personnel avec le coût
moyen annuel de chacune d’elles (charges sociales comprises), tiré du
RAP 2008 (
cf.
tableau n°19). Le coût approximatif des charges de
personnel se serait ainsi établi à environ 120 M€ au titre de l’exercice
2008 (117,65 M€ auxquels il faut ajouter le coût approximatif des
contractuels
60
), sur un total de 1,5 Mds € pour le titre 2 sur le programme
107.
Tableau 19 : Estimation du montant des dépenses de personnel
(titre 2) consacré aux SPIP en 2008
Catégorie de personnels
Nombre
d’agents
(mai 2008)
Coût moyen annuel
en 2008
(extrait
RAP 2008)
Total
Personnels d’encadrement
(A) DSPIP + DIP + CSIP
329
49 775 €
16 375 975 €
Métiers de l’insertion (B + C)
CIP + Assistants sociaux
2 569
34 109 €
87 626 021 €
Personnels administratifs (B)
92
35 055 €
3 225 060 €
Personnels administratifs (C)
371
27 280 €
10 120 880 €
Personnels de surveillance
10
29 801 €
298 010 €
Contractuels
130
n.d.
n.d.
Total
3 501
117 645 946 €
Source : DAP – RH3 (réponse à la question n°45 du questionnaire n°1), RAP 2008
et retraitement Cour des comptes.
60) Dans un courriel adressé à la Cour le 1
er
décembre 2009 (dans le cadre des travaux
relatifs à la note d’évaluation comptable 2009), la DAP fait état d’un total de
148,743 M€, au titre de l’exercice 2007, mais n’apporte aucune précision quant à la
déclinaison de ce montant.
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102
COUR DES COMPTES
Compte tenu de ces estimations, le total des crédits consacrés à
l’activité des SPIP se serait donc établi en 2008 à environ 190 M€, soit
près de 8 % du total des crédits consommés au cours de cet exercice sur le
programme 107 « Administration pénitentiaire » (2,4 Mds €).
Ce constat traduit la place encore très faible qu’occupent les SPIP
dans le budget de fonctionnement du service public pénitentiaire.
Compte tenu du caractère estimatif de ce chiffrage, il serait
souhaitable que la DAP isole dans ses documents budgétaires la part des
crédits consacrés à l’activité des SPIP. Cette clarification doit passer par
le développement d’une comptabilité d’analyse des coûts et par la
ventilation des dépenses de personnel entre les différents services de
l’administration pénitentiaire. Le déploiement de CHORUS à compter de
janvier 2010 au sein de l’administration pénitentiaire devrait permettre de
répondre à cette observation.
L’analyse des dépenses de fonctionnement des SPIP montre en
outre qu’elles pèsent fortement dans leur budget d’ensemble, ce qui limite
d’autant les moyens d’intervention : à l’exception des départements où les
crédits de la politique de la ville abondent les dotations disponibles, les
dépenses de fonctionnement (hors dépenses de personnel) s’établissaient
en 2007, en intégrant celles qui sont imputées sur les DISP et les
établissements pénitentiaires, à près 50% du budget total consacré aux
SPIP.
Ce ratio élevé s’explique par l’importance des loyers et des frais de
déplacement dans le budget des SPIP. Ces deux postes représentaient
effectivement près 50% du total des dépenses de fonctionnement
consacrées aux SPIP en 2007 (respectivement 37% et 12%), avec
toutefois des différences notables d’une DISP à l’autre.
Ces constats posent la question de la cohérence d’ensemble de la
politique immobilière des SPIP. Un recensement effectué par la DAP en
2008 a permis d’identifier 70 sites comme devant faire l’objet d’un
déménagement ou de travaux, soit au titre de conditions de travail
insatisfaisantes, soit au regard de la mise en oeuvre de la nouvelle carte
judiciaire
61
.
S’agissant des frais de déplacement, l’inspection générale des
services judiciaires a estimé en 2006 que les SPIP étaient « sous dotés en
véhicules de service, ce qui oblige les travailleurs sociaux à utiliser le leur
pour réaliser les déplacements fréquents imposés par leur fonction. »
61) Les SPIP encore hébergés dans les locaux d’un tribunal d’instance supprimé
devront trouver une nouvelle implantation.
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103
La DAP a indiqué dans la circulaire du 26 janvier 2009 que les
moyens de fonctionnement des SPIP seraient renforcés. Ainsi, un plan a
été établi pour reloger ou réaménager les locaux d’une vingtaine de sites
prioritaires et la livraison d’un parc de véhicules dédiés aux SPIP a été
amorcée (acquisition de véhicules et passation d’un marché national de
location de véhicules à compter du 1
er
janvier 2010).
Au total, compte tenu du poids des dépenses de fonctionnement,
les moyens d’intervention consacrés à l’insertion restent très variables
d’un SPIP à l’autre, d’autant que les méthodes de répartition des crédits
entre SPIP varient selon les directions interrégionales. Par exemple, alors
que la méthode retenue par la DISP de Paris conduit à des écarts de
dotations de base peu explicables entre les SPIP, si on les rapporte au
nombre de personnes prises en charge
62
, la DISP de Strasbourg a mis en
place un système de répartition étayé sur des ratios adaptés à la taille et à
l’activité de chaque antenne de SPIP.
L’effort de transparence dans la répartition entre SPIP varie
également d’une DISP à l’autre. Tandis qu’à Strasbourg, les enveloppes
allouées à chacun sont connues de tous les directeurs de SPIP ; à
Marseille, le même effort de transparence n’est pas de mise. A Paris, les
enveloppes sont connues par types d’activités financées et non de manière
globalisée.
Ces écarts plaident pour une harmonisation et une explicitation des
crédits alloués aux SPIP. L’administration pénitentiaire a entrepris à cette
fin des travaux d’harmonisation du traitement financier des SPIP au début
de l’année 2009. Il conviendrait de conduire, à titre liminaire, une
comparaison des moyens de fonctionnement et d’intervention de chaque
SPIP, ramenés à la personne placée sous main de justice (PPSMJ). Sur
cette base, la DAP pourrait identifier quelques critères objectifs afin de
déterminer la dotation de base de chaque SPIP (dotation par personne
prise en charge ou par effectifs théoriques, etc.).
3 -
La prise en charge encore inégale des personnes placées sous
main de justice
En dépit de l’effort de mise à niveau des moyens des SPIP, la prise
en charge des personnes placées sous main de justice reste encore très
inégale d’un département à l’autre :
62) On observe par exemple des écarts de 1 à 2 entre les crédits consacrés en 2008 au
SPIP de la Seine-et-Marne (18,08 € / PPSMJ) et celui des Yvelines (39,08 € /
PPSMJ).
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104
COUR DES COMPTES
-
les contrastes de charges de travail persistent entre les SPIP : le
ratio de dossiers suivis par conseiller d’insertion et de probation
(CIP) varie, selon les services, de 60 à 180 ;
-
l’organisation du travail est variable selon les SPIP. Par
exemple, si la plupart des SPIP d’Ile de France ont rationalisé
leur activité, dans d’autres services, la professionnalisation des
CIP autour de pôles de compétences et d’activités définies reste
balbutiante.
-
les efforts d’un suivi simultané en milieu ouvert et en milieu
fermé au sein d’une même antenne n’ont pas atteint les résultats
escomptés par la réforme de 1999. Cette organisation des
services s’est effectivement révélée chronophage et l’IGSJ a
d’ailleurs souligné dès 2006 que « la continuité du suivi avait
plus vocation à reposer sur le dossier que sur le travailleur
social ».
La Cour avait suggéré en 2006 d’effectuer un bilan, en vue de leur
éventuelle généralisation, des pratiques de « suivi différencié » initiées
par certains SPIP, qui consistaient à adapter le suivi réservé à chaque
condamné à sa situation, à ses besoins et à ses risques de récidive.
L’expérience de « suivi différencié » mise en oeuvre dans le Val de Marne
avait notamment démontré son efficacité à assurer une équité de
traitement des personnes prises en charge, à réduire les délais de mise à
exécution des mesures confiées au SPIP et à susciter une réflexion
collective sur la prise en charge des personnes.
Le travail entrepris sur ce thème en 2006-2007 n’a pas réellement
abouti, les réflexions s’étant poursuivies dans le cadre d’une réforme plus
globale des SPIP.
B - L’engagement d’une nouvelle étape dans la réforme
des SPIP
Le premier chantier, qui a abouti en mars 2008 à la diffusion d’une
nouvelle circulaire, a porté sur la redéfinition des missions des SPIP.
Cette circulaire définit « la prévention de la récidive comme principale
finalité de l’action des SPIP ». Elle consacre la généralisation de
pratiques professionnelles centrées sur les personnes placées sous main de
justice (suivi différencié, programmes de prévention de la récidive –
cf.
encadré) et redéfinit également les spécificités du métier de CIP, appuyé
sur une capacité d’analyse du profil criminologique des personnes
suivies. Recentrés sur leur « coeur de métier », selon cette nouvelle
orientation, les SPIP doivent pour le reste de leurs compétences agir dans
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105
un cadre pluridisciplinaire, en diversifiant et en dynamisant leur réseau
partenarial.
La Cour note tout d’abord que la circulaire prend des positions
parfois contradictoires avec certaines dispositions réglementaires du code
de procédure pénale (CPP). Par exemple, en matière de formation
professionnelle, la circulaire confie au responsable local de la formation
professionnelle,
sous
l’autorité
du
chef
d’établissement
et
en
collaboration avec le SPIP, le soin d’élaborer le projet de plan local, alors
que l’article D.457 du CPP confie au SPIP cette responsabilité. Les
décrets d’application de la loi pénitentiaire devraient venir ajuster le code
de procédure pénale à ces nouvelles orientations. Dans d’autres domaines,
la circulaire précise les modalités d’articulation entre le SPIP et les autres
acteurs du monde pénitentiaire (chefs d’établissement, UCSA, etc.) ou
systématise des méthodes de travail, qui n’ont pour l’instant aucune
réalité réglementaire (suivi différencié, programmes de prévention de la
récidive, etc.) ; les unes et les autres devraient trouver place dans le CPP
pour organiser une certaine homogénéité nationale des pratiques.
Par ailleurs, la circulaire prend le parti d’une prise en charge
continue, et dans la mesure du possible par le même agent, des personnes
placées sous main de justice. L’administration pénitentiaire tranche ainsi
avec les modes d’organisation retenus par la plupart des SPIP, consistant,
pour des raisons d’efficience, à privilégier un suivi continu reposant plus
sur des écrits et sur un dossier que sur un même travailleur social.
Enfin, il faut noter avec intérêt l’effort déployé par la DAP pour
formaliser les comptes rendus d’activité des travailleurs sociaux
(élaboration d’un « référentiel des méthodes d’intervention des SPIP »,
standardisation des différents rapports destinés aux JAP) et pour rendre
plus facilement exploitables les rapports d’activité que les DSPIP doivent
rédiger chaque année.
A la suite de la publication de la circulaire de mars 2008 sur les
missions des SPIP, les conseillers d’insertion et de probation ont engagé
un mouvement social au printemps 2008, qui a conduit le directeur de
l’administration pénitentiaire à s’engager à soumettre, en octobre 2008,
un plan de réformes du travail des SPIP aux organisations syndicales.
Quatre axes de travail ont alors été retenus : la revalorisation du
statut des CIP, l’harmonisation du travail des SPIP au niveau national, la
révision des fonctions d’encadrement au sein des SPIP et le renforcement
de leurs moyens de fonctionnement. Ces chantiers ont abouti en mars
2009 à la rédaction d’un projet de « protocole relatif à la réforme
statutaire des personnels d’insertion et de probation », sur les deux
premiers axes de travail.
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COUR DES COMPTES
Le protocole confirme que le métier des CIP, fondé sur la
prévention de la récidive, s’exercera désormais dans le champ pénal et
criminologique. En contrepoint, les assistants de service social,
actuellement en fonction dans les SPIP, pourront choisir d’intégrer le
corps des CIP ou de rester sur le champ du travail social. Le
positionnement de la filière insertion et probation dans le champ pénal
rend possible la revalorisation statutaire et indemnitaire de ses agents.
63
Cette réforme s’appliquera progressivement, au fur et à mesure de la
parution des textes statutaires. Concomitamment, le projet de protocole
souligne la nécessité de réformer la formation initiale des futurs CIP, afin
de leur donner les moyens de réaliser une évaluation criminologique des
condamnés permettant une individualisation de la peine. Des travaux sont
en cours avec l’ENAP pour améliorer leur formation.
Dans le même temps, le processus de réforme a permis de dégager
en premier lieu une nouvelle organisation des SPIP fondée sur la mise en
place d’équipes pluridisciplinaires. En second lieu, elle vise à adapter les
modalités de prise en charge des personnes placées sous main de justice à
leur situation (durée de la prise en charge, risque de récidive, possibilité
d’aménagements de peine, capacité de la personne suivie à transformer
ses repères) : cinq types (ou « segments ») de personnes suivies ont été
ainsi identifiés. Cette segmentation doit permettre d’allouer les moyens
(internes ou externes à la DAP) pertinents pour chaque problématique.
Les SPIP seront dès lors organisés autour de pôles opérationnels
comprenant un ou plusieurs segments et de pôles supports. Le modèle de
référence a été conçu pour être modulable et s’adapter aux réalités
territoriales et au flux de personnes suivies dans chaque SPIP. Le
calendrier de mise en oeuvre est progressif et pourrait s’étendre jusqu’en
2011, afin de ne pas déstabiliser les services déjà fortement sous tension.
L’incidence financière globale de cette réforme devra être établie
lorsqu’elle sera complètement finalisée.
63) Sur le plan statutaire, le protocole prévoit un alignement des indices de
rémunération des CIP sur celle des lieutenants et des capitaines pénitentiaires, une
fusion à terme des CSIP et des DIP dans un corps unique d’encadrement et une
revalorisation du statut d’emploi des DIP avec la création d’un emploi fonctionnel de
directeur des services d’insertion et de probation (DSPIP). Sur le plan indemnitaire, il
prévoit le passage de l’ensemble des personnels d’insertion et de probation à
l’indemnité de fonctions et d’objectifs.
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107
Les programmes de prévention de la récidive
Inspirée de nombreux exemples étrangers (notamment canadiens), la
mise en place des programmes de prévention de la récidive a débuté dans les
années 1990 à l’initiative de quelques SPIP qui ressentaient le besoin de faire
évoluer leurs méthodes d’intervention.
Lancée en juillet 2007, l’expérimentation des programmes de
prévention de la récidive (PPR) se distingue d’une prise en charge
thérapeutique assurée par les équipes médicales en milieu fermé ou en milieu
ouvert.
Un PPR consiste en effet à réunir, pendant plusieurs séances, un
groupe de condamnés présentant une problématique commune (liée au type
de délit commis) pour les faire réfléchir sur les conséquences de leur
conduite, les amener à mieux se connaître et leur donner ainsi les moyens
d’éviter la réitération des faits.
Les thématiques retenues pour l’instant ont porté sur les infractions de
nature sexuelle, les violences (familiales, conjugales), la délinquance
routière, et le passage à l’acte faisant apparaître une difficulté en matière
d’addiction.
En 2008, 50 projets répartis sur l’ensemble des DISP ont été
expérimentés. Plus de 90 PPR sont prévus en 2009 concernant une
cinquantaine de SPIP.
D’un point de vue financier, les PPR ont donné lieu à une ouverture de
crédits de 1 M€ en 2008 et en 2009 sur le programme 107 « Administration
pénitentiaire ».
Le
financement
moyen
alloué
par
l’administration
pénitentiaire s’est établi à 10 000 € par projet environ en 2008. Parallèlement,
l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances a attribué
120 000 € en 2008 pour financer une partie de ces programmes.
S’il est encore tôt pour dresser un bilan de ces programmes, les
quelques auto-évaluations remises à la Cour par la DAP mettent en lumière
les appréhensions qu’ont pu avoir les CIP à piloter des groupes de parole.
Beaucoup de bilans d’étape soulignent la nécessité de mettre en place une
politique de formation adéquate en la matière. Des sessions de formation
continue aux techniques d’animation de groupe de parole sont organisées à
cet effet depuis 2009 à l’E.N.A.P.
*
S’il est trop tôt pour apprécier l’efficacité de cette réforme, surtout
si on l’évalue en fonction des taux de récidive, elle présente le mérite
d’appliquer une même grille d’analyse à toutes les personnes suivies par
les SPIP, de faire un diagnostic dès la prise en charge en milieu ouvert ou
en milieu fermé et de prescrire ainsi un suivi adapté à chaque personne.
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COUR DES COMPTES
Le succès de la réforme qui se met en oeuvre actuellement repose
toutefois largement sur deux facteurs : l’adaptation des recrutements et
des formations des agents en poste dans les SPIP et l’adhésion de
l’encadrement (notamment intermédiaire) à la démarche.
C - La nécessité d’évaluer l’action des SPIP
L’administration pénitentiaire doit en outre se donner les moyens
de mesurer la portée pratique de son action en matière de prévention de la
récidive ; les SPIP doivent pouvoir évaluer et valoriser leur action en la
matière.
Or, actuellement, la prévention de la récidive présente un niveau
d’évaluation encore insatisfaisant, car bien trop disparate d’un point de
vue méthodologique.
Les quelques enquêtes réalisées ces dernières années en matière
d’évaluation de la récidive s’efforcent en réalité plus de définir des « taux
de nouvelles condamnations » que des « taux de récidive » à proprement
parler. Ces études s’appuient sur deux types de méthodes : le suivi de
cohortes, employé par les démographes du bureau des études et de la
prospective de la DAP (PMJ 5), et l’analyse rétrospective, qui est celle de
la sous-direction de la statistique et des études du secrétariat général du
ministère de la justice. La première, qui consiste à observer le devenir
judiciaire des condamnés libérés durant une période donnée et à savoir
s’ils vont être à nouveau sanctionnés pour une nouvelle affaire, pour
quelle gravité et dans quel délai suivant leur libération, est plus
exhaustive puisqu’elle groupe les cas de réitération et les autres. La
seconde, qui consiste à partir du seul casier judiciaire et à établir, parmi
les personnes condamnées une année donnée, la proportion de condamnés
avec antécédents dans les cinq ans qui précèdent la condamnation de
référence, mesure moins un taux de réitération qu’une proportion
d’anciens condamnés dans les sanctions d’une année, ce qui ne permet
pas d’analyser les conditions d’une récidive.
La DAP a réalisé ces dernières années une série d’études ciblées
sur le devenir judiciaire de sortants de prison (étude sur le taux de
récidive des condamnés à la perpétuité en 2008, étude sur le taux de
retour sous écrou des personnes bénéficiaires d’aménagement de peine en
2009) et a entrepris récemment une enquête de grande ampleur, portant
sur un échantillon de 8 500 libérés en 2002.
Parallèlement, des travaux sont également menés localement
(analyse effectuée en 2008 sur le ressort de la Cour d’appel d’Amiens,
suivi des mesures de libérations conditionnelles accordées en 2007 et en
2008 aux détenus de la maison centrale de Saint-Martin de Ré, etc.). Le
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DE LA RECIDIVE
109
département d’insertion de la DISP de Paris a recruté en 2008 une socio-
démographe pour développer son propre outil statistique, évaluer ainsi
son action en matière de lutte contre la récidive et produire de véritables
outils de pilotage (adaptation du quartier « arrivants » au profil des
détenus, choix des activités sportives en fonction de l’objectif de lutte
contre la récidive, etc.).
*
Les évaluations méritent d’être développées et mieux coordonnées
d’un point de vue méthodologique. En effet, une meilleure connaissance
des déterminants de la récidive et du profil des personnes placées sous
main de justice doit permettre de guider le travail des SPIP.
L’observatoire indépendant, que l’article 7 de la loi pénitentiaire a
chargé « de collecter et d’analyser les données statistiques relatives aux
infractions, à l’exécution des décisions de justice en matière pénale, à la
récidive et à la réitération », pourrait jouer un rôle moteur dans
l’émergence d’une politique globale d’évaluation des taux de récidive,
sans préjudice des stratégies d’évaluation locales initiées dans les DISP.
II
-
Des actions collectives et partenariales
A - Les SPIP n’ont pas la responsabilité exclusive de la
lutte contre la récidive
L’efficacité de l’action des SPIP en matière d’exécution des peines
ne saurait être mesurée indépendamment de celle des autres acteurs de la
sphère pénale, qu’il s’agisse des chefs d’établissements pénitentiaires ou
des magistrats.
1 -
Les relations avec les chefs d’établissement
Dix ans après la création des SPIP en tant qu’entités distinctes des
établissements pénitentiaires, l’articulation entre les directeurs de SPIP et
les
chefs
d’établissements
reste
souvent
délicate.
En
effet,
l’administration pénitentiaire a tardé à redéfinir leurs champs de
compétences respectifs et les différents aspects de cette articulation.
En pratique, les chefs d’établissement se sentant « dépossédés » du
volet ressenti comme plus noble de leur fonction, à savoir l’insertion, et
limités à la seule fonction de garde, ont eu tendance, ces dernières années,
à « étanchéiser » les deux fonctions et à reléguer la fonction d’insertion
au
second
plan
de
leurs
priorités.
Dans
un
grand
nombre
d’établissements, les demandes d’ordre social émanant des détenus ont
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110
COUR DES COMPTES
ainsi été systématiquement renvoyées vers le SPIP. De même, la plupart
des SPIP font état de leurs difficultés à garantir la participation des
détenus aux activités du fait des mouvements contingentés par le
personnel de surveillance.
Par ailleurs, la question de la contribution des établissements
pénitentiaires aux moyens de fonctionnement des SPIP en milieu fermé
reste encore largement posée. En dépit de leur statut de services
déconcentrés autonomes, les SPIP dépendent encore bien souvent en
détention des moyens mis à leur disposition par les établissements
pénitentiaires (ressources humaines
64
, moyens de fonctionnement). Face à
cette situation, certains SPIP ont engagé ces dernières années un effort de
clarification de leur situation vis-à-vis des établissements pénitentiaires
(ex : convention signée entre le DSPIP des Bouches-du-Rhône et les
chefs d’établissements).
Enfin, la répartition des rôles respectifs des SPIP et des
établissements dans l’organisation et la prise en charge financière de
certaines activités sportives ou socioculturelles a également pu se révéler
problématique dans certains départements. La DISP de Strasbourg a
même été jusqu’à mettre en place en 2008 un système de préciput
automatique de 2% sur le budget des établissements pénitentiaires, afin de
permettre aux SPIP de disposer d’une enveloppe non-négociable de
crédits pour financer les activités sportives. La circulaire du 19 mars 2008
sur les missions des SPIP est venue fixer une ligne de partage entre SPIP
et établissements dans l’organisation et le financement des activités
sportives ; sont désormais financées par les établissements les activités
relevant de la « vie en détention » et par les SPIP les activités sportives
« organisées dans le cadre de programmes à visée de réinsertion ».
Si la circulaire de mars 2008 a eu le mérite de répondre à certaines
difficultés d’articulation entre SPIP et établissements pénitentiaires, elle a
laissé de côté la question des moyens de fonctionnement mis à la
disposition des SPIP par les établissements pénitentiaires. Or, il s’agit là
d’un élément déterminant dans la normalisation de leur relation.
Dès lors, en laissant le soin aux DSPIP et aux chefs
d’établissement de formaliser des conventions au niveau local, la DAP
rend d’autant plus nécessaire l’exercice par les DISP d’un rôle de
coordination entre les services de chaque département. Elle pose
également la question de la mise en place à court ou moyen terme d’une
forme d’autorité fonctionnelle des chefs d’établissement sur les
responsables des antennes de SPIP en milieu fermé.
64) C’est par exemple le cas en Seine-et-Marne où le personnel administratif du SPIP
était encore rattaché en 2008 à l’effectif du centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin.
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111
2 -
Les relations avec les magistrats
Si le législateur a confié ces dernières années un rôle prépondérant
aux SPIP dans la mise en oeuvre de la politique d’exécution des peines,
leur action en la matière est cependant intrinsèquement liée à celle des
magistrats.
Or, comme le relève la plupart des directeurs de SPIP rencontrés,
le recours aux aménagements de peine peut différer sensiblement d’une
cour d’appel à l’autre, voire d’un magistrat à l’autre au sein d’un même
service d’application des peines. L’association nationale des juges
d’application des peines note du reste que les taux de saisine des SPIP par
les juges d’application des peines (JAP) diffèrent sensiblement d’une
région à l’autre : 65% des extraits de jugement transmis aux JAP donnent
lieu à une saisine du SPIP en province et 38% en région parisienne,
d’après un sondage mené auprès des JAP en mars 2009.
La direction des affaires criminelles et des grâces, qui pilote la
politique pénale en matière d’exécution des peines, explique ce constat,
dans une circulaire du 27 avril 2006 relative aux aménagements de peine
et aux alternatives à l’incarcération, par « l’absence d’information sur les
modalités pratiques de mise en oeuvre de ces mesures, voire sur la réalité
de leur exécution. »
Plusieurs initiatives allant dans le sens d’une meilleure information
des magistrats ont dès lors été engagées : actualisation mensuelle sur le
site Intranet de la DAP (accessible aux magistrats) d’une cartographie des
bracelets électroniques et des places de semi-liberté et de placements
extérieurs hébergés utilisés et encore disponibles dans chaque DISP,
création d’un répertoire des structures d’aménagement des peines dans
l’application APPI
65
(recensant les capacités d’accueil, les places
disponibles et les prix de journée des structures d’accueil de bénéficiaires
d’aménagements de peine), développement en cours d’un outil de gestion
et de réservation des aménagements de peine et des places en détention
(GRAPPED), afin de gérer à tout instant la file d’attente en termes
d’affectation des mesures d’aménagements de peine prononcées. Le
diagnostic à visée criminologique, que les SPIP produiront dans le cadre
de la réforme de leurs méthodes de travail, sera également mis à la
disposition des magistrats dans APPI.
Dans la même logique, le décret n°2007-1627 du 16 novembre
2007 renforçant le recours aux aménagements de peine et la lutte contre
65) L’application APPI (Application des Peines Probation et Insertion) est un outil
partagé par les SPIP et les magistrats.
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la récidive a consacré la création de conférences d’aménagement de
peine. Ces instances ont vocation à faciliter les échanges entre les
différents acteurs de l’exécution des peines et à susciter une
harmonisation entre les pratiques. S’il est encore un peu tôt pour juger de
leur résultat à ce titre, les conférences régionales présentent l’intérêt de
créer
un
espace
de
dialogue
entre
les
autorités
judiciaires
et
l’administration pénitentiaire, comme le note le rapport de l’inspection
générale des services judiciaires de mars 2008.
Enfin, un groupe de travail inter-directions (DAP-DACG) élabore
des guides thématiques interprofessionnels autour de certains dispositifs
d’alternatives à l’incarcération et d’aménagements de peine (injonction de
soins, stage de citoyenneté.
B -
L’accompagnement social des personnes placées
sous main de justice : la recherche des partenariats
Compte tenu de l’accent croissant mis sur l’individualisation et le
contrôle de l’exécution des peines, les SPIP ont été conduits à exercer
différemment leur fonction d’accompagnement social des personnes
placées sous main de justice. Loin d’abandonner leur rôle en matière
d’insertion (ou de réinsertion) des condamnés, ils ont développé des
partenariats avec des acteurs publics ou associatifs.
1 -
Un effort de clarification des missions confiées aux divers
partenaires
Cinq champs d’action peuvent être mentionnés : les activités
socioculturelles et sportives, la formation professionnelle, l’insertion
professionnelle, l’accès aux droits sociaux et l’hébergement.
a)
Une offre d’activités socioculturelles
de plus en plus « externalisée »
Alors que les articles D.440, D.441 et D.459-1 du code de
procédure pénale leur confient le soin de développer une offre d’activités
sportives, culturelles et socioculturelles, un certain nombre d’entre eux
(Essonne, Seine-et-Marne, Val-de-Marne) choisissent de confier leur
maîtrise d’ouvrage à des partenaires extérieurs (par le biais de
conventions de partenariat) ou de recourir à des vacataires pour
coordonner leurs actions (Somme, Essonne), afin de concentrer leurs
personnels permanents sur leur « coeur de métier ».
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113
Ces démarches, qui s’inscrivent dans la logique de la circulaire de
mars 2008, sont pour l’instant facilitées par l’omniprésence, voire, dans
certains cas, la concurrence, des associations socioculturelles (ex : Fleury-
Mérogis avant 2007
66
). La contribution de ces dernières au financement
des activités socioculturelles est bien souvent loin d’être négligeable ; elle
représentait ainsi 25% de l’offre proposée en 2007 aux détenus de la
DISP de Paris (28% pour l’Ile de France et 13% dans le Centre).
Dès lors, indépendamment des critiques portées par la Cour sur les
modalités de fonctionnement de ces associations, le tarissement annoncé
de leur financement par le biais des locations de téléviseurs, sous l’effet
notamment du nouveau marché de gestion déléguée (qui confie cette
compétence aux opérateurs privés), soulève une question qu’il convient
de ne pas sous-estimer dans le fonctionnement des SPIP et qui risque de
peser sur leurs marges de manoeuvre
b)
Vers la décentralisation de la formation professionnelle
des détenus
Actuellement, l’administration pénitentiaire (les SPIP en liaison
avec les chefs d’établissement, et depuis la circulaire de mars 2008, les
référents locaux de « formation professionnelle » des établissements en
collaboration avec les SPIP) est chargée de définir le contenu de la
formation des détenus. Dans les faits, la DISP laisse parfois le soin à la
direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation
professionnelle de piloter l’ensemble de l’opération, à travers le
lancement d’un marché d’appel d’offres (DISP de Marseille pour les
détenus de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur).
Par ailleurs, à la différence de la formation professionnelle
dispensée dans les établissements en gestion déléguée qui est financée à
100% par l’administration pénitentiaire (pour 19,5 M€ en 2008), la
formation dispensée dans les établissements publics donne lieu à des
66) Ce fut notamment le cas jusqu’en 2007 entre le SPIP de l’Essonne et l’association
de soutien des activités socioculturelles et sportives de la maison d’arrêt de Fleury-
Mérogis (ASSODAS), qui mettait en place sa propre programmation culturelle sans la
validation du SPIP, ce qui entraînait un problème d’occupation des salles. Leurs
relations se sont toutefois considérablement améliorées en 2007 avec la signature
d’une
convention
tripartite
entre
l’établissement,
le
SPIP
et
l’ASSODAS.
L’ASSODAS finance désormais plus de la moitié des actions du SPIP en la matière
(180 000 € en 2008 contre 145 000 € pour l’administration pénitentiaire).
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cofinancements (à hauteur de 21 M€ en 20008)
67
. Or, les crédits de la
DGEFP et du FSE ont connu ces dernières années une diminution
sensible en volume dans certaines DISP. Face à ces baisses de
financement, les DISP se sont efforcées de maintenir leur propre effort et
ont sollicité parallèlement d’autres sources de financement. Plusieurs
conseils régionaux se sont ainsi associés à la prise en charge de la
formation professionnelle des détenus.
Dans ce contexte de gestion complexe, mais aussi d’attrition des
crédits consacrés à cette fonction, l’Etat a engagé en 2007 des travaux
avec l’Association des régions de France afin de transférer aux régions, à
titre expérimental, l’organisation et le financement des actions de
formation professionnelle en direction des détenus.
L’expérimentation, qui trouve son fondement juridique dans
l’article 9 de la loi pénitentiaire, doit rentrer en vigueur au 1
er
janvier
2011, pour une durée de trois ans. Quatre régions se sont portées
volontaires pour intégrer le dispositif : l’Aquitaine, la Basse-Normandie,
les Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les crédits de la
DGEFP (IRILL et rémunérations des stagiaires) seront transférés aux
régions expérimentatrices sur la base de la moyenne des 3 années
précédant le transfert (2006-2007-2008) – cette méthode de calcul permet
d’atténuer pour les régions l’effet des fortes diminutions de crédits dont a
fait l’objet l’IRILL en 2007 notamment. De même, la DAP transférera
aux régions les crédits dédiés à la formation professionnelle dans le cadre
des marchés des établissements en gestion déléguée. En revanche, les
crédits du FSE resteront gérés par l’Etat. De même, les crédits gérés
jusqu’en 2008 par l’AFPA n’auront pas vocation à être transférés aux
régions.
Cette expérimentation présente l’avantage de rapprocher les
détenus d’un traitement de droit commun et simplifier les modalités de
financement de la formation professionnelle en milieu fermé. Si elle
s’avère probante, elle impliquera toutefois une adaptation des dispositions
réglementaire en vigueur.
67) 36% (soit 7,6 M€) ont été pris en charge par le programme « Insertion, réinsertion
et lutte contre l’illettrisme » (IRILL) qui est géré par la direction générale de l’emploi
et de la formation professionnelle (DGEFP), 30% par les crédits du fonds social
européen (FSE - 6,3 M€), 16% par la DAP (3,3 M€), 12% par le « programme
d’activité de service public » géré par l’Association pour la formation professionnelle
des adultes (AFPA – 2,5 M€), 3% par les conseils régionaux (0,6 M€ en 2008) et les
3% par d’autres acteurs. A ces crédits s’ajoutent également le dispositif de
rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, financé par la DGEFP et
géré par l’Agence de Services et de Paiement (ex-CNASEA), pour un total de 9,4 M€
en 2008.
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DE LA RECIDIVE
115
c)
Le développement d’une politique partenariale volontariste en
matière d’insertion professionnelle
Depuis 2006, l’administration pénitentiaire s’efforce de faire entrer
des acteurs emblématiques de l’emploi dans le monde de la détention.
Plusieurs conventions de partenariat sont ainsi venu concrétiser
l’intention de créer des passerelles « dedans / dehors » (partenariat avec
des partenaires institutionnels - Agence nationale pour l’emploi -ANPE,
missions locales – et des entreprises - MEDEF, SNCF, Voies navigables
de France, etc.).
Le bilan tiré du partenariat avec l’ANPE apparaît globalement
positif. En effet, 21% des 72 065 personnes condamnées libérées en fin
de peine ou en aménagement de peine en 2008 ont bénéficié d’un
entretien et d’un diagnostic professionnels avec un correspondant ANPE /
Justice, faisant le bilan de ses acquis antérieurs et identifiant les éventuels
freins à la reprise d’emploi (situation personnelle et pénale). Un quart des
personnes suivies dans ce cadre ont pu ainsi obtenir une solution directe
d’insertion professionnelle au moment de leur sortie définitive de
détention ou dans le cadre d’un aménagement de peine. Des progrès sont
toutefois encore à espérer dans certaines régions où les taux de prise en
charge restent modérés (7,3% en Ile-de-France, 10,8 % dans le Centre et
13% en Guyane). Par ailleurs, plusieurs SPIP (Val de Marne notamment)
font état, depuis le début de l’année 2009, d’une dégradation de la
prestation assurée par le nouvel opérateur « Pôle Emploi
» (permanences
non-assurées, manque de communication avec les agents du SPIP). La
signature de la nouvelle convention-cadre entre Pôle Emploi et la
DAP devrait permettre de stabiliser peu à peu la situation.
