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Le 20 janvier 2025
Le Premier président
à
Monsieur Éric Lombard
Ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Réf. : S2025-0009
Objet
: Les conditions du soutien de l’État au groupe Geoxia et à la société Imhotep
Assurances
En application des dispositions des articles L.111-3, L.111-6 et L.133 du code des
juridictions financières, la Cour a examiné les conditions du soutien de l’État au groupe Geoxia
et à la société Imhotep, pour les exercices 2022 à 2023.
À l’issue de son contrôle, la Cour m’a demandé, en application des dispositions de
l’article R. 143-11 du même code, d'appeler votre attention sur les observations et
recommandations suivantes.
Le groupe Geoxia est un groupe de construction immobilière, détenteur de la marque
Phénix, spécialisé dans les maisons individuelles à prix accessibles. La législation obligeant
les constructeurs de maisons individuelles à souscrire des garanties de livraison afin de
protéger leurs clients
1
, Geoxia, après avoir longtemps fait appel à un assureur externe, a
décidé de créer sa propre société captive d’assurance, la société Imhotep Assurances, sous
forme d’une filiale. Celle-ci a été agréée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution
(ACPR) en 2017.
Confronté à des difficultés à répétition, le groupe a finalement été placé en liquidation
judiciaire en juin 2022. L’ampleur du sinistre dépassant les capacités financières d’Imhotep
Assurances, l’État a décidé d’apporter un soutien financier afin de pallier les conséquences de
cette liquidation pour les clients de Geoxia, ce qui a conduit à des décisions coûteuses prises
dans des conditions exorbitantes du droit commun.
1.
UN MONTAGE ASSURANTIEL RISQUÉ AUTORISÉ PAR L’ACPR
Afin de protéger les particuliers, l’article L. 231-2 du code de la construction et de
l’habitat oblige les constructeurs à souscrire une garantie de livraison pour tout contrat de
construction de maisons individuelles. Confrontée au désengagement progressif de ce marché
1
Articles L 231-2 et L 231-6 du code de la construction et de l’habitat. En cas de défaillance du constructeur, le
garant prend à sa charge l’exécution des travaux.
Cour des comptes – Référé n°S2025-009
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de son assureur historique, Zurich Ré, Geoxia a engagé en 2016 la création d’une société
captive d’assurances.
La société Imhotep Assurances a ainsi été créée le 6 juillet 2017 avec pour objectif de
couvrir progressivement la moitié de l’activité du groupe. L’ACPR, chargée de son agrément,
a bien identifié pendant son instruction le fait que, sur le marché des garanties de livraison, le
sinistre ne résultait en pratique que de l’arrêt de l’exploitation du constructeur. Dès lors,
Imhotep Assurances devait garantir les clients de Geoxia contre la faillite de sa maison mère
sans perspective de recapitalisation par cette dernière en cas de survenue du sinistre.
Imhotep Assurances a donc élaboré un programme de capitalisation lui permettant de
disposer de suffisamment de fonds propres pour couvrir le capital de solvabilité requis et le
minimum de capital, après occurrence du sinistre. Le montant du sinistre maximum possible,
estimé à 10 M
€
pour la première année d’activité, a servi de fondement au calibrage de la
réassurance et de la capitalisation. Sur cette base, l’ACPR a donné son agrément le
23 novembre 2017.
Le principe même d’une captive d’assurance garantissant
in fine
des particuliers contre
le défaut de sa société mère, sans dispersion ni division du risque, n’a pas soulevé de
difficultés de la part du collège de l’ACPR. Or, la création d’une captive d’assurance était
d’autant plus questionnable qu’elle intervenait sur le marché très étroit des garanties de
livraison. Post survenance du sinistre, une telle société devenait automatiquement une
structure de défaisance, avec toutes les conséquences qui pouvaient y être attachées en
termes de coûts.
2. UN SINISTRE DONT LE COÛT S’EST REPORTÉ SUR L’ÉTAT VIA DES AIDES
EXORBITANTES DU DROIT COMMUN
2.1. Un prêt accordé par le fonds pour le développement économique et social
(FDES), sans perspective de recouvrement
La spécificité des maisons Phénix reposait notamment sur le caractère préfabriqué de
certains éléments de construction (charpentes, murs etc.). Lors de la liquidation du groupe
Geoxia en juin 2022, l’État s’est donc posé la question du maintien en activité des deux filiales
qui produisaient ces éléments pour pouvoir achever les maisons dont la construction avait
débuté selon cette méthode. Consultés, les assureurs ont refusé de financer les besoins en
fonds de roulement de ces deux filiales.
