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CHAMBRE DU CONTENTIEUX
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Deuxième section
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Arrêt n° S-2025-1195
Audience publique du 15 juillet 2025
Prononcé du 2 septembre 2025
COMMUNE DE POINDIMIÉ
(NOUVELLE-CALÉDONIE)
Affaire n° 58
République française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, notamment
ses articles 6-2, 21 et 208-10 ;
Vu le code des communes de la Nouvelle-Calédonie, notamment ses articles L. 122-19,
L. 221-1 et L. 221-2 ;
Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 911-9, L. 911-10 et R. 911-1 ;
Vu le code des juridictions financières, notamment ses articles L. 131-14 et L. 131-16 ;
Vu le code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière
administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public ;
Vu le décret n° 2008-479 du 20 mai 2008 relatif à l'exécution des condamnations pécuniaires
prononcées à l'encontre des collectivités publiques ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu la communication du 23 octobre 2023, enregistrée le 25 octobre 2023 au parquet général,
par laquelle la chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie a déféré au
ministère public près la Cour des comptes des faits susceptibles de constituer l’infraction
prévue au 2° de l’article L. 131-14 du code des juridictions financières ;
Vu le réquisitoire introductif du 9 décembre 2023, par lequel le ministère public près la Cour
des comptes a saisi la juridiction de cette affaire ;
Vu la décision du 21 décembre 2023 par laquelle le président de la chambre du contentieux a
désigné M. Patrick BONNAUD, conseiller maître, magistrat chargé de l’instruction de l’affaire ;
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Vu
l’ordonnance
de
mise
en
cause
de
M. X,
notifiée
à
l’intéressé
avec le réquisitoire visé ci-dessus, le 5 avril 2024 et au ministère public le 15 mars 2024 ;
Vu l’ordonnance de règlement, notifiée à la personne mise en cause le 25 février 2025 et au
ministère public le 26 février 2025 ;
Vu la communication le 28 février 2025 du dossier de la procédure au ministère public près la
Cour des comptes ;
Vu la décision de la procureure générale de renvoi de l’affaire à la chambre du contentieux,
notifiée à la personne mise en cause le 12 mai 2025 ;
Vu la convocation de la personne renvoyée à l’audience publique du 15 juillet 2025, notifiée le
21 mai 2025 ;
Vu
la
lettre
du
9 juillet 2025
de
M. X
demandant
à
ne
pas
comparaître
à
l’audience et à y être représenté par son avocat ; et la réponse du même jour du président de
la chambre du contentieux acceptant cette demande ;
Vu le mémoire produit le 11 juillet 2025 par M
e
Jean-Patrice BOUCHET en défense des
intérêts de M. X, communiqué au ministère public le même jour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 15 juillet 2025, M. Bruno NATAF, substitut général, en
la présentation de la décision de renvoi, et Mme Marie-Odile ALLARD, avocate générale, dans
ses réquisitions ;
Entendu M
e
BOUCHET, représentant M. X, qui a eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré M. Louis-Damien FRUCHAUD, premier conseiller, réviseur, en ses
observations ;
1. M. X,
maire
de
la
commune
de
Poindimié,
a
été
renvoyé
devant
la
chambre du contentieux de la Cour des comptes sur le fondement du 2° de l’article L. 131-14
du code des juridictions financières, pour ne pas avoir mandaté l’intégralité des sommes
résultant de décisions juridictionnelles condamnant définitivement la commune de Poindimié,
ou les avoir mandatées tardivement.
Sur la compétence de la Cour des comptes
2. Aux termes de l’article L. 131-2 du code des juridictions financières : «
Sous réserve des
articles L. 131-3 et L. 131-4, ne sont pas justiciables de la Cour des comptes au titre des
infractions
[prévues aux articles L. 131-9 à L. 131-14 du même code] :
[…] 8° Les maires […]
».
Cependant, aux termes du 1° de l’article L. 131-4 de ce code : «
Les personnes mentionnées
aux 2° à 15° de l'article L. 131-2 sont justiciables de la Cour des comptes, à raison des actes
accomplis dans l'exercice de leurs fonctions : 1° Lorsqu'elles ont commis l'infraction définie à
l'article L. 131-14 ; […]
». Des dispositions du code des juridictions financières de portée
identique fondaient, à l’époque des faits, la compétence de la Cour de discipline budgétaire et
financière.
3. Il
en
résulte
que
M. X,
maire
de
la
commune
de
Poindimié,
poursuivi et renvoyé sur le fondement du 2° de l’article L. 131-14 du code des juridictions
financières, est justiciable de la Cour.