A l’inverse, la coopération entre l’administration pénitentiaire et
les missions locales présente encore des marges de progrès significatives.
En effet, à l’exception de l’expérimentation engagée dans six
départements dans le cadre des contrats d’insertion dans la vie sociale
(CIVIS) Justice (voir encadré), l’accompagnement socioprofessionnel des
jeunes condamnés (18-25 ans) relève encore principalement d’initiatives
locales.
Il
souffre
également
de
plusieurs
freins
inhérents
au
fonctionnement des missions locales : les conseillers sont exclusivement
habilités à intervenir auprès des jeunes de leur département, ce qui pose
souvent problème dans les gros établissements franciliens dont la
population pénale vient de plusieurs départements ; il n’existe pas de
réseau identifié de référents justice dans ces missions locales, ce qui rend
aléatoire le lien entre la prise en charge en détention et après la libération.
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L’expérimentation CIVIS Justice
Mis en place suite au Comité Interministériel des Villes du 9 mars
2006, le dispositif du contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS) Justice
s’appuie sur la création de 26 postes de « référents-justice » rattachés à 33
missions locales, pour un budget de 1,2 millions d’euros.
Expérimenté dans les 6 départements dotés d’un Préfet égalité des
chances (Bouches du Rhône, Essonne, Nord, Rhône, Seine Saint-Denis, Val
d’Oise), il a pour objectif de proposer un accompagnement particulier aux
jeunes placés sous main de justice, âgés de 16 à 25 ans.
L’efficacité du dispositif est encore difficile à établir. Dans une
évaluation diffusée en mars 2009, un cabinet indépendant (
Pluricité
) a estimé
que sa plus-value tenait aux moyens humains supplémentaires dédiés à
l’accompagnement des jeunes détenus et au renforcement des partenariats
entre SPIP et Mission locales. La faiblesse du dispositif résidait quant à elle
dans l’absence d’une « tête de réseau » dans certains départements pour
assurer la coordination entre les différentes missions locales associées à la
démarche (Val d’Oise, Seine-Saint-Denis).
A contrario
, la présence d’une
équipe interdépartementale sur le site de Fleury-Mérogis a globalement porté
ses fruits ; en 2007-2008, 64% des jeunes signalés par le SPIP de l’Essonne à
des conseillers de mission locale avaient effectivement signé un CIVIS (soit
270 contrats signés). Sur les 270 signataires, 42 étaient sortis de prison à l’été
2009 ; parmi eux, 30 contrats avaient débouché sur une « sortie positive »,
c’est-à-dire sur un contrat à durée déterminée de plus de six mois ou sur un
contrat à durée indéterminée.
La question de la généralisation du dispositif est aujourd’hui posée ;
elle butte toutefois sur la question de son financement.
Enfin, toujours dans cette logique consistant à développer
l’insertion des personnes placées sous main de justice par l’activité
économique, l’administration pénitentiaire a mis sur pied des ateliers de
retour à l’autonomie professionnelle et à l’emploi, cofinancés par le
programme européen EQUAL (Marseille, Argentan). Ces ateliers
constituent un début de réponse à la critique formulée par la Cour selon
laquelle
travail
et
formation
professionnelle
sont
souvent
trop
déconnectés en détention.
Au final, tout en soulignant le caractère encore souvent
exploratoire de ces démarches, la Cour relève l’intérêt de ces partenariats
consistant à faire entrer des professionnels de la réinsertion dans le monde
carcéral et éviter ainsi les ruptures de chaîne entre les actions engagées en
détention et
à la sortie de prison. Il reste cependant à améliorer la prise
en charge des jeunes détenus.
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117
d)
La prise en charge des bénéficiaires d’aménagements de peine par
les opérateurs habituels du champ social
Comme d’autres publics fragiles, la population pénale se heurte
encore souvent à des difficultés d’accès aux droits (accès aux prestations
d’assurance maladie et aux minima sociaux). Ces difficultés sont, dans la
plupart des cas, dues à l’interprétation qu’ont les partenaires de la DAP
des aménagements de peine. Ainsi, certains conseils généraux invoquent
le statut de personne placée sous écrou pour contester le droit au revenu
de solidarité active des porteurs de bracelets électroniques. La DAP a
donc engagé au printemps 2009 des échanges avec l’Association des
départements de France pour faire valoir l’éligibilité des bénéficiaires
d’aménagement de peine. Il arrive également que des caisses primaires
d’assurance maladie prennent appui sur ce même argument pour refuser
de prendre en charge le ticket modérateur et le forfait hospitalier associés
aux soins dont bénéficient les personnes en placement extérieur et les
laissent, ce faisant, à la charge de l’établissement pénitentiaire où elles
sont « écrouées » (i.e. où elles sont inscrites sur les registres d’écrou).
Dans ces hypothèses, les services pénitentiaires se trouvent donc
confrontés à une contradiction entre les informations contenues dans le
guide d’utilisation du placement extérieur, élaboré par la DAP (
cf. infra)
,
et les interprétations divergentes de certains acteurs locaux.
Dans ce contexte, la position consistant à sortir les personnes
bénéficiaires d’aménagements de peine sous écrou de la catégorie des
publics restant à la charge de l’Etat et donc à leur accorder un traitement
de « droit commun » devrait être clarifiée.
La DAP et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) ont
engagé des travaux afin de distinguer la notion de « placement sous
écrou » de celle de la « sortie de détention », et de favoriser une
application homogène sur le territoire du traitement applicable aux
bénéficiaires d’aménagement de peine. Ces évolutions normatives
devront être confirmées.
e)
Vers une meilleure anticipation des sorties de prison
Le rôle de l’administration pénitentiaire, et notamment des SPIP,
dans l’accompagnement des personnes détenues après la sortie de prison
n’est pas clairement établi.
Seul l’article D.544 du CPP ouvre la possibilité à toute personne,
pendant les 6 mois suivant sa date de libération, de bénéficier, à sa
demande, de l’aide du SPIP du lieu de sa résidence. Cette aide se
matérialise sous la forme de secours (numéraires ou non), qui transitent
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par les caisses des régies d’avances et de recettes des SPIP. L’attribution
de ces secours s’explique, bien souvent, par la faiblesse des ressources
dont disposent les détenus à leur sortie de prison. L’administration
pénitentiaire n’effectue malheureusement aucun suivi de cette mesure.
Or, la DAP estime à 5% la proportion d’anciens détenus sans
domicile fixe ou connu et à 10% la part d’anciens détenus confrontés à
une situation précaire de logement ou d’hébergement. Elle s’efforce donc
de développer des possibilités d’hébergement auprès de partenaires
associatifs. De même, les SPIP (Bouches-du-Rhône, Essonne, Haut-Rhin)
multiplient au niveau local les conventions de partenariat avec des
structures d’accueil afin de disposer de manière régulière, moyennant
versement d’un prix de journée, d’un stock de chambres pour les sortants
de prison sans solution d’hébergement. Le coût global de ces opérations
n’est pas connu et pose de surcroît la question de leur légitimité puisque
les sortants de prison relèvent strictement du droit commun.
Dans la même logique, la circulaire du 10 mars 2010 relative à la
prévention de l’errance à la sortie des établissements pénitentiaires
privilégie l’accès des personnes libérées à des logements de droit
commun plutôt qu’à des hébergements d’urgence.
Dans ce contexte, il importe de clarifier le rôle des SPIP vis-à-vis
des sortants de prison (aide à la recherche de logement, partenariats avec
les organismes HLM, distribution de secours matériels, etc.), dans le
contexte de la réforme de leur organisation et de leurs procédures.
2 -
Les partenaires de l’administration pénitentiaire
A l’appui de sa démarche consistant à associer un solide réseau de
partenaires à ses fonctions d’accompagnement social des personnes
placées sous main de justice, l’administration pénitentiaire a développé,
ces dernières années, une stratégie de cofinancements, dont l’effet de
levier n’est pas négligeable.
Entre 2005 et 2008, le montant des subventions accordées par la
DAP à ses partenaires associatifs a progressé de +38,4%, pour atteindre
4,253 M€ en 2008, répartis entre 614 associations. 16,5% de ces crédits
ont été répartis par l’administration centrale entre les associations
présentant une dimension nationale (GENEPI, Association nationale des
visiteurs de prison, CIMADE, Courrier de Bovet, Croix Rouge, FNARS,
SIDACTION, AUXILIA, CLIP, etc.) et le reste a été réparti par les DISP
ou les SPIP aux associations d’ampleur locale. Les crédits consacrés à ces
subventions en 2009 ont atteint 4,83 M€. Depuis une dizaine d’années la
répartition des crédits a fait l’objet d’un véritable effort de rationalisation
(mise en place de conventions pluriannuelles d'objectifs avec les
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DE LA RECIDIVE
119
associations
les
plus
importantes,
organisation
de
commissions
d’attribution des subventions par la DISP de Strasbourg, recensement des
subventions versées par les SPIP et la DISP à Paris, Lille et Marseille,
etc.)
Plusieurs marges de progrès subsistent toutefois dans l’attribution
de ces subventions. En premier lieu, le conventionnement de ces
partenaires pourrait être développé. En effet, près de 53 % du total des
subventions versées en 2008 échappaient à une convention. Dans les
DISP de Lyon, Strasbourg et Dijon, notamment, moins d’un partenaire
sur cinq relève d’une relation conventionnelle.
Par ailleurs, le volume de subventions attribuées par la DAP à
chaque DISP, ramené au nombre des personnes suivies en milieu ouvert
et fermé, varie de manière significative. Ainsi, tandis que la mission
outre-mer concentrait 15% du total des subventions versées au niveau
national en 2008, pour seulement 7,3% de la population carcérale et 2,5%
des personnes suivies en milieu ouvert - ce que la DAP justifie par la
carence des solutions institutionnelles classiques, la DISP de Marseille
recevait 5,6% des crédits d’intervention pour 12% de la population
écrouée.
Sans viser à une totale proportionnalité entre les crédits
d’intervention consacrés à chaque DISP et la population pénale dont elle
a la charge, la DAP pourrait néanmoins clarifier, voire définir les règles
de répartition de ces crédits.
Enfin, l’administration centrale n’a pas une vision précise de la
situation de ses partenaires « locaux ». Elle n’est notamment pas en
mesure d’identifier l’existence de subventions multiples accordées à une
même association sur les crédits du programme 107, ni d’apprécier les
conditions
de
renouvellement
et
d’évaluation
de
ces
relations
partenariales « déconcentrées ». Les SPIP procèdent, en effet, selon des
méthodes variées (selon les sites et les thématiques couvertes), à
l'évaluation quantitative, qualitative et financière du travail de réinsertion
des partenaires.
La DAP pourrait élaborer un guide d’évaluation des partenariats
subventionnés
en
s’inspirant
notamment
des
grilles
d’évaluation
proposées dans le cadre du placement extérieur.
Si elle admet ne pas avoir de stratégie d’ensemble vis-à-vis des
partenaires associatifs, ni de vision précise sur les crédits globalement
consacré à la réinsertion
68
, ses services déconcentrés ont recours de
68) A l’exception des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance
(FIPD) que la DAP suit particulièrement.
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manière croissante aux cofinancements de leur action en faveur des
personnes
placées
sous
main
de
justice.
Plusieurs
sources
de
cofinancements apparaissent ainsi dans les documents budgétaires des
SPIP (financements européens, contrat Etat / régions, conseils généraux,
communes, crédits « politique de la ville ») et parfois pour une part
importante (dans les Bouches-du-Rhône, le SPIP n’a couvert en 2009 que
18% du financement).
En dépit de la difficulté à identifier le volume d’ensemble de ces
cofinancements, on peut toutefois estimer qu’un véritable effet de levier
des crédits d’intervention de l’administration pénitentiaire en matière
d’insertion existe ; un euro dépensé par l’administration pénitentiaire
donne en effet lieu à la mobilisation complémentaire des partenaires du
ministère de la justice, pour pas moins de 50% des crédits déployés par
l’institution
69
.
III
-
Un pilotage encore timide de l’action des SPIP
A la suite du rapport de l’IGSJ en 2006 qui a mis en lumière le
déficit d’animation dont souffraient les SPIP, l’administration centrale a
adapté, ces dernières années, l’organisation de la sous-direction chargée
des personnes placées sous main de justice avec :
- la création en 2007 d’une mission chargée d’accompagner la
montée en puissance des aménagements de peine et le placement sous
surveillance électronique mobile (la « MAPSE ») ;
- la restructuration en 2009 de l’ex-bureau des études, de la
prospective et des méthodes en deux nouvelles structures : le bureau des
orientations, du suivi et de l’évaluation de l’activité des SPIP, chargé du
pilotage des SPIP, et le bureau des études et de la prospective.
La modernisation engagée par l’administration centrale doit
maintenant se poursuivre au niveau des directions interrégionales. En
effet, le pilotage des SPIP peut varier sensiblement d’une DISP à l’autre.
Ainsi, si la DISP de Paris est apparue comme très engagée dans
l’élaboration du budget des SPIP et dans le pilotage de certaines
politiques d’envergure régionale, celle de Marseille est en revanche
apparue comme encore très en retrait sur la plupart des sujets.
69) A lui seul, le FIPD (2,9 M€) a permis d’augmenter de 40,6% les crédits
d’intervention consacrés par la DAP en 2008 à l’insertion et à la lutte contre la
récidive.
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LES ACTEURS DE LA POLITIQUE DE PREVENTION
DE LA RECIDIVE
121
Face à ce constat, deux groupes de travail ont été mis en place en
2009 : l’un sur l’organigramme des directions interrégionales pour le
suivi de l’action des SPIP et l’autre sur les critères d’allocation des
moyens budgétaires des SPIP et les indicateurs de suivi de leur action par
les DISP. Le premier a consacré en mars 2010 le rôle de l’adjoint au
DISP dans la coordination du travail des SPIP et des départements en
charge de l’insertion et de la probation, et de la sécurité et de la détention
au niveau interrégional.
*
Le succès de ces préconisations et la qualité du pilotage des SPIP
qui en découlera devraient en tout état de cause conditionner l’efficacité à
l’avenir de l’action du service pénitentiaire en matière de lutte contre la
récidive.
__________________
RECOMMANDATIONS
_________________
-
Répartir les effectifs et les crédits de fonctionnement des SPIP
sur une base claire et normalisée, précisée dans les documents
budgétaires : dotation de base et schéma d’emploi adapté aux
actions menées dans le ressort de chacun d’eux ;
-
Adapter les dispositions réglementaires du code de procédure
pénale (CPP) aux nouvelles méthodes de travail des SPIP de
manière à garantir une certaine homogénéité des pratiques sur
le territoire ;
-
Définir les modalités d’articulation des SPIP et des chefs
d’établissement (mise en place d’une autorité fonctionnelle des
chefs d’établissements sur les agents des SPIP dans leur
établissement) ;
-
Développer les études portant sur la prévention de la récidive,
en s’appuyant notamment sur l’observatoire indépendant, visé
à l’article 7 de la loi pénitentiaire ;
-
Systématiser la coopération entre les missions locales et
l’administration
pénitentiaire
pour
améliorer
l’insertion
socioprofessionnelle des jeunes détenus ;
-
Accorder les prestations sociales de droit commun aux
bénéficiaires d’aménagement de peine.
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Cinquième partie :
Prévenir la récidive, du milieu ouvert
aux mesures de sûreté
La prévention de la récidive s’articule autour de trois logiques :
éviter ou atténuer les effets désocialisants de l’emprisonnement à travers
le développement de mesures alternatives à l’incarcération, préparer
activement la sortie et la réinsertion des personnes placées sous main de
justice, et enfin surveiller les personnes qui présentent un danger pour la
société au terme de leur peine.
I
-
Le développement des peines
en « milieu ouvert »
Les mesures de « milieu ouvert »
L’activité pénitentiaire s’articule autour du
milieu ouvert
, c’est-à-dire
du suivi des mesures alternatives à l’incarcération, et du
milieu fermé
, c’est-
à-dire de l’activité liée à la détention. Formellement, la ligne de partage
repose sur la notion de
« mise sous écrou »
. Relèvent ainsi du milieu fermé
les personnes ayant fait l’objet d’une inscription sur les registres d’écrou,
qu’elles soient détenues ou non dans un établissement pénitentiaire, et
relèvent du milieu ouvert les personnes condamnées qui n’y ont jamais été
inscrites ou qui ont bénéficié d’une « levée d’écrou ».
Les
aménagements de peine
se situent entre les deux univers ; ils
n’éteignent pas la peine d’emprisonnement à laquelle sont condamnés leurs
bénéficiaires – ces derniers restent donc placés sous écrou dans les registres
de leur établissement pénitentiaire de rattachement, mais leur permettent de
purger cette peine dans des conditions adaptées hors des murs de la prison ;
c’est la raison pour laquelle on les assimile parfois de manière extensive à
des mesures de milieu ouvert. La
libération conditionnelle
va plus loin
puisqu’elle donne lieu à la levée d’écrou. Les personnes qui en bénéficient
sont donc comptabilisées par l’administration pénitentiaire comme relevant
du milieu ouvert au sens strict.
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124
COUR DES COMPTES
A - Le paradoxe du milieu ouvert : une activité
quantitativement prépondérante, mais qualitativement
négligée
1 -
La place prépondérante du milieu ouvert
Le milieu ouvert au sens strict, en nombre de personnes
concernées, occupe une place prépondérante dans l’activité pénitentiaire ;
en effet, le public pris en charge en milieu ouvert est, aujourd’hui, plus de
deux fois plus nombreux que celui des personnes placées sous écrou
(71,85% de la population pénale au 1
er
janvier 2010). Le nombre de
mesures suivies en milieu ouvert a par ailleurs progressé de 37,5% depuis
2004 (186 600 mesures suivies en 2010 contre 136 000 en 2004).
Cette augmentation s’explique par l’application des dispositions de
la loi du 9 mars 2004 dite « Perben II » et de
l
a loi n°2007-297 du 5 mars
2007 de prévention de la délinquance, qui ont conforté et élargi la
possibilité
donnée
aux
magistrats
de
prononcer
des
peines
correctionnelles
« à
la
place
de
l’emprisonnement » (stages
de
citoyenneté, nouvelles peines privatives ou restrictives de certaines
libertés,
travail
non-rémunéré,
sanction-réparation,
stages
de
sensibilisation à l’usage des produits stupéfiants et de responsabilité
parentale, etc.). Ces nouvelles mesures sont venues élargir le spectre des
mesures déjà suivies en milieu ouvert par les SPIP
70
.
La hausse des mesures suivies en milieu ouvert a surtout concerné
le travail d’intérêt général (TIG) et les sursis TIG (+53%), le sursis avec
mise à l’épreuve (+34%) et les mesures de libération conditionnelle
(+9%).
70) Pour mémoire, les mesures déjà suivies en milieu ouvert par les SPIP aux
différentes étapes de la procédure pénale étaient les suivantes : le contrôle
judiciaire pendant la phase d’instruction (présentencielle) ;
le sursis avec mise à
l’épreuve, le sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général au
moment du jugement, le travail d’intérêt général, la libération conditionnelle, le suivi-
socio judiciaire et l’ajournement avec mise à l’épreuve en phase post-sentencielle.
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Tableau 20 : Population suivie en milieu ouvert
champ : métropole et DOM
sources : statistiques semestrielles du milieu ouvert jusqu'au 1
er
janvier 2007 puis à partir du 1
er
janvier 2008 requête unique d'extraction APPI
Mesures alternatives
aux poursuites
et pré-sentencielles
Mesures post-sentencielles
au
1
er
janvier
Ensemble
des
personnes
suivies en
milieu
ouvert
Travail
non
rémunéré
Contrôles
Judiciaires
Sursis
avec mise
à
l'épreuve
Travail d'intérêt
général (TIG)
et sursis TIG
Libérations
condition--
nelles
Suivis
socio-
judiciaires
Interdic--
tions de
séjour
Ajourn--
ements
avec mises
à l'épreuve
Autres
Ensemble des
mesures suivies
en milieu
ouvert
mesures/
personnes
2004**
n.d
n.d.
4 073
105 247
17 990
6 428
n.d
1 359
442
182
135 721
n.d.
2006
146 567
1216
3 907
120 676
24 260
8 169
1165
1 107
476
8
160 984
1,10
2007
142 285
1643
3 692
117 225
23 938
6 870
1912
806
269
180
156 535
1,10
2008*
148 077
2111
3 841
121 700
24 502
6 581
2713
784
259
0
162 491
1,10
2009*
159 232
1884
3 675
132 726
24 838
7 009
3355
774
290
0
174 551
1,10
2010
168 671
2 428
3 697
141 156
27 501
7 023
3 889
717
189
0
186 600
1,11
Evolution
2004 - 2010
n.d.
n.d.
-9,2 %
34,1 %
52,9 %
9,3 %
n.d.
-47,2 %
-57,2 %
37,5 %
n.d.
* Données issue de l'extraction APPI ne comptabilisant pas les surveillances judiciaires, suspensions de peine pour raison médicales et stages de citoyenneté. Ces
données seront prochainement intégrées dans l'application APPI.
** Données extraites du rapport de la Cour des comptes de 2006, p. 109-110
Source : Direction de l’administration pénitentiaire – PMJ 5
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126
COUR DES COMPTES
2 -
Un suivi qualitatif encore négligé
Depuis 2006, l’évaluation de l’effectivité de la prise en charge par
les SPIP des mesures alternatives à l’incarcération n’a guère progressé.
L’administration pénitentiaire continue en effet de traiter l’activité de ses
services en « milieu ouvert » sous un angle principalement quantitatif (
cf.
la mise en place en 2009 d’un « tableau de bord de l’insertion », alimenté
par les SPIP).
Le suivi quantitatif de l’activité des SPIP en milieu ouvert soulève
cependant certaines réserves d’ordre méthodologique. La confrontation
des différentes données disponibles sur le milieu ouvert, à savoir celles
consignées dans l’application APPI
71
et celles inscrites au casier
judiciaire, montre tout d’abord que le champ d’action des SPIP ne couvre
pas toutes les mesures de milieu ouvert prononcées par les juridictions.
En outre, les données contenues dans APPI, s’agissant du nombre de
mesures suivies en milieu ouvert par les SPIP, semblent manquer de
fiabilité. La DAP explique ce point par l’appropriation encore inégale
d’APPI par les SPIP et par les défaillances manifestes de l’infocentre.
Elle l’explique également par les difficultés d’articulation que rencontrent
parfois les SPIP et les greffes des juges d’application des peines (JAP)
dans le traitement informatique des mesures et dans l’archivage des
mesures « terminées ». Il en résulte une difficulté à distinguer dans les
statistiques ce qui relève de la responsabilité du SPIP et de celle du JAP.
Ces éléments plaident dès lors pour la fiabilisation des données
saisies dans APPI, la consolidation rapide de son infocentre - la DAP
prévoit de le livrer aux services courant 2010 – et la formalisation des
relations entre les SPIP et les services d’application pénale, afin
d’optimiser leur utilisation partagée de l’application APPI.
Au-delà de ces réserves sur le suivi quantitatif des mesures en
milieu ouvert, il convient surtout d’examiner le suivi de leur mise en
oeuvre effective par les SPIP, particulièrement pour les deux principales
mesures suivies : le sursis avec mise à l’épreuve (SME), qui représentait
plus des trois-quarts des mesures de milieu ouvert au 1
er
janvier 2010, et
le travail d’intérêt général (TIG), qui arrivait en deuxième position (avec
14,7% des mesures de milieu ouvert).
71) Application des Peines Probation et Insertion
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SURETE
127
a)
Le suivi du sursis avec mise à l’épreuve est encore embryonnaire
Comme le recommandait la Cour, l’administration pénitentiaire
s’est efforcée depuis 2006 de mettre en place un suivi plus qualitatif de la
prise en charge des personnes placées sous main de justice en milieu
ouvert. Pour ce faire, elle s’est fixée, dans le projet annuel de
performance pour 2007, l’objectif d’« améliorer la qualité de la prise en
charge du condamné en milieu ouvert », cet objectif devant se traduire par
un « pourcentage de personnes condamnées à un sursis avec mise à
l’épreuve de 36 mois ayant respecté l’obligation enjointe » (indicateur 6.1
dans le PAP 2010). La DAP a donc choisi d’apprécier l’efficacité de ses
services en milieu ouvert par la mesure de l’assiduité des condamnés dans
le suivi des obligations qui leur sont imposées, en l’occurrence de
l’obligation d’indemniser les parties civiles.
Au-delà des lacunes observées dans le recensement de cet
indicateur, il ne saurait cependant suffire à mesurer la qualité du travail
des SPIP. En effet, si certaines obligations dépendent principalement de
leur suivi assidu, d’autres sont conditionnées par des facteurs externes à
l’univers pénitentiaire, par exemple l’exécution des injonctions de soins
qui est fonction du nombre de « médecins coordonnateurs ». De
nouveaux indicateurs sont à l’étude dans ce cadre, notamment en matière
de réalisation des enquêtes de l’article 723-15 du CPP.
Constatant la difficulté à mesurer l’efficacité des SPIP en milieu
ouvert, et donc sa capacité à les piloter, la DAP a lancé en septembre
2008 une étude sur les modes de prise en charge des personnes
condamnées à un SME. Ces travaux, qui devraient aboutir en 2010,
permettraient de dresser non seulement un état des lieux et des pratiques,
mais aussi de dégager des perspectives d’évolution.
Parallèlement,
la
réorganisation
du
travail
des
SPIP
en
« segments » consistant à adapter les modalités de prise en charge des
personnes suivies à leur profil criminologique devrait également
contribuer à améliorer la qualité de prise en charge des personnes relevant
du SME. Ainsi, les personnes relevant du « premier segment » (c’est-à-
dire ne présentant pas d’enjeu éducatif) seront placées, à titre
expérimental, à partir d’avril 2010, sous le contrôle de personnels de
surveillance affectés dans des SPIP.
Dans ce contexte, il importe que la DAP pilote davantage l’action
de ses services en matière de prise en charge des condamnés bénéficiant
d’une mesure alternative à l’incarcération, notamment d’un SME.
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COUR DES COMPTES
Pour ce faire, elle pourrait, par exemple, transformer son « tableau
de bord de l’insertion » en un outil de suivi du SME. A l’instar des
analyses effectuées sur la détention et les aménagements de peine dans le
cadre de ces tableaux de bord mensuels, des rubriques pourraient être
développées
sur
le
profil
socioprofessionnel
des
condamnés
à
l’enfermement avec SME, sur le type d’infractions les ayant conduit à
une condamnation, sur la durée moyenne du SME, sur le taux d’exécution
des obligations les plus fréquemment imposées aux condamnés
(indemnisation des parties civiles, injonctions de soins, etc.), sur le
nombre moyen
d’entretiens accordés par les personnels d’insertion et de
probation aux condamnés arrivés en bout de peine (moyenne nationale et
par DISP, éventuellement selon différents quantums de peines), sur les
taux d’incidents et sur les révocations prononcées par les JAP, etc.
Enfin, au-delà des prises en charge par les SPIP, le secrétariat
général du ministère de la justice devra s’assurer de la diffusion et du
respect, par les « collaborateurs occasionnels de service public » chargés
par les juges du suivi du SME, du
Référentiel de bonnes pratiques
élaboré
par la DAP.
b)
Les freins au développement du travail d’intérêt général
S’agissant, en second lieu, du travail d’intérêt général (TIG), dont
le stock s’est stabilisé autour de 25 000 mesures entre 2006 et 2009 –
avant de repartir à la hausse depuis, plusieurs facteurs de blocage
subsistent
en
dépit
des
efforts
faits
pour
mieux
connaître
et
professionnaliser la pratique des SPIP en la matière.
Dans le fil des recommandations de la Cour, l’administration
pénitentiaire s’est efforcée ces dernières années de développer des
partenariats en matière de TIG, sur la base des dispositions de la loi du 5
mars 2007 relative à la prévention de la délinquance qui lui a permis de
passer des conventions avec des organismes tels que la SNCF ou Voies
navigables de France. Elle a également élaboré avec d’autres directions
du ministère (la direction des affaires criminelles et des grâces, la
direction de la protection judiciaire de la jeunesse et la direction des
services judiciaires) un guide pratique à destination de tous les acteurs
impliqués dans la mise en oeuvre de cette mesure. La quasi-totalité des
SPIP semble en outre avoir développé une activité de prospection de
nouveaux partenaires de TIG. Enfin, une enquête réalisée fin 2007 auprès
des SPIP a permis de montrer que, pour fidéliser leurs partenaires, près de
15% des SPIP versaient des subventions à leurs associations partenaires.
Plusieurs obstacles viennent freiner la démarche de développement
des partenariats en matière de TIG :
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SURETE
129
-
la localisation des postes - souvent concentrés sur un périmètre
géographique restreint ;
-
la contribution inégale des collectivités territoriales dans la mise en
oeuvre de cette mesure
72
;
-
la difficulté à assurer une mobilisation constante des partenaires
dans le temps, qui peuvent s’avérer sélectifs dans les profils de
« tigistes » qu’ils accueillent ou peuvent céder à un phénomène
d’usure ;
-
la carence des postes ouverts en fin de semaine ;
-
les délais d’habilitation par les JAP, parfois jugés comme
décourageants dans certains départements.
En définitive, il serait utile, dans ce contexte particulièrement
contraint, que la DAP évalue davantage l’efficacité de son action en la
matière. Il serait notamment intéressant qu’elle quantifie les délais de prise
en charge et le taux d’exécution des mesures de TIG au niveau national, et
qu’elle fixe un objectif de performance à chaque SPIP, dans le cadre du
dialogue de gestion DISP-SPIP.
B - Le développement des procédures
d’aménagement de peine
La loi Perben II a donné de nouveaux moyens à l’administration
pénitentiaire pour développer les aménagements de peine, aussi bien au
moment du jugement (i.e. avant d’exécuter la peine) qu’en cours ou en fin
de la peine.
Dans le premier cas, l’objectif poursuivi visait à éviter les
incarcérations courtes et leurs effets désocialisants sur la personne, à
travers, d’une part, la possibilité d’aménager dès le jugement («
ab
initio »
) les peines de prison inférieures à un an en placement extérieur et
placement sous surveillance électronique, d’autre part, à travers la
convocation systématique par le juge d’application des peines (JAP) des
personnes condamnées au même quantum de peine, afin d’envisager, dans
un délai de quatre mois, un aménagement de leur peine avant le début de
son exécution (en vertu de l’article 723-15 du CPP).
72) L’article 98 de la loi pénitentiaire introduit à cet égard une réponse intéressante à
cette contrainte ; il rend éligibles au fonds interministériel de prévention de la
délinquance les collectivités locales et les personnes morales de droit privé chargées
d’une mission de service public qui proposent des travaux d'intérêt général à des
personnes condamnées. Il importe de mettre rapidement en oeuvre cette disposition
législative.
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COUR DES COMPTES
Dans le second cas, il s’agissait d’atténuer les risques de récidive
encourus en cas de « sorties sèches » par l’introduction d’une « nouvelle
procédure d’application des peines » (NPAP), également appelée « sas de
sortie », qui confie au directeur du SPIP le soin de proposer au JAP une
remise en liberté progressive des personnes auxquelles il ne reste que
trois à six mois à subir, par le biais d’un placement extérieur, d’une semi-
liberté ou d’un PSE (art. 723-20 et suivants du CPP).
1 -
Le succès relatif des aménagements de peine
Le succès quantitatif du déploiement des aménagements de peine
masque toutefois une connaissance encore approximative du rôle des
SPIP dans ce succès et un nombre encore majoritaire de « sorties
sèches ».
a)
Le succès numérique des aménagements de peine
Depuis le 1
er
janvier 2002, les aménagements de peine ont connu
un développement rapide (+94,2%), qui s’explique pour l’essentiel par
l’essor considérable des aménagements de peine sous écrou (à savoir le
placement sous surveillance électronique, le placement extérieur et la
semi-liberté) - ces dernières formules ayant quintuplé entre le 1
er
janvier
2002 et le 1
er
janvier 2010 (
cf.
tableau n°21).
La proportion de bénéficiaires d’un aménagement de peine sous
écrou dans le total des condamnés sous écrou – que l’administration
qualifie d’ailleurs parfois de « taux d’aménagement des peines » –
est en
hausse constante depuis 2005. Elle est ainsi passée de 6,2% au 1
er
janvier
2005 à 14,4% au 1
er
janvier 2010. Dans ce total, le placement sous
surveillance électronique (PSE) a connu l’augmentation la plus
importante, puisqu’elle a été multipliée par six sur la période, de 709
bracelets activés au 1
er
janvier 2005 à 4 489 au 1
er
janvier 2010. Le
nombre de mesures de semi-liberté et de placement extérieur prononcées
a également connu une augmentation, mais selon un rythme plus modéré
(soit des hausses respectives du nombre de mesures en cours de
+ 40% et +125% entre le 1
er
janvier 2005 et le 1
er
janvier 2010).
On notera que l’évolution des mesures d’aménagement de peine
sous écrou ne s’est pas faite au détriment de la libération conditionnelle,
dont le volume a progressé de 8% entre le 1
er
janvier 2005 et le 1
er
janvier
2010 et représentait encore 49% des aménagements de peine en cours
d’exécution à cette date (hors réductions et suspensions de peine).
