25 ROD2-16 en date du 14 mars 2025
CHI DU PAYS DE REVERMONT
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SYNTHÈSE
Un centre hospitalier organisé autour de deux activités principales
et ancré dans un territoire rural
Situé sur un territoire essentiellement rural, dont la population est en baisse et
relativement plus âgée que sur l’ensemble du département, le CHIPR est né de la fusion, au
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er
janvier 2017, de trois anciens centres hospitaliers (Poligny, Salins-Les-Bains et Arbois).
L’établissement comprend deux activités principales, les soins médicaux de réadaptation
(SMR) et l’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), réparties sur sept sites et
cinq communes. Il est organisé en deux pôles (SMR et Ehpad) et dispose de 150 lits pour les
services de soins médicaux de réadaptation et de 451 lits en Ehpad.
En matière de gouvernance, les instances règlementaires (conseil de surveillance,
commission
médicale
d’établissement,
directoire,
comité
technique
d’établissement
notamment) ont été constituées. La chambre relève l’absence de réunion du conseil de
surveillance en 2020 alors que la situation sanitaire aurait nécessité des
reporting
réguliers, et
un nombre de réunions du directoire inférieur à ce que prévoit le code de la santé publique. Elle
invite également l’établissement à s’assurer de la présentation du rapport annuel sur la mise en
œuvre de la politique médicale de l’établissement auprès des instances, conformément à la
règlementation.
Par ailleurs, le CHIPR dispose de trois chefs de pôles (un pour le pôle SMR, deux pour
le pôle Ehpad) mais n’a pas mis en place les contrats de pôle prévus par le code de la santé
publique. Ces outils assurent l’articulation entre le projet d’établissement, notamment le projet
médical, et les projets portés par les pôles. Ils permettent également de s’assurer du bon
fonctionnement des pôles et de l’atteinte des objectifs qui leur sont fixés. La chambre
recommande au CHIPR d’élaborer ces contrats dès lors qu’il aura actualisé son projet
d’établissement.
Ce dernier n’a pas été produit depuis le terme du précédent projet (2022) et le CHIPR
est en attente de l’élaboration en cours du projet médical du groupement hospitalier territorial
(GHT) du Jura dont il est membre. La chambre constate que le projet d’établissement
2018-2022 n’a pas été évalué et que la plupart de ses objectifs n’ont pas été mis en œuvre. Elle
recommande au CHIPR de formaliser rapidement son nouveau projet d’établissement à partir
d’un bilan du précédent et en conformité avec le projet médical partagé du GHT.
Organisée autour d’un plateau technique à Salins-Les-Bains, l’activité SMR est plutôt
stable quoiqu’en baisse cette dernière année du fait du virage ambulatoire et d’un
positionnement du CHIPR au sein du GHT du Jura qui ne répond pas toujours à la trajectoire
des patients sur le territoire. Dans le cadre de sa réflexion sur l’avenir de l’activité, le CHIPR a
déposé un projet de labellisation de l’hôpital d’Arbois en hôpital de proximité.
L’activité du pôle SMR du CHIPR est reconnue et son poids important sur le
département du Jura. Il représente un tiers des lits en hospitalisation complète et sa zone de
recrutement dépasse les frontières de la communauté de communes, s’établissant sur un
territoire de 135 000 habitants. Sa part de marché est très importante au niveau du territoire de
santé comme au niveau régional.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
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Le pôle Ehpad comprend quatre sites dont un établissement ouvert en septembre 2022
à Bracon en remplacement de l’ancien Ehpad de Salins-Les-Bains. Le site de Poligny, réparti
sur deux bâtiments, est très ancien, vétuste et fait l’objet d’un avis défavorable de la commission
de sécurité depuis 2011. Outre la responsabilité de l’exploitant, la chambre rappelle celle du
maire de la commune d’implantation qui, en vertu de son pouvoir de police, doit assurer le suivi
des avis de la commission de sécurité et prendre les décisions quant à la poursuite de l’activité.
Le taux d’occupation des Ehpad est faible (82 % en 2023, 12 points inférieurs à la
moyenne nationale), affecté par l’inoccupation d’un niveau complet de l’Ehpad de Bracon
(58 lits). Les résidents sont pour 90 % d’entre eux, originaires du Pays de Revermont avec un
profil présentant une moindre dépendance que sur l’ensemble des Ehpad jurassiens mais avec
des pathologies plutôt plus lourdes.
