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CHAMBRE DU CONTENTIEUX
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Première section
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Arrêt n° S-2025-0381
Audience publique du 27 février 2025
Prononcé du 24 mars 2025
SAINT-LOUIS AGGLOMÉRATION (SLA)
Affaire n° 39
République française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789, en particulier
ses articles 8 et 15 ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales
du 4 novembre 1950, et ses protocoles additionnels, dite Convention européenne des droits
de l’homme (CEDH) ;
Vu la charte européenne de l’autonomie locale du 15 octobre 1985 ;
Vu le code général des collectivités territoriales (CGCT) ;
Vu le code général de la fonction publique ;
Vu le code des juridictions financières (CJF) dans ses versions antérieures et postérieures
à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime
de responsabilité financière des gestionnaires publics ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction
publique de l'État ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction
publique territoriale ;
Vu la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et
à diverses mesures d'ordre statutaire ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant
compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans
la fonction publique de l'État ;
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Vu le décret n° 2022-505 du 23 mars 2022 fixant la liste des pièces justificatives des dépenses
des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics
de santé ;
Vu
le
réquisitoire
du
6
septembre
2023
par
lequel
le
ministère
public
près la Cour des comptes a saisi la chambre du contentieux de la Cour des comptes
de cette affaire, conformément aux articles L. 142-1-2 et L. 142-1-4 du CJF ;
Vu la décision du 14 septembre 2023 par laquelle le président de la chambre du contentieux
de la Cour des comptes a désigné M. Boris KUPERMAN, conseiller président de chambre
régionale des comptes, magistrat chargé de l’instruction de l’affaire ;
Vu
l’ordonnance
de
mise
en
cause
de
M. X
du
12
février
2024,
notifiée à l’intéressé, avec le réquisitoire susvisé, le 15 février 2024 et aussi notifiée au
ministère public le 12 février 2024 ;
Vu
l’ordonnance
de
règlement
du
3
septembre
2024,
notifiée
à
M. X
le 23 septembre 2024 et aussi notifiée au ministère public le 4 septembre 2024 ;
Vu la communication, le 4 septembre 2024, du dossier de la procédure au ministère public
près la Cour des comptes ;
Vu la décision de la procureure générale, du 20 novembre 2024, de renvoi de l’affaire à la
chambre du contentieux, notifiée à M. X le 27 novembre 2024 ;
Vu la convocation de M. X renvoyé à l’audience publique du 27 février 2025
notifiée à l’intéressé le 30 janvier 2025 ;
Vu le mémoire produit le 17 janvier 2025 par M
e
Olivier MAETZ dans l’intérêt
de M. X, communiqué au ministère public le 20 janvier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 27 février 2025, M. Paul PARENT, procureur financier,
en la présentation de la décision de renvoi, et Mme Véronique HAMAYON, procureure
générale, en ses réquisitions ;
Entendu M. X, assisté de M
e
MAETZ, la défense ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré M. Patrick BONNAUD, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
1. Par la décision de renvoi susvisée, la procureure générale près la Cour des comptes renvoie
devant la Cour M. X en tant que président de la communauté d’agglomération
(CA) « Saint-Louis Agglomération » (SLA), pour qu’il soit statué sur sa responsabilité au titre
de l’infraction qu’il aurait commise en réquisitionnant la comptable publique de payer à des
agents de SLA une prime dite de fin d’année ou de 13
ème
mois, alors que cette prime aurait été
insuffisamment justifiée.
Sur la compétence de la Cour des comptes
2. Aux termes de l'article L. 131-2 du CJF : «
Sous réserve des articles L. 131-3 et L. 131-4,
ne sont pas justiciables de la Cour des comptes au titre des infractions mentionnées à la
section 2 du présent chapitre (...) ; 9° Les présidents élus de groupements de collectivités
territoriales (...)