La direction générale du Trésor a alors proposé au ministre de prendre une mesure
conservatoire en accordant des prêts du fonds pour le développement économique et social
(FDES) pour un montant de 7,2 M
€
afin d’assurer la continuité d’exploitation des deux filiales
pendant six mois. Intervenant dans des délais très courts (saisine du ministre quatre jours
avant l’audience du tribunal de commerce devant statuer sur la liquidation), la direction
générale du Trésor assumait que le prêt ne serait probablement jamais recouvré, ce qui allait
à l’encontre des règles d’emploi du FDES. Averti de cette difficulté, le ministre a autorisé cette
opération et donné instruction au contrôleur budgétaire et comptable ministériel de procéder
au versement des fonds. En définitive, seuls 5,1 M
€
ont été mobilisés. La poursuite d’activité
n’a donné lieu qu’à un très faible nombre de commandes, les repreneurs des chantiers ayant
réalisé en août 2022 qu’il était possible de finaliser les chantiers Phénix par d’autres moyens
moins onéreux.
2.2. Une subvention de 68,7 M
€
accordée à Imhotep Assurances dans des
conditions dérogatoires
L’État a versé 68,7 M
€
de subventions à la société Imhotep Assurances afin qu’elle
puisse honorer ses contrats de garantie et achever les chantiers engagés, sur la base d’une
convention
ad hoc
imputée sur le programme 134 du budget de l’État. Ce montage
sui generis
a fait l’objet de décisions du ministre aux différentes étapes de la procédure. Si la direction
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générale du Trésor a bien signalé les incertitudes juridiques du dossier, la direction des affaires
juridiques du ministère aurait également dû être saisie pour exprimer formellement sa position.
Au total, la faillite du groupe Geoxia aura entraîné un coût direct de 69,6 M
€
pour les
finances publiques
2
, essentiellement lié au sauvetage d’une société d’assurances dont le
principe même aurait dû être davantage questionné lors de son agrément. L’État s’est retrouvé
dans cette opération dans la position d’assureur en dernier ressort. Par ailleurs, l’alternative
consistant à centrer l’intervention de l’État sur l’indemnisation du préjudice des particuliers ne
semble pas avoir été réellement explorée.
3.
UNE RÉFLEXION À ENGAGER SUR LA GARANTIE LIVRAISON
Lorsque le groupe Geoxia a été placé en liquidation judiciaire en juin 2022, il est apparu
que les fonds propres de la société Imhotep Assurances étaient insuffisants pour lui permettre
d’assurer la livraison des 1 506 maisons individuelles pour lesquelles une garantie avait été
accordée. Les fonds propres d’Imhotep Assurances s’élevaient à 16,2 M
€
et le sinistre a été
évalué à 48 M
€
courant juillet 2022. Son montant est aujourd’hui estimé à 84,9 M
€
, soit près
de cinq fois l’estimation initiale.
Cet écart important semble principalement s’expliquer par la sous-estimation du coût
de reprise des chantiers à l’occasion de l’évaluation du montant du sinistre maximum possible
(SMP) effectuée par Imhotep Assurances dans le cadre du dossier d’agrément fourni à
l’ACPR. En effet, ce calcul du sinistre maximum possible reposait sur un scénario qui ne tenait
pas compte des contraintes opérationnelles d’une liquidation du groupe Geoxia et, partant,
minorait le risque supporté par la société Imhotep Assurances. Un écart similaire a cependant
été également constaté pour un acteur historique du marché des contrats de construction de
maison individuelle, CGI Bat. Cette difficulté à estimer le sinistre maximum s’agissant des
garanties livraisons est préoccupante, compte tenu du risque qu’elle fait courir sur la
soutenabilité des entreprises d’assurances engagées sur ce marché de taille réduite.