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Sur la prescription
4. Aux termes de l’article L. 142-1-3 du code des juridictions financières, «
La Cour des
comptes ne peut être saisie par le ministère public après l’expiration d’un délai de cinq années
révolues à compter du jour où a été commis le fait susceptible de constituer une infraction au
sens de la section 2 du chapitre I
er
du titre III du présent livre
. / […] /
L’enregistrement du déféré
au ministère public, le réquisitoire introductif ou supplétif, l’ordonnance de mise en cause,
l’ordonnance de règlement et la décision de renvoi interrompent la prescription
».
5. Il en résulte que ne peuvent être valablement poursuivis et sanctionnés dans la présente
affaire que les faits commis moins de cinq ans avant la date à laquelle a été enregistrée au
parquet général la communication de la chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-
Calédonie visée ci-dessus, soit les faits commis depuis le 25 octobre 2018.
6. En tout état de cause, tant que dure l’inexécution d’une décision de justice condamnant une
personne publique au paiement d’une somme d’argent, l’absence de mandatement de cette
somme est susceptible de constituer une infraction continue. La date à prendre en compte
pour l’examen de la prescription est donc, non pas celle du fait générateur de l’irrégularité,
mais celle à laquelle celle-ci prend fin.
Sur le droit applicable à l’ensemble des faits
Sur l’application de la loi dans le temps
7. En vertu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : «
La
loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires
». En vertu de ce
principe, la loi répressive nouvelle ne peut s’appliquer à des faits antérieurs à son entrée en
vigueur et doit, lorsqu’elle abroge une incrimination ou prévoit des peines moins sévères que
la loi ancienne, s’appliquer aux auteurs d’infractions commises avant son entrée en vigueur et
n’ayant pas donné lieu à des décisions devenues irrévocables.
8. L'article L. 313-12 du code des juridictions financières prévoyait, au moment des faits, que :
«
En cas de manquement aux dispositions de l'article 1
er
, paragraphes 1 et 2, de la loi
n° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à
l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public, les personnes visées à
l'article L. 312-1 sont passibles de l'amende prévue à l'article L. 313-1
». Depuis le
1
er
janvier 2023, ces dispositions ont été remplacées par une infraction codifiée au 2° de
l'article L. 131-14 du même code aux termes duquel : «
Tout justiciable au sens des articles
L. 131-1 et L. 131-4 est passible des sanctions prévues à la section 3 : / […] / 2° En cas de
manquement aux dispositions des I et II de l'article 1
er
de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980
relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements
par les personnes morales de droit public
». Les éléments constitutifs de l’infraction demeurent
donc inchangés.
Sur le cadre juridique de l’infraction
9. Le I de l’article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie
dispose que : «
L’État est compétent dans les matières suivantes : / […] / 2° Justice,
organisation judiciaire, organisation de la profession d'avocat, frais de justice pénale et
administrative ; procédure pénale et procédure administrative contentieuse ; commissions
d'office et service public pénitentiaire ; […] 10° Règles relatives à l'administration des
provinces, des communes et de leurs établissements publics, contrôle de légalité des
provinces, des communes et de leurs établissements publics et régime comptable et financier
des collectivités publiques et de leurs établissements publics, sous réserve de l'article 27 ;
[…]
». Selon l’article 6-2 de cette même loi organique : «
Dans les matières qui relèvent de la
compétence de l'État, sont applicables en Nouvelle-Calédonie les dispositions législatives et
réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. / Par dérogation au premier
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alinéa, sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie, sans préjudice des dispositions
les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui
sont relatives : / 1° A la composition, l'organisation, le fonctionnement et les attributions […]
de la Cour des comptes […]
».
10. Le premier alinéa de l’article L. 911-9 du code de justice administrative dispose que :
«
Lorsqu'une décision passée en force de chose jugée a prononcé la condamnation d'une
personne publique au paiement d'une somme d'argent dont elle a fixé le montant, les
dispositions de l'article 1
er
de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, ci-après reproduites, sont
applicables
. » Aux termes de l’article L. 911-10 du même code : «
Lorsqu'une décision passée
en force de chose jugée a prononcé la condamnation d'une personne publique au paiement
d'une somme d'argent dont elle a fixé le montant, le 2° de l'article L. 131-14 du code des
juridictions financières est applicable.