». Toutefois, aux termes de l'article L. 131-4 du même code : «
les personnes
mentionnées aux 2°
à 15°
de l'article L. 131-2 sont justiciables de la Cour des comptes, à
raison des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions :(...) 2°
lorsqu'elles ont engagé
leur responsabilité propre à l'occasion d'un ordre de réquisition, conformément à l'article L.
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233-1 (...) et enfreint les dispositions de l'article L. 131-12
». Nonobstant les modifications
induites par le passage de la référence à l'article L. 313-6 à la référence à l'article L. 131-12
du même code, ces dispositions sont les mêmes que celles qui prévalaient dans leur rédaction
en vigueur jusqu'au 31 décembre 2022 aux articles L. 312-1 et L. 312-2 dudit code.
3. Il résulte de ce qui précède que, susceptible de s'être rendu coupable de l'infraction définie
à l'article L. 313-6 du CJF dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2022, puis
à l'article L. 131-12 du même code dans sa rédaction en vigueur à compter du 1
er
janvier 2023,
en réquisitionnant la comptable publique le 16 novembre 2022, M. X, président
de SLA, est justiciable de la Cour.
Sur la prescription
4. Aux termes de l’article L. 142-1-3 du CJF susvisé, «
La Cour des comptes ne peut être
saisie par le ministère public après l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter
du jour où a été commis le fait susceptible de constituer une infraction au sens de la section 2
du chapitre Ier du titre III du présent livre
. ». Les faits poursuivis sont datés du
16 novembre 2022. Ils ne sont, par conséquent, pas prescrits.
Sur la procédure
5. M. X, informé, avant d’être entendu par le magistrat chargé de l’instruction,
du droit qu’il avait de ne pas répondre à ses questions soutient qu’une semblable information
aurait dû lui être délivrée à propos des questionnaires écrits qui lui ont été adressés ; que
le défaut de cette notification entraînerait la nullité de la procédure.
6. Cependant, ce droit ne saurait être opposé à la Cour des comptes lorsqu’elle fait usage du
droit d’accès à tous documents, données et traitements, de quelque nature que ce soit, relatifs
à la gestion des services et organismes soumis à son contrôle ou nécessaires à l'exercice
de ses attributions, qu’elle tient de l’article L. 141-5 du CJF et sollicite à cette fin, es qualité, le
dirigeant de l’organisme concerné, tenu, aux termes de l’article 15 de la DDHC, de rendre
compte de son administration.
7. De même, l’absence de notification du droit de se taire n’est susceptible de vicier
la procédure que lorsque, eu égard à la teneur des déclarations de la personne mise en cause
et aux autres éléments caractérisant l’infraction, il ressort des pièces du dossier que cette
caractérisation repose de manière déterminante sur les propos tenus alors que l’intéressé
n’avait pas été informé de ce droit.
8. La décision de la Cour, portée par le présent arrêt, se fonde sur des documents publics que
sont les délibérations et les comptes des établissements publics de coopération
intercommunale et collectivités territoriales concernés, ou sur des documents dont
la production
résulte
de
l’obligation
qu’a
tout
agent
public
de
rendre
compte
de son administration. Dès lors, l’absence de mention du droit de ne pas répondre dans
la lettre
de transmission
des questionnaires
écrits
adressés
à
M. X
ne saurait
avoir entaché la procédure de nullité.
Sur une exception d’inconventionnalité
9. M. X
fait
valoir
que
les
articles
L. 131-7
et
L. 141-5
du
CJF
seraient
incompatibles avec les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 8 de la charte européenne
de l’autonomie locale.
10. Il résulte cependant des déclarations jointes à cette charte et reprises au décret n° 2007-
679 du 3 mai 2007 que les établissements publics de coopération intercommunale sont exclus
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de son champ d‘application. Le moyen de M. X est donc inopérant en la présente
affaire.
