Sort by *
ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
L’ÉDUCATION
ARTISTIQUE
ET CULTURELLE
AU BÉNÉFICE
DES ÉLÈVES
DE L’ENSEIGNEMENT
SCOLAIRE
Rapport public thématique
Évaluation de politique publique
Synthèse
Février 2025
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent en annexe du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Dans quelle mesure les élèves de l’enseignement
scolaire ont-ils accès à l’éducation artistique
et culturelle ?
11
2
Dans quelle mesure les élèves peuvent-ils bénéficier
d’un parcours d’éducation artistique et culturelle
continu, organisé et diversifié ?
17
3
Dans quelle mesure la gouvernance de cette politique
permet-elle de garantir l’effectivité et la qualité
des dispositifs ?
19
Conclusion et recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
Tout au long de leur scolarité, les élèves doivent bénéficier d’un parcours
d’éducation artistique et culturelle qui
« associe la fréquentation des œuvres, la
rencontre avec les artistes, la pratique artistique et l’acquisition de connaissances »
Conçue comme une éducation à l’art et par l’art, l’éducation artistique et
culturelle
« contribue à la formation et à l’émancipation de la personne et du
citoyen, à travers le développement de sa sensibilité, de sa créativité et de son
esprit critique
1
 »
La politique d’éducation artistique et culturelle s’est progressivement
structurée depuis les années 1970, a trouvé son fondement législatif dans la
loi de refondation de l’école de 2013, et a vu son importance réaffirmée depuis
2017, faisant l’objet d’un suivi spécifique au titre de « politique prioritaire du
gouvernement » . L’enjeu majeur de cette politique est la réduction des inégalités
culturelles : le cadre scolaire doit permettre d’offrir à tous cette ouverture
aux arts et à la culture, notamment à des élèves dont le milieu social ou
l’environnement territorial ne favorisent pas les pratiques culturelles .
Le parcours d’éducation artistique et culturelle repose sur un socle
d’enseignements artistiques, obligatoires à l’école et au collège, mais surtout
effectifs au collège où ils sont dispensés par les professeurs d’arts plastiques et
d’éducation musicale et prolongés par des partenariats avec des acteurs culturels,
soutenus par les politiques déployées dans ce domaine par les trois niveaux de
collectivités : régions, départements et communes et intercommunalités . Au
lycée, tous les élèves doivent continuer de bénéficier de l’éducation artistique
et culturelle et peuvent choisir en supplément des enseignements artistiques
comme spécialité ou en option .
Le déploiement de l’éducation artistique et culturelle est complexe, reposant sur
une multiplicité d’acteurs, dont le sociogramme ci-dessous tente de donner une
illustration, pour les besoins de l’évaluation de cette politique .
1 . Charte de l’éducation artistique et culturelle, Haut conseil de l’éducation artistique et
culturelle, 2016 .
6
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
Sociogramme de la politique d’éducation artistique et culturelle
Source : Cour des comptes
Parmi les nombreux acteurs de cette politique, on relève des conceptions
différentes du périmètre de l’éducation artistique et culturelle, et ce, au premier
chef, entre les deux principaux intervenants : les ministères de l’éducation et de
la culture . Pour le ministère de l’éducation nationale, même s’il est aujourd’hui
chargé de la jeunesse, c’est tout naturellement l’élève qui est la cible de cette
politique, durant son parcours scolaire . Le ministère de la culture, pour sa part,
s’intéresse aussi à la petite enfance, à la jeunesse (sans que son terme soit très
clair, mais elle s’étendrait aujourd’hui jusqu’à 30 ans), et considère que l’éducation
artistique et culturelle se fait aussi tout au long de la vie .
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
Le champ de l’éducation artistique et culturelle s’est considérablement étendu :
initialement centré sur les arts et lettres, il fait une place croissante à la culture
scientifique et technologique, au numérique et aux médias
2
Le périmètre des
actions et domaines pouvant relever de l’éducation artistique et culturelle est
extrêmement vaste, ce qui emporte un risque de dilution, voire de passer à côté
de la cible : dans cette conception très extensive, un élève peut être réputé avoir
bénéficié d’une action d’éducation artistique et culturelle, sans avoir eu en fait
aucun accès à un domaine artistique .