» L’article R. 911-1 du même code dispose enfin que :
«
Lorsqu'une personne publique a fait l'objet d'une condamnation dans les conditions prévues
à l'article L. 911-9 les dispositions du décret n° 2008-479 du 20 mai 2008 sont applicables
».
11. Le II de l'article 1
er
de la loi du 16 juillet 1980 visée ci-dessus dispose que : «
Lorsqu'une
décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou
un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la
décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux
mois à compter de la notification de la décision de justice […].
» L’article 7-1 de cette même loi
prévoit en outre que : «
La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie et dans les
collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution
».
12. Le premier alinéa de l’article 6 du décret du 20 mai 2008 visé ci-dessus, applicable en
Nouvelle-Calédonie en vertu de son article 12, dispose de même que : «
L'ordonnance ou le
mandat de paiement de la somme qu'une collectivité territoriale ou un établissement public a
été condamné à payer par décision de justice dans les conditions prévues par le II de l'article
1
er
de la loi du 16 juillet 1980 susvisée est émis dans un délai de deux mois à compter de la
notification de la décision à cette collectivité ou cet établissement
».
Sur l’infraction poursuivie
Sur les faits
13. A la suite d’un accident de chantier survenu en décembre 2018, le tribunal de première
instance de Nouméa a, par jugement correctionnel n° K202000454 du 21 octobre 2020,
condamné la commune de Poindimié à payer une amende de 5 000 000 francs pacifiques
(F CFP), ainsi qu’une somme de 80 000 F CFP au titre de l’article 475-1 du code de procédure
pénale. Par un arrêt n° 22/0005 du 18 janvier 2022, la chambre des appels correctionnels de
la cour d’appel de Nouméa a confirmé l’amende et son montant, mais a infirmé la
condamnation au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale, en portant la somme à
150 000 F CFP. Elle a également condamné la commune au paiement d’une somme de
20 167 F CFP au titre du droit fixe de procédure. Elle a enfin renvoyé l’affaire devant le juge
de première instance afin qu’il soit statué sur les intérêts civils. Cet arrêt, qui n’a pas fait l’objet
d’un pourvoi en cassation, est devenu définitif le 31 janvier 2022.
14. Par ordonnance de référé n° 21/1 du 12 janvier 2021, rendue dans le cadre d’une
demande d’expertise, le tribunal de première instance de Nouméa a également condamné la
commune de Poindimié, solidairement avec une compagnie d’assurance, à verser à la victime
de l’accident la somme de 150 000 F CFP au titre des frais irrépétibles, en application de
l’article 700 du code de procédure civile. Cette ordonnance de référé, portant condamnation
pécuniaire, est passée en force de chose jugée, le 29 janvier 2021.
15. Par un jugement n° 22/00117 du 5 juillet 2022, le tribunal de première instance de Nouméa
a condamné la commune de Poindimié à verser à la victime la somme de 8 767 441 F CFP,
avec intérêts au taux légal à compter du jugement, en réparation de son préjudice corporel, et
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la somme de 250 000 F CFP au titre des frais irrépétibles, en application de l’article 700 du
code de procédure civile. Le tribunal l’a également contrainte à verser à la caisse de
compensation des prestations familiales des accidents du travail de la Nouvelle-Calédonie
(CAFAT) la somme de 18 044 795 F CFP, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
au titre de ses débours actuels. Ce jugement a fait l’objet d’un appel dont le seul appelant s’est
finalement désisté après l’expiration du délai d’appel pour les autres parties. Il est ainsi passé
en force de chose jugée le 25 août 2022.
Sur la qualification juridique et l’imputation des responsabilités
16. Il ressort des pièces du dossier, en premier lieu, que l’amende de 5 000 000 F CFP due à
l’Etat et la somme de 150 000 F CFP, au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,
due à la victime, résultant de l’arrêt du 18 janvier 2022, ont été mandatées le 8 octobre 2024,
soit 33 mois après la notification de la condamnation et 31 mois après le terme du délai de 2
mois prévu au II de l'article 1
er
de la loi du 16 juillet 1980. Le droit fixe de procédure dû à l’État
de 20 167 F CFP, mentionné par le même arrêt, a été mandaté le 22 mai 2025, soit 40 mois
après la notification de la condamnation et 38 mois après le terme du même délai.
17. En deuxième lieu, la somme de 150 000 F CFP au titre de l’article 700 du code de
procédure civile, due à la victime, mentionnée par l’ordonnance du 12 janvier 2021, a été
mandatée le 8 octobre 2024, soit 45 mois après la notification de la condamnation et 43 mois
après le terme du délai de 2 mois.