Le CHIPR dispose du taux d’équipement en places d’Ehpad le plus élevé du
département du Jura, regroupant 15,8 % des places pour 9,4 % de la population âgée de 75 ans
et plus. Les Ehpad du CHIPR ont longtemps été parmi les moins chers du département (à
l’exception du site de Sellières) mais l’ouverture de l’Ehpad de Bracon le positionne comme
l’Ehpad public le plus onéreux.
La création de l’Ehpad de Bracon : un montage juridique
contestable aux conséquences financières significatives
Face à la vétusté et aux problèmes de sécurité rencontrés sur le site Ehpad de Salins-
Les-Bains, le CHIPR a fait le choix de construire un nouveau bâtiment sur la commune de
Bracon. Il a conclu, pour ce faire, un bail en l’état futur d’achèvement (BEFA) avec la SCI du
Revermont, société constituée à cet effet par DPCI Villiers immobilier (filiale à 100 % de
l’IRCANTEC) et la Banque des Territoires. Les seules études préalables conduites pour ce
projet ont porté sur la légalité de ce montage juridique.
La chambre considère, au regard de l’intervention du CHIPR dans le projet, de la
structure architecturale du bâtiment par essence dépendante de son usage et du nombre de lits
prévu, ainsi que du démarrage des travaux postérieur à la date de signature du bail, que ce BEFA
constitue donc un marché public de travaux. Le choix par le CHIPR de ce montage juridique a
eu comme conséquence de s’affranchir des règles de la commande publique.
Le bail, conclu en avril 2019 pour une durée de 12 années, apparaît particulièrement
défavorable au CHIPR qui doit, notamment, assurer l’ensemble des gros travaux. Deux
avenants sont intervenus pour modifier le montant des loyers. Le premier suite à un moindre
niveau de subventions perçu par le bailleur alors qu’aucune disposition ne liait le CHIPR sur
cette exigence, le second pour intégrer, à la demande du CHIPR, des travaux modificatifs sur
l’espace de restauration. Pour les trois premières années de contrat, le montant du bail s’élève
à 1 667 710 €.
La chambre relève que le processus décisionnel qui a accompagné le projet est marqué
par un défaut d’informations données au conseil de surveillance. Ce dernier n’a eu à se
prononcer sur le montage juridique que tardivement, alors que le projet était particulièrement
engagé. Au regard des documents produits en cours de contrôle le conseil de surveillance n’a
disposé d’aucune information sur le coût du projet, ni sur les conséquences induites sur le prix
de journée. Les autorités de tarification (ARS et département du Jura) ont, quant à elles, validé
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l’opération malgré les nombreuses réserves exprimées et l’absence de toute étude économique
et d’analyse des besoins.
Ces études auraient été nécessaires pour dimensionner correctement le projet (le
bâtiment demeure partiellement occupé avec 58 lits vacants) et apprécier son impact financier
sur les comptes du CHIPR. Le plan global de financement pluriannuel (PGFP) 2019-2023 est
ainsi validé alors qu’il apparaît que les charges ont été sous-estimées et les produits surévalués.
Par ailleurs, la condition de validité juridique de départ, à savoir l’impossibilité
d’intervention du CHIPR dans le projet, portait en germe les difficultés d’exploitation qui sont
constatées aujourd’hui. Le respect de cette condition étant
de facto
impossible, le CHIRP est
intervenu mais de façon limitée, de la sorte, le bâtiment livré ne répond que partiellement aux
besoins de l’établissement.
Les conséquences financières de cette opération sont majeures pour le CHIPR. Elles
sont, pour une partie d’entre elles, directement liées au montage juridique choisi. En maîtrise
d’ouvrage directe, le CHIPR aurait pu prétendre à un taux de TVA réduit générant une
économie substantielle (875 000 €). Il n’aurait, par ailleurs, pas eu à supporter les coûts de
constitution de la SCI propriétaire, répercutés sur les loyers (581 940 €).
La réalisation d’une étude préalable sur les besoins aurait permis d’économiser la
construction d’un étage de 58 lits aujourd’hui inoccupés et le coût des équipements afférents.
Enfin, le CHIPR a fait preuve d’un manque d’anticipation dans l’organisation de ses
services après ouverture du site de Bracon alors qu’il disposait de deux années de construction
pour ce faire. Il en est ainsi de la cuisine centrale de Salins-Les-Bains dont il était acquis qu’elle
ne produirait plus les repas pour l’Ehpad et dont la fermeture est intervenue tardivement, en
mai 2024. Le transfert de la production des repas sur l’autre unité de production à Arbois a eu
lieu à cette même date, obligeant le CHIPR à externaliser la fourniture des repas pendant
20 mois. Les services administratifs ont été maintenus sur l’ancien site de l’Ehpad de
Salins-Les-Bains jusqu’à l’automne 2024, générant des coûts de fonctionnement importants.