En revanche, curieusement, si, selon le code de l’éducation, l’éducation artistique
et culturelle est principalement fondée sur les enseignements artistiques, on ne
prend en compte, au titre de cette éducation, aucune part des enseignements
de lettres, ni d’histoire
3
 ; ils n’apparaissent ni dans le recensement des moyens
budgétaires consacrés à cette politique, ni dans la statistique administrative de
l’éducation artistique et culturelle, principalement axée sur les projets mobilisant
des partenariats . Cette vision de l’éducation artistique et culturelle témoigne
d’une conception des enseignements qui sépare de manière artificielle acquisition
des connaissances et ouverture culturelle . Néanmoins, pour les besoins de cette
évaluation de politique publique, on s’en tiendra, dans ce rapport, au périmètre
retenu par l’administration .
L’éducation artistique et culturelle répond à des objectifs multiples . Le principal,
fixé par la loi, est l’égalité d’accès à la culture ; s’il paraît, au premier examen,
largement utopique, même dans le cadre scolaire, l’évaluation de la politique aura
pour tâche principale d’en apprécier le degré de réalisation . Au-delà des objectifs
explicites, cette politique répond aussi à des objectifs sous-jacents .
Pour le monde de la culture, si l’éducation artistique et culturelle fait figure
de dispositif privilégié de démocratisation culturelle, elle sert aussi à s’assurer
de nouveaux publics, acclimatés dès leur jeune âge aux pratiques et à la
consommation culturelle . Du reste, les moyens consacrés par le ministère de la
culture à cette politique soutiennent principalement les différents opérateurs
économiques du secteur .
Dans le domaine de l’éducation, on attend notamment de l’éducation artistique
et culturelle qu’elle contribue à remédier aux difficultés de l’école, qui peine à
2 . Un article relève : « la dénomination culturelle ajoute au brouillage en faisant entrer dans le
champ des possibles de l’EAC toutes les formes anthropologiques des cultures humaines, tension
dont le périmètre administratif du ministère du même nom est l’illustration (avec l’inclusion
progressive de la mode, des arts culinaires, etc .) » .
L’éducation artistique et culturelle (EAC) : d’un
sigle administratif et politique à une ambition de recherche, Anne Jonchery et Sylvie Octobre, in
L’éducation artistique et culturelle, Une utopie à l’épreuve des sciences sociales,
Ministère de la
culture/ Presses de Sciences Po, 2022 .
3 . Bien que l’histoire des arts, un moment enseignée en tant que telle, s’insère dans les
programmes d’histoire .
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
digérer la massification et à faire réussir nombre d’élèves, difficultés attestées
par les enquêtes internationales comme le programme international pour le
suivi des acquis des élèves (PISA) . L’éducation artistique et culturelle se présente
comme une opportunité de soustraire au moins partiellement les élèves au
formatage scolaire, parce qu’elle est propice à des pratiques pédagogiques
moins descendantes, davantage centrées sur l’émergence de compétences des
élèves ; elle est vue comme un outil d’innovation pédagogique . On lui attribue
une fonction d’émancipation de l’élève, y compris au regard de la forme scolaire .
L’intervention, dans ou hors la classe, d’artistes ou de professionnels de la
culture est en effet souvent pour les élèves l’occasion d’aborder différemment
les apprentissages . On prête enfin à l’éducation artistique et culturelle une
capacité de remédiation, de réconciliation avec l’école pour les élèves en difficulté,
notamment parce qu’elle s’appuie sur une pédagogie de projet .
Compte tenu de la sédimentation des textes réglementaires qui déclinent les
objectifs de cette politique, cette évaluation a pris pour cadre la charte pour
l’éducation artistique et culturelle élaborée en 2016 par le Haut Conseil de
l’éducation artistique et culturelle, document consensuel pour tous les acteurs .
Elle en a déduit l’architecture des objectifs retracée dans le schéma ci-dessous :
Arbre des objectifs de la politique d’éducation artistique et culturelle
Source : Cour des comptes
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
À partir de ces éléments de définition et de cadrage, la Cour a choisi d’articuler
son enquête autour des trois questions évaluatives suivantes :
• Dans quelle mesure les élèves de l’enseignement scolaire ont-ils accès à
l’éducation artistique et culturelle ?
• Dans quelle mesure les élèves peuvent-ils bénéficier d’un parcours d’éducation
artistique et culturelle continu, organisé et diversifié ?