18. En troisième lieu, la somme de 8 767 441 F CFP, destinée à réparer le préjudice de la
victime et résultant du jugement du 5 juillet 2022, n’a fait l’objet d’un échéancier de paiement
et d’un mandatement qu’à compter du 25 octobre 2024, soit 27 mois après la notification de la
condamnation et 25 mois après le terme du délai de 2 mois. Le mandat a été mis en attente
de l’ordre de priorité des paiements qui n’a été transmis au comptable public que le
27 janvier 2025. La victime a finalement été totalement indemnisée entre février et juillet 2025,
soit six ans et demi après l’accident.
19. En quatrième lieu, la somme de 18 044 795 F CFP résultant du jugement du 5 juillet 2022
en faveur de la CAFAT a fait l’objet d’un échéancier mensuel courant à compter d’octobre
2022 mais qui n’a donné lieu à un premier mandatement, partiel, que le 17 janvier 2023 puis,
après sa modification, pour le tout, que le 12 juin 2023, soit 11 mois après la notification de la
condamnation et 9 mois après le terme du délai de 2 mois, la dette ayant été éteinte en
septembre 2024.
20. En cinquième lieu, la somme de 250 000 F CFP, due à la victime au titre de l’article 700
du code de procédure civile et figurant au jugement du 5 juillet 2022, a été mandatée le
25 octobre 2024, soit 27 mois après la notification de la condamnation et 25 mois après le
terme du délai de 2 mois.
21. En dernier lieu, les intérêts au taux légal (1 119 534 F CFP), les frais d’huissier
(11 120 F CFP) et le droit proportionnel (154 222 F CFP) mentionnés au jugement du
5 juillet 2022, soit un total de 1 284 876 F CFP, ont été mandatées à la CAFAT le 22 mai 2025.
Le même jour, ont été finalement mandatés les débours et dépens dus à l’avocat de la victime
et résultant des trois décisions juridictionnelles. En revanche, il n’est pas établi que les intérêts
au taux légal afférents à la somme destinée à réparer le préjudice de la victime, résultant du
jugement du 5 juillet 2022, ont été versés à cette dernière. Toutefois, si le montant des intérêts
légaux, dont les taux et modalités de calcul sont précisément définis, peut être connu, il ne
peut, par définition, être fixé par la décision de justice elle-même. Or, les dispositions du II de
l’article 1
er
de la loi du 16 juillet 1980 ne mentionnent que la condamnation «
au paiement d'une
somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même
». La nature répressive du
régime de responsabilité des gestionnaires publics implique une interprétation stricte de ces
termes, qui entrent dans la définition du «
manquement
» mentionné au 2° de l’article
L. 131-14 du code des juridictions financières. Il en va de même des frais de procédure qui
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forment bien l’accessoire obligé de la condamnation au principal, mais dont les montants ne
figurent pas expressément dans le dispositif de la décision de justice.
22. La défense invoque, concernant les sommes qui figurent dans le jugement du 5 juillet 2022
mentionnées aux paragraphes 18, 19 et 20 ci-dessus, que le jugement du 5 juillet 2022 ne lui
a été signifié par la CAFAT que le 27 juin 2023, ce qui repousserait à cette date le début du
délai de deux mois, prévu au II de l'article 1
er
de la loi du 16 juillet 1980. Cependant, cette
signification n’aurait de conséquence que sur les sommes dues à la CAFAT mais serait sans
effet sur celles dues à la victime. En tout état de cause, le premier alinéa de l’article 675 du
code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie dispose que : «
Les jugements sont notifiés
par voie de signification à moins que la loi n'en dispose autrement
. » A cet égard, l’article 676
du même code prévoit que : «
Les jugements peuvent être notifiés par la remise d'une simple
expédition
», tandis que l’article 652 de ce code dispose que : «
Lorsqu'une partie a chargé
une personne de la représenter en justice, les actes qui lui sont destinés sont notifiés à son
représentant sous réserve des règles particulières à la notification des jugements
. » Or, le
jugement du 5 juillet 2022 comporte une mention marginale indiquant qu’il a été notifié le
même jour, par voie d’expédition, à l’avocat représentant la commune de Poindimié à
l’instance. En conséquence, la notification de ce jugement, au sens des dispositions du II de
l'article 1
er
de la loi du 16 juillet 1980, a eu lieu le 5 juillet 2022.
