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OUR DES
C
OMPTES
La conduite par l’Etat
de la décentralisation
Octobre 2009
L
a présente synthèse est destinée à faciliter la lecture et
le commentaire du rapport de la Cour des comptes qui,
seul, engage la juridiction.
Les réponses des administrations et des organismes
intéressés sont insérées dans le rapport public.
Avertissement
Synthèse
du
Rapport public thématique
Présentation
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Le processus de transfert
et de répartition des compétences
. . . . . . . . . . . .7
2
Le financement de la décentralisation
. . . . . . . .11
3
La rationalisation de la dépense et des effectifs
.15
Conclusion générale
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Sommaire
3
L’article 1er de la Constitution, qui pose les principes fondamentaux de la
République, a été ainsi complété par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 :
« l’organisation de la République est décentralisée ». Cette réforme constitutionnelle, et
les lois qui l’ont accompagnée, ont donné une autre dimension au processus de
décentralisation. L’ensemble constitutionnel forme un bloc imposant : clause générale de
compétence, libre administration pour l’exercice des compétences, absence de tutelle des
collectivités entre elles, garantie de l’autonomie financière incorporant la compensation
des transferts de charge.
Les objectifs de la décentralisation font une part importante aux critères de
meilleure efficacité de l’action publique et de maîtrise des dépenses publiques. L’alinéa 2
de l’article 72 de la Constitution dispose ainsi que « les collectivités ont vocation à
prendre l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur
échelon ». Il vise non seulement la clause générale de compétence, mais aussi un objectif
de meilleure gestion publique.
Or le débat entre l’Etat et les collectivités a davantage porté sur les compensations
financières que sur les conditions de la gestion publique. Au moment où une réforme
d’ampleur de la gouvernance locale est de nouveau évoquée, ce rapport vise à rendre
compte du processus de transfert et de répartition des compétences opéré lors de la
deuxième vague de décentralisation, à montrer les limites des modes de financement
retenus et la nécessité de conduire à une rationalisation des dépenses et des effectifs
publics.
Synthèse
d
u Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Présentation
5
7
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
1
Le processus de transfert
et de répartition
des compétences
L’ambition
d’une
organisation
décentralisée de la République supposait
de
clarifier
la
répartition
des
compétences,
en
hiérarchisant
et
spécialisant
des
échelons
de
décentralisation, pour conduire à un
meilleur
ordonnancement
de
l’organisation territoriale. La seconde
décentralisation n’a pas répondu à ces
objectifs.
Le pilotage incertain
de la deuxième
vague de
décentralisation
L’absence de bilan
approfondi de la période
précédente
Si de larges concertations locales ont
été organisées sur le contenu de la
réforme, celle-ci n’a pas donné lieu à
l’élaboration d’une grille d’évaluation
conjointe des politiques transférées. Ce
référentiel aurait été précieux pour
enrichir le débat entre l’Etat et les
collectivités territoriales, trop marqué
par
les
seules
revendications
budgétaires.
L’évaluation de l’impact de la
première décentralisation est ainsi restée
parcellaire, limitée à certains secteurs
comme les équipements scolaires du
secondaire. Une appréciation globale n’a
pas été réalisée, faute de consensus
politique sur la méthode.
Une conduite hésitante du
processus de
décentralisation
L’organisation gouvernementale n’a
pas été adaptée pour piloter le processus
de décentralisation de façon spécifique,
continue et ordonnée. Les respon-
sabilités sont restées éclatées entre le
fonctionnement interministériel de droit
commun, le pilotage du ministère de
l’intérieur
et
des
départements
ministériels dont le degré d’adhésion à la
réforme était très divers et qui avaient
leurs propres rythmes et objectifs.
Le domaine social, qu’il s’agisse du
RMI ou de la dépendance des personnes
âgées et handicapées, a ainsi presque
entièrement été dissocié du dispositif
d’ensemble de décentralisation.
Des expérimentations trop
limitées
Dans le domaine de la culture, ou de
la justice des mineurs, les réticences
manifestes de certains départements
ministériels ont fortement limité les
Le processus de transfert
et de répartition des compétences
8
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
ambitions initiales. Les expérimen-
tations conduites n’ont pas surmonté
ces
réticences,
faute
d’ampleur
suffisante, alors que la méthode de
l’expérimentation constituait sans doute
l’un des éléments les plus originaux de la
loi constitutionnelle de 2003. Seuls
quelques champs d’expérimentation ont
été maintenus. Dans le cas de la culture,
trois dispositifs seulement en ont
bénéficié
:
la
décentralisation
de
l’inventaire
général
du
patrimoine
culturel, le transfert de propriété de
monuments classés, au nombre de 66 au
1er novembre 2008, et la décentra-
lisation
des
crédits
destinés
aux
monuments n’appartenant pas à l’Etat,
qui ne concerne néanmoins que le
département du Lot. En ce qui concerne
la protection judiciaire de la jeunesse,
l’expérimentation n’a lieu que dans trois
départements.
La conduite centrale du processus
de centralisation a ainsi paru souvent
hésitante, distendue et inégale. Elle
aurait nécessité une vigilance gouverne-
mentale mieux orchestrée dans la durée.
La carte territoriale
des compétences
n’a pas été
rationalisée
Le manque de clarté dans la
répartition des compétences entre
catégories de collectivités n’a pas été
corrigée. Elle s’est même aggravée au
cours de l’acte II de la décentralisation.
Dans un tel contexte, l’impact de la
décentralisation sur la simplification du
paysage administratif a été presque
inexistant.
La persistance de défauts
de spécialisation de
chaque échelon territorial
Certains transferts ont été effectués
dans le prolongement du « socle » de
compétences
déjà
attribuées,
au
détriment de la cohérence de l’action
publique.
Si le rattachement des techniciens et
ouvriers
de
service
(TOS)
des
établissements scolaires du second
degré était cohérent avec la répartition
de l’immobilier et de son entretien (aux
départements, les collèges, aux régions,
les lycées), ce partage
a eu à la fois pour
effet de disperser la gestion de ce
personnel entre plusieurs collectivités
d’un même ressort géographique et de
pérenniser l’éclatement des équipements
du cycle secondaire, parfois situés sur un
même site.
S’agissant de l’aide au logement
social, la possibilité accordée aux
départements et aux intercommunalités
de disposer d’une délégation de gestion
n’a pas clarifié une politique du
logement déjà particulièrement com-
plexe. L.a répartition des compétences
nouvellement transférées a contribué à
faire perdre de la cohérence à l’action
publique, eu égard au rôle unique tenu
précédemment par l’Etat et a introduit
une forme de concurrence sur un même
territoire.
Le processus de transfert
et de répartition des compétences
9
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
En matière d’action sociale, la
reconnaissance du rôle prééminent des
départements, qui représentaient, en
2007, 90 % de la dépense dans ce
domaine, laissait entrevoir la consé-
cration d’un large bloc de compétences.
Celui-ci n’a pas été achevé, si l’on
considère le rôle encore dévolu aux
centres communaux ou intercom-
munaux d’action sociale, les conditions
de suivi des jeunes en difficulté ou la
prise en charge par le seul Etat des
personnes sans domicile fixe.
Enfin, la collaboration entre collec-
tivités, par délégations de compétences
ou de missions, fortement incitée par la
loi, n’a été qu’un palliatif non suivi
d’effets pour modérer l’effet négatif de
l’enchevêtrement des compétences.
L’émergence contrariée de
la région
Les
intentions
initiales
des
promoteurs
de
l’acte
II
de
la
décentralisation étaient de privilégier
l’échelon régional comme niveau per-
tinent pour coordonner les politiques
décentralisées. Or le processus a abouti
à un renforcement des départements et
des intercommunalités.
La vocation de la région à devenir
l’échelon territorial de référence a été
mise à mal par la réaffirmation de la
clause générale de compétence pour
tous les échelons de collectivité. Le cas
du tourisme, où tous les niveaux de
collectivités agissent et disposent de
moyens d’intervention, en est un des
exemples les plus marquants.
Le relatif échec de l’affirmation
régionale a été dû également à un défaut
d’exclusivité accordé à cette collectivité,
par exemple en matière de dévelop-
pement économique. La notion de chef
de file a été vide de contenu.
La prééminence de la région dans le
domaine des infrastructures a été
affectée par un processus d’appel à
candidature pour le transfert des
aérodromes civils, des ports maritimes
et
des
voies
fluviales
d’intérêt
touristiques non navigables auquel tous
les niveaux de collectivités pouvaient
répondre. Le résultat de cette procédure
a été in fine un éparpillement des
responsabilités
sur
les
grands
équipements publics de transport.
La
« régionalisation »
est
donc
devenue plus déclarée qu’effective, ce
qui a contribué à restreindre fortement
les objectifs de hiérarchie et de
spécialisation
du
processus
de
décentralisation de 2004.
Le maintien de
l’Etat dans des
dispositifs
décentralisés
Si l’Etat a su définir les compétences
dont il se dégageait, il n’a pas toujours
été au bout de sa logique de retrait, en
conservant parfois des attributions de
pure administration dont il aurait pu se
départir. L’exemple de la formation des
travailleurs sociaux (le « recensement
des besoins », quantitatif, relève de la
Le processus de transfert
et de répartition des compétences
10
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
région tandis que le « diagnostic des
besoins », qualitatif, lié aux diplômes,
relève de l’Etat), celui de la formation
professionnelle ou de l’apprentissage
témoignent d’une réelle difficulté de
l’administration de l’Etat à tirer les
conséquences de la décentralisation.
De même le réseau de l’orientation
scolaire est resté éclaté entre des
structures (centres d’information et
d’orientation) aux statuts très divers,
pour moitié à la charge de l’Etat. Aucun
arbitrage n’a été rendu pour unifier ce
réseau.
resserrer les missions des
instances paritaires de suivi des
relations entre l’Etat et les collectivités
en confortant la vocation de pilotage
global et à long terme de la conférence
nationale des exécutifs ;
piloter et encourager de
façon interministérielle les expériences
innovantes en veillant à un nombre
suffisant de cas et au respect d’une
période suffisamment longue pour
étayer la décision finale.
Recommandations
11
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
2
Le financement
de la décentralisation
La préoccupation des élus quant à
une perte d’autonomie financière des
collectivités territoriales est devenue très
prégnante au moment où le transfert de
nombreuses compétences insuffisam-
ment compensées depuis 2002 (services
d’incendie et de secours et personnes
âgées dépendantes) pesait sur leurs
charges et nécessitait des hausses
fiscales répétitives reposant de surcroît
sur une assiette étroite. Les dotations de
l’Etat
constituaient
une
ressource
croissante des collectivités territoriales
sur
laquelle
les
élus
locaux
ne
disposaient d’aucun levier.
Cet héritage explique le cadre
constitutionnel relatif à l’affirmation du
principe d’autonomie financière des
collectivités territoriales et aux moda-
lités de compensation des transferts de
compétences. Les mécanismes retenus
n’apparaissent cependant ni satisfai-
sants, ni viables à long terme dans le
domaine social.
Le fractionnement
de la fiscalité
nationale : une
réponse artificielle à
l’exigence de
ressources propres
L’introduction d’un ratio
d’autonomie financière
La loi organique du 29 juillet 2004 a
déterminé
un
ratio
d’autonomie
financière des collectivités territoriales
rapportant au sein des recettes totales la
part des ressources propres (impositions
et produits internes). Ce ratio ne saurait
être inférieur à celui constaté en 2003 :
60,8 % pour les communes, de 58,6 %
pour les départements et de 41,7 % pour
les régions.
Ce ratio a constitué un cadre
contraignant pour la compensation
financière
de
l’acte
II
de
la
décentralisation.
Le financement
de la décentralisation
12
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Un mode de financement
de l’acte II de la
décentralisation
particulièrement confus
La solution retenue pour financer la
deuxième vague de décentralisation
assimile à des ressources propres des
fractions d’impôts nationaux (TIPP et
taxe spéciale sur les conventions
d’assurance), dont la modulation est très
partielle et la localisation théorique. Les
compensations versées notamment aux
conseils généraux mêlent les fractions
de ces deux impôts, faisant perdre toute
lisibilité
au
financement
de
la
décentralisation. Il n’est ainsi pas
excessif de dire que ce mode de
compensation correspond à un respect
apparent de la norme constitutionnelle
d’autonomie financière.
Les ajustements permanents des
montants de ces fractions d’impôts dans
les lois de finances, leur porosité avec les
dotations
de
l’Etat
qui
parfois
compensent des transferts de même
nature, les retards de versements, eux-
mêmes atténués par des acomptes, ont
encore altéré la nature de cette recette
pour la rapprocher au plan pratique des
autres concours de l’Etat.
Un principe de
compensation
intégrale délicat à
mettre en œuvre
Les
mécanismes
de
garantie
financière mis en place, dont on mesure
la totale légitimité du point de vue des
collectivités territoriales, ont eu des
effets pervers.
Le droit à compensation
des collectivités
territoriales
L’Etat reconnait au bénéfice des
collectivités
une
forme
de
dette
permanente et actualisable lors des
créations ou extensions de compétences
ainsi que lors des modifications de
norme.
Même si les collectivités sont
insatisfaites des estimations initiales et
des réajustements, elles disposent d’un
droit fort et contrôlé sur l’Etat pour
obtenir ces compensations. Par ailleurs
l’intangibilité du niveau des dépenses
d’Etat à la date du transfert de
compétences comme l’intangibilité du
ratio d’autonomie financière, évalué en
2003, sont des garanties considérables,
sur lesquelles l’Etat ne peut pas revenir.
Le financement
de la décentralisation
13
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
La rigidité des
mécanismes de
compensation financière
Les
différents
mécanismes
de
garantie financière rigidifient le système
des compensations au titre de la
décentralisation, empêchant toutes les
modulations ou péréquations rendues
pourtant néces-saires par les évolutions
économiques ou sociales ou tenant à la
richesse relative des collectivités.
A budget public constant, le système
financier est figé sur la base de périodes
anciennes. L’objectif de péréquation,
pourtant également inscrit dans la
réforme constitutionnelle devient, sinon
lettre morte, du moins très marginal par
rapport à la préservation des acquis
budgétaires. Ce n’est qu’à l’occasion de
concours supplémentaires de l’Etat que
des paramètres de péréquation, souvent
limités, peuvent être introduits.
On peut s’interroger sur la pérennité
d’un schéma aussi complexe et rigide,
figé dans le temps, faisant peser un tel
jeu de contraintes sur l’Etat sans
assouvir pour autant le besoin de
garantie et d’autonomie des collectivités
territoriales.
Le financement non
assuré de la
décentralisation
sociale
La dévolution de la gestion de
prestations de solidarité nationale aux
départements, forme très nouvelle de
décentralisation
par
rapport
à
l’ « acte I », pose des problèmes non
résolus à la fois de gouvernance et
d’ordre budgétaire.
Ces nouvelles attributions ne sont
pas à proprement parler des compé-
tences pour lesquelles les départements
auraient
reçu
la
plénitude
des
prérogatives de gestion : ils ne peuvent
moduler les prestations. Leur poids
budgétaire et leur évolution risquent de
ne pas être en rapport avec les capacités
contributives des collectivités, sauf à
accroître en permanence les apports de
dotations de l’Etat à travers des circuits
financiers de plus en plus complexes.
Ainsi, les charges sociales (RMI-RSA,
prestations de dépendance pour les
personnes
âgées
et
handicapées)
progressent à un rythme annuel de 6 %.
En contrepartie, la couverture par l’Etat
a été figée pour le RMI en 2003
nécessitant par la suite des abondements
suppplémentaires ou limitée au tiers des
dépenses pour le seul risque dépendance
des personnes âgées.
De
surcroit,
cette
capacité
contributive évolue de façon contrastée
selon les départements alors que les
dispositifs de solidarité dont ils ont reçu
la charge sont uniformes sur le territoire
national. La question de la péréquation
est donc particulièrement pertinente sur
ce volet de la décentralisation.
Le financement
de la décentralisation
14
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Un système de financement
simplifié, stabilisé et plus équitable
simplifier
les
modes
de
financement de la décentralisation en
limitant la confusion entre fiscalité
nationale et ressources propres ;
améliorer
la
gestion
des
dispositifs de solidarité nationale
décentralisés, d’une part, en offrant des
marges de manœuvre plus importantes
dans la relation entre la caisse de
protection sociale chargée de la
dépendance et les conseils généraux,
d’autre part, en adaptant et en
stabilisant les ressources affectées à la
lutte contre l’exclusion menée par les
départements ;
apurer
les
contentieux
secondaires sur les compensations
financières ;
incorporer
le
principe
de
péréquation dans le dispositif de
transferts
financiers,
garantie
de
l’équité entre les citoyens : les
indicateurs doivent isoler les bases
initiales de compensation, les dépenses
discrétionnaires
engagées
par
les
collectivités, ainsi que les écarts de
richesse relatifs entre collectivités.
Recommandations
15
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
3
La rationalisation de la
dépense et des effectifs
Les nombreux rapports évoquant le
sujet de la décentralisation publiés au
cours des cinq dernières années n’ont pu
présenter un bilan et une vision
consolidée des dépenses engagées et des
économies réalisées.
Ce constat résulte de la difficulté à
délimiter un périmètre exact et stabilisé
des transferts de compétences opérés et
à estimer leur impact tant sur les
administrations d’Etat que sur les
collectivités territoriales. L’évolution
continuelle des effectifs imputables au
seul processus de décentralisation ne
permet pas d’établir un bilan cohérent et
actualisé.
L’évolution des charges liée à la
décentralisation n’est donc pas bien
cernée. Le seul constat consensuel est
que le niveau global des dépenses
publiques n’a pas baissé dans les
domaines
touchés
par
la
décentralisation.
Des dépenses en
progression
Alors que les collectivités territo-
riales reprenaient progressivement à leur
charge
des
politiques
jusqu’alors
assumées par l’Etat, les dépenses de
l’Etat n’ont pas été réduites jusqu’en
2006 et celles des collectivités n’ont
cessé de progresser.
Trois facteurs liés à la décentra-
lisation
sont
déterminants
pour
expliquer les augmentations de dépenses
locales depuis 1980 : les transferts de
charges décentralisées, la création de
moyens de fonctionnement supplémen-
taires accompagnant ces transferts et un
rattrapage « qualitatif » des équipements
ou services transmis par l’Etat, dont
l’illustration la moins contestable est le
cas
de
la
remise
à
niveau
des
établissements secondaires du second
degré, tant au plan immobilier que de la
gestion des ressources humaines.
De 2002, année de la création de
l’allocation personnalisée à l’autonomie,
à 2008, les dépenses des collectivités
territoriales ont augmenté de 36 %, en
raison de transferts aux départements de
prestations sociales dynamiques.
La rationalisation de la dépense
et des effectifs
16
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Des effectifs
croissants dans les
collectivités
territoriales, y
compris dans celles
non concernées au
premier chef par la
décentralisation
Les collectivités territoriales ont
considéré de façon très générale que
leurs nouvelles compétences nécessi-
taient un renforcement des moyens
pour améliorer tant leur administration
que le niveau du service public. La
reprise de la gestion des TOS en est une
parfaite
illustration
puisque
les
collectivités régionales et départe-
mentales ont renforcé leurs directions
des ressources humaines au-delà de la
simple reprise des agents administratifs
transférés des rectorats.
S’il existe un lien général entre la
décentralisation
et
la
montée
en
puissance de la fonction publique
territoriale, la Cour des comptes relève
que la progression est particulièrement
forte pour des échelons territoriaux qui
ne sont pas concernés au premier chef
par la décentralisation.
La croissance totale des effectifs a
été de 62,8 % dans les collectivités
territoriales entre 1980 et 2006. Les
effectifs les plus importants sont dans
les communes et dans les structures
intercommunales. L’augmentation a été
depuis 1980 de 47,5 % dans les
premières et de 147 %
dans les
secondes.
Ces
collectivités
n’ont
pourtant été concernées que de façon
marginale par la décentralisation. Les
travaux des juridictions financières sur
l’intercommunalité ont ainsi confirmé
que la généralisation d’un double niveau
d’administration des services publics de
proximité s’accompagnait d’un surcroît
de
personnel,
rémanent
dans
les
communes,
émergent
dans
les
intercommunalités.
Des effectifs de
l’Etat globalement
peu sensibles à la
décentralisation
L’impact de la décentralisation sur
l’allègement de l’Etat a été jusqu’à
présent dilué et différé.
Pourtant, les mesures de décentra-
lisation engagées depuis les années 1980
auraient dû se traduire, toutes choses
égales par ailleurs, par un allègement
corrélatif des effectifs de l’Etat. Or les
effectifs totaux de l’Etat ont augmenté
de 1980 à 2006 de 351.271 agents, soit
+ 16,16 %.
La rationalisation de la dépense
et des effectifs
17
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
L’acte I de la décentralisation a ainsi
eu peu d’impact sur les effectifs de l’Etat
en raison de l’absence de transfert des
personnels des directions départemen-
tales de l’équipement chargées des
routes départementales ou des techni-
ciens et ouvriers de services des collèges
et lycées.
L’effet sur les effectifs est en
revanche plus marqué avec l’acte II de la
décentralisation. Fin 2008, il restait, au
titre de la décentralisation, 20 000 agents
à transférer par rapport à des effectifs
concernés par la loi de 2004 de l’ordre
de 128 000 agents. Le mouvement a
donc été massif et rapide.
Au total, la décentralisation n’a
commencé à avoir des effets réellement
significatifs sur le volume des effectifs
de l’Etat qu’à partir de 2006 et sur ses
dépenses de personnel plus tardivement
encore en raison des délais d’option
laissés aux agents entre les deux
fonctions publiques.
De
même
l’Etat
n’en
a
que
tardivement tiré les conséquences sur sa
propre organisation territoriale. Elles se
concrétiseront à partir de 2010 par la
réforme des services déconcentrés.
Mettre
en
place
une
évaluation partagée des coûts par
politiques
décentralisées
afin
de
dépasser les conflits budgétaires entre
l’Etat et les collectivités au profit d’une
approche
plus
globale
et
plus
qualitative de l’approche des coûts.
veiller à l’effectivité des
restructurations administratives et des
adaptations
d’effectifs
selon
les
nouveaux périmètres de l’Etat en
évitant les doublons avec l’organisation
arrêtée par les collectivités territoriales.
Recommandations
Conclusion générale
19
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
Aux questions simples posées par le citoyen - qui fait quoi et combien cela coûte-t-il ? -, il est
mal aisé de répondre cinq ans après la deuxième vague de décentralisation.
Si la Cour n’a pas à se prononcer sur l’organisation des compétences, elle suggère que celle-ci
s’ordonne au moins selon des objectifs de lisibilité par échelon territorial, de simplicité des découpages
des responsabilités au sein des compétences décentralisées et de réduction des dépenses administratives
de gestion locale.
Notant que le défaut de réforme de l’organisation territoriale explique également les difficultés
de mise en œuvre de la décentralisation, elle juge un ajustement profond de la carte territoriale des
collectivités indispensable à une mise en œuvre plus harmonieuse de la décentralisation.
Dans le cadre constitutionnel actuel qui tend à faire coïncider autonomies financière et fiscale,
il serait logique et souhaitable de rapprocher le plus possible la maîtrise des compétences de celle de
recettes fiscales adaptées à leur nature, par échelon territorial. La lisibilité démocratique, la
simplification des relations entre l’Etat et les collectivités territoriales, en seraient accrues.
Les relations entre l’Etat et les collectivités se sont focalisées sur la juste appréciation des
compensations budgétaires. Avec l’éloignement des bases initiales de calcul et la sédimentation de
transferts financiers supplémentaires, le mécanisme risque de s’écarter de l’appréhension des charges
réellement supportées par les collectivités et de leur richesse respective. L’Etat doit donc veiller à plus
intégrer le
principe de péréquation, inscrit à l’article 72-2 de la Constitution.
Au total, on est fondé à penser que les ambitions institutionnelles initiales, préparées et permises
par la consécration constitutionnelle de la décentralisation comme mode d’organisation de la
République, ont laissé place au fur et à mesure à un dispositif plus traditionnel. La vision
pragmatique et administrative d’un simple réaménagement des compétences l’a emporté, même si
l’ampleur des transferts, surtout dans le domaine social, a considérablement accru le poids et la place
des collectivités.
C’est désormais à l’aune de la rationalisation de l’organisation administrative ,et de la
recherche d’une gestion de proximité à meilleur coût, qu’il faut examiner un processus de
décentralisation qui jusqu’à présent n’a conduit ni à une baisse des dépenses publiques ni à une
maîtrise de la fiscalité locale.
La version intégrale
de ce rapport peut être consultée sur le site Internet de la
Cour des comptes
www.ccomptes.fr
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