Sur l’infraction en cause
11. L’article L. 313-6 du CJF, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2022 disposait : «
Toute
personne visée à l'article L. 312-1 qui, dans l'exercice de ses fonctions ou attributions, aura,
en méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou
en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la collectivité ou l'organisme intéressé, ou
aura tenté de procurer un tel avantage sera passible d'une amende dont le minimum ne pourra
être inférieur à 300 euros et dont le maximum pourra atteindre le double du montant du
traitement ou salaire brut annuel qui lui était alloué à la date de l'infraction
». Il est remplacé,
depuis le 1
er
janvier 2023, par l’article L. 131-12 du même code qui dispose : «
Tout justiciable
au sens des articles L. 131-1 et L. 131-4 qui, dans l'exercice de ses fonctions ou attributions,
en méconnaissance de ses obligations et par intérêt personnel direct ou indirect, procure à
une personne morale, à autrui, ou à lui-même, un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature,
est passible des sanctions prévues à la section 3
».
12. L’article L. 131-12 supprime la condition de la constitution d’un préjudice mise par l’article
L. 313-6 à la constatation de l’infraction. Il supprime aussi la sanction de la tentative de la
commission de l’infraction. L’article L. 131-12 ajoute une condition à la constatation de
l’infraction : il faut que cet avantage ait été procuré par intérêt personnel direct ou indirect de
celui qui l’a procuré. L’article L. 131-12 ajoute également l’avantage à soi-même à l’avantage
à autrui, seul mentionné par l’article L. 313-6. La sanction est, dans le nouveau régime,
inférieure à ce qu’elle était dans l’ancien.
13. Les faits relevés par le ministère public étant antérieurs à l’entrée en vigueur des articles
L. 131-6 et L. 131-12, ce qu’ils comportent de plus dur ne leur est donc pas applicable, au
contraire des adoucissements qu’ils apportent. Il y a donc lieu de constater, cumulativement,
la méconnaissance d’une obligation, la constitution d’un préjudice, l’attribution d’un avantage
injustifié, pécuniaire ou en nature, l’intérêt personnel direct ou indirect de celui qui a accordé
l’avantage injustifié.
Sur le droit applicable au paiement de la prime de fin d’année ou de 13
ème
mois
14. L’article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose : «
I.
– Des établissements publics de coopération intercommunale, dont au moins l'un d'entre eux
est à fiscalité propre, peuvent être autorisés à fusionner [...]. L'ensemble des personnels des
établissements publics de coopération intercommunale fusionnés est réputé relever de
l'établissement public issu de la fusion dans les conditions de statut et d'emploi qui sont les
siennes. Les agents conservent, s'ils y ont intérêt, le bénéfice du régime indemnitaire qui leur
était applicable ainsi que, à titre individuel, les avantages acquis en application du troisième
alinéa de l'article 111 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires
relatives à la fonction publique territoriale.
»
15. L’article L. 714-9 du code général de la fonction publique dispose : «
Dans tous les cas
où des agents changent d'employeur en application d'une réorganisation prévue à
la cinquième partie du code général des collectivités territoriales, ils conservent, s'ils y ont
intérêt, le bénéfice du régime indemnitaire qui leur était applicable ainsi que, à titre individuel,
les avantages acquis en application de l'article L. 714-11. Une indemnité de mobilité peut
leur être versée par la collectivité ou l'établissement d'accueil
».
16. Il résulte tant des dispositions de l’article L. 5211-41-3 du CGCT que de celles de l’article
L. 714-9 du code général de la fonction publique qu’en cas de fusion d’établissements publics
de coopération intercommunale, les agents sont réputés relever de l’établissement public de
coopération intercommunale résultant de la fusion dans les conditions de statut et d'emploi qui
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sont les siennes ; qu’ils conservent, s'ils y ont intérêt, le bénéfice du régime indemnitaire qui
leur était applicable ainsi que, à titre individuel, les avantages acquis en application du
troisième alinéa de l'article 111 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions
statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
17. La prime de fin d’année est un de ces avantages acquis en application de l’article 111.
18. Les comptes rendus des séances du conseil de communauté des 20 décembre 2017,
18 décembre
2019,
21
septembre
2022,
produits
par
M. X
à
sa
décharge,
semblent, certes, manifester une volonté du conseil de maintenir la prime de fin d’année
aux agents de l’établissement public de coopération intercommunale. Cependant, aucune
de ces délibérations ne statue expressément sur ce maintien. La première délibération porte
sur la mise en œuvre d’un nouveau régime indemnitaire et précise que la prime de fin d’année
est exclue des évolutions règlementaires mises en œuvre. La deuxième porte sur les
observations définitives de la chambre régionale des comptes et la troisième sur la remise
gracieuse au comptable du débet mis à sa charge pour avoir payé la prime de fin d’année en
2018. Le maintien de cette prime n’est porté que par délibération du 20 septembre 2023, au
demeurant objet d’un déféré préfectoral. Par ailleurs, il n’entre pas dans les compétences du
conseil de communauté d’instaurer ou de restaurer une telle prime.
19. Or, si le personnel employé jusqu’à la fusion par la communauté d’agglomération (CA)
des trois frontières et la communauté de communes (CC) du Pays de Sierentz peut invoquer
une indemnité préexistante et bénéficier ainsi du maintien de la prime de fin d’année, autorisé
par les articles L. 5211-41-3 du CGCT et L. 714-9 du code général de la fonction publique, le
personnel transféré de la CC de la Porte du Sundgau non plus que le personnel recruté par
SLA ne peuvent en bénéficier. En effet, la prime de fin d’année du personnel de la CC de la
Porte du Sundgau a été remplacée par l’indemnité d’exercice de missions des préfectures
(IEMP), ainsi que le mentionne explicitement la délibération du 2 juillet 1998, et le personnel
nouvellement recruté ne peut bénéficier de cette prime maintenue, à titre individuel, pour les
seuls anciens bénéficiaires.
20. Cette différence de situation d’agents employés par un même organisme résulte de la loi
et le principe d’égalité invoqué par le président de SLA ne s'oppose ni à ce que le législateur
règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour
des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement
soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Dans le cas présent, les dispositions
contestées, qui permettent à l'autorité délibérante d'un établissement public de coopération
intercommunale de maintenir, à titre individuel, des compléments de rémunération acquis par
des agents des établissements publics de coopération intercommunale fusionnés, ont pour
objectif de faciliter le transfert des personnels de ces établissements publics de coopération
intercommunale lors des transferts de compétences aux nouveaux établissements publics
de coopération intercommunale. Ces personnels ne sont pas, au regard de l'objet de ce texte,
dans la même situation que les agents recrutés directement, en tant que de besoin, par
les établissements publics de coopération intercommunale. De même, en ce qui concerne
les agents de la CC de la Porte du Sundgau, la prime de fin d’année a été intégrée dans
leur régime indemnitaire en 1998, ce qui n’a pas été le cas pour les deux autres établissements
publics de coopération intercommunale fusionnés.
21. En conséquence, les paiements de prime de fin d’année effectués au bénéfice des anciens
agents de la CC de la Porte du Sundgau et des agents nouvellement recrutés par SLA sont
dépourvus de fondement juridique.
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Sur le manquement de M. X à ses obligations
22. Aux termes de l’article L. 5211-9 du CGCT, le président est l’organe exécutif de
l’établissement public de coopération intercommunale. Il est l’ordonnateur des dépenses. Il est
seul chargé de l’administration.
23. Le titre I (article 7 à 62) du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion
budgétaire et comptable publique est applicable aux collectivités territoriales aux termes
de l’article 1
er
dudit décret. L’article 11 de ce décret dispose que «
Les ordonnateurs constatent
les droits et les obligations, liquident les recettes et émettent les ordres de recouvrer. Ils
engagent, liquident et ordonnancent les dépenses. Le cas échéant, ils assurent la
programmation, la répartition et la mise à disposition des crédits. Ils transmettent au comptable
public compétent les ordres de recouvrer et de payer assortis des pièces justificatives
requises, ainsi que les certifications qu'ils délivrent. Ils établissent les documents nécessaires
à la tenue, par les comptables publics, des comptabilités dont la charge incombe à ces
derniers
».