23. Il résulte de ce qui précède, qu’en méconnaissance des dispositions du II de l’article 1
er
de
la loi du 16 juillet 1980, la commune de Poindimié n’a pas mandaté dans le délai de deux mois
fixé par la loi les sommes au paiement desquelles elle a été condamnée par les décisions de
justice ci-dessus mentionnées qui en fixaient le montant.
24. En vertu des articles 11, 29 et 32 du décret du 7 novembre 2012 visé ci-dessus,
l’ordonnancement des dépenses relève de la responsabilité de l’ordonnateur de la commune,
c’est-à-dire de son maire, en vertu du 3° de l’article L. 122-19 du code des communes de la
Nouvelle-Calédonie.
25. En conséquence, M. X, maire de la commune de Poindimié à l’époque des
faits et encore en fonction, a commis l’infraction prévue par le 2° de l’article L. 131-14 du code
des juridictions financières.
Sur les circonstances
Sur les circonstances aggravantes de responsabilité
26. Il résulte du manquement commis par la commune, dont le maire est responsable, que la
victime n’a été indemnisée des préjudices corporels subis que six ans et demi après l’accident,
dont plus de deux ans relèvent du délai de mandatement des dommages intérêts. Il n’est en
outre pas établi que les intérêts légaux qui lui sont également dus ont fait l’objet d’un
mandatement.
27. M. X, maire de la commune de Poindimié depuis 1989 et président de la
Province Nord depuis 1999, est un élu expérimenté qui est censé connaître l’enjeu que
constitue l’exécution des décisions de justice passées en force de chose jugée. En outre, il
avait déjà fait l’objet, en 2021, d’une procédure devant la Cour de discipline budgétaire et
financière, pour des faits identiques concernant son mandat de président de la Province Nord,
laquelle avait donné lieu, en 2022, à un classement en conséquence d’une exécution partielle.
Sur les circonstances atténuantes de responsabilité
28. La défense invoque le fait que la commune de Poindimié a régulièrement connu de graves
insuffisances de trésorerie, qui ont fait obstacle au paiement de ses créanciers. Cette
circonstance ne saurait toutefois être retenue au regard du champ de l’infraction poursuivie.
Le manquement mentionné au 2° de l’article L. 131-14 du code des juridictions financières,
concerne en effet, selon les termes du II de l’article 1
er
de la loi du 16 juillet 1980, le
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mandatement des sommes auxquelles la commune a été condamnée et non leur paiement.
Ces sommes devaient être mandatées au titre des dépenses obligatoires de la commune, en
vertu des articles L. 221-1 et L. 221-2 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie et
des articles L. 263-21 et L. 263-22 du code des juridictions financières. De plus, même lorsque
la situation de la trésorerie de la commune le permettait, les dépenses mandatées n’ont pas
été payées, en l’absence d’un ordre de priorité fixé par l’ordonnateur qui n’est intervenu qu’au
début de la mise en œuvre de l’échéancier de paiement de l’indemnisation de la victime, le
27 janvier 2025.
29. En revanche, il convient de tenir compte des difficultés tenant à l’organisation des services
de la commune, qui ont pu contribuer à retarder la connaissance précise, par son maire, des
sommes dont elle était redevable et du calendrier de leur mandatement.
Sur l’amende
30. Il sera fait une juste appréciation de la gravité des faits et des circonstances en infligeant
à M. X une amende de 4 000 €.
Sur la publication
31. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu en l’espèce de publier l’arrêt au
Journal officiel
de la République française.
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
. – M. X
est
condamné
à
une
amende
de
quatre
mille
euros
(4 000 €).
Article 2. – Le présent arrêt sera publié au
Journal officiel
de la République française.
Fait et jugé par M. Jean-Yves BERTUCCI, président de chambre, président de la formation,
Mme Agnès KARBOUCH et M. Alain STEPHAN, conseillers présidents et M. Louis-Damien
FRUCHAUD, premier conseiller.
En présence de Mme Cécile ROGER, greffière de séance.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice,
sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
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En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Cécile ROGER
Jean-Yves BERTUCCI
En application des articles R. 142-4-1 à R. 142-4-5 du code des juridictions financières, les
arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour d’appel
financière dans le délai de deux mois à compter de la notification.
Pour les personnes domiciliées en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à
Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie
française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, ce délai est augmenté d’un
mois.
Pour les personnes domiciliées à l’étranger, le délai d’appel est augmenté de deux mois.
La révision d’un arrêt peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les
conditions prévues aux articles R. 142-5-6 et R. 142-4-7 du même code.