• Dans quelle mesure la gouvernance de la politique d’éducation artistique et
culturelle permet-elle de garantir l’effectivité et la qualité des dispositifs ?
Introduction
10
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Dans quelle mesure les élèves
de l’enseignement scolaire
ont-ils accès à l’éducation
artistique et culturelle ?
Une politique bénéficiant
de nouveaux outils et soutenue
par des moyens importants
La politique prioritaire du gouverne-
ment a eu le mérite de donner un
signal et de relancer les efforts de
déploiement de l’éducation artistique et
culturelle à l’école . L’impulsion politique
s’est accompagnée de la mise en place
au sein de l’éducation nationale de
deux outils essentiels : l’application
Adage
4
,
qui fournit aux enseignants
toute l’offre culturelle géolocalisée,
et la création par un décret de 2021
d’une part collective du pass Culture,
qui permet de financer les projets
d’éducation artistique et culturelle au
collège et au lycée, en ouvrant à chaque
établissement un droit de tirage pour
l’achat de prestations culturelles sur
l’application
Adage
(crédit de 25 € par
collégien, 30 € par élève de seconde
ou préparant le certificat d’aptitude
professionnelle, 20 € par lycéen) .
L’effort public consacré à l’éducation
artistique et culturelle s’est élevé en
2023 à 3,5 Md€, dont 3 Md€ de finan-
cements de l’État et environ 600 M€
des collectivités territoriales . L’essen-
tiel est porté par l’éducation nationale,
qui dépense annuellement plus de
2,6 Md€
5
pour la rémunération des
enseignements artistiques, et finance
la part collective du pass Culture ;
celle-ci connaît une montée en charge
rapide depuis sa création (0,29 M€
en 2021, 14,09 M€ en 2022, 51 M€
en 2023
6
) . Les dépenses du ministère
de la culture poursuivent également
une évolution dynamique . Ainsi, la
consommation des crédits consacrés
à l’éducation artistique et culturelle au
sein du programme 361 « transmission
des savoirs et démocratisation de la
culture
7
 » s’établit à 124 M€ en 2023,
en hausse de 10 % par rapport à 2021 .
L’éducation et la culture étant des
domaines de compétences partagées
avec les collectivités territoriales,
cette politique repose aussi largement
sur l’action de celles-ci, notamment
des communes, responsables du
périscolaire et porteuses d’une offre
importante d’activités extrascolaires
en matière artistique et culturelle .
4 . Déployée dans toutes les académies depuis janvier 2020 .
5 . Montant évalué par la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) et la direction
des affaires financières (Daf) du ministère de l’éducation nationale, en fonction d’un coût moyen
chargé d’un enseignant à temps plein .
6 . 62 M€ en loi de finances initiale pour 2024 et 97 M€ en réalisé à la fin 2024 ; déjà 50 M€
engagés à la fin janvier 2025 sur 72 M€ budgétés en loi de finances initiale 2025 .
7 . Hors les crédits concernant la part individuelle du pass Culture .
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’enquête de la Cour a permis
d’estimer l’ordre de grandeur de
l’effort des collectivités, compris entre
520 et 650 M€ en 2023 .
Estimation des dépenses d’éducation artistique et culturelle en 2023 par financeur
(en millions d’euros)
0
500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
État
Bloc
communal
Départements
Régions
2 961
458
90
38
Source : calcul Cour des Comptes d’après réponses des ministères, collectivités et
rapports annuels de performances du programme 361
L’affichage de résultats
en progression, des statistiques
néanmoins fragiles
La plupart des acteurs ont estimé en
réponse à l’enquête que l’application
Adage
et le financement des projets
par la part collective du pass
Culture contribuent efficacement
au développement de l’éducation
artistique et culturelle, même si tous
inventorient des freins de divers ordres
à sa généralisation . L’application
Adage
, qui est aussi un outil statistique,
fait apparaître un taux d’accès à
l’éducation artistique et culturelle
en progression : 57 % des élèves ont
bénéficié d’au moins une action à ce
titre en 2023-2024 contre seulement
42 % en 2022-2023 .
Dans quelle mesure les élèves
de l’enseignement scolaire ont-ils accès
à l’éducation artistique et culturelle ?
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Dans quelle mesure les élèves
de l’enseignement scolaire ont-ils accès
à l’éducation artistique et culturelle ?
