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COMMUNIQUÉ DE PRESSE
13 janvier 2025
Rapport public thématique
LA RÉPARTITION DES ZONES DE COMPÉTENCE
ENTRE LA POLICE ET LA GENDARMERIE
NATIONALES
En France, la police et la gendarmerie nationales assurent conjointement les missions de
sécurité et de paix publiques. Depuis le rattachement de la gendarmerie au ministère de
l’intérieur en 2009, elles dépendent de la même autorité politique. Les forces de sécurité
intérieure emploient 253 000 policiers et gendarmes et bénéficient depuis plusieurs années
d’un budget en hausse. Pour autant, la répartition territoriale des zones de compétence de
la police et de la gendarmerie nationales a peu évolué au cours des 80 dernières années,
malgré les modifications intervenues tant sur le plan de la démographie qu’en termes de
délinquance. Entre lourdeurs décisionnelles et concurrence entre les deux forces, la carte
des zones de compétence est totalement figée depuis dix ans. Face à ce constat, la Cour a
analysé la répartition territoriale des forces de sécurité dans la double perspective de
répondre au mieux aux besoins de la population en matière de sécurité et d’optimiser
l’allocation des moyens publics. La répartition actuelle des forces, datée et incohérente, est
source de dysfonctionnements et d’inefficiences au détriment du service rendu à la
population. Il est désormais urgent que le ministère de l’intérieur s’empare de ce sujet et
procède aux ajustements nécessaires.
Une carte incohérente, source de difficultés et de plus en plus contournée
Historiquement, la gendarmerie était chargée de la sécurité en milieu rural, et les polices, alors
municipales, l’étaient dans les villes. En 1941, le régime de Vichy a étatisé la police dans les
communes de plus de 10 000 habitants, en transférant aux préfets certains pouvoirs des maires
à travers le régime dit de « police d’État ». Ce régime a été étendu en 1996 à tous les chefs-
lieux de départements, indépendamment de critères démographiques ou de niveau de
délinquance. Mis à part ce changement, les modifications dans la répartition des zones de
police/gendarmerie en France ont été rares depuis 80 ans et plus aucune n’est intervenue
depuis 2014, alors même que l’évolution de la démographie et celle de la délinquance
l’auraient justifié. La Cour des comptes recommande une révision du cadre juridique pour
permettre une meilleure articulation entre la police et la gendarmerie.
L’organisation de la police nationale repose sur des circonscriptions qui doivent être en mesure
d’assurer la totalité de leurs missions de manière autonome. Ce schéma, qui nécessite un socle
incompressible d’effectifs, est adapté aux territoires urbains densément peuplés. Inversement,
la gendarmerie s’appuie sur de multiples unités fonctionnant selon un principe de subsidiarité,
qui lui permet de faire évoluer son organisation sur un territoire plus étendu.
Pourtant, plus
d’une circonscription de police sur dix couvre une population inférieure à 20 000 habitants,
quand les deux-tiers des communes intégrées à des métropoles sont en zone gendarmerie. La
Cour recommande de transférer les petites circonscriptions de police à la gendarmerie, de
transférer à la gendarmerie nationale l’ensemble des communes des départements ruraux et
faiblement peuplés, chefs-lieux inclus et, parallèlement, de confier à la police les communes
des métropoles qui présentent des enjeux de délinquance continus avec ceux de la ville-centre.
Par ailleurs, la réglementation actuelle prévoit des exceptions, parfois inutilement complexes,
à la stricte séparation entre zone police et zone gendarmerie (cas communes nouvelles sous
compétence mixte police-gendarmerie) mais ne permet pas de régler les besoins opérationnels
de certains territoires (Camargue, plateau du Larzac par exemple). La Cour recommande une
modification de la réglementation pour remédier à ces situations.
Une conduite des transferts à revoir pour dépasser les rigidités de gestion
Faute d’objectifs opérationnels précis ou d’indicateurs fiables avant 2016, le bilan opérationnel
des précédents transferts est complexe à établir. Il a fait l’objet de rapports
ad hoc
qui ont
toujours conclu à leur effet positif sans pouvoir l’appuyer sur des éléments chiffrés.
Ces
transferts ont pu entraîner des surcoûts liés aux opérations immobilières et à une gestion peu
rigoureuse des mutations qui a conduit à des sureffectifs dans des zones sans enjeux de
délinquance.
La répartition territoriale de la police et de la gendarmerie traduit, au-delà des besoins
opérationnels, des enjeux de ressources humaines et d'attractivité pour chacune des forces.
Ces derniers pourraient être mieux conciliés avec le souhait des policiers et gendarmes. Ainsi,
le dispositif de détachement existant entre les deux forces depuis 2011 a été insuffisamment
mis à profit lors des précédents transferts, alors qu’il permet d’offrir une seconde carrière pour
les agents tout en limitant les mouvements de personnel. La Cour recommande de renforcer
cette passerelle.
Sortir de l’immobilisme pour répondre aux enjeux de sécurité publique des territoires
Les freins à une réécriture d’ampleur de la carte sont multiples. Ils tiennent notamment aux
enjeux d’équilibre entre police et gendarmerie, à la sensibilité de ce sujet pour les organisations
syndicales mais aussi, dans certains cas, aux réticences des élus locaux
.
Le ministère de
l'intérieur, confronté à de nombreuses crises depuis une dizaine d'années, a privilégié la gestion
de ces crises au détriment des ajustements nécessaires de la répartition de la police et la
gendarmerie sur le territoire, malgré la tutelle unique des forces depuis 2009. De plus, certaines
réformes internes récentes, comme la réorganisation de la police nationale et le plan
« 200 brigades » de la gendarmerie, contribuent à figer la carte à certains endroits. La Cour
recommande
néanmoins
de
reprendre
les
modifications
nécessaires
de
la
carte
police/gendarmerie, en privilégiant un ajustement continu plutôt que de grandes vagues
complexes à décider, parfois coûteuses et aux effets non maîtrisés Enfin, la question de la
répartition des zones police et gendarmerie doit être posée à l’aune de l’essor des polices
municipales, particulièrement dans les métropoles, et de la place croissante qu’elles occupent
dans le
continuum
local de sécurité.
*
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Julie Poissier
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Jean-Christian Gauze
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