24. Aux termes des articles 19 et 20 du même décret, le comptable public est tenu d'exercer
le contrôle … 2° S'agissant des ordres de payer …d) De la validité de la dette qui porte sur …
3° La production des pièces justificatives.
25. Il incombait donc au président de produire les pièces justificatives de la dépense à l’appui
de l’ordre de payer.
26. Au moment des paiements la liste des pièces justificatives de la dépense était fixée par le
décret n° 2022-505 du 23 mars 2022, et codifiée à l’annexe I du CGCT. La rubrique 210223.
Primes et indemnités dispose que les primes et indemnités versées doivent être justifiées par :
«
/1. La décision de l'assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d'attribution et le
taux moyen des indemnités./ 2. Décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination
fixant
le taux applicable à chaque agent.
»
27. En ordonnant au comptable de payer sans disposer des pièces justificatives nécessaires,
le président a méconnu ses obligations d’ordonnateur.
Sur l’obligation de l’ordonnateur d’exécuter les délibérations du conseil et l’exonération
de l’article L. 131-6
28. L'article L. 5211-9 du CGCT dispose que le président exécute les délibérations de l’organe
délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale. D'une manière générale,
l'exécution des délibérations est une obligation pour le chef de l’exécutif, ici le président de
SLA. Toutefois, cette obligation ne vaut pas lorsque la délibération est illégale. En effet, en
faisant application d'une délibération illégale, le président commet une illégalité. Au surplus,
ainsi
qu’il
a
déjà
été
dit,
aucune
des
délibérations
produites
par
M. X
ne
matérialise une décision explicite du conseil de communauté d’attribuer la prime de fin d’année
à l’ensemble du personnel de SLA.
29. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient M. X, il ne peut bénéficier au
titre de ces délibérations, de l’exonération prévue par l’articles L. 131-6 du CJF. En effet, les
délibérations de l’espèce ne remplissent pas les conditions fixées par cet article L. 131-6 en
ce qu’elles n’autorisent pas explicitement le président à payer une prime irrégulière ni à
réquisitionner la comptable.
Sur une faute du comptable
30. Contrairement à ce que soutient, sans le préciser, M. X, il n’apparaît pas que
la comptable se soit trouvée dans un des cas où elle aurait dû refuser de déférer à la
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réquisition, tels que définis par l’article L. 1617-3 du CGCT. De même, les mandats de la paye
ne lui permettaient pas de suspendre le seul paiement des primes litigieuses. Il appartenait
bien plutôt à l’ordonnateur de substituer de nouveaux mandats aux mandats rejetés, qui
n’auraient plus porté le paiement desdites primes. Enfin, il ne saurait être fait grief à la
comptable de n’avoir pas appelé l’attention de l’ordonnateur sur les conséquences de la
réquisition. A supposer ce point avéré, un élu local expérimenté est réputé connaître ces
dispositions légales et depuis longtemps en vigueur.
Sur la constitution d’un préjudice
31. Le versement d’une prime irrégulière constitue en soi un préjudice pour l’établissement qui
la verse, dès lors qu’elle ne correspond pas à la contrepartie d’un surcroît de travail ou d’une
sujétion particulière. Dans le cas présent, la prime de fin d’année versée à des agents qui ne
pouvaient y prétendre en droit, eu égard à son caractère systématique, n’est justifiée ni par un
surcroît de travail ni par une sujétion particulière. Elle constitue donc un préjudice pour SLA.
Sur l’attribution d’un avantage injustifié
32. L’attribution d’une prime de fin d’année qui ne correspond ni aux conditions légales
et règlementaires ni à un surcroît de travail ou à une sujétion particulière constitue un avantage
injustifié accordé aux agents de SLA qui ne pouvaient légalement ou règlementairement y
prétendre.
Sur l’intérêt personnel direct ou indirect de M. X
33. Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués par la procureure générale,
l’ordonnateur, comme dirigeant de l’organisme, a un intérêt personnel indirect à accorder une
prime qui peut être considérée comme un avantage acquis par ses agents, et à ne pas la
retirer à tout ou partie de son personnel afin d’éviter des tensions dans l’organisme.