De plus, une partie de ces locaux aujourd’hui désaffectés a fait l’objet d’une rénovation en régie
par les services du CHIPR. L’absence de décision du CHIPR sur ces deux dossiers a généré un
surcoût que la chambre évalue à 840 000 € sur la période.
Globalement, les conséquences financières des choix liés à ce projet peuvent être
évaluées selon une approche qui ne prend pas en compte le coût des 58 lits inoccupés à
2,5 millions d’euros pour le CHIPR.
L’avenir de l’activité médicosociale du CHIPR se pose, notamment pour ce qui
concerne les bâtiments de l’Ehpad de Poligny et le traitement de la vacance sur le site de Bracon.
Accompagné par l’ARS, le CHIPR a diligenté une étude pour éclairer ses choix.
Le scénario de synthèse proposé par le cabinet conseil prévoit une diminution de 41 lits
de la capacité totale du CHIPR avec, parmi les décisions les plus marquantes, la proposition
d’acquérir le site de Bracon et de le restructurer pour diminuer sa capacité de 58 lits, et la
création d’un nouveau bâtiment à Poligny en maintenant le nombre de places (155).
La chambre considère que la situation financière de l’établissement compromet la
réalisation de ce scénario qui implique un montant d’investissement très élevé. Elle estime que
le CHIPR doit recentrer son investissement pour régler les deux problèmes qui se posent
aujourd’hui à lui concernant les Ehpad : le taux d’occupation très faible du site de Bracon et la
vétusté des locaux du site de Poligny qui pose de sérieux problèmes de sécurité. Le rachat du
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site de Bracon est une solution de nature à permettre à l’établissement de générer des marges
financières par rapport au loyer actuel par une durée d’amortissement d’un futur emprunt sur
une période bien supérieure au 12 ans du bail actuellement en cours. Par contre, sa
restructuration pour supprimer les 58 lits inoccupés aura un coût élevé et ne se justifie pas sur
un bâtiment neuf. Le transfert des lits du bâtiment le plus dégradé de Poligny (Glantine 56 lits)
vers Bracon est une hypothèse à étudier sérieusement dans la mesure où elle permet de répondre
tout à la fois à la nécessité d’occuper l’étage vide à Bracon, de construire un bâtiment de
moindre capacité sur Poligny et de résoudre la question sécuritaire du bâtiment Glantine.
La chambre recommande donc au CHIPR d’engager sans délai des négociations pour le
rachat du bâtiment de Bracon avec la SCI de Revermont et de travailler au transfert des
56 places du bâtiment Glantine sur le 3
ème
étage de Bracon.
Des comptes 2022 peu fiables et entachés d’importantes irrégularités
La qualité de l’information comptable et financière de l’établissement apparaît
perfectible sur le suivi de l’inventaire. L’examen de l’exécution des EPRD a mis également en
lumière un taux d’exécution particulièrement faible des recettes d’investissement en 2022,
engageant à consolider leur pilotage budgétaire en ajustant au mieux les prévisions lors des
décisions modificatives.
Le suivi des provisions réglementées et des provisions pour risques est globalement
cohérent sur la période, mais la chambre invite le CHIPR à formaliser un plan pluriannuel
d’entretien à l’appui des provisions pour gros entretien, en application de l’instruction M21.
La qualité comptable de l’exercice 2022 apparaît par contre affectée par deux
opérations. Le CHIPR a procédé, en 2022, à la reprise d’une provision réglementée pour
renouvellement des immobilisations issue d’une aide financière de l’ARS à la modernisation
du secteur médico-social et au rapprochement des trois hôpitaux d’un montant de 2,8 M€. Cette
aide non reconductible était destinée à la réalisation d’un nouvel Ehpad. Le CHIPR n’ayant pas
été maître d’ouvrage de la construction de l’Ehpad de Bracon, il a souhaité réaffecter cette
provision pour financer les équipements du nouvel établissement. Cette hypothèse a été validée
par la DGFIP et l’ARS sous réserve de passer des écritures qui permettent de transférer cette
reprise en subvention d’équipement. Le CHIPR s’est contenté d’une écriture de reprise de
provision avec deux conséquences : l’irrégularité de l’opération d’une part, et l’insincérité du
résultat de 2022, majoré du montant de la reprise d’autre part. De ce fait, le déficit d’exploitation
attendu sur le budget Ehpad a été artificiellement masqué.
