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COMMUNIQUÉ DE PRESSE
24 février 2025
Rapport public thématique
L’INNOVATION EN MATIÈRE AGRICOLE
Pour la période 2018-2023, la Cour estime qu’environ 6,7 Md
ont été engagés par l’État
pour soutenir l’innovation en agriculture, soit plus de 1 Md
par an. Ce soutien a pour but
le déploiement dans les exploitations de solutions innovantes, dont celles issues de
l’Agritech (numérique, robotique, génomique) française. La politique publique vise une
accélération de la transition agroécologique, afin d’augmenter la double performance
économique et environnementale des systèmes de production agro-alimentaires français.
L’innovation a toujours été un moteur du développement agricole et rural. Elle est
aujourd’hui considérée comme une priorité pour réussir la « troisième révolution agricole »
et orienter l’agriculture vers des systèmes plus compétitifs, plus résilients aux impacts du
changement climatique et plus respectueux de la biodiversité et des ressources naturelles.
L’évaluation a porté sur les trois segments du processus d’innovation qui se situent en aval
de la recherche - développement : l’appropriation par les exploitants, la diffusion, et la
valorisation des innovations du domaine de l’Agritech.
Les agriculteurs innovent, mais le déploiement des innovations nécessaires à la transition
agroécologique est insuffisant
Pour mesurer l’appropriation des innovations par les agriculteurs, la Cour s’est appuyée sur un
sondage réalisé auprès d’un échantillon statistiquement représentatif de 1 005 chefs
d’exploitation. Les résultats montrent que l’écrasante majorité des agriculteurs (86 %) intègre
régulièrement des innovations. Toutefois, parmi les innovations indiquées dans le sondage,
aucune n’est adoptée de façon massive par l’ensemble des agriculteurs. Les méthodes de
substitution aux produits phytosanitaires sont les plus adoptées, mais ne dépassent pas 50 %
des répondants. Contrairement aux idées reçues, il n’existe pas de profil type d’agriculteur
innovant. Le seul facteur commun est le nombre de conseils dont ils ont bénéficié. Pour 71 %
des sondés, les principaux freins au changement sont financiers. Les risques inhérents à
l’innovation pèsent très largement sur l’exploitant, contrairement à d’autres secteurs
économiques où ils sont mieux partagés. Le retour sur investissement est long et incertain.
Comme il n’existe pas suffisamment de références sur les impacts des nouveaux produits ou
des nouveaux procédés, l’agriculteur doit s’appuyer sur son expérience et ses connaissances
ou celles des pairs pour évaluer les risques. C’est pourquoi, plus une innovation s’écarte des
standards, moins elle a de chance d’être adoptée. Les freins à l'innovation se situent
principalement au niveau des filières, où les stratégies économiques limitent l'adoption de
modèles alternatifs. Les agriculteurs réclament davantage d’aides financières directes, mais les
soutiens actuels sont mal ciblés et peu cohérents. Les agriculteurs peinent à accéder aux outils
de la politique publique d'innovation, comme les crédits d'impôts ou le statut de « jeune
entreprise innovante ».
La politique publique de soutien à la diffusion des innovations répond partiellement aux
besoins en matière de conseil et de formation continue
Si les nouveaux agriculteurs sont mieux formés que la génération précédente, la part croissante
d’agriculteurs non issus du milieu agricole accroît l’hétérogénéité des besoins. De plus, la
formation continue des agriculteurs est moindre que celle du reste de la population active.
La multitude des canaux d’information des agriculteurs améliore le potentiel de diffusion des
innovations. Ces derniers peinent cependant à trouver des sources fiables sur les avancées les
plus récentes. Le sondage réalisé par la Cour met en lumière le rôle positif des collectifs
agricoles dans le partage d’informations. Si la quasi-totalité des agriculteurs participe au moins
à un collectif, moins de 10% adhèrent à un collectif labellisé agroécologique. Les taux de
satisfaction des répondants au sondage vis-à-vis du conseil sont élevés (proches de 90 %).
Ils doivent toutefois être comparés au taux élevé de non-recours. Ainsi, seuls 44 % des
répondants au sondage ont fait appel aux conseils apportés par les chambres d’agriculture.
Bien que les acteurs du conseil jouent un rôle essentiel dans le processus de diffusion de
l’innovation, la politique publique n’incite pas assez les agriculteurs à y avoir recours, en
particulier s’agissant du conseil stratégique global, c’est à dire couvrant toutes les dimensions
de l’exploitation agricole. Hors formation, la diffusion des innovations fait l’objet du Programme
national de développement agricole et rural (PNDAR) dont l’objectif est d’accélérer cette
diffusion. Il n’existe cependant pas de feuille de route spécifique pour organiser et renforcer
l’accès au conseil ou aux dispositifs expérimentaux.
La politique publique d’innovation maintient le positionnement de l’Agritech française
dans la compétition internationale
L’Agritech regroupe des acteurs innovants à l'interface de l'agriculture et de la technologie.
Elle développe des solutions innovantes pour améliorer la multi-performance des exploitations.
Nombre
de
ses
acteurs
sont
des
entreprises
qui
commercialisent
des
solutions
d’agrofourniture. D’importants financements ont été consentis par l’État pour aider l’Agritech
française à rester une filière d’excellence (2,4 Md
) et ils sont en forte augmentation sur la
période 2021-2023. Grâce à ces soutiens, et malgré une compétition internationale accrue,
l’Agritech française parvient à tenir son rang. Les solutions développées sont en phase avec les
objectifs de la politique d’innovation agricole. Le système d’innovation de l’Agritech, désormais
composé de plus d’une centaine d’acteurs de toute taille, est bien identifié par les pouvoirs
publics. Des consortiums de référence associent des acteurs publics et privés, des entreprises
innovantes et des acteurs du secteur agricole.. L’Agritech française résiste au niveau
international, mais en dépit des efforts consentis, trop peu de nouvelles grandes entreprises
émergent. Des freins structurels à la valorisation économique des innovations subsistent,
notamment des cloisonnements persistants entre les acteurs historiques et les nouveaux
acteurs du système agricole. L’accès des entreprises innovantes à l’expérimentation est
également insuffisant. Enfin, des difficultés d’accès à leurs marchés cibles fragilisent les
entreprises avec des délais dans le traitement des dossiers d’autorisation de mise sur le marché
qui restent trop élevés.
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CONTACT PRESSE
Julie Poissier
Directrice de la communication
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julie.poissier@ccomptes.fr