En conclusion sur la constitution de l’infraction
34. Il résulte de ce qui précède que sont réunis les éléments constitutifs de l’infraction prévue
et réprimée par l’article L. 131-12 du CJF et que la responsabilité en incombe à
M. X.
Sur les circonstances aggravantes et atténuantes de responsabilité
35. Contrairement à ce qu’il soutient, M. X, élu d’expérience ne pouvait ignorer
l’irrégularité des paiements des primes en cause. En effet, il avait présidé le
21 septembre 2022 la séance du conseil communautaire donnant un avis favorable à la remise
gracieuse du débet mis à la charge du comptable par la chambre régionale des comptes pour
des paiements identiques effectués en 2018. De même, selon le témoignage de la comptable,
mentionné à l’ordonnance de règlement, à la décision de renvoi, rappelé par la procureure
générale en ses réquisitions, et non contesté dans ses écrits ni à l’audience, il a participé, le
8 septembre 2022 à une réunion, entre ses services et ceux des finances publiques, consacrée
à cette question.
36. Ces circonstances établissent suffisamment que c’est en toute conscience de son
irrégularité
que
M. X
a
procédé
au
mandatement
de
la
prime
en
cause.
A
supposer même qu’il aurait établi qu’un nouveau mandatement eût été impossible, ces
circonstances excluent, qu’il puisse invoquer à sa décharge la nécessité dans laquelle il était
de procéder au paiement des traitements des agents.
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37. M. X ne saurait, non plus, valablement invoquer à sa décharge l’absence de
mise en cause non plus que le silence du comptable pour les paiements de 2019 à 2021. En
effet, ce n’est que par la notification du jugement du 17 juin 2022 que le comptable a été
constitué débiteur des paiements litigieux et un échange sur les paiements de la prime 2022
a eu lieu entre ses services et celui des ressources humaines de SLA les 7 et 11 juillet 2022.
Ensuite, il n’apparaît pas que la chambre régionale des comptes ait procédé au contrôle de
ces exercices. Enfin, la Cour des comptes est tenue par les réquisitions de son ministère
public.
38. Par ailleurs, la mise en place du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des
sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) aurait pu permettre de
résoudre la question de cette prime.
39. En revanche, l’ancienneté de la pratique, la volonté de l’assemblée délibérante et la
difficulté qu’il y a de laisser persister au sein d’un même organisme des régimes indemnitaires
différents viennent atténuer la responsabilité de l’ordonnateur.
Sur l’amende
40. Il sera fait une juste appréciation de la gravité des faits, de leur caractère isolé,
et
des
circonstances
de
l’espèce,
en
infligeant
à
M. X
une amende de 3 000 €.
Sur la publication de l’arrêt
41. Il y a lieu, en l’espèce, de publier l’arrêt au
Journal officiel
de la République française.
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
. – M. X
est
condamné
à
une
amende
de trois mille euros (3 000 €).
Article 2. – Le présent arrêt sera publié au
Journal officiel
de la République française.
Fait et jugé par M. Jean-Yves BERTUCCI, président de chambre, président de la formation ;
MM. Benoît
GUÉRIN,
Patrick BONNAUD,
Claude LION,
conseillers
maîtres,
M. Frédéric GUTHMANN, conseiller président de chambre régionale des comptes.
En présence de Mme Cécile ROGER, greffière de séance.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice,
sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Arrêt n° S-2025-0381
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13 rue Cambon - 75100 PARIS CEDEX 01 - T +33 1 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Cécile ROGER
Jean-Yves BERTUCCI
En application des articles R. 142-4-1 à R. 142-4-5 du code des juridictions financières,
les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent être frappés d’appel devant
la Cour d’appel financière dans le délai de deux mois à compter de la notification. Ce délai
est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un arrêt
peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues
aux articles R. 142-4-6 et R. 142-4-7 du même code.