Proportion d’élèves ayant bénéficié d’au moins une action d’éducation artistique
et culturelle en 2023-2024 (en %)
72 %
0 %
10 %
20 %
30 %
40 %
50 %
60 %
70 %
80 %
Ensemble
des actions
(écoles, collèges, lycées)
Actions financées
par la part collective
du pass culture
(collèges et lycées)
57 %
Source : Cour ces comptes d’après données Adage (date d’observation 22/07/2024)
Périmètre : tous ministères confondus.
L’éducation artistique et culturelle
étant par nature un domaine complexe,
la statistique peine à trouver une
méthodologie pertinente . Malgré les
catégories différentes recensées dans
l’application
Adage,
une sortie scolaire
au spectacle ou au musée compte
autant dans le dénombrement des
élèves bénéficiaires qu’un atelier de
pratique artistique mené avec des
professionnels pendant des semaines
ou sur toute l’année scolaire . Le
décompte des « élèves touchés par
au moins une action d’éducation
artistique et culturelle pendant l’année
scolaire » ne renseigne aucunement
sur la consistance et la portée de ce
dont ils ont bénéficié . Or, c’est sur ces
statistiques globales que s’appuie le
suivi au titre de la politique prioritaire
du Gouvernement, qui pousse les
administrations à afficher des chiffres
ainsi maximisés, mais recouvrant des
réalités très diverses et des actions
de qualité inégale . L’outil statistique
de l’application
Adage,
sans être à
l’heure actuelle tout à fait pertinent
et complet, fournit néanmoins des
indications sur la ventilation des
actions, sur les établissements engagés
et les élèves bénéficiaires, éléments
sur lesquels la Cour s’est pour partie
appuyée dans l’évaluation de cette
politique . Elle s’est aussi fondée sur
l’ensemble des réponses à son enquête,
et sur ses observations de terrain .
14
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des inégalités sociales
et territoriales dans l’accès
à l’éducation artistique
et culturelle qui restent fortes
L’éducation artistique et culturelle
est une politique de longue date
territorialisée ; le déploiement par
l’éducation nationale de dispositifs
nationaux et donc relativement
homogènes
8
ne suffit pas à couvrir
tout le territoire . L’offre culturelle est
très inégale, nettement plus limitée
en milieu rural voire péri-urbain .
Elle dépend aussi du volontarisme
et des moyens des collectivités
territoriales dont les interventions,
particulièrement utiles pour éviter des
« zones blanches » où les élèves n’ont
guère accès à l’éducation artistique et
culturelle, peuvent ne pas compenser
d’éventuelles inégalités .
Pour optimiser le déploiement
territorial de cette politique, il est
essentiel que sa gouvernance assure
une collaboration efficace entre l’État
et les collectivités des trois niveaux .
Celle-ci s’appuie sur divers contrats
territoriaux que l’enquête a permis de
recenser . Le constat d’une mosaïque
d’interventions, pas toujours lisible
pour les établissements scolaires
tant les acteurs sont nombreux,
conduit à préconiser la recherche
d’une meilleure articulation entre
leurs dispositifs et financements
respectifs, qu’il s’agisse d’en assurer la
complémentarité ou de les fusionner
dans des dispositifs communs
cofinancés .
Parmi les freins au déploiement de
l’éducation artistique et culturelle,
la question du transport des élèves,
dont le coût est croissant, est identifiée
par la plupart des acteurs comme un
obstacle important . Il reste à régler,
dans le cadre d’un dialogue à relancer
avec les collectivités .
Alors que l’objectif stratégique vise la
réduction des inégalités culturelles, les
élèves les moins favorisés bénéficient
moins de l’éducation artistique et
culturelle que ceux qui sont issus
de milieux plus aisés . En 2023-
2024, le taux d’accès des collégiens
(bénéficiaires d’au moins une action
dans l’année scolaire) s’est établi à
84 % selon les données d’
Adage
 ;
mais à l’entrée au lycée, on observe
un décrochage de 15 points entre
les voies générale et technologique
(79 %), et la voie professionnelle
(64 %), où se concentrent les élèves
défavorisés (55 % des élèves y sont
défavorisés contre 29 % en voie
générale et technologique) .
Dans quelle mesure les élèves
de l’enseignement scolaire ont-ils accès
à l’éducation artistique et culturelle ?