Par ailleurs, si la possibilité qu’un tel sinistre se produise à nouveau apparaît limitée au
regard des acteurs dorénavant présents sur le marché, il n’existe aucun dispositif permettant
d’indemniser les maîtres d’ouvrage en cas de faillite de la société d’assurance ayant fourni les
garanties livraison, à l’instar du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages
(FGAO)
3
. Ce dernier peut en effet prendre en charge les dommages dus par l’assureur
défaillant uniquement dans des situations relevant d’un régime d’assurance obligatoire, en cas
d’accident de la route
4
ou de sinistre relevant de la garantie dommage ouvrage
5
. La garantie
livraison relève également d’un régime obligatoire, mais elle est souscrite par le constructeur,
et non par le maître d’ouvrage et client final. La transposition de la directive sur le
redressement et la résolution des entreprises d'assurance et de réassurance (
Insurance
Recovery & Resolution Directive
, IRRD), actuellement en cours d’adoption au niveau
européen, pourrait constituer une opportunité pour engager une réflexion sur une adaptation
de la législation actuelle tenant compte des enseignements de ce dossier.
Une fois la liquidation définitive d’Imhotep Assurances prononcée, il serait souhaitable
que l’ACPR établisse un bilan de la faillite de Geoxia. Il devra évaluer avec précision les
réponses à apporter à l’ensemble des interrogations que soulève ce sinistre dont le coût s’est
avéré devoir être supporté,
in fine
, quasi-exclusivement par l’État. À l’issue de ces travaux, le
ministère en charge de l’économie et des finances et l’ACPR devraient conjointement étudier
les évolutions nécessaires du calcul du sinistre maximum possible et du cadre actuel de
protection des particuliers.
2
Les 73,8 M
€
versés par l’État (68,7 M
€
à la société Imhotep Assurances et 5,1M
€
de prêt FDES) ont été en partie
compensés par l’impôt sur les sociétés dû par la société Imhotep Assurances (4,2 M
€
).
3
Personne morale de droit privé, instituée par l’article L. 421-1 du code des assurances.
4
Article L 211-1 du code des assurances (responsabilité du fait de la circulation des véhicules terrestres à moteur).
5
Article L242-1 du code des assurances.
Cour des comptes – Référé n°S2025-009
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La Cour formule donc les recommandations suivantes :
1.
Recommandation n° 1
: (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, direction
générale du Trésor) : se doter, en 2025, d’une doctrine sur les captives d’assurance et
de réassurance.
2.
Recommandation n°2
: (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) : après
liquidation d’Imhotep Assurances, dresser le bilan du sinistre de Geoxia pour Imhotep
Assurances, CGI Bat et AXA et réévaluer les modèles utilisés pour l’estimation du
sinistre maximum possible.
Je vous serais obligé de me faire connaître, dans le délai de deux mois prévu à l’article
L. 143-4 du code des juridictions financières, la réponse, sous votre signature, que vous aurez
donnée à la présente communication
6
.
Je vous rappelle qu’en application des dispositions du même code :
deux mois après son envoi, le présent référé sera transmis aux commissions des finances
et, dans leur domaine de compétence, aux autres commissions permanentes de
l’Assemblée nationale et du Sénat. Il sera accompagné de votre réponse si elle est
parvenue à la Cour dans ce délai. À défaut, votre réponse leur sera transmise dès sa
réception par la Cour (article L. 143-4) ;
dans le respect des secrets protégés par la loi, la Cour pourra mettre en ligne sur son site
internet le présent référé, accompagné de votre réponse (article L. 143-1) ;
l’article L. 143-9 prévoit que, en tant que destinataire du présent référé, vous fournissiez
à la Cour un compte rendu des suites données à ses observations, en vue de leur
présentation dans son rapport public annuel. Ce compte rendu doit être adressé à la Cour
selon les modalités de la procédure de suivi annuel coordonné convenue entre elle et
votre administration.
Signé le premier président
Pierre Moscovici
6
La Cour vous remercie de lui faire parvenir votre réponse, sous forme dématérialisée, via
Correspondance JF
:
(
https://send-tpro.ccomptes.fr/home/index?c=Cour%20des%20comptes)
à
l’adresse
électronique
suivante :
greffepresidence@ccomptes.fr
(cf. arrêté du 19 juillet 2024 relatif aux caractéristiques techniques de l’application
« Correspondance JF »).