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COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Palais Cambon, le 26 septembre 2025
Rapport public thématique
LA POLITIQUE ROUTIÈRE EN ÎLE-DE-FRANCE
L’Île-de-France concentre, sur 2 % du territoire national, 18 % de la population française, 22 % des emplois
et 32 % du PIB français. A cet égard, l’exploitation et l’entretien du patrimoine routier francilien
n’apparaissent souvent pas à la hauteur de son caractère stratégique, de son niveau de fréquentation et
de ses enjeux qui consistent : d’une part, à entretenir et gérer convenablement un réseau vieillissant, pour
lui permettre de continuer à assurer la circulation la plus fluide et la plus sûre possible ; d’autre part, à le
moderniser pour l’adapter aux impératifs de la transition écologique, en favorisant notamment une
diversification de ses usages et une meilleure articulation avec les transports collectifs. Ces enjeux sont
d’autant plus importants qu’ils portent sur une politique qui représente, en Île-de-France (uniquement
pour l’État, les départements et la Ville de Paris), une dépense publique annuelle de l’ordre de 1,17 Md
.
Le rapport de la Cour se limite au cas des routes nationales, du boulevard périphérique et des routes
départementales et exclut la voirie communale qui dessert les habitations.
Les obstacles à une politique routière en Île-de-France
En Île-de-France, le boulevard périphérique parisien, propriété de la Ville de Paris, forme, avec les routes
nationales, le « réseau magistral » de la région, qui représente un linéaire total de 656 kilomètres. Sur ce
réseau magistral, l’état de la circulation et de la congestion routières apparaît correctement suivi et
s’accompagne de la mise en
œ
uvre progressive d’instruments de gestion de ce trafic. Toutefois, la
connaissance des flux totaux, y compris de poids lourds, de leur tendance, de la nature des déplacements et
des besoins émergents s’avère encore insuffisante. L’évaluation couramment présentée – 4 millions
d’usagers par jour pour les seules routes nationales, soit 25 % des trajets en Île-de-France - résulte d’études
anciennes, voire mal identifiées. De manière plus qualitative, il est regrettable qu’aient été abandonnées les
enquêtes de satisfaction permettant de mieux prendre en compte les attentes des usagers. De plus, le
manque d’harmonisation et de partage des données routières existantes entre les différents gestionnaires
de réseau et avec les gestionnaires de transports collectifs, fait obstacle à une connaissance précise des
déplacements et à une vision exhaustive des mobilités incluant les transports collectifs, indispensable à
l’adoption d’une stratégie cohérente en matière de mobilité durable. Une autre cause de cette situation est
liée au partage des compétences sur le « réseau magistral » en Ile-de-France entre de multiples acteurs
publics et surtout à leur insuffisante coordination : État, région, Île-de-France Mobilités (IDFM), métropole
du Grand Paris, départements, établissements publics intercommunaux et communes.
Leur coopération et
leur coordination, qui prennent essentiellement la forme de documents de programmation communs peu
opérants, sont en effet insuffisamment développées. Malgré une mise en évidence ancienne de cette
problématique, c’est seulement en 2024 qu’une première plateforme de partage des données a été mise en
place. Elle se heurte encore à des obstacles techniques (méthode, formats) et à la nécessité de convaincre
certains maîtres d’ouvrage routiers et gestionnaires d’y participer. A cet égard, il conviendrait d’associer les
départements, propriétaires de la plus grande partie du linéaire routier francilien et nécessairement
concernés par la gestion du « réseau magistral ».
Une décentralisation des routes nationales au profit de la région ou d’IDFM pourrait en théorie faciliter
l’articulation de la politique routière avec celle des transports en général. Toutefois, outre que la possibilité
d’expérimenter une mise à disposition de routes nationales n’a pas été saisie par la région quand elle était
offerte par la loi, il convient de rappeler qu’à ce réseau magistral s’attachent aussi, en Île-de-France, des
intérêts stratégiques nationaux. Par ailleurs, la mise en
œ
uvre d’une telle réforme soulèverait la question de
son financement ainsi que des modalités techniques de transfert des compétences et des moyens. Elle
aboutirait également à créer un acteur supplémentaire de la politique routière, au risque de rendre sa
gouvernance encore plus complexe. Aussi la Cour privilégie-t-elle une amélioration de la coordination entre
les différents acteurs pour arriver à la définition d’une politique routière à l’échelle régionale, articulée à la
politique de mobilité en transports collectifs. Il revient d’abord à l’État, de par ses responsabilités de
gestionnaire et sa position institutionnelle, de prendre en ce sens les initiatives nécessaires, ce qui n’exclut
pas une réflexion sur des évolutions de gouvernance à plus long terme. Dans ce contexte, la Cour
recommande à l’Etat de se doter des moyens techniques pour estimer et suivre le niveau de la circulation sur
le réseau magistral en Île-de-France, en distinguant les différentes catégories de véhicules, notamment les
poids lourds. Elle préconise également d’achever la démarche de partage des données routières entre les
différents gestionnaires de réseaux et acteurs de la politique de mobilité.
Un réseau dont la gestion n’est pas toujours à la hauteur de son caractère stratégique
Si le patrimoine routier francilien a jusqu’à présent rempli son rôle de manière satisfaisante, son entretien et
son suivi n’apparaissent pas toujours à la hauteur de son importance économique et sociale, ni du nombre
de ses usagers. De même, la connaissance et le suivi de l’état des voiries départementales apparaissent
inégaux.
En effet, plusieurs référentiels d’évaluation coexistent et chaque gestionnaire opère sa propre classification,
avec un niveau de précision variable, voire une connaissance approximative, en particulier s’agissant du
boulevard périphérique. Le réseau magistral géré par l’État est mieux suivi, mais il est vieillissant et
globalement en mauvais état, à l’exception des tunnels, qui ont fait l’objet d’un effort important au début
des années 2000, en application d’une loi de 2002 faisant suite à l’incendie du tunnel du Mont-Blanc. Il
convient donc d’amplifier l’augmentation récente des moyens financiers accordés et de poursuivre les
actions de productivité des services chargés de l’entretien du réseau, les progrès constatés sur la dernière
période. Ce point concerne notamment la gestion des ressources humaines, après un laisser-aller longtemps
constaté en matière de contrôle de l’activité des agents, de leur temps de travail et de leurs absences. Dans
les départements, les modes de gestion mériteraient également d’être revus pour gagner en performance,
avant tout par la tenue d’une comptabilité analytique nécessaire pour connaître précisément les différents
coûts liés à la gestion des routes et en piloter l’évolution dans un contexte financier contraint. Alors que les
dépenses routières annuelles de l’État, de la Ville de Paris et des départements franciliens atteignent 1,17
Md
, un tel effort se révèle d’autant plus impératif qu’il ne s’agit pas seulement de remettre le patrimoine
concerné à niveau mais aussi, du fait de l’ancienneté de sa conception, d’appliquer les nouvelles normes en
vigueur et de l’adapter aux enjeux contemporains en matière de mobilité. La politique de sécurité routière,
au regard des fortes spécificités de la région en la matière, et, particulièrement, l’adaptation des
infrastructures à l’objectif de réduction de l’accidentalité doit également être relancée.
Lire le rapport
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