Par ailleurs, l’exercice 2022 a été clôturé sans la passation des écritures comptables
permanentes de fin d’année visant à faire supporter au budget H une partie des charges
générales incombant au budget E. Il en résulte un résultat du budget principal significativement
dégradé puisque privé du remboursement prévu, alors que celui des EHPAD se trouve
artificiellement bonifié par une économie indue.
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Une situation financière au 31 décembre 2023 alarmante
Le compte de résultat de l’établissement est déficitaire sur l’ensemble de la période
2018-2023. Le budget annexe Ehpad apparaît structurellement déficitaire alors que le budget
principal de l’établissement, malgré un resserrement des marges, maintient un solde de gestion
positif.
La situation s’est fortement dégradée sur les deux derniers exercices du fait d’un effet
ciseau marqué. Les comptes ont été impactés par la hausse du coût de l’énergie (les dépenses
sont en augmentation de 244 % entre 2022 et 2023 malgré une diminution de la consommation),
le paiement du loyer de l’Ehpad de Bracon et les charges induites par le projet et la hausse des
charges de personnel.
Un plan d’actions d’efficience économique a été mis en place, à la demande de l’ARS,
dès l’exercice 2018. Il n’a pas eu les résultats escomptés et n’a fait l’objet d’aucun suivi par les
instances de l’établissement. Le CHIPR se retrouve dans une situation critique, avec un taux de
marge brute sur produits courants négatif depuis 2022, traduisant son incapacité à faire face à
ses charges et investissements courants.
L’établissement ne dégage aucune ressource lui permettant d’autofinancer ses
investissements et son fonds de roulement a donc été particulièrement sollicité durant la
période. Celui-ci s’est donc fortement dégradé pour ne représenter, fin 2023, que 31 jours de
charges courantes. Le CHIPR devra donc, à l’avenir, strictement limiter ses investissements
aux projets indispensables à la poursuite de son activité.
Il est ainsi confronté à l’enjeu majeur de redresser sa trajectoire financière dans les cinq
à dix ans à venir. Pour ce faire, il a mis en œuvre un plan de sauvegarde ainsi que des premières
mesures, notamment liées à l’Ehpad de Bracon, afin d’en limiter les surcoûts d’exploitation.
Néanmoins, compte tenu de l’ampleur des déficits reportés et des nécessaires
investissements à venir, ce plan ne saurait être suffisant sans un fort accompagnement extérieur.
La gestion des ressources humaines : un enjeu pour le CHIPR
Les effectifs de l’établissement sont demeurés relativement stables sur la période avec,
cependant, des différences marquées selon les emplois : les personnels de soins non médicaux
qui représentent la majorité des postes (aides-soignants et infirmiers) ont en effet vu leurs
effectifs diminuer du fait des difficultés de recrutement dans ces métiers en tension. Le CHIPR
a donc mis en œuvre plusieurs mesures pour favoriser l’attractivité et la fidélisation de son
personnel. Il a par ailleurs recours de plus en plus aux agents « faisant fonction » et à l’intérim,
ce qui constitue pour l’établissement un surcoût important.
Parallèlement, la masse salariale a significativement progressé, portée par les mesures
catégorielles découlant, en particulier, du Ségur de la santé et par les diverses revalorisations
nationales du régime indemnitaire du personnel médical.
La gestion des ressources humaines de l’établissement est marquée par une forte
instabilité du poste de responsable sur la période et des choix de gestion pas toujours adaptés.
De ce fait, les données produites ne sont pas fiables. Par ailleurs, il n’y a pas de gestion
prévisionnelle des métiers et des compétences qui permettrait pourtant au CHIPR d’adapter ses
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moyens à ses besoins, actuels et futurs. Le recrutement récent d’une responsable des ressources
humaines doit être l’occasion pour l’établissement d’agir dans ce sens.
La chambre a également examiné les coûts indirects de personnel et particulièrement
les charges liées aux missions et déplacements. Elle relève de nombreux déplacements,
notamment à l’étranger, de l’ancien ordonnateur qui ne semblent pas relever de l’intérêt direct
de l’établissement. L’usage du transport aérien, y compris pour les déplacements en métropole,
contrevient avec le décret fixant les conditions et les modalités des déplacements des agents de
la fonction publique hospitalière. Par ailleurs, le caractère professionnel de plusieurs
déplacements ayant occasionné l’usage d’un véhicule de service et de la carte de paiement n’a
pu être vérifié par la chambre.