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Tableau 21 : Evolution du nombre de bénéficiaires d’aménagement de peine depuis 2002 (stocks au 1
er
janvier de chaque exercice)
Données : DAP / MAPSE – extractions GIDE et APPI – retraitement Cour des comptes
Date :
Au 1
er
janvier
PSE
PE
SL
Total des
aménagement
s de peine sous
écrou
Total des
condamnés sous
écrou (hébergés et
non hébergés)
%
des aménagements
de peine sous écrou
dans la population
sous écrou
LC
(hors
écrou)
Total des
aménagements
de peine
2002
23
533
910
1 466
n.d
-
5 904
7 370
2003
90
483
1 201
1 774
n.d
-
6 056
7 830
2004
304
512
1 225
2 041
n.d
-
6 428
8 469
2005
709
505
1 189
2 403
39 063
6,2
6 480
8 883
2006
871
525
1 221
2 617
39 790
6,6
8 169
10 786
2007
1 648
705
1 339
3 692
41 920
8,8
6 870
10 562
2008
2 506
805
1 632
4 943
47 206
10,5
6 581
11 524
2009
3 431
872
1 643
5 946
50 245
11,8
7 009
12 955
2010
4 489
1 138
1 665
7 292
50 694
14,4
7 023
14 315
Variation 2002/ 2010
x 195
+ 114%
+ 83%
+ 397 %
-
-
+ 19 %
+ 94 %
Variation 2005/ 2010
+ 533 %
+ 125%
+ 40 %
+ 203 %
+ 30 %
-
+ 8 %
+ 61 %
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132
COUR DES COMPTES
b)
Une production statistique perfectible
Le succès numérique des aménagements de peine, ces dernières
années, doit être analysé. La production statistique sur ce point présente
d’abord la particularité de ne porter que sur les aménagements sur
lesquels l’administration pénitentiaire exerce effectivement son contrôle.
Elle ne traduit donc pas la totalité des mesures en attente. Le retard pris
pour exécuter les peines et la part prise dans ce retard par les SPIP ne sont
donc pas immédiatement mesurables à travers l’outil statistique.
Une autre limite réside dans le fait que les données d’aménagement
de peine produites par l’administration pénitentiaire ne sont pas croisées
avec la population éligible, à l’exception notable des analyses produites
dans le cadre du « PSE fin de peine » qui ont fait l’objet d’un
recensement manuel (
cf. infra)
. Le « taux d’aménagement de peine »
mesuré par la DAP dans le cadre des documents annuels de performance
sous-évalue par conséquent la réalité des aménagements de peine
exécutés par rapport au nombre d’éligibles. Or la DAP se sert
actuellement de cette base imprécise pour fixer des objectifs de
progression chiffrés aux DISP, et par leur intermédiaire aux SPIP.
Certaines DISP, telles que celle de Lille par exemple, sont dès lors
contraintes de mettre en place des systèmes de taux « corrigés », afin de
tenir compte du fait qu’une partie conséquente de leur public sous écrou
n’est pas éligible à un aménagement de peine.
Pour lever tout risque de confusion, il convient de remplacer le
dénominateur de cet indicateur par le nombre de détenus éligibles à un
aménagement de peine. Pour ce faire, il faudra mener à bien le
développement de l’application GENESIS, qui doit remplacer à terme
l’application GIDE
73
et le fichier national des détenus.
En tout état de cause, la statistique actuelle des aménagements de
peine traduit davantage l’efficacité de l’articulation JAP-SPIP que le
travail de la seule administration pénitentiaire.
c)
Une connaissance encore approximative du rôle des SPIP dans le
déploiement des aménagements de peine
La Cour a mesuré le rôle des SPIP dans le déploiement des
aménagements de peine, en croisant les statistiques relatives au volume
d’enquêtes réalisées en 2007 et en 2008 par les SPIP avec les flux relatifs
aux aménagements de peine octroyés par les magistrats entre le 1
er
janvier
2006 et le 1
er
janvier 2009. Il apparaît ainsi que plus d’une enquête sur
73) Gestion informatisée des Détenus en Etablissement
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133
quatre menée par les SPIP dans le cadre de la procédure dite « 723-15 »
74
aboutit à une décision d’octroi d’un aménagement de peine au bénéfice de
« condamnés libres » : 9 862 aménagements octroyés préalablement à la
mise à exécution de la peine en 2008 pour 35 276 enquêtes réalisées dans
la cadre de la procédure 723-15 sur la même période, soit un taux de
28%.
La performance des SPIP en matière d’aménagements de peine
doit aussi s’apprécier au regard de leurs délais d’examen pour produire
une proposition. Sans que l’administration centrale ait pu fournir de
donnée, celles tirées des rapports d’activité de certains SPIP permettent
de se faire une idée de la situation. Dans les Yvelines par exemple, 10%
des procédures 723-15 n’ont donné lieu à aucune proposition
d’aménagement de peine en raison des délais de traitement du SPIP.
Ces analyses mériteraient d’être poursuivies par la DAP pour
mieux évaluer la « performance » intrinsèque des SPIP en matière
d’aménagement des peines ; il conviendrait notamment d’apprécier les
raisons pour lesquelles les propositions ne sont pas suivies. Ces
informations pourraient en effet donner matière à des thématiques
d’échanges avec les magistrats, dans le cadre des conférences
d’aménagement des peines, et permettraient éventuellement de dégager
des pistes de pilotage des SPIP.
d)
Une priorité donnée à éviter l’incarcération
Le croisement des aménagements de peine octroyés par les
magistrats et des enquêtes réalisées par les SPIP par types de procédures
permet en tout état de cause d’identifier le poids relatif qu’accordent les
magistrats et les SPIP aux différentes priorités fixées par la loi Perben II
aux dispositifs d’aménagement de peine. Ainsi, près des 2/3 des mesures
d’aménagement de peine octroyées par les juges visent à préparer la sortie
des condamnés incarcérés, en particulier sous forme de libération
conditionnelle. Si les mesures prononcées en « milieu fermé » restent
actuellement prépondérantes en nombre (16 941 en 2008 sur un total de
27 289), leur poids tend cependant à diminuer peu à peu sous l’effet de la
montée en charge progressive des mesures octroyées en « milieu ouvert »,
i.e.
avant l’exécution de la peine.
De même, on observe un accroissement sensible de la production
d’enquêtes réalisées ces dernières années en « milieu ouvert ». Les
74) Convocation systématique par le juge d’application des peines (JAP) des
personnes condamnées au même quantum de peine, afin d’envisager, dans un délai de
quatre mois, un aménagement de leur peine avant le début de son exécution.
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procédures de « milieu ouvert » représentent ainsi 87% des enquêtes
réalisées en 2008 par les SPIP (contre 79,4% en 2007). L’activité des
SPIP en matière d’aménagement de peine, dont l’objet consistait
initialement à contrôler et à accompagner les condamnés dans le cadre
d’une démarche probatoire à la libération, s’est donc fortement réorientée,
sous l’effet de la loi Perben II (et de la mise en place de la procédure dite
723-15). Elle vise désormais prioritairement à éviter l’effet désocialisant
de la prison.
e)
Le poids encore écrasant des « sorties sèches »
On observe d’ailleurs l’échec relatif de la « nouvelle procédure
d’application des peines » en raison de sa lourdeur, de la préférence des
JAP pour le débat contradictoire et des refus fréquents des condamnés qui
la jugent peu intéressante du fait de son intervention tardive dans le
parcours du détenu (3 ou 6 mois avant la fin de la peine).
Finalement, on aboutit à ce paradoxe que les plus fragiles
socialement et « criminologiquement », qui présentent souvent le plus
grand risque de récidive, se trouvent naturellement guidés vers le mode
de sortie de prison qui induit le plus grand risque de récidive (la sortie
sèche). A titre d’illustration, une enquête achevée en septembre 2008
dans le ressort de la Cour d’appel d’Amiens a montré que 65% des
condamnés libérés en 2005-2006 dans le ressort de cette cour d’appel
n’avaient bénéficié d’aucun aménagement de peine.
*
Le développement significatif des aménagements de peine depuis
l’adoption de la loi Perben II reste donc tempéré par un nombre encore
important de « sorties sèches ».
Il serait opportun à ce titre que l’administration pénitentiaire
s’efforce d’évaluer davantage l’efficacité de ses services dans la
préparation et le suivi de ces procédures. Si ce constat s’explique
principalement par la création encore récente d’une mission au sein de la
DAP en charge du suivi des aménagements de peine et d’un bureau en
charge plus particulièrement du suivi des SPIP, il conviendrait néanmoins
d’ajouter au canevas des rapports annuels d’activité des SPIP des
éléments sur l’effectivité de leur activité en la matière : taux de suivi des
propositions des SPIP par les JAP dans le cadre de la procédure « 723-
15 », taux d’aménagement des peines rapporté au nombre d’éligibles - et
non au nombre de personnes condamnées sous écrou, pourcentage
d’aménagements de peine octroyé au bénéfice de personnes libres / de
condamnés incarcérés, etc..
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Les futures commissions départementales de suivi de l’activité
pénitentiaire pourraient également se voir chargées de mesurer l’impact
de l’activité des SPIP dans la préparation et le suivi des mesures
d’aménagement de peine.
2 -
Les espoirs placés dans les aménagements de peine
Devant l’évolution particulièrement dynamique des aménagements
de peine ces dernières années, les travaux de la mission RGPP ont conduit
à miser sur le rôle qu’ils pourraient jouer dans la maîtrise de la population
carcérale.
Les aménagements de peine sont en effet apparus comme un
moyen de rendre compatibles les projections d’évolution de la population
pénale, évoquées en première partie de ce rapport, et les capacités
d’absorption limitée du parc immobilier pénitentiaire à l’horizon 2012. Il
fallait à cet effet utiliser tous les potentiels existants ou à venir (en
application de la loi pénitentiaire) pour élargir à 10 000 à 12 000
personnes supplémentaires le bénéfice des aménagements de peine.
Dans ce contexte, la mission RGPP a considéré qu’il fallait
« maximiser l’emploi des nouvelles technologies (bracelets électroniques)
chaque fois qu’il était justifié », dans la mesure où il présentait l’intérêt,
d’une part, de dégager des marges d’économies conséquentes (évaluées à
plus de 60 € par jour et par personne placée) par rapport au coût de la
détention, d’autre part, d’épargner à l’administration pénitentiaire la
construction de nouvelles places de prison.
Le choix effectué par la mission RGPP en faveur du placement
sous surveillance électronique (PSE) présente cependant un biais
puisqu’il exclut du raisonnement les gains tout aussi substantiels
qu’auraient pu générer d’autres dispositifs d’aménagement de peine (tels
que les libérations conditionnelles), et ce d’autant plus que, selon le
Conseil de l’Europe, la libération conditionnelle serait l’une des mesures
les plus efficaces pour prévenir la récidive et favoriser la réinsertion
sociale. Par ailleurs, il aurait été souhaitable de tenir compte dans cette
orientation du profil des 10 000 à 12 000 personnes supplémentaires « à
aménager », afin de vérifier que le PSE est adapté au public visé. La
mission RGPP n’a cependant produit aucune analyse de ce type en 2007
afin de corroborer son postulat « technologique » en faveur du PSE.
En réalité, ces réflexions ne sont intervenues que fin 2008, au
moment où la DAP cherchait à en mesurer la portée pratique. Les constats
présentés alors par le cabinet – qui avait rédigé les synthèses de la RGPP
un an auparavant – sont en fait plus nuancés ; ils font apparaître que
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l’intégration de profils plus lourds dans le dispositif devra conduire à la
révision des modalités de surveillance et de suivi des personnes placées.
En dépit de ces réserves, les aménagements de peine ont été
consacrés par la loi pénitentiaire qui en fait la clef de voûte de la politique
pénale d’exécution des peines (article 65). Plusieurs dispositions du texte
viennent
effectivement
assouplir
les
conditions
d’octroi
des
aménagements de peine aux différents stades de la procédure :
aménagements
ab initio
élargis à des peines de prison de deux ans,
systématisation du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence par
le biais d’un PSE (la détention provisoire devenant un régime
d’exception), extension à deux ans (contre un actuellement) de la durée
de la peine ou du reliquat de peine ouvrant droit à une mesure
d’aménagement de peine, rénovation de la « nouvelle procédure
d’application des peines », placement systématique des condamnés dont
la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à quatre mois
sous surveillance électronique (procédure dite de « PSE fin de peine »).
Les projections de l’administration montrent que la mise en oeuvre
de ces mesures devrait permettre une montée en puissance rapide des
effectifs bénéficiaires d’un aménagement de peine à l’horizon 2012.
L’adaptation des règles d’éligibilité à un aménagement de peine (reliquat
de deux ans et conduite d’un projet d’insertion) et la mise en oeuvre
systématique du PSE en fin de peine pourraient augmenter le potentiel
des bénéficiaires d’aménagement sous écrou en 2012 de près de 11 000
personnes (par rapport aux projections effectuées à droit constant). La
DAP table ainsi sur un triplement du stock d’aménagements de peine sous
écrou entre 2009 (5 946 personnes aménagées au 1
er
janvier 2009) et
2012 (20 741 aménagés), ce qui pourrait absorber le surcroît des
condamnations à des peines de prison sans que les condamnés soient
incarcérés.
*
Si rien ne permet de juger de la pertinence de ces estimations, il est
certain que la mise en oeuvre de ces orientations pèsera fortement sur
l’activité des SPIP.
La capacité de la DAP à mener de concert les deux objectifs
assignés aux aménagements de peine, réguler la surpopulation carcérale
et prévenir la récidive, dépendra des moyens qui seront alloués. Ceux qui
sont inscrits dans les lois de finances 2009 et 2010 et les marges de
productivité qui pourraient se dégager de la réforme des SPIP ne
devraient pas suffire à absorber le surplus d’activité, si l’on applique les
ratios d’équivalents temps plein (ETP) affectés en 2008 au suivi du PSE
aux projections de la DAP. Face à ce constat, les mesures contenues dans
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la loi pénitentiaire apparaissent dès lors davantage comme des modalités
automatiques d’exécution des peines par l’administration pénitentiaire,
que comme des aménagements de peine classiques décidés au cas par cas
par les juges.
En assignant deux objectifs à un même instrument, le ministère
court le risque de manquer celui relatif à la prévention de la récidive,
voire de n’en atteindre aucun.
Enfin, le rôle assigné aux aménagements de peine par la loi
pénitentiaire dans la régulation de la population carcérale est conditionné
par la capacité de l’institution judiciaire à augmenter sa « production ».
C’est pourquoi le secrétaire général du ministère a réuni en novembre
2008 un comité de pilotage autour de la problématique des aménagements
de peine, l’enjeu étant notamment de sensibiliser la direction des services
judiciaires à la nécessité de renforcer les services d’application des
peines. La Cour n’a pas connaissance de conclusions de ce groupe de
travail ni de mesures budgétaires prises sur ce point dans le cadre de la
loi de finances pour 2010.
Dès lors, il paraît aujourd’hui aléatoire d’affirmer que le volume
des aménagements de peine permettra d’ici 2012 de mieux mettre en
cohérence la politique pénale de prévention de la récidive et la
programmation immobilière des établissements pénitentiaires.
II
-
La préparation à la sortie : un défi à
poursuivre
La préparation à la sortie intervient à divers degrés du parcours
pénal des condamnés : en détention, l’administration pénitentiaire explore
de nouvelles pratiques d’accompagnement individuel et collectif ; en
milieu ouvert, le placement extérieur, la semi-liberté ou le placement sous
surveillance électronique se développent.
A - Le développement d’un arsenal de nouveaux
dispositifs d’accompagnement à la sortie en milieu
fermé
Dans le cadre de la mise en oeuvre des règles pénitentiaires
européennes (RPE), l’administration pénitentiaire a pris l’engagement en
2008 de permettre à toute personne condamnée de bénéficier durant son
temps de détention d’un parcours d’exécution de peine. Cet engagement a
pris une valeur impérative à l’occasion de la loi pénitentiaire.
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L’élaboration de ce parcours est confiée dans chaque établissement
à une commission pluridisciplinaire unique (CPU)
75
: 97% d’entre eux en
étaient dotés en avril 2010 et dans près des trois-quarts des cas, les CPU
procédaient à un bilan individuel de chaque détenu à l’issue de la phase
d’accueil.
Le suivi du parcours se fait grâce à un outil partagé par tous les
membres de l’équipe pluridisciplinaire : le cahier électronique de liaison
(CEL). Cette application, initiée par la DISP de Lille en 2006 et
expérimentée dans 25 sites pilotes à partir de 2007, offre un support
informatique complet à la mise en oeuvre des RPE dans les établissements
pénitentiaires. Ses différents modules retracent en effet toutes les
informations relatives au parcours du détenu en détention (décisions de la
CPU, observations des personnels, suivi des requêtes formulées par les
détenus, suivi des régimes de détention et des décisions d’affectation en
cellule, indigence, évaluation du potentiel suicidaire des détenus et de
leur potentiel de dangerosité et de vulnérabilité). Conçu comme un
« livret du détenu », le CEL permet ainsi de faciliter la prise en charge
globale du détenu. Il devrait également permettre de rationaliser à court
terme le travail des agents pénitentiaires (abandon des cahiers
d’observation, des rapports papier, des feuilles individuelles de suivi).
Si la généralisation du CEL en 2009 est sans doute une source
d’efficacité de l’action du service pénitentiaire et de mutualisation des
informations, sa mise en place n’a pas respecté les dispositions de
l’article 26 de la loi du 17 juillet 1978 relative au traitement des données
à caractère personnel. Le ministère, au vu de cette observation de la Cour,
a saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)
en février 2010 et est en attente de son avis.
Le CEL devrait être fondu à moyen terme dans l’application
GENESIS, qui remplacera les applications métier des établissements
pénitentiaires (notamment GIDE et le fichier national des détenus).
Par ailleurs, la DAP a entrepris ces dernières années de consacrer
certains établissements pénitentiaires ou une partie d’entre eux à la
réinsertion sociale des détenus. Plusieurs types de structures ont vu le jour
dans ce cadre : des quartiers « courtes peines » (QCP), des quartiers de
préparation à la sortie et des centres pour peines aménagées (CPA).
75) Composée notamment du chef d’établissement, d’un représentant du SPIP, d’un
ou de plusieurs agents de surveillance, d’un psychologue, d’un ou de plusieurs
personnels de santé, des responsables de la formation professionnelle, du travail et de
l’enseignement, d’un représentant du secteur privé pour les établissements en gestion
déléguée, etc.
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139
La loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation de
la justice (LOPJ) avait prévu, dans le cadre des « 13 200 » places de
détention à construire, d’en réserver 2 000 aux condamnés à de courtes
peines dont le traitement est encore très imparfait (taux d’inexécution
élevé qui crée un sentiment d’impunité ou d’injustice, peines purgées en
maisons d’arrêt sans possibilités d’individualiser les peines du fait de la
surpopulation).
La DAP a donc décidé d’expérimenter la création de ces
« quartiers courtes peines » dans trois sites pilotes (Fleury-Mérogis – 120
places ouvertes en 2009, Toulouse-Seysses - 60 places -
et Nantes – 120
places). Une expérimentation préalable a été conduite sur le site du centre
pour jeunes détenus de Fleury-Mérogis, autour de deux modules (un
module de réinsertion consistant à modéliser la vie quotidienne en
détention et un module criminologique consistant à faire travailler les
détenus sur des thématiques spécifiques, telles que les addictions, le
rapport au corps, la citoyenneté, l’employabilité et le passage à l’acte).
Sans attendre le bilan de ces travaux, la DAP a lancé début 2009 la
poursuite de la réalisation des 1 700 places complémentaires sur 19
établissements pénitentiaires pour atteindre l’objectif des 2 000 places
fixées par la loi LOPJ de 2002. Alors que l’expérimentation des QCP sur
le site de Fleury-Mérogis avait consisté à réserver ces programmes à des
condamnés à des peines de moins d’un an, les nouvelles structures
envisagées dans ce cadre ont vocation à faire la fusion des QCP et des
quartiers de préparation à la sortie, mis en oeuvre dans certains centres
pénitentiaires depuis une dizaine d’années (exemple : centre pénitentiaire
de Metz). Ces « Quartiers Nouveau Concept » (QNC), d’une capacité de
90 places, sont destinés à prendre en charge de deux types de détenus : les
personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à 1 an (détenus
« courtes peines ») et les condamnés en fin d’exécution de peine dont le
reliquat est inférieur ou égal à 1 an (détenus « fin de peine ») ou faisant
l’objet d’une mesure de semi-liberté ou de placement extérieur.
Ces initiatives, si intéressantes soient-elles, posent la question de la
justification d’une telle concentration de moyens sur des dispositifs qui
doivent par ailleurs résoudre de redoutables problèmes de sélection et
donc d’équité entre détenus. La démarche engagée en mai 2009 par la
DISP de Paris, consistant à évaluer l’efficacité de ces programmes en
termes de prévention de la récidive est dès lors très justifiée.
Concomitamment, la DAP a créé en 2002 les centres pour peines
aménagées (CPA), afin de recevoir les condamnés dont le reliquat de
peine est inférieur à un an. Le régime des CPA repose sur des actions
d’insertion organisées à l’intérieur et à l’extérieur de ces établissements.
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Trois sites expérimentaux ont été ouverts dans ce cadre, au centre
pénitentiaire des Baumettes à Marseille en 2002, en 2003 à Metz et en
2006 à Villejuif. Ces établissements, qui constituent des quartiers d’un
centre pénitentiaire plus important, présentent la caractéristique de
partager leurs locaux avec un centre de semi-liberté. Ils sont généralement
bien intégrés dans le paysage urbain, afin de permettre aux « CPistes » de
conduire leurs démarches de réinsertion.
Au printemps 2007, une mission de l’IGSJ a évalué les CPA. Il
ressort de cette évaluation qu’en dépit d’un taux d’échec de 30% en
moyenne des affectations en CPA, ces centres produisent des résultats
globalement satisfaisants.
A la suite de cette mission, une circulaire du 8 juillet 2008 a
clarifié et homogénéisé les modalités de fonctionnement des CPA. On
peut toutefois regretter que les recommandations de la mission consistant
à intégrer dans le code de procédure pénale certaines adaptations n’aient
été suivies d’effet que pour les seules permissions de sortir (article D.416-
2 du CPP) ou l’accès au téléphone (article D.419-2 CPP) et pas pour
celles relatives aux droits des détenus, à leur situation économique et au
droit disciplinaire.
Enfin,
les
données
budgétaires
homogènes
quant
au
fonctionnement de ces trois centres sont difficiles à isoler dans les
applications informatiques, alors qu’il serait pourtant souhaitable
d’apprécier leur performance d’ensemble.
*
Si les centres pour peines aménagées, les quartiers « courtes
peines » et les quartiers « nouveau concept » trouvent leur place dans le
cadre des règles pénitentiaires européennes, la proximité de ces
différentes formules pose néanmoins la question de leur articulation. Au
moment où la DAP envisage de compléter la liste de ses CPA et où la
programmation des quartiers « nouveaux concepts » est amorcée, elle
devrait clarifier sa stratégie en matière de développement de ses prisons
« tournées vers le dehors ». Il serait notamment souhaitable d’établir une
grille de ratios homogènes applicables à ces différents centres (en termes
de dépenses de personnel, de dépenses d’insertion, de critères
d’évaluation, etc.) afin de mieux hiérarchiser les priorités.
Ces recommandations s’appliqueront également aux « prisons
ouvertes » (à l’instar du domaine de Casabianda en Corse), dont le
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141
ministère envisage la construction, à la suite des préconisations du rapport
Gontard, publié en mars 2010
76
.
B - Le placement extérieur : une articulation à clarifier
avec les partenaires associatifs
Présentation du placement extérieur
Le placement extérieur est un aménagement de peine qui permet à une
personne condamnée d’exécuter sa peine en dehors de la prison. Cette mesure
permet de travailler, de se former, de suivre un stage, de se soigner ou de
répondre à une obligation familiale. Il est possible aussi de participer à des
chantiers collectifs, liés par exemple à la préservation du patrimoine.
Il existe deux formes de placements à l’extérieur : le placement à
l’extérieur sous surveillance du personnel pénitentiaire (dit « placement
extérieur hébergé ») et le placement à l’extérieur sans surveillance (dit
« placement extérieur non-hébergé »). Dans le premier cas, le placé est
hébergé, chaque soir, dans un établissement pénitentiaire (centre ou quartier
de semi-liberté, centre pour peines aménagées, etc.). Dans le second, il doit,
une fois son activité terminée, se rendre dans les locaux d’une association ou
d’un foyer qui l’encadre et l’héberge. Ce mode d’hébergement couvre 55% à
60% des personnes placées (56,8% au 1
er
janvier 2009).
Dans les deux cas, la personne placée doit obligatoirement respecter
toutes les conditions fixées par le JAP (horaires et suivi d’activités,
indemnisation des victimes, obligation de soins, …).
1 -
Un dispositif encore marginal
Le placement extérieur reste, en dépit de son augmentation
sensible depuis 2006 (+117%), la mesure la moins utilisée : moins de
10% des aménagements prononcés en 2008 par les magistrats (2 608 PE
pour 27 289 aménagements prononcés) et 1 138 mesures en cours
d’exécution au 1
er
janvier 2010.
Plusieurs raisons expliquent cette situation. En premier lieu, les
structures d’accueil sont dispersées inégalement sur le territoire, du fait
notamment d’un investissement inégal des SPIP. Près d’un quart des
mesures octroyées en 2008 relevaient de la DISP de Paris. De ce fait, la
76) Ce rapport suggère de créer trois ou quatre établissements pour peine à régime
ouvert, d’une capacité de 100 à 150 détenus chacun (soit un potentiel de 300 à 600
détenus, i.e. à 0,5 à 1% de la population incarcérée au 1
er
janvier 2010).
Cf.
Paul-
Roger Gontard,
Le régime ouvert de détention peut-il être étendu dans le champ
pénitentiaire français ?
, mars 2010.
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142
COUR DES COMPTES
DAP a demandé à chaque DISP de « relancer des conventions » et « de
faire un vrai travail avec les associations ». Le développement des
conventions « actives » constituait d’ailleurs un indicateur de mesure de
la performance des SPIP, dans les rapports annuels de performance du
programme 107 pour 2008 et 2009. Le caractère très contraignant du
placement extérieur, qui s’applique essentiellement à des profils très
désocialisés, explique en second lieu, le développement marginal de la
mesure. En effet, le suivi des placés « non-hébergés » s’avère plus
contraignant pour les SPIP que le suivi d’autres mesures d’aménagement
de peine (semi-liberté et placements sous surveillance électronique) où les
surveillants jouent un rôle central. Enfin, au-delà de sa lourdeur
administrative, la prise en charge des personnes bénéficiaires d’un
placement extérieur soulève la question de son coût élevé pour les SPIP
(par rapport à des publics « RMIstes ») et de la difficulté croissante qu’ils
rencontrent à mobiliser les partenariats nécessaires (associations et élus).
En raison de ces contraintes, le placement extérieur n’a donc cessé
de diminuer par rapport aux autres mesures d’aménagement de peine
depuis une dizaine d’années ; alors qu’il représentait plus de 20% des
mesures prononcées en 2000 (3 339), il n’en représentait plus que 10%
depuis 2006.
Face à la diminution du nombre de placements extérieurs qui leur
étaient confiés et du désengagement partiel ou total des co-financeurs, de
nombreuses associations ont demandé en 2005 à l’administration
pénitentiaire une revalorisation du prix de journée. La DAP a constitué à
cette fin en avril 2006 un groupe de travail avec des fédérations
partenaires (la FNARS et la Fédération Citoyens et Justice), dont les
travaux ont abouti en juin 2006 à l’élaboration d’un cahier des charges
national sur la mise en oeuvre du placement extérieur.
Ce cahier des charges apporte trois avancées. Il clarifie en premier
lieu les rôles respectifs des SPIP et des associations aux différentes étapes
de la procédure de placement extérieur. Le canevas proposé aux SPIP
permet d’uniformiser leurs pratiques face à un tissu associatif hétéroclite
et garantit ce faisant l’accès des personnes placées à des prestations
globalement homogènes. En second lieu, parce que l’élaboration de ce
cahier des charges a fait émerger la nécessité d’évaluer les partenariats,
un certain nombre d’indicateurs mesurant à la fois la tenue des objectifs
contractuels, mais aussi celle des objectifs de progression des placés vers
l’autonomie s’y trouvent définis. En pratique, le suivi de ces indicateurs
reste encore variable d’un SPIP à l’autre.
Il conviendrait de mesurer les placements effectivement réussis en
termes de prise d’autonomie des personnes concernées (placements ayant
débouché sur une embauche, sur l’accès à un logement, etc.). Ces
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SURETE
143
éléments permettraient de renforcer la crédibilité de la mesure auprès des
magistrats, comme auprès des élus des territoires concernés.
Enfin, le dernier objectif du cahier des charges était de déterminer
comment l’administration pénitentiaire prendrait en charge les différentes
prestations proposées par les associations. Il a été décidé qu’elle
financerait le prix de journée à hauteur de 50% et que l’association
accueillant des placements à l’extérieur solliciterait d’autres sources de
financement pour les 50% restants. La grille de financement proposée par
la DAP est toutefois inégalement mise en oeuvre. Si les tarifs
recommandés par la DAP tendent à se généraliser depuis 2007, certains
SPIP pratiquent des coûts de journée très inférieurs à ces taux ; c’est
notamment le cas dans le Haut-Rhin, où les conventions de placement
extérieurs rétribuent à partir de 20 € la prise en charge globale des placés
(contre 40 € en théorie). En outre, au sein d’une même DISP (ou d’un
même SPIP, selon le niveau auquel sont gérées ces conventions), les tarifs
appliqués peuvent varier d’une association à l’autre. Ces modulations
s’expliquent soit par les marges de manoeuvre dont disposent les
gestionnaires (ce qui est notamment le cas au niveau de la DISP de Paris),
soit par le poids respectif de ces associations dans le dispositif du
placement extérieur. L’administration pénitentiaire a ainsi tendance à
accorder les prix de journée les plus élevés aux associations qui lui
offrent le plus de places. Dans les quatre DISP visitées par la Cour, moins
d’une dizaine d’associations sont en effet en mesure de proposer plus de
10 places d’accueil ; les autres n’ont pas la taille critique pour peser dans
les négociations tarifaires. Au total, la DAP dépend d’un secteur
associatif, caractérisé par la conjonction d’un tissu diffus de petites
associations et d’une poignée d’associations plus importantes, qui traitent
la majeure partie des mesures.
2 -
La nécessité de clarifier la procédure applicable
En clarifiant le cahier des charges vis-à-vis des associations
prestataires, la DAP a dû s’interroger sur la nature du lien juridique qui
relie l’Etat aux associations et donc de la procédure qui en découle pour
le nouer. Jusqu’ici, la DAP a laissé à chaque DISP le soin « d’apprécier la
procédure à retenir en fonction des conditions locales ».
La question se pose en effet de déterminer si le lien contractuel à
passer peut être une convention fixant les termes d’une subvention
finançant l’activité demandée, comme c’est aujourd’hui le cas, ou un
marché public rémunérant une prestation de services.
Dans son arrêt du 6 avril 2007,
Commune d’Aix-en-Provence
, le
Conseil d’Etat a admis que le pouvoir adjudicateur peut se dispenser des
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144
COUR DES COMPTES
règles de la commande publique lorsque, eu égard à la nature de l’activité
en cause et aux conditions particulières dans lesquelles il l’exerce, le
prestataire « auquel [il] s’adresse ne saurait être regardé comme un
opérateur sur un marché concurrentiel ».
Les associations socio-judiciaires ne peuvent par elles-mêmes être
considérées comme exclues a priori des procédures du code des marchés.
Mais les conditions particulières de l’activité qui consiste à accueillir,
après décision d’un juge, des détenus en placement extérieur, en nombre
aléatoire et de toutes manières faible, ce qui conduit à une sous-
occupation chronique des structures, peuvent permettre de conclure que
les associations ne sauraient être regardées comme des opérateurs sur un
marché concurrentiel. Le « marché » est en outre d’autant plus restreint
que les associations doivent rechercher des financements extérieurs, à
hauteur de 50% en complément de ce qui est versé par la DAP.
Une relation conventionnelle simple peut apparaître dès lors
suffisante et de nature à estomper, mais sans doute pas supprimer, un
risque contentieux de la part d’un candidat évincé.
On peut en effet considérer, et tel était le sens d’un courrier de la
direction des affaires juridiques du ministère des finances, interrogée sur
ce point, en 2008, que le contrat qui organise l’exécution d’une prestation
rémunérée réunit d’emblée les éléments constitutifs d’un marché public.
Dans le cas d’espèce et dès lors que la consultation est transparente et
lancée publiquement, la formule du marché à formalités adaptées (art.28
CMP) laisse toute souplesse à l’administration et à l’association de
négocier les solutions les plus adaptées dans leur objectif commun. La
seule différence pratique avec la convention ordinaire est la publicité de
l’ouverture de la discussion mais cette publicité aurait l’intérêt, que
reconnaît l’administration elle-même, de repérer le cas échéant d’autres
acteurs possibles.
C’est dans cet esprit que la DISP de Paris expérimente
actuellement un dispositif de publicité restreinte dans le département des
Hauts-de-Seine : elle espère développer une offre de placements à
l’extérieur, aujourd’hui inexistante. Les résultats de cette expérimentation
permettront de vérifier si « une pluralité d’associations et d’entreprises
commerciales sont effectivement en mesure d’offrir les prestations
commandées par l’administration », comme l’indiquait la DAJ.
La Cour, tout en admettant, que, dans la pratique, l’une ou l’autre
méthode contractuelle puisse subsister, estime que la solution du marché
public à procédure adaptée est la formule juridiquement la plus
rigoureuse ; l’expérimentation lancée doit permettre de préciser la
manière dont elle peut être gérée souplement.
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PREVENIR LA RECIDIVE, DU MILIEU OUVERT AUX MESURES DE
SURETE
145
C - La semi-liberté : un maillage à optimiser
Présentation de la semi-liberté
Comme le placement extérieur, la semi-liberté permet à des personnes
condamnées d’exécuter leur peine en partie en dehors de la prison.
Néanmoins à sa différence, l’hébergement des « semi-libres » se fait
exclusivement dans un établissement pénitentiaire.
Deux types d’établissements accueillent ce public des « semi-libres » :
- des centres de semi-liberté (CSL), dont la liste est fixée par arrêté du Garde
des Sceaux. Ces établissements fonctionnent de manière autonome : ils sont
dotés d’un budget, d’un personnel de surveillance dédié et d’un règlement
intérieur. On compte actuellement 13 CSL ;
- la semi-liberté peut également s’exécuter dans des établissements pour
peine « ordinaires » ; les semi-libres sont alors hébergés dans cellules ou des
quartiers spécifiques consacrés à la semi-liberté (QSL).
Au 1
er
juillet 2009, on comptait 2 255 places de semi-liberté, dont
625 en CSL (soit 29% du parc) et le restant en QSL, ce qui représentait 4%
des capacités d’hébergement opérationnelles au niveau national.