8 . Sous réserve de dispositions d’appui à des territoires et situations particuliers (éducation
prioritaire, quartiers prioritaires de la politique de la ville, cités éducatives, territoires éducatifs
ruraux, projets « notre école faisons la ensemble », soutenus par le fonds d’innovation
pédagogique dans le cadre du conseil national de la refondation) .
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Dans quelle mesure les élèves
de l’enseignement scolaire ont-ils accès
à l’éducation artistique et culturelle ?
Proportion d’élèves ayant bénéficié d’au moins une action éducation artistique
et culturelle en 2023-2024 selon le niveau et la voie d’enseignement
39 %
84 %
79 %
64 %
0 %
10 %
20 %
30 %
40 %
50 %
60 %
70 %
80 %
90 %
Premier degré
Lycée Voie Pro
Lycée Voie GT
Collège
Source : Cour des comptes d’après données d’Adage
Date d’observation : 22/07/2024.
Périmètre : tous ministères confondus.
L’objectif est donc encore loin d’être
atteint, tant du point de vue de la
généralisation que de la réduction des
inégalités culturelles .
16
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Une difficulté à atteindre
la généralisation qui tient
à une structuration
et à une gouvernance
insuffisantes de cette politique
dans le cadre scolaire
La difficulté d’atteindre tous les
élèves tient moins à un manque de
moyens qu’à l’organisation générale
insuffisante de l’éducation artistique et
culturelle . On constate d’ailleurs que, à
la fin de l’année scolaire 2023-2024, les
collèges et les lycées (tous ministères
confondus) n’ont mobilisé que 64 % de
l’enveloppe qui leur était ouverte sur la
part collective du pass Culture .
Dans le cadre scolaire, tous les élèves
doivent bénéficier d’un parcours
d’éducation artistique et culturelle
tout au long de leur scolarité, de
la maternelle au baccalauréat ;
mais au sein des écoles, collèges et
lycées, il n’existe pas d’organisation
systématique qui garantisse que toutes
les classes participent à des projets
d’éducation artistique et culturelle .
Il est courant que, pour un même
niveau au sein d’un établissement
(par exemple les sixièmes), certaines
classes soient concernées et d’autres
n’y aient pas accès .
La plupart des établissements sont
maintenant dotés d’un référent culture,
mais la participation à des projets
d’éducation artistique et culturelle
reste à la discrétion des professeurs de
toutes disciplines . Comme ils sont dans
l’ensemble peu formés
9
pour mettre en
place projets et partenariats, leur mise
en œuvre reste en définitive largement
tributaire de la culture personnelle des
enseignants, si bien que le parcours
d’éducation artistique et culturelle des
élèves est aléatoire . L’institution scolaire
ne s’est manifestement pas encore
approprié l’objectif de doter tous
les élèves, au cours de leur scolarité
obligatoire, d’un socle commun non
seulement de connaissances et de
compétences, mais aussi de culture .
Au-delà de l’organisation interne à
l’école, la généralisation bute aussi
sur une participation très inégale
des collectivités, qui sont pourtant
des partenaires importants . La
gouvernance territoriale, prévue
par une circulaire de mai 2017, est
diversement mise en œuvre, et les
comités territoriaux de pilotage ne sont
Dans quelle mesure les élèves
peuvent-ils bénéficier d’un parcours
d’éducation artistique et culturelle
continu, organisé et diversifié ?
2
9 . La formation des enseignants à l’éducation artistique et culturelle repose principalement sur la
formation continue, qui reste à consolider .
18
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
pas systématiquement réunis . Depuis
décembre 2021, le Haut Conseil de
l’éducation artistique et culturelle
10
,
instance nationale de concertation
associant tous les acteurs, notamment
les différents niveaux de collectivités
territoriales, n’est plus réuni par les
ministres de la culture et de l’éducation
qui le co-président, et la concertation
État-collectivités est à l’arrêt au plan
national . Les deux ministères porteurs
de cette politique ont voulu reprendre
la main, mais se sont privés d’une
concertation indispensable à la bonne
gouvernance de l’ensemble .
En définitive, l’éducation artistique
et culturelle est une politique que
l’État assume imparfaitement, malgré
l’affichage d’un objectif ambitieux, et
dont le déploiement est parfois bridé
par la difficulté des collectivités à s’y
engager, faute de moyens ou parce que
d’autres priorités s’imposent à elles .
Une organisation plus
systématique à mettre en place
au sein de l’éducation nationale
Le parcours d’éducation artistique
et culturelle est aujourd’hui l’un des
quatre parcours éducatifs
11
de l’ensei-
gnement scolaire . Il est paradoxal de
viser l’universalité en appuyant cette
politique sur un dispositif de parcours,
obligatoirement offert à tous les élèves
selon le code de l’éducation, mais en
pratique considéré comme plus ou
moins facultatif au sein des établis-
sements, d’autant qu’il ne s’appuie
pas sur un programme et un horaire
correspondant dans l’emploi du temps
des élèves, sauf pour l’éducation mu-
sicale et les arts plastiques au collège .
L’offre d’éducation artistique et cultu-
relle est très dépendante des initiatives
individuelles des enseignants et doit être
structurée de manière systématique
si la volonté est de la généraliser . Des
établissements ont trouvé des modes
d’organisation efficaces par exemple
en déployant le parcours d’éducation
artistique et culturelle par niveau de
classe, chaque niveau bénéficiant, pour
toutes les classes, d’un ou plusieurs
dispositifs . L’idéal est évidemment
que les dispositifs choisis comportent
les trois composantes de l’éducation
artistique et culturelle (connaissances,
pratique artistique, rencontres avec
les œuvres et les artistes) . Dans tous
les cas, l’organisation de l’éducation
artistique et culturelle pour tous
les élèves implique l’engagement
personnel du directeur d’école
ou du chef d’établissement pour
animer la concertation, et arbitrer la
programmation et la répartition des
moyens .
Dans quelle mesure les élèves peuvent-ils
bénéficier d’un parcours d’éducation artistique
et culturelle continu, organisé et diversifié ?
10 . Le 31 janvier 2025, le Sénat a voté la suppression de plusieurs instances consultatives, parmi
lesquelles figure le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle . Cette proposition doit être
examinée par l’Assemblée nationale .
11 . Au même titre que le parcours d’éducation à la santé, et le parcours d’éducation à la
citoyenneté, qui tous deux débutent aussi à l’entrée à l’école, et le parcours avenir, destiné à
appuyer les choix d’orientation de l’élève, qui commence à l’entrée au collège .
« Un parcours
éducatif désigne un ensemble structuré, progressif et continu d’enseignements, non limité à
une discipline, et de pratiques éducatives, scolaires et extrascolaires, autour d’un thème. L’élève
construit des compétences et acquiert des connaissances en fonction des expériences, des
rencontres et des projets auxquels il participe »
(site du rectorat de Lyon) .
19
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des dispositifs d’éducation
artistique et culturelle
à resserrer pour mieux en
garantir l’effectivité et la qualité
L’enquête a enfin montré que
la création de la part collective
du pass Culture a donné lieu
au développement d’une offre
pléthorique, répondant à une logique
de guichet ; certains acteurs se sont
d’ailleurs créés à cette occasion .
Le référencement des acteurs culturels
pour la part collective est l’objet d’un
cadrage minimaliste et juridiquement
fragile, qui ne permet pas un contrôle
effectif de la qualité de l’éducation
artistique et culturelle, alors qu’elle est
financée sur fonds publics et s’adresse
à un public scolaire captif, qui doit être
protégé et bénéficier d’une qualité
garantie . Selon tous les acteurs, cette
qualité est généralement bien assurée
dans le cadre des grands dispositifs
nationaux, ou bien par les opérateurs
culturels labellisés par le ministère
de la culture, ou encore à travers les
parcours culturels offerts aux élèves
par certaines collectivités (notamment
des villes ou des intercommunalités) .
Sur ces questions, la préconisation
majeure est de resserrer les dispositifs
offerts dans le cadre scolaire . Un
système dans lequel on référence
plus de 12 000 acteurs sans pouvoir
offrir une éducation artistique
et culturelle à tous les élèves est
non seulement incontrôlable mais
inefficace, et ne se justifie pas .
L’éducation artistique et culturelle
ne peut pas avoir pour fonction
d’assurer l’équilibre économique voire
la survie d’une myriade d’acteurs
culturels qui trouveraient un débouché
dans l’animation culturelle pour les
scolaires . Le soutien aux artistes relève
d’une autre politique, même s’il est
tout à fait légitime et souhaitable que
l’éducation artistique et culturelle
s’insère dans leur parcours, par
exemple avec la formule des artistes
en résidence, qui comporte des
procédures de sélection, et dont la
qualité est généralement reconnue .
En conclusion, l’évaluation réalisée
par la Cour a mis en évidence trois
principaux enseignements .
Tout d’abord, malgré l’affirmation du
principe d’universalité de l’éducation
artistique et culturelle, et en dépit des
financements croissants mobilisés,
l’accès à la culture reste tributaire
des ressources de proximité et des
moyens que les collectivités peuvent
lui accorder . Le déploiement de cette
politique laisse persister des inégalités
territoriales, si bien que l’objectif
d’universalité n’est pas atteint .
Dans quelle mesure
la gouvernance de cette politique
permet-elle de garantir l’effectivité
et la qualité des dispositifs ?
3
20
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Ensuite, au sein des établissements,
l’organisation de l’enseignement
scolaire ne permet pas de garantir à
tous les élèves un accès systématique
aux actions et dispositifs d’éducation
artistique et culturelle, ni même de
les recenser de façon exhaustive .
La cohérence du parcours entre les
différentes étapes de la scolarité
mais aussi entre les temps scolaire
et périscolaire n’est pas assurée, et
des inégalités sociales persistent en
fonction des degrés et des filières de
la scolarité .
Enfin, la gouvernance de cette
politique, insuffisante au plan national,
est diversement organisée dans les
territoires, alors que la multiplicité
des partenaires et des dispositifs
nécessite un pilotage efficace . En
l’absence de mécanismes de contrôle
et d’évaluation suffisants, l’effectivité
et la qualité des actions d’éducation
artistique et culturelle proposées aux
élèves de l’enseignement scolaire n’est
pas toujours garantie .
Par conséquent, la Cour formule huit
recommandations visant à mieux
structurer le pilotage de cette politique
publique, à en favoriser le déploiement
systématique dans les établissements
scolaires, tout en veillant à évaluer les
dispositifs et les actions pour garantir
aux jeunes une éducation artistique et
culturelle effective et adaptée à leurs
besoins .
Dans quelle mesure la gouvernance
de cette politique permet-elle de garantir
l’effectivité et la qualité des dispositifs ?
21
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1.
Mettre en place dès la rentrée
2025 un suivi effectif des projets
d’éducation artistique et culturelle
pour toutes les classes des écoles
maternelles et élémentaires, en
s’appuyant sur les inspecteurs de
circonscription et sur la plateforme
de l’application consacrée à la
généralisation de l’éducation
artistique et culturelle
Adage
(ministère de l’éducation nationale).
2.
Développer dès la rentrée 2025 la
formation continue des enseignants
en valorisant les formations inter-
degrés et former les artistes
intervenant pour la première fois
dans les écoles, collèges et lycées en
privilégiant des formations partagées
avec les enseignants
(ministère de
l’éducation nationale, ministère de la
culture).
3.
Dès la rentrée 2025, étendre à
la totalité des classes des écoles,
collèges et lycées, une organisation
systématique de parcours
d’éducation artistique et culturelle,
pilotée par le directeur d’école ou le
chef d’établissement
(ministère de
l’éducation nationale).
4.
Éditer et communiquer annuel-
lement dès la rentrée 2025 pour
chaque élève, et tous les niveaux de
classe, l’attestation individuelle de
parcours d’éducation artistique et
culturelle
(ministère de l’éducation
nationale).
5.
Réunir au moins une fois par an un
comité interministériel associant tous
les ministères engagés dans l’éduca-
tion artistique et culturelle
(Secréta-
riat général du Gouvernement).
6.
Tenir avant la rentrée 2025 et
chaque année une concertation
nationale des ministères concernés
avec les collectivités territoriales
(ministère de l’éducation nationale,
ministère de la culture).
7.
Assurer la tenue annuelle dès 2025
des comités territoriaux de pilotage
de l’éducation artistique et culturelle
dans chaque région, en privilégiant
la contractualisation opérationnelle
entre services de l’État et collectivités
(ministère de l’éducation nationale,
ministère de la culture).
8.
Dès 2025, sécuriser réglementaire-
ment la procédure de référencement
dans le cadre de la part collective du
pass Culture et la resserrer autour de
dispositifs nationaux ou territoriaux
incluant une procédure d’évaluation
périodique obligatoire
(secrétariat
général du Gouvernement).
Conclusion
et recommandations