Après avoir diminué en 2005-2006 sous l’effet du déploiement
rapide du placement sous surveillance électronique, le nombre des mesures
de semi-liberté progresse de nouveau depuis 2007 (+ 27,3% entre 2006 et
2008, soit 5 928 mesures). Il n’a toutefois pas retrouvé le niveau atteint en
2004 (6 819 mesures).
De manière générale, la semi-liberté contribue aujourd’hui à parts
quasi-égales à éviter l’incarcération de condamnés et à préparer des
personnes incarcérées à la sortie de prison.
En 2006, la Cour avait souligné le fait que l’organisation des CSL et
des QSL était bien souvent trop rigide pour s’adapter aux conditions de
travail de ceux des condamnés, la grande majorité, qui sont détenteurs d’un
emploi ou engagés dans un processus de reclassement professionnel. En
effet, les horaires d’entrées et de sorties des « semi-libres » ne répondent
pas aux exigences de leurs emplois du temps. Même si elle est dépourvue
d’une
vision
d’ensemble
de
ces
horaires,
la
DAP
admet
que
l’assouplissement suggéré par la Cour, n’a guère progressé ces dernières
années, compte tenu des moyens en personnels disponibles.
77
77) A titre d’illustration, sur les neuf établissements de la DISP de Marseille pouvant
accueillir un public semi-libre en 2009, seuls trois sont ouverts 24 heures sur 24 et
offrent des conditions assouplies d’entrées et de sorties : les centres pénitentiaires de
Marseille, de Toulon et de Draguignan, qui représentent 52% seulement du parc de
semi-liberté de la DISP. Dans les autres sites, les détenus doivent généralement avoir
réintégré leur cellule à 18h30 au plus tard.
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146
COUR DES COMPTES
Il serait opportun que la DAP recense les conditions d’ouverture
des CSL et des QSL et soumette le résultat aux différents responsables
des
cours
d’appel
dans
le
cadre
des
conférences
régionales
d’aménagements de peine, ce qui permettrait également de mieux
appréhender les besoins des magistrats en la matière.
En 2006, la Cour avait proposé que soient redéfinis les lieux
d’implantation des CSL en fonction des demandes comme des
caractéristiques des bassins d’emploi. Cette recommandation conserve
toute son actualité. L’offre et la demande de semi-liberté ne coïncident
pas toujours d’un lieu à l’autre, particulièrement dans la DISP d’Ile de
France où l’on trouve 16% des places de semi-liberté pour 33% de la
demande nationale. A l’inverse, les DISP de Rennes et de Strasbourg
semblent sur-dotées.
Cette inadéquation entre l’offre et la demande se traduit par une
occupation variable des places de semi-liberté. Ainsi, au 1
er
juillet 2009,
seules 78% des places de semi-liberté étaient effectivement occupées en
moyenne par des semi-libres. Si les parcs des DISP de Lyon et de Paris
étaient confrontés à des situations de saturation, voire de surpopulation
caractérisée (respectivement +104 % et + 148 % de taux d’occupation),
ceux des DISP de Rennes, Dijon et Strasbourg étaient manifestement
sous-occupés (66% environ). Ces taux pouvaient masquer des situations
très contrastées d’un établissement à l’autre (
cf.
tableau n°22).
La recherche de l’implantation optimale des places de semi-liberté
doit d’abord passer par une analyse des « semi-libres » placés dans
chaque établissement par rapport à leur bassin de vie. La DISP de Paris
s’est livrée à cet exercice en avril 2009. Elle a pu ainsi montrer que les
magistrats d’Ile de France faisaient une utilisation globalement
départementale des places de semi-liberté. L’étude montre aussi que 82%
des personnes en semi-liberté à la DISP de Paris déclarent une habitation
en Ile de France ; 57% des semi-libres sont même écroués dans leur
département d’habitation et 46% sur le lieu de travail.
La DAP devrait faire reproduire ce type d’analyse dans toutes les
DISP, sans doute en allongeant la période d’examen pour atténuer les
biais éventuels liés aux préférences des magistrats en poste dans le ressort
de chaque DISP.
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Tableau 22 : Part respective de chaque DISP dans la répartition nationale des places de semi-liberté et dans le nombre total de
mesures de semi-liberté prononcées par les magistrats en 2008
Places de semi-liberté*
Mesures de semi-liberté prononcées
en 2008 par les magistrats
DIRECTIONS
INTERREGIONALES
CSL et CPA
autonomes
autres
établissements
Total
% du total
des places
Nombre de SL
octroyées en 2008
% des
SL
prononcées au
niveau national
BORDEAUX
0
130
130
5,8 %
303
5,1 %
DIJON
20
157
177
7,8 %
574
9,7 %
LILLE
60
127
187
8,3 %
531
8,6 %
LYON
136
187
323
14,3 %
893
15,1 %
MARSEILLE
0
201
201
8,9 %
379
6,4 %
PARIS
221
151
372
16,5 %
1 959
33 %
RENNES
0
265
265
11,8 %
461
7,8 %
STRASBOURG
151
163
314
13,9 %
485
8,2 %
TOULOUSE
64
85
149
6,6 %
244
4,1 %
ENSEMBLE METROPOLE
652
1 466
2 118
93,4 %
5 829
98,3 %
OUTRE - MER
0
137
137
6,1 %
99
1,7 %
FRANCE ENTIERE
652
1 603
2 255
100 %
5 928
100 %
Données : DAP / PMJ 5 – retraitement Cour des comptes
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Enfin, le réexamen du maillage de l’offre de semi-liberté doit passer par une analyse des coûts de gestion de chaque
site. La Cour a établi une comparaison des coûts de gestion des centres de semi-liberté au titre de l’année 2008 (
cf.
tableau
n°23) en classant les 13 CSL en 3 catégories, selon leurs tailles respectives
Tableau 23 : Analyse des coûts par JDD des CSL en 2008
Nombre
de places
CSL
DISP
Coût du JDD
en 2008 (hors
ACOSS)
Taux d’occupation
(Nombre de
places occupées)
Budget de
fonctionnement
en 2008
Masse salariale
en 2008
Catégorie des CSL de petites tailles (20 à 25 places)
20
Melun
Paris
73,49 €
158 %
(32)
160 357 €
(13,89 € / JDD)
688 180 €
(59,60 € / JDD)
20
Montargis
Dijon
242,87 €
45 %
(9)
102 064 €
(30,98 € / JDD)
697 961 €
(211,89 € / JDD)
21
Besançon
Strasbourg
53,72 €
113 %
(24)
169 933 €
(8,08 € / JDD)
395 270 €
(45,64 € / JDD)
24
Montpellier
Toulouse
62,80 €
114 %
(27)
109 013 €
(10,91 € / JDD)
518 693 €
(51,89 € / JDD)
25
Briey
Strasbourg
99,52 €
68 %
(17)
91 779 €
(14,87 € / JDD)
522 374 €
(84,65 € / JDD)
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Tableau 23 : Analyse des coûts par JDD des CSL en 2008 (suite)
Catégorie des CSL de taille moyenne (35 à 50 places)
36
Grenoble
Lyon
61,21 €
87 %
(31)
118 238 €
(10,38 € / JDD)
578 901 €
(50,83 € / JDD)
43
Strasbourg
Strasbourg
43,20 €
88%
(38)
136 468 €
(9,88 € / JDD)
426 896 €
(30,55 € / JDD)
46
Toulouse
Toulouse
52,27 €
80 %
(32)
135 134 €
(11,64 € / JDD)
471 899 €
(40,53 € / JDD)
48
Gagny
Paris
26,86 €
197 %
(95)
158 904 €
(4,6 € / JDD)
768 633 €
(22,26 € / JDD)
Catégorie des CSL de grande taille (> 50 places)
58
Maxéville
Strasbourg
41,77 €
71 %
(41)
98 176 €
(6,57 € / JDD)
526 200 €
(35,20 € / JDD)
60
Haubourdin*
Lille
63,46 €
73 %
(44)
230 091 €
(14,35 € / JDD)
787 482 €
(49,11 € / JDD)
77
Corbeil-Essonnes
Paris
30,89 €
122 %
(94)
173 256 €
(5,04 € / JDD)
889 458 €
(25,86 € / JDD)
100
Lyon
Lyon
23,50 €
115 %
(115)
205 307 €
(4,90 € / JDD)
779 383 €
(18,60 € / JDD)
Données tirées du « Recueil des coûts JDD 2008 », DAP / PMJ 5 – retraitement Cour des Comptes
Cette analyse s’appuie sur le recueil des coûts relatifs à une journée de détention, établi par SD5.
* Le CSL d’Haubourdin accueille le pôle de surveillance et de gestion des incidents, 24h / 24h, des mesures de placement sous surveillance
électronique mobile. L’effectif de l’établissement est donc majoré pour permettre l’accomplissement de ces missions.
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150
COUR DES COMPTES
S’il est compréhensible que des établissements de petite taille aient
des coûts fixes plus élevés que des établissements plus importants, les
raisons justifiant que les masses salariales des CSL de Melun et de
Montargis soient plus de 15% supérieures à celle de CSL de même taille,
voire du CSL de Maxéville (où l’offre de places de semi-liberté est deux
fois plus importante) restent à clarifier. De même, dans la catégorie des
CSL de 35 à 50 places, on peut s’interroger sur le niveau élevé de la
masse salariale du CSL de Grenoble par rapport aux CSL de Strasbourg
et de Toulouse, qui, à taux d’occupation équivalents, disposent d’un
nombre de places plus élevé. La viabilité des CSL de Montargis et de
Briey, dont les coûts de gestion sont prohibitifs et les taux d’occupation
très faibles, est moins que certaine. Enfin, en-deçà de 40 places, les CSL
ne présentent pas une taille suffisante du point de vue des coûts de
gestion. Une meilleure allocation des moyens en personnel et une
modification de certaines implantations devraient donc être réalisées.
Avec un coût moyen de 47,81 € par jour de détention et un coût
global de 10 M€ en 2008
78
, la semi-liberté est aujourd’hui la mesure
d’aménagement de la peine la plus coûteuse pour le budget de
l’administration pénitentiaire. Dès lors, des économies d’échelle sont à
rechercher avec la création de sites de plus grande taille, dans des bassins
d’emploi appropriés (la construction et l’ouverture en 2010 d’un CSL de
82 places à Gradignan, dans la DISP de Bordeaux, et d’un autre à Aix-
Luynes, dans la DISP de Marseille sont d’ailleurs prévus).
D - Le placement sous surveillance électronique (PSE) :
une gestion en cours de normalisation
Présentation du PSE
Le placement sous surveillance électronique (PSE) est une modalité
d’aménagement de la peine, qui s’effectue au domicile de la personne placée,
avec interdiction pour elle de s’en absenter pendant des plages horaires
précisées par l’ordonnance du juge.
D’un point de vue pratique, le dispositif fonctionne de manière
triangulaire : le bracelet électronique, qui est généralement posé à la cheville
du placé, émet des signaux de présence, d’une portée de quelques dizaines de
mètres. Ces signaux sont perçus par un récepteur, qui envoie alors
automatiquement des messages d’alarme au pôle centralisateur,
via
la ligne
téléphonique fixe du placé ou
via
un appareil de téléphonie mobile doté d’une
carte prépayée intégré dans le boîtier récepteur. Le centre de surveillance
78) Ces données ne tiennent compte que des CSL ; la prise en compte des QSL (dont
le coût n’est actuellement pas ventilé) renchérirait très certainement ces coûts.
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SURETE
151
détermine alors si l’absence est licite ou non, en fonction des plages horaires
d’assignation fixées par le juge. Le déploiement du PSE « cellulaire » n’a
donc en rien modifié les obligations du placé de rester à son domicile.
Le dispositif du PSE se distingue à ce titre du dispositif du placement
sous surveillance électronique mobile (PSEM), qui, en les localisant, autorise
les mouvements à l’extérieur des personnes soumises à rétention de sûreté
par le biais d’un dispositif de surveillance satellitaire (voir
infra
).
1 -
La généralisation et les conditions de déploiement du PSE
Huit ans après l’adoption de la loi d’orientation et de
programmation pour la Justice, qui prévoyait la généralisation du
placement sous surveillance électronique, le dispositif s’est effectivement
étendu à l’ensemble du territoire national
79
.
Depuis 2006, le PSE est entré dans une phase de déploiement
intensive ; le nombre de placements a doublé entre 2006 (5 562
prononcés) et 2008 (11 259). Dans près de 40% des cas, ces mesures ont
eu vocation à assurer un « sas de sortie » aux personnes incarcérées et,
dans plus de 60%, elles ont évité l’incarcération à des condamnés.
A l’exception du ressort de la DISP de PARIS dans lequel la semi-
liberté et la libération conditionnelle restent les mesures d’aménagement
de peine les plus nombreuses, le PSE a supplanté les autres mesures. En
2008, il représentait ainsi plus de 40% en moyenne des mesures
d’aménagement de peine prononcées et jusqu’à 57 % dans la DISP de
Lille (soit 20% du total national).
Les personnes placées sous surveillance électronique représentent
aujourd’hui « un public à risque de récidive limité »
80
. Une étude réalisée
en 2008 montre que leur profil est globalement homogène ; en particulier
près de deux individus sur trois exercent une activité professionnelle.
L’accroissement du PSE ces dernières années a été permis par
l’impulsion de l’administration pénitentiaire.
Il a fallu d’abord chercher à lever les contraintes matérielles qui
limitaient le développement du PSE. La systématisation du recours à un
numéro vert et la mise à disposition de dispositifs cellulaires ont permis
de prononcer le PSE pour des condamnés qui ne pouvaient pas disposer
d’une ligne téléphonique fixe pour des raisons financières ; toutefois
79) Applicable depuis décembre 2009 en Polynésie française, il devrait s’étendre en
juin 2010 à la Nouvelle-Calédonie.
80) ACCENTURE, rapport sur l’extension des bracelets électroniques – Impacts sur
l’organisation de l’administration pénitentiaire, 19 décembre 2008, p. 8.
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152
COUR DES COMPTES
l’utilisation de tels dispositifs varie encore beaucoup d’une DISP à
l’autre. Alors que les dispositifs cellulaires représentent la quasi-totalité
du parc de récepteurs dans les départements d’outre-mer et près de 43% à
la DISP de Lille, d’autres régions les utilisent encore peu : à la DISP de
Paris, notamment, ils ne représentent que 6% du parc. Leur surcoût par
rapport aux dispositifs filaires, argument parfois avancé pour ne pas les
installer, est globalement compensé par les économies réalisées en
« temps d’agents PSE », puisqu’il n’y a pas d’enquête de faisabilité
préalable à effectuer pour tester l’existence d’une ligne filaire.
L’utilisation des dispositifs filaires, qui restent majoritaires en
nombre, a par ailleurs été améliorée ces dernières années. Les tests de
conformité des lignes fixes, au moment du branchement du boîtier au
domicile du condamné, ont été généralisés, ce qui a permis de mettre fin
aux interventions directes de l’administration pénitentiaire auprès des
opérateurs de téléphonie (qui avaient pour conséquence de leur faire
savoir que certains de leurs clients étaient placés sous main de justice). En
revanche, une dernière difficulté technique subsiste lorsque d’autres
opérateurs que France Télécom interviennent car les modems utilisés par
ces opérateurs sont parfois incompatibles avec les récepteurs du PSE (ce
qui rend le recours au PSE cellulaire d’autant plus pertinent).
Toujours pour permettre l’accès au PSE des populations les plus
démunies, notamment celles qui sont sans domicile, l’administration
pénitentiaire s’est efforcée ces dernières années de développer des
conventions au niveau national et au niveau des DISP avec les
organismes partenaires qui contribuent à leur hébergement. Dans
certaines DISP, cet effort va jusqu’au versement par le SPIP d’un tarif
journalier aux associations d’accueil. C’est notamment le cas du SPIP des
Bouches-du-Rhône, qui applique à ses partenaires les taux de concours
arrêtés au niveau national pour le placement extérieur.
Par ailleurs, la clarification des diverses procédures d’enquêtes, de
pose et de gestion des stocks de bracelets a été entreprise.
En premier lieu, la méthode des enquêtes de faisabilité que
l’administration pénitentiaire doit effectuer avant de procéder à
l’installation d’un dispositif de surveillance a été clarifiée par le recours à
un binôme SPIP - personnel de surveillance. Elle est même « assouplie »
dans certaines DISP : à Marseille par exemple, l’enquête de faisabilité est
effectuée uniquement par les agents du pôle PSE. A Metz, cette enquête
est souvent effectuée par téléphone et ne donne lieu à un déplacement des
agents PSE qu’en cas de difficulté. Cette dernière option pourrait être
retenue à court terme avec le développement du « PSE fin de peine » (
cf.
encadré).
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SURETE
153
L’expérimentation du « PSE fin de peine »
L’article 84 de la loi pénitentiaire prévoit la généralisation du
placement sous surveillance électronique en « fin de peine » pour les courtes
peines et pour toutes les personnes incarcérées ne remplissant pas les
conditions pour bénéficier d’un aménagement de peine classique (personnes
initialement condamnées à une peine inférieure ou égale à 5 ans et dont le
reliquat de peine est inférieur à 4 mois, sauf impossibilité matérielle, refus du
détenu, risque de récidive, incompatibilité entre la personnalité de la
personne condamnée et la nature même de la mesure).
Pour anticiper les effets de cette mesure sur l’activité de ses services,
la direction de l’administration pénitentiaire a lancé, conjointement avec la
direction des affaires criminelles et des grâces, une expérimentation en
octobre 2008 sur les sites des maisons d’arrêt de Béthune et Angoulême,
destinée à procéder à « un examen systématique de la situation des
condamnés en fin de peine au regard du placement sous surveillance
électronique ». Cette expérimentation a été étendue en janvier 2009 à 15
autres établissements, répartis sur 6 DISP.
Ainsi, entre octobre 2008 et juin 2009, 1 347 dossiers ont été identifiés
comme répondant aux conditions juridiques d’éligibilité au « PSE fin de
peine » et 15,3% de ces « dossiers éligibles » (soit 206 personnes) ont
finalement abouti à une mesure de PSE.
Deux approches générales se dégagent de cette expérimentation :
selon l’approche de Béthune, le SPIP a pris le parti d’effectuer les enquêtes
de faisabilité en binôme (SPIP-surveillant pénitentiaire), ce qui a nécessité le
recrutement de vacataires au niveau du SPIP. Selon l’approche d’Angoulême,
qui envisage le « PSE fin de peine » comme une modalité d’exécution de la
peine, la méthode a consisté à simplifier le travail d’enquête. Au total,
l’expérience a produit les mêmes résultats sur les deux sites, environ 25% de
PSE octroyés sur l’ensemble des personnes éligibles.
L’expérimentation permet également de tirer le bilan qualitatif de la
prise en charge dont ont bénéficié les « placements terminés ». Dans
l’ensemble, les placés ont bénéficié d’un suivi resserré (rendez-vous dans les
locaux du SPIP, contacts téléphoniques avec les services pénitentiaires). En
revanche, les visites à domicile ont été assez rares. Dans près de la moitié des
cas, le SPIP ou le JAP ont eu à adapter les horaires de la personne placée ; en
revanche, à Angoulême, le SPIP est resté étranger à ce suivi. Enfin, dans
84,3% des cas, le PSE a pris fin à l’issue « normale » de la peine prononcée.
Les cas d’échec (révocation pour non-respect des obligations, évasion,
commission d’une nouvelle infraction) sont rares.
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154
COUR DES COMPTES
Partant de ce constat, la DAP décidé en février 2009 de généraliser
(sauf dans le Pas-de-Calais) l’expérimentation de la méthode suivie à
Angoulême, qui correspond à une charge de travail moins lourde pour les
SPIP. Si cette option était confirmée pour la mise en oeuvre de la loi
pénitentiaire,
il
conviendrait,
à
tout
le
moins,
de
s’assurer
que
l’environnement du placé accepte le PSE sans réticence.
L’article R.57-19 du code de procédure pénale fixe à cinq jours à
compter de la date de la décision exécutoire le délai à ne pas dépasser
pour procéder à la pose du dispositif (sous réserve de la disponibilité du
matériel). Les délais sont pourtant variables d’une DISP à l’autre. Ils
résultent soit de concertations locales avec les magistrats, selon les
disponibilités des agents PSE, soit d’une gestion des stocks de bracelets.
Dans la perspective de la mise en oeuvre du « PSE fin de peine », il faudra
sans doute veiller à l’avenir à l’harmonisation des délais de mise en
oeuvre des placements.
En outre, alors que la gestion des stocks de bracelets est restée
déconcentrée dans chaque DISP entre 2006 et 2009, un effort important a
été effectué pour réduire les stocks inutilisés. Le stock de bracelets
disponibles s’établissait ainsi au 1
er
juillet 2009 à moins de 20% du stock
global (contre environ 50% au 31 décembre 2004). Ces stocks inutilisés
ne donnent pas tous lieu à des décaissements de la part des DISP auprès
du fournisseur de bracelets. En effet, celui-ci a mis, à titre gratuit, à la
disposition de la plupart des DISP un « stock-tampon » de dispositifs
inactifs, afin de pallier toute défaillance d’un matériel ou tout dérapage
d’un délai de livraison. On observe cependant des modes de gestion des
stocks très variables d’une DISP à l’autre. A cet égard, la mise en place
de l’outil de gestion et de réservation des aménagements de peine et des
placés en détention (GRAPPED) et du marché national PSE-PSEM (voir
plus loin) devrait permettre une meilleure gestion de ces stocks à moyen
terme.
Enfin, il faut relever que le dispositif de conservation des données
relatives aux placés sous surveillance électronique contient des
informations personnelles sur les placés (identité, coordonnées, incident).
Or, ces dispositifs sont hébergés sur des plateformes de la société
prestataire. L’élaboration d’un outil de gestion informatisée des
placements sous surveillance électronique (GIPSE) vise à anonymiser les
données portées à la connaissance des prochains prestataires de
l’administration pénitentiaire
81
.
81) Ce système d’information permettra d’établir la correspondance avec les données
anonymes du prestataire et sera accessible aux services judiciaires et pénitentiaires,
ainsi qu’aux services de police et de gendarmerie.
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155
2 -
Un dispositif contractuel en cours de normalisation
La dispersion des procédures, dont la Cour critiquait le peu
d’efficience en 2006, est restée d’actualité jusqu’en 2010, en dépit des
efforts déployés dès 2007 pour y remédier.
82
En effet, près de dix ans après le début de l’expérimentation PSE,
les marchés de fourniture et de service de bracelets électroniques sont
restés conclus, de 2006 à 2009, par chaque direction interrégionale.
Le montant total de ces marchés s’élevait à 4,9 M€ en 2007, pour
un coût moyen par journée de placement de 5,31 € à 5,40 € (selon les
estimations transmises par la DAP). Ils correspondaient en 2008 à un coût
unitaire par jour de 5,09 € ; mais le détail des dépenses occasionnées n’a
pu être transmis à la Cour.
Dans la majorité des cas, les marchés n’incluaient pas les coûts des
communications téléphoniques émises par le prestataire dans le cadre de
ses prestations
83
. Enfin, les personnels dédiés au fonctionnement du PSE
et du PSEM
84
représentaient une masse salariale de près de 6 M€ en 2007,
soit plus de 54% du coût de fonctionnement du PSE (contre 78,4 % pour
une journée en détention dans les établissements pénitentiaires gérés par
l’administration en 2008).
La passation de ces marchés au niveau interrégional a permis au
seul cocontractant, la société ELMO-TECH, d’asseoir, en quelques
années, un monopole de fait sur le marché français des bracelets
électroniques
85
.
Cette situation de monopole s’est avérée préjudiciable à plus d’un
égard du point de vue de la gestion publique. Elle s’est notamment
traduite par des pratiques tarifaires très hétérogènes d’une direction
interrégionale à l’autre. Selon une analyse comparative des marchés
82
)
L’analyse détaillée de la Cour a porté sur les procédures de quatre DISP (Lille,
Marseille, Paris et Strasbourg).
83) En 2007, la DISP de Lille faisait ainsi exception. Le marché notifié en 2008 par la
DISP de Strasbourg a également intégré ces éléments. Les marchés signés en 2006 et
en 2009 par la DISP de Marseille, ainsi que le marché signé en 2008 par la DISP de
Paris n’intègrent pas les frais de communications dans les prestations attendues de
leur attributaire.
84) La part liée au fonctionnement du PSEM était encore relativement négligeable en
2007 ; on dénombrait 25 valises en fonctionnement en moyenne.
85) Avant 2008, la DISP de Paris était la seule direction interrégionale à n’avoir pas
contractualisé avec la société ELMO-TECH, dans le cadre de l’expérimentation PSE ;
elle travaillait avec la société ON-GUARD. A la fin de la procédure (en 2008), la
DISP a passé une procédure d’appel d’offre, dont a bénéficié ELMO-TECH.
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régionaux de PSE élaborée en décembre 2008, les prix pratiqués dans les
différents marchés régionaux s’échelonnaient alors de 63 € à 66 € hors
taxes (HT) par bracelet dans les DISP de Dijon et de Paris, et à plus de
100 € HT dans les autres DISP.
Par ailleurs, l’existence de ce monopole a pu donner lieu à des
arrangements contestables entre certaines DISP et la société ELMO-
TECH, par exemple sur la durée du marché ou sur les montants
maximums des prestations à payer.
Pour rationaliser les pratiques, l’administration pénitentiaire a
engagé en 2007 la passation d’un accord-cadre national en vue de couvrir
ses besoins au titre du PSE et du PSE mobile (PSEM)
86
. Cet accord-cadre,
envisagé depuis longtemps (la Cour en avait déjà fait mention dans son
rapport de 2006), a rencontré de sérieuses difficultés de mise en place : le
recours précontentieux
87
, dont il a fait l’objet, a entraîné des décalages et
des conséquences en chaîne dans la mise en oeuvre des marchés régionaux
de fourniture du PSE.
Pendant le déroulement de cette procédure, le ministère a poursuivi
la fourniture des bracelets électroniques dans le cadre des marchés
régionaux antérieurs pilotés par les DISP, au prix cependant de quelques
anomalies. Ainsi, un marché régional s’est vu imputer les commandes
demandées par une DISP qui avait atteint son plafond de commandes. La
DISP de Lille a ainsi eu recours aux marchés de Strasbourg et Dijon. Par
ailleurs, la DAP a invité les DISP concernées par des marchés arrivant à
échéance fin 2008 ou courant 2009 à passer de nouvelles procédures
d’appel d’offre pour contracter des marchés à bons de commande, dans
l’attente de la notification du nouvel accord-cadre.
86) Le montage contractuel retenu prévoyait la conclusion, après appel d’offres, d’un
accord-cadre, avec un seul prestataire, assorti de montants minimum et maximum (15
millions d’euros et 60 millions d’euros hors taxe). Une fois conclu, cet accord-cadre
devait donner lieu à la passation par les DISP de marchés subséquents, à bons de
commandes, pouvant eux aussi comporter un minimum et un maximum.
87) Au terme d’une procédure de consultation lancée en janvier 2008, la DAP a retenu
l’offre économiquement la plus avantageuse : celle du groupement DATACET
(auquel participe le constructeur
Guidance Monitoring,
en charge de la moitié du
marché de bracelets britannique). Contestée en référé par la société CS –ELMO-
TECH, la procédure a été annulée, le 23 juin 2008, par une ordonnance du tribunal
administratif de Paris, au motif qu’elle avait méconnu les obligations de publicité et
de mise en concurrence, ainsi que le principe de transparence des procédures.
Le
ministère de la Justice a contesté cette ordonnance devant le Conseil d’Etat mais, sans
attendre la décision de la Haute juridiction, a décidé de relancer une nouvelle
procédure d’appel d’offres. Le Conseil d’Etat a finalement dit, le 24 juin 2009, que le
défaut de publicité incriminé par la société CS – ELMO-TECH
-
n’avait pu suffire à la
léser. L’ordonnance du tribunal administratif a donc été annulée.
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157
Après la décision finale du Conseil d’Etat, le ministre pouvait
revenir à la première procédure ou poursuivre la seconde. Dans les deux
cas, la société DATACET arrivait en première position. Il a retenu la
première solution qui présentait un risque contentieux plus faible. La DAP
a donc notifié le 31 août 2009, soit plus d’un an après l’échéance
initialement retenue, le premier accord-cadre au groupement DATACET /
Guidance / Telem / Acces Sites. Il reste à articuler les marchés régionaux
en cours, passés antérieurement avec ELMO-TECH, avec les nouveaux
marchés correspondant aux conditions de l’accord-cadre, à passer avec
DATACET
88
.
Une autre question se pose : les projections sur lesquelles la DAP
s’est appuyée en 2007 pour passer l’accord-cadre correspondent à un
nombre de PSE à l’horizon 2013 très inférieur à ce qui est aujourd’hui
prévu dans le cadre de la loi pénitentiaire (9 683 personnes placées par
mois en moyenne en 2013 contre 16 570 dans les projections fournies par
la DAP pour la loi pénitentiaire –
cf.
tableau n°24).
Si ces projections se réalisent, la DAP devra passer un avenant à son
accord-cadre PSE-PSEM, avant son terme. Elle devra alors veiller à ce
que, conformément aux dispositions de l’article 20 du code des marchés
publics, cet avenant ne bouleverse pas l’économie du marché, ni en change
l’objet.
Au total, l’application des conditions tarifaires de la société
DATACET (à savoir 121,06 € HT par mois pour les 10 000 premiers
dispositifs et 119,24€ HT pour les dispositifs suivants) à ces projections
permet d’envisager un coût global du marché à l’horizon 2013 de 80,8 M€
au titre du seul PSE.
Tableau 24 : Projection des effectifs placés sous surveillance électronique
à la suite de l’adoption de la loi pénitentiaire
DATE
PSE
classique
PSE article 48 LP (mise en
application mi 2009) (*)
Total PSE
01/01/2010
4 797
4 549
9 346
01/01/2011
5 197
9 268
14 465
01/01/2012
6 065
9 415
15 480
01/01/2013
6 936
9 634
16 570
Source : DAP / SD5 – juillet 2009
89
88) La DISP de Paris relève depuis mars 2010 des nouvelles dispositions
contractuelles ; les autres DISP doivent y basculer d’ici la fin de l’année.
89) Par un mail du 29 octobre 2009, le bureau du budget,, de la comptabilité et des
finances (SD1) indiquait à la Cour que les estimations de besoin de bracelets étaient
réévaluées à la baisse pour 2010 (à hauteur de 7 000 bracelets environ). A défaut de
transmission de l’actualisation de ces besoins sur la période 2010 – 2013, la Cour n’a
pu actualiser la totalité de leur chiffrage.
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COUR DES COMPTES
En dépit des difficultés soulevées par la passation de nouveaux
marchés régionaux et au surcoût induit par les marchés transitoires
(estimé à 10 M€ par rapport à l’application rapide de l’accord-cadre
national), la décision d’un marché-cadre national était souhaitable. Le
marché présente par ailleurs l’intérêt de régler rapidement certaines
questions d’ordre pratique que posaient les marchés régionaux. Il règle
d’abord la question du lien avec les opérateurs téléphoniques : la prise en
charge des communications relève désormais du prestataire. De plus,
l’accord-cadre lui confie la logistique et la gestion des stocks.
La Cour recommande que l’utilisation des stocks de PSE soit
suivie au niveau de chaque DISP pour vérifier l’application de la remise
de 1,5% prévue dans l’offre de DATACET à partir du 10 001
ème
dispositif
livré au niveau national. Il reste en outre à parachever le dispositif en
passant les marchés subséquents. Enfin, la question de la cohérence entre
le montant maximum (60 M€ HT) de l’accord-cadre I et les besoins
nettement supérieurs suscités par la loi pénitentiaire, évoquée plus haut,
reste posée.
III
-
Le développement des mesures de sûreté
Un dispositif législatif nouveau et complexe s’est développé ces
dernières années afin de contrôler, à leur sortie de prison, les profils
criminologiques les plus dangereux. A la libération conditionnelle qui
tendait déjà à la réinsertion des condamnés et à la prévention de la
récidive (article 729 du code de procédure pénale), le législateur est venu
ajouter le suivi socio-judiciaire en 1998, la surveillance judiciaire des
personnes dangereuses, la surveillance électrique mobile et le fichier
judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou
violentes (par la loi n°2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au
traitement de la récidive des infractions pénales), et dernièrement la
surveillance et la rétention de sûreté (par la loi du 25 février 20082008 –
voir glossaire).
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A - Le « placement sous surveillance électronique
mobile » : une mesure de sûreté en milieu ouvert
Présentation du PSEM
Introduit par la loi du 12 décembre 2005, le placement sous surveillance
électronique mobile (PSEM) est prononcé à titre accessoire d’une mesure
principale (de libération conditionnelle, de surveillance judiciaire, de suivi socio-
judiciaire, de surveillance de sûreté) ou intervient comme une obligation des
permissions de sortie accordées aux personnes placées en centre de rétention de
sûreté. Il s’applique aux personnes condamnées à des peines privatives de liberté
d’au moins sept ans, ayant donné lieu à un avis favorable de la commission
pluridisciplinaire des mesures de sûreté –facultatif depuis la loi du 10 mars 2010-
et à une évaluation de leur état de dangerosité, et doit donner lieu à l’accord
exprès du condamné. La durée d’application du PSEM est limitée dans le temps à
deux ans renouvelables une fois en matière délictuelle, et deux fois en matière
criminelle, dans la durée de la mesure principale à laquelle il est adossé.
Relié au réseau satellitaire GPS, le bracelet permet de déterminer à chaque
instant la localisation des personnes concernées et de vérifier qu’elles respectent
bien les obligations et interdictions qui leur sont édictées. Le mode de
surveillance retenu par l’administration pénitentiaire est le mode semi-actif, « qui
consiste en une transmission en temps réel de certaines informations
prédéterminées (les alarmes notamment) et en une transmission en temps différé
des autres éléments de surveillance. »
1 -
Les défaillances du dispositif contractuel
L’expérimentation du PSEM a commencé en juin 2006, avec la
notification à la société ELMO-TECH de deux marchés régionaux de 6
mois (dans les directions régionales de Lille et de Rennes), pour un
maximum de 40 dispositifs. L’expérimentation s’est ensuite prolongée
dans le cadre d’un marché à bons de commande national
90
, notifié en
décembre 2006 à ELMO-TECH, pour une durée maximale de 19 mois Un
arrêté du ministre du 23 août 2007 a ensuite habilité ELMO-TECH à
mettre en oeuvre les prestations techniques du PSEM. Un avenant notifié
le 23 mai 2008 a permis de prolonger le marché jusqu’au 31 décembre
2008. Le recours évoqué ci-avant de la société ELMO-TECH à l’encontre
du projet d’accord-cadre I a toutefois nécessité la reconduction du marché
90) Le marché, qui couvre les directions régionales de Lille, Marseille, Paris et
Rennes, comporte un maximum et un minimum annuels exprimés en quantité : 40
dispositifs de surveillance au minimum et 150 au maximum. Le coût unitaire mensuel
par bracelet est de 720 € HT et 861 € TTC (soit environ 29 € TTC par jour). Le coût
maximal du marché s’établit ainsi à 1 944 000 € HT et 2 324 700 € TTC.
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COUR DES COMPTES
au-delà de cette échéance, par périodes successives de deux mois ; au 31
août 2009, quatre décisions de reconduction avaient ainsi été validées par
le contrôleur financier.
La mise en oeuvre du marché s’est avérée délicate. Elle a même
donné lieu à de nombreuses anomalies.
En premier lieu, l’administration pénitentiaire a étendu sans
fondement contractuel le périmètre du marché à toutes les DISP, alors
qu’il était circonscrit à quatre d’entre elles seulement. Il est vrai que les
arrêtés du 23 aout 2007 ont mis fin à l’expérimentation du dispositif et
ont ouvert la possibilité de mettre en oeuvre sur l’ensemble du territoire
national métropolitain toute mesure assortie d’un PSEM. Au lieu de
passer un avenant avec ELMO-TECH ou de relancer une nouvelle
procédure de passation de marché, la DAP a choisi de « rattacher » les
cinq autres DISP et la mission outre-mer aux quatre pôles centralisateurs
prévus au marché. Les « contournements » du périmètre du marché
représentaient à ce titre 27% (fin août 2009) des crédits consommés
depuis le début du marché (soit 318 785 € TTC, dont 107 828 € en 2008
et 210 957 € en 2009).
La gestion des stocks a, en second lieu, donné lieu à des
arrangements extracontractuels entre la DAP et la société ELMO-
TECH
91
.
Par ailleurs, indépendamment de ces accommodements, des retards
de livraison et des interruptions de surveillance observés en 2007 et en
2009 ont donné lieu à l’application de pénalités pour des montants très
limités en 2007 (1 826,5 €). En 2009, ces pannes bloquantes se sont
aggravées, conduisant l’administration pénitentiaire, devant la vive
critique des magistrats concernés, à appliquer des pénalités à la société
ELMO-TECH pour des montants, que celle-ci conteste largement.
Enfin, une contradiction a été relevée entre les montants versés à la
société ELMO-TECH en 2007 (224 639 €, soit un coût moyen de 29 € par
jour)
92
et les montants utilisés dans le cadre du contrôle de gestion pour
91) La Cour en a trouvé plusieurs illustrations. En 2007, au moment de la montée en
puissance progressive du dispositif dans les 4 DISP pilotes, la DAP n’a loué que 29
dispositifs à la société ELMO-TECH alors que le marché en prévoyait 40 au
minimum par an. En dehors des clauses du marché, la société ELMO-TECH n’a alors
facturé que les 29 mis à la disposition des DISP. A cet arrangement favorable au
budget de la DAP a succédé en 2008 un arrangement sur diverses factures dues à
ELMO-TECH.
92) Ce montant correspond bien à l’application d’un montant unitaire mensuel de
861 € TTC (soit environ 29 € / jour) au nombre total de mensualités associées en 2007
à la location des 29 dispositifs (263 mensualités, soit 9 mois de location en moyenne
par valise), puis minorée du montant des pénalités appliquées en 2007 (soit 1826,5 €).
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161
calculer le coût moyen de fonctionnement du PSEM en 2007 (297 221 €
au titre des locations hors téléphonie et 26 722 € au titre des
télécommunications, soit un coût moyen de 35,30 € par jour pour 25
dispositifs loués en moyenne sur l’année). La DAP n’a pu donner
d’explications sur ce qui avait justifié l’exécution de dépenses
supplémentaires pour près de 102 943 € dans les DISP de Strasbourg et
de Rennes en 2007 (alors même que le marché était entièrement
centralisé). Les résultats du contrôle de gestion relatifs à l’exercice 2008
font apparaître un coût de journée de l’ordre de 28,23 €, qui semble donc
normaliser la situation.
Au total, la Cour observe un écart significatif, dont l’explication ne
lui a pas été fournie, entre le nombre de dispositifs facturés depuis le
début du marché (284 unités fin août 2009) et le nombre de personnes
effectivement placées sous surveillance électronique mobile depuis juin
2006 (48 personnes fin août 2009 et 74 en mars 2010, dont 40 pour la
seule année 2009).
2 -
Un développement encore limité
Le développement encore limité de la mesure s’explique par la
circonspection avec laquelle les magistrats la considèrent - les difficultés
techniques évoquées précédemment n’ont guère contribué à les rassurer -,
et par la lourdeur du dispositif.
Une autre contrainte d’ordre technique a pu également gêner le
déploiement du dispositif depuis ses débuts : les matériels fournis par
ELMO-TECH ne permettaient pas d’avoir des échanges verbaux avec les
placés en cas de déclenchement des alarmes. La circulaire du 23 janvier
2008 indiquait à ce titre qu’« il était souhaitable que la personne placée
sous surveillance électronique mobile s’équipe d’un téléphone portable à
sa libération afin de pouvoir être jointe en cas de déclenchement d’une
alarme », ce qui alourdissait d’autant la contrainte pesant sur les placés.
La mise en oeuvre de l’accord-cadre PSE-PSEM, signé en septembre,
devrait permettre en principe de régler cette difficulté et d’équiper les
placés d’appareils cellulaires, équipés d’un GPS.
L’absence d’hébergement des condamnés à la sortie de détention
constitue un autre obstacle opérationnel à la mise en oeuvre de ce type de
mesure.
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COUR DES COMPTES
S’il est encore trop tôt pour apprécier l’efficacité de la mesure, on
notera cependant que les placements arrivés à échéance présentent des
taux d’incidents assez élevés. Sur les seize mesures achevées au 1
er
juillet
2009, six libérations conditionnelles seulement étaient allées à leur terme
sans incident.
Par ailleurs, l’appréciation de l’implication des SPIP dans la mise
en oeuvre du PSEM pourrait constituer un critère d’évaluation intéressant
de cette mesure, mais elle n’est pas mesurée à ce jour.
Enfin, deux ans après la nomination, par arrêté du 23 août 2007, du
magistrat chargé d’assurer le contrôle des conditions de fonctionnement
du PSEM, les dispositions des articles R.61-12 et R.61-13 du code de
procédure sont restées sans effet. Compte-tenu du profil des personnes
placées et du caractère restrictif du PSEM au regard des libertés
publiques, il faut regretter qu’en dépit des points de contrôle définis en
juin 2009, aucun bilan n’ait encore été dressé.
Quatre ans après l’adoption de la loi du 12 décembre 2005 relative
au traitement de la récidive des infractions pénales, la mise en oeuvre du
PSEM se révèle encore délicate et lente ; elle est néanmoins appelée à
augmenter ; compte tenu des modifications législatives introduites par la
loi pénitentiaire (assignation à résidence sous PSEM) et la loi du 10 mars
2010.
B - Le centre médico-psychologique de rétention de
sûreté de Fresnes : une mesure de sûreté en milieu
fermé
Introduite en 2008 dans le code de procédure pénale et directement
inspirée de pays voisins (Pays-Bas, Norvège), la rétention de sûreté
consiste à placer un condamné en fin de peine dans un centre socio-
médico-judiciaire de sûreté, dont l’objectif est une prise en charge
médicale, sociale et psychologique destinée à permettre la fin de cette
mesure.
Le placement en rétention de sûreté nécessite la saisine préalable
de la commission pluridisciplinaire de mesures de sûreté, laquelle doit
demander le placement de la personne, pour une durée d’au moins six
semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des
personnes détenues aux fins d’une évaluation pluridisciplinaire de
dangerosité.
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163
En pratique, la rétention de sûreté est prononcée dans deux cas de
figure : soit dans le verdict même de la cour d’assises, soit si l’intéressé
sous surveillance de sûreté ne respecte pas ses obligations.
Le premier cas ne concerne que des faits postérieurs à l’entrée en
vigueur de la loi du 25 février 2008 et ne pourra donc connaître un début
d’application que dans une douzaine d’années, compte-tenu des délais
nécessaires pour l’instruction et le jugement des faits commis après le 25
février 2008, et de la durée d’une peine de réclusion criminelle d’au
moins quinze ans, qui, par le jeu des réductions de peine, pourrait être
diminuée dans son exécution de trois à cinq ans. Au 1
er
août 2009, aucun
criminel n’avait été condamné par une cour d’assise à une mesure de
rétention de sûreté.
S’agissant du second cas, le Conseil constitutionnel a ouvert la
possibilité de prononcer une rétention de sûreté, dès maintenant, en cas de
violation des obligations de la surveillance de sûreté, et ce même pour des
faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi du 25 février 2008. Or la
surveillance de sûreté nécessite le prononcé préalable de la surveillance
judiciaire. En pratique, la surveillance judiciaire reste d’application
marginale : depuis la création de cette mesure par la loi du 12 décembre
2005, elle n’a été prononcée que pour 113 condamnés (au 1
er
janvier
2008). A ce jour, une seule mesure de surveillance de sûreté a été
prononcée.
Plusieurs
contraintes,
évoquées
dans
le
rapport
Lamanda,
subsistent en tout état de cause.
En premier lieu, les mesures d’injonction de soins, qui tendent à se
banaliser dans l’arsenal des mesures de sûreté, souffrent d’une
insuffisance notoire du nombre de médecins coordonnateurs. Aucune
statistique n’a toutefois pu être produite quant au nombre de mesures
d’injonctions de soin prononcées au 1
er
janvier 2009
93
et quant à celles
suivies par les SPIP. On dénombre à ce jour 219 médecins
coordonnateurs mais 15 départements et 38 tribunaux de grande instance
en sont encore dépourvus.
Il conviendrait à cet égard d’évaluer les besoins en médecins
coordonnateurs du ministère de la Justice et de développer, de manière
générale, un suivi assidu des mesures d’injonctions de soins. Au
demeurant, l’article 13 de la loi du 10 août 2007 prévoit qu’une
93) En effet, ces mesures n’étant pas autonomes, elles ne font pas l’objet en tant que
telles d’un enregistrement au casier judiciaire, de sorte qu’il n’est pas possible de
donner le nombre de mesures prononcées à une date donnée.
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164
COUR DES COMPTES
évaluation de la partie « injonctions de soins » de cette loi devra avoir été
faite au plus tard le 31 mars 2011.
En second lieu, le suivi des condamnés par les conseillers
d’insertion et de probation à leur sortie de prison nécessite la
détermination d’un référentiel des normes, afin de permettre au juge de
l’application des peines de donner un mandat précis au SPIP et de fonder
la
professionnalisation
de
certains
conseillers
pour
les
profils
dangereux. L’administration pénitentiaire a entrepris des travaux en ce
sens.
Tout d’abord, le centre national d’observation a été transformé en
un centre national d’évaluation, qui se situera sur le site du futur centre
pénitentiaire de Réau à compter de fin 2011. L’adaptation des méthodes
de travail de l’équipe pluridisciplinaire intervenant au sein du CNE a par
ailleurs été entreprise, afin de tenir compte de la nouvelle mission
d’évaluation de la dangerosité criminologique des personnes détenues au
regard des risques de récidive.
Parallèlement, la création d’un centre socio-médico-judiciaire de
sûreté a été engagée au sein de l’établissement pénitentiaire de santé
national de Fresnes (EPNSF). L’aménagement d’une dizaine de studios
(pour un coût de 110 000 € / studio) a ainsi été menée à son terme fin
2008, mais ils restent vides à ce jour. Le règlement intérieur du centre a
été arrêté en juillet 2009 par le Garde des Sceaux ; il définit avec
précision les conditions de rétention, qui s’apparentent à biens des égards
à un régime de détention. Se pose toutefois la question de la pérennité du
site, dans la perspective du rattachement programmé en 2012 de l’EPSNF
à l’UHSI d’Evry.
Le développement des mesures de sûreté (en milieu ouvert et en
milieu fermé), est encore incertain ; une attention particulière devra être
portée au développement de ces mesures spécifiques.
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PREVENIR LA RECIDIVE, DU MILIEU OUVERT AUX MESURES DE
SURETE
165
__________________
RECOMMANDATIONS
_________________
-
Faire évoluer les modalités de suivi des personnes placées sous
main
de
justice
dans
les
applications
informatiques
(notamment APPI) vers un suivi global des personnes; achever
la réalisation de l’infocentre APPI, au bénéfice du travail des
magistrats et des CIP ;
-
Pour les mesures alternatives à l’incarcération, construire un
tableau de bord enrichi de l’action des SPIP ;
-
Régulariser
le
cahier
électronique
de
liaison,
après
consultation de la CNIL ;
-
Revoir les implantations des CSL et des QSL en fonction des
besoins et de leur efficience et adapter leurs conditions de
fonctionnement au travail des détenus ;
-
Finaliser l’application de l’accord cadre avec DATACET dans
les meilleurs délais et appliquer les marchés des DISP en
surveillant la gestion des stocks de bracelets électroniques
.
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Conclusion générale
Le monde pénitentiaire ne peut plus aujourd’hui être abandonné à
une marginalité, cachée derrière les murs de la prison, ni se satisfaire de
vagues d’indignation relayées par une actualité médiatique de quelques
jours. Il doit être perçu dans sa complexité comme dans ses multiples
aspects humains et économiques si on veut le gérer de manière efficace
socialement et financièrement, sans misérabilisme, ni aveuglement. En
respectant les droits des détenus, comme ceux des personnels, en jouant
des divers temps de la vie pénitentiaire pour aller dans le sens des objectifs
de la loi pénitentiaire, sanctionner sans désocialiser, prévenir la récidive en
assurant la sécurité de tous.
La Cour des comptes a pour mission de partir d’un constat des faits
et d’avancer des recommandations pour améliorer ce qui existe, en évitant
autant que possible les a-prioris ou les préjugés. Au terme de ses contrôles,
elle constate que le système pénitentiaire est à la recherche d’un équilibre
entre des tensions contradictoires dont il est le lieu, sinon l’enjeu. Cet
équilibre passe par l’enrichissement des pratiques professionnelles de tous
les intervenants, depuis les surveillants, les conseillers de probation, les
personnels d’encadrement, les magistrats jusqu’aux personnels de santé ou
aux professionnels du secteur privé. Il passe également par l’amélioration
du bâti compte tenu à la fois de la vétusté du parc actuel et de son
évolution selon des formes encore en recherche, sans que l’accroissement
constant des capacités puisse toutefois être une solution. Résoudre ces
équations demande des efforts profonds et durables dans lesquels
l’administration pénitentiaire s’est engagée, mais qui restent encore
largement à poursuivre et à consolider.
Trois données structurent aujourd’hui le proche avenir :
1) Il faut traiter aujourd’hui du service public pénitentiaire exécutant
dans son ensemble une politique pénale, pour lui donner la plus grande
efficience possible. En aval du système judiciaire, il faut donc prendre en
compte les 225 000 personnes placées sous main de justice.
2) L’accroissement depuis près de dix ans du nombre des détenus
emprisonnés, notamment sous l’effet de lois pénales visant à lutter contre
la récidive et durcissant les peines encourues, se conjugue avec une
surpopulation des maisons d’arrêt et des centres pénitentiaires. Le
programme d’accroissement des capacités et de modernisation des prisons
décidé à partir de la loi de programmation de 2002 permettra d’atteindre en
2012 une capacité d’accueil égale au nombre actuel de détenus, alors que le
nombre de personnes condamnées à des peines de prison pourrait encore
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168
COUR DES COMPTES
augmenter significativement. La loi pénitentiaire a pour ambition et pour
défi de résoudre cette difficile équation.
3) Dans ce contexte, la gestion du service public est aujourd’hui
confiée de manière croissante, pour toutes les fonctions qui ne sont pas
celles de direction, de greffe ou de surveillance, à des prestataires privés à
travers des formules plus ou moins globales. A l’horizon 2012, environ
50% des établissements pénitentiaires fonctionneront ainsi en gestion
déléguée ou mixte, par l’entremise de formules contractuelles diverses et
souvent, pour les formules de partenariat, de très longue durée.
Dans ces conditions, les enjeux pour maîtriser l’avenir sont de trois
ordres :
1) L’administration, si elle a amélioré les dispositifs contractuels
de délégation au secteur privé et s’organise de mieux en mieux pour
vérifier la qualité des prestations accomplies, n’est pas encore capable de
procéder à une comparaison convaincante des coûts et avantages mutuels
de la gestion publique et de la gestion déléguée, comme le recommandait
la Cour en 2006. Un outil de comparaison reste nécessaire, d’autant qu’il
apparaît déjà, comme le craignait la Cour dans son rapport de 2006 que la
garantie financière fournie, à bon droit, aux prestataires privés par des
obligations contractuelles conduit à restreindre tendanciellement les
moyens budgétaires affectés au secteur public en gestion traditionnelle.
Or, il ne saurait y avoir de prisons à deux vitesses, d’autant que la vétusté
du
bâti
est
la
caractéristique
d’un
nombre
encore
important
d’établissements en gestion publique.
2) Dans ce contexte, l’amélioration des conditions de vie en
détention est un facteur déterminant pour limiter les tensions, préparer
l’insertion ou la réinsertion sociale des détenus, et donc contribuer à la
prévention de la récidive. La référence aux « règles pénitentiaires
européennes » est une nouvelle orientation dont la réalisation va
nécessairement dans le bon sens.
Si beaucoup a été fait en la matière, beaucoup reste encore à faire.
L’amélioration en cours et à poursuivre de la gestion traditionnelle de la
cantine, ainsi que la reprise en main des activités socioculturelles, d’abord
en corrigeant anomalies ou irrégularités, ensuite en leur donnant un
contenu moins dispersé et plus consistant, ne doivent notamment pas
masquer l’effort essentiel qui demeure à accomplir en matière de santé,
de travail et de formation professionnelle. La prise en charge
psychologique et psychiatrique, l’organisation de véritables activités de
travail, allant vers plus de compétences professionnelles et couplées à la
fois avec des investissements techniques et des formations qualifiantes
conditionnent les progrès attendus.
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CONCLUSION GENERALE
169
3) La peine de prison, dont la mise à exécution est de plus en plus
considérée par le code pénal comme un « dernier recours », doit
désormais, lorsqu’elle est prononcée, faire l’objet d’aménagements de
peine permettant de sortir de la logique de détention ; l’objet de telles
dispositions est de limiter la désocialisation et de lutter contre la récidive.
Si les objectifs fixés par le législateur sont clairs, l’arsenal des
outils à la disposition des juges et des personnels pénitentiaires, au
premier rang desquels les personnels d’insertion et de probation, est
complexe et lui-même saturé : quant aux personnels qui les mettent en
oeuvre, ils ne sont pas loin d’être débordés, juges d’application des peines,
surveillants de prison et conseillers d’insertion et de probation ont plus de
tâches et de dossiers que jamais. En particulier, les personnels des SPIP
ne représentent que 7% du total des effectifs pénitentiaires et leur
reconversion engagée vers une prise en charge individualisée et des
méthodes plus criminologiques que sociales sera nécessairement
progressive.
Or, avec les juges d’application des peines, ils doivent instruire et
suivre toutes les méthodes d’aménagement de peines, encore peu
évaluées en termes d’efficacité et de dépense, notamment si l’on tient
compte du développement rapide de la surveillance électronique.
Les
placements
sous
surveillance
électronique
(PSE),
les
« bracelets », s’accroissent actuellement à vive allure, au point qu’ils ont
parfois l’allure de panacée pour décongestionner les prisons, notamment
avec la généralisation des placements « en fin de peine » prévue par la loi
pénitentiaire du 24 novembre 2009 : les attentes fondées sur cette
méthode sont grandes, mais doivent encore être confirmées. En effet, si
l’économie budgétaire est certaine par rapport à la détention, son suivi et
sa fiabilité restent à prouver sur une grande échelle, dans le cadre de
dispositifs contractuels complexes qu’il faudra maîtriser face à des
contractants très compétents et organisés.
Les solutions de l’équation difficile que détaille le présent rapport
reposent sur l’engagement des personnels du service public, avec leurs
multiples métiers, qui encadrent les prestataires privés. Sans eux, sans le
soutien qui leur sera apporté, par des objectifs clairs et cohérents par
rapport aux moyens engagés, et parce que l’exigence qui leur est
demandée est considérable, l’ambition du législateur restera vaine.
Le rapport présenté par la Cour, par les progrès qu’il fait
apparaître, permet de penser à partir des recommandations formulées,
qu’il est possible de satisfaire cette ambition dans les années qui viennent.
Ainsi, le service public pénitentiaire français gagnera en dignité et pourra
mieux supporter les comparaisons avec les démocraties voisines.
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170
COUR DES COMPTES
Récapitulatif des recommandations
Première partie : Les facteurs d’évolution de la politique pénitentiaire
1.
Etendre la mise en oeuvre des règles pénitentiaires européennes.
2.
Développer l’évaluation individuelle des situations grâce au
centre national d’évaluation doté d’une capacité adaptée.
3.
Poursuivre la différenciation des centres pénitentiaires, selon la
dangerosité des détenus et les aménagements de peine
possibles.
4.
Achever dans ce cadre l’harmonisation des règlements
intérieurs des établissements, selon leur catégorie.
5.
Organiser une mesure plus précise des incidents relatifs aux
personnes suivies en milieu ouvert.
6.
Améliorer la tenue du compte de commerce pour la gestion des
cantines,
notamment
en
y
retraçant
l’exhaustivité
des
opérations.
7.
Publier sans délai les décrets d’application de la loi
pénitentiaire de novembre 2009.
Deuxième partie : La coexistence de deux modes de gestion : gestion
publique et gestion mixte
8.
Professionnaliser les agents en charge de l’audit des fonctions
externalisées.
9.
Augmenter la fréquence des audits des prestations de gestion
déléguée, en particulier dans les établissements rencontrant des
difficultés et sur les fonctions les plus sensibles (restauration,
maintenance, cantines, travail et formation professionnelle).
10.
Elaborer une méthode fiable de comparaison entre la gestion
déléguée et la gestion publique, en intégrant des indicateurs de
coûts mais également de qualité de service.
Troisième partie : Les conditions de vie en détention
11.
Améliorer la prise en charge de la santé des détenus par :
-
un suivi périodique de l’état de santé des détenus à différentes
étapes de leur séjour pénitentiaire
-
l’accélération du calendrier de livraison des unités hospitalières
spécialement aménagées
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RECAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS
171
-
l’amélioration de la prise en charge des personnes dépendantes
-
une meilleure articulation avec le service public hospitalier
pour assurer la permanence des soins
-
la réorganisation
des escortes médicales.
12.
Améliorer la collecte des déchets et renforcer le nettoyage des
établissements.
13.
Réduire les écarts de prix des cantines entre les établissements
pénitentiaires, par une politique d’approvisionnement adaptée
dans les établissements en gestion publique et par un contrôle
plus
systématique
des
prestations
proposées
par
les
gestionnaires délégués.
14.
Elargir le panel des produits compris dans le « panier du
détenu » de manière à disposer d’une méthode fiable de suivi
des prix des cantines et d’éviter les effets d’optimisation opérés
par les délégataires privés sur les 20 produits « historiques ».
15.
Réformer et homogénéiser les conditions tarifaires de location
de téléviseurs en détention.
16.
Clarifier et régulariser les relations juridiques et financières
entre
l’administration
pénitentiaire
et
les
associations
socioculturelles.
17.
Dans le cadre de futurs marchés de gestion déléguée, adapter la
notation des offres des candidats, de manière à les inciter à
investir davantage dans l’équipement des ateliers, à diversifier
les activités et à mieux articuler travail et formation
professionnelle.
Quatrième partie : Le rôle et le fonctionnement des SPIP
18.
Répartir les effectifs et les crédits de fonctionnement des SPIP
sur une base claire et normalisée, précisée dans les documents
budgétaires : dotation de base et schéma d’emploi adapté aux
actions menées dans le ressort de chacun d’eux.
19.
Adapter les dispositions réglementaires du code de procédure
pénale (CPP) aux nouvelles méthodes de travail des SPIP de
manière à garantir une certaine homogénéité des pratiques sur
le territoire.
20.
Définir les modalités d’articulation des SPIP et des chefs
d’établissement (mise en place d’une autorité fonctionnelle des
chefs d’établissements sur les agents des SPIP dans leur
établissement).
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172
COUR DES COMPTES
21.
Développer les études portant sur la prévention de la récidive,
en s’appuyant notamment sur l’observatoire indépendant, visé à
l’article 7 de la loi pénitentiaire.
22.
Systématiser la coopération entre les missions locales et
l’administration
pénitentiaire
pour
améliorer
l’insertion
socioprofessionnelle des jeunes détenus.
23.
Accorder les prestations sociales de droit commun aux
bénéficiaires d’aménagement de peine.
Cinquième partie : La prévention de la récidive : une priorité à objectiver
24.
Faire évoluer les modalités de suivi des personnes placées sous
main de justice dans les applications informatiques (notamment
APPI) vers un suivi global des personnes ; achever la
réalisation de l’infocentre APPI, au bénéfice du travail des
magistrats et des CIP.
25.
Pour les mesures alternatives à l’incarcération, construire un
tableau de bord enrichi de l’action des SPIP.
26.
Régulariser le cahier électronique de liaison, après consultation
de la CNIL.
27.
Revoir les implantations des CSL et des QSL en fonction des
besoins et de leur efficience et adapter leurs conditions de
fonctionnement au travail des détenus.
28.
Finaliser l’application de l’accord cadre avec DATACET dans
les meilleurs délais et appliquer les marchés des DISP en
surveillant la gestion des stocks de bracelets électroniques.
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Glossaire
ACOSS :
Agence centrale des organismes de sécurité sociale
AFPA
: Association pour la formation professionnelle des adultes
Aménagement de la peine :
Mesure consistant à aménager les conditions
d’exécution d’une peine privative de liberté. La peine d’emprisonnement
n’est pas effacée par une mesure d’aménagement de la peine ; en cas de
non-respect de cette mesure d’aménagement, son bénéficiaire est
généralement réincarcéré.
ANJAP :
Association nationale des juges d’application des peines.
ANPE
: Agence nationale pour l’emploi
ANVP
: Association nationale des visiteurs de prisons.
AOT-LOA :
Autorisation d’occupation temporaire du domaine public
associée à un contrat de location avec option d’achat. Régie par l’article 3
de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d’orientation et de programmation
pour la sécurité intérieure (LOPSI), cette disposition permet à l’Etat de
conclure avec le titulaire d’une autorisation d’occupation temporaire du
domaine public un bail portant sur des bâtiments à construire
par le
titulaire pour les besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie
nationales et comportant, au profit de l’Etat, une option lui permettant
d’acquérir, avant
le terme fixé par l’autorisation d’occupation, les
installations ainsi édifiées.
APIJ :
Agence publique pour l’immobilier de la Justice
APPI :
Application des peines Probation Insertion ; système informatisé
de suivi du milieu ouvert, partagé entre les SPIP et les magistrats
ASSODAS
: Association de soutien des activités socioculturelles et
sportives de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis
BOP :
Budget opérationnel de programme (élément de la cartographie
budgétaire, sous l’empire de la LOLF).
Cantine
:
Désigne le service permettant aux détenus d’acquérir des biens
et des services avec les sommes figurant sur la part disponible de leurs
comptes nominatifs. Cette faculté s'exerce sous le contrôle du chef de
l'Etablissement et dans les conditions prévues au règlement intérieur.
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COUR DES COMPTES
Capacité d’accueil des établissements
: Désignée également
Capacité
théorique
des établissements se définit de manière théorique par la
somme des cellules utilisées pour héberger les détenus placés en
détention. Pour chaque établissement cette capacité d’accueil est calculée
en nombre de places par référence à des critères de superficie édictés par
la circulaire NOR. E 8840016 C du 17 marché 1988.
CAT
: Centre d’aide par le travail
CBCM
: contrôleur budgétaire et comptable ministériel
CCTP :
Cahier des clauses techniques particulières (voir
Marché
).
CEL :
Cahier électronique de liaison.
Centre de détention (CD)
: Désigne un établissement pénitentiaire
accueillant les personnes majeures condamnées qui présentent les
perspectives de réinsertion les meilleures. Leur régime de détention est
orienté principalement vers la resocialisation des détenus.
Centre pénitentiaire (CP) :
Etablissement pénitentiaire qui comprend au
moins deux quartiers à régime de détention différents : maison d'arrêt,
centre de détention et/ou maison centrale.
Chorus
: nouveau système de gestion intégrée des dépenses de l’Etat.
CIP
:
Conseillers d’insertion et de probation. Ils ont pour missions d'aider
à la prise de décision judiciaire et de mettre à exécution les décisions
pénales, restrictives ou privatives de liberté.
CIVIS
: contrat d’insertion dans la vie sociale (dispositif mis en place en
mars 2006 par le Comité interministériel des villes)
CNE :
Centre national d’évaluation
CNIL :
Commission nationale de l’informatique et des libertés
CNO :
Centre national d’observation
Condamné :
Désigne la personne déclarée coupable d'avoir commis une
infraction par une décision définitive.
Concessionnaire :
Entreprise privée qui développe des activités de
travail pour les détenus dans les établissements pénitentiaires
Contrat de partenariat :
Créé par l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin
2004, il s’agit d’un contrat administratif par lequel l’Etat ou un
établissement public de l’Etat confie à un tiers, pour une période
déterminée en fonction de la durée d’amortissement des investissements
ou des modalités de financement retenues, une mission globale
ayant pour
objet le financement, la construction ou la transformation, l’entretien, la
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GLOSSAIRE
175
maintenance, l’exploitation ou la gestion d’ouvrages, d’équipements ou
de biens immatériels nécessaires au service public. Il peut également
avoir pour objet tout ou partie de la conception de ces ouvrages,
équipements ou biens immatériels ainsi que des prestations de services
concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de
service public dont elle est chargée .
Contrôle judiciaire :
Mesure consistant à opérer un contrôle sur des
prévenus sans recourir à leur incarcération
CPA
: Centre pour peines aménagées
CPU
: Commission pluridisciplinaire unique
CPP :
Code de procédure pénale
CSIP :
Chefs des services d’insertion et de probation (corps des
personnels de SPIP). Ils mettent en oeuvre, sous l'autorité des directeurs
d'insertion et de probation, les missions tendant à la réinsertion des
personnes faisant l'objet d'une mesure privative ou restrictive de liberté.
Ils peuvent être chargés, sur délégation du directeur, de fonctions de
coordination d'actions menées dans le cadre de partenariats, d'animation
des équipes de travailleurs sociaux, de conseil technique auprès des
conseillers d'insertion et de probation et des assistants de service social, et
de conduite d'actions en direction des personnes placées sous main de
justice.
CSL
: Centre de semi-liberté
Détenu
:
Désigne une personne écrouée dans un établissement
pénitentiaire.
DACG
: Direction des affaires criminelles et des grâces
DAP
: Direction de l’administration pénitentiaire
DIP
: Directeurs d’insertion et de probation (corps des personnels de
SPIP). Placés sous l'autorité des directeurs de SPIP, les directeurs
d'insertion et de probation (DIP) assurent l'encadrement des SPIP. Ils
peuvent exercer des fonctions de direction dans les centres pour peines
aménagées et les centre de semi-liberté, et peuvent être adjoints des
directeurs de SPIP.
DGCS :
Direction générale de la cohésion sociale
DGEFP
:
Direction
générale
de
l’emploi
et
de
la
formation
professionnelle.
DGFiP
: Direction générale des finances publiques
DISP :
Direction interrégionale des services pénitentiaires
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COUR DES COMPTES
DPS :
Détenu particulièrement signalé
DSPIP :
Directeur des services pénitentiaire d’insertion et de probation
(statut d’emploi). Les DSPIP dirigent, animent et coordonnent les
personnels placés sous leur autorité, au sein des SPIP.
EMS :
Etat major de sécurité - sous-direction en charge des questions de
sécurité au sein de la direction de l’administration centrale
EPM
: Etablissement pour mineur
ENAP
: Ecole nationale d’administration pénitentiaire
ENSPF :
Etablissement national de santé pénitentiaire de Fresnes
ERIS :
Equipe régionale d’intervention et de surveillance
Etablissement pénitentiaire :
Il existe plusieurs types d'établissements
pénitentiaires selon le régime de détention et les catégories de
condamnations : les centres de détention (CD), les centres pénitentiaires
(CP), les centres de semi-liberté (CSL), les maisons d'arrêt (MA), les
maisons centrales (MC), les établissements pour mineurs (EPM).
ETPT
: Equivalent temps plein travaillé
FNARS
: Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion
sociale, qui coordonne l’activité des centres d’hébergement et de
réinsertion sociale.
FSE
: Fonds social européen
GENEPI
: Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes
incarcérées
GIDE
:
Application information dédiée à la « Gestion informatisée des
Détenus en Etablissement » pénitentiaire
GENESIS
:
Application
informatique
destinée
à
remplacer
les
applications coeur de métier de l’administration pénitentiaire (GIDE,
Gestion Centralisée de la Population Pénale, Gestion Régionale de la
Population Pénale, Fichier National des Détenus), ainsi que des
applications d’initiative locale (Cahier Electronique de Liaison, Dossier
Electronique d'Orientation).
GIPSE :
Outil
de
« Gestion
informatisée
des
placements
sous
surveillance
électronique »,
dont
le
déploiement
doit
permettre
d’anonymiser les données portées à la connaissance du prestataire en
charge du futur marché national.
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GLOSSAIRE
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GRAPPED
: Outil de « Gestion et de réservation des aménagements de
peine et des placés en détention », dont le déploiement doit permettre
d’assurer une gestion en temps réel des capacités d’accueil des
bénéficiaires d’aménagements de peine.
HO
: Hospitalisation d’office
IGF
: Inspection générale des finances
IGSJ
: Inspection générale des services judiciaires
INDIA LOLF
: Infocentre contenant les informations budgétaires et
comptables relatives aux finances de l’Etat.
Indigence :
Désigne la situation d’un détenu dont les ressources sont
inférieures à un seuil défini par circulaire. Cette situation, temporaire ou
durable, est appréciée en fonction de la part disponible sur son compte
nominatif. Ce seuil est fixé annuellement par circulaire (45 € en octobre
2006). Sera apparenté comme indigent tout détenu qui ne disposera dans
le mois suivant son incarcération que de ressources inférieures au seuil
réglementaire précité.
INED
: Institut national des études démographiques
INSEE
: Institut national de la statistique et des études économiques
INSERM :
Institut national de la santé et de la recherche médicale
IRILL
: Programme « Insertion, réinsertion et lutte contre l’illettrisme »
(IRILL), géré par la direction générale de l’emploi et de la formation
professionnelle (DGEFP).
ITT
: Interruption temporaire de travail
JAP
: Juge d’application des peines
JDD
: Journée de détention (outil de comparaison des coûts de
fonctionnement des établissements pénitentiaires).
Jours – amendes
: Mesure prononcée par le tribunal correctionnel et
consistant, pour le condamné, à verser au Trésor public une somme dont
le montant global résulte de la fixation par le juge d’une contribution
quotidienne pendant un certain nombre de jours. Le montant de chaque
jour est déterminé en fonction des ressources et des charges du prévenu ;
il ne peut excéder 1 000 euros. Le nombre de jours-amendes est
déterminé en fonction des circonstances de l’infraction ; il ne peut
dépasser 360 jours.
LFI
: Loi de finances initiale
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LOLF :
Loi organique relative aux lois de finances du 1
er
août 2001
LOPJ :
Loi de programmation et d’orientation pour la justice de 2002
Nombre de jour de détention (JDD)
: Calculé sur la base du nombre de
détenus présents dans l’établissement pénitentiaire concerné à l’appel
effectué par l’Administration en début de matinée déduction faite du
nombre de détenus absents (extractions médicales, détenus en permission,
détenus placés sous surveillance électronique, détenus en semi-liberté).
Libération conditionnelle (LC) :
Modalité d’aménagement de la peine.
Elle ne peut être accordée qu’à l’issue de la période de sûreté aux
condamnés ayant effectué la moitié de leur peine, aux 2/3 pour les
récidivistes, à 15 ans au mois pour les condamnés à perpétuité pour des
faits commis avant le 14 décembre 2005 et 18 ans au mois pour des faits
postérieurs à cette date. Elle est précédée d’une expertise psychiatrique
(lorsqu’un suivi socio-judiciaire est encouru) et de l’avis de la
commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté pour les condamnés
à perpétuité. La libération conditionnelle est une mesure d’aménagement
de peine, qui s’étend au minimum jusqu’à la fin de la peine, mais peut
également la dépasser.
MAEC
: Mission d’audit, d’évaluation et de contrôle (MAEC) de la
direction générale des finances publiques, désormais appelée « mission
nationale d’audit ».
Maison d’arrêt (MA) :
Etablissement pénitentiaire qui reçoit les
prévenus et les condamnés dont la durée de peine restant à purger est
inférieure à 1 an, ou les condamnés en attente d'affectation dans un
établissement pour peine (centre de détention ou maison centrale).
Certaines maisons d'arrêt disposent d'un quartier spécifique pour recevoir
des mineurs, séparés des adultes.
Maison centrale (MC) :
Etablissement qui reçoit les condamnés les plus
difficiles. Leur régime de détention est axé essentiellement sur la sécurité.
MAPSE
: Mission chargée d’accompagner la montée en puissance des
aménagements de peine et le placement sous surveillance électronique
mobile, au sein de la direction de l’administration pénitentiaire
Marché
: Désigne les documents contractuels énumérés dans l’acte
d’engagement, notamment l’acte d’engagement (AE), le cahier des
clauses administratives particulières (CCAP), le cahier des clauses
techniques particulières (CCTP), leurs annexes, ainsi que le cahier des
clauses administratives générales (CCAG).
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179
Mesures pré-sentencielles :
Mesures alternatives à l’incarcération,
permettant à des personnes mises en cause de réparer leur « faute » avant
que des poursuites pénales ne soient engagées à leur encontre (ex : travail
non-rémunéré). Relève également de cette catégorie le contrôle judiciaire.
Mesures post-sentencielles :
Mesures alternatives à l’incarcération
prononcées
à
l’encontre
d’une
personne
passible
d’une
peine
d’emprisonnement (ex : jours-amendes, travail d’intérêt général, stage de
citoyenneté, sanction-réparation, autres peines privatives ou restrictives
de liberté : suspension ou annulation du permis de conduire, suspension
ou retrait du port d’armes, etc. - articles 131-3 et suivants du code pénal).
Elles permettent également de surseoir à une peine de prison en
l’assortissant d’obligations (sursis avec mise l’épreuve, assortis de
l’obligation de se soigner, d’effecteur des travaux d’intérêt général, de
suivre un stage de citoyenneté, etc. – articles 132-40 du code pénal) ou de
la convertir en une autre condamnation (ex : « conversion TIG »).
MGD
:
Mission
pour
la
gestion
déléguée
des
établissements
pénitentiaires (structure relevant de la sous-direction des services
déconcentrés, au sein de la direction de l’administration pénitentiaire).
MGD-01/ MGD- 04
: Différentes générations de marchés de gestion
déléguée
Milieu fermé :
Désigne l’ensemble des établissements pénitentiaires par
opposition aux mesures et dispositifs alternatifs à l’incarcération.
Milieu ouvert :
Désigne l’ensemble des personnes placées sous le
contrôle de la justice à la suite d’une condamnation pénale mais n’étant
pas inscrites sur les registres d’écrou de l’administration pénitentiaire.
Mise à l’épreuve :
Mesure consistant à soumettre le condamné, sous le
contrôle du juge d’application des peines, à des mesures de surveillance
et à des obligations particulières : établir sa résidence en un lieu
déterminé, se soumettre à des mesures d’examen médical, de traitement
ou de soins, même sous le régime de l’hospitalisation, s’abstenir de
paraître en certains lieux ou de rencontrer certaines personnes
NPAP
:
Nouvelle procédure d’application des peines
OIP
: Observatoire international des prisons
PAP :
Projet annuel de performances (document budgétaire associé au
projet de loi de finances)
Partenariat public – privé (PPP) :
Il s’agit des nouvelles formules
contractuelles
(AOT-LOA,
contrats
de
partenariats)
conclus
par
l’administration avec des prestataires privés pour construire des
établissements pénitentiaires.
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COUR DES COMPTES
Peines privatives, alternatives ou restrictives de liberté
: Peines
prononcées par le tribunal correctionnel pouvant se substituer à une peine
d’emprisonnement. Il en existe une quinzaine d’un degré de gravité
variable. Près de la moitié affectent, directement ou indirectement, le
droit de conduire (suspension de permis), le droit de porter ou manipuler
des armes, le droit d’exercer certaines activités, le droit de fréquenter
certaines personnes ou certains lieux, etc.
Permission de sortir :
Mesure consistant à autoriser un condamné à
s’absenter seul d’un établissement pénitentiaire pendant une période de
temps déterminée, qui s’impute sur la durée de la peine en cours
d’exécution, pour se rendre en un lieu situé sur le territoire national. Elle
a pour objet de préparer sa réinsertion professionnelle ou sociale, de
maintenir des liens familiaux ou de lui permettre d’accomplir une
obligation exigeant une présence. Elle ne peut être accordée que si le
condamné n’est pas en cours d’exécution de la période de sûreté.
Placement extérieur (PE)
:
Mesure permettant à un condamné de
travailler à l’extérieur ou d’y suivre un enseignement, une formation
professionnelle ou un traitement médical, sans être soumis à la
surveillance continue du personnel pénitentiaire. Le condamné peut ne
pas être astreint à passer dans l’établissement pénitentiaire son temps
disponible hors placement : il est alors généralement hébergé par une
association qui lui procure une activité.
Placement sous surveillance électronique (PSE)
: Mesure emportant
pour le placé, prévenu ou condamné, l’interdiction de s’absenter de son
domicile ou de tout autre lieu en dehors de certaines périodes. Les
périodes et les lieux sont fixés en tenant compte de l’activité
professionnelle, de la participation à la vie de famille, de la prescription
d’un traitement médical, etc. Le contrôle de la mesure est effectué par les
personnels de l’administration pénitentiaire au moyen d’un procédé
permettant de détecter la présence ou l’absence du placé des lieux dans
lesquels il doit se trouver. Ce procédé consiste, en pratique, en un bracelet
muni d’un émetteur que la personne doit porter en permanence. Il s’agit
en d’autres termes de la prison à domicile.
Placement sous surveillance électronique mobile (PSEM)
:
Mesure
consistant à déterminer à chaque instant la localisation des personnes
placées sous le régime de la libération conditionnelle (pour les auteurs de
crimes particuliers), de la surveillance judiciaire, du suivi socio-judiciaire
et de la surveillance de sûreté, ou comme obligation des permissions de
sortie accordées aux personnes placées en centre de rétention de sûreté.
Le système du PSEM fait appel au réseau satellitaire GPS, qui permet de
localiser tout individu porteur du dispositif de surveillance avec une
précision d’environ 10 mètres. D’un point de vue technique, il comporte
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un bracelet émetteur, un boîtier récepteur portable, un boîtier récepteur
statique (placé au domicile de la personne qui prend le relais du récepteur
mobile, lorsqu’il est mis en veille ou qu’il est branché afin d’être
rechargé).
PLF
: Projet de loi de finances
PMJ :
Sous-direction des personnes placées sous main de justice, au sein
de la direction de l’administration pénitentiaire
Population sous écrou :
Population inscrite sur le registre d’écrou d’un
établissement pénitentiaire. Il s’agit en pratique non seulement des
personnes détenues dans cet établissement, mais également des personnes
bénéficiaires d’aménagements de peine (placement sous surveillance
électronique, placement extérieur) qui n’y sont pas détenues.
PPR :
Programmes de prévention de la récidive. Expérimentés à partir de
2007, ils ont vocation à faire réfléchir les condamnés sur le sens de leur
peine.
PPSMJ :
Personnes placées sous main de justice
Prévenu :
Désigne la personne (en liberté ou détenue dans un
Etablissement pénitentiaire) poursuivie pour contravention ou délit, et qui
n'a pas encore été jugée ou dont la condamnation n'est pas définitive.
QCP :
Quartiers « courtes peines ». Initiés dans le cadre de la loi de
programmation et d’orientation pour la justice de 2002, ils doivent
accueillir des détenus condamnés à des peines de moins d’un an ou dont
le reliquat de peine est inférieur à un an. L’administration pénitentiaire a
fait évoluer ces QCP vers des QNC.
QNC :
Quartiers « nouveau concept ». Ces quartiers ont vocation à
accueillir des condamnés à de courtes peines et des personnes en semi-
liberté ou en placement à l’extérieur hébergé.
QPS :
Quartiers de préparation à la sortie au sein d’un centre
pénitentiaire.
QSL :
Quartiers « semi-liberté ». Il s’agit des quartiers de certains centres
pénitentiaires, dédiés à l’hébergement des bénéficiaires d’une mesure de
semi-liberté.
RAP :
Rapport annuel de performances (document budgétaire associé au
projet de loi de règlement des comptes)
Rétention de sûreté :
Mesure consistant à placer le condamné, qui a
accompli sa peine, dans un centre médico-social de sûreté. Le prononcé
de ces mesures relève de la juridiction régionale de la rétention de sûreté.
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COUR DES COMPTES
RGPP
: Revue générale des politiques publiques
RH
: Sous-direction des ressources humaines et des relations sociales, au
sein de la direction de l’administration pénitentiaire
RIEP :
Régie industrielle des établissements pénitentiaires, dont les
opérations comptables sont retracées au compte de commerce 909.
RPE
: Règles pénitentiaires européennes
SD
: Sous-direction de l’organisation et du fonctionnement des services
déconcentrés, au sein de la direction de l’administration pénitentiaire
Semi-liberté (SL):
Mesure
permettant
au
condamné
d’exercer
à
l’extérieur de l’établissement pénitentiaire une activité professionnelle,
d’y suivre un enseignement, une formation professionnelle, un stage, un
traitement médical, ou de participer à la vie de sa famille. Il est astreint à
rejoindre l’établissement pénitentiaire, en fonction du temps nécessaire à
l’activité en vue de laquelle il a été admis au régime de semi-liberté, et à
y demeurer pendant les jours où ses obligations extérieures se trouvent
interrompues.
Service Général
: Désigne le travail des détenus affectés à des activités
concourant au fonctionnement courant de l’établissement pénitentiaire,
notamment la maintenance, l’entretien des locaux, la préparation ou la
distribution des repas, et des produits cantinés.
SEP :
Service de l’emploi pénitentiaire. Service à compétence nationale,
chargé d’organiser la production de biens et de services par des détenus et
d’en assurer la commercialisation, d’assurer la gestion et
l’aide au
développement d’activités de travail et de formation professionnelle dans
les établissements pour peine, et de gérer la régie industrielle des
établissements pénitentiaires.
Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) :
Structure
départementale dépendant de l'Administration pénitentiaire. Le SPIP est
chargé du suivi des personnes condamnées incarcérées (milieu fermé) ou
non (milieu ouvert) confiées par l'autorité judiciaire : suivi individuel,
préparation à la sortie, enseignement, travail, propositions de soins,
contribution aux activités sportives et lutte contre la toxicomanie.
Seuil Minimal de Rémunération (SMR)
: Rémunération horaire
minimale des détenus employés au titre de la concession de main
d’oeuvre. Le seuil est fixé selon un barème établi annuellement par l’Etat.
SME :
Sursis avec mise à l’épreuve
SMIC
: Salaire minimum interprofessionnel de croissance
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SMPR :
Service médico-psychologique régional. Il s’agit d’un service de
psychiatrie implanté en milieu pénitentiaire, ayant une vocation régionale,
comprenant une unité d'hospitalisation et offrant des soins diversifiés
incluant l'hospitalisation volontaire.
SMR
: Salaire minimum de référence
Suivi socio-judiciaire
: Prévu aux articles 13-36-1 et suivants du code
pénal et 763-1 et suivants du code de procédure pénale, il soumet le
condamné à différents obligations, parmi lesquelles le PSEM et
l’injonction de soins systématique (sauf décision contraire). La durée
pendant laquelle le condamné est astreint à ces obligations peut varier de
10 à 30 ans. Le dispositif n’est pas encore applicable ; il ne s’appliquera
en effet qu’aux faits commis postérieurement à l’entrée en vigueur de la
loi du 17 juin 1998. Ces faits étant passibles de peines d’emprisonnement
souvent longues, les obligations prononcées dans le cadre du suivi-
judiciaire n’entreront en vigueur qu’à la fin des périodes de détention
concernées. A son terme, le suivi socio-judiciaire peut déboucher sur une
surveillance de sûreté.
Sursis :
Mesure consistant à suspendre totalement ou partiellement
l’exécution d’une peine (d’emprisonnement). Il est révocable en cas de
nouvelle condamnation à une peine criminelle ou correctionnelle sans
sursis, pour crime ou délit de droit commun. La condamnation disparaît si
la révocation n’a pas lieu dans un délai de cinq ans. Pour faciliter cette
solution, le législateur a ajouté au sursis simple, qui ne se traduit pour le
condamné par aucune autre obligation que celle de ne pas commettre de
nouvelle infraction, le sursis avec mise à l’épreuve et le sursis avec
obligation d’accomplir un travail d’intérêt général.
Surveillance judiciaire des personnes dangereuses
: Prévue aux articles
723-29 et suivants du code de procédure pénale), elle consiste à imposer
des obligations aux détenus, au moment de leur libération, dans un délai
correspondant à la durée des réductions de peine accordées. Cette mesure
« ne constitue ni une peine, ni une sanction », mais « une modalité
d’exécution de la peine » (Conseil constitutionnel, DC du 8 décembre
2005). Elle n’est prononcée que lorsque la personne est condamnée à une
peine de prison égale ou supérieure à sept ans pour un crime ou un délit
pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et que le risque de
récidive est constaté par une expertise médicale. La surveillance
judiciaire peut donner lieu à plusieurs types d’obligations : PSEM (après
avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté),
injonction de soin, assignation à domicile, interdiction de toute proximité
avec des mineurs, etc. Elle est prononcée, avant la date de la libération,
par décision du JAP pour les faits commis après l’entrée en vigueur de la
loi du 12 décembre 2005, ou du tribunal d’application des peines, pour les
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faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi. L’exécution de la mesure
s’effectue sous le contrôle du JAP, assisté du SPIP. A son terme, le suivi
socio-judiciaire peut déboucher sur une surveillance de sûreté.
Surveillance de sûreté
: Mesure de sûreté s’appliquant à des personnes
condamnées à une peine de réclusion criminelle d’au moins 15 ans pour
des crimes sur mineurs ou sur majeurs (mais aggravés). Elle s’applique à
titre exceptionnel, lorsqu’il s’agit de « l’unique moyen de prévenir la
commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions ». Elle
est prise pour deux ans et renouvelable, le cas échéant. La surveillance de
sûreté permet d’imposer des « obligations identiques à celles prévues
dans le cadre de la surveillance judiciaire, en particulier une injonction de
soins […] et le PSEM ». Elle est prononcée dans le prolongement d’une
surveillance judiciaire, à la suite d’un suivi-socio judiciaire, à l’issue
d’une rétention de sûreté ou lorsque la rétention de sûreté, pourtant
prévue dans le verdict de la cour d’assises, n’a pas été prononcée par la
juridiction régionale de la rétention de sûreté.
Travail d’intérêt général (TIG)
: Travail non rémunéré devant être
accompli, pour une durée de 40 à 210 heures, au profit soit d’une
personne morale de droit public, soit d’une personne morale de droit
privé chargée d’une mission de service public ou d’une association
habilitées à mettre en oeuvre un travail d’intérêt général. Cette peine ne
peut être prononcée contre un prévenu qui la refuse ou qui n’est pas
présent à l’audience.
UCSA :
Unité de consultations et de soins ambulatoires. Il s’agit des
unités hospitalières, implantées en milieu pénitentiaire et chargées
d’assurer les soins somatiques et psychiatrique
UGD
: Unité de gestion déléguée (unité relevant des directions
interrégionales des services déconcentrés).
UHSA :
Unité hospitalière spécialement aménagées pour recevoir les
détenus souffrant de pathologies psychiatriques
UHSI :
Unité hospitalières sécurisées interrégionales. Situées dans un
centre hospitalier régional universitaire, elles reçoivent les détenus
souffrant de pathologies somatiques (non psychiatriques) pour des séjours
de plus de 48 heures.
UO :
Unité opérationnelle (élément de la cartographie budgétaire, sous
l’empire de la LOLF)
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ANNEXE
185
Annexe n°1 : Liste des services et
établissements visités
Direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris
Maison d’arrêt de Nanterre
Centre de détention de Melun
Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis
Service pénitentiaire d’insertion et de probation de l’Essonne
Centre de semi-liberté de Corbeil
Service pénitentiaire d’insertion et de probation du Val de Marne
Centre pour peines aménagées de Villejuif
Maison d’arrêt de Fresnes
Etablissement pénitentiaire de santé national de Fresnes
Direction interrégionale des services pénitentiaires de Lille
Centre pénitentiaire de Lille-Loos-Sequedin (quartiers « maison d’arrêt »
et
« maison centrale » de Sequedin, centre de détention de Loos)
Service pénitentiaire d’insertion et de probation de la Somme
Direction interrégionale des services pénitentiaires de Strasbourg
Maison centrale d’Ensisheim
Service pénitentiaire d’insertion et de probation du Haut-Rhin
Centre pénitentiaire de Metz (visite de la maison d’arrêt et du centre pour
peines aménagées)
Service pénitentiaire d’insertion et de probation de la Moselle
Direction interrégionale des services pénitentiaires de Marseille
Maison d’arrêt d’Aix-Luynes
Centre pénitentiaire de Marseille - Les Baumettes
Service pénitentiaire d’insertion et de probation des Bouches-du-Rhône
Direction interrégionale des services pénitentiaires de Rennes
Centre de détention d’Argentan
Service pénitentiaire d’insertion et de probation de l’Orne
Direction interrégionale des services pénitentiaires de Dijon
Maison centrale de Saint-Maur
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ANNEXE
187
Annexe n°2 : La réforme budgétaire et
comptable
Dans son rapport public de janvier 2006, la Cour avait souligné les
anomalies
des
règles
comptables
applicables
aux
établissements
pénitentiaires, régies jusqu’à fin 2005 par les dispositions du décret n° 57-
1409
du
31
décembre
1957,
qui
attribuaient
aux
comptables
pénitentiaires, et non aux trésoriers-payeurs généraux, l’exécution des
dépenses. De surcroît, une partie significative des opérations de recettes
et de dépenses de l’administration pénitentiaire était exécutée de façon
irrégulière au niveau local, faute de délégation reçue des préfets
compétents.
Juste avant la parution du rapport de 2006, le décret n° 2005-1490
du 2 décembre 2005 relatif à l’organisation financière et comptable des
services déconcentrés de l’administration pénitentiaire a engagé la
réforme souhaitée et permis au ministère de répondre aux exigences de
l’entrée en vigueur de la loi organique sur les lois de finances (LOLF),
tout en entreprenant une clarification des responsabilités de chacun des
échelons de ses services déconcentrés. La réforme comptable ainsi
engagée a été complétée et s’est stabilisée depuis lors.
A - Une organisation budgétaire et comptable
normalisée
Dans la continuité du décret du 2 décembre 2005 et par arrêté du 3
décembre, la gestion des biens des détenus est confiée à des régisseurs,
placés sous la responsabilité des comptables du Trésor public qui ont
succédé aux greffiers comptables de l’administration pénitentiaire. Deux
types de régies d’avances et /ou de recettes ont été créées : les régies
usuelles destinées au maniement des fonds publics pour la réalisation
d’opérations limitées et les régies des comptes nominatifs pour le
maniement des fonds des personnes incarcérées.
Instituées auprès des établissements pénitentiaires et des DISP, les
premières permettent, d’une part, d’encaisser de menues recettes, d’autre
part, de payer des dépenses urgentes, liées notamment à l’entretien des
personnes détenues qualifiées d’indigentes, pour un montant maximal par
opération limité à 70 euros. Des régies d’avances et/ou de recettes
peuvent également être instituées auprès des services pénitentiaires
d’insertion et de probation (SPIP) dans des conditions comparables.
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L’arrêté a également prévu le régime applicable aux régies des
comptes nominatifs des personnes détenues. Ces régies permettent de
gérer, pour les recettes, les biens et les fonds appartenant aux personnes
détenues à leur entrée en détention, ainsi que les fonds qui leur sont
versés en détention (perception de mandats envoyés par les familles,
rémunération perçue au titre du travail pénitentiaire) et, pour les avances,
les sommes dues par les personnes détenues (paiement des achats via les
cantines, location des téléviseurs) ainsi que les sommes devant être
versées à leur libération (pécule de sortie) ou durant les permissions. La
qualité du fonctionnement de ces régies est donc essentielle à la vie dans
les prisons, sur des questions sensibles pour les détenus.
La tenue des régies des comptes nominatifs a fait l’objet d’une
appréciation globalement positive de la part de la mission conjointe
94
chargée de l’audit partenarial des comptes nominatifs des détenus, qui a
examiné en 2008 la tenue de 13 régies de comptes nominatifs.
Par ailleurs, toujours dans un souci de régularisation de l’exécution
comptable de la dépense, l’arrêté du 20 mai 2008 portant règlement de la
comptabilité du ministère de la justice pour la désignation des
ordonnateurs secondaires et de leurs délégués est venu préciser les
conditions
de
délégation
et
de
subdélégation
des
prérogatives
d’ordonnateur secondaire (dévolues aux préfets de région) au sein de
chaque direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP), ces
dernières ayant succédé en 2007 aux directions régionales.
Cet arrêté traduit la diversité des choix opérés d’une direction
interrégionale à l’autre en la matière. Ainsi certaines DISP ont accordé
une subdélégation à des chefs des établissements, d’autres ont constitué
des unités opérationnelles (UO) autour de plusieurs établissements dans
un souci de mutualisation. Par ailleurs, pour les services des régions et
collectivités d’outre-mer, il a été décidé de créer une UO par territoire
concerné. Toutefois, ces schémas initiaux, qui semblent avoir été laissés à
l’initiative de chaque directeur interrégional, ont été revus dans les mois
qui ont suivi la parution de l’arrêté.
*
La Cour souligne que la création des différentes régies et la
régularisation de la situation des ordonnateurs s’inscrit dans le cadre
général de ses recommandations de 2006. La diversité des solutions mises
en oeuvre localement invite néanmoins à ce qu’un compte rendu soit
94) Mission conduite par la mission d’audit, d’évaluation et de contrôle (MAEC) de la
DGFiP et par l’inspection générale des services judiciaires (IGSJ), dont le rapport n°
2008-06 (décembre 2008) est intitulé : Audit des procédures relatives à la gestion des
comptes nominatifs des détenus « cantine » et « rémunération ».
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ANNEXE
189
fourni à l’échelon central, pour permettre des comparaisons, des
synthèses et l’harmonisation des meilleures pratiques.
B - Le compte de commerce
912
Le fonctionnement du compte de commerce « cantine et travail des
détenus » repose sur un état prévisionnel de gestion arrêté par le ministre
de la justice, ordonnateur principal, et présenté en équilibre pour chaque
section. Pour les exercices 2007 et 2008, les lois de finances avaient
prévu un équilibre global à hauteur de 100 millions d’euros, décomposé
en 40 millions pour la section 1 (cantines) et 60 millions pour la section 2
(travail pénitentiaire). Cet état prévisionnel de gestion fait ensuite l’objet
d’une notification de l’ordonnateur principal à chaque ordonnateur
secondaire.
La DAP effectue un suivi mensuel des opérations réalisées sur le
compte de commerce, notamment du découvert autorisé par la loi de
finances, qui est censé correspondre :
-
d’une part, pour la première section, au décalage entre la date
d’achat des biens et celle de leur revente aux détenus, la durée
de stockage étant estimée à un mois par l’administration
pénitentiaire ;
-
d’autre part, au décalage entre le paiement des rémunérations
aux détenus et les versements effectués par les entreprises
donneuses d’ordre.
Ce découvert a été fixé à 25 millions d’euros à compter du 1
er
janvier 2007, et reconduit à ce même montant pour l’exercice 2008. En
cas de dépassement du seuil autorisé pour le découvert, les engagements
et les mandatements sont suspendus. Ce dispositif n’a jamais été mis en
oeuvre à ce jour.
Si la mise en place du compte de commerce constitue en soi un
facteur de progrès dans la gestion des flux financiers associés à la vie en
détention, la Cour relève toutefois que subsistent plusieurs marges
d’amélioration de son fonctionnement.
Se pose tout d’abord la question du périmètre des opérations
retracées dans la section « cantine des détenus ». En effet, ont été exclus
de la comptabilisation au compte de commerce les achats « extérieurs »
ou achats « directs », qui correspondent aux achats ponctuels de biens
non-stockés
ne
figurant
pas
dans
les
catalogues
des
produits
habituellement proposés (produits techniques, CD, DVD, etc.). Pour ces
produits, le paiement de la facture est directement effectué par le
régisseur des comptes nominatifs, sans transiter par le compte de
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commerce. Sans que cela ait pu être quantifié globalement par
l’administration pénitentiaire, cette différence représente dans certains
établissements la moitié des dépenses totales des détenus. Ce manque
d’exhaustivité est préjudiciable au bon suivi du résultat global des
opérations de cantine, d’autant que les pratiques sont différentes d’un
établissement à l’autre dans le traitement de certains types de produits
cantinés
95
, de ce fait comptabilisés ou non.
Le fait qu’une partie substantielle des opérations de cantine ne soit
pas inscrite dans le compte de commerce constitue une anomalie qu’il
convient
de
souligner,
d’autant
que
subsistent
des
difficultés
d’identification du « bénéfice » des cantines, c’est-à-dire des marges qui
sont réalisées et qui doivent être réinvesties dans des dépenses au profit
de la population pénale (
cf. infra
). L’administration pénitentiaire a
entrepris de clarifier les règles comptables applicables aux opérations de
cantine, mais l’objectif d’une exhaustivité suffisante reste à atteindre.
Par ailleurs, la fiabilité du résultat annuel du compte de commerce
en comptabilité d’exercice n’est pas assurée. Ce constat, déjà établi par un
audit en décembre 2008 sur la gestion des comptes nominatifs des
détenus, s’explique, d’une part, par l’absence d’outil de gestion dédié au
compte de commerce 912
96
, et d’autre part, par la disparité des pratiques
de suivi des opérations d’un établissement à l’autre.
A défaut d’outil spécifique, la détermination du résultat pour
l’exercice 2007 s’est donc effectuée en recourant aux requêtes issues de
l’infocentre INDIA LOLF et en prenant en compte les charges à payer et
les produits à recevoir transmis, avec plus ou moins de rigueur, aux
trésoreries générales par les DISP. Le résultat de l’exercice 2007 fait ainsi
apparaître un solde déficitaire de près de 9 M€, auquel il faut toutefois
ajouter les mandats et les titres émis au 31 décembre 2007, et les charges
à payer et les produits à recevoir au titre de l’année 2007
97
. La prise en
compte du différentiel de 1,6 M€ entre les charges à payer et les produits
à recevoir a toutefois permis de ramener le solde net d’exécution du
compte de commerce à un écart de plus de 7 M€ en 2007.
95) Ainsi de la presse, soit comptabilisée en tant que cantine non stockée et inscrite au
compte 912, soit considérée comme un achat extérieur non retracé au compte de
commerce.
96) L’application « GE-compte de commerce », qui permet d’éditer des états
mensuels indispensables au suivi du compte de commerce, est entrée en application
courant 2008 seulement. CHORUS doit s’y substituer à compter de 2010.
97) Selon les sources, les données relatives à ces opérations divergent. La direction
générale de la comptabilité publique a enregistré 3,17M€ en charges à payer et 2,8M€
en produits à recevoir, soit un solde de près de 1,6 M€, tandis que les DISP
enregistraient respectivement 3,6M€ et 3,8M€.
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ANNEXE
191
Les résultats des exercices 2008 et 2009, qui traduisent une
meilleure convergence des soldes d’exécution et tendent à confirmer une
meilleure appropriation et standardisation des outils de suivi, ainsi qu’un
meilleur fonctionnement de la chaîne « ordonnateur-comptable », ne
lèvent toutefois pas tous les doutes quant à la fiabilité de l’exercice.
La loi de règlement pour 2008 met en évidence un solde
d’exécution global excédentaire, en raison de la prise en compte des
opérations de fin d’exercice 2007 (titres non recouvrés et produits à
recevoir notamment –
cf.
tableau n°25), que le solde des opérations de fin
d’exercice
afférentes
à
2008,
soit
–
67 840
euros,
ramène
à
1 M€, contre 7 M€ pour l’exercice 2007.
Enfin, le projet de loi de règlement pour 2009, qui traduit une
augmentation des opérations suivies sur le compte de commerce
(94,65 M€ en dépenses et 96,13 M€ en recettes), met en lumière un solde
global d’exécution des opérations de cantine et de travail à nouveau
excédentaire (1,49 M€) en 2009.
Les données fournies par l’administration pénitentiaire à l’occasion
de l’examen du projet de loi de règlement gagneraient en tout état de
cause à être complétées par un détail du solde d’exécution budgétaire
pour chaque section et chaque ligne, en recettes comme en dépenses.
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Tableau 25 : Solde d’exécution du compte 912 pour l’exercice 2008
Dépenses
Recettes
Section
Ligne
Exécution
Ligne
Exécution
Solde
51. Achats de biens de cantine
36 132 854 €
11. Ventes des biens de cantine
40 751 576 €
52. Achats de prestations de
cantines
340 171 €
12. Ventes de prestations de services
6 375 101 €
53. Dépenses de matériel,
d'entretien et de fonctionnement
liées à l'activité de cantine
307 250 €
13. Recettes diverses et accidentelles
19 867 €
54. Dépenses diverses et
accidentelles
7 335 €
14. Versements du budget général
40 725 €
55. Versements au budget général
Cantine des détenus
Sous-total
45 787 610 €
Sous-total
47 187 269 €
1 399 659 €
61. Versements aux détenus
32 592 567 €
21. Produits du travail des détenus
42 919 596 €
62. Impôts et cotisations sociales
10 651 018 €
22. Recettes diverses et accidentelles
63. Dépenses diverses et
accidentelles
23. Versements du budget général
64. versements au budget général
Travail des détenus
en milieu
pénitentiaire
Sous-total
43 243 585 €
Sous-total
42 919 596 €
- 323 989 €
Total général
Total des dépenses
89 031 195 €
Total des recettes
90 106 865 €
1 075 670 €
Source : Projet de loi de règlement pour 2008
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ANNEXE
193
Enfin, il est patent que le découvert autorisé demeure supérieur aux
besoins réels, alors même que le compte de commerce a désormais atteint
un rythme de croisière. Ainsi, au-delà des incertitudes liées aux
différences enregistrées entre les suivis de l’ordonnateur et du
comptable
98
, on observe un découvert moyen au titre de l’exercice 2007
d’environ 8 M€, soit le tiers environ du découvert maximum autorisé.
L’année 2008, qui constitue la première année de fonctionnement
« normal » du compte 912, puisqu’elle intègre, en début d’exercice, les
paiements et les encaissements réalisés aux titres d’opérations réalisées
l’année précédente
99
, fait apparaître un découvert légèrement plus faible
que celui enregistré fin 2007, sans doute en raison de l’entrée en service
d’un outil informatique dédié favorisant une émission plus rapide des
titres de perception.
Compte-tenu de ce constat, la loi de finances pour 2009 a ramené
l’autorisation de découvert de 25 à 23 M€, ce qui demeure un montant
nettement supérieur aux besoins réels observés. Il pourrait être ramené
sans risque à 20 M€, ce que l’administration annonce pour l’exercice
2011, à la suite des premières observations de la Cour.
C - La nouvelle organisation budgétaire des services
L’administration pénitentiaire n’a pas imposé de schéma type
d’organisation lors de l’entrée en vigueur de la LOLF mais dès 2008 elle
a décidé, au regard de l’expérience tirée dans certaines DISP (Dijon,
Marseille, Rennes, Strasbourg), d’uniformiser les pratiques en imposant,
à compter du 1
er
janvier 2010, une UO unique de fonctionnement
correspondant à chaque BOP, positionnée au siège de la DISP, de même
que l’UO consacrée à la paie.
La mise en place de cette UO unique de fonctionnement s’est
toutefois effectuée dans des conditions variables d’une DISP à
l’autre (regroupement transitoire en 2008 et 2009 des UO de Fresnes et de
Fleury-Mérogis au sein de l’UO « Sud Francilien » ; mise en place de
l’UO unique dans les DISP de Bordeaux, Lille, Lyon et Toulouse, dès
98) Les données communiquées lors de la présentation de la loi de règlement mettent
en évidence les difficultés de suivi de ce découvert, puisque le découvert de fin
décembre était estimé, via une requête INDIA, à 10,9 millions d’euros, soit le
découvert maximal enregistré sur l’année. En réalité, une fois qu’ont été passées
toutes les écritures comptables afférentes à 2007, le découvert final de l’exercice 2007
a été ramené à 8 937 580 euros.
99) Cela n’était pas vrai pour 2007, puisque les dépenses effectuées en 2006 pour les
opérations de cantines et de travail pénitentiaire ont pu donner lieu à rétablissement de
crédits en 2007 sur le budget général de l’administration pénitentiaire (cf. instruction
N° 07-025-R5-B1-A7 du 6 avril 2007, page 5).
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2009 ; maintien en 2009 des UO de fonctionnement et de paie dans
chacun des régions ou collectivités d’outre-mer, fusion en 2010 des UO
de fonctionnement et de paie en une UO unique). Ainsi, l’administration
pénitentiaire est passée de 88 UO en 2006 à 18 en 2010, avec une UO
pour chaque DISP
100
de métropole, une UO pour la mission outre-mer et 7
UO en outre-mer (une pour chacun des 7 départements et collectivités
concernés, au siège de l’établissement le plus important).
Ainsi,
après
une
liberté
initiale
offerte
à
chaque
DISP,
l’administration
centrale
a
imposé
progressivement
un
schéma
d’organisation budgétaire et comptable uniforme à l’échelle du territoire,
dans un souci de rationalisation des effectifs et d’adaptation à Chorus,
avec la perspective de la mise en place, à terme, de centres de services
partagés avec d’autres services du ministère de la justice (PJJ, services
judiciaires).
La mise en oeuvre de la LOLF s’est traduite en pratique par
l’institutionnalisation d’un dialogue de gestion à deux étages : entre
l’administration centrale et les DISP d’une part, entre les DISP et les
services qui leur sont rattachés d’autre part.
Les pratiques en cours au sein des DISP sont en réalité très
hétérogènes. Si l’on excepte la mission outre-mer, pour laquelle la quasi-
totalité des dépenses est exécutée par les établissements et par les SPIP,
du fait de l’existence d’une UO dédiée à la paye dans chacun des
départements ou collectivités, les autres DISP présentent des modalités
d’affectation de la dépense très variées. Les cas extrêmes sont
respectivement la DISP de Marseille, où 61 % des dépenses (hors gestion
déléguée mais paie incluse) ont été exécutées par la DISP, et la DISP de
Bordeaux, où seulement 24 % des dépenses ont été mandatées par la
DISP, ce chiffre plus réduit pouvant s’expliquer par l’existence jusqu’au
31 décembre 2008, de trois UO de fonctionnement (DISP, MC de Saint-
Martin de Ré et CD de Mauzac).
Enfin, la LOLF a conduit à de nouvelles missions de pilotage de
l’activité pénitentiaire par les DISP.
Des efforts de mutualisation en matière de commande publique
(marchés inter-établissements, marchés uniques à l’échelle de la DISP,
etc.) ont tout d’abord vu le jour partout en France, sous l’impulsion d’un
pôle « achats et marchés » en administration centrale et du déploiement
d’« unités achats et marchés publics » dans les DISP (
cf.
DISP de
Strasbourg). Le suivi par les DISP des marchés passés par les
100) Sous réserve de la DISP de Bordeaux qui comprend 2 UO, suite au rattachement
fonctionnel de l’UO du service de l’emploi pénitentiaire localisé à Tulle.
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195
établissements peut également avoir la vertu d’identifier et de permettre
la régularisation de situations irrégulières.
Par ailleurs, la mise en oeuvre de la LOLF a eu pour effet de créer
des services d’audit interne dans les DISP, chargés de créer des circuits
de suivi de l’information physico-financière pour l’établissement des
rapports annuels de performance, ainsi qu’à des cellules de contrôle
interne comptable, chargées de diffuser une « culture » du contrôle
interne, sur la base de feuilles de route établies par l’administration
centrale.
*
En définitive, la Cour relève les conséquences de l’application de
la LOLF dans les services déconcentrés ; en stimulant des efforts de
mutualisation louables du point de vue de la gestion publique, elle
s’accompagne d’une réduction de l’autonomie des établissements
pénitentiaires par rapport au système antérieur, décrit par la Cour dans
son rapport de 2006. Un bilan de ces nouvelles méthodes devra être
dressé ultérieurement.
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197
RÉPONSE DU GARDE DES SCEAUX,
MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTÉS
La Cour des comptes a intitulé son rapport sur le service public
pénitentiaire « prévenir la récidive, gérer la vie carcérale ». Ce titre
symbolise à lui seul la politique pénitentiaire nous conduisons.
L’administration pénitentiaire a en effet dans notre pays une
image négative. Le ministre d’état a indiqué à plusieurs reprises que son
objectif était de changer cette image de « prison, école du crime » en
« prison, école de la lutte contre la récidive ».
Depuis la loi du 24 novembre 2009, la prévention de la récidive est
en effet inscrite au rang des missions essentielles de la prison. Ce n’est
pas l’une des moindres vertus de cette loi fondatrice, tant attendue et tant
débattue, que de l’avoir fait. Si tout se joue à la sortie de prison, la
prévention de la récidive commence durant le temps carcéral.
En érigeant en principe l’obligation de suivre une activité pour le
détenu, en consacrant la notion de parcours d’exécution de peine et celle
des régimes différenciés, la loi nous a dotés d’outils permettant de mettre
en place cette politique. Les décrets d’application portant sur les droits et
obligations des détenus sont d’ores et déjà rédigés, l’un ayant été
transmis au conseil d’état.
Votre précédent rapport sur l’administration pénitentiaire date de
2006. Cette année est précisément celle où la France a choisi de faire des
règles pénitentiaires européennes sa charte d’action. Souvent promptes à
nous vilipender, les instances européennes à l’instar du commissaire aux
droits de l’homme ont souligné l’investissement important dont nous
avons fait preuve dans la mise en place de ses règles.
Elles nous ont notamment permis d’assurer la séparation entre les
prévenus et les condamnés, d’étendre l’usage du téléphone aux
condamnés dans les maisons d’arrêt qui jusqu’à lors étaient privés de ce
droit, de traiter plus efficacement les requêtes des détenus et surtout de
structurer dans chaque établissement de véritables quartiers arrivants.
C’est sur ce socle que nous pouvons aujourd’hui nous appuyer
pour traduire concrètement les avancées de la loi. Il est en effet
indispensable de posséder des outils susceptibles de réaliser le pronostic
le plus juste à partir des caractéristiques de chaque détenu. Seule cette
analyse permet de proposer le projet le plus adapté et le plus efficace
pour prévenir la récidive.
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COUR DES COMPTES
Cependant pour passer de la simple déclaration d’intention à une
politique concrète sur le plan des résultats, il est comme
le souligne le
rapport de la Cour indispensable de renouveler le cadre et les méthodes.
Malgré des efforts immobiliers sans précédent depuis plus de 20
ans, l’image des prisons reste associée à la vétusté et à l’indignité des
conditions de détention. Le programme actuel
dit « 13 200 » se met
cependant en place à un rythme soutenu. Depuis un an, 7 établissements
ont été mis en service. En 2012, la France comptera ainsi 63 000 places
de détention, ce qui est supérieur aux 61 656 personnes incarcérées au
1
ier
juin 2010.
Mais cette nouvelle donne immobilière ne doit pas seulement être
quantitative. Le prochain programme immobilier nous permettra de
construire 12 500 places supplémentaires pour en fermer autant de
vétuste. Pour cependant enrayer au plus vite les difficultés liées à la
surpopulation, nous entamerons ce programme par la construction des
5000 places supplémentaires annoncées par le président de la
république.
Eradiquer la vétusté est une première étape qui ne sera pas
suffisante si le défi de l’oisiveté n’est pas relevé. C’est la raison pour
laquelle, la surface consacrée aux locaux d’activité sera triplée dans les
nouveaux établissements. Le ministre d’état a
par ailleurs fixé comme
règle que chaque détenu, en fonction de ses caractéristiques, s’adonne à
5 heures d’activité par jour.
Dans le contexte de crise économique dans lequel nous nous
trouvons, notamment pour le développement de l’activité rémunérée, il
nous faut faire preuve de détermination et de volontarisme. Le lien entre
formation professionnelle intra-muros et emploi à l’extérieur que vous
appelez de vos voeux doit effectivement être développé. Il ne le sera que si
tous les leviers, du monde de l’entreprise, de l’insertion et de l’éducation,
sont mobilisés dans un partenariat refondu.
A ce titre, nous devons sans doute attendre davantage des
partenaires privés associés depuis plus de 20 ans à la gestion des prisons.
Si cette association a permis une rénovation sans précédent des
établissements, elle est aussi coûteuse pour l’état et le contrôle des
prestations doit être très rigoureux. Si la situation s’est améliorée,
notamment au regard des obligations en termes de maintenance, de
restauration ou de fonction hôtelière, des efforts restent à fournir dans les
domaines où le partenaire joue un rôle majeur en matière de réinsertion.
Nous retenons à cet égard votre proposition visant à tenir
davantage compte de ces aspects dans la notation des candidats dans le
cadre des futurs marchés de gestion déléguée.
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199
Sans attendre le développement du programme futur, certaines des
réflexions contenues dans votre rapport constituent déjà des pistes de
travail que le ministère de la justice entend promouvoir. La question de la
santé des détenus est au premier rang de ces préoccupations. Nous avons
mis en place avec le ministre de la santé des modalités nouvelles de
travail visant à rapprocher les deux administrations et à créer les
conditions d’un meilleur partage de l’information.
Ce rapprochement va se traduire par la publication imminente
d’un plan d’action stratégique pour la prise en charge sanitaire des
détenus (2011-2013). Il n’est pas non plus étranger au fait que la
progression des suicides, véritable fléau, soit enrayée bien qu’à un
niveau encore trop élevé (nous comptons 8 suicides de moins au 28 juin
2010 qu’au 28 juin 2009).
En ce qui concerne la santé mentale, sujet majeur pour
l’administration pénitentiaire, la relance du programme des unités
hospitalières spécialement aménagées a été la première manifestation
concrète de la collaboration plus étroite que j’ai souhaité mettre en place
avec le ministère de la santé.
Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, il
avait été décidé de suspendre le programme après l’ouverture des deux
premières unités afin de procéder à une évaluation. Devant le constat
d’une situation inacceptable qui laisse trop souvent le seul personnel
pénitentiaire face à d’authentiques malades mentaux, nous avons obtenu
la relance de ce programme. Fin 2012, une unité fonctionnera dans
toutes les régions pénitentiaires.
Pour faire suite aux propositions que vous formulez, il apparaît
également indispensable de traiter la question des inégalités en détention.
La prison doit avoir une vertu d’exemplarité et doit permettre d’intégrer
les règles. A ce titre les différences régnant d’un établissement à l’autre
dans des domaines aussi fondamentaux pour la population pénale que les
prix des cantines ou des téléviseurs en location sont injustifiables.
La coexistence de la gestion déléguée et de la gestion publique, la
superposition au sein de la gestion déléguée de deux marchés différents
ne rendent pas la tâche facile. Il n’en demeure pas moins que des
consignes très fermes ont été données à la direction de l’administration
pénitentiaire pour que des solutions soient rapidement trouvées dans ce
domaine.
Il convient pour finir d’insister sur le second volet de la loi du
24 novembre 2009 : le développement des aménagements de peine. Il est
fondamental à trois titres : il permet de réduire le nombre de peines non
exécutées qui est encore trop haut dans notre pays ; il garantit la réussite
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200
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de la politique de prévention de la récidive ; enfin, il induit la nouvelle
orientation des services pénitentiaires d’insertion et de probation à
laquelle la Cour consacre un long développement.
Aussi ambitieux soit-il, l’objectif visant avec les nouvelles
dispositions de la loi pénitentiaire à avoir 12 000 personnes sous
surveillance électronique en 2012 est atteignable. Les données actuelles
nous incitent en effet à l’optimisme : le nombre de personnes en
aménagement de peine
est passé de 7 193 personnes au 1
ier
juin 2009
(13,9 % du total des condamnés) à 8 597 personnes au 1
ier
juin 2010
(16,5 % des condamnés).
Cette augmentation est sans aucun doute à l’origine de la baisse
du nombre de détenus (63 277 au 1
ier
juin 2009 pour 61 656 au 1
ier
juin
2010). La hausse du recours au placement sous surveillance électronique
est à cet égard intéressante : 5 685 personnes bénéficient de cette mesure
au 1
ier
juin 2010, ce qui représente une hausse de 26 % en un an.
Cette politique, et cela correspond au souhait du législateur, doit
être amplifiée. Deux décrets, dont un est déjà rédigé et l’autre le sera en
septembre, vont venir simplifier et rendre plus efficaces les procédures.
La réussite de cette politique nécessite une révision des méthodes
et un renforcement de la place des services pénitentiaires d’insertion et
de probation. Ils sont au coeur de la mission de prévention de la récidive.
Plusieurs décrets en cours de préparation qui seront publiés à la rentrée
viennent consacrer cette politique : ces services auront désormais un
statut modernisé et une mission prioritaire de contribuer prioritairement
aux développements des aménagements de peine.
A la suite de cette réponse, vous trouverez en annexe quelques
remarques ou réponses d’ordre technique au rapport de la Cour.
* * *
* Page 40
« Dans un premier temps, la DAP a choisi de privilégier un
nombre réduit de ces règles et d’expérimenter leur mise en oeuvre dans
un échantillon d’établissements ; 28 maison d’arrêt ont été retenues
comme sites pilotes en mars 2007, notamment pour mettre en place
des quartiers arrivants. Parallèlement, la DAP a réalisé en juin 2008
un premier référentiel RPE, consacré aux procédures d’accueil des
détenus. Sur cette base, la DAP a alors lancé une démarche de
labellisation des établissements appliquant les RPE, en faisant
procéder à une évaluation par l’AFNOR et le bureau VERITAS. »
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201
L’expérimentation menée en 2007-2008 sur 28 sites pilotes, pour
confronter la conformité des pratiques professionnelles des personnels
pénitentiaires avec les règles pénitentiaires européennes (RPE), portaient
sur 8 RPE
101
, dont l’accueil des personnes détenues. Parallèlement la
DAP a procédé à l’écriture et à la diffusion d’un référentiel d’application
des RPE dans le système pénitentiaire français. Décliné sous la forme
d’engagements de services concrets et mesurables, ce référentiel
constitue désormais la charte d’action du service public pénitentiaire
d’application des RPE et participe à l’harmonisation actuelle et future
des pratiques professionnelles. Toutes les RPE sont déclinées dans ce
document.
En outre, ce référentiel sert de base à la démarche de labellisation
des établissements pénitentiaires initiée par la DAP à partir du 2
nd
semestre 2008.
Deux organismes certificateurs (AFNOR Certification et Bureau
VERITAS) sont chargés de vérifier la conformité des pratiques mises en
oeuvre en application de la partie du référentiel relative à «la prise en
charge et l’accompagnement de la personne détenue durant la phase
d’accueil».
* Page 42
S'agissant de
l'harmonisation des règlements intérieurs
:
Le travail de l'administration pénitentiaire se poursuit, dans le cadre fixé
notamment par l'article 86 de la loi pénitentiaire, qui prévoit que les
règlements intérieurs types par catégories d'établissements pénitentiaires
sont
prévus
par
décrets
en
Conseil
d'Etat
:
des
dispositions
réglementaires ont ainsi été élaborées sur ce point et une circulaire
d'application viendra soutenir ce travail d'harmonisation des règlements
intérieurs au niveau national.
S'agissant des
décrets d'application de la loi pénitentiaire :
Le travail d'élaboration de ces textes est particulièrement avancé
et a donné lieu à deux réunions interministérielles les 17 février et 3 mai
2010. Les projets de décrets, qui ont reçu l'accord des ministères
concernés, ont été transmis au conseil d’état. La haute autorité doit en
effet être consultée pour la plupart des dispositions qui concernent,
101) Les 8 RPE à enjeu fort sont : l’accueil individualisé des détenus (règle 16), la
répartition adaptée des détenus selon leur profil (règle 17.2), le maintien des liens
familiaux aussi normaux que possible (règle 24.4), la possibilité pour les détenus de
contacter un personnel à tout instant (règle 52.4), information, motivation et accès à
une voie de recours en cas de rejet d’une requête (règle 70.3), gestion des prisons
dans un cadre éthique (règle 72.1), information du public sur le rôle de la DAP (règle
90.1), mise en oeuvre d’un projet d’exécution de peine dès l’admission (règle 103.2)
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notamment,
les
droits
des
personnes
détenues
et
les
mesures
contraignantes (discipline, isolement, fouilles). Parallèlement à ce travail
réglementaire,
l'élaboration
des
circulaires
d'application
de
ces
dispositions est en cours afin d'accompagner au mieux les services dans
la mise en oeuvre des nouvelles dispositions dès la publication des
décrets.
S'agissant notamment des
décrets relatifs aux aménagements de peine
:
-
le décret sur les procédures simplifiées d'aménagement de peine est
rédigé et est actuellement à la validation du cabinet de la ministre,
-
le décret sur le PSE fin de peine est prévu pour la fin de l'année
pour une entrée en vigueur en début d'année 2011.
* Page 46
« A terme, la gestion déléguée devrait devenir le mode d’exploitation
majoritaire dans les établissements pénitentiaires. »
Historiquement, les marchés de gestion déléguée ont permis
d’assurer la prise en charge de fonctions majeures dans des
établissements en gestion directe :
-
dès la 2
ème
génération des marchés dits « Chalandon II » (2002-
2009) ;
c’est
ainsi
que
la
restauration
et
l’hôtellerie
d’établissements proches géographiquement (Loos, Haubourdin,
Douai et Béthune) ont pu être réalisées à partir de la MA Lille-
Sequedin, dès sa mise en service en 2005 ;
-
de même, la restauration du CD Muret a été assurée à partir de la
MA Toulouse-Seysses dès sa mise en service en 2003.
Ce type de dispositif a également été validé par l’administration
pour le lot 3 PPP : la restauration des établissements les plus proches de
la MA Nantes (dont le CD Nantes, le CP Lorient et la MA Vannes) sera
assurée dès sa mise en service de la nouvelle structure prévue à la
mi-2012.
En outre, dans le cadre du marché de gestion déléguée MGD04,
4 établissements (MC Arles, CP Saint-Quentin Fallavier, CP Laon et CP
Châteauroux) construits dans le cadre du programme immobilier 13000
et conservés en régie directe depuis leur mise en service dans les
années 90, seront repris en gestion déléguée d’ici 2012.
L’administration pénitentiaire étudie également l’opportunité de
recourir à l’externalisation de fonctions, à partir d’établissements dont le
fonctionnement est assuré durablement au moyen des marchés de gestion
déléguée actuellement en cours, au profit de structures dont la fermeture
n’a pas été envisagée à la suite des travaux de la RGPP.
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203
Cette démarche est notamment engagée sur les prestations de
restauration des détenus pour lesquelles la gestion déléguée a montré
toute son efficacité :
1.
En augmentant significativement la qualité du service apporté :
- normalisation des procédures et des référentiels,
- intégration de produits de qualité : denrées issues de
l’agriculture biologique, collations spécifiques en fonction des
types de populations,
- possibilité pour les consommateurs de disposer d’un menu
alternatif par rapport au cycle de menus proposés en standard.
2.
En professionnalisant une fonction technique dont l’état de l’art
est en constante évolution :
- affectation des ressources qualifiées en tant que de besoin,
- fonctions supports mises à disposition des équipes locales,
- ré-intégration des personnels pénitentiaires affectés à la
production des repas sur les métiers de garde et de réinsertion.
Des études ont été initiées en 2010 pour évaluer les moyens de
production actuellement en service dans certains établissements en régie
directe, afin d’établir une cartographie permettant, lorsque la décision
sera prise, de prioriser le recours à l’externalisation.
* Page 47
« La constitution d’un réseau dédié au contrôle des prestations
en gestion déléguée satisfait, sur le plan des principes, à deux
recommandations de la Cour : d’une part le renforcement des moyens
humains consacrés au contrôle de la gestion « mixte » en particulier au
niveau des directions régionales et de l’administration centrale, d’autre
part la clarification de la répartition des tâches entre les différents
niveaux, en spécialisant les directions régionales dans une fonction de
contrôle.
Toutefois, il est indispensable que les structures ainsi crées, en
administration centrale et dans les directions interrégionales, confortent
leur crédibilité, développant la capacité des cadres à dialoguer avec les
entreprises délégataires »
Depuis les recommandations précédentes de la Cour en 2006,
l’administration a considérablement renforcé les moyens humains
engagés dans la gestion et plus largement le suivi et le contrôle des
marchés de gestion déléguée.
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204
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D’abord, fin 2006, la Mission Gestion Déléguée a été constituée,
sous la responsabilité directe du sous-directeur de l’organisation et du
fonctionnement des services déconcentrés, pour prendre en compte
essentiellement la démultiplication des marchés de gestion déléguée et
contrats de partenariat conclus par elle. Composée à l’origine de 5
agents déjà en poste au sein d’un pôle du bureau de l’évaluation et du
contrôle de gestion, regroupés autour d’un chef de projet recruté
spécifiquement dans le secteur privé pour cet office, la mission gestion
déléguée est aujourd’hui composée de 8 personnes et intervient plus
particulièrement dans les domaines suivants :
- conception et rédaction des marchés de gestion déléguée, ainsi
que pilotage des procédures d’appel à la concurrence et des
avenants éventuels ;
- formalisation de la doctrine d’exploitation de ces marchés ;
- pilotage d’audits des prestations réalisées en établissement par
les titulaires ;
-
support
auprès
des
services
déconcentrés
(DISP
et
établissements) dans le suivi opérationnel et financier de
marchés.
L’administration a complété ce renforcement des moyens humains
au niveau central, par des dispositions similaires au niveau des DISP
ainsi que dans les établissements.
Ces correspondants sont majoritairement (6 sur 9) des attachés
d’administration, fonctionnaires de catégorie A dans les DISP. Dans les
trois cas pour lesquels les postes sont identifiés comme des postes de
catégorie
B
(secrétaires
administratifs),
la
motivation
de
cette
organisation est le nombre restreint d’établissements en gestion déléguée
sur le ressort des DISP concernées.
De plus, ces unités sont placées sous l’autorité des chefs de
département budget finances, fonctionnaires de catégorie A expérimentés,
relevant systématiquement du corps des attachés.
•
en s’appuyant sur ce réseau présent à chaque niveau de la structure,
la MGD a pu mettre en place des outils systématisant les remontées
des alertes, la consolidation des données d’exploitation et la
circulation des directives de suivi des contrats et de contrôles des
prestations.
•
dans le courant du second semestre 2009, les DISP
ont également
mis en place un référent restauration, intervenant à la fois dans les
établissements du parc classique et ceux fonctionnant en gestion
déléguée, dans lesquels ils assistent plus directement les chefs
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d’établissement dans la mise en place et le suivi des prestations
externalisées.
•
dans les établissements du Programme 13 200, l’administration a
également augmenté le nombre des personnels de direction, a doublé
les postes d’attachés d’administration, dont l’un est entièrement dédié
au suivi des marchés et contrats de bail en exercice, et a affecté un
personnel technique au surplus.
En outre, la Mission Gestion Déléguée a recensé les tâches liées au
suivi des différents marchés et contrats en exercice afin d’identifier pour
chacun des 3 niveaux de l’administration les typologies d’actions le
concernant ; ce recensement sera complété, pour son implémentation dans
les services déconcentrés, par un ensemble de fiches méthodologiques
synthétisant les prescriptions des marchés de référence, et les axes de
contrôle effectif (quotidien, hebdomadaire, mensuel, annuel).
La poursuite de ce renforcement des ressources dédiées aux
contrôles des marchés est envisagée selon les modalités suivantes :
- compléter le dispositif présent au sein des UGD, en identifiant de
nouvelles ressources à profil plus technique, afin d’accompagner les
établissements dans le suivi des fonctions de maintenance notamment ;
- évaluer les besoins nécessaires au niveau de l’établissement pour
optimiser la gestion des contrats de gestion déléguée et de partenariat
(sur la base des organigrammes des établissements du programme
13 200).
* Pages 48-51 - Les audits de gestion déléguée
L’administration pénitentiaire a initié, en 2008, une fonction d’audit
des prestations réalisées dans le cadre des marchés de gestion déléguée. Ce
processus s’inscrit dans la continuité du projet de refonte du dispositif de
suivi et de pilotage des prestations initié en 2007 qui a permis, notamment,
de définir des indicateurs de gestion et de performance spécifiques à
chaque fonction faisant partie du périmètre fonctionnel des marchés de
gestion déléguée « Chalandon II ».
Cette première vague d’audits, réalisée dans la quasi-totalité des
établissements dont le fonctionnement était assuré dans le cadre des
marchés de deuxième génération « Chalandon II », a été effectuée
uniquement par des équipes de 3 à 4 personnes constituées avec des
moyens humains existants : attachés en poste en établissement, référents
des UGD des DISP, experts techniques de la DAP (formation
professionnelle / travail pénitentiaire) et référents de la MGD.
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Par ailleurs, dans le cadre de la mise en place de la stratégie
restauration des établissements pénitentiaires définie à la mi-2009, des
audits des fonctions restauration/cantine des détenus ainsi que des
personnels sont réalisés par le réseau des référents restauration des DISP ;
il est envisagé de réaliser une enquête spécifique pour ces prestations à
deux reprises durant la durée des différents marchés, dont la première doit
se dérouler 6 mois après la mise en service des 10 établissements neufs du
programme 13 200.
Toutefois,
au
regard
du
nombre
d’établissements
dont
le
fonctionnement sera assuré en gestion déléguée (plus d’une cinquantaine
d’ici 2012), et des moyens humains disponibles, l’administration
n’envisage pas à l’heure actuelle de systématiser la réalisation d’audits de
l’ensemble des fonctions externalisées, au rythme de 2 audits complets par
établissement d’ici à la fin de leur marché respectif.
En revanche, pour ce qui relève directement des fonctions
restauration et maintenance, elle va se doter d’une assistance à maîtrise
d’ouvrage qui lui permettra de réaliser des audits dans tous les
établissements concernés, en donnant la priorité à ceux pour lesquels
d’éventuelles difficultés seraient rencontrées. Pour les fonctions d’appui à
la mission de réinsertion des personnes placées sous main de justice
(formation professionnelle & travail pénitentiaire), dont les objectifs de
performance assignés aux prestataires sont annuels, les modalités de
réalisation d’audit vont être définies avec le bureau compétent de la sous-
direction PMJ.
Le point de la professionnalisation des agents en charge des
fonctions de contrôle des prestations externalisées trouve une réponse
dans les outils dont la mission gestion déléguée finalise la mise au point :
des fiches méthodologiques synthétisant les prestations dont la réalisation
par le prestataire est attendue dans le cadre des marchés de gestion
déléguée ou contrats de bail, accompagnées de fiches de contrôle
permettant d’organiser le plan des vérifications en établissement. Ces
documents sont destinés à être diffusés largement dans les services
déconcentrés, et feront l’objet d’une présentation spécifique lors d’une
réunion des attachés en établissement en gestion déléguée, que la mission
gestion déléguée organise périodiquement.
* Pages 54 à 56 - Les reports de charges liés aux dépenses de santé
En matière de dépense de santé, l’administration pénitentiaire est
tenue d’acquitter 2 types de dépenses :
-
le versement de cotisations sociales à l’agence centrale des
organismes de sécurité sociales (ACOSS) ;
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207
-
le financement du ticket modérateur et du forfait hospitalier pour
l’ensemble des soins prodigués aux détenus, même en cas
d’hospitalisation.
Or, aucun de ces deux postes n’est maîtrisé par l’administration
pénitentiaire qui n’est pas le prescripteur, mais seulement le payeur.
Concernant
les
cotisations
versées
à
l’ACOSS,
l’administration
pénitentiaire a l’obligation de faire enregistrer tous les détenus entrants
au régime général de la sécurité sociale ; concernant les dépenses de
santé réglées par les établissements pénitentiaires, le prescripteur reste
l’autorité médicale locale qui seule dispose du pouvoir d’apprécier
l’opportunité des dépenses relatives à la prise en charge médicale des
détenus.
S’agissant des cotisations dues à l’ACOSS, l’ensemble des efforts
consenties par l’administration pénitentiaire a permis à la DAP de
s’acquitter de la totalité des sommes dues à l’ACOSS au titre de
l’exercice 2009 (87,5 M€ ), alors que 67,15 M€ seulement avaient pu être
budgétés. Toutefois, la dette constatée au 31 décembre de l’année
précédente n’a pu être apurée. Elle s’élève à 6,1 M€.
S’agissant des dépenses de santé acquittées au niveau local (ticket
modérateur et forfait hospitalier), elles se sont élevées à 29,3 M€ en
2009, alors que 23,45 M€ seulement avaient pu être budgétés. Pour
mémoire le montant des factures acquittées par les services déconcentrés
s’était élevé à 23,4 M€ pour 2007 et 22,4 M€ en 2008. Au total, le report
de charges au 31 décembre 2009 est estimé à 11,3 M€.
La dette globale de santé de l’administration pénitentiaire est ainsi
évaluée à 17,4 M€ fin 2009.
L’administration pénitentiaire entend poursuivre dans les années à
venir l’apurement de cette dette en mobilisant les moyens nécessaires
pour ce faire dans la limite des contraintes et des moyens budgétaires qui
lui sont alloués. La DAP attend de la programmation budgétaire
triennale 2011-2012-2013, en cours d’élaboration, qu’elle lui permette
de disposer du surcroît de moyens correspondant.
Page 58
«
(…) se pose la question des coûts afférents à un établissement
directement pris en charge par sa DISP de rattachement. »
Les travaux engagés dans le cadre du chantier « comptabilité
analytique » lancé par la direction de l’administration pénitentiaire ont
principalement pour cible d’augmenter la fiabilité de l’analyse de la
répartition des coûts JDD et de leur structure en travaillant notamment
(mais pas uniquement) sur la ventilation des centres de coûts
« communs ».
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*
Page 67
- Les extractions médicales
L'UHSI de Lyon fera l'objet en septembre 2010 d'une reprise
similaire à celle effectuée à Toulouse et Marseille par l'AP au profit des
forces de l'ordre. Ces reprises constituent autant de dérogations à l'arrêté
de 2000 relatif au fonctionnement des UHSI, toujours applicable en l'état,
qui désigne les forces de l'ordre comme étant en charge des missions de
garde et d'escorte.
L'administration pénitentiaire ne s'est jamais opposée au principe
d'une prise en charge des missions actuellement dévolues au forces de
l'ordre en matière d'extraction médicale en particulier à destination des
UHSI sous la réserve expresse que les moyens financiers et humains qui
s'y attachent lui soient également confiés. Cette position a été très
clairement rappelée par le ministre de la justice.
Pages 69 à 75 - « Rationalisation de l’approvisionnement des
cantines en gestion publique & massification des achats. »
Pour répondre à l’ensemble des difficultés relevées sur les
prestations « cantine » en établissements pénitentiaires en régie directe,
l’administration pénitentiaire met en oeuvre en 2010 un dispositif
répondant aux objectifs suivants :
- harmoniser au niveau national les prix des produits et services
commercialisés auprès des détenus ;
- assurer un niveau général des prix équivalent à celui constaté
dans le commerce (niveau général et variation dans le temps).
Au-delà de l’hétérogénéité des catalogues et des prix pratiqués, les
rythmes de distribution et la gamme de produits offerts dépendent des
capacités de stockages et de manutention de chaque établissement, de la
nature et du conditionnement des produits proposés ainsi que des besoins
exprimés par la population pénale qui peuvent varier d’un site à l’autre.
Pour répondre à ces besoins l’administration envisage de passer
un accord cadre national, alloti par zones géographiques et par familles
de produits qui restent à définir.
Il conviendra dans un premier temps d’effectuer un recensement
de l’ensemble des produits proposés en cantine et des prix pratiqués, de
façon à déterminer des invariants communs à la majeure partie des
établissements. Cette base constituera alors le support de l’élaboration
d’un catalogue national. Le calendrier prévisionnel de la procédure
marché est le suivant :
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209
Phase n°1 : Analyse de l’existant & Définition du besoin
Lancement des études
juin
2010
Consolidation des données
août 2010
Rendu du programme
septembre 2010
Réunion du premier comité de pilotage
septembre 2010
Etablissement des pièces contractuelles
décembre 2010
Phase n°2 : Consultation et choix de ou des titulaires
Publication des avis d’appel
public à la concurrence
15 décembre 2010
Sélection des candidatures
fin février 2011
Réunion du second comité de pilotage
fin février 2011
Envoi du dossier de consultation des entreprises
Début mars 2011
Clôture de la consultation
mai 2011
Analyse des offres et choix du titulaire
juin 2011
Notification du contrat
juillet 2011
Phase n°3 : Déploiement du contrat
Première étape de déploiement
3
e
trimestre 2011
Seconde étape de déploiement
4
e
trimestre 2011
Troisième étape de déploiement
1
er
trimestre 2012
* Page 75
« La gestion des opérations de cantine implique toujours des
personnels de surveillance, y compris dans les établissements en
gestion déléguée. »
Les marchés de gestion délégué actuels définissent précisément la
responsabilité du prestataire sur la globalité du processus de gestion de
la fonction cantine : il est totalement responsable de la prise de
commande, de la livraison des produits et de la gestion ainsi que du
règlement de tout litige ou réclamation.
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210
COUR DES COMPTES
Les ressources humaines affectées à cette gestion sont :
- le personnel du titulaire pour la gestion administrative et
l’encadrement des manipulations des produits,
- les détenus du service général pour la préparation des
commandes et la livraison en cellules.
Pour autant, les impératifs de sécurité pénitentiaire ainsi que
l’organisation de la circulation des personnes détenues imposent que le
personnel de surveillance soit présent a minima pour les opérations
suivantes :
- ouverture/fermeture des cellules des détenus attendant la
livraison,
- présence sur l’unité durant les opérations de distribution,
- encadrement des mouvements des détenus classés au service
général.
Indépendamment
de ces opérations nécessitant l’implication de
personnels de surveillance, la DAP a donné des instructions aux services
déconcentrés pour que le personnel pénitentiaire non directement affecté
à ces tâches soit recentré sur son rôle de sécurité.
* Pages 80 à 87 - Mise à disposition de téléviseurs aux détenus
La
direction
de
l’administration
pénitentiaire
prépare
actuellement un projet de marché de services de télévision pour les
personnes détenues portant sur la mise à disposition de postes de
télévision ainsi que sur l’abonnement à un bouquet de chaînes payantes.
Le marché permettra également aux détenus incarcérés dans des centres
de détention et maisons centrales (cf note DAP/EMS déjà visée dans le
rapport), d’acheter leur poste de TV.
Ce projet de contrat national a vocation à harmoniser les
prestations proposées aux détenus ainsi que le prix. La prise d’effet de ce
contrat est prévue pour le premier semestre 2011.
S’agissant de la situation des associations socio culturelles,
l’appui du service du contrôle général économique et financier du
ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi a été sollicité afin
de mener un bilan complet de l’existant et envisager les éventuelles
solutions d’accompagnement.
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211
* Page 89 : Le travail pénitentiaire
Le projet de rapport indique que « alors que le plan
« Entreprendre » a pu jouer un rôle d’amortisseur aux effets de la crise
économique, son efficacité reste encore à démontrer ».
Le plan « Entreprendre », en tant qu’outil méthodologique, s’il n’a
pas permis d’endiguer totalement les conséquences économiques
défavorables, notamment sur l’activité des concessionnaires et de leurs
sous-traitants, a, en revanche, joué un rôle important
d’amortisseur de
ces mêmes facteurs de crise, au moyen des actions volontaristes portées
par ses axes de progrès et surtout
par son fondement qui vise à
améliorer sur le long terme et d’un point de vue structurel le mode de
fonctionnement des établissements pénitentiaires dans le domaine du
travail pénitentiaire.
Page 92
« Les contrats de gestion déléguée pourraient intégrer à l’avenir
des objectifs minimaux plus ambitieux en terme d’investissement
matériel au cours du contrat avec à la fois des exigences sur le
montant total des équipements mis en service, mais également sur des
valeurs
unitaires,
pour
obtenir
un
véritable
engagement
du
délégataire. »
Les marchés de gestion déléguée actuels fixent, aux prestataires,
une obligation de performance et non de moyens à mettre en oeuvre, que
cela soit en termes d’équipements ou de ressources humaines. Sur les
fonctions de travail pénitentiaire et de formation professionnelle, les
moyens matériels et les moyens humains relèvent intégralement de la
responsabilité du titulaire du marché et de ses choix opérationnels.
Les résultats sur ces prestations sont encadrés par une évaluation
annuelle des volumes d’heures travaillées relevés et des masses salariales
versées à la population pénale. La pénalisation associée à ces indicateurs
de performance est très incitative pour les titulaires.
A ce titre, l’administration dispose donc d’un levier de suivi du
contrat pour appuyer auprès des prestataires le choix d’une activité plus
attractive pour le fonctionnement de l’établissement (rémunération plus
élevée, plus grand nombre de détenus employés…) dès lors qu’elle est
génératrice de meilleurs résultats au regard des objectifs contractuels.
Toutefois, l’opportunité, voire la faisabilité, d’intégrer des
objectifs en termes d’investissement matériel restent en grande partie
théoriques au regard de la matérialisation du choix d’opérer une activité
impliquant une main d’oeuvre plus qualifiée et des moyens matériels
engagés plus importants
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COUR DES COMPTES
C’est la raison pour laquelle l’administration, dans le cadre de
futures consultations, et sous réserve du respect des conditions de mise en
concurrence définies notamment par le Code des Marchés Publics,
pourrait envisager d’adapter la notation des offres des candidats pour les
discriminer sur la base d’un ou plusieurs sous-critères propres à la
politique d’investissement envisagée (valeur des investissements à
réaliser, fréquence de renouvellement des investissements, …) voire aux
dispositions couplant formation professionnelle et travail pénitentiaire
(degré de qualification des actions de formation professionnelle, …) .
* Page 93
« Trop souvent, la formation professionnelle est encore perçue
comme un moyen de rémunérer certains détenus, sans se préoccuper
des perspectives offertes par la formation suivie. Les formations
générales d’initiation aux métiers du BTP, sans possibilité ultérieure de
développer certaines de ces compétences en vue d’une spécialisation
professionnelle, constituent l’exemple le plus flagrant de cette dérive
« occupationnelle », qui touche également les établissements en
gestion publique ».
Il convient de préciser que la formation professionnelle a pour
objectif, depuis plusieurs années, de s’aligner sur le droit commun. Pour
cela, les formations mises en place s’appuient sur les référentiels officiels
en préparant des diplômes reconnus et inscrits dans le Répertoire
National des Certifications Professionnelles (RNCP). Dans ce cadre les
détenus inscrits en formation ont le statut de stagiaire de la formation
professionnelle et sont la plupart du temps rémunérés. La sélection opérée
au
sein
des
établissements
dans
le
cadre
d’une
commission
pluridisciplinaire unique permet de classer des personnes pour leur
motivation. Par ailleurs, les organismes de formation de droit commun
sélectionnés par appel d’offres sont spécialisés en la matière. Il faut enfin
rappeler que la majorité des actions de formation dispensées aux
personnes détenues portent le plus souvent sur les métiers en tension
(métiers du bâtiment, de la restauration ou encore de l’informatique). Au
titre de la formation professionnelle, il existe également de plus en plus de
programme visant à coupler formation et emploi dans le cadre d’un
aménagement de peine.
* Page 117
S'agissant de
l'accès aux droits sociaux des sortants de prison
, les
dispositions
réglementaires
prises
pour
l'application
de
la
loi
pénitentiaire prévoient une clarification des critères d'accès aux droits
sociaux pour les sortants de prison en créant un billet de sortie. Qu'ils
soient libérés sans aménagement de peine ou sous aménagement de peine,
l’ensemble des personnes visées pourront accéder aux droits sociaux.
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213
* Page
117
« Le rôle de l’administration pénitentiaire, et notamment des
SPIP, dans l’accompagnement des personnes détenues après la sortie
de prison n’est pas clairement établi.
Une enquête, établie par le bureau des politiques sociales et
d’insertion à la Direction de l’administration pénitentiaire, fait apparaître
un taux de personnes sortant sans solution d’hébergement ou de logement
inférieurs à 10 %.
Parmi un panel de 1 613 sortants entre le 1
er
et le 7 février 2010,
sur l’ensemble du territoire métropolitain et des territoires d’Outre-mer :
-
83 (soit 5 %) ne disposaient pas de solution de logement ou
d’hébergement ;
-
160 soit (10 %) disposaient d’une solution précaire de logement ou
d’hébergement.
Cependant, 72 % des sortants sans solution de logement ou
d’hébergement étaient en maison d’arrêt (54 % des sortants avec une
solution précaire de logement ou d’hébergement). Il convient de préciser
que 65 % des sortants étaient en maison d’arrêt.
La Direction de l’administration pénitentiaire s’attache à
travailler sur cette problématique en impliquant leurs partenaires
institutionnels et associatifs. Pour la DAP, l’accès au droit commun pour
son public, sauf restriction législative, est une ligne directrice quant aux
orientations et aux préconisations qu’elle donne à ses services.
Ainsi, en ce qui concerne l’accès au logement ou à l’hébergement,
la circulaire du 1
er
mars 2010 relative à la prévention de l’errance à la
sortie des établissements pénitentiaires vient appuyer les démarches de la
DAP en mettant en avant l’intervention des SPIP au sein des instances
locales de politique du logement.
La DAP vise avec ses partenariats nationaux à faciliter le travail
des terrains, notamment en élaborant des conventions qui incitent à
l’inclusion de ce public. En effet, les remontées des SPIP démontrent leur
difficulté à ce que les CHRS acceptent les personnes placées sous main
de justice et notamment les personnes sortant de prison. C’est la raison
principale qui oblige certains SPIP à financer des foyers afin de garantir
un nombre de places à ces personnes.
De nombreuses associations travaillent auprès de la direction de
l’administration pénitentiaire, que ce soit au niveau national ou local,
afin d’améliorer la prise en charge des personnes placées sous main de
justice
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COUR DES COMPTES
Il convient de souligner l’implication et l’engagement des SPIP et
des conseillers d’insertion et de probation dans la prise en charge des
personnes placées sous main de justice et dans leur travail au quotidien
afin de trouver des solutions les mieux adaptées aux personnes sortant de
prison, notamment dans l’aide à l’accès à un hébergement ou un
logement.
* Page 126
« Ces éléments plaident dès lors pour la fiabilisation des
données saisie dans APPI, la consolidation rapide de son infocentre –
la DAP prévoyait de le livrer aux services courant 2010 – et la
formalisation des relations entre les SPIP et les services d’application
pénale, afin d’optimiser leur utilisation partagée de l’application
APPI »
Le nouvel infocentre APPI a été livré dans sa version 1 en
septembre 2009. Une version complémentaire a été livrée en février 2010
par la SDIT.
Les tests de cet infocentre sont maintenant terminés. Ils ont été
réalisés par PMJ5, PMJ1, la MAPSE, SD4 et des correspondants dans
les directions interrégionales des services pénitentiaires et les services
pénitentiaires d’insertion et de probation.
Un dernier bilan de ces tests est en cours de réalisation en lien
avec la SDIT et la DSJ (co-maîtrise d'ouvrage) afin de décider du
déploiement national.
Un plan de formation national sera mis en place à ce moment
(40 personnes à former à raison de 7 sessions). Il est prévu le recours à
une prestation de formation auprès d'une société.
Cette prestation pourrait démarrer dès septembre en fonction du
bilan définitif des tests et des anomalies éventuelles à corriger qui seront
connus à partir de la fin du mois de juin.
Il importe de préciser que la fiabilité des données de l'infocentre
APPI est directement dépendante de la qualité, de la fiabilité et de
l'homogénéité de la saisie des données sources dans APPI par les
utilisateurs.
L'infocentre, quelle que soit sa version, ne peut être considéré
comme un outil de fiabilisation mais uniquement de restitution.
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215
* Page 128
La Cour recense les obstacles au développement du travail
d’intérêt général.
Il faut souligner que l’article 98 de la loi du 24 novembre 2009,
introduit par un amendement parlementaire, a pour objet de développer
le travail d’intérêt général en disposant qu’avant l’avant-dernier alinéa
de l’article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la
prévention de la délinquance, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « les
actions conduites par l’Etat, les communes, les établissements publics de
coopération intercommunale, les départements, les régions ainsi que les
personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service
public ne sont éligibles au fonds interministériel de prévention de la
délinquance que s’ils proposent des travaux d’intérêt général destinés
aux personnes condamnées ».
Par courrier du 18 mars 2010, le Secrétariat Général du Comité
interministériel de prévention de la délinquance a fait connaître son
opposition au projet de décret d’application et au principe même de cet
article de loi, reprenant en cela la position du directeur de cabinet du
Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
* Page 140
« Si les centres pour peines aménagées, les quartiers courtes
peines, et les quartiers « nouveaux concepts » trouvent leur place dans
le cadre des règles pénitentiaires européennes, la proximité des
différentes formules pose néanmoins la question de leur articulation.
Au moment où la DAP envisage de compléter la liste de ses CPA et
ou la programmation des « quartiers nouveaux concepts » est
amorcée ;
elle
devrait
clarifier
sa
stratégie
en
matière
de
développement de ses prisons « tournées vers le dehors ». Il serait
notamment souhaitable qu’elle établisse une grille de ratios
homogènes applicables à ses différents centres (en terme de dépenses
de personnel, de dépenses d’insertion, de critères d’évaluation,..) afin
de mieux hiérarchiser les priorités. »
Tout d’abord, le programme « quartier courtes peines » (QCP) a
évolué et a été associé à celui des établissements pour peines aménagés :
il est ainsi rattaché à la notion plus générale de la préparation à la sortie
des détenus qui est au coeur des enjeux actuels de réinsertion sociale et de
prévention de la récidive. Les 18 structures de 90 places à construire sont
désormais baptisées « Quartier nouveaux concepts » (QNC) et sont
flexibles par modules de 30, ce qui permet d’héberger des détenus semi-
libres et/ou des détenus condamnés à de courtes peines.
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Un QNC comprend donc,
-
des unités « Semi-libres »
-
et/ou des unités « courtes peines »
La mise en oeuvre de programmes courtes peines (PCP) est une
orientation stratégique pour l’administration pénitentiaire.
Les PCP constituent un mode de prise en charge des personnes
incarcérées, condamnées à une peine d’emprisonnement inférieure à
deux ans, pour des faits de violences (violences conjugales, violences
routières, infractions en lien avec une conduite addictive) à la suite d’une
évaluation de leurs besoins.
Ils sont mis en oeuvre en quartier courte peine (QCP) et peuvent
faire l’objet d’un prolongement en milieu ouvert.
Les PCP visent deux objectifs, en se fondant sur la dynamique de
groupes :
•
Un objectif criminologique, de travail de réflexion sur le passage
à l’acte ;
•
Un objectif d’insertion sociale.
Ces deux objectifs coordonnés visent à amener les personnes
détenues à réfléchir sur leur comportement afin de prévenir la récidive.
Modalités de mise en oeuvre et contenu des PCP
Un PCP regroupe environ 12 personnes qui s’engagent, pendant 8
semaines, à suivre l’intégralité d’un programme.
Le contenu du PCP, élaboré par le SPIP en fonction de l’infraction
commise
et
du
profil
du
délinquant,
comprend
deux
modules
complémentaires :
•
un module criminologique comprenant un groupe de parole
animé par le SPIP et supervisé par un psychologue et d’autres
formes d’actions à visée criminologique pouvant faire intervenir
des partenaires extérieurs (actions sportives, culturelles visant à
faire réfléchir sur le comportement violent)
•
un module d’insertion qui comprend des programmes plus
classiques (programmes de formation, d’éducation, de recherche
d’emploi, d’action culturelle…)
La mise en place de ces programmes est pilotée par les SPIP qui
font appel à des partenariats locaux (services publics compétents,
associations, collectivités locales) et qui travaillent en partenariat étroit
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217
avec la direction de l’établissement et les personnels de surveillance. En
effet, le régime de détention doit être adapté à ce mode de prise en charge
favorisant la responsabilisation des personnes détenues.
La mise en place de programmes prioritaires est prévue en matière
de violences familiales, de violences routières, de délinquance liée aux
addictions (drogues, alcool…), de citoyenneté, de discriminations, et
d’éducation à l’hygiène et à la santé.
Pour les courtes peines, l’objectif est d’individualiser l’exécution
des peines en mettant fin à leur incarcération en maison d’arrêt dont la
structure est inadaptée à leur prise en charge et en favorisant la mise en
oeuvre de programmes d’exécution des peines, orientée vers la
restructuration et la réinsertion sociale de l’individu et fondée sur une
démarche individuelle et volontaire des détenus :
-
la journée alterne encellulement individuel et vie collective par
groupe de 12 personnes ;
-
les détenus sont tenus d’assister aux modules de réinsertion
individualisés qu’ils se sont engagés à suivre en fonction de leur profil.
Ils disposent de la clé du verrou de confort de leur cellule. Ils
circulent librement en périmètre contrôlé dans les locaux qui leur sont
accessibles (leur unité d’hébergement et les locaux d’activités) dans le
respect du règlement intérieur. Si le détenu ne respecte pas le règlement
de l’établissement, il peut être remis en détention classique en maison
d’arrêt sur décision du chef d’établissement.
En revanche, il est
envisageable que, compte tenu du comportement positif du détenu, la
mise en place d’une mesure d’aménagement de peine soit proposée au
juge d’application des peines à l’issue de cette période.
En revanche, les condamnés qui font l’objet d’une mesure de semi-
liberté ou de placement extérieur sont amenés à exercer, en dehors de
l’établissement pendant la journée en semaine et éventuellement le week-
end, des activités socio – professionnelles, familiales ou de bénéficier
d’un traitement médical dans la journée. A l’issue de ces activités, le
condamné doit rejoindre l’établissement.
Le Quartier Nouveau Concept est rattaché administrativement à
une maison d’arrêt ou à un centre pénitentiaire. L’établissement de
rattachement a en charge la gestion des personnels et des détenus,
notamment le greffe, ainsi que les fonctions logistiques générales.
Les effectifs du personnel pénitentiaire ont été évalués à :
–
12 postes le jour (10 surveillants, 1 gradé et 1 officier)
–
5 postes la nuit (4 surveillants et 1 premier surveillant)
–
1 CIP
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Des critères d’évaluation des QNC seront mis en place (dépenses
de personnel, de dépenses d’insertion et
critères d’évaluation-
réinsertion), en commençant par le QCP de Seysses livré mi 2009.
* Page 150
La semi-liberté : un fonctionnement et un maillage à optimiser
« Avec un coût moyen de 47,81 € par jour de détention et un
coût global de 10 M€ en 2008, la semi-liberté est aujourd’hui la
mesure d’aménagement de la peine la plus coûteuse pour le budget de
l’administration pénitentiaire. Dès lors, des économies d’échelle sont à
rechercher avec la création de sites de plus grandes tailles, dans des
bassins d’emploi appropriés (la construction et l’ouverture en 2010
d’un CSL de 82 places à Gradignan, dans la DISP de Bordeaux, et
d’un autre à Aix-Lyunes, dans la DISP de Marseille sont d’ailleurs
prévus). »
Le programme immobilier de la
DAP prévoit la construction de
CSL et de QSL de plus grande taille afin d’amortir les frais fixes. Il en est
ainsi des 3 CSL en cours de construction à Avignon (51 places),
Bordeaux Gradignan (82 places) et Aix Luynes (82 places) dont la
livraison est prévue fin 2010
102
ainsi que des projets en cours tels que
ceux de Poitiers (57 places), de Bourg en Bresse (40 places), de Caen (
50 places), de Nouméa (80 places) ou d’Orléans (60 places). Un site a été
ciblé en région Ile-de-France (Nanterre), les études de faisabilité sont en
cours (env. 90 à 100 places). Par ailleurs, le programme « quartier
courtes peines » (QCP) a évolué et a été associé à celui des
établissements pour peines aménagés : il est ainsi rattaché à la notion
plus générale de la préparation à la sortie des détenus qui est au coeur
des enjeux actuels de réinsertion sociale et de prévention de la récidive.
Les 18 structures de 90 places à construire sont désormais baptisées
« Quartier nouveaux concepts »
et sont flexibles par modules de 30, ce
qui permet d’héberger des détenus semi-libres et/ou des détenus fin de
peine en mode fermé.
Par ailleurs, et dans un souci de recherche de l’implantation
optimale des places de semi-liberté, une analyse des « semi-libres »
placés dans chaque établissement va être menée
ainsi qu’une projection
du besoin théorique en nombre de places
pour chaque antenne des
Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP).
Les effectifs de référence peuvent être différents d’un site à l’autre
pour des capacités théoriques équivalentes. Cela s’explique notamment
par :
102) La rapport de la cour fait état, par erreur, d’un CSL de 210 place à Gradignan,
dans la DSIP de Marseille
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219
-
- l’architecture des structures très hétérogènes conduisant à des
unités de taille différente notamment dans le cas de réhabilitation
de structures existantes transformées en QSL (ex : Melun),
-
l’accueil de la population féminine qui nécessite la présence de
surveillantes compte-tenu des dispositions réglementaires imposant
pour les femmes détenues une surveillance par du personnel de
même sexe (ex : Corbeil, Grenoble). Cette disposition se résume à
l’affectation d’un minimum de 2 surveillantes supplémentaires à
l’effectif des personnels sur ces sites.
-
- sur ces quartiers spécifiques, l’effectif de référence des
personnels ne dépend pas uniquement de la capacité théorique
d’accueil mais se base sur le fonctionnement et l’organisation des
mouvements de sortie le matin et de retour des détenus semi libres
en soirée. A ce titre, les réintégrations de fin de journée ou de nuit
nécessitent la présence de deux agents pour des raisons de
sécurité : gestion des accès par la tenue de la porte d’entrée et
missions de fouille et d’accompagnement
en détention et en cellule.
* Page 188
« La cour souligne que la création des différentes régies et la
régularisation de la situation des ordonnateurs s’inscrit dans le cadre
général de ses recommandations de 2006. La diversité des solutions
mises en oeuvre localement invite néanmoins à ce qu’un compte rendu
soit fourni à l’échelon central, pour permettre des comparaisons, des
synthèses et l’harmonisation des meilleures pratiques. »
Le
schéma
d’organisation
budgétaire
et
comptable
de
l’administration pénitentiaire résulte des travaux engagés par celle-ci
pour répondre aux exigences de l’entrée en vigueur de la loi organique
relative à la loi de finances (LOLF), le 1
er
janvier 2006.
La mise en place de ce schéma d’organisation s’est faite par
étapes et arrive, en 2010, à son quasi achèvement.
Au niveau local, le circuit de l’exécution de la dépense se traduit
par la désignation des ordonnateurs secondaires délégués (OSD) en la
personne des directeurs interrégionaux des services pénitentiaires
(DISP), par délégation des préfets de régions, ordonnateurs secondaires
(OD) de droit. Les DISP ont ensuite toute latitude pour subdéléguer à
leur tour leur pouvoir d’ordonnancement aux agents pénitentiaires
relevant de leur autorité.
Si le schéma d’organisation au sein de chaque DISP n’a pas fait
l’objet au départ d’un souci d’uniformisation, la direction de
l’administration pénitentiaire (DAP) a très tôt affiché sa volonté de
rationaliser la cartographie des ordonnateurs.
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COUR DES COMPTES
C’est la raison pour laquelle, depuis 2006, la DAP se livre chaque
année à une réactualisation de cette cartographie en réduisant
significativement le nombre d’unités opérationnelles (UO). La DAP est
passée de 88 UO en 2006 à 18 UO en 2010, avec pour objectif
d’avoir
une UO unique dans chaque DISP.
Le schéma d’organisation budgétaire et pénitentiaire de l’AP
repose donc sur un maillage de 10 Unités Opérationnelles
103
,
ordonnateurs de la dépense par subdélégation du directeur interrégional,
lesquelles s’appuient sur le réseau des régisseurs, mandataires des
comptables assignataires pour l’exécution de la dépense.
Les services de la Mission Outre Mer gardent pour l’instant une
configuration particulière dans l’attente de la mise en place, en 2010, de
3 centres de services partagés (CSP) en Martinique, à la Réunion et en
Nouvelle Calédonie. Des conventions de gestion, entre les 7 Unités
Opérationnelles actuellement existantes pour permettre à 3 d’entre elles
de mandater pour le compte de toutes les autres, sont en cours de
signature et permettront, à terme, de simplifier encore les circuits
comptables.
Cependant, le déploiement de Chorus depuis le 1
er
janvier 2010,
les difficultés techniques rencontrées à cette occasion ainsi que les
compétences particulières des hauts commissaires de la République en
matière d’ordonnancement des dépenses justifient la création d’une
quatrième plateforme à Papeete en 2011.
La mise en oeuvre de Chorus, en ce qu’elle bouleverse
l’organisation comptable et financière de chacune des DISP, nécessite
une mise à jour des organigrammes fonctionnels réalisés dans le cadre
du contrôle interne comptable et entraine une modification de la
cartographie des délégations qui existaient jusqu’à présent.
Toutes ces réorganisations, intervenues depuis début 2009, feront
l’objet d’un bilan comme le souhaite la Cour. La synthèse, au niveau
central, mettra en lumière les divers types de schémas mis en place
localement offrant une vision nationale de l’architecture budgétaire et
comptable de l’administration pénitentiaire.
* Page 193
Plafond du découvert du compte de commerce 912
« Enfin, il est patent que le découvert autorisé demeure
supérieur aux besoins réels, alors même que le compte de commerce a
désormais atteint un rythme de croisière. Ainsi, au-delà des
103) Seule la DISP de Bordeaux comprend 2 UO, suite au rattachement fonctionnel
du service de l’emploi pénitentiaire (SEP) localisé à Tulle.
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221
incertitudes liées aux différences enregistrées entre les suivis de
l’ordonnateur et du comptable24, on observe un découvert moyen au
titre de l’exercice 2007 d’environ 8 M€, soit le tiers environ du
découvert maximum autorisé.
L’année
2008,
qui
constitue
la
première
année
de
fonctionnement « normal » du compte 912, puisqu’elle intègre, en
début d’exercice, les paiements et les encaissements réalisés aux titres
d’opérations réalisées l’année précédente25, fait apparaître un
découvert légèrement plus faible que celui enregistré fin 2007, sans
doute en raison de l’entrée en service d’un outil informatique dédié
favorisant une émission plus rapide des titres de perception.
Compte-tenu de ce constat, la loi de finances pour 2009 a
ramené l’autorisation de découvert de 25 à 23 M€, ce qui demeure un
montant nettement supérieur aux besoins réels observés. Il pourrait
être ramené sans risque à 20 M€, ce que l’administration annonce pour
l’exercice 2011, à la suite des premières observations de la Cour. »
L’évaluation du découvert autorisé du compte de commerce 912 a
fait l’objet de nombreuses réflexions depuis son instauration au 1
er
janvier 2007.
La DAP, en contact avec les services de la direction générale des
finances publiques (DGFIP), a régulièrement cherché à évaluer au plus
près de ses besoins le montant de ce découvert.
C’est pourquoi en 2009, profitant des 2 ans d’existence du compte
de commerce 912, la DAP a abaissé le montant du découvert autorisé de
2 M€, en le faisant passer de 25 à 23 M€.
Plus que le découvert moyen, la DAP a privilégié comme critère de
réflexion le montant maximum du découvert recensé durant l’année, qui
se situe durant les mois de février et mars, à une période où les recettes
ne sont pas tout de suite encaissées par le comptable.
Ce décalage entre le paiement des dépenses et l’encaissement des
recettes en début d’année génère des découverts de plus de 10 M€. Pour
l’année 2008, le montant maximum du découvert avait ainsi été de 17,6
M€ le 18 février 2008.
Néanmoins, le seuil de 20 M€ apparaît également à la DAP comme
étant au plus près des besoins du compte de commerce 912. Aussi, le
montant autorisé du découvert sera ramené à ce chiffre lors du vote de la
prochaine loi de finances.
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222
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DE
IDEX ENERGIES GRAND SUD
Les extraits du rapport public thématique de la Cour des Comptes
intitulé « Le service public pénitentiaire : prévenir la récidive, gérer la
vie carcérale », appelle de notre part les observations suivantes.
Observation concernant « l’implication des chefs d’établissements »
(page 48 du rapport).
S’il n’appartient pas à la société IDEX ENERGIES de juger de la
compétence et de l’implication des chefs d’établissements, cette dernière
tient à préciser plusieurs points.
La société IDEX ENERGIES ne peut que suivre la position de la
Cour mettant en évidence le besoin, pour une gestion mixte efficace,
d’avoir à la tête d’un établissement, une personne impliquée et capable
de contrôler son prestataire.
Il serait en effet totalement inexact de croire que les exploitants en
général (et la société IDEX ENERGIES en particulier) puissent se
satisfaire d’une direction d’établissement « molle » ou absente puisque la
gestion d’un établissement pénitentiaire nécessite un partenariat
quotidien avec la direction ; la plupart des actions à entreprendre par le
prestataire ne pouvant l’être
sans autorisation et concertation préalable.
En effet, Pour être efficace, un contrôle doit allier la sanction (si
elle s’avère nécessaire) à l’apport de solutions opérationnelles. Il serait
donc inéquitable de considérer que les établissements pour lesquels les
relations entre la direction et le prestataire s’inscrivent dans une logique
partenariale
seraient
des
établissements
pour
lesquels
le
chef
d’établissement n’exercerait aucun contrôle.
Ainsi, la société IDEX ENERGIES tient à préciser que dans de
nombreux établissements qu’elle gère, elle a en face d’elle des chefs
d’établissements responsables et motivés, mais dont l’implication ne se
mesure pas au nombre de courriers recommandés qui lui sont envoyés.
Observation concernant le coût des travaux (page 49 du rapport).
En tout premier lieu, le rapport faisant apparaître des situations
très contrastées selon les zones géographiques, la société IDEX
ENERGIES tient à préciser que le niveau de qualité des prestations
relatives aux établissements de la zone sud est tout à fait conforme au
niveau national.
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223
Plus encore, il est intéressant de noter que les récents audits
établis par la société SOCOTEC ont particulièrement mis en évidence le
professionnalisme de la société IDEX ENERGIES, notamment concernant
la qualité de gestion de l’établissement de Toulon – La Farlède.
Par ailleurs, il est essentiel de préciser que dans la comparaison
des coûts des travaux qui est faite par la Cour, un élément ne semble pas
avoir été pris en compte ; il s’agit du niveau de dégradations subi par les
différents établissements ; la remise en état après dégradations
demeurant à la charge de l’administration pénitentiaire.
Or, sur un établissement tel que Aix – Luynes par exemple, pour
lequel les dégradations sont malheureusement extrêmement nombreuses
et ne sont pas prises en charge par l’administration (en contradiction
avec les clauses du contrat), il n’est pas étonnant que le coût des travaux
soit important ; le prestataire devant ici se substituer à la carence de
l’administration.
Observation concernant le travail pénitentiaire (page 87 du rapport).
La société IDEX ENERGIES tient à préciser, tout en rappelant son
attachement au développement du travail pénitentiaire, que la difficulté
de la tâche est intimement liée aux caractéristiques d’une zone
géographique dédiée.
Si le caractère sinistré d’une zone peut entrer en ligne de compte
pour expliquer les difficultés d’extension de la fonction travail, son
succès dépendra surtout des particularités de la zone en question ; ainsi,
il importe que cette dernière offre des opportunités économiques
permettant le travail pénitentiaire, qui rappelons-le, se concentre
principalement sur des activités manuelles et mécaniques (artisanat,
automobile…).
Or, tel n’est manifestement pas le cas de la Région PACA, centrée
sur des activités de pointe, peu consommatrices de travail pénitentiaire.
Observation finale concernant la gestion déléguée.
La société IDEX ENERGIES tient à mettre en exergue son
enthousiasme vis-à-vis de ce type de contrat et surtout, à mettre en
évidence à la Cour le professionnalisme des entreprises qui travaillent
dans ce secteur.
En effet, l’état de maintenance et de fonctionnalité du patrimoine
confié est tout à fait satisfaisant au regard des contraintes spécifiques au
monde pénitentiaire.
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225
Liste des rapports publiés par la Cour des comptes
depuis le 1
er
janvier 2007
* Rapport public annuel (février 2010)
* Rapport public annuel (février 2009)
* Rapport public annuel (février 2008)
* Rapport public annuel (février 2007)
* Rapports sur l’exécution des lois de finances pour l’année 2009 :
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
(juin 2010)
Résultats et gestion budgétaire de l’Etat – Exercice 2009 (mai 2010)
La certification des comptes de l’Etat – Exercice 2009 (mai 2010)
* Rapports sur l’exécution des lois de finances pour l’année 2008 :
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
(juin 2009)
Résultats et gestion budgétaire de l’Etat – Exercice 2008 (mai 2009)
La certification des comptes de l’Etat – Exercice 2008 (mai 2009)
* Rapports sur l’exécution des lois de finances pour l’année 2007 :
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
(juin 2008)
Résultats et gestion budgétaire de l’Etat – Exercice 2007 (mai 2008)
La certification des comptes de l’Etat – Exercice 2007 (mai 2008)
* Rapports sur l’exécution des lois de finances pour l’année 2006 :
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
(juin 2007)
Résultats et gestion budgétaire de l’Etat – Exercice 2006 (mai 2007)
La certification des comptes de l’Etat – Exercice 2006 (mai 2007)
Cour des comptes
Le service public pénitentiaire – juillet 2010
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
226
COUR DES COMPTES
* Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité
sociale :
Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité
sociale - exercice 2009 (juin 2010)
Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité
sociale - exercice 2008 (juin 2009)
Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité
sociale - exercice 2007 (juin 2008)
Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité
sociale
- exercice 2006 (juin 2007)
* Rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité
sociale :
Rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité
sociale (septembre 2009)
Rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité
sociale (septembre 2008)
Rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité
sociale (septembre 2007)
Rapports publics thématiques :
La Poste : un service public face à un défi sans précédent, une mutation
nécessaire (juillet 2010)
Les concours publics aux établissements de crédit : bilan et
enseignements à tirer (mai 2010)
L’éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves
(mai 2010)
Les effectifs de l’Etat 1980-2008 - Un état des lieux (décembre 2009)
Les collectivités territoriales et les clubs sportifs professionnels
(décembre 2009)
Le transfert aux régions du transport express régional (TER) : un bilan
mitigé et des évolutions à poursuivre (novembre 2009)
La conduite par l’Etat de la décentralisation (octobre 2009)
France Télévisions et la nouvelle télévision publique (octobre 2009)
La protection de l’enfance (octobre 2009)
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Les concours publics aux établissements de crédit : premiers constats,
premières recommandations (juillet 2009)
Les communes et l’école de la République (décembre 2008)
La formation professionnelle tout au long de la vie (octobre 2008)
Les aéroports français face aux mutations du transport aérien
(juillet 2008)
La mise en oeuvre du plan cancer (juin 2008)
Le réseau ferroviaire, une réforme inachevée, une stratégie incertaine
(avril 2008)
Les grands chantiers culturels (décembre 2007)
Les aides des collectivités territoriales au développement économique
(novembre 2007)
Les institutions sociales du personnel des industries électriques et
gazières (avril 2007)
La gestion de la recherche publique en sciences du vivant (mars 2007)
Les personnes sans domicile (mars 2007)
* Contrôle des organismes faisant appel à la générosité publique
La Fondation pour l’enfance (avril 2010)
La Fondation Hôpitaux de Paris - Hôpitaux de France (février 2010)
La Société protectrice des animaux (septembre 2009)
L’association France Alzheimer et maladies apparentées : l’impact des
recommandations de la Cour (juin 2009)
Le Comité Perce-Neige : l’impact des recommandations de la Cour
(juin 2009)
L’association Sidaction : l’impact des recommandations de la Cour
(juin 2009)
Les Restaurants du Coeur – Les Relais du Coeur : l’impact des
recommandations de la Cour » (juin 2009)
Amnesty International section française (AISF) (décembre 2008)
La ligue nationale contre le cancer (octobre 2007)
La qualité de l’information financière communiquée aux donateurs par
les organismes faisant appel à la générosité publique (octobre 2007)
Fondation « Aide à Toute détresse » - ATD Quart Monde (mars 2007)
Association « Le Secours Catholique » (